La prise en charge de la peur de tomber apporte-t
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La prise en charge de la peur de tomber apporte-t
Article original Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2007 ; 5 (3) : 225-35 La prise en charge de la peur de tomber apporte-t-elle un bénéfice au patient âgé chuteur vivant en milieu communautaire ? À propos d’une étude pilote de 15 cas Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Does the care for the fear of falling bring a profit to community living elderly people who had experienced falls? Résumé. Introduction : la chute est une expérience fréquente aux conséquences multiples chez les personnes âgées, physiques mais aussi psychologiques avec une appréhension de tomber qui entraîne une diminution des activités de la vie quotidienne, une perte des capacités fonctionnelles constituant ainsi une porte entrée dans la dépendance. Il nous a paru intéressant d’évaluer les bénéfices de la prise en charge de la peur de tomber chez ces personnes âgées chuteuses. Méthodologie : nous avons réalisé une étude pilote incluant de manière prospective les personnes âgées chuteuses ayant un statut cognitif conservé qui ont été suivies en Hôpital de jour au cours d’une année, en effectuant un bilan avant et CHU de Saint-Étienne, après la rééducation pluridisciplinaire incluant une prise en charge psychologique spécifihôpital Charité, Gérontologie que : le photolangage. Nous avons utilisé les échelles d’évaluation ADL, IADL, SF-36, SAFE, Clinique, 42055 Saint-Etienne échelles verbale et analogique de la peur de tomber. Résultats : quinze patients ont été Cedex 2 <[email protected]> inclus (âge moyen 85,0 ± 5,7 ans) ; la plupart étaient des femmes, vivant seules, ayant un statut nutritionnel correct, une insuffisance rénale modérée, une comorbidité entraînant Tirés à part : une polymédication. Les échelles ADL et IADL montraient surtout une consolidation de leur R. Gonthier capacité fonctionnelle, avec une amélioration légère des scores de ces deux échelles, statistiquement significative uniquement pour l’IADL (p < 0,05). Les échelles évaluant la peur de tomber (échelle visuelle analogique, verbale, SAFE) ont mis en évidence une amélioration statistiquement significative de la peur de la chute après la prise en charge pour chacune d’entre elles (p < 0,001). L’échelle SF-36 explorant la qualité de vie perçue par les patients montrait une grande altération de celle-ci en post-chute immédiate et une amélioration statistiquement significative de sept des huit sous-échelles après rééducation. Le score résumé physique (PCS) était amélioré de façon non significative alors que le score résumé psychique (MCS) progressait de manière statistiquement significative (p < 0,001) suite à la prise en charge. Conclusion : la prise en charge pluridisciplinaire et adaptée de la peur de tomber chez les personnes âgées chuteuses vivant en milieu communautaire apporte un bénéfice en termes de qualité de vie et de maintien d’autonomie à ces personnes fragilisées. MARION DE ROGALSKI LANDROT CATHERINE PERROT PATRICIA BLANC OLIVIER BEAUCHET MARIE-ANGE BLANCHON RÉGIS GONTHIER doi: 10.1684/pnv.2007.0079 Mots clés : chute, pluridisciplinarité, peur de tomber, rééducation Abstract. Introduction: fall is common in old people and has multiple consequences, physical but also psychological, with a fear of falling which results in reduction in the activities of everyday life, loss of autonomy and entry in dependence. The aim of the study was to evluate the benefit of taking into account the fear of falling in the care of old people who had experienced falls. Methodology: old people who experienced falls and with a good cognitive status were followed in a day hospital during one year. Evaluation including a specific assessment of the responsibility of the psychological factor, the photolangage, was performed before and after multi-field rehabilitation. We used the rating scales ADL, IADL, SF-36, SAFE, and verbal and analogical scales of the fear of falling. Results: fifteen patients were included (mean age 85 years ± 5,7). The majority were women living alone, with a good Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 225 M. De Rogalski Landrot, et al. nutritional status, a moderated renal insufficiency, and a comorbidity involving polymedication. Scores on the ADL and IADL scales showed a consolidation of the patients’ autonomy, with a slight but significant improvement of the IADL scores (p < 0,05). All scales assessing the fear of falling (visual analogical, verbal scales, SAFE) showed a statistically significant improvement (p<0,001). SF-36 scale, exploring the quality of life perceived by the patients, showed a great deterioration immediately after falling, and a statistically significant improvement on seven of the eight subscales after rehabilitation. The global physical score (GCV) was improved in a nonsignificant way, whereas the global psychic score (MCS) progressed in a statistically significant way (p < 0,001). Conclusion: this pilot study shows that multi-field rehabilitation and adapted assumption of responsibility of fear of falling brings a benefit in term of quality of life and preservation of autonomy in old people living in the community who had experienced falls. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Key words: fall, multidisciplinarity, fear of falling, rehabilitation L es conséquences traumatiques des chutes chez les sujets âgés sont bien connues [1] et sont responsables de fractures dans 6 à 8 % des cas [2, 3]. En revanche, les conséquences psychomotrices et psychologiques, qui sont tout aussi fréquentes et graves, sont paradoxalement sous estimées [4-9]. En effet, la chute peut être à l’origine d’un « syndrome post-chute » [10] caractérisé par une sidération des automatismes acquis avec perte des réactions d’adaptation posturale et confinement au lit et au fauteuil. L’absence de prise en charge rééducative risque de faire évoluer ce tableau vers un syndrome de désadaptation psychomotrice [11, 12]. Sur le plan psychologique, la chute est l’occasion pour la personne âgée de prendre conscience de la fragilité de son état et d’entraîner un sentiment d’insécurité et de dévalorisation avec un risque d’évolution sur un versant dépressif [13]. Si l’intérêt d’une prise en charge des conséquences physiques a été décrit par de nombreux auteurs [14-16], très peu d’études d’intervention ont analysé les modalités de la prise en charge du symptôme « peur de tomber » et proposé des conduites à tenir pour prévenir la perte d’autonomie induite par ce symptôme. L’utilité réelle d’un suivi psychologique en complément de la rééducation ne fait pas l’objet de consensus. En l’absence de données sur l’intérêt d’introduire, au cours du processus de rééducation de la chute, une prise en compte de la peur de chuter, il nous est apparu utile d’évaluer l’impact de la prise en charge pluridisciplinaire de « la peur de tomber ». Nous avons développé une étude prospective chez des sujets chuteurs vivant à domicile avec l’objectif de comparer avant et après prise en charge spécifique, leur état psychologique, leur état fonctionnel et leur qualité de vie. 226 Sujets et méthodes Patients sélectionnés Nous avons inclus quinze personnes vivant dans la communauté qui avaient chuté dans les six mois précédents et capables de participer activement à un atelier thérapeutique, acceptant de participer à l’étude. Les critères d’exclusion étaient un score au Mini Mental Status Examination (MMSE) inférieur à 25 sur 30 et les patients qui refusaient la prise en charge psychologique par le photolangage. Pour chaque patient, une évaluation de sa situation sociale et familiale a été réalisée dans le but d’apprécier son degré d’isolement social. Les critères suivants ont été recherchés : situation maritale, quantification du nombre de visites par semaine, passage régulier d’une infirmière à domicile, quantification du nombre de sorties à l’extérieur par semaine (seul ou accompagné). Une évaluation de l’état de santé à partir de quelques critères sélectionnés a été réalisée. Nous avons évalué le statut cognitif des personnes prises en charge en rééducation par le MMSE [17]. Afin d’évaluer leur statut nutritionnel, nous avons calculé leur BMI (body mass index) selon la formule : Poids/Taille2. Nous avons admis une valeur seuil de 19 pour parler de dénutrition. L’échelle de comorbidité de Charlson nous a permis une appréciation de leur état de santé au travers d’un score donné en fonction des pathologies présentées par le patient et de leur gravité potentielle. Cette échelle attribue une pondération à des situations médicales pour en estimer le risque de mortalité à moyen terme [18]. Nous avons effectué une estimation de la clairance de la créatinine en appliquant la formule de Cockcroft-Gault [19], sachant qu’une valeur inférieure à 65 ml/min est un facteur de risque de chute significatif et indépendant reconnu dans la littérature Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 La peur de tomber [20]. Enfin, nous avons comptabilisé le nombre de médicaments pris quotidiennement, sachant qu’une consommation de plus de quatre médicaments par jour a été également reconnue dans la littérature comme un facteur de risque de chute indépendant [21-23]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Procédure de prise en charge Chaque patient suivi en ambulatoire en hôpital de jour au CHU de Saint-Etienne a reçu une prise en charge rééducative pluridisciplinaire comportant ; 1) un programme kinésithérapique centré sur l’équilibre après test d’évaluation de l’équilibre selon le degré d’autonomie [24], test moteur minimum [12], appréciation de la force musculaire, des déficits articulaires, de la posture, et centré sur la peur de la chute (travail de relever du sol, apprentissage de la chute) ; 2) un programme ergothérapique prenant en compte l’équilibre lors d’activités de la vie quotidienne avec progression vers des activités complexes de doubles tâches [25] ; 3) un programme de reprise au quotidien des stratégies d’équilibre précédemment décrites par les équipes soignantes à chaque séance d’hôpital de jour ; 4) une prise en charge psychologique particulière : le photolangage [26]. Celui-ci consiste en un travail sur la peur de la chute animé par une psychologue et un soignant à raison d’une séance par semaine par groupe de cinq pendant trois mois (douze séances). Les patients pouvaient exprimer leur vécu et leur appréhension de la chute, le but étant de verbaliser leur peur de tomber à partir de photographies. La séance de photolangage se déroulait en deux temps. En premier lieu, une question élaborée par les soignants était posée aux membres du groupe à laquelle ils devaient répondre à l’aide d’une photo qu’ils avaient choisie parmi celles proposées. Le second temps de la séance consistait en un échange libre à partir des photos sélectionnées par le patient lui-même. Bilan avant et après la prise en charge rééducative • Quantification des chutes et répercussions de celles-ci sur l’indépendance fonctionnelle dans les activités de la vie quotidienne Par l’interrogatoire, nous avons quantifié le nombre de chutes antérieures dans l’année écoulée et nous avons évalué la restriction des activités de la vie quotidienne qui en résultait avant et après la prise en charge. Nous avons proposé à chaque patient un calendrier de chutes pendant les trois mois suivant la prise en charge afin de les quantifier. L’échelle ADL (activity of daily living) de Katz [27] a été appliquée pour chaque Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 Points clés • Les conséquences des chutes chez les sujets âgés sont autant psychologiques que physiques. • La peur de tomber provoque une diminution de l’autonomie qui favorise l’institutionnalisation. • Une prise en charge multidisciplinaire incluant la peur de tomber entraîne une amélioration des activités de la vie quotidienne et de la qualité de vie. personne. C’est une échelle qui permet de quantifier l’indépendance fonctionnelle dans les activités de la vie quotidienne par l’analyse de six items de base des actes de la vie courante : indépendance pour les transferts, s’habiller, manger, se laver, se rendre aux toilettes et être continent. Elle est cotée de 0 (dépendance complète) à 6 (autonomie complète). Nous avons également utilisé l’échelle IADL (instrumental activity of daily living) de Lawton [28]. Il s’agit d’une échelle instrumentale de la vie courante qui permet d’évaluer les capacités du patient à assumer ses propres soins mais aussi son aptitude à se servir des instruments de la vie courante (téléphone, argent, blanchisserie, transports en commun...). Cette échelle est cotée de 0 (absence complète d’autonomie) à 14 (autonomie complète). • Echelles verbale et analogique de la peur de tomber Pour quantifier la peur de chuter nous avons utilisédeux échelles subjectives. L’échelle verbale de la peur de tomber consistait à demander au patient de choisir la proposition qui correspondait le mieux à son ressenti par rapport à la chute parmi les suivantes : Je n’ai pas peur, J’ai un peu peur, J’ai peur, J’ai très peur, J’ai extrêmement peur. Ces cinq propositions étaient cotées de 0 à 4 allant de l’absence de peur à une peur maximale. L’échelle visuelle analogique (EVA de la peur de tomber) consistait à demander au patient de positionner le curseur d’une réglette cotée de 0 à 10 au niveau qu’il pensait correspondre le mieux à sa peur face à la chute. Nous avons utilisé la réglette d’échelle visuelle analogique habituellement utilisée pour coter la douleur. • Échelle SAFE L’échelle SAFE est une échelle validée qui permet d’évaluer le degré de peur de tomber [29]. Elle consistait à demander au patient d’évaluer son degré d’appréhension face à la chute pour chacune des 11 activités prédéfinies suivant quatre possibilités : pas 227 M. De Rogalski Landrot, et al. Tableau 1. Caractéristiques cliniques des quinze sujets chuteurs. Table 1. Clinical characteristics of the subjects who experienced falls. Âge moyen : an (SDa) Poids moyen : kg (SD) BMIc moyen : kg/m2 (SD) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. MMSE moyen (SD) Comorbidité de Charlson Score moyen (SD) Médicaments pris quotidiennement : Nombre moyen (SD) a Tous N = 15 85,1 (5,7) [72 - 94]b 63,0 (14,6) [42 - 95] 23,9 (5,4) [19 - 37] 27,6 (1,9) [25 - 30] 2,9 (1,5) Hommes N=3 87,6 (7,1) Femmes N = 12 84,4 (5,4) 69,0 (12,8) 61,5 (15,2) 22,3 (3,8) 24,3 (5,8) 28,3 (2,1) 27,4 (1,9) 2,3 (1,5) 3,0 (1,5) 6,5 (3,2) [2 - 14] SD : déviation standard. b [Valeur la plus basse - Valeur la plus haute]. c Body mass index. Tableau 2. Situation sociale, mobilité et nombre de chutes avant et après la prise en charge. Table 2. Social activity, motility and prevalence of falls before and after rehabilitation. Avant prise en charge Mode de vie Nombre de visites / 7 j Nombre de sorties extérieures / 7 j Modalités de sortie Nombre de chutes antérieures dans l’année écoulée Après prise en charge Nombre de chutes dans les 3 mois suivant la prise en charge Reprise des activités quotidiennes Reprise des sorties extérieures Nombre de sorties extérieures / 7 j Modalités de sortie Seul : 73 % Vit accompagné : 27 % Marié : 40 % Veuf : 46 % Célibataire ou divorcé : 14 % 1 à 2 : 20 % 3 à 7 : 47 % > 7 : 33 % 0:7% 1à2:7% 3 à 7 : 26 % Seul : 86 % Accompagné : 14 % 1 à 2 : 73 % 3 à 5 : 20 % >5:7% 0 : 73 % 1 à 2 : 20 % Oui : 87 % Oui : 100 % 1 à 2 : 40 % Seul : 53 % Non : 13 % Non : 0 % 3 à 7 : 13 % inquiet du tout, un peu inquiet, assez inquiet, très inquiet. Ces quatre propositions étaient cotées de 0 à 3 allant de l’absence de peur à une peur maximale. • Échelle MOS SF-36 Le MOS SF-36 (Medical outcome study short form 36 item health survey) est un questionnaire généraliste destiné à permettre le recueil du point de vue des patients sur leur propre état de santé dans divers domaines médicaux. C’est un reflet indirect du niveau de qualité de vie ressentie par les patients. Cet autoquestionnaire comprend 36 questions regroupées en huit sous échelles correspondant chacune à un aspect différent de la santé. Deux scores résumés sont individualisables : un score « résumé physique » (physical 228 3à5:7% > 7 : 60 % >5:0% > 7 : 47 % Accompagné : 47 % composite score : PCS) et un score « résumé psychique » (mental composite score : MCS). Les résultats des sujets ont été comparés aux scores de la validation de la version française du MOS SF 36, obtenus chez 275 sujets de 75 ans et plus collectés par la société Sofres médicale auprès d’un panel de sujets représentatif de la population nationale française [30]. Analyses statistiques des résultats Les moyennes ont été exprimées avec les déviations standards (m ± SD). L’analyse des données a été faite avec le logiciel Excel®. Nous avons utilisé le test non paramétrique « méthode des couples » pour la comparaison des scores. Le seuil de significativité retenu a été de p < 0,05. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 La peur de tomber Résultats extrêmes allant de 2 à 14. Une proportion importante (67 %) des personnes étudiées était des consommateurs quotidiens de psychotropes (de un à trois psychotropes différents par jour). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Caractéristiques de la population étudiée Il s’agissait d’une population d’âge moyen de 85 ± 5,7 ans (extrêmes 72 à 94 ans) avec une majorité de femmes (80 %) (tableau 1) ; 73 % vivaient seuls ; un tiers nécessitait le passage d’une infirmière à domicile (33 %). Au niveau social, un tiers avait au moins une visite par jour ; 47 % avaient 3 à 7 visites par semaine et 20 % une à deux visites par semaine. Soixante pour cent de cette population sortaient à l’extérieur tous les jours avant la survenue de la chute (tableau 2) (26 % effectuaient 3 à 7 sorties par semaine ; 7 % effectuaient 1 à 2 sorties par semaine et 7 % ne sortaient jamais de leur domicile) ; 86 % effectuaient leurs sorties seuls, les autres ne sortaient qu’en étant accompagnés. Au niveau cognitif, le score moyen au MMSE était de 27,6 sur 30 (28,3 pour les hommes et 27,4 pour les femmes). Sur le plan nutritionnel, le BMI moyen était à 23,9 kg/m2 (hommes : 22,3 ; femmes : 24,3) avec cependant des écarts importants allant de 19 à 37. L’estimation de la valeur moyenne de la clairance de la créatininémie selon la formule de Cockcroft-Gault était de 42 mL/min (49,9 pour les hommes et 39,9 pour les femmes), ce qui correspondait à un degré d’insuffisance rénale chronique modéré. Le score moyen de l’échelle de comorbidité de Charlson était de 2,9 (2,3 pour les hommes et 3 pour les femmes). Il existait une polymédication importante avec un nombre moyen de médicaments différents pris quotidiennement de 6,5, avec des Toutes les personnes inclues dans l’étude avaient chuté au moins une fois dans l’année précédente : 73 % avaient présenté 1 à 2 chutes, 20 % 3 à 5 chutes et 7 % pouvaient être qualifiés de chuteurs à répétition avec plus de cinq chutes dans l’année précédente. Une très grande majorité (87 %) avait réduit ses activités de la vie quotidienne suite à la chute. À l’issue de la rééducation, seul un quart (27 %) des personnes interrogées avait rechuté dans les trois mois. La plupart de ces personnes disaient avoir repris leurs activités de la vie quotidienne (87 %) et toutes avaient repris les sorties à l’extérieur, tout en notant une diminution de la fréquence de celles-ci. Seulement un peu plus de la moitié (53 %) poursuivaient leurs sorties seules alors que 47 % ne sortaient plus qu’accompagnées. Évolution des capacités fonctionnelles selon les échelles ADL et IADL Il n’a pas été mis en évidence de différence statistiquement significative avant et après la rééducation entre les scores à l’échelle ADL (figure 1). Le score moyen était de 5,2 ± 0,8 sur un maximum de 6 points avant la rééducation. En post rééducation le score moyen était de 5,5 ± 0,5. Par contre, une différence statistiquement significative avant et après la rééducation a été constatée entre les scores à l’échelle IADL Échelle ADL 6 ns Échelle IADL 14 12 5 * 10 4 8 3 6 2 4 1 2 0 0 avant rééducation * p < 0,05 après rééducation Figure 1. Évolution de l’autonomie physique et instrumentale chez les quinze sujets ayant bénéficié d’une rééducation pluridisciplinaire. Figure 1. ADL and IADL scores before (dark) and after (light) rehabilitation. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 229 M. De Rogalski Landrot, et al. (p < 0,05). En post chute le score moyen était de 9,8 ± 3,1 sur un maximum de 14 points. Après la rééducation le score moyen était de 10,5 ± 2,6. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Évolution de la peur de tomber d’après les échelles globales Le score moyen de l’échelle verbale de la peur de tomber avant la rééducation était à 2,4 ± 1,2 (figure 2). La rééducation a eu un impact statistiquement significatif (p < 0,001) sur la diminution de la peur de tomber exprimée par les personnes âgées chuteuses avec un score final à 1,3 ± 0,9. Le score moyen à l’échelle visuelle analogique de la peur de tomber avant la rééducation s’élevait à 6,7 ± 2,6. L’amélioration des scores de cette échelle a été statistiquement significative (p < 0,001) avec un score final à 4,1 ± 2,3. Le score de l’échelle SAFE, qui augmente avec l’intensité de la peur de tomber, est exprimé sur un total maximum de trente trois points. Avant la rééducation les patients chuteurs avaient un score moyen de 22,1 ± 5,3. La rééducation a abaissé ce score à 13,4 ± 3,6, ce qui donnait une différence hautement significative (p < 0,001). Répercussions de la chute avant et après la rééducation sur la qualité de vie ressentie explorée par l’échelle SF-36 • Analyse des sous-échelles physiques Le niveau d’activité physique (PF) avant la rééducation était de 22 ± 14 pour un score moyen dans la population de référence de 62,4 ± 26,8. En post rééducation, il s’élevait à 35 ± 17,6 (figure 3). Le score de la souséchelle « Limitations dues à l’état physique » (RP) avant la rééducation était abaissé à 10 ± 15,8 par rapport à un score de référence de 56,7 ± 40,2. Après la rééducation ce score s’élevait à 38,3 ± 31,1. Le score de « Douleurs physiques » (BP) était de 48,5 ± 25,8 et remontait à 53,7 ± 21,4 après la rééducation, ce qui ne constituait pas une différence statistiquement significative (moyenne de la population de référence à 61,7 ± 24). Après la chute, le score de « Santé perçue » (GH) était abaissé à 44,8 ± 19,7 pour une valeur de référence à 59,2 ± 17,8. La rééducation a fait remonter ce score à 56,2 ± 17,9. Des différences statistiquement significatives ont été mises en évidence entre les résultats avant et après la rééducation pour les sous-échelles PF (p < 0,001), RP (p < 0,01) et GH (p < 0,001). • Analyse des sous-échelles psychiques Après la chute le score de la sous-échelle « Vitalité » (VT) était très abaissé à 28 ± 11,1 pour une moyenne de 230 référence de 50,9 ± 18,6 . Après rééducation ce score remontait à une valeur de 47,7 ± 11,6. Avant la rééducation le score de « Vie et relation avec les autres » (SF) était abaissé de plus de 10 points par rapport à la population de référence (73,8 ± 24,1) avec un score de 61,7 ± 24,3. La rééducation a relevé ce score au-dessus de la moyenne pour cet âge à 79,2 ± 19,8. Le score de la sous-échelle « Limitations dues à l’état psychique » (RE) après la chute était de 28,9 ± 33 pour un score de la population de référence de 64,4 ± 40,7. Ce score après rééducation s’élevait à 73,3 ± 33,8. La valeur du score de la dernière sous-échelle « Santé psychique » (MH) était nettement abaissée par la chute : elle était de 48 ± 18,5 chez les chuteurs avant rééducation pour une valeur de 65,3 ± 20 dans la population de référence. Ce score est remonté à un niveau légèrement supérieur à celui de la population de référence après rééducation (68,8 ± 13,1). On retrouvait des différences statistiquement significatives entre les résultats avant et après la rééducation pour les sous échelles SF (p < 0,05), VT (p < 0,001), RE (p < 0,001) et MH (p < 0,001). Le score résumé physique (PCS) (figure 4) était globalement abaissé avant et après la rééducation dans cette population de chuteurs. Le score passait de 31,1 ± 6,5 avant la rééducation à 32,8 ± 6,7 en post rééducation, ce qui ne représentait pas une différence statistiquement significative. Le score résumé psychique (MCS) était abaissé après la chute à 43,4 ± 9, puis est remonté de façon statistiquement significative (p < 0,001) après rééducation avec un score final à 54,3 ± 6,1, supérieur à la moyenne de référence. Discussion La population étudiée était caractérisique d’une population âgée chuteuse vivant en milieu communautaire suivant les références habituelles de la littérature [31, 32] : il s’agissait plutôt de femmes, vivant souvent seules, avec une comorbidité entraînant une polymédication et ayant présenté une à plusieurs chutes dans l’année écoulée suivies d’une restriction de leurs activités de la vie quotidienne pour la plupart d’entre elles (87 %). À court terme, nous avons observé une diminution du nombre de chutes : la très grande majorité des personnes suivies n’avait pas rechuté (73 %) dans les trois mois suivant la prise en charge. En ce qui concerne leur indépendance fonctionnelle avant la rééducation, les sujets restaient peu gênés pour les activités de base évaluées par l’échelle ADL et il n’y avait pas d’effet statistiquement significatif de la rééducation sur ce critère, sinon une consolidation de leur état. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 La peur de tomber 4 Échelle verbale de la peur de tomber 3 2 Échelle SAFE 30 1 25 0 20 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. 10 10 8 5 6 0 * * p < 0,001 Échelle visuelle analogique de la peur de tomber ** 15 ** ** 4 * * p < 0,001 2 0 après rééducation avant rééducation * * p < 0,001 Figure 2. Évolution de la peur de tomber estimée par les échelles globales chez les quinze sujets chuteurs ayant bénéficié d’une rééducation pluridisciplinaire. Figure 2. Assessment of the fear of falling by the global scales before (dark) and after (light) rehabilitation. 100 90 * 80 ** 70 ** ** 60 ns ** 50 * 40 * 30 20 10 0 PF * p < 0,05 ** p < 0,001 RP BP GH VT SF RE MH population de référence de plus de 74 ans chuteurs avant rééducation chuteurs après rééducation Figure 3. Évolution des scores de l’échelle SF-36 chez les quinze sujets chuteurs ayant bénéficié d’une rééducation pluridisciplinaire. Figure 3. Scores on the SF-36 scale before (light blue) and after (grey) rehabilitation in subjects with falls compared to the scores of a control population (dark blue). Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 231 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. M. De Rogalski Landrot, et al. À l’échelle IADL on observait une amélioration statistiquement significative des scores après la prise en charge pluridisciplinaire. Cette rééducation a donc permis de limiter la perte d’autonomie instrumentale dans la vie courante des personnes âgées chuteuses voir de l’améliorer. Ceci se retrouvait également au travers de la reprise des activités de la vie quotidienne puisque 13 patients sur 15 avaient repris leurs activités et toutes avaient repris leurs sorties à l’extérieur. Notre étude confirme les bienfaits et la nécessité d’une prise en charge rééducative de la personne âgée chuteuse afin de préserver ou de rétablir l’équilibre et la marche par l’activité physique et donc de diminuer l’incidence des chutes, comme l’ont montré plusieurs études prospectives randomisées [33, 34]. L’exploration de la qualité de vie ressentie par l’échelle SF-36 a permis de mettre en évidence les effets délétères de la chute avec un sentiment d’incapacité physique ressenti par les personnes âgées chuteuses qui pouvait les entraîner vers un syndrome postchute comportant un risque de grabatisation et d’institutionnalisation, comme ceci a été décrit dans la littérature [5, 11]. Ce sentiment de fragilité physique était bien retrouvé dans les sous échelles de performances physiques (PF), de limitations dues à l’état physique (RP) et de santé perçue (GH). De même, les patients se percevaient comme très douloureux selon le score de douleurs physiques (BP). Après rééducation pluridisciplinaire, tout en restant inférieurs à la population de référence, les scores à ces facteurs étaient nettement améliorés de façon statistiquement significa- 70 60 ** Moyenne 50 ns 40 30 20 10 0 PCS avant rééducation MCS ** p < 0,001 après rééducation Figure 4. Évolution des scores résumés physiques (PCS) et psychiques (MCS) de l’échelle SF-36 chez les quinze sujets chuteurs ayant bénéficié d’une rééducation pluridisciplinaire. Figure 4. Scores on the physical (PCS) and mental (MCS) SF-36 subscales before (dark) and after (light) rehabilitation. 232 tive, à l’exception de la sous échelle douleurs physiques (améliorée de façon non significative). Il est important de noter que la population de référence de l’échelle SF-36 est constituée de sujets d’âge supérieur à 74 ans et que notre population avait un âge moyen beaucoup plus élevé de 85 ans (72 à 94 ans). En ce qui concerne le versant psychologique, il existait un important frein sur l’élan vital imposé par la chute. L’analyse des sous échelles psychologiques a montré que la prise en charge rééducative pluridisciplinaire avait un effet très positif ressenti par les personnes âgées et statistiquement significatif sur la vitalité (VT), le fonctionnement social (SF) et la santé psychique (MH), mais aussi de façon très nette sur l’amélioration des limitations dues à l’état psychique (RE). En post chute ces sous échelles étaient effondrées. Après la prise en charge elles étaient au niveau de la population de référence voir nettement au dessus pour trois d’entre elles (fonctionnement social, santé psychique et limitations dues à l’état psychique). Ceci est bien corrélé aux résultats obtenus sur les échelles subjectives de la peur de tomber (échelle visuelle analogique, échelle verbale, échelle SAFE). Effectivement ces échelles révélaient une grande appréhension face à la chute au début de la prise en charge, source de réduction des activités de la vie quotidienne, des sorties extérieures et des liens sociaux dont on connaît l’importance à cet âge pour maintenir une bonne afférentation. Cette notion de peur de tomber entraînant une restriction des activités est retrouvée dans la littérature [29, 35, 36]. Après la rééducation, ces échelles subjectives de la peur de tomber ont été améliorées de façon statistiquement significative. Ces effets bénéfiques de la prise en charge rééducative ont été plusieurs fois mis en évidence avec l’aide de l’échelle SF-36. L’amélioration de la qualité de vie a été décrite dans des pathologies variées comme la fracture du col fémoral chez la personne âgée [37], la prise en charge post accident vasculaire cérébral [38] ou même la chirurgie de dissectomie lombaire [39]. Cette échelle a été par contre moins utilisée pour juger de l’efficacité d’une rééducation pluridisciplinaire chez la personne âgée chuteuse et tout particulièrement pour évaluer les effets d’une prise en charge spécifique de la peur de tomber. S’il est reconnu que la peur de chuter entraîne une réduction de l’indépendance fonctionnelle [40], à ce jour il existe peu d’évaluations de l’efficacité des interventions visant à réduire cette peur de tomber [41, 42]. Notre travail a tout particulièrement mis en évidence les bénéfices en termes de réduction de la peur de tomber et donc de préservation d’autonomie et Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° 3, septembre 2007 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. La peur de tomber d’amélioration de la qualité de vie apportés par une rééducation pluridisciplinaire incluant un travail spécifique sur la peur de tomber. Cette prise en charge associe diverses notions comme apprendre à tomber et à se relever du sol [43], utiliser au quotidien les progrès de l’équilibration, travailler les activités de doubles tâches [44], mais aussi pouvoir exprimer, grâce à un travail psychologique cadré et suivi (le photolangage), ses peurs, ses angoisses face à la vieillesse et à la mort dont la chute est le catalyseur [45]. Ce travail nous a permis d’évaluer les bénéfices de cette rééducation pour maintenir le sujet dans son milieu ambiant et surtout qu’il se sente étayé par un groupe, écouté, soutenu et « re-narcissisé » pour affronter la vie au quotidien [46]. Certes, notre effectif est faible et les résultats très positifs en post rééducation peuvent s’amenuiser avec le temps. Ils demanderont à être confortés par des études complémentaires pour mieux connaître les durées de traitement nécessaires pour consolider les bénéfices de la prise en charge psychologique par le photolangage. Conclusion La chute est un « événement » [47] qui constitue une rupture dans la vie du sujet âgé, sur le plan physique, mais aussi psychique (expérience de proximité avec la mort, prise de conscience de la fragilité conduisant à l’incapacité physique et à la dépendance). Y répondre tôt, de façon adaptée et plurielle, sans omettre la composante psychologique fondamentale nous paraît une nécessité des services de gériatrie aujourd’hui. Références 1. Cesari M, Landi F, Torre S, Onder G, Lattanzio F, Bernabei R. Prevalence and risk factors for falls in an older community-dwelling population. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2002 ; 57 : M722-M726. 2. Youm T, Koval KJ, Kummer FJ, Zuckerman JD. Do all hip fractures result from a fall ? Am J Orthop 1999 ; 28 : 190-4. 3. Lips P. Epidemiology and predictors of fractures associated with osteoporosis. Am J Med 1997 ; 103 (Suppl. 2A) : S3-S8. 4. Stel VS, Smit JH, Pluijm SM, Lips P. 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