Boyz `n the Hood

Transcription

Boyz `n the Hood
Le rapper Ice Cube joueDough Boy: « C'est la trouille de mon père qui m'a tenu loin des gangs »
« Oui, et c'est trop bête que tu ne t'en aperçoives
pas, FRÈRE [il hausse la voix]. »
Tre, Dough Boy et Ricky rencontreront la
violence des gangs lors d'une scène tout aussi
banale. Ils jouent au ballon près d'un terrain
vague, quand ils tombent sur un cadavre en
décomposition. A quelques mètres de là une
bande de jeunes types les interpelle. Ils comprennent vite qu'il yaut mieux filer ; que ces durs ont
sûrement tué le type qui pourrit au soleil. Fondu
au noir.
Les années ont passé. Tre, Dough Boy et Ricky
sont adolescents. Tre travaille plutôt bien, et
courtise une jeune catholique qui ne veut pas
coucher avec lui avant le mariage. Il a d'autres
petites amies moins prudes. Son père lui refile des
capotes, et quelques conseils : « N'importe quel
dingue peut faire un gosse avec sa queue, mais seul
un homme peut élever ses enfants. » Ricky, qui est
déjà père, vit toujours chez sa mère avec sa femme
et son minot. Excellent joueur de base-ball, il va
intégrer par ce biais l'université et faire des études
auxquelles il n'aurait jamais pu prétendre autrement. Dough Boy, c'est le branleur de la bande. Il
passe ses journées à picoler et à tenter de convaincre les filles de faire « the loco thing » avec lui. Ice
Cube est parfaitement toxique dans ce rôle de bad
boy qui devient un tueur, avant de finir quelques
jours plus tard à son tour à la morgue.
On ne va évidemment pas couper aux comparaisons entre John Singleton et Spike Lee, comme
si le cinéma noir américain avait commencé avec
ce dernier. Les personnages des films de Spike
Lee ont souvent un côté « cartoonesque » (voir
Radio-Raheem, le balèze au ghetto blaster, ou
Buggin'Out, le « radical » qui veut boycotter la
pizza dans « Do the Right Thing » ; ou encore le
manager foireux joué par Spike Lee lui-même, et
le pianiste de « Mo' Better Blues ») qu'on serait
bien en peine de retrouver dans « Boyz 'n the
Hood ». On pense plutôt à Cassavetes (l'observation subtile des rapports entre Furious et son
ex-femme), ou, s'il faut absolument rattacher
Singleton au cinéma noir, à Charles Burnett
(auteur des admirables « Killer of Sheep » et e To
Sleep With Anger ») — qui parle plutôt de la
génération des grands-parents des héros de
Singleton, de gens qui se souviennent encore du
Vieux Sud, d'un monde où la famille et l'Eglise
protégeaient corps et âmes des tours de cochon de
la vie. Les mômes de « Boyz 'n the Hood » n'ont
plus rien. Que leurs rêves fracassés et l'espoir
fragile de vivre encore jusqu'à demain. Et rien de
plus. Ça, personne ne l'avait encore montré
comme John Singleton. Un cinéaste est né. C'est
un événement finalement assez rare.
-
BERNARD LOUPIAS
« Boyz 'n the Hood », de John Singleton, sera
projeté à Cannes le 13 mai dans la sélection « Un
certain regard » et sortira en salles à l'automne.
9-15 MAI 19911109