Infiltration périradiculaires lombaires
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Infiltration périradiculaires lombaires
M I S E A U P O I N T Infiltrations périradiculaires lombaires Première partie Bases anatomiques et physiopathologiques ! P o i n t s V. Daumen-Lègre, T. Pham* f o r t s " L’infiltration périradiculaire (ou foraminale) est une technique radioguidée simple, de plus en plus utilisée dans le traitement des lombosciatiques et cruralgies. gement pratiquées, mais leur utilité n’est pas formellement prouvée. Leur utilisation est toutefois logique puisqu’elles ont pour but d’injecter une dose suffisante de corticoïdes à proximité du site de la souffrance radiculaire, et que l’on connaît maintenant l’importance des phénomènes inflammatoires dans la genèse de la radiculalgie par hernie discale (2). " Le corticoïde est injecté à la sortie de la racine du foramen intervertébral. " L’inflammation radiculaire et l’atteinte du gan- glion rachidien postérieur contribuent à générer la radiculalgie. C’est à ce niveau que l’infiltration agit. " Comme toutes les infiltrations rachidiennes, l’infiltration périradiculaire ne modifie pas l’histoire naturelle de la lombosciatique, qui connaît une résolution spontanée dans 90 % des cas à un an. Elle permet de passer un cap, en réduisant la période douloureuse. Mots-clés : Infiltration périradiculaire ou foraminale - Corticoïdes - Lombosciatique - Hernie discale. L e traitement des radiculalgies est avant tout médical, à base d’antalgiques, d’anti-inflammatoires, de myorelaxants et de repos relatif. La mise au repos strict prolongé est une attitude actuellement très contestée (1). En cas d’échec, les infiltrations rachidiennes de corticoïdes sont lar* Service de rhumatologie, CHU Timone, Marseille. 24 Figure 1. Infiltration périradiculaire L4 : projection de l’aiguille en regard du foramen intervertébral. La Lettre du Rhumatologue - n° 260 - mars 2000 M Plusieurs techniques sont utilisées, mais les indications sont mal codifiées. Les plus employées sont les infiltrations épidurales, pour lesquelles les études contrôlées fournissent des résultats contradictoires (3). Les infiltrations interapophysaires postérieures, proposées dans les lombosciatiques arthrosiques, ont fourni des résultats décevants lors des quelques études contrôlées réalisées (4). Les injections intradurales (technique de Luccherini) n’ont pas fait la preuve de leur supériorité sur les épidurales (5), et leurs effets secondaires potentiellement graves (thrombophlébites cérébrales) ont conduit à éviter leur emploi dans cette indication. Plus récemment, une technique d’infiltration périradiculaire ou foraminale a été développée : il s’agit de l’injection d’un produit à la sortie du foramen intervertébral, à proximité du ganglion radiculaire dorsal (figure 1, voir p. 24). Elle est effectuée par voie postérolatérale sous guidage radioscopique ou tomodensitométrique. I S E A U P O I N T Cependant, la diffusion nette du produit dans l’espace épidural à travers le foramen laisse augurer d’une efficacité sur les compressions médianes et médio-latérales, au même titre que les infiltrations épidurales. L’efficacité des infiltrations foraminales observée dans certaines séries comprenant des hernies médio-latérales en témoigne (12, 14, 17, 20). Il n’y a pas de risque de brèche durale si l’aiguille est correctement positionnée, car la gaine radiculaire ne dépasse pas les limites du foramen. HISTORIQUE Les injections périradiculaires de produit anesthésique étaient déjà utilisées, pour poser le diagnostic de certaines radiculalgies (6-8). Des auteurs ont même couplé l’administration d’un corticoïde à cette injection test (9-11) afin d’évaluer le bienfondé d’une intervention chirurgicale selon la réponse observée. Depuis dix ans, les infiltrations périradiculaires de corticoïdes sont proposées (12-21, 32, 33) dans le traitement des radiculalgies résistant aux autres traitements, notamment aux infiltrations épidurales. L’avantage théorique des infiltrations périradiculaires est de pouvoir placer l’aiguille précisément à proximité du conflit radiculaire et du ganglion rachidien postérieur, grâce au radioguidage, pour une efficacité optimale. Cette technique, jusqu’alors peu répandue, connaît actuellement un regain d’intérêt avec les progrès réalisés dans la compréhension de la physiopathologie du conflit disco-radiculaire. Figure 2. Infiltrations rachidiennes et leurs rapports anatomiques. BASES ANATOMIQUES Site d’infiltration (figure 2) L’infiltration périradiculaire consiste à injecter le produit à la sortie du foramen intervertébral, là où la racine fait issue. Le trajet de la gaine radiculaire est bien illustré par une radiculographie (figure 3). Le point d’injection se situe en regard du foramen. Le corticoïde injecté baigne la racine, atteint le ganglion rachidien postérieur, et diffuse de façon rétrograde en remontant dans le foramen vers l’espace épidural. Anatomiquement, le caractère foraminal de cette infiltration en fait une indication des lomboradiculalgies par hernie foraminale ou extraforaminale. Cette indication est d’ailleurs la plus volontiers retenue. La Lettre du Rhumatologue - n° 260 - mars 2000 Figure 3. Radiculographie : trajet de la racine nerveuse à travers le foramen. Point d’injection à la sortie du foramen, en dehors de la gaine radiculaire. 25 M I S E A U P O I N T Figure 4. Sites de compression herniaire à l’origine d’une même radiculalgie. Lors de l’infiltration épidurale, le corticoïde est injecté à la partie postérieure de l’espace épidural, puis diffuse sur plusieurs étages rachidiens, avec probablement une concentration moindre du produit au site du conflit, et surtout un risque de brèche durale. JUSTIFICATION PHYSIOPATHOLOGIQUE (figure 5) Il existe plusieurs hypothèses expliquant la douleur radiculaire : réponse inflammatoire “auto-immune” au matériel discal, ischémie radiculaire par stase veineuse épidurale, et hyperpression intraforaminale du ganglion rachidien postérieur. Quel étage infiltrer ? (figure 4) Ce n’est pas le siège du conflit qui est pris en compte pour l’infiltration, mais le trajet douloureux. Une même radiculalgie peut trouver son origine à deux étages, selon que le conflit est médian ou latéral. Par exemple, une radiculalgie L5 peut être occasionnée par une hernie médiane ou médio-latérale L4-L5, mais aussi par une hernie foraminale ou extraforaminale L5-S1 (figure 2). L’infiltration périradiculaire sera réalisée dans les deux cas à la sortie de la racine L5 du foramen intervertébral L4-L5. 26 Inflammation discale et périradiculaire : complément de la compression mécanique Il est maintenant bien connu que la douleur radiculaire ne peut pas être imputée seulement à des phénomènes compressifs mécaniques (22, 23), mais qu’elle est sous-tendue par des facteurs chimiques pro-inflammatoires (métalloprotéinases, cytokines, phospholipase A2, etc.) présents dans le disque intervertébral dégénératif. Une étude expérimentale a montré, chez La Lettre du Rhumatologue - n° 260 - mars 2000 M I S E A U P O I N T Compression veineuse épidurale Il a été démontré qu’une protrusion discale peut induire une compression du plexus veineux épidural avec dilatation et stase veineuse. Ce phénomène aboutit à un œdème de la racine nerveuse responsable d’ischémie puis de fibrose péri- et intraneurale (29), avec douleurs de type neuropathique. Au stade de l’œdème, l’action des corticoïdes pourrait être bénéfique, et reste à préciser. Atteinte du ganglion rachidien postérieur Le ganglion rachidien postérieur joue un rôle important dans la nociception et dans la genèse de la douleur radiculaire (20, 30). Situé en regard de la partie externe du foramen intervertébral, il contient les corps cellulaires des fibres C et des fibres sensitives afférentes qui transportent le message nociceptif vers la moelle. La décompression chirurgicale du ganglion permet d’obtenir la guérison de certaines sciatiques. Il a été prouvé que les corticoïdes bloquent l’activité des fibres C (31). Leur injection foraminale, donc périganglionnaire, a un intérêt théorique certain dans le traitement des radiculalgies. CONCLUSION Figure 5. Physiopathogénie de la radiculalgie [adaptation selon P. Goupille (2)]. L’infiltration périradiculaire est une technique qui a récemment pris sa place dans l’arsenal thérapeutique des lombosciatiques et des lombocruralgies. Elle se justifie tant sur le plan anatomique que sur le plan physiopathologique, en permettant l’injection d’un corticoïde précisément à l’issue de la racine inflammatoire symptomatique, et au contact du ganglion rachidien postérieur. L’étage de l’injection est conditionné par la racine symptomatique et non par l’étage du conflit. Ses indications précises restent à définir. " La deuxième partie de cet article paraîtra dans un prochain numéro. le porc, que l’injection de fragments autologues de nucleus pulposus dans l’espace épidural provoquait une souffrance radiculaire, et ce en l’absence de toute compression mécanique (24). Le nucleus pulposus pourrait se comporter comme un corps antigénique dans l’espace épidural responsable d’une réaction auto-immune et stimuler, à son tour, une réaction inflammatoire aboutissant à une irritation de la racine (25), avec douleurs de type “nociceptif”. Cela expliquerait pourquoi de petites hernies peuvent provoquer des radiculalgies sévères alors que, inversement, de volumineuses hernies discales restent parfois asymptomatiques. On comprend la résolution spontanée de la plupart des lombosciatiques, malgré la persistance du facteur compressif (26, 27). Cette réponse inflammatoire pourrait être seulement transitoire dans les trois premiers mois (28). L’intérêt d’injections précoces de produits anti-inflammatoires stéroïdiens, au contact de cette réaction inflammatoire initiale, est ainsi suggéré. La Lettre du Rhumatologue - n° 260 - mars 2000 Infiltrations périradiculaires lombaires : technique, résultats, indications R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. 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L’infiltration périradiculaire comporte-t-elle un risque élevé de brèche durale ? RÉPONSES FMC 1. Non. Une inflammation discale et radiculaire a été décelée. Une stase veineuse épidurale et une atteinte du ganglion rachidien postérieur ont également été mises en cause. D’où l’intérêt d’injecter un corticoïde au site du conflit. 2. Quel que soit le siège de la compression radiculaire, médiane ou latérale à l’étage inférieur, l’injection est située à l’issue de la racine douloureuse, donc à la sortie du foramen intervertébral L4-L5 pour la racine L5. 3.Non. L’injection est effectuée à la sortie du foramen, où la dure-mère ne fait pas issue. 28 La Lettre du Rhumatologue - n° 260 - mars 2000