Dix ans de paludisme d`importation à l`hôpital militaire My Ismail de

Transcription

Dix ans de paludisme d`importation à l`hôpital militaire My Ismail de
Dix ans de paludisme d’importation à l’hôpital militaire My Ismail de
Meknès.
Dr H Khalki (1), Dr I Benbella (1), Dr A Abbadi (1), Dr S Kouara(1), Pr A Khalloufi(2), Pr M Er-Rami(1)
(1) Service de parasitologie-mycologie de l’HMMI de Meknès
(2) Service d’hématologie de l’HMMI de Meknès
Introduction :
Le Maroc connaît depuis 1975, date du dernier cas autochtone du paludisme, un arrêt de la transmission active de l’espèce plasmodiale la
plus redoutable, Plasmodium falciparum. En 2010, L’OMS a déclaré le Maroc exempt de paludisme autochtone. Néanmoins, restent
exposées les personnes qui se rendent dans les pays où cette parasitose sévit en forme endémique. Les militaires marocains en sont
particulièrement exposés vue leur présence dans des pays tels que la RDC et la Côte d’Ivoire dans le cadre de maintien de la paix sous
l’égide l’ONU.
L’objectif de notre étude est d’étudier les caractéristiques épidémiologiques et l’incidence de cette parasitose d’importation à l’hôpital
militaire My Ismail de Meknès.
Patients et méthodes :
Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 780 patients explorés pour paludisme, sur une période de 10 ans (2005-2014). Tout patient
en retour des zones endémiques, reçu au service des urgences ou à titre externe, présentant une symptomatologie en rapport avec le
paludisme, a fait l’objet d’un hémogramme avec analyse microscopique du frottis sanguin et d’une goutte épaisse colorés au Giemsa à
la recherche de plasmodium.
Résultats :
Tous les patients étaient de sexe masculin, leur âge moyen était de 30 ans avec des extrêmes de 20 et 49 ans. La répartition annuelle
des 780 recherches de Plasmodium dans le sang a montré des pics durant les années 2005, 2006, 2009 et 2012 avec un taux moyen de
78 demandes par an. Un total de 122 recherches de plasmodium étaient positives (soit 15.64%). L’incidence annuelle moyenne était de
12,2 cas par an avec un pic en 2012. La Côte d’Ivoire et la République Démocratique du Congo (RDC) représentaient les zones
endémiques au niveau desquelles on a enregistré les prévalences les plus élevées avec 111/122. Le délai entre le retour du pays
endémique et le début des symptômes était en moyenne de 20 jours avec des extrêmes allant de 4 jours à 13 mois. La répartition des cas
en fonction de la saison a montré une légère prédominance automnale et hivernale : 70 cas (57%) ont été diagnostiqués entre le mois de
septembre et février. Plasmodium falciparum est l’espèce la plus fréquemment rencontrée (61,46%), isolée dans 74 cas (60,65%) et
associée à Plasmodium ovale, et à Plasmodium malariae chez 2 patients. La parasitémie calculée par le pourcentage des hématies
parasitées a varié de 0.05 à 25 %. Le bilan hématologique a révélé une thrombopénie chez 95 patients (78%) et une anémie chez
37patients (30%).
Fig. 1: Image de
trophozoîtes sur
goutte épaisse
colorée à MGG
avec
grossissement ×
100
Fig. 2: Image de
gamétoyte sur
frottis sanguin
coloré à MGG
avec
grossissement ×
100
Fig. 3: Image de
schizonte sur
frottis sanguin
coloré à MGG
avec
grossissement ×
100
Discussion:
•Les hôpitaux militaires sont constamment sollicités pour la surveillance du paludisme, la prescription d’une chimioprophylaxie adaptée,
et le dépistage au retour définitif et lors des congés des militaires ayant servi en zone d’endémie.
•Le diagnostic biologique du paludisme est une urgence. Il est défini par la présence de formes asexuées de Plasmodium à l’examen
microscopique après coloration MGG d’une goutte épaisse et de frottis sanguin.
•Selon le bulletin épidémiologique du ministère de la santé 897 cas de paludisme importé ont été enregistrés au Maroc de 1995 à 2008
soit en moyenne 69 cas par an [1]. Ces chiffres restent comparables à ceux enregistrés aux pays voisins avec 60 cas en Tunisie en
2008 [2], mais largement inférieurs à ceux trouvés en France avec 1440 cas pendant la même année [3] et 3560 cas en 2011[4].
• P. falciparum était l’espèce la plus retrouvée dans notre série, c’est un résultat semblable à celui qu’a trouvé Migliani R et al [5] dans
une étude sur les militaires français en côte d’Ivoire entre 1998 et 2006 , Lamblin A et al [6] dans une étude sur le paludisme
d’importation à l’hôpital d’instruction des armées Desgenettes de Lyon entre 2006-2008 , Belhadj S et al [7] dans leur étude sur le
paludisme d’importation en Tunisie concernant 291 cas diagnostiqués à l’hôpital La Rabta de Tunis entre 1991 et 2006 et El Wartiti MA
et al [8] à l’HMMI de Rabat (publiée en 2012).
•La deuxième espèce retrouvée était P. ovale. La possibilité de développement d’hypnozoïtes au niveau du foie, pouvant différer le
passage d’hématozoaires vers le sang et retarder l’apparition des symptômes pour cette espèce, pourrait allonger le délai d’apparition
des signes cliniques .
•Dans notre série, le délai d’apparition des signes clinique était en moyennede 20 jours après le retour. Ce délai était plus court pour P.
falcipaum et plus long pour P. ovale, ce qui rejoigne les résultats retrouvés chez les militaires Français en Côte d’Ivoire dans l’étude de
Migliani R et al [5].
•Les taux de mortalité attribuables au paludisme ont baissé, depuis 2000, de plus de 25% au niveau mondial et de 33% dans la Région
africaine de l’OMS. Cela grâce à une extension considérable, depuis dix ans, des mesures visant à combattre et à prévenir le paludisme
(utilisation à grande échelle des moustiquaires, amélioration des outils de diagnostic et la meilleure disponibilité des médicaments
antipaludiques.
•Le traitement du paludisme est en fonction de l’espèce en cause, ainsi l’accès palustre à P. falciparum s’il est non compliqué peut être
Conclusion :
traité par : Atovaquone-Proguanil (Malarone), Quinine (Quinimax), Mefloquine (Lariam), Halofantrine (Halfan), ou Artemether –
Le paludisme d’importation reste une affection grave, il doit émerger de l’esprit du clinicien devant tout syndrome fébrile chez un patient
Lumefantrine (Coartem). Devant un accès grave on a recours à la Quinine par voie intraveineuse.
provenant d’une zone d’endémie. La surveillance du paludisme d’importation, au-delà des différentes informations qu’elle procure,
•En cas d’accès palustre à P. vivax, P. ovale ou P. malariae le traitement utilisé est la Chloroquine (Nivaquine).
contribue à maintenir la vigilance nécessaire vis à vis de cette affection qui constitue une urgence médicale pouvant parfois mettre en
cause le pronostic vital du patient. La sensibilisation des voyageurs sur la chimioprophylaxie et les mesures d’hygiène est toujours de
mise afin de lutter contre l’infestation.
Références:
1-Royaume du Maroc, ministère de la santé, Bulletin épidémiologique. N° 65, 66, 67 et 68 http://www.sante.gov.ma/
2- Belhadj S, Menif O, Kaouech E et al. Le paludisme d’importation en Tunisie: bilan de 291 cas diagnostiqués à l’hôpital La Rabta de Tunis (1991-2006). Revue Francophone des Laboratoires 2008; 399: 95-8.
3- Tarontola A, Eltges F, Ardillo V et al. Le paludisme en France: métropole et outré – mer. Médecine maladies infectieuses 2011; 41: 301-6.
4- Caumes E, Du paludisme aux bactéries multirésisantes, de la fièvre à la rougeole, la médecine du voyage évolue, BEH n° 20-21, 2012, http:// www.invs.santefr.
5- Migliani R, Ollivier L, Romand O et al. Paludisme chez les militaires français en Côte d’Ivoire de 1998 à 2006. Bull Epidémiol Hebdo 2008;23-24 :209-12.
6 -Lamblin A, Gerome P, Turc J et al. Le paludisme d’importation à l’hôpital d’instruction des armées Desgenettes de Lyon en 2006-2008 : étude rétrospective de 115 cas. Med Sante Trop 2012;22:45-9.
7- Belhadj S, Menif O, Kaouech E et al. Le paludisme d’importation en Tunisie: bilan de 291 cas diagnostiqués à l’hôpital La Rabta de Tunis (1991-2006). Revue Francophone des Laboratoires 2008;399:95-8.
8-El Wartiti MA, Lamsaouri J, Naoui H, El Mellouki W, Sbai Idrissi K, Lmimouni B. Profil épidémiologique et prophylactique du paludisme d'importation à l'hôpital militaire d'instruction Mohammed V de Rabat.
Revue Internationale des Services de Santé des Forces Armées 2012;85:43-8.