LE LIVRE DU MOIS Mémoire et algérianité Ce
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LE LIVRE DU MOIS Mémoire et algérianité Ce
L'ACTUALITE LITTERAIRE LE LIVRE DU MOIS • Latifa Ben Mansour, La Prière de la peur, roman.Paris : La Différence, 1997, 380 p. Mémoire et algérianité par Christiane Achour narration ne leur servant que de faire-valoir — , et elles se succèdent en trois moments pour proclamer leur permanence, leur fragilité et leur révolte : la retraite à Aïn el Hout, la vie en France des deux Hanan et la veillée funèbre. La trame anecdotique est tragique. Elle se veut telle, à la mesure de la tragédie que vit l'Algérie. Il ne faut donc pas lire La Prière de la peur comme un roman classique — où trame des événements et complexité psychologique des personnages sont ciselés — , mais comme une fable symbolique pour signifier la défense de valeurs menacées, avec des personnages emblématiques et porte-parole et des situations concentrées en tableaux. Hanan, jeune femme partie depuis plusieurs années en France pour ses études, décide de rentrer définitivement à Tlemcen. A son arrivée à l'aéroport, elle est une des victimes Ce second roman de Latifa Ben Mansour, développe un projet semblable à celui du roman précédent, Le Chant du lys et du basilic : faire revivre la culture des femmes de Tlemcen, l'histoire de cette ville et des lieux qui lui sont proches, parce qu'elles sont l'espace d'origine de l'écrivain. Ce plaidoyer pour une culture, déjà menacée et plus que jamais livrée à la réduction et à l'oubli, s'inscrit ici dans l'actualité algérienne : le récit commence avec l'attentat à la bombe de l'aéroport et se termine par l'assassinat par les intégristes d'un personnage essentiel, Lalla Kenza. Les protagonistes sont des femmes — les hommes intégrés dans la 1 ALGERIE LITTERATURE / ACTION interrompant sa lecture par le récit de sa propre expérience (chapitres 13 à 16), celle d'Al Hamra, ponctuation féminine autre (aux chapitres 5 et 22). Deux chapitres de "repos" dans le rythme tragique (chapitres 20 et 21) sont consacrés à la visite de Tlemcen que Hanan offre à son mari, Idris. La voix narrative dirige très fermement la prévisibilité du récit : dédoublement et reflet d'une Hanan à l'autre, rôle protecteur d'Idris et rôle dévorateur du groupe, à la fois magnifié et regardé avec distance, issue fatale annoncée de cet exercice de lecture : "Elle ne savait pas qu'elle allait y laisser des lambeaux de peau". Ce qui capte le plus à la lecture est le très fort investissement des références culturelles dans la trame romanesque. Le double projet de restitution de mémoires individuelles et d'une mémoire collective est mené de front et entremêle le passé proche d'expériences existentielles dans le milieu étudiant et le passé plus intemporel d'une culture retrouvée : hadith-s, versets coraniques, poèmes, chants, contes et légendes, descrip-tions des rites confrériques. C'est une invitation à des retrouvailles culturelles qui ne manque ni de séduction ni d'information. de l'attentat à la bombe et se réveille à l'hôpital, amputée des deux jambes. Modifiant son projet car se sachant en sursis de courte durée, elle décide de s'installer à Aïn El Hout, terre de ses ancêtres, près du mausolée de Sidi Mohammad Ben Ali, avec son aïeule Lalla Kenza, pour écrire avant de mourir, sa vie et ses expériences et transcrire, conjointement, ce que lui confiera la parole de l'aïeule. Elle réalise ce projet, meurt dès le manuscrit terminé en ayant donné des consignes très précises pour ses funérailles dont celle du retour de sa cousine Hanan chargée de lire son oeuvre aux membres de la famille durant la veillée funèbre. Hanan, la seconde, reflet et voix de la première, se soumet au contrat puis le rejette, se sentant broyée et anéantie par cette lecture. Mais il est trop tard : les intégristes prennent possession des lieux, tuent l'aïeule et quelques autres. Hanan, réfugiée avec les siens dans la grotte de Tahamamin, meurt de trop de douleur. Fable symbolique, le récit se présente comme une chaîne de voix, celle de Lalla Kenza qui raconte l'histoire de la famille et des ancêtres (chapitres 3 à 7), celle de Hanan l'écrivain (chapitres 11,12,17,18,19) par la voix de sa cousine ; celle de cette dernière • 2 L'ACTUALITE LITTERAIRE Latifa Ben Mansour : portrait A propos de la parution de son second roman, La prière de la peur, nous avons évoqué, avec l'auteur, son parcours et parlé de cette dernière création. Latifa Ben Mansour est née à Tlemcen, en 1950. Son père était le premier Algérien ou Français musulman, agrégé de mathématiques. Il meurt en 1954. "J'ai ouvert mon regard sur la mort". Pendant toute la guerre, elle vit avec sa famille dans le quartier arabe de Tlemcen, ce qui signifie que rien ne leur est épargné. Elle y fait ses études primaires puis ses études secondaires, au lycée Malika Hamidou de 1962 à 1968, en Lettres Classiques. En terminale, elle est au lycée de garçons Benzerdjeb car les filles sont trop peu nombreuses pour former une classe. Elle est, pour la première fois, en relation avec des garçons autres que ceux de la famille. Elle subvient à ses besoins, comme elle le fera toujours, en étant surveillante d'internat. Après le bac, sa mère aurait souhaité qu'elle se marie ; mais elle, conformément à ce qu'elle désire et à ce que voulait son père, poursuit ses études supérieures. Elle entre à l'ENS de Kouba en 1969 pour des études de Lettres à Alger. Il n'est pas question pour sa famille qu'elle soit en cité universitaire. C'est ainsi qu'elle est hébergée chez les Soeurs à la Sainte Enfance, à Vieux Kouba. Elle y découvre la diversité de l'Algérie à travers toutes les compagnes qu'elle côtoie, des filles de tous les coins du pays. Chacune savait, bien sûr, d'où elle était mais il n'y avait pas de régionalisme conflictuel : "On était Algérienne. C'était clair". Elle découvre aussi la générosité, la bienveillance, la tolérance et la modestie des hommes et femmes de l'Eglise d'Algérie. Jamais un mot déplacé. Jamais une allusion à leur engagement aux côtés des Algériens pendant la guerre et après. Beaucoup avaient pris la nationalité algérienne. "Et ma dette envers eux est immense. Je ne le dirai jamais assez. Je leur dois mes études et ma répugnance à avoir des jugements bien arrêtés". A l'Université, elle s'intéresse particulièrement à la linguistique, grâce à l'enseignement de M. Malti : un enseignement où la langue était décrite sans jugement de valeur et non prescrite: "Malti s'intéresse à ce que je fais, non pas parce que je suis la fille de telle famille mais pour ce que je fais, ce que je suis ; même s'il avait une grande admiration pour mon père... Je tiens à préciser que je n'ai jamais fonctionné en termes de famille, ni en termes de clan, ni en termes de ville... C'est pour cela qu'aujourd'hui, si je 3 ALGERIE LITTERATURE / ACTION ne peux circuler dans le pays en tant que citoyenne algérienne, je ne rentre pas. Mon père ne prenait en considération que le mérite personnel de chacun et disait : 'Si tu existes pour moi, c'est par ton travail et ton intelligence'. Il disait aussi : 'L'intelligence n'a pas de frontière, n'a pas de race, n'a pas de sexe'. Je dis tout cela car c'est lui qui a impulsé une certaine direction dans ma vie, dans la vie de ses filles". Après avoir obtenu sa licence de Lettres à Alger, Latifa obtient une bourse d'études qui lui permet de poursuivre sa formation supérieure en France où elle arrive, en 1972-1973, "munie" d'un article de Culioli que Malti lui a fait lire : "Je ne peux pas oublier que c'est le système algérien de bourses qui m'a permis de continuer ces études. Lorsqu'on se retrouvait en France, parmi les Maghrébines, les Algériennes, de diverses origines sociales, étaient les mieux loties. Ma bourse m'ayant été supprimée, j'ai travaillé, grâce à mon Directeur de recherches, Antoine Culioli, au Département de Recherches linguistiques à Paris. J'assurais des cours de linguistique et de phonétique". Latifa passe d'abord sa maîtrise sur Les problèmes d'acquisition du français par les enfants migrants ; puis son DES sur La détermination en arabe algérien ; enfin, en 1993, sa thèse d'Etat sur Le système aspectuel en arabe de Tlemcen. Ses maîtres sont Culioli et David Cohen. Elle fait également une licence d'arabe à Paris III et souhaitait poursuivre une recherche en arabe sous la direction de Jamel Eddine Bencheikh mais n'a pas mené à terme ce projet : "Depuis plus de six ans, j'ai bifurqué vers la psychanalyse. Je travaille dans un groupe de recherche de l'Association Freudienne Internationale. En tant que linguiste et psychanalyste, je travaille sur les textes, mon domaine étant "Cordoue au XIème siècle (Ibn Rochd, Maimonide et Saint Thomas)". Par ailleurs, je suis enseignante de linguistique et de communication". Ce premier roman, publié chez Lattès en 1990 est suivi de l'écriture de deux pièces de théâtre, Dounia, créée au Théâtre International de Langue Française (T.I.L.F.) et au Festival off d'Avignon en 1995; puis Trente trois tours à son turban, jouée en mai 1997 au T.I.L.F. Cette pièce raconte l'histoire d'un A L / A — Pourquoi ce passage à l'écriture? Latifa Ben Mansour — A la naissance de mes enfants — j'ai deux enfants — , je me posais souvent la question : "Que vais-je leur laisser?" C'est ainsi que j'ai écrit Le Chant du lys et du basilic, commencé en 1981, continué en 1984 puis repris en 1988. 4 L'ACTUALITE LITTERAIRE impos-teur (ici un maître d'école), à partir du personnage de Djoha. Elle est publiée dans la collection Actes Sud papiers, dans un recueil intitulé Brèves d'ailleurs où elle est sur dix auteurs, la seule femme... : "Il reste du travail à faire..." Pendant ses années algéroises, elle a appartenu à la troupe de "Théâtre et Culture" avec Redha Kris (au Théâtre de la rue Mogador) : plus jamais elle n'a retrouvé l'ambiance qu'il y avait là, faite d'amitié, de respect, de solidarité et de fraternité. Kateb venait souvent. situation actuelle, il ne faut pas oublier cela : ce qui s'est fait dans le domaine de la culture et de l'éducation. En 1967 alors que j'étais lycéenne à Tlemcen, l'Abbé Bérenguer est venu donner une conférence au Colisée ; nous n'étions que quelques filles, tout le reste était des hommes. Et il nous a parlés de la mort du Che Guevara, son ami, d'une telle façon... pendant tout le temps de la conférence... Je suis rentrée chez moi et j'ai pris le deuil en empêchant qu'on mette de la musique... Je prenais le deuil du Che alors que je n'étais jamais sortie de Tlemcen...C'était ainsi alors l'Algérie! A L / A — Quelle était l'ambiance dans ce milieu d'étudiants ? L. B. — On travaillait. On recherchait des connaissances dans un climat d'émulation. Il n'y avait pas de régionalisme. Il y avait aussi la cinémathèque avec ses cycles et ses débats... une véritable vie intellectuelle. Je ne pense pas que je parlerai, en ce qui me concerne, de conscience politique mais d'une mouvance intellectuelle, d'une effervescence qui nous ont formés. Et puis il y avait toutes ces lectures...beaucoup de livres disponibles : ceux des éditions de Moscou a des prix dérisoires qui nous permettaient de lire Marx, Lénine, Engels, Freud, W. Reich, Breton, Aragon, Eluard, Kafka, etc.., à Alger, alors! Malgré la Le premier roman, Le Chant du lys et du basilic est sorti à un mauvais moment puisqu'il a été en librairie au déclenchement de la guerre du Golfe. Il a été traduit en allemand. En Algérie, il n'a pas été édité; mais il a été lu par Djamal Amrani et Azeddine Medjoubi en feuilleton à la Chaîne III, l'émission prenant le nom d'Ulysse. A L / A — Quelle a été sa réception ? L. B. — En France, les réactions de certains Algériens m'ont laissée sur le carreau : on m'a fait beaucoup de procès d'intention. On m'a traitée de régionaliste parce que je parlais de Tlemcen... mais on écrit sur le 5 ALGERIE LITTERATURE / ACTION lu ce qui encouragée. lieu qu'on connaît !... on m'a traitée de bourgeoise, d'aristocrate. Pourquoi ne parlai-je exclusivement que de l'arabe, etc. La communauté algérienne intellectuelle, je ne la connaissais pas. Je connaissais, par contre, des milieux moins favorisés par le travail d'alphabétisation que je faisais avec des religieux chrétiens. Ces réactions m'ont éloignée de l'écriture et fait prendre de la distance avec certains Algériens de France. Mes vrais amis sont en Algérie. était écrit m'avait A L / A — De très nombreuses références émail-lent tout le récit : on a même souvent l'impression que la trame anecdotique n'est qu'un prétexte pour faire lire une culture. L. B. — Il y a bien sûr l'influence de mes propres travaux en linguistique, toutes ces recherches faites sur cette littérature féminine de tradition orale. Je récupérais dans ma mémoire une transmission assurée par les femmes de la famille, par les chants et les contes. Je prenais place dans cette chaîne de femmes. Un autre exemple : le poème d'Ibn Msayb sur Tlemcen. C'est un poème trouvé chez mon grand-père. Je l'avais recopié et gardé. Il me suivait partout. L'Histoire du Sultan bien-aimé : c'est ma propre invention mais la trame, l'histoire de Ruh Al Aghrib, on me l'avait racontée. Ce qui me retenait dans cette histoire, c'était l'âme de l'étranger. Cela me plaisait de rappeler que le hawfi ne vient pas du cru mais qu'il vient de l'autre, de l'étranger. J'aimais dans cette légende la valeur qu'on donne à l'étranger. J'ai pris aussi des informations chez Ibn Khaldoun, dans l'Histoire de Tlemcen de Marçais, dans l'Ency-clopédie de l'Islam, chez Al Bekri, Ibn Meryem et dans les manuscrits de ma famille. A L / A — Ce second roman paraît en 1997 : comment cela s'est-il fait? L. B. — Dès 1991, Je m'étais remise à l'écriture encouragée par mes amis en Algérie qui ont démonté les arguments que je leur opposais. Avant de reprendre ce qui était écrit pour l'achever et l'éditer, j'ai beau-coup hésité, pour deux raisons : d'abord parce que je ne veux écrire que si cela peut enrichir le lecteur. Ensuite, je ne peux pas faire de commerce de la mort de mes amis... Mes arguments ont été démontés : "Si tu ne parles pas pour nous, qui va le faire?" C'est aussi la pièce de théâtre Dounia qui m'a remise à l'écriture. Et ce livre, laissé inachevé depuis 1991, me travaillait. J'y témoignais de cette Algérie que je tiens au plus profond de moi, mon bien le plus précieux, celle qu'on m'a apprise, une Algérie ouverte et diverse, dans le temps et l'espace. Je dois dire aussi que Mohammed Dib qui avait 6 L'ACTUALITE LITTERAIRE n'ai pas pu faire ce travail, ces enregistrements. Cela m'est resté en travers de la gorge puisque je n'ai plus pu le faire. Dans Lalla Kenza, j'ai mis tout ce que je connais de cette culture algérienne. A L / A — Pourquoi alors n'avoir pas écrit un livre d'Histoire ? L. B. — J'ai voulu ma liberté. Ce n'est pas un livre d'Histoire : je n'écris pas un livre à la gloire de... Bien sûr, je parle de l'histoire des miens, d'Aïn El Hout dont je suis originaire. Mais je me permets de changer certaines données, de remplacer Sidi Slimane (Histoire) par Sidi Abdallah (Fiction). Je veux parler de lieux que j'aime sans raconter de contre-vérités, en restant dans la vraisemblance mais pas nécessairement dans l'exactitude historique. Cela me permet aussi de laisser échapper mon lyrisme qui est sans doute le contrepoint nécessaire de mon travail d'universitaire. Par ce biais de la fiction je transmets plus aisément ce que j'aime de cette culture. Ce que j'ai connu de l'Algérie, je désire le transmettre. A L / A — Hanan, c'est le dédoublement ? Vos héroïnes vivent toujours dans le tragique? L. B. — Oui, ce sont des femmes en souffrance. Elles ont des histoires tragiques mais elles sont dans la vie même si c'est une vie douloureuse. Elles ne sont pas dans la mort, dans la pierre, dans les bijoux. Elles vont à l'essentiel dans la vie et ne s'attachent pas au bibelot que l'on peut faire tomber et qui symbolise le fétiche et le cadavre. La vie est tragique. J'ai épousé un Libanais et il y a eu toute la guerre du Liban. Ensuite, c'est mon propre pays qui a pris le relais...Le Liban se jouait une deuxième fois dans mon pays. J'avais parfois l'impression de vivre pour la troisième fois le cauchemar de la guerre, des massacres, des morts, des attentats...Mais ce n'était pas une impression ! C'est la réalité et ce n'est pas facile ! A L / A — Parlez-nous de ce personnage de Lalla Kenza. L. B. — C'est toute la culture qui me tient à coeur que je fais porter par Lalla Kenza. Plus haut j'ai parlé du travail que je voulais faire sous la direction de J. E. Bencheikh sur la littérature féminine pour une maîtrise en arabe. Il m'y a encouragée. Je voulais sillonner ensuite l'Algérie pour recueillir d'autres éléments de la littérature orale dans d'autres régions. J'y suis allée en décembre 91 au moment des élections, le drame, la nausée... et je A L / A — Et Al Hamra? L. B. — Elle est magnifique. La femme qui a souffert. C'est la femme traditionnelle qui porte le voile, la blousa ; mais qui est moderne dans sa manière de raisonner. Elle est rousse : on dit que les roux ont du caractère!... 7 ALGERIE LITTERATURE / ACTION a eu Franco en Espagne et Pinochet au Chili, et Salazar au Portugal, se réclamant de la Sainte Eglise, est-ce que comme Algé-rienne, je devais rejeter Monseigneur Duval ou piétiner la Passion du Christ? Doisje rejeter la langue et la civilisation françaises parce qu'il y a Le Pen et Mégret? C'est l'amalgame que je refuse et les formules à l'emporte-pièce. En fait on paye pour l'alliance avec le bloc soviétique, pour l'écroulement du mur de Berlin. Pourquoi aucun homme politique algérien ne dénonce-t-il cela? Pourquoi aucun homme politique ne souligne-t-il pas aussi la maturité de la grande majorité du peuple algérien qui tient l'Algérie à bout de bras et fait marcher ce pays contre sauvagerie et barbarie? A L / A — Tous ces prénoms, tous ces noms, alors? Hanan, bien sûr, c'est hanana, la douceur. Qu'est-ce qu'on fait quand on assassine une femme si ce n'est détruire cette parcelle d'humanité, ce lait, cette douceur qui sort du sein et qui nous nourrit? Et ce crime, on le fait depuis longtemps en Algérie. Les Hanan s'opposent aux femmes abominables, aux femmes "qui ont des gueules"..., celles qu'on appelle "Aïcha radjal" (= Aïcha, le mec), la virago ; car il y a aussi des femmes abominables et qui peuvent faire beaucoup de mal : je ne fais pas dans l'angélisme. Assassiner la féminité, c'est assassiner la vie. Kenza, c'est la femme de Moulay Idris. El Kenz, le trésor... Elle introduit dans le langage. Elle est la personne âgée qui donne ce que, parfois, la mère ne peut apporter, la civilisation, l'amour. C'est celle qui pacifie. Lalla Kenza, on peut la chercher toute notre vie sans la trouver... (Entretien réalisé par Christiane Achour). A L / A — En remettant toute cette culture à l'hon-neur, y a-t-il un autre objectif que vous poursuivez? L. B. — Je veux épingler aussi la confusion entre l'actualité politique violente et la dénonciation sans nuance de l'arabo-islamisme. Lorsque les colonels ont pris le pouvoir en Grèce, est-ce que, pour autant, on a dénoncé la culture grecque ? Est-ce qu'on a rejeté Platon, Aristote, Sophocle lorsqu'il y Amis lecteurs, 8 L'ACTUALITE LITTERAIRE Ce numéro vous plaît? Alors, ABONNEZ-VOUS à ALGERIE LITTERATURE/ACTION •Par commodité •Pour votre plaisir •Pour soutenir la revue C'est la meilleure formule. 6 mois : 400F. 1 an : 750F. Nouveauté l'abonnement à la carte 70 F par mois Vous trouverez un bulletin à la fin de ce numéro 9