Trois ans après son exil, y a-t-il un « effet Gégé » à Néchin

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Trois ans après son exil, y a-t-il un « effet Gégé » à Néchin
Région
LA VOIX DU NORD LUNDI 1 JUIN 2015
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Trois ans après son exil, y a-t-il
un « effet Gégé » à Néchin ?
Gérard Depardieu vient de faire son grand retour sur la Croisette, à l’écran et dans les médias. Et peut-être
même à la frontière belge, trois ans après son retentissant exil (fiscal, disent les mauvaises langues).
Plutôt
à Tournai
« Bien sûr que je le vois »
Marc Hubaut n’est plus seulement boucher. En trois ans, rares
sont les saucisses vendues sans
avoir à répondre à : « Dites, est-ce
qu’“Il” vient encore dans la commune ? » Pile face à la White
Cloud, villa bourgeoise rachetée
précipitamment par Gérard Depardieu fin 2012, le commerçant
avoue : « J’ai l’habitude de jeter un
œil pour voir si sa voiture est là.»
Une « énorme » Ford Mustang
noire. Réflexe pro : Marc fournit
le lard fumé du petit déj’. La der-
nière apparition publique remonte à janvier – pour parrainer
la cave à vins municipale qui a
depuis fait faillite. Mais pour
Marc, « il vient une fois par mois ».
Même qu’« il était là il y a quinze
jours ». D’après son voisin. Ici, on
joue volontiers à l’homme qui a
vu l’homme qui a vu le célèbre
Néchinois qui n’a rien d’un ours :
« Il passe boire son vin avec moi. »
Du Château Tigné, vendu à la
boucherie, 9 à 14 euros la bouteille – anecdote comprise...
PAR CLAIRE LEFEBVRE
PHOTOS THOMAS LO PRESTI ET AFP
Marc Hubaut, fournisseur de lard fumé pour Gérard Depardieu.
« Ici, il n’y a que des Français ! »
Fausse alerte au printemps : Depardieu
Jean-Marc
aurait « (déjà) revendu ». En fait, c’est son
Reheul,
ex-associé nordiste qui, après une bisbille
expert
financière, a plié bagage. « On a entendu
immobilier
une vache braire », dit-on pour désamorcer une rumeur au plat pays où l’acteur
a eu des airs de poule aux œufs d’or. En
2012, le bourgmestre l’avait accueilli, en
même temps que les médias, à bras ouverts. Ici, certaines des 11 000 âmes
pensent qu’il en a fait « beaucoup ». Les
autres, « trop ». Trois ans plus tard, plus
question pour Daniel Senesael – qui n’a plus de contact avec la star – de parler d’« effet
Gégé ». Encore moins de fiscalité. Après tout, les grands entrepreneurs du Nord savaient
déjà (pas d’ISF en Belgique, etc.). La rue Reine-Astrid n’est-elle pas rebaptisée « rue Mulliez » (les fondateurs d’Auchan) depuis quinze ans ? « Néchin est toujours aussi campagne » : c’est tout ce que l’élu dit aujourd’hui. Les chiffres sont plus bavards : on y
compte 31 % de Français, contre 27 % en 2010. Loin d’être tous richissimes. Jean-Michel Reheul, gérant d’Abrimmo, vend surtout des petites maisons à des fonctionnaires
français : « L’immobilier 20 % moins cher et des impôts locaux deux à trois fois inférieurs
attirent, alors que si on oublie de freiner, on est en France ! » Depardieu aurait moins de
poids que la réforme de 2011 du statut du frontalier.
Un p’tit café chez Depardieu
« La Ford Mustang noire est à Nounours. Gérard
change. » Nounours, c’est Michel Boyard, misecrétaire particulier mi-ange gardien de l’acteur. La confidence est d’Annie Boyard, sœur
de Nounours. Elle tient depuis l’hiver la White
Cloud. Pour entrer, il faut montrer patte
blanche – « Gérard a été très atteint par les critiques. C’est un grand enfant, mais le business
c’est le business. » Le temps de la visite, un café inattendu fume. « C’est pas parce que vous
êtes chez Depardieu que c’est guindé ! » Premier
message. Deux : « Gérard vient faire le point
une fois par semaine. » Sauf ces quinze derniers jours – Cannes oblige. Trois : Annie entretient la spectaculaire robinetterie comme
le mythe de bon Samaritain du patron.
Trente lettres arrivent par semaine : « On
l’admire, on lui demande de l’argent. » Pour elle,
« il a fait bien plus que ma propre famille ». Gérard n’est peut-être pas tout à fait néchinois,
mais ici bat le cœur du clan Depardieu.
Bon, soit, « la White Cloud a abrité
le siège social des activités françaises
de M. Depardieu », admet-on en off
à Néchin, depuis que le réfugié est
devenu résident... à Tournai. À
20 km de Néchin, celui qui a gardé son hôtel particulier parisien
(mis en vente 40 millions d’euros
en partant pour la Belgique) loue
depuis l’hiver un 200 m2 près de
la cathédrale. « Il y dort quand il
vient inspecter la White Cloud », selon Annie Boyard, son employée
de la villa aux cinq chambres
d’hôte. Mais dans la cité des cinq
clochers aussi, « Gégé » est un
courant d’air. Salvatore Lombardo est un fan déçu : « On aurait pu
faire quelque chose d’unique. » L’expert tournaisien du caviar devait
gérer l’espace Depardieu, temple
gentiment imbibé de la bonne
bouffe annoncé pour mars.
« Mais ils ont sous-estimé l’opposition de la copropriété à leur projet »,
estime Salvatore, qui rêvait déjà
d’associer ses mets à une future
vodka bio russe Depardieu.
L’acteur et son banquier local, le
désormais discret Frédéric Cambier, auraient de nouveaux projets, comme dégoter enfin, un vrai
pied-à-terre belge.
OÙ EST GÉGÉ ?
L’acteur est en Charente où il
tourne Saint-Amour, film du duo
Delépine-Kervern sur la route
des vins. Il alterne avec sa tournée d’inspection de Néchin à la
Russie, du chantier de sa villa de
Trouville à ses commerces parisiens et ses 90 ha en Anjou.
DORMIR À LA VILLA
WHITE CLOUD
Annie Boyard,
proche de Gérard.
Les cinq chambres cossues, aux
baignoires improbables, sont
semées de livres et de spéculoos. Elles sont louées « surtout
le week-end pour les mariages ».
Tarifs : 135, 145 € (petit déj’
maison compris).
145, rue de la Station, Néchin (B).
www.villawhitecloud.com
2070.

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