FILETS NARRATIFS Le Figaro, 6 juin 1971 AVENUE DU

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FILETS NARRATIFS Le Figaro, 6 juin 1971 AVENUE DU
FILETS NARRATIFS
Le Figaro, 6 juin 1971
AVENUE DU PRÉSIDENT WILSON (8e)
UN CAMBRIOLEUR VOLE QUATRE MILLIONS DE FRANCS DE BIJOUX A UN AMÉRICAIN
M. et Mme Reynolds n’occupent que l'été leur domicile parisien, situé au huitième étage, 8, avenue du
Président-Wilson (8e). Durant les autres mois de l'année, ils habitent soit à Richmond (Virginie), soit
à Miami, soit aux Bahamas.
Mardi soir, ils avaient dîné hors de Paris. L'employée de maison, Mme Rafaela Martinez, 32 ans, au
service de M. et Mme Reynolds depuis deux mois seulement, était seule. A 23 heures, entendant du
bruit, elle se dirigea vers le boudoir. Dès qu'elle y pénétra, elle se trouva en présence du malfaiteur, qui
s'était introduit en brisant un carreau de la porte vitrée donnant sur la terrasse.
L'homme, âgé de 35 à 38 ans, avait les cheveux grisonnants. Un bandeau dissimulait son visage. Il
portait une veste bleue et un pantalon gris. Il était armé d'un pistolet.
Le voleur obligea alors Mme Martinez à le conduire dans la chambre de ses patrons et à lui désigner
les mallettes de voyage à l'intérieur desquelles se trouvaient environ 3 300 000 francs de bijoux et 55
000 francs en argent liquide.
Après s'être emparé de son butin, le voleur sortit de sa poche une pelote de ficelle avec laquelle il
ligota la jeune femme. Puis, l'ayant également bâillonnée, il l'allongea sur le lit des époux Reynolds
avant de repartir par la terrasse. M. et Mme Reynolds rentrèrent à 2 heures du matin et délivrèrent
leur employée.
LE MALFAITEUR SERAIT RENTRÉ PAR LE GARAGE
D'après les premiers résultats de l'enquête, il semble que le malfaiteur se soit introduit dans l'immeuble
par la porte du garage, dont le système automatique de fermeture était tombé mystérieusement en
panne voici deux jours. A la suite de cet incident mécanique, n'importe quel passant pouvait avoir
accès à l'ascenseur conduisant aux appartements et à la terrasse.
« Ce qui m'étonne, dit M. Reynolds, c'est que l'homme ait réussi à briser la vitre de sécurité qui est
très épaisse. »
Hier matin, l'ancien industriel, âgé de 66 ans, s'est rendu au commissariat de police où il a déposé une
plainte. Assailli de questions, il s'est refusé à toute déclaration.
L’Humanité, 6 juin 1971
3 300 000 FRANCS DE BIJOUX
C’EST LE BUTIN DU CAMBRIOLAGE DE L’AVENUE DU PRÉSIDENT WILSON
C'est un somptueux butin comprenant des rubis, des diamants, des émeraudes, des colliers de perles
fines d'une grande valeur qui a été volé mardi, à 22 heures 30, dans l'appartement parisien d'un riche
Américain, M. Morgan Reynolds, 8, avenue du Président-Wilson, dans le seizième arrondissement.
Agé de 66 ans, retraité depuis l'an dernier, ancien administrateur de plusieurs sociétés bancaires et
industrielles américaines et de quelques compagnies d'assurances, résidant le plus souvent à Miami
(Floride), mais habitué à passer ses vacances estivales dans son appartement du seizième, M. Morgan
Reynolds eut une bien fâcheuse surprise lorsque, au retour d'une grande réception, il rentrait, en
compagnie de son épouse, à son domicile vers 2 heures du matin, et découvrait le boudoir proche de
l'entrée entièrement dévasté, les tiroirs des meubles arrachés, vidés de leur contenu.
Pénétrant dans la chambre conjugale, il découvrait de surcroît, la femme de chambre, Rafaela
Martinez, 32 ans, bâillonnée, ligotée sur le lit, encore toute tremblante de peur.
Mme Martinez parvenait, non sans peine, à balbutier les circonstances de sa mésaventure. “Je
dormais, a-t-elle essayé d'expliquer aux policiers, quand, à 22 heures 30, j'ai entendu un bruit de vitres
brisées. Le malfaiteur, qui est arrivé par les toits et la terrasse était armé d'un pistolet ou d'un
revolver. – Où est la chambre de tes patrons ? Où sont les bijoux ? m'a-t-il demandé. »
Après s'être emparé de son butin (deux mallettes dissimulées dans le boudoir, l'une contenant des
bijoux d'une valeur de 3 300 000 F, l'autre 55 000 F en argent liquide), le voleur sortait de sa poche
une pelote de ficelle, ligotait la malheureuse domestique, et repartait par la terrasse en passant par une
autre fenêtre.
France Soir, 6 juin 1971
POUR RAFLER CINQ MILLIONS
LE CAMBRIOLEUR S’EST RENSEIGNÉ PAR TÉLÉPHONE
Deux précautions valent mieux qu'une. L'astucieux cambrioleur savait sans doute que M. et Mme
Reynolds avaient quitté mardi soir leur appartement, 8, avenue du Président-Wilson (8e), mais il
voulait s'en assurer par un coup de téléphone.
–Monsieur et Madame sont-ils ici ? Non ? Alors je rappellerai demain, dit le mystérieux
correspondant à 20 h 30, à la femme de chambre, Mme Rafaela Martinez, 32 ans, avant de
raccrocher précipitamment.
Deux heures plus tard, la porte de la chambre de Mme Martinez s'ouvrait brutalement.
–Un homme est entré. Il avait un foulard sur le visage jusqu'à mi-nez. Il m'a tirée par les cheveux et
sortie du lit en demandant : “Où sont les bijoux de ta patronne ?” J'ai refusé de répondre, il m'a
frappée brutalement.
Le cambrioleur obligea ensuite la jeune femme à l'accompagner jusqu'à la chambre de ses employeurs.
Une fouille méthodique lui permit de découvrir un véritable trésor : 700 000 dollars en bijoux et 15
000 dollars en billets, soit un butin de près de 5 millions de francs!
Ce n'est que trois heures plus tard que M. et Mme Reynolds découvraient leur femme de ménage
ligotée et alertaient les policiers.
Aucune trace d'effraction n'ayant été retrouvée sur les portes, on pense que le cambrioleur s'était
introduit par les toits dans l'appartement parisien de M. Morgan Reynolds, 66 ans, banquier aux
Bahamas.
Télérama n° 2666 – 14 février 2001 (p. 20-21)
Les nouvelles technologies ne favorisent pas la vie de famille
NÉVROSES DANS LA VALLEY
Il était une fois un pays merveilleux au ciel sans nuage et à l’avenir toujours radieux. « Berceau des nouvelles
technologies », « fer de lance de la nouvelle économie », c’était, disent les anciens, une terre de start-up, de travail
et d’allégresse. Bref, un vrai conte de fées, que le monde entier regardait avec envie. Du moins jusqu’à ce que, début
janvier, deux anthropologues américains décrivent de l’intérieur les joies de la vie de famille à Silicon Valley.
Jan English-Lueck et Charles Darrah, professeurs à l’université de San Jose, étudient depuis dix ans l’impact des
nouvelles technologies sur l’équilibre des sociétés. Cet impact, ils l’ont observé dans des milieux « traditionnels »
(Dublin), dans des villes modernes (Taipei) et, pendant plus de deux ans, auprès de quatorze familles cobayes de la
Silicon Valley, des familles « typiques » où les deux parents sont actifs et bossent pour l’industrie informatique.
Et, foi d’anthropologues, ils n’avaient encore rien vu de pareil. Ici, sous la pression conjuguée d’horaires de travail
insensés (ou de l’absence tout court d’horaires de travail), d’un culte délirant pour l’informatique et d’une insatiable
course au fric, le noyau familial a une furieuse tendance à se disloquer. La faute au temps, que l’Homme de Silicon
consacre en priorité aux deux déesses de la région, l’innovation et la productivité. Pressés, forcément pressés, les
parents confient la garde et l’éducation de leur progéniture à des éléments extérieurs, comme en témoignent ces
dessins de mômes où les tutrices et autres jeunes filles au pair figurent en lieu et place des mamans. Et finalement,
affirment nos deux anthropologues, la famille siliconienne ne partage plus que le culte du gadget. Ah ! l’extase des
mères de famille branchées devant le système de navigation électronique de leur voiture qui leur permet d’éviter les
bouchons et de gagner un temps précieux... immédiatement réinvesti dans le travail. C’est une constante du Silicon
behaviour. Quant aux enfants, nourris à l’informatique depuis leur naissance, ils n’ont pas d’autre issue, arrivés à
l’adolescence, que de développer une formidable capacité à fabriquer des logiciels ou un solide complexe
d’infériorité. Dur pour le conte de fées.
Olivier Pascal-Mousselard