Voir à travers le brouillard devient possible

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Voir à travers le brouillard devient possible
Voir à travers le brouillard devient possible
Une technique néerlandaise d'imagerie se joue de l'opacité des obstacles ma~ériels ou biologiques
DAVID LAROUSSERlE
oiràtraverslesmursoula matière n'est plus un exploit depuis la
découverte des rayons X, en 1895·
Mais voir avec de la lumière visible, verte, rouge ou bleue, ce qui se cache
derrière un obstacle semblait un exploit
digne de la science-fiction. Pas pour l'équipe néerlandaise d'Allard Mosk, à l'université de Twente, qui a eu les yeux plus perçants que tout le monde.
Dans la reV\le Nature du 8 novembre,les
chercheurs expliquent comment ils ont
photographié un objet « invisible» car
situé derrière une mince couche de verre
opaque, En situation normale, un laser
édairantun tel milieu crée, comme un pha-
V
.
re dans un brouillard, un halo informe en
aval. Et inversement, si l'objet réfléchit la
lumière reçue, l'observateur ne voit
qu'une tache floue. Ce trouble vient de ce
que la lumière est diffusée dans toutes les
'directions par le milieu, que ce soit un
brouillard, du verre ou une mince couche
de peau.Impossible d'y distinguer lemoindre détail.
En 2007, la même équipe avait trouvé
une astuce pour transpercer l'opacité. En
analysant, à l'aide d'un détecteur situé derrière l'obstacle,le halo résultant, ils étaient
capables, en retour, de modifier la forme
de la lumière incidente jusqu'à ce que le
halo se transforme en une tache bien nette. Il y a quelques mois, une équipe israélienne de l'Institut Weizmann a utilisé cette idée pour focaliser un rai lumineux et
détecter des objets malgré la présenced'un
milieu turbide. Les Néerlandais, dans leur
no uvelle expérience, font mieux car ils
n'ont pas besoin d'installer un instrument
en aval du milieu opaque. « Nous n'étions
pas sûrs di arriver et le résultat nous a un
peu surpris ", témoigne A1lard Mosk.
L'idée est simple. Au lieu d'éclairer sous
un seul angle l'obstacle diffusant la lumière et l'objet situé derrière, les physiciens
balaient sous plusieurs angles leurs cibles
et enregistrent les halos créés en retour.
Or, il se trouve que ces halos successifs se
déplacent d'une manière prévisible en
fonction de l'angle. « L'image de l'objet se
retrouve codée dans ces déformations.Heureusement, ce code n'est pas difficile à
déchiffrer par un ordinateur ", explique
Allard Mosk. Ila fallu neanmoins plusieurs
dizaines de minutes et un millier d'angles
di,fférents pour photographier la lettre
, grecque pi, cachée qerrière un verre opaque de dix micromètres d'épaisseur. Et
deux fois plus pour une cellule de plante.
«C'est une belle avancée, techniquement
simple à réaliser. Mais en pratique on est
limité par l'épaisseur de la couche traversée
par la lumière >1. remarque Geoffroy Lerose:y, de l'Institut Langevin à Paris.
En effet, plus l'épaisseur est grande,
moins les corrélations entre les différentes
images des halos sont bonnes, et moins
précise sera la reconstruction finale. Néanrrloins, A11ard Mosk pense possible de voir
à travers une feuille de papier, voire une
cC/uche de peau. De quoi, en biologie, observer l'intérieur d'un œuf sans le casser par
el~emple .•