La conduite d`engins

Transcription

La conduite d`engins
service droit en pratique
La conduite d’engins
L
a réglementation relative à l’utilisation des
équipements de travail
prévoit notamment les règles
à respecter en ce qui concerne
la circulation en entreprise, les
modes opératoires et la formation des conducteurs.
Une obligation générale
de formation à la conduite
L’article R. 4323-55 du Code
du travail dit que la conduite
des équipements de travail
mobiles automoteurs et des
équipements de travail servant au levage est réservée
aux travailleurs qui ont reçu
une formation adéquate. Cette
formation est complétée et
réactualisée chaque fois que
nécessaire.
Il s’agit d’une obligation de
formation préalable qui est
généralisée à l’ensemble des
équipements mobiles automoteurs et des appareils de
levage. Elle s’impose pour
tous les matériels concernés (ponts roulants, chariots
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Travail & Sécurité ­­– Juin 2010
automoteurs, grues, pelles
hydrauliques…) et concerne
tous les secteurs d’activité
(industrie, distribution alimentaire, BTP…). Elle vient compléter la formation en matière
de sécurité prévue à l’article
L. 4141-2 (1) du Code du
travail et elle a pour objectif de donner au conducteur les connaissances et
le savoir-faire nécessaires
à la conduite en sécurité
sur le lieu de travail.
Un arrêté du 2 décembre
1998 (2) a défini les objectifs et les modalités de
cette formation à la
conduite. Il précise que
la durée et le contenu
de la formation doivent
être adaptés à l’équipement de travail concerné
et dépendent donc de la
complexité de l’équipement et de l’expérience
pratique du salarié.
La formation peut être
dispensée en interne
par des formateurs
compétents appartenant à
l’entreprise ou en externe par
un organisme de formation
spécialisé. En tout état de
cause, le choix des moyens
mis en œuvre pour assurer une
formation appropriée et de
qualité, ainsi que l’évaluation
du niveau de compétence des
formateurs, relèvent de la responsabilité de l’employeur (3).
Le Certificat d’aptitude
à la conduite en sécurité
(Caces)
La circulaire du 15 juin 1999
attire l’attention sur le fait que
l’utilisation en sécurité de certains équipements de travail
fait l’objet de recommandations de la Caisse nationale
d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).
Ces recommandations prévoient pour la conduite d’un
certain nombre d’engins (les
grues à tour, les grues auxiliaires de chargement de véhicules, les engins de chantier,
les chariots automoteurs
de manutention, les platesformes élévatrices mobiles
de personnes (4)) la délivrance
d’un certificat d’aptitude à la
conduite en sécurité (Caces)
après un contrôle des connaissances et du savoir-faire du
candidat. Ce certificat s’adresse
à des conducteurs maîtrisant
la conduite de l’engin concerné
en raison d’une expérience
professionnelle ou d’une formation qualifiante suivie.
Le Caces ne doit donc pas être
confondu avec un contenu de
formation. Il constate un état
des connaissances et des capacités d’un salarié à conduire en
sécurité.
Le Caces est délivré à l’issue
d’un test d’évaluation, théorique et pratique, réalisé à
partir des référentiels et
fiches d’évaluation de
connaissances détaillés
par les recommandations de la CNAMTS. Les
contrôles sont effectués
par des testeurs qualifiés
appartenant à des organismes ou entreprises
testeurs dont la qualification a également été
reconnue par un organisme certificateur.
L’application des recommandations de la
CNAMTS relatives aux
Caces n’est pas obligatoire, mais constitue un
bon moyen pour l’employeur de se conformer aux obligations de
contrôle des connaissances et du savoir-faire
© Yves Cousson/INRS
Dans le cadre de leur travail, les salariés peuvent
être amenés à exécuter différents types
d’opérations de transport, de manutention,
de levage ou de terrassement. Ces activités
nécessitent souvent l’utilisation d’engins
particuliers : engins mobiles ou appareils
de levage. La conduite de ces matériels expose
le conducteur et les salariés évoluant à proximité
à des risques d’accidents (collision, renversement,
heurt, chute d’objets…). Elle est encadrée par
des textes visant à la protection des travailleurs
issus du Code du travail et des textes régissant
la circulation des véhicules issus du Code
de la route. L’employeur doit veiller à la stricte
application de ces règles.
© Gaël Kerbaol/INRS
du conducteur d’engins imposées par l’arrêté du 2 décembre
1998 et indirectement à l’obligation de formation. Elles
donnent également une traçabilité certaine à la mise en
œuvre d’actions de formation
à la conduite et de contrôle des
compétences du conducteur
de l’engin.
Une autorisation
de conduite pour certains
équipements
L’obligation de formation
générale qui concerne l’ensemble des équipements de
travail servant au levage et
des équipements de travail
mobiles automoteurs est
complétée pour certains équipements particuliers par une
obligation, pour le conducteur,
d’être titulaire d’une autorisation de conduite (article
R. 4323-56 du Code du travail).
Ainsi, par exemple, la conduite
d’un chariot automoteur nécessite à la fois une formation à la
conduite et la détention d’une
autorisation de conduite.
A contrario, la manœuvre d’un
monte-meubles n’oblige pas à
être titulaire d’une autorisation
de conduite, mais implique
une formation adéquate préalable conformément à l’article
R. 4323-55 du Code du travail.
À noter que la liste des équipements de travail concernés par
la délivrance d’une autorisation de conduite est fixée par
l’arrêté du 2 décembre 1998.
Sont visés les grues à tour,
les grues mobiles, les grues
auxiliaires de chargement de
véhicules, les chariots automoteurs de manutention à
conducteur porté, les platesformes élévatrices mobiles
de personnes et les engins
de chantier télécommandés ou à conducteur porté.
Cet arrêté précise, par ailleurs,
que l’autorisation de conduite
est établie et délivrée par le
chef d’établissement après
une évaluation des capacités
du salarié. Cette évaluation,
préalable à la délivrance de
l’autorisation, est fondée sur
trois éléments :
• un examen d’aptitude réalisé
par le médecin du travail ;
• un contrôle des connaissances et du savoir-faire de
l’opérateur pour la conduite
en sécurité de l’équipement
de travail ;
• une connaissance des lieux
et des instructions à respecter sur le site d’utilisation.
Le contrôle des connaissances
et du savoir-faire du salarié
peut être effectué par l’entreprise elle-même ou par un
organisme extérieur. La circulaire du 15 juin 1999 rappelle à ce sujet que le chef
d’entreprise peut, sous sa responsabilité, se fonder sur une
attestation ou un certificat de
formation délivré par un organisme spécialisé pour évaluer
le niveau de connaissances du
salarié.
Le permis de conduire
L’application de la réglementation édictée par le Code du
travail ne fait pas obstacle à
l’application d’autres textes
réglementaires. Le respect des
obligations relatives à l’utilisation des machines mobiles sur
les lieux de travail devra s’articuler avec le respect des prescriptions issues du code de la
route.
De façon générale, les articles
R. 221-1 et R 221-4 du code
de la route précisent que la
conduite d’un véhicule nécessite, pour le conducteur, la
possession d’un permis de
conduire dont la catégorie
dépendra du poids total autorisé en charge (PTAC) du véhicule concerné. Le permis B
autorise la conduite de véhicules automoteurs dont le
PTAC n’excède pas 3,5 tonnes.
Le permis C est, lui, requis
pour la conduite de véhicules
automobiles isolés dont le
PTAC excède 3,5 tonnes, qui ne
sont pas affectés au transport
de personnes et qui ne comportent pas plus de 8 places
assises.
L’article R. 221-1 précité précise
en outre que l’obligation de
détenir un permis de conduire,
s’applique à la conduite sur
le réseau routier public, mais
également sur des voies
non ouvertes à la circulation
publique. En conséquence, le
fait que le véhicule utilisé par
un salarié circule exclusivement dans l’enceinte de l’entreprise ne semble pas pour
autant exclure l’obligation
d’obtention d’un permis de
conduire lorsque celui-ci est
requis par le Code de la route.
Des dispositions spéciales
sont cependant prévues pour
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service droit en pratique
La conduite d’engins
Y figurent notamment les engins spéciaux, étaient applipelles mécaniques, les nive- cables à ces matériels de traleuses automotrices, les rou- vaux publics. Par conséquent,
leaux compacteurs, certains les dispositions relatives au
appareils de levage (grues permis de conduire relevant
Les matériels
automotrices sur pneus ou du titre II ne leur étaient pas
de travaux publics
Sont considérés comme maté- chenilles) et le matériel mobile applicables.
riels de travaux publics au de concassage ou criblage Depuis une ordonnance du
22 septembre 2000 (7), une
regard du code de la route, (concasseurs mobiles).
les matériels ne servant En application de l’ancien nouvelle codification a été classées dans d’autres parties
norma­lement pas sur route article 138 du code de la réalisée à droit constant. Les du code en fonction du nouau transport de marchan- route (6), seules les disposi- dispositions du nouveau code veau plan et de la nouvelle
dises ou de personnes autres tions du titre 1er relatives à la de la route ont repris pour l’es- logique qui ont été adoptés.
Diffusé
à 98 000
exemplaires,
Sécurité
s’adresse
à tous
lessans
acteurs
de la prévention
Toutefois,
les principes: d’exque deux
convoyeurs
(article
les anciens
textes
circulationTravail
routière et&celles
du sentiel
salariés,
du travail,
d’entreprise,
agentsMais
de sécurité,
CHSCT,de détenception àde
l’obligation
R. 311-1 du
code de médecins
la route). titre
les disposi-membres
III du codechefs
de la route
rela- les modifier.
tion
du
permis
de conduire
La liste de ces matériels a tives
tions
qui
relevaient
dans
l’anaux
véhicules
et
appareils
organisations professionnelles et syndicales...
été établie par un arrêté agricoles, aux matériels de cienne codification du titre II pour la conduite de certains
du 7 avril 1955 (5) modifié. travaux publics et à certains ou du titre III, sont désormais matériels de travaux publics
la circulation des matériels et
engins de travaux publics et
des engins spéciaux.
.............
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75472 Paris Cedex 10
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Nombre d’abonnements
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 Dom
Europe -Tom
50 €
67 €
72 €
MAG 10
* Exonération TVA
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Montant
© Gaël Kerbaol/INRS
restent applicables.
Une circulaire du 7 avril
1955 ( 8) est venue apporter des précisions en ce qui
concerne la liste des matériels
de travaux publics concernés
par la dispense de permis de
conduire. Elle classe les matériels en deux catégories, selon
qu’ils possèdent ou non un
caractère routier prédominant. La circulaire explique
que les engins dont le caractère routier reste prédominant doivent être assimilés
à des véhicules automobiles
et sont donc soumis aux dispositions du titre II du code
la route où figurent notamment les prescriptions relatives au permis de conduire.
Un tableau annexé à la circulaire du 7 avril 1955 synthétise
la situation de l’ensemble des
matériels de travaux publics
au regard du code de la route.
Ce tableau classe les engins
en deux catégories. Les engins
classés dans la catégorie 1
sont soumis aux dispositions
du titre II et à l’obligation de
détenir le permis de conduire.
Les engins classés en catégorie 2 sont soumis aux seules
dispositions du titre III et ne
nécessitent donc pas la détention d’un permis de conduire.
À titre d’exemple, sont considérés par la circulaire comme
n’ayant pas un caractère
routier prédominant et donc
de catégorie 2, les excavateurs, les niveleuses tractées,
les niveleuses automotrices,
les pelles mécaniques ou les
grues automotrices sur pneus
ou chenilles. Les concasseurs mobiles sur camion ou
remorque routière sont classés, eux, dans la catégorie I et
leur conduite nécessite donc
la détention du permis de
conduire B ou C en fonction de
leur PTAC.
Les engins spéciaux
Par ailleurs, le code de la
route prévoit la fixation par
arrêté de dispositions particulières applicables à la circulation d’engins spéciaux. Ces
engins sont définis par l’article
R. 311-1 du Code de la route
comme des engins automoteurs ou remorqués servant
à l’élévation, au gerbage ou
au transport de produits de
toute nature, à l’exclusion du
transport de personnes autres
que le conducteur et éventuellement une autre personne
convoyeur, et dont la vitesse ne
peut excéder par construction
25 km/h (9).
Un arrêté du 20 novembre
1969 modifié (10) est venu préciser les règles particulières
de circulation de ces engins
spéciaux. Sont notamment
concernés les chariots munis
d’un dispositif élévateur dont
la vitesse ne peut excéder
par construction 25 km/h.
L’article 24 de l’arrêté précise
que seules les dispositions
du titre Ier du code de la route
sont applicables à ces engins.
Par conséquent, la conduite
de chariots automoteurs, dont
la vitesse par construction
ne dépasse pas 25 km/h, ne
nécessite pas la possession du
permis de conduire, qu’ils circulent dans l’entreprise ou sur
la voie publique.
En revanche, l’obligation de
détenir une autorisation de
conduite prévue par l’article
R. 4323-56 du Code du travail
reste applicable.
donc être titulaires d’un permis de conduire de catégorie
B ou C selon que le PTAC du
véhicule est supérieur ou non
à 3,5 tonnes.
Les tracteurs agricoles
Recommandation n° 377 modifiée relative
aux grues à tour.
Concernant la conduite des
tracteurs agricoles, la règle
générale énoncée à l’article
R. 221-4 du code de la route
qui impose la détention d’un
permis de conduire adapté
au PTAC de l’engin, s’applique.
Une dérogation est toutefois prévue à l’article R. 22120. Elle dispense de permis
de conduire les agriculteurs
utilisant un tracteur agricole
attaché à une exploitation
agricole, à une entreprise de
travaux agricoles ou à une
coopérative d’utilisation de
matériel agricole. Cette dérogation est strictement encadrée et ne peut être étendue
à d’autres utilisateurs. Ainsi,
les tracteurs utilisés notamment par les collectivités territoriales pour l’entretien des
parcs et jardins ne sont pas
considérés comme attachés
à une exploitation agricole.
Leurs conducteurs doivent
1. Cet article prévoit l’organisation d’une
formation pratique à la sécurité au profit
des travailleurs nouvellement embauchés,
des travailleurs qui changent de poste de
travail ou de technique, des travailleurs
temporaires et des travailleurs qui reprennent leur activité après un arrêt de travail
d’au moins 21 jours.
2. Arrêté du 2 décembre 1998 relatif à la
formation à la conduite des équipements
de travail mobiles automoteurs et des
équipements de levage de charges ou de
personnes.
3. Circulaire DRT n°99-7 du 15 juin 1999
sur l’application du décret n° 98-1084
du 2 décembre 1998 relatif aux mesures
d’organisation, aux conditions de mise en
œuvre et aux prescriptions techniques
auxquelles est subordonnée l’utilisation
des équipements de travail.
4. Recommandation n° 372 modifiée
relative aux engins de chantier.
Recommandation n° 383 modifiée relative
aux grues mobiles.
Recommandation n° 386 relative aux
plate-formes élévatrices mobiles de
personnes.
Recommandation n° 389 relative aux
chariots automoteurs de manutention à
conducteur porté.
Recommandation n° 390 relative aux
grues auxiliaires de chargement de
véhicules.
5. Arrêté du 7 avril 1955 modifié relatif
aux modalités d’application des articles
138 (§B) et 167 du décret n° 54-724 du
10 juillet 1954 portant règlement général
sur la police de la circulation routière.
6. Applicable jusqu’à l’entrée en vigueur du
nouveau code de la route le 1er juin 2001.
7. Ordonnance n° 2000-930 du
22 septembre 2000 relative à la partie
législative du code de la route.
8. Circulaire n° 42 du 7 avril 1995 relative
à l’application aux matériels de travaux
publics des dispositions du code de la
route.
9. Dans l’ancienne codification,
ces dispositions étaient contenues
dans l’article R. 168.
10. Arrêté du 20 novembre 1969 modifié
relatif aux modalités d’application de
l’article R.168 du code de la route.
Monica Ferreira
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