The influence of major depressive disor

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The influence of major depressive disor
Mises au point
Mises au point
Trouble dépressif majeur et réponse à
la méthadone chez des patients stabilisés
The influence of major depressive disorder on the response
to methadone in stabilized methadone maintenance treatment patients
A. Elkader* et **, B. Brands*, ***, ****, X. Balducci*, ***, B. Sproule*, **, *****
Mots-clés : Traitement par méthadone, Trouble dépressif majeur, Symptômes
de sevrage aux opioïdes.
Keywords: Methadone maintenance treatment, Major depressive disorder, Opioid
withdrawal.
Beaucoup de patients en traitement ressentent des symptômes de sevrage
entre les prises de méthadone. L’objectif de cette étude était précisément
d’étudier l’influence du trouble dépressif majeur sur la réponse à la méthadone chez ces patients. Elle a effectivement démontré que ceux qui présentent un tel trouble ont des symptômes de sevrage aux substances opiacées
et des effets dysphoriques plus importants que les autres patients ne souffrant
pas de ces troubles de l’humeur.
Many patients enrolled in methadone maintenance treatment experience significant inter-dose opioid
withdrawal. Mood states have been related to patient satisfaction with treatment and may influence
how methadone patients experience opioid withdrawal. The objective of this study was to investigate
the influence of major depressive disorder on response to methadone in patients on methadone maintenance treatment. Seventeen methadone patients (7 depressed, 10 not depressed) had subjective
assessments (SOWS, ARCI, POMS) over one 24-hour dosing interval. Depressed subjects experienced
more dysphoric opioid effects as measured by the Addiction Research Centre Inventory LSD subscale
(AUEC : 14 ± 32 vs -31 ± 47 ; p < 0,04) and had higher scores on the SOWS (AUEC : 33 ± 97 vs
-74 ± 67 ; p < 0,02) over the dosage interval. Hamilton depression scores significantly correlated with
trough subjective opioid withdrawal scale scores (r : 0,7 ; p < 0,004). Results suggest that depressed
methadone patients may be more sensitive to negative opioid effects and opioid withdrawal.
Forts taux de prévalence
de la dépression
La dépendance aux opioïdes est un trouble
chronique avec rechute qui a des conséquences sociales et sanitaires importantes. La méthadone a été utilisée comme traitement pharmacologique de la dépendance aux opioïdes
depuis le milieu des années 1960, mais, en dépit de son efficacité clinique, les patients expriment un degré de satisfaction de leur traitement très variable. Ainsi, Dyer et White ont
* Centre de toxicomanie et de santé mentale, 33 Russell
St, Toronto, Ontario, Canada, M5S 2S1.
** Département de sciences pharmaceutiques, université
de Toronto.
*** Département de pharmacologie et toxicologie,
université de Toronto.
**** Bureau de la recherche et de la surveillance,
programme de la stratégie antidrogue et des substances
contrôlées, Santé Canada, Ottawa, Ontario, Canada.
*****Département de psychiatrie, université de Toronto.
relaté que 34 % de patients en traitement par
méthadone présentaient des symptômes de
sevrage aux opioïdes, de façon fréquente ou
même permanente, entre deux prises, malgré
une posologie adaptée. Dans une autre étude,
ces mêmes auteurs ont montré qu’il existait
une relation entre perturbation de l’humeur et
satisfaction du traitement (1). En effet, la perturbation de l’humeur mesurée par l’échelle
Profile of Mood States (POMS) [2] était associée au niveau de la non-satisfaction du traitement par méthadone (1). Ces données sont
cohérentes avec ce que l’on connaît des forts
taux de prévalence de dépression parmi les
patients dépendants des substances opiacées.
Ainsi la prévalence de la dépression au cours
des six derniers mois chez les patients en traitement par méthadone était de plus de 40 %
et la prévalence actuelle d’environ 20 % (3-5).
L’influence de l’humeur pourrait permettre
d’expliquer la variabilité mise en évidence
dans la réponse au traitement par méthadone.
Notre hypothèse était que les patients en trai-
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tement par méthadone présentant un trouble
dépressif majeur auraient des réponses pharmacodynamiques à la méthadone altérées par
rapport aux autres.
Les sujets inclus devaient avoir au moins
18 ans, être en traitement par méthadone,
stabilisés (depuis au moins 6 mois et avec la
même posologie depuis au moins un mois).
Les patients étaient évalués avec le Structured Clinical Interview du DSM-IV (SCID).
Les sujets ont été répartis en deux groupes :
ceux présentant un épisode dépressif majeur (avec dépression) et ceux ne présentant
pas cette pathologie (sans dépression). Les
sujets ayant un autre trouble psychiatrique
(sauf troubles anxieux) ou autres liés à
l’usage de substances (sauf dépendance au
tabac) étaient exclus de l’étude.
É tude d’observation
sans intervention
Les sujets continuaient à prendre leur posologie de méthadone journalière prescrite.
Ils devaient fournir un échantillon d’urine
pour le dépistage toxicologique et se soumettre à une mesure d’éthylotest.
Ils étaient évalués avec des versions informatisées du Addiction Research Center
Inventory (ARCI) [6], du POMS (2) ainsi
que du Subjective Opioid Withdrawal Scale
(échelle de mesure subjective de symptômes
de sevrage aux opioïdes) [SOWS] (7) avant
leur prise de méthadone, puis 1, 2, 3, 4, 5, 6,
8, 10, 12, et 24 heures après la prise.
Tous les sujets étaient évalués avec l’échelle
de dépression d’Hamilton (HAMD) à 21
items (8) dans le but de mesurer la sévérité
de leur symptômes dépressifs.
L’aire sous la courbe de l’effet par rapport
au temps (AUC) était calculée pour toutes
les mesures pharmacodynamiques à l’aide
de la règle trapézoïdale linéaire. Le changement maximal par rapport à la ligne de base
était aussi calculé pour toutes les mesures.
Les scores SOWS à la concentration plasmatique minimale de méthadone étaient
corrélés avec les scores du HAMD.
Résultats : au total, 17 patients avaient
terminé l’étude. Les sujets avec dépression
avaient des scores de niveau de symptômes
dépressifs significativement plus élevés
que ceux sans dépression (mis en évidence
par les scores du HAMD et de la sous-dimension dépression/déjection de l’échelle
POMS). Le dépistage toxicologique avait
mis en évidence une consommation de benzodiazépines chez 24 % des sujets, de cannabis chez 18 % et de cocaïne chez 6 %. Sans
différence entre les patients en traitement
Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 1 – janvier-février-mars 2009
Mises au point
Mises au point
En bref
Dix-sept patients (7 avec dépression, 10
sans) avaient répondu à des questionnaires subjectifs (SOWS, ARCI, POMS)
pendant une période de 24 heures correspondant à l’intervalle de temps entre
deux prises de méthadone. Les sujets
avec dépression ressentaient des effets
dysphoriques significativement plus élevés que ceux sans dépression d’après la
sous-dimension LSD de l’échelle ARCI
(ASCE : 14 ± 32 versus -31 ± 47 ; p <
0,04) et les sujets avec dépression ressentaient plus de symptômes de sevrage
par rapport aux sujets sans dépression
d’après le SOWS (ASCE : 32,7 ± 95,9
versus -74,2 ± 66,7 ; p < 0,02). Les scores
HAMD étaient significativement corrélés aux scores SOWS au moment de la
concentration plasmatique la plus basse
de méthadone (r = 0,70, p < 0,004).
Figure 1. Scores du SOWS sur une période de 24 heures
chez des patients en traitement par méthadone avec
ou sans dépression. Les patients avec dépression
ressentaient plus de symptômes de sevrage aux opioïdes
à tous les temps. Les barres d’erreur sont des écart-types
de la moyenne.
par méthadone avec ou sans dépression.
La prévalence des troubles anxieux (définis
par les critères du DSM-IV) se répartissait
entre phobie sociale (12 %), troubles panique (6 %), obsessionnels compulsifs (6 %)
et post-traumatiques (6 %). On n’a pas pu
mettre en évidence de différence entre patients avec ou sans dépression. À noter :
deux des sujets souffrant de dépression
étaient sous antidépresseurs au moment de
l’étude (l’un sous paroxétine et l’autre sous
sertraline) mais, même en les retranchant,
les résultats restaient inchangés.
Résultats pharmacodynamiques
Les sujets avec dépression ressentaient des
effets dysphoriques significativement plus
élevés que ceux sans dépression d’après la
sous-dimension LSD du ARCI. De même,
les scores de l’aire sous la courbe de l’effet (ASCE) et le changement maximal par
rapport à la ligne de base (max.) étaient significativement plus élevés chez les sujets
avec dépression par rapport à ceux sans
dépression (respectivement ASCE : 14,1 ±
32,3 versus -31,0 ± 46,7, p < 0,04 et max. :
0,7 ± 3,9 versus -2,7 ± 2,6, p < 0,04).
Les sujets avec dépression ressentaient plus
de symptômes de sevrage par rapport aux sujets sans dépression d’après SOWS (ASCE :
32,7 ± 95,9 versus -74,2 ± 66,7, p < 0,02)
[figure 1]. De plus, les scores HAMD étaient
significativement corrélés avec les scores
SOWS 24 heures après la dernière prise
(r : 0,70, p < 0,004) [figure 2].
Conclusion
dépressif majeur et sous méthadone, depuis
plus d’un an et demi en moyenne, présentaient une symptomatologie dépressive significative. Il est probable qu’un prise en
charge de ces symptômes dépressifs peut
avoir un effet positif sur la satisfaction du
traitement méthadone pour ces patients. n
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treatment (MMT) patients. Drug Alcohol Depend
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Notre étude a effectivement démontré que
les patients en traitement par méthadone
avec dépression avaient des symptômes
de sevrage aux substances opiacées et des
effets dysphoriques plus importants que
les autres patients ne souffrant pas de ces
troubles de l’humeur. Cela était congruent
avec la relation établie entre la présence de
dépression et de moins bons résultats en
termes de réponse au traitement par méthadone (9). Par conséquent, il est vraisemblable que la dépression modifie de façon
notable le vécu du traitement méthadone en
contribuant à diminuer la satisfaction des
patients, exprimée par une augmentation de
l’intensité des symptômes de sevrage. Ce
concept est soutenu par la corrélation significative entre la sévérité des symptômes dépressifs et les symptômes de sevrage. Ainsi,
nos résultats suggèrent que le traitement
de la symptomatologie dépressive pourrait améliorer la satisfaction du traitement
méthadone. Et cela d’autant plus
que les taux de prévalence de la
dépression sont notables dans cette
population (20 % et plus), surtout
après six mois de traitement (plus
de 40 %) [3-5].
Par ailleurs, une étude récente de
Schreiber et al. a démontré que la
Figure 2. Corrélation des scores HAMD et SOWS
sévérité de la dépression diminuait
24 heures après la dernière prise. Les scores de
avec le temps au décours d’un traisymptômes de sevrage aux opioïdes étaient plus élevés
tement méthadone (10). Dans notre
chez les patients avec les scores HAMD les plus élevés.
étude, les patients ayant un trouble
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