Injection intra-articulaire de corticostéroïdes dans le traitement de l

Transcription

Injection intra-articulaire de corticostéroïdes dans le traitement de l
Rhumatologie
pédiatrique
Injection intra-articulaire de
corticostéroïdes dans le traitement de
l’arthrite chez l’enfant
L
e traitement par injection intra-articulaire de corticostéroïdes (I-IAC) est encore celui qui produit les
résultats les plus remarquables chez les enfants
atteints d’arthrite juvénile en dépit de l’arrivée récente et
des possibilités futures des nouvelles biothérapies.
INDICATIONS DU TRAITEMENT PAR I-IAC
La principale indication du traitement par injection intraarticulaire de corticostéroïdes (I-IAC) est l’inflammation
articulaire aiguë chez l’enfant atteint d’arthrite juvénile.
Pour traiter une arthrite juvénile récemment diagnostiquée, la plupart des rhumatologues-pédiatres prescriraient d’abord un anti-inflammatoire non stéroïdien
(AINS) avant d’envisager un traitement par I-IAC parce
que l’arthrite juvénile est un diagnostic d’exclusion.
Certains rapports indiquent toutefois que chez l’enfant,
l’essai thérapeutique à l’aide d’un anti-inflammatoire à
effet général doit durer au moins six à dix semaines. Il
est vrai que cette période d’attente permet de
rechercher les autres causes possibles de l’arthrite, mais
de plus en plus de rhumatologues-pédiatres choisissent
d’emblée l’I-IAC (particulièrement avec l’oligo-arthrite
juvénile) pour éviter le traitement de longue durée par
les AINS.
Bien que les complications gastro-intestinales des
AINS soient beaucoup moins fréquentes chez l’enfant
que chez l’adulte, les parents des enfants arthritiques ont
entendu parler des risques potentiels des AINS dans le
traitement de l’arthrite chez l’adulte.
Peter B. Dent, M.D., FRCPC
Professeur de pédiatrie
Chef, Division de rhumatologie
et d’immunologie
Children’s Hospital at Hamilton
Health Sciences Corp.
McMaster University Medical
Centre
Hamilton, Ontario
4 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie
L’I-IAC s’avère un adjuvant utile aux injections pluriarticulaires dans le traitement de la polyarthrite juvénile
évolutive. Des études ont montré que l’I-IAC suivie
d’une physiothérapie intensive a été efficace chez des
enfants qui présentaient des difformités en flexion. Les
résultats révèlent une amélioration significative de l’amplitude du mouvement de l’articulation auparavant figée
par une difformité en flexion. Dans certains centres, on
procède à la pose d’une série de plâtres après l’injection
pour accroître l’amplitude finale du mouvement articulaire. (Les rhumatologues-pédiatres ont rarement recours
à l’injection dans les tissus mous, les tendons et les articulations sacro-iliaques).
MÉTHODE D’ADMINISTRATION
DU TRAITEMENT PAR I-IAC
L’aspect le plus important de l’injection intra-articulaire de
corticostéroïdes est le choix de l’agent. Plusieurs études
ont montré que l’hexacétonide de triamcinolone, une préparation injectable à action de longue durée et relativement insoluble, produit un effet plus durable que les corticostéroïdes injectables à action de courte durée (par
exemple, la méthylprednisolone). La réponse à l’hexacétonide de triamcinolone est liée à la dose, et la dose optimale est de 1,0 mg/kg. La dose maximale pouvant être
injectée dans une grosse articulation est de 40 mg.
Les types et les méthodes d’analgésie pour l’injection
intra-articulaire varient beaucoup, mais les pédiatres
déplorent l’attitude plutôt cavalière des médecins face à
la douleur et à la peur que peut éprouver l’enfant soumis
à une intervention effractive. Pour cette raison, et aussi
parce que la plupart des jeunes enfants refusent de
coopérer, de nombreux pédiatres-rhumatologues
préfèrent administrer une brève anesthésie générale ou
un sédatif avec l’assistance d’un personnel formé en
réanimation. Chez l’enfant plus âgé ou chez l’adolescent, le médecin se fie à son jugement clinique pour
déterminer si l’intervention peut être effectuée sous
anesthésie locale.
Les études menées auprès d’adultes ont montré que le
taux de succès du traitement par I-IAC est directement
relié à une injection véritablement intra-articulaire. Dans
une étude, les auteurs ont démontré qu’au moins le tiers
des injections dites « intra-articulaires » de l’épaule
avaient en fait été des injections extra-articulaires. On ne
sait pas de façon certaine s’il est nécessaire d’assécher
l’œdème articulaire pour obtenir tous les effets bénéfiques
de l’I-IAC. Par contre, à elle seule, l’arthrocentèse n’est
pas utile. Les recherches sur l’utilité de l’immobilisation de
l’articulation après l’injection chez l’adulte ont produit des
résultats contradictoires; chez l’enfant, il est difficile de
contrôler l’immobilisation, et on y recourt rarement.
RÉSULTATS THÉRAPEUTIQUES DANS L’ARTHRITE
JUVÉNILE
Les meilleurs résultats du traitement par I-IAC ont été
observés chez des patients atteints d’une oligo-arthrite
juvénile du genou, encore au stade précoce, en particulier dans des articulations présentant un épanchement
d’importance clinique. Les études publiées révèlent une
grande variabilité de la durée de la réponse (c’est-à-dire
des taux de rémission de 20 % à 80 % six mois après
l’injection). Des taux de réponse moins favorables et des
résultats moins durables ont été décrits dans le traitement
de l’arthrite juvénile d’emblée généralisée, de l’arthrite
psoriasique et des spondyloarthropathies.
En cas de récidive de l’inflammation dans des articulations ayant déjà répondu au traitement, il est possible
d’injecter de nouveau le corticostéroïde avec un taux de
succès acceptable. L’expérience clinique permet cependant de croire que le taux de succès diminue avec les
injections successives. En moyenne, on ne doit pas
administrer plus de trois ou quatre injections dans la
même articulation.
Les corticostéroïdes injectés par voie intra-articulaire
produisent des effets généraux. En effet, des recherches
ont démontré que le pic matinal des concentrations de
cortisol diminue pendant 10 à 30 jours après une injection. Les effets favorables observés dans les articulations
non traitées s’expliquent fort probablement par l’absorption générale du corticostéroïde.
COMPLICATIONS DU TRAITEMENT PAR I-IAC
L’injection intra-articulaire de corticostéroïdes n’entraîne
pratiquement aucune complication d’importance clinique. La complication la plus fréquente (environ 2 %) est
une atrophie sous-cutanée sur le parcours de l’aiguille.
Cette atrophie est plus susceptible de survenir autour de
petites articulations ou des articulations complexes dans
lesquelles il est plus difficile d’introduire l’aiguille dans
l’articulation (par exemple, les poignets ou les chevilles).
On peut prévenir l’atrophie sous-cutanée en administrant
un corticostéroïde à action de courte durée (plus soluble)
et, si on administre un corticostéroïde à action de longue
durée, en prenant bien soin de vérifier que l’injection est
bel et bien intra-articulaire.
On observe parfois une calcification péri-articulaire
ou d’autres anomalies radiologiques, par exemple, une
petite rotule, une ostéochondrite, des bavures osseuses
ou une nécrose avasculaire, mais elles sont probablement sans importance clinique.
Des études ont montré que l’hexacétonide de triamcinolone, dont les effets bénéfiques sont durables, est plus
susceptible de causer une atrophie et une calcification si
l’injection n’est pas intra-articulaire. Pour cette raison,
on préférera la méthylprednisolone pour les injections
dans les petites articulations.
L’arthrite aiguë suppurée est une complication potentielle du traitement par I-IAC. Aucun cas n’a encore été
signalé chez des enfants. On ignore si c’est à cause de
l’utilisation systématique de méthodes stériles, entre
autres, la désinfection de la peau et le port de gants
stériles, pour administrer des injections aux enfants.
L’injection intra-articulaire de corticostéroïdes
pour traiter l’arthrite juvénile s’avère une
intervention sûre et très efficace lorsqu’elle est
effectuée par un médecin expérimenté.
Cependant, à l’heure actuelle, ce traitement
demeure probablement sous-utilisé, et son mode
d’action n’est pas encore parfaitement compris.
CONCLUSION
De nombreux parents sont inquiets lorsqu’on leur parle
d’injecter des corticostéroïdes dans les articulations de leur
enfant. Dans la plupart des cas, cependant, le médecin
peut rassurer les parents en leur expliquant que l’injection
n’est pas douloureuse et que c’est un traitement sûr.
L’injection intra-articulaire de corticostéroïdes pour
traiter l’arthrite juvénile s’avère une intervention sûre et
très efficace lorsqu’elle est effectuée par un médecin
expérimenté. Cependant, à l’heure actuelle, ce traitement demeure probablement sous-utilisé, et son mode
d’action n’est pas encore parfaitement compris.
Pour une revue clinique des principaux aspects de cette question, nous vous recommandons de lire : Dent PB, Walker N :
Intra-articular corticosteroids in the treatment of juvenile rheumatoid arthritis. Curr Opin Rheumatol, sept. 1998; 10(5):475-80.
Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 5