Saint Pierre - une biographie

Transcription

Saint Pierre - une biographie
L’apôtre Pierre
L’apôtre Pierre a été, avec Jacques et Jean, le plus proche disciple de Jésus, le premier des douze
disciples, chef et missionnaire de l'Eglise primitive, porte-parole des disciples, et, selon la tradition,
premier évêque de Rome et premier pape. La basilique Saint-Pierre de Rome serait construite sur la
tombe de St Pierre. L'on sait peu de choses sur le personnage historique.
Un article tiré du site Culture et religions, http://cultureetreligions.free.fr/l'apotre_pierre.htm nous
permet d’entrer plus en profondeur dans la vie fascinante de cette homme.
L’apôtre Pierre et la première communauté chrétienne à Jésuralem
par Ch. Bernard, janvier 1999
Voici le résumé de l’article tiré du site
Peut-on aller au-delà des clichés et des simples images de l’apôtre Pierre, grand personnage du
christianisme primitif, figure emblématique, celui à qui Jésus a confié les clefs du paradis, Pierre,
premier d’une longue lignée de papes, le roc sur lequel Jésus fondé son Eglise. ? La recherche sur ces
premiers temps est difficile, elle est faite plus d’ombres et d’hypothèses nombreuses que de certitudes.
C’est un immense chantier ouvert pour longtemps.
Pionnier de la recherche contemporaine sur Pierre est le chercheur protestant Oscar Cullmann qui
écrivit en 1952 un ouvrage toujours valable intitulé Saint Pierre disciple : apôtre – martyr. Histoire et
théologie (Delachaux & Niestle, 1 janvier 1952)
Pour ceux et celles qui ne désirent pas lire un long article, voici un résumé encore plus court de
ce texte qui brosse un portrait saisissant de l’Apôtre Pierre. Les autres qui voudraient savoir
plus sur sa fascinante histoire et sur celle du christianisme naissant, sont invité-e-s à lire la
suite du résumé de l’article écrit par Ch. Bernard.
L’itinéraire de Pierre, d’après les recherches faites par Oscar Cullmann, est apparu plus chaotique que
ne le laisse présager la tradition qui a fait de lui le premier pape. Beaucoup de zones d’ombres sont
encore présentes et nous empêchent d’établir un portrait très net. Les reconstitutions reposent en partie
sur des hypothèses - ainsi avance la recherche – et tant que ces hypothèses sont fondées, elles sont à
retenir.
Pierre est originaire de Bethsaïda. On situe cette ville actuellement en Trachonitide près de
l’embouchure du Jourdain dans le lac de Galilée. Nous sommes en territoire païen peuplé d’arabes. La
ville de Bethsaïda avait une forte communauté juive. Pierre est originaire d’une famille juive vivant en
milieu païen hellénisé. Il est donc tout à fait probable que Simon était bilingue ; araméen et grec comme
la plupart des gens de la région. Son itinéraire de missionnaire à la fin de sa vie ne s’expliquerait pas s’il
ne parlait que l’araméen. Simon s’installe à Capharnaüm lors de son mariage. Ce n’est pas loin de
Betsaïda, mais nous sommes en Galilée, de l’autre côté du Jourdain. Ici il rejoint sa belle-famille
(épisode de la guérison de sa belle-mère). A Capharnaüm il est pêcheur, sa maison servira de base
pour la mission itinérante de Jésus ; ce sera un lieu d’accueil, d’enseignement. Il est possible que sa
position prééminente parmi les 12 lui vienne en partie du fait qu’il fut l’hôte de son maître.
Dans les synoptiques, Pierre a une position particulière : Il est plutôt le porte-parole des douze que leur
chef. C’est lui qui répond aux questions posées par Jésus, qui questionne au nom du groupe, qui est
l’interlocuteur privilégié pour les personnes de l’extérieur. L’évangile selon Jean ne conteste pas le rôle
prééminent de Pierre mais cherche à le minimiser. Il y a toujours à ses côtés le « disciple bien-aimé ».
Pierre, primitivement a été disciple de Jean le Baptiste, avec les fils de Zébédée, ses associés dans la
pêche. De ce premier engagement il lui reste des conceptions particulières sur la fin des temps, sur
l’idée de messie. Ce dernier doit s’imposer, dominer, régner dans la gloire.
Il suivra Jésus, reconnaîtra sa messianité mais n’acceptera pas la conception de Jésus, c’est la phase
du reniement. « Il cesse d’appartenir à... » Pierre déclare dans l’évangile : « je ne connais pas cet
homme ! ». Vient ensuite un retournement, la conversion. A quel moment ? Lors de la passion comme
c’est proposé dans les constructions littéraires des évangiles ou lors des apparitions qui déclenchent
tout ? La conversion, c’est quoi ? C’est la compréhension, l’interprétation de l’échec terrestre de Jésus
comme figure du Serviteur Souffrant selon le second Isaïe. Les apparitions, les visions, vont être
interprétées par Pierre comme des ordres de missions.
Les 12 premiers chapitres des Actes sont consacrés au rôle dirigeant de Pierre. C’est sur l’initiative de
Pierre que le groupe élit Matthias, c’est lui qui prend la parole le jour de la Pentecôte, qui applique la
discipline ecclésiastique dans l’affaire Ananias-Saphira. Il exerce sur terre le jugement au nom de Dieu,
en présence des autres apôtres. Toutefois Pierre n’a occupé que peu de temps cette fonction directrice.
L’épisode rocambolesque et merveilleux de sa mise en prison et de sa libération-(Actes 12) ne semble
pas en être la raison. Hérode devait juger Pierre avant la Pâque, mais, avec l’aide de Dieu, il s’évada.
C’est plutôt son incapacité à gérer le conflit aigu entre hellénisme et judaïsme à l’occasion de l’affaire
d’Antioche qui semble être la véritable raison. L’affaire qui va tout déclencher est un conflit à Antioche
de Syrie 1[23]. Dans cette ville les chrétiens d’origine juive mangent avec les chrétiens d’origine
païenne (grecque). Par une vision où Dieu lui-même lui donne l’ordre (c’est la fameuse vision de Joppé
racontée dans Actes 10, 9-17) .Pierre accepte cette situation et partage ces repas. Des envoyés de
Jacques, frère du Seigneur, venus de la communauté de Jérusalem le rappellent sévèrement à l’ordre :
il faut impérativement se séparer sur le modèle de ce qui se pratique à Jérusalem où il y a plusieurs
lieux de réunion selon le « courant ». Pierre accepte donc de se séparer. Mais ’il se fait reprendre
vertement également par Paul pour ses hésitations et sa faiblesse à l’égard des autres chrétiens de
Jérusalem. La tradition de l’Eglise a toujours affirmé que Pierre est venu ensuite à Rome, ce qui assoit
la tradition apostolique de la papauté, qu’il y fut martyrisé, crucifié la tête en bas par humilité et enterré.
Avec l’apôtre Jean, Pierre joua au départ un rôle dirigeant important dans la première communauté de
Jérusalem. Toutefois très vite il fut relégué à un rôle de missionnaire itinérant. Ses innovations n’étaient
pas du goût de la majorité des juifs-chrétiens de Jérusalem, ni des juifs en général. Aussi toute sa vie, il
est inquiété, poursuivi par ces gens qui lui en veulent. S’il est mort martyr à Rome c’est sur dénonciation
d’autres juifs de Rome ! Il y avait beaucoup de jalousies entre eux, et nos auteurs anciens le disent
bien, la police romaine exploita les dénonciations entre juifs. Ce sont les mêmes intransigeants qui
poursuivent Paul.
Pierre, un des premiers compagnons de Jésus, un des premiers à se convertir, à émettre une
christologie, à sortir le « christianisme » naissant du monde strictement juif, mourut victime du rejet par
le judaïsme, des nouvelles croyances et des chrétiens. Jésus est mort en juif, Pierre meurt en chrétien.
Dans les années 60, une femme spécialiste d’inscriptions grecques, Margherita GUARDUCCI obtint la
permission de reprendre les fouilles sous la Basilique St. Pierre. Dans son petit livre traduit en français
sous le titre « Saint Pierre retrouvé, le martyre, la tombe, les reliques » publié en 1974, elle raconte
sous une forme argumentée toute son aventure de recherche qui l’amène à conclure qu’il y a bien sous
l’autel de la basilique, la tombe et les ossements de Pierre. Ce petit ouvrage se lit comme un roman,
voici l’essentiel de ses découvertes et affirmations.
Pierre est mort martyr en 64 lors de la persécution de Néron, crucifié comme clou du spectacle dans le
cirque de Néron au Vatican. Il fut enterré tout proche là où l’empereur Constantin édifia la première
basilique début IVe siècle. Les premiers travaux furent ceux de Constantin qui aurait construit un petit
édifice en matériaux précieux au dessus de la tombe, retiré les ossements pour les préserver de la
destruction et les aurait placés dans une petite niche de l’édifice. L’édifice lui-même sert ainsi de
sarcophage, les ossements étaient enveloppés d’un tissu précieux de pourpre impériale avec des fils
d’or. Ce site fut tout au long du Moyen Age objet de dévotion, d’où les pièces de monnaie trouvées à
l’intérieur. Puis au cours des siècles, plusieurs constructions vinrent s’ajouter, masquant la première et
la faisant oublier. A la suite de ces fouilles, tout a été remis solennellement en place dans les
catacombes sous la basilique.
Lire la suite :
L’eglise primitive de Jerusalem
Nous ne savons pas ce qui s’est passé dans les semaines qui suivirent la mort de Jésus. De nombreux
compagnons de Jésus, déçus, désemparés, étaient repartis en Galilée, certains y resteront, ce n’est
que peu à peu que la plupart se regrouperont à Jérusalem pour constituer une communauté que l’on ne
peut pas encore qualifier de chrétienne mais que traditionnellement nous nommons l’Eglise primitive.
Ce sont les apparitions qui ont tout déclenché. Apparitions qui, toutefois, ont plutôt eu lieu en Galilée.
[…] Les apparitions sont perçues comme des ordres de mission : poursuivre l’œuvre de Jésus. […]
L’arrivée du Royaume de Dieu est perçue comme imminente, elle se manifestera par le retour triomphal
de Jésus Messie (Christ), retour que l’on appelle parousie.
Une tradition juive ancienne atteste la croyance que le Royaume de Dieu s’établira sur le mont Sion,
que la puissance de Dieu sera révélée à Jérusalem. Les disciples de Jésus se doivent donc d’être
présents pour attendre son retour que l’on croit proche, être présent en attente malgré les risques. L’on
comprend ainsi pourquoi «ce mouvement charismatique itinérant suscité par le Nazaréen s’y transforme
en une communauté sédentaire[…]» 1[1]
Qui en fait partie ? Nos seuls renseignements viennent du livre des Actes. Cette communauté est fort
modeste (environ 120 personnes) et hétérogène. Sommairement 6 sous groupes sont repérables :
Le noyau central est constitué par les 12 (= les 11 + le nouveau, Matthias qui remplace Judas.) Le
groupe des 12 a certainement été choisi par Jésus de son vivant, ce fut un choix symbolique parmi ses
disciples : c’est l’espoir de refaire l’unité des 12 tribus 1[2] dans le cadre d’un règne messianique
terrestre. La reconstruction du peuple juif entier était considérée comme une étape clef dans l’histoire
du salut. Par les 12, Jésus s’adressait à tout Israël, mais pas aux païens. Ces 12 sont originaires de
Galilée, sauf Judas Iscariote qui est judéen. Nous possédons quatre listes un peu différentes de leur
noms 1[3]. Leur rôle de « dirigeant » dura peu. Lorsque Paul va à Jérusalem la première fois (milieu
des années 30), il ne les rencontre pas. Les Actes confirment leur déclin : quand Jacques, frère de
Jean, est exécuté par Hérode Agrippa, il n’est pas remplacé. L’effacement progressif de ce groupe
signifie l’effacement progressif de l’espoir d’une parousie imminente.
Un autre noyau est constitué par les membres de la famille de Jésus – sa mère Marie, ses sœurs
et frères dont Jacques. Il y a donc deux noyaux, deux légitimités à ce groupe : une légitimité de
compagnonnage avec Pierre, une légitimité familiale avec Jacques.
L’ensemble des disciples « ordinaires » qui ont suivi Jésus ou qui sont récemment venus.
Les presbytres. Le terme est hérité de la synagogue et désigne peut-être des chefs de famille
honorables et expérimentés chargés de veiller au bon fonctionnement de la communauté.
Des nouveaux convertis issus de la diaspora juive, parlant le grec et de ce fait dénommé les
« Hellénistes » (par opposition aux Hébreux, expression désignant les « chrétiens » issus des
communautés juives de Palestine). Ce groupe cohabite mal avec les autres, ce qui entraîne une
première scission dans cette communauté « chrétienne » primitive. Dans les Actes, Luc essaie de
minimiser l’affaire en expliquant que les 12 ont institué les 7 – pour représenter les Hellénistes- et que
les deux groupes se partagent les tâches : Aux Hellénistes revient le soin de s’occuper des veuves du
groupe. Ces Hellénistes ont des vues différentes des autres, ils sont assez opposés au Temple par
exemple, ce qui leur vaudra d’être les premiers persécutés. Après le martyre d’Etienne, par souci de
sécurité, ce groupe des Hellénistes quitte Jérusalem, se disperse…. Ainsi naîtront les premières autres
communautés chrétiennes.1[4]
Un dernier sous-groupe existe autour d’un disciple (peut-être Jean ?) Nous ne connaissons pas les
circonstances de sa constitution. Ce groupe est marginal par rapport aux autres membres de la
communauté chrétienne, mais cela ne va pas jusqu’à la rupture. On devine dans le 4e évangile, celui de
Jean, une tradition différente imbibée de culture palestinienne. Cette tradition ne cite pas les 12 mais
d’autres noms comme Nathanaël.
Ainsi donc, la première communauté « chrétienne » à Jérusalem est-elle composite. Cette « Eglise » va
s’étoffer, se diversifier, le poids des 12 va s’estomper. Elle sera d’abord dirigée par Pierre puis par
Jacques le frère du Seigneur. Une tradition veut que pendant la guerre de 64-70 menée par les
Romains, elle ait fuit en territoire étranger proche, à Pella l’autre côté du Jourdain. C’est possible mais
non vérifiable, en tout cas, lorsqu’elle reviendra s’installer à Jérusalem après 70, elle n’aura plus le
même prestige.
L’Église de Jérusalem, Seule communauté au départ, repliée sur une attente imminente de la
parousie, elle fut progressivement amenée à s’intéresser à d’autres groupes qui se créèrent ailleurs. Il
n’y a pas de conception de mission, l’apparition d’autres communautés « chrétiennes » en dehors de
Jérusalem fut un peu de fruit des hasards. C’est le groupe des Hellénistes chassé de Jérusalem suite à
la toute première persécution, qui essaima, en Samarie, sur la côte syro-phénicienne, en Syrie. Des
initiatives personnelles de disciples anonymes, furent à l’origine certainement de l’installation d’églises
dans la diaspora, en Egypte, en Mésopotamie, en Asie mineure. A Rome, des juifs venus en Palestine
pour des raisons religieuses (pèlerinages) ou commerciales, on très bien pu rencontrer des disciples de
Jésus et, ainsi, rapporter ces nouvelles croyances dans leur synagogue d’origine. Il faut ajouter à cela,
les communautés installées par Paul dans les années 40.
On peut se poser la question, pourquoi les autres communautés acceptent cette tutelle de Jérusalem,
au nom de quoi Jérusalem s’impose-t-elle ? Cette communauté « chrétienne » de Jérusalem est
source, elle est dépositaire des traditions de Jésus, il y a la présence de deux légitimités, celle de Pierre
à qui Jésus aurait dit qu’il est le fondement du groupe, celle de la famille de Jésus, avec Jacques.
Jérusalem est présentée comme le lieu de la première effusion de l'Esprit. Elle se perçoit comme le
Nouveau Temple (penser à la promesse de construire un Nouveau Temple) comme les 12 constituent
l’Israël eschatologique (de la fin des temps, de l’époque messianique, du Royaume de Dieu). La colline
de Sion 1[15] doit être le lieu premier de cette ère nouvelle. Toutes les autres communautés
reconnaissent la supériorité de celle de Jérusalem : Paul y vient pour rencontrer Pierre, il organisera
par la suite une collecte, au profit de Jérusalem , dans ses différentes fondations méditerranéennes.
Jérusalem, pour quelques années sera l’église-mère.
LA PLACE PRÉEMINENTE DE PIERRE
Pierre, disciple de Jésus
Nos seules sources sont les évangiles. Pierre est originaire de Bethsaïda. La localisation de cette
ville pose problème, on la situe actuellement en Trachonitide près de l’embouchure du Jourdain dans le
lac de Galilée. Nous sommes en territoire païen peuplé d’arabes qui étaient nomades et brigands il y a
encore peu de temps. Ce territoire fut donné par l’empereur Auguste à la famille d’Hérode en 23 av J.C. Hérode Philippe en fit une ville de commerce, hellénisée. La ville de Bethsaïda avait une forte
communauté juive. Pierre est donc originaire d’une famille juive vivant en milieu païen hellénisé. Son
vrai nom, Simon est un nom grec, comme son frère André,. Simon est un authentique nom grec et non
pas une hellénisation d’un nom hébreu. Certes, il y a une consonance proche de l’hébreu Syméon.
Peut-être que Simon portait les deux noms dès sa naissance, de Syméon-Simon comme nous avons
Saul-Paul. Il est donc tout à fait probable que Simon était bilingue ; araméen et grec comme la plupart
des gens de la région. Son itinéraire de missionnaire à la fin ne s’expliquerait pas s’il ne parlait que
l’araméen.
Simon s’installe à Capharnaüm lors de son mariage. Ce n’est pas loin de Betsaïda, mais nous
sommes en Galilée, de l’autre côté du Jourdain. Ici il rejoint sa belle-famille (épisode de la guérison de
sa belle-mère). A Capharnaüm il est pêcheur, sa maison servira de base pour la mission itinérante de
Jésus, ce sera un lieu d’accueil, d’enseignement. Il est possible que sa position prééminente parmi les
12 lui vienne en partie du fait qu’il fut l’hôte de son maître.
Son surnom de Pierre (Képhas ou Cépha en araméen, Petros en grec). Képhas est un mot araméen
qui signifie pierre, roc. Ce n’est pas un nom propre mais ici un surnom. Après Pâques, Pierre deviendra
un nom. Jésus donna aussi un surnom aux fils de Zébédée (Boanerg : fils du tonnerre). Donner un
surnom c’est parfois donner une nouvelle fonction à une personne, ici, Simon reçoit de Jésus la
fonction de fondement de l’Eglise, du nouvel Israël. Dans quelle circonstance Jésus a t-il donné ce
surnom : « Simon le roc » ? La tradition en a perdu le souvenir 1[16]. En tout cas, c’est la communauté
primitive qui a valorisé ce nom-fonction de Pierre dans le cadre de la métaphore d’une construction
eschatologique : prétendre être le Nouveau Temple sur le fondement du roc Simon. Il devient le rocher
de base de la construction. Il semble que cette appellation remonte bien à l’époque de Jésus.
Ailleurs, Simon est surnommé Bar Jonas 1[17]. On a beaucoup discuté du sens de cette expression
araméenne. Elle signifierait peut-être anarchiste, hors la loi : Pierre aurait-il appartenu à la résistance
active des Zélotes 1[18]- (penser à la scène de l’arrestation de Jésus où il tranche l’oreille d’un garde
d’un coup d’épée). Bar Jonas pourrait également signifier fils de Jean (c’est ce que dit l’évangile selon
saint Jean XXI,16). Comment comprendre cela ? Son père simplement se serait appelé Jean, ou bien
serait-il le fils spirituel de Jean le baptiste ? Souvenons-nous que Simon est avec les fils de Zébédéé,
eux-mêmes également anciens disciples de Jean. Fils spirituel signifierait que Simon –Pierre serait
convaincu comme son premier maître Jean, de conceptions apocalyptiques ! Ne perdons pas de vue
cette hypothèse.
Position de Pierre dans le groupe des disciples.
Dans les synoptiques, Pierre a une position particulière :
Il est plutôt le porte-parole des douze que leur chef. C’est lui qui répond aux questions posées par
Jésus, qui questionne au nom du groupe, qui est l’interlocuteur privilégié pour les personnes de
l’extérieur (expressions de « Pierre et ses gens » en Marc I,36, lors de la résurrection l’ange déclare «
Allez dire à ses disciples et à Pierre.. que Jésus les précède en Galilée »). Toutes les listes de disciples
placent son nom en premier.
Il incarne le profil type du disciple : il reconnaît en Jésus le messie, il renie – c’est-à-dire qu’il rejette la
conception messianique selon Jésus-, il se convertit : « il pleure » – finalement acceptation de cette
conception-. C’est très certainement le parcours de beaucoup d’autres disciples, mais en tant que porteparole, il en devient l’exemple type.
L’évangile selon Jean ne conteste pas le rôle prééminent de Pierre mais cherche à le minimiser. Il y a
toujours à ses côtés le « disciple bien-aimé ». Dans la cour du Grand Prêtre comme au pied de la croix,
on trouve ce disciple bien aimé et non Pierre. Noter que ce même évangile relègue également les 12 à
l’arrière plan. Il y a là une autre tradition chrétienne qui sans nier l’historicité du rôle de Pierre, cherche à
valoriser d’autres témoins.
Pierre, chef de l’Eglise mère de Jérusalem
Trois types de raisons permettent de justifier cette position.
Du vivant de Jésus, Pierre aurait été le représentant privilégié du groupe des apôtres.
Pierre fut le premier a bénéficier des apparitions de Jésus. Toutefois, les Evangiles, contrairement à
ce texte ancien de 1 Cor XV, 5, ne racontent pas cette apparition au seul Pierre. Parce qu’un seul
témoin n’est pas crédible, et qu’il en faut plusieurs ? Il est également possible que la première
église cherche à minimiser le rôle des visions.
L’apparition s’accompagne d’un ordre de mission, celle de « paître mes brebis » (Jn 21, 16). Cette
expression renvoie à l’image du berger (image très en cours à Qumrân). Le berger du troupeau (
les brebis sont les Juifs et non l’ensemble du monde païen) a une triple charge : Prêcher la parole,
expliquer les Ecritures, appliquer la discipline ecclésiastique. « Paître mes brebis » désigne la
direction de l’église-mère y compris l’activité missionnaire. Était-ce une mission limitée dans le
temps, celui de la fondation. ?
Quels indices de la direction par Pierre de l’Eglise primitive ?
On a conservé seulement quelques traces.
 Les 12 premiers chapitres des Actes sont consacrés à ce sujet. C’est sur l’initiative de Pierre que le
groupe élit Matthias, c’est lui qui prend la parole le jour de la Pentecôte, qui applique la discipline
ecclésiastique dans l’affaire Ananias-Saphira. Il exerce sur terre le jugement au nom de Dieu, en
présence des autres apôtres.
 Pierre est thaumaturge (guérisseur). A chaque fois, il est l’instrument du miracle, non l’auteur. Il
poursuit le charisme prophétique de Jésus.
 En Samarie, Pierre est plutôt conciliant : Au « magicien » Simon (Actes 8, 9) qui veut lui acheter le
pouvoir de faire descendre l’Esprit, Pierre conclue sa réponse en lui disant « repens-toi, cette pensée
te seras peut-être pardonnée ». Avec Jean, il impose les mains à ces premiers « chrétiens » de
Samarie..
 Vers 36, lors de son premier voyage à Jérusalem, Paul vient rendre visite une quinzaine de jours à
Pierre, il était nécessaire pour lui de rencontrer sans trop tarder ( nous sommes quelques années
après sa conversion) celui qui avait une position dominante.
Toutefois Pierre n’a occupé que peu de temps cette fonction directrice. De plus, il n’est jamais vraiment
seul à la tête de la jeune église : la plupart du temps il a à ses côtés, Jacques, le frère du Seigneur.
C’est lui qui supplée Pierre lorsque les circonstances le contraignent à s’absenter.
Raisons du départ de Pierre de la ville de Jérusalem de la direction.
L’épisode rocambolesque et merveilleux de sa mise en prison et de sa libération-(Actes 12) ne semble pas en être la raison.
Pierre a été emprisonné certainement lors de la persécution contre l’église de Jérusalem menée par Hérode Agrippa [41-44]
(petit-fils d’Hérode le Grand) en vue de plaire aux Juifs. Quelques années auparavant, l’empereur romain Caligula (40-41)
voulait faire dresser sa statue sur le Temple, chose bien entendu inadmissible pour les Juifs. La mort soudaine de l’empereur
fut interprétée comme la punition méritée pour tous ceux qui osent s’attaquer à la maison de Dieu. Il est dons logique, que
pour leur plaire, Hérode Agrippa ait cherché à arrêter ceux qui prenaient quelques distances par rapport au Temple et à la
Loi en général ; les « chrétiens ».
Comment Luc raconte t-il évasion miraculeuse de Pierre? Hérode devait juger Pierre avant la Pâque,
mais, avec l’aide de Dieu, il s’évada. Le récit est écrit sur un modèle littéraire hellénistique d’évasion
miraculeuse, le but est de montrer l’intervention de Dieu auprès des siens et cela par un procédé
littéraire de renversement de position. Au début du récit, Hérode et les Juifs sont forts, Pierre est en
prison, puis alors que Pierre est libre, Hérode puni, meurt. Les expressions employées sont des images
pascales : «les portes s’ouvrent, les liens tombent». Le récit se place dans l’histoire du salut, Pierre est
ainsi dans la droite ligne de son maître et en sort donc grandi. L’arrestation n’est donc pas la raison de
la fin de sa position de chef.
C’est plutôt son incapacité à gérer le conflit aigu entre hellénisme et judaïsme à l’occasion de l’affaire
d’Antioche qui semble être la véritable raison.
Pour des raisons d’observance de règles de pureté, les Juifs ne peuvent pas manger à la même table que les païens, un juif
doit respecter totalement et scrupuleusement toute la Loi. Or les problèmes de contact juifs- païens se posent pour les Juifs
de la diaspora (sur 6 à 8 millions de Juifs, il n’y en a que 2 millions en Palestine, tous les autres sont en contact avec les
mondes païens, et notamment des civilisations hellénistiques). Sans ce respect strict de sa Loi, le peuple juif se serait dilué
dans le concert des nations, il n’existerait plus. Or à l’époque qui nous intéresse, il y a plus de rigueur dans l’application que
la Loi elle même ne l’exige. Pourquoi un tel raidissement ? Parce que l’on a gardé un souvenir très fort de la crise du siècle
dernier, sous le roi Antiochos Epiphane, vers 170 av. J.-C. qui voulait obliger par la force le peuple juif à renier son identité
en renonçant à l’obéissance à la Loi, à la circoncision. Ce roi voulait imposer l’hellénisme. Certains Juifs collaborèrent,
d’autres résistèrent ; c’est la révolte de Judas Macchabée. A l’époque de Pierre, l’attitude à l’égard de l’hellénisme est
ambiguë, il y a une certaine séduction de la culture grecque et de sa langue, mais en même temps beaucoup, par hostilité,
se raidissent, deviennent des zélateurs de la Loi et exercent dans ce sens une forte pression sur le peuple ( les Sadducéens
1[20], les Zélotes..). Les Grands Prêtres, la famille de Hanne 1[21], sont très stricts sur ces sujets. S’écarter d’une attitude
rigoureuse, c’est s’exposer à des représailles. Les pharisiens eux sont plus modérés, ce qui permet d’avoir au Sanhédrin, un
certain équilibre. Donc le groupe chrétien et notamment son chef Pierre, ne doit pas trop prendre de distance par rapport à la
Loi, ni trop mécontenter les pharisiens pour bénéficier de leur neutralité bienveillante. L’Eglise de Jérusalem vit dans ce
créneau étroit. Se souvenir que ceux que nous appelons chrétiens sont en fait des Juifs pieux avec seulement une
spécificité, c’est une « secte » juive parmi d’autres, dans le sens de courant 1[22].
Sur cette toile de fond, l’affaire qui va tout déclencher est un conflit à Antioche de Syrie 1[23]. Dans
cette ville les chrétiens d’origine juive mangent avec les chrétiens d’origine païenne (grecque). Pierre
accepte cette situation et partage ces repas. Comment peut-il justifier un tel acte d’impureté ? Par une
vision où Dieu lui-même lui donne l’ordre, c’est la fameuse vision de Joppé racontée dans Actes 10, 917. Des envoyés de Jacques, frère du Seigneur, venus de la communauté de Jérusalem le rappellent
sévèrement à l’ordre. Il faut impérativement se séparer (sur le modèle d’ailleurs de ce qui se pratique à
Jérusalem où il y a plusieurs lieux de réunion selon le « courant »). Ce qui revient à affirmer qu’il y a
deux catégories de chrétiens, chacun avec son statut particulier. Encore une fois, pour comprendre cela
il faut se situer d’un point de vue juif où la multiplicité est la règle et non d’un point de vue chrétien
actuel où l’on s’indigne de l’absence d’unité.
Pierre accepte donc de se séparer, il se soumet, il craint pour sa vie. La commensalité est donc non
souhaitable, non possible. Pierre suit la voie du réalisme, la sagesse d’homme, et non pas les
consignes de la vision divine. Pierre n’en ressortira pas grandi, il renonce désormais à compter parmi
les chefs, d’autant plus qu’il se fait reprendre vertement également par Paul pour ses hésitations et sa
faiblesse à l’égard des autres chrétiens de Jérusalem.
PIERRE, MISSIONNAIRE ET MARTYR1[24]
Que peut-on savoir de son activité missionnaire [en dehors de Rome ] ?
Nos connaissances sont dépendantes de nos sources ; la principale ce sont les Actes des Apôtres, livre attribué à Luc.
Nous avons aussi à notre disposition d’autres littératures comme des textes apocryphes, les témoignages de pères de
l’Eglise (Clément de Rome), tout ce qui constitue la tradition.
Les Actes nous apprennent beaucoup sur le christianisme primitif mais le but premier, ne l’oublions pas,
n’est pas l’histoire au sens où nous l’entendons, mais le sens théologique des évènements. Or ce texte
est écrit, après la chute du Temple, vers 80, à une époque où le christianisme commence à se
démarquer du judaïsme, la critique se porte alors contre les Juifs (surtout contre les pharisiens qui
représentent le judaïsme post Temple) qui ne se convertissent pas, et ainsi ce contexte justifie t-il la
conversion des païens.
Le but des Actes est de montrer que le schéma de Dieu est de faire entrer les païens dans l’histoire du
salut. La tâche est difficile car l’on se trouve devant une situation contradictoire :
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de son vivant, Jésus n’a pas parlé de la mission auprès des païens
Or il y a des situations de fait : la dispersion des hellénistes a entraîné l’apparition de
communautés en Syrie Palestine,
Paul, assez indépendant, ne fait pas de distinction entre chrétiens d’origine juive ou païenne ;
pour lui c’est la foi en Jésus qui sauve et non l’observance de la Loi.
La solution va consister à présenter Pierre comme le maillon intermédiaire entre la réalité au
temps de Jésus et la réalité du mouvement de conversion auprès des païens. Il fallait présenter
Pierre comme l’initiateur de cette action, ainsi, étant donné son autorité, lui le roc, chacun
pouvait s’abriter derrière lui, à commencer par Paul.
Dans ce but, un épisode de la vie de Pierre va être mis fortement en valeur, c’est son action à
Césarée chez le centurion Corneille. (Actes10, 34). Comment Pierre a t-il pu prendre l’initiative
de la conversion d’un païen alors que chacun savait que Jésus s’y était opposé ? (Mt 10, 5).
L’initiative est présentée comme venant de Dieu, par le biais de l’Esprit saint. C’est l’esprit qui
incite le chef militaire romain Corneille à rencontrer Pierre, c’est l’Esprit qui convainc Pierre
d’accepter de se rendre chez un païen, chose inadmissible pour un juif. Pierre arrivé chez
Corneille, constate que ces païens ont reçu l’Esprit, donc il ne voit pas d’inconvénient à les
baptiser alors qu’ils ne sont pas passés par le judaïsme. C’est une nouveauté révolutionnaire
dans la mesure où se créé ainsi une autonomie du mouvement chrétien, alors que jusqu’à
présent il n’était qu’une « secte » du judaïsme.
La doctrine de l’Esprit l’emporte sur la fidélité aux paroles du Jésus de l’histoire : Ce passage de Pierre
et du soldat romain pose beaucoup de problèmes sur le plan historique, Luc ici a fait œuvre
rédactionnelle importante.
Pierre en mission
Pierre voyage en famille avec sa femme, mais nous ne connaissons pas vraiment son itinéraire.
Beaucoup d’églises prétendent avoir été fondées par lui ce qui leur donne plus de poids, mais cela n’a
pas de fondement historique. On suit sa trace en Samarie, sur la côte syro-palestinienne, à Joppé (où il
ressuscite Dorcas – Tabitha en araméen, c’est-à-dire, la gazelle), à Césarée, à Antioche, peut-être à
Corinthe (où l’on parle d’un parti de Pierre, mais ce n’est pas sûr).
Contrairement à Paul, Pierre n’a pas écrit, nous devons accepter notre ignorance sur une grande part
de sa vie. La tradition affirme qu’il y a eu entente et division des tâches, à Paul la mission en milieu
païen et à Pierre la mission en milieu juif, mais, Pierre est présenté comme l’initiateur de la conversion
païenne avec Corneille, et Paul voyageant d’une synagogue à l’autre ! Par ailleurs, très vite, toutes les
communautés sont mixtes, juives et païennes.
Communautés juives et chrétiennes à Rome à l’époque de Pierre
La première mention d’une communauté juive à Rome1[25] selon nos sources remonte à 140 av.J.-C.
Il s’agit de descendants d’esclaves libérés, ex-esclaves issus des guerres menées par les Romains en
Méditerranée orientale. A l’époque qui nous intéresse, vers la moitié du premier siècle après J.-C., la
communauté juive de Rome constituée essentiellement de marchands comprend entre 40 et 50 000
personnes dans un quartier précis de Rome, le Transtévère. Ces juifs sont liés au peuple de Rome, ont
soutenu César et ont beaucoup pleurés à sa mort.
Les juifs en général dans l’empire romain ont obtenu des privilèges : exemption de service militaire car
ce dernier implique un culte rendu aux dieux romains et à l’empereur, ils ont leurs propres tribunaux qui
les jugent selon leur loi, le droit de se rassembler pour prier, prendre des repas en commun, de collecter
de l’argent pour le Temple de Jérusalem. Culturellement et commercialement, cette communauté de
Rome est très liée à la Palestine, les échanges sont fréquents, et, c’est dans ce cadre que le
christianisme arriva à Rome. La communauté juive est organisée selon une douzaine de synagogues
assez indépendantes, les premiers juifs –chrétiens ont prêché dans ce réseau. Ce lien avec la Palestine
n’est pas un soutien à sa cause politique, lors de la guerre juive de 64-70, cette communauté ne
soutient pas leurs frères de Palestine, ne bouge pas. Cette guerre n’est pas une hostilité romaine à
l’égard des juifs en général, ce n’est qu’un problème politique local. D’ailleurs, le général romain qui a
pris Jérusalem, Titus, a lui-même une maîtresse juive, Bérénice.
Nous ignorons qui a fondé les premières communautés chrétiennes à Rome, mais nous savons que ce
n’est pas Pierre. Cela remonte certainement aux vingt premières années, comme à Alexandrie, comme
à Antioche, et c’est probablement le fait de quelques juifs revenus directement de Palestine.
Deux passages d’œuvres littéraires d’auteurs antiques nous permettent de saisir le moment où le groupe chrétien
commence à se détacher de l’ensemble de la communauté juive romaine.
•
Suétone, dans « La vie des douze Césars ». A propos de l’empereur Claude [41-54] en XXV, 4, Suétone rapporte un
événement que l’on peut situer vers l’an 49-50 : « Claude chassa les juifs de Rome parce qu’ils se soulevaient
continuellement à l’instigation de Chrestos ». Il y a là le souvenir déformé de querelles entre juifs à propos de Jésus.
Des juifs venus de Judée avaient converti certains juifs dans quelques synagogues, ce qui entraînait dans cette
communauté de Rome, des luttes intestines. Lorsque Suétone dit « les Juifs », il faut entendre les juifs christianisés.
Parmi ce groupe, il faut très certainement compter Aquila et Priscille que l’on retrouve à Corinthe comme hôtes de
Paul.

Tacite dans ses « Annales » rapporte des évènements clés pour notre sujet, sous le règne de l’empereur Néron [ 5468]. Pendant les premières années de son règne, Néron fut bienveillant et populaire, certains juifs-chrétiens purent
revenir. Puis il y eut en 64 un terrible incendie qui ravagea pendant 9 jours de suite 10 des 14 quartiers de Rome. Alors
que Néron revint précipitamment de Grèce pour reconstruire la ville, une rumeur se répandit selon laquelle il serait luimême l’auteur de l’incendie. Pour couper court à ces rumeurs, il lui fallait désigner un bouc émissaire. Les juifs de
Rome dans leur quartier non touché par l’incendie ne furent pas inquiétés, mais seulement parmi eux le groupe des
chrétiens. Ce qui prouve que 15 ans environ après l’expulsion de Juifs par Claude, les autorités à l’extérieur sont ici en
mesure de distinguer juifs et chrétiens. Ces derniers furent moins accusés de crime d’incendie que de « crime contre le
genre humain ». Pour la foule, les coupables étaient trouvés.
Tacite décrit dans ses Annales ; XV, 44, 6-9.la persécution de Néron qui fit périr « ..Une grande multitude, les uns
enveloppés de peaux de bêtes, moururent déchirés par les chiens, d’autres furent attachés à des croix, ou, destinés
aux flammes, brûlèrent, la nuit venue, en guise de luminaires nocturnes ». Des recherches récentes semblent indiquer
que cela eut lieu dans le cirque de Néron, qui n’avait pas brûlé car installé à l’écart, dans une zone agropastorale
appelée Vatican. La date serait le jour anniversaire de l’empereur (c’est toujours une date importante fêtée par des
sacrifices sanglants) soit le 13 octobre 64 ( ce qui correspondait également à 10 ans de règne).
La tradition de l’Eglise a toujours affirmé que Pierre est venu à Rome, ce qui assoit la tradition
apostolique de la papauté, qu’il y fut martyrisé, crucifié la tête en bas par humilité et enterré. De plus,
les mêmes traditions affirment qu’à Rome, son disciple Marc a écrit les faits et gestes de Pierre. Or, nos
sources, évangiles, Actes des Apôtres, lettres de Paul sont étrangement muettes sur la venue de Pierre
à Rome. En 58, lorsque que Paul qui est alors à Corinthe, écrit aux chrétiens de Rome pour leur
signaler son arrivée prochaine, il envoie ses salutations à 25 chrétiens mais il n’est nulle part question
de Pierre. Certes, il est vrai qu’à cette date, il ne pouvait s’adresser qu’à des chrétiens issus du
paganisme car les autres étaient encore exilés. Ce silence de nos sources fut exploité par Luther et
toute la tradition de la réforme protestante pour nier la tradition apostolique et donc l’autorité de la
papauté à Rome.
Des fouilles sous l’actuelle basilique du Vatican ne furent entreprises que sous le pape Pie XII entre
1940 et 1949 pour tenter de retrouver la tombe de Pierre et couper court aux rumeurs. Dans les siècles
passés une crainte un peu superstitieuse avait empêché un tel projet. Ces fouilles furent menées dans
de mauvaises conditions, non seulement parce que c’était la guerre mais aussi parce que les hommes
délégués à cette tâche n’étaient pas les plus compétents. La direction morale de ces fouilles fut confiée
à Mgr Ludwig KAAS, le travail lui-même fut confié à quelques bons pères spécialistes, aux gardiens de
la basilique et aux fossoyeurs officiels des catacombes. Le résultat des fouilles fut publié au début des
années 50, déception, la tombe présumée de Pierre était vide.
Dans les années 60, une femme spécialiste d’inscriptions grecques, Margherita GUARDUCCI obtint la
permission de reprendre les fouilles. Dans son petit livre traduit en français sous le titre « Saint Pierre
retrouvé, le martyre, la tombe, les reliques » publié en 1974, elle raconte sous une forme argumentée
toute son aventure de recherche qui l’amène à conclure qu’il y a bien sous l’autel de la basilique, la
tombe et les ossements de Pierre. Le pape Paul VI, convaincu par elle, a annoncé en juin 1968 cette
découverte : «on a retrouvé les reliques de Pierre ». Ce petit ouvrage se lit comme un roman, voici
l’essentiel de ses découvertes et affirmations.
Pierre est mort martyr en 64 lors de la persécution de Néron, crucifié comme clou du spectacle dans le
cirque de Néron au Vatican. Il fut enterré tout proche là où l’empereur Constantin édifia la première
basilique début IVe siècle. Les premiers travaux furent ceux de Constantin qui aurait construit un petit
édifice en matériaux précieux au dessus de la tombe, retiré les ossements pour les préserver de la
destruction et les aurait placés dans une petite niche de l’édifice. L’édifice lui-même sert ainsi de
sarcophage, les ossements étaient enveloppés d’un tissu précieux de pourpre impériale avec des fils
d’or. Ce site fut tout au long du Moyen Age objet de dévotion, d’où les pièces de monnaie trouvées à
l’intérieur. Puis au cours des siècles, plusieurs constructions vinrent s’ajouter, masquant la première et
la faisant oublier. A la suite de ces fouilles, tout a été remis solennellement en place dans les
catacombes sous la basilique.
NOTES:
1[1] Christian GRAPPE, » D’un Temple à l’autre , Pierre et l’Eglise primitive de Jérusalem » PUF, 370 pages, 1992. Il s’agit
d’un ouvrage très technique, c’est en fait la rédaction d’un travail de thèse. Cet ouvrage a au moins deux mérites : de
montrer les influences esséniennes sur le christianisme primitif, et souligner l’interprétation liturgique selon le rythme des
fêtes juives, par les premiers chrétiens, des épisodes de la vie de Jésus. Par exemple 1 Co V,7 : « Christ, notre Pâque a été
immolé ».
1[2] A l’époque de Jésus, il n’y a plus que 2 tribus ½ [Juda, Benjamin et la moitié de Lévi], les autres ont disparu dans la
tourmente de la fin des royaumes du Nord ( Samarie en 722) et du Sud ( Jérusalem en 587). Depuis ces époques, il y a cet
espoir de reconstituer les 12 tribus d’Israël dans un règne messianique terrestre.
1[3] 4 listes : Mt X,2-4 ; Mc III,16-19 ; Lc VI, 14-16 ; Actes I, 13. Rien dans Jean.
1[4] Sur l’affaire d’Etienne et des hellénistes voir par exemples :Etienne TROCME, « L’enfance du christianisme », Noesis,
211 pages, 1997. Et Marie-Françoise BASLEZ, « Bible et Histoire » Fayard, 479 pages, 1998.
1[15] Sion est l’antique nom de Jérusalem, désigne le Mont du temple avec la présence de Dieu. Dans He XII,22, Sion est
identifiée à la Jérusalem céleste. Ap XIV, 1, situe à Sion le grand rassemblement des 144 000 compagnons de l’Agneau.
Les chrétiens ont donné le nom de Sion à a colline sud-ouest de Jérusalem, là où se trouvait le Cénacle, le lieu de la
Pentecôte. L’Eglise Sainte -Marie -du-Mont- Sion y fut édifiée au Ive siècle.
1[21] La maison de Hanne détient la fonction de Grand Prêtre sans interruption de l’an 18 de notre ère jusqu’en l’an 41
environ, Caïphe, gendre de Hanne (18-36), Jonathan (36-37), Théophile ( 37-41 ?). La crucifixion de Jésus eut lieu sous le
pontificat de Hanne., de même que les premières persécutions.
1[22] L’expression de chrétiens, « christianos » dérive de Christos, le messie, l’oint. Actes XI, 26, dit que ce nom fut donné
aux disciples de Jésus, à Antioche vers l’an 43, par les païens, un peu comme un sobriquet, une moquerie ( ceux qui sont
oints, dans le sens de barbouillés). En Judée on devait plutôt employé le mot Nazôréen. Le sens de ce mot est très discuté,
il signifie peut-être « sauvé », « préservé ». Pour des discussions savantes voir par exemple un article de la revue Biblique
1998, t.105-2, pp.263…
1[23] Le conflit d’Antioche exposé dans le livre des Actes (XV) a été abondamment étudié et commenté, citons celui de
TROCME dans « l’enfance du christianisme » op ;cit ;.
1[25] R.E.-BROWN, « Antioche et Rome » Lectio Divina, N° 131,Cerf 324 pages, 1988. « Le Monde de la Bible » N°103,
mars-avril 197 intitulé « Rome et la Bible »., ainsi que les numéros 51 et 73. Le livre sous1[17] Bar-Jona en Mt, XVI, 17
signifie anarchiste ou tout simplement fils de Jonas.