CEFEDEM Bretagne – Pays de la Loire La musique traditionnelle
Transcription
CEFEDEM Bretagne – Pays de la Loire La musique traditionnelle
CEFEDEM Bretagne – Pays de la Loire La musique traditionnelle bretonne : entre conservation et transformation. Regard sur la pratique musicale en fest-noz* Formation initiale Nom : Müller Promotion 2007-2010 Prénom : Klervi Session Juin Diplôme d'État Référent : Laurent Bigot Professeur de Musique Qualité : Direction du Spécialité : Musique traditionnelle département de musique traditionnelle à Brest SOMMAIRE Avis au lecteur INTRODUCTION ----------------------------------------------------------- Partie I --------------------------------------------------- p 2 1) La musique traditionnelle bretonne : généralités -----1.1) Le contexte d'une tradition ---------------------1.2) Évolution du contexte ------------------------------2) Regard sur le fest-noz* : dominance d'une expression culturelle ---------------------------------------------------------2.1) Le festival Yaouank* : représentation de la musique actuelle bretonne --------------- Partie II p1 p2 p2 p3 p3 p4 ----------------------------------------------------------- p 6 1) La tradition en question ------------------------1.1) Les influences musicales ------------------------2) La création, esprit d'une tradition ? ------------------------3) La relation entre les lieux de pratique et la musique elle même -----------------------------------------------------------4) L'enseignement de la musique bretonne : entre imitation et métissages --------------------------------------------------- CONCLUSION p6 p 10 p 14 p 17 p 21 ------------------------------------------------------------ p 25 BIBLIOGRAPHIE ------------------------------------------------------------ p 27 LEXIQUE ------------------------------------------------------------ p 29 ANNEXES ------------------------------------------------------------ p 34 Avis aux lecteurs Certains mots de ce mémoire sont en breton. Ils apparaissent dans le texte en italiques : fest-noz*, kan ha diskan*... L'astérisque renvoie à la traduction et/ou à la définition du mot que l'on trouve dans le lexique par ordre alphabétique à partir de la page 29. D'autres termes employés en musique traditionnelle prennent également place dans le lexique. INTRODUCTION Professeur de musique, spécialisée en musique traditionnelles, et musicienne professionnelle, il m'est apparu important d'avoir un regard critique sur ma discipline et de tenter de me positionner face aux nombreuses problématiques suscitées par le qualificatif « traditionnel ». J'ai choisi de m'intéresser à la question de la tradition, en m'interrogeant sur ce qui peut définir l'esthétique de la musique traditionnelle bretonne, avec la prise en compte d'éléments de conservation, considérés comme héritage d'un passé et l'intégration d'apports actuels. Pour aborder ce dualisme entre conservation et transformation afin d'illustrer ma réflexion, je me suis intéressée plus particulièrement au fest-noz* du festival Yaouank* à Rennes, exemple d'une des formes les plus évoluées et les plus contemporaines du fest-noz* actuel en Bretagne. Le fest-noz* est un moyen d'expression culturelle parmi d'autres qui existe pour la diffusion de cette musique. Déjà initié par l'ancienne société traditionnelle, le fest-noz* s'est perpétué jusqu'à aujourd'hui et reste une pratique dominante en Bretagne. J'ai effectué un travail de recherche en amont, afin de savoir quelles étaient les pratiques musicales dans le passé. J'ai ensuite évalué les changements constatés au fil des ans. Ceci constitue la première partie de ce mémoire. Dans la seconde partie, j'expose des questionnements qui me paraissent incontournables à évoquer par rapport à cette esthétique, à savoir les notions de traditions, d'influences musicales, de créations musicales. De là résultent mes interrogations sur les lieux de pratiques et sur la musique elle-même. Ces thèmes fondateurs sont au cœur de ma pratique en tant que musicienne, mais sont également le socle de ce que je vais choisir de transmettre en tant qu'enseignante. 1 PARTIE I 1) La musique traditionnelle bretonne : généralités 1.1) Le contexte d'une tradition Lorsque l’on parle de musique traditionnelle bretonne, il faut distinguer celle de la pratique d'aujourd'hui et celle d'une tradition passée. Elle n’est donc pas semblable aujourd'hui à ce qu’elle était au début du siècle dernier, du fait d'un changement de société et de mode de vie. La musique traditionnelle est pensée comme un patrimoine propre à une région, à une communauté. Elle est l'expression d'une population en lien avec un contexte sociologique. La musique bretonne évoque une aire géographique partagée en deux grandes régions linguistiques1 : la Haute-Bretagne où l’on parle le gallo (langue romane) et la Basse-Bretagne où l’on parle le breton (langue celtique). Par sa langue chacune de ces deux parties de la Bretagne a véhiculé des traditions et des cultures différentes. On distingue dans la tradition musicale des danses2, des pratiques instrumentales3 et des chants propres à chaque terroir 4. Certains éléments communs aux musiques traditionnelles sont identifiables, à savoir : La transmission orale : les mélodies sont apprises d'oreilles, par imprégnation et mimétisme La présence du chant, qui est primordiale et se trouve être la source d'inspiration de la pratique instrumentale Des rythmes ou accents associés à des danses La primauté de la mélodie sur l'accompagnement L'importance de l'ornementation instrumentale, qui cherche souvent à imiter le chant La variation de la mélodie Des musiques liées à des fonctions __________________________________________________________ 1 Carte de Bretagne du site internet www.kervaker.org, annexe N°1 page 34. Représentation des danses de Haute et Basse Bretagne, annexe N°3 page 35. 3 Carte des traditions populaires instrumentales au XXe siècle, annexe N°8 page 39. 4 Carte des terroirs, annexe N°10 page 40. 2 2 1.2) Évolution du contexte Suite aux changements de société tels que le développement des transports, la perte de la langue, la mise en place de manifestations musicales organisées… la musique et la danse ont évolué et sont sorties des campagnes. Le surpeuplement au XIXè siècle dans les campagnes conduit à un exode massif, favorisé par le développement du chemin de fer. Les bretons quittent leur ville pour d'autres grandes cités industrielles. Parallèlement, un mouvement migratoire interne pousse les paysans de l'intérieur des terres vers le littoral. De même, par leurs échanges, les musiciens ne se contentent plus de connaître le seul répertoire de leur terroir, mais interprètent un répertoire beaucoup plus large. Ainsi depuis l'apparition des premiers bals bretons dans les années cinquante à l'initiative de Loeiz Ropars5, on peut entendre des airs de Haute et de Basse-Bretagne dans la même soirée et dans le même lieu. Il en est de même pour la danse, car si autrefois on reconnaissait un terroir à un pas de danse, ce dernier est actuellement pratiqué partout. La musique bretonne a connu tout au long du XXe siècle d'importantes mutations. Son adaptation à la société moderne a permis d'élargir son espace de diffusion. Suite à la Première Guerre mondiale, marquant une véritable rupture dans le mode de vie paysan, la musique bretonne a vécu un véritable renouveau dans la seconde moitié du XXe siècle. Parmi les nouveautés, on peut mentionner : l'apparition des bagadoù* vers 1947. l'intégration d’instruments nouveaux : harpe celtique, cornemuse écossaise, guitare, instruments amplifiés, percussions (batterie, percussions africaines)... la création de structures spécialisées : Bodadeg Ar Sonerion*, Kendalc'h*, War'l leur*, Dastum*, Kan ar bobl*, La Bouèze*. 2) Regard sur le fest-noz* : dominance d'une expression culturelle Le terme de fest-noz* est très ancien, remontant à la société traditionnelle ancienne et était nommé ainsi. ___________________________________ 5 Loeiz Ropars, né à Poullaouen (1921-2007), musicien, chanteur, passionné de culture bretonne, il est à l'initiative de la relance des festoù-noz* en Cornouaille dans les années 1950. 3 L'ancienne pratique de la danse en fest-noz* ne concernait que la danse du terroir, ce qui n'est plus la cas aujourd'hui, et que le fest-noz* est devenu ce que l'on a appelé le bal breton, contrairement à ses antécédents anciens. Vers 1960 les festoù-noz* se propagent rapidement et deviennent tels qu'on les connaît aujourd'hui. Ils sont organisés dans toute la Bretagne et parfois au-delà, en région parisienne. J'évoque aussi le phénomène du « cyber-fest-noz », qui existe depuis une dizaine d'années environ. Il est organisé pour la première fois en 1999 à Quimper à l'initiative de Patick Saille* et a lieu depuis, une fois par an. Le concept est de diffuser par internet la retransmission du fest-noz* dans le monde entier au même moment. Cependant, le fest-noz* reste le plus souvent une forme d'expression culturelle locale. Mais l'ampleur de son développement tend à s'adapter aux exigences culturelles contemporaines. Les musiciens ont quitté la cour de ferme pour la salle des fêtes, et amplifié leurs instruments. Désormais, les chanteurs ou sonneurs sont « mis en scène » sur un podium. La sonorisation, ainsi que l’éventuel soutien d’une rythmique folk-rock attirent une audience massive. C’est aussi dans une optique strictement commerciale que nombre de festoù-noz* sont organisés avec publicité et entrée payante. Actuellement il existe des ambiances différentes en fest-noz*, selon la localisation, les groupes, car les organisateurs font leur choix de programmation en fonction de leur motivation. Le fest-noz* n'est pas une manifestation nouvelle, mais les changements des conditions de vie ont transformé son contexte. Le festival Yaouank* en est un exemple. La musique va découler de ce contexte de changement et la plaquette de présentation du festival Yaouank* laisse paraître un état actuel de cette musique : « Yaouank* fera encore date avec sa force et ses maîtres mots : découverte, création, diversité »6. 2.1) Le festival Yaouank* : représentation de la musique actuelle bretonne Ce festival est présenté par ses organisateurs comme un « rendez-vous incontournable »6. ___________________________________________________________ 6 Extrait de la plaquette de présentation du festival, annexe N°2 page 34. 4 Il fêtait en 2008 son dixième anniversaire. Pour cette édition, plusieurs programmations7 ont eu lieu du 3 au 22 novembre en différents lieux à Rennes. Le temps fort de ce festival est le grand fest-noz* qui se déroule le samedi de 16h30 à 4h00 le dimanche. C'est le fest-noz* du MusikHALL* durant lequel une quinzaine de groupes se succèdent sur scène. La programmation musicale est très diversifiée et chaque groupe a sa propre identité artistique. Le fest-noz* n'est cependant pas une nouveauté dans le milieu urbain rennais. Il existait déjà dans cette région bien avant 1999 8, d'une ampleur moins grande que Yaounk*, mais il n’était fréquenté que par un public restreint, averti. Le fest-noz* de Yaouank* est un événement de grande importance. Grâce à sa médiatisation, il attire un large public. Glenn Jégou, organisateur de Yaouank* entreprend la diffusion de la musique traditionnelle bretonne en proposant une programmation dans des lieux inhabituels suscitant le choc culturel, la provocation et le mélange des genres. Comment différencier ces musiques dites « traditionnelles » jouées en groupes dans une époque actuelle avec l'intégration des évolutions ? Ces musiques ont-elles gardé des liens avec la tradition ? Qu'est-ce qui les caractérise ? _________________________________________ 7 8 Programmation des groupes, annexe N°6 page 37. Répartition des festoù-noz* par canton en 1990, annexe N°5 page 36. 5 PARTIE II 1) La tradition en question Définir précisément le terme « tradition », d'où vient « traditionnel » n'est pas simple. Afin de le définir, si tant est qu'on puisse le faire, je me référerai tout d'abord à une définition proposée par un dictionnaire. Le terme traditionnel y est ainsi défini : « ce qui est fondé sur la tradition, d'un usage ancien et familier et qui survient avec régularité »9. Il dérive de « tradition », du latin traditio, « action de transmettre, livraison, transmission, enseignement »9. Ce terme « tradition » dans cette définition ne se suffit pas à luimême lorsque l'on parle de musique traditionnelle. Même si certains éléments ressortent, propre à un contenu, dans un passé et avec répétition, la notion de « tradition » fait uniquement référence à la transmission. Pourrait-on alors penser que tout ce qui est transmis est supposé être tradition ? La problématique d'une définition du mot « tradition » vient souvent de l'opposition entre tradition et évolution. Cette distinction fait appel à toute une série de contrastes entre le passé et le présent, entre statique et dynamique, entre continuité et discontinuité. Mais faut-il penser la tradition et le changement comme une antinomie ? La notion de tradition telle qu'elle est le plus fréquemment employée en ethnologie s'inscrit dans une représentation culturelle du temps et de l'histoire. Cette notion fait appel à un ensemble de références dans un contexte global, aussi bien culturel, que social, historique, géographique, voire politique... Pour Gérard Lenclud10, ethnologue : « La tradition serait un fait de permanence du passé dans le présent, une survivance à l'œuvre, le legs encore vivant d'une époque pourtant globalement révolue. Soit quelque chose d'ancien, supposé être conservé au moins relativement inchangé et qui, pour certaines raisons et selon certaines modalités ferait l'objet d'un transfert dans un contexte neuf. La tradition serait de l'ancien persistant dans du nouveau »11. Si l'on considère cette première définition de la tradition, un des critères à prendre en compte serait l'identification de facteurs du passé encore observables __________________________ Le Robert, Paris, 2006. 10 Gérard Lenclud, ethnologue et directeur du CNRS en 2008 11 Gérard Lenclud, article sur les notions de tradition et de société traditionnelle en ethnologie, Terrain, revue d'ethnologie d'Europe N°9 octobre 1987. 9 6 dans le présent. Il serait intéressant de repérer les composantes du passé qui continuent à être conservées aujourd'hui dans la musique traditionnelle. Par exemple à Yaouank*, plusieurs éléments musicaux du passé sont présents : les instruments, les airs de danses, des procédés musicaux et certaines caractéristiques d'éléments communs aux musiques traditionnelles, avec l'utilisation de variations, d'ornementations... Pour approfondir mon propos je prendrai un exemple parmi l'un d'entre eux avec les instruments employés. Les instruments référencés dans la tradition musicale bretonne entre 1900 et 1950 avec la bombarde*, le biniou-koz,* le chant, la clarinette (treujenn-gaol*), le violon sont présents dans certains groupes12. Mais est-ce alors un critère organologique qui permettrait de caractériser cette musique ? Peut-on affirmer que par l'instrumentation cette musique bretonne est une musique traditionnelle ? On peut voir que dans l'évolution de la tradition, l'accordéon fit son apparition en Bretagne vers 1890, donnant naissance à l'harmonisation du répertoire jusqu'alors monodique. C'est aussi dans la seconde moitié du XX e siècle qu'apparaissent de nouveaux instruments comme la guitare, la basse, les percussions... que l'on peut entendre aussi dans les groupes participant à Yaouank*. Il y a également les revivalistes qui ont greffé en Bretagne des instruments en usage dans d'autres pays celtiques comme on peut le voir aujourd'hui avec la cornemuse écossaise ou encore la harpe celtique. Certains musiciens bretons ont également importé d'Irlande la flûte traversière en bois, par exemple. Si l'on se réfère à la tradition, certains instruments font partie de la pratique instrumentale bretonne. Mais pour autant, est-ce qu'un air de danse joué par un saxophone, un trombone ou encore une guitare ne peut être de la musique traditionnelle bretonne ? Je pense que pour identifier cette musique, le critère organologique n'est plus une priorité comme elle l'était à une époque de l'ancienne société traditionnelle. Le paramètre à prendre en compte se situe lors de l'interprétation. Ce sont les codes de l'esthétique à connaître d'où découle la notion de style qui font que l'on reconnaît une musique. On a vu précédemment que la tradition était mouvante. L'intégration de nouveaux instruments fait partie de ces transformations. ________________________ 12 Présentation des groupes du fest-noz*, annexe N°6 page 37-38. 7 Je considère ce fait comme un des éléments qui rend actuelle cette musique bretonne comme j'ai pu l'entendre à Yaouank*. Au fil du temps et de l'intégration de nouveautés, la musique bretonne acquiert de nouvelles complexités, chaque musicien suit sa propre voie parmi un éventail toujours plus large de styles et de combinaisons orchestrales. « Peu à peu s'est recréée une culture à la fois spécifique et multiforme, où le groupe le plus électrique côtoie les sonneurs locaux »13. Les éléments du passé et l'intégration de nouveautés se croisent, donnant l'expression de cette musique aujourd'hui. « L'introduction dans une société en évolution d'une forme nouvelle est généralement le fait de jeunes générations ; si la forme introduite résiste à l'épreuve du temps et que le groupe s'y reconnaissant la transmet de génération en génération au point que celle qui l'a introduite devienne l'aînée, nous pourrons alors dire que cette forme est traditionnelle »14. Dans cette affirmation de Chérif Khaznadar15, est-ce qu'une forme nouvelle n'est pas forcément reconnue comme traditionnelle par la société dont elle émane ? C'est peut être le vecteur temporel qui nous permettra de dire si cette forme nouvelle deviendra une expression traditionnelle au sein de la société. La conservation dans le temps est-elle alors un critère de tradition ? Je pense que l'aspect temporel est un fait de la tradition. Poursuivons à présent sur d'autres éléments pour définir la notion de tradition. Celle-ci renvoie aussi à l'idée d'un certain domaine, on pourrait dire d'un « dépôt culturel sélectionné »11. La tradition ne transmettrait pas l'intégralité du passé. Gérard Lenclud explique qu'il s'opère à travers elle un certain filtrage ; « la tradition serait le produit de ce tri »11. Est associée à la notion de tradition la représentation d'un contenu exprimant un message souvent culturel, significatif et doté pour cette raison d'une force agissante, d'une prédisposition à la reproduction. Enfin, outre l'idée d'une inscription et d'une circulation dans le temps, outre celle d'un message culturel, la notion de tradition évoque l'idée d'un certain mode de transmission. ____________________________________ 11 Gérard Lenclud, article sur les notions de tradition et de société traditionnelle en ethnologie, Terrain, revue d'ethnologie d'Europe N°9 octobre 1987. 13 Histoire de sonneurs de Tradition, par Michel Colleu, Grenoble, 2008. 14 Chérif Khaznadar, extrait de Terrain, revue d'ehtnologie d'Europe N°9, octobre 1987. 15 Chérif Khaznadar, directeur de la Maison des cultures du monde à Paris. 8 Jean During16 essaie de déterminer les principaux traits caractéristiques tant de l'objet que du sujet « traditionnel ». Il insiste sur « le processus de transmission, sur le contenu et les formes sur les moyens de production, sur les conditions de performances et d'audition, sur le contexte social et culturel, sur le sens et les valeurs »16. Si l'on considère toutes ces données pour prendre en compte la tradition, n'est-t-elle pas susceptible d'évoluer au point d'être soumise à des modifications dites « modernes » ? On voit que la tradition suppose effectivement un contexte dont certains traits peuvent probablement évoluer, changer, peut-être disparaître, mais l'expression traditionnelle disparaîtra-elle pour autant ? Pour que l'on puisse parler de musique traditionnelle, certaines caractéristiques doivent être réunies. Elle est liée à un contexte social et culturel ; géographiquement délimitée, balisée par des règles, des normes, des formes, des codes, un langage. Elle fait partie d'un système de pensée, dans une certaine continuité dans le temps. Cette continuité est le fait d'une transmission. Les évolutions sont toujours possibles, et les conditions de pratiques et d'écoute sont susceptibles de se transformer. La tradition, supposée être conservation, demande une capacité à la variation, une marge de liberté à ceux qui pratiquent cette musique. Cependant certains ont le souci d'une forme de respect de la tradition musicale. Le groupe Loened Fall* est composé de cinq musiciens. Ce groupe destiné exclusivement à se produire en fest-noz* est très réputé. Il est devenu l'un des plus demandés en Bretagne aujourd'hui. J'ai eu l'occasion d'interviewer le violoniste du groupe, Yvon Rouget, pour connaître leurs choix artistiques lors de cette soirée. Le groupe s'est donné pour règle de favoriser toujours la mélodie afin de soutenir les danseurs. Une répartition des rôles est préalablement définie et dès que le chant s'arrête, le violon et la bombarde* doivent reprendre le thème. « Il s'agit de chercher sa liberté au travers d'une grille précise » 17. Yvon Rouget improvise, dialogue avec la bombarde* et joue aussi le thème. Loened Fall* joue des danses en rondes18 de Basse-Bretagne. __________________________________ 16 Jean During, est un ethnomusicologue alsacien spécialisé dans les musiques d'Asie Centrale. Après des études de musique et de philosophie, il séjourne longtemps en Iran où il est initié à la musique traditionnelle. Il a publié nombre d'ouvrages et d'enregistrements. 16 Jean During, La musique de l'autre, Atelier d'ethnomusicologie, Paris, 2001. 17 Propos recueillis en entretien avec Yvon Rouget à Saint-Brieuc, le 27 février 2009. 18 gavotte*, plin*, fisel*, kost-er-hoed*. 9 Faire circuler en permanence le thème crée l'unité du groupe, même avec un arrangement recherché. Ceci permet de conserver le repère musical pour les danseurs. Leurs chants en kan ha diskan* sont issus du répertoire collecté. L'intention musicale d'autres groupes n'est pas aussi semblable au respect d'éléments importants d'une tradition et propres aux airs de danses. On va pouvoir s'en rendre compte avec les influences de certains groupes et des airs composés par certains d'entre eux. Plantec* par exemple joue uniquement des airs de leurs compositions sans aucune inspiration de thèmes traditionnels collectés. Comme je le constate, le terrain est mouvant en essayant de comprendre le contexte global d'une expression, ici la musique traditionnelle en Bretagne. Celleci a-t-elle encore un lien d'appartenance ou non avec une culture traditionnelle ? Pour entendre et comprendre les musiques traditionnelles d'aujourd'hui comme par exemple à Yaouank*, celles-ci ne sont-elles pas le fruit de multiples contacts et évènements, d'influences convergentes dont la fusion a été réalisée au fil d'une période ? « Les arts traditionnels sont liés à leur milieu ambiant, ils évoluent avec lui. Ils reflètent à un moment donné la réalité d'une société dans son présent »19. N'est-ce pas l'essence même de la tradition ? 1.1) Les influences musicales Les influences en musique traditionnelle font partie aussi des évolutions, ce qui contribue à la transformation de cette musique. Mais qu'en est-il de l'esthétique ? Les musiciens de Yaouank* composent avec différents éléments : rythmes, tempo, style (danse, appuis). La musique du fest-noz* de Yaouank* a pour fonction de servir la danse. Certains critères doivent être respectés pour permettre aux danseurs une bonne compréhension. Ces critères impliquent un cadre rythmique et un tempo en rapport avec la danse jouée. La ligne mélodique doit guider les danseurs. Ces éléments de style sont-ils les seuls facteurs qui permettent d’identifier ces musiques ? ______________________________ 19 Grand Larousse Universel, Tome 10, France, 1993. 10 « Les musiques ethniques de tous les pays sont faites des mêmes éléments, des mêmes ingrédients. C'est seulement le dosage de ces éléments, mélodiques, rythmiques, harmoniques, qui fait leur différence, qui fait que la musique bretonne d'un terroir n'est pas tout à fait semblable à celle pratiquée dans ces pays proches ou lointains. C'est le génie d'un peuple que d'adopter et d'adapter tous ces éléments disparates venus d'ailleurs ou nés sur son sol, pour faire son bouquet original qui fait que ce que l'on chante ici n'est ni tout à fait semblable ni tout à fait différent de ce que l'on chante ailleurs »20. La musique bretonne trouve-t-elle ses origines dans diverses sources comme toutes les musiques ethniques ? En un demi-siècle, on est passé d'une musique d'une petite communauté et fonctionnelle à une musique de communication et de consommation. C'est dans cette mouvance qu'est née la musique dite « celtique » du renouveau des années soixante-dix. Alan Stivell* et d'autres pionniers joueront un rôle important provoquant le second mouvement revivaliste21 breton. Avec Reflets, son premier album en tant que chanteur, Alan Stivell* affirme sa vision d'une Bretagne à la fois traditionnelle et moderne, alliant les influences des bagadoù* aux musiques les plus contemporaines du moment (folksong américain) ainsi qu'aux musiques d'autres pays celtiques. Cette musique actuelle, faite par les gens d'aujourd'hui n'est pas sortie du néant. Ne serait-elle pas ancrée dans la tradition musicale ? Certains airs que joue Alain Stivell sont des thèmes de la mémoire collective (Tri martolod* par exemple). La démarche du respect de la tradition et celle de la modernisation, notamment par les influences comme le métissage, ne semblent-elles pas contradictoires ? L'influence est une action qu'une chose exerce sur une autre chose. Tout individu et tout groupe vivent dans un environnement, un milieu. L'environnement agit sur l'homme, sur sa façon de penser, de produire, de réagir, de créer, de se projeter, de s'exprimer. Les influences dans les traditions en référence à la Bretagne ne sont pas nouvelles, elles se sont simplement élargies avec le temps et cela dans tous les secteurs de la musique. Par exemples certains compositeurs comme Paul Le Flem, Jean Cras ont été influencé par la Bretagne dans leurs compositions. Plus tard, dans un autre domaine, on rencontre Denez Prigent* qui intègre des musiques électroniques comme par exemple son deuxième album Me zalc'h ennon ur fulenn _____________________________ 20 Musique Bretonne N°188, René Abjean, la musique bretonne existe-t-elle? Janvier/Février 2005 21 Mouvement revivaliste, seconde période du renouveau de la musique bretonne en 1970, la première période datant de 1950. 11 aour (je garde en moi une éteincelle d'or). Ainsi le mélange des genres revêt de multiples aspects : Alan Stivell* crée le « folk rock celtique » ou « la pop celtique ». Roland Becker*, Kristen Noguès* introduisent le répertoire traditionnel dans le jazz. Dan Ar Braz* et le groupe Gwendal* complètent ce mouvement d'ouverture musicale avec le rock celtique. Mais de tous ces caractères dont la réunion a composé cette musique, que reste-t-il aujourd'hui dans cette musique bretonne qu'il faut bien appeler actuelle ? Au sujet du succès de L'Héritage des Celtes* qui a inspiré les musiciens de leur temps, René Abjean a pu écrire que « dans les vagues déferlantes des modes uniformisantes que l'on connait par l'invasion médiatique des courants sonores dominants, on se demande par quel miracle les musiciens bretons ont su préserver « l'héritage des celtes » ? Un ethnologue peu averti aurait sans doute du mal à reconnaître parfois dans cette expression bretonne d'aujourd'hui les éléments authentiques d'une longue tradition séculaire. Pourtant, les anciens modes musicaux, les mélodies en gammes défectives, les rythmes subtils des gavottes, an dro et bien d'autre caractères spécifiques inspirent encore une musique qui malgré ses avatars n'a pas abandonné le fil d'or de la tradition, visible sous les apparences modernes de ses manifestations actuelles »22. Ceci illustre une réalité que j'ai constatée à Yaouank* avec certains groupes comme IMG*... Qu’est-ce que les artistes empruntent à ces musiques pour avoir un langage qui les représente ? L'emprunt aux autres cultures n’est pas nouveau et a toujours marqué, entre autres, la musique instrumentale comme l'influence des contredanses dès le début du XIXè siècle… Par exemple IMG* est présenté comme un groupe qui tire son répertoire des airs traditionnels du Pays gallo. Certains de ses membres sont imprégnés depuis leur enfance. Il est composé d'un guitariste, d'un accordéoniste, d'un batteur, d'un saxophoniste, d'un tromboniste, d'un trompettiste, d'un talabarder* et d'un chanteur. Il y a donc une dominance de cuivres, ce qui est peu courant pour interpréter cette musique. Ils utilisent un tourne-disque pour agrémenter leurs arrangements. Ils intègrent aussi des sonorités de diverses influences évoquant leur adolescence, comme par exemple le ska. Ce style est identifié par la présence de contretemps et d'une rythmique syncopée que j'ai entendus dans leur an dro*. ________________________________ 22 René Abjean, Bretagne est Musique, Cahier de l'institut N°8, 2004. 12 L'influence hip-hop dans leur interprétation s'identifie par l'emploi d'un tourne-disque et du chant scandé sur un rythme répétitif. Leur formation musicale est donc hybride et plusieurs styles de musique se croisent. Ce groupe joue sa musique avec ses propres influences, ce qui redéfinit la musique bretonne d'aujourd'hui. J'ai observé que les danseurs ne s'y retrouvaient pas toujours. Et pourtant, à d'autres moments, les facteurs de la musique bretonne étaient aussi présents, avec une carrure rythmique respectant les temps forts de la danse, des appuis identifiables. Certaines coupures de presse témoignent d'une diversité de style à travers différentes influences : « On s'étonnera des multiples influences qui nourrissent les interprétations des groupes : tziganes pour Gwenfol*, orientales pour Skeduz*, le tout sans perdre le fil des airs traditionnels. Telle est sans doute la clé du succès de cette culture jeune en Bretagne enracinée et ouverte sur le monde authentique et résolument moderne »23. «Parrain de la soirée, Denez Prigent*, n'hésite pas à rassembler Gwerz* et musique techno. Katé mé* qui mélange jazz, funk, musique bretonne. La soirée se poursuivra avec des valeurs, sûres : Y F Kemener, Spontus*, Filifala* »24. A propos de Yaouank*, un journaliste de Ouest-France parle d'une « culture bretonne en plein renouveau, une appartenance qui se vit dans la diversité à l'image des groupes présents »25. Ces influences provoquent parfois la réécriture de la musique, donc à composer, donnant naissance à un aspect de la création musicale. Yves Averti explique26 sa conception du métissage inhérent à la culture : « la culture est transversale, on retrouve des éléments communs dans plusieurs arts, c'est ce qui fait le lien. Quand c'est transversal ça devient une culture commune »26. Le métissage de ces influences évoque un point incontournable du concept de création valable pour les musiques traditionnelles. Ce métissage n'est pas exclu mais au contraire intégré. ___________________ 23 Ouest-France, 1999. Le Rennais, novembre 2000. 25 Propos recueillis en entretien auprès du journaliste Jean-Jacques Boidron en avril 2009. 26 Yves Averti, directeur du centre breton à Nantes, propos recueillis en entretien le 28 avril 2009. 24 13 2) La création, esprit d'une tradition ? Le compositeur intègre le langage musical de son temps avant d'élaborer le sien. On reprend ce qui nous entoure, ce qui était là avant, on ne réinvente pas tout. C'est par ce jeu de re-production que les styles se mélangent. Dans le domaine de la musique populaire, plus souvent de manière spontanée et approximative, les emprunts s'entrecroisent jusqu'à perdre leur message et leur forme d'origine au profit d'une construction nouvelle. « Les cultures évoluent constamment, procédant par emprunts et inventions »27. L'Histoire confirme l'idée que les différents langages musicaux se transforment lorsque des cultures se côtoient. Aujourd'hui, les métissages entre les différentes musiques se multiplient. Pour Sylvain Girault, « créer est une valeur d’exemplarité, mais opposer création et tradition est une bêtise » 28. Il y a sûrement une interaction entre création et tradition. Je pense que le propre de cette musique traditionnelle bretonne est dans la variabilité qui s'opère lorsqu'on s'approprie la musique. Les variantes ne sont-elles pas déjà source de création, révélatrices de personnalités musicales dans le jeu ? Pete Seeger, un des pionniers du renouveau de la musique folk aux USA écrivait en 1970 une lettre aux jeunes Européens, dans laquelle il exprimait l'amour de la musique de son propre terroir, le soin qu'on doit apporter à la connaître, à la comprendre, à la transmettre, mais aussi à la recréer. Ses réflexions sont toujours aussi importantes et actuelles : « apprenez la musique à l'oreille et non par la page imprimée, et n'ayez crainte d'improviser ou de changer un air : il peut être en partie traditionnel, il doit refléter votre personnalité. Ne craignez pas de voir le peuple ajouter aux vieilles tradi tions des idées nouvelles puisées ailleurs dans le monde. Geler les traditions pour les préserver dans leur pureté, c'est la meilleure façon de les tuer »29. C'est aussi un aspect qui se reflète à Yaouank*, par exemple avec les frères Guichen*. Ils jouent en duo accordéon et guitare depuis vingt ans. Ils ont été propulsés par l'énorme succès du groupe Ar Re Yaouank*, phénomène musical qui a bouleversé le paysage musical breton dans les années 1990. _____________________ 27 Jean During, La musique de l'autre, Atelier d'ethnomusicologie, Paris, 2001. Propos recueillis par Sylvain Girault, en mars 2009. 29 Peter Seeger, Bretagne est musique, cahiers de l'institut N°8, 2004. 28 14 Leur répertoire est fait de « compositions qui allient authenticité d'une inspiration pétrie de tradition à l'énergie des musiques actuelles. Jean-Charles Guichen est un guitariste hors pair. Sa maîtrise technique lui a permis de construire son propre style. Il fait entendre ses mélodies uniques et martèle aussi des rythmes. Quelquefois les deux en même temps. Il ne se contente jamais de ce qu'il produit. Il cherche toujours à aller plus loin dans l'univers musical » 30. « Au début, j'ai appris en copiant, en essayant de retrouver sur la guitare des choses que j'avais entendues. Je pense que lorsque tu composes, tout ce que tu écoutes te sert, même inconsciemment. Quand on écoute beaucoup de musique, comme c'est le cas pour moi, on emprunte forcément sans s'en rendre compte. Le tout, c'est d'être capable de trouver son chemin personnel. L'échange en musique, c'est très important. Moi-même, je suis très flatté d'être copié » 30. Ils composent leur répertoire en respectant une part de tradition avec le respect d'une carrure en rapport avec la danse. L'accordéon assure le rôle mélodique. Ils utilisent une articulation en adéquation avec le style de la danse. La richesse et la vivacité du rythme soutiennent énergiquement la danse. Le tempo, un peu précipité bouscule parfois les pas de danse. Ils ont joué une scottish*, une gavotte*, une polka*, un an dro*, un cercle circassien*. Des airs de danses qu'ils affirment être composés dans l'esprit traditionnel. Les éléments relevés permettent d'identifier une musique bretonne qui mélange des éléments de tradition passée avec des éléments nouveaux. Les musiciens de Yaouank* s'expriment dans leur univers personnel. Mais il y a plusieurs sortes de créations. Cela peut être : un métissage, une fusion des genres, l'intégration des nouvelles technologie : ordinateur, pédales, tournedisque...comme avec le groupe Plantec*, ou encore IMG* mais aussi l'harmonisation dans les arrangements. Mais cette composition ne redéfinit-elle pas cette musique et par là même son esthétique ? Un exemple marquant est le groupe Plantec*, constitué d'un guitariste, d'un joueur de bombarde*, d'un chanteur, d'une basse, d'un joueur de biniou-koz* et d'un joueur de harpe celtique. Le chanteur du groupe, Maël Lhopiteau, a acquis par transmission orale son répertoire, à travers les stages et diverses rencontres comme par exemple avec Louise Ebrel*. Il est le seul du groupe à baigner dans la musique traditionnelle depuis son enfance. ____________________________________ 30 Propos recueillis par Jean-Charles Guichen, http://www.freresguichen.com 15 Les musiciens du groupe agrémentent leur musique de samples. Le couple biniou*, bombarde* ne prend pas ou très peu le rôle mélodique. Le chant en kan ha diskan* détourné, déstructuré en permanence met les danseurs en difficulté. J’ai constaté, lorsque je les ai entendus au cours de cette soirée, que peu de facteurs (carrure rythmique, présence du thème, appuis en rapport avec la danse...) permettaient d'identifier les aspects de conservation d'une tradition, du moins un minimum. Les danseurs étaient encore sur la première partie de la danse du plin* qui est le ton simple* et ils ont mis très longtemps avant de se rendre compte que le groupe en était à la deuxième partie de la danse correspondant au bal*. Aucun repère ne permet de dire que cette musique est bretonne et pourtant c'est un groupe référencé en musique bretonne, produit par le label Coop Breizh*, mais avec un côté « rock électro ». La plaquette31 de présentation du groupe parle d'elle-même : « compositions endiablées, envolées biniouistiques »... Les musiciens intègrent aussi dans leurs arrangements des onomatopées syncopées. L'apport des machines vient revisiter leurs compositions. Les machines assurent une section de basse et une rythmique métronomique. Cela permet un métissage de leurs compositions. Ils viennent tous d'univers musicaux différents. L'un d'entre eux vient du jazz de la soul et de la funk, Nicolas Le Millier au biniou*, est issu d’un milieu plus traditionnel. Il a fait partie du bagad de Quimperlé et a longtemps joué au sein du groupe de festoùnoz* Difframa*. Un des frères a pris des cours avec Ronan Le Gourierec, un excellent sonneur. Yannick fait du rock et a joué avec son frère dans divers groupes dont Displann*. Un journaliste de Ouest-France pose la question « n'est-ce pas un peu perturbant pour le public ce mélange des genres ? »32 L'un des musiciens répond : « il faut faire évoluer la musique bretonne. Nos compositions restent de la musique à danser et le public ne s'y trompe pas. Il se laisse porter par la rythmique des machines. En fest-noz* ça passe très bien »33. N'est-ce pas contradictoire avec ce que j'ai pu voir et entendre ? _______________ 31 Plaquette de présentation Plantec*, annexe N°4 page 36. Ouest-France, novembre 1999. 33 Ouest-France du 1er septembre 2008, via internet sur le site de Plantec*. 32 16 Moi même je ne m'y retrouvais pas en dansant sur une de leurs compositions. Sur le plan rythmique, tous les temps étaient identiques, je n'arrivais pas à reconnaître la danse qu'ils jouaient et le public non plus. La mélodie devient secondaire, une rythmique qui prend le dessus sans aucun appuis en lien avec la danse... 3) La relation entre les lieux de pratique et la musique elle-même Dès lors que la musique est exportée hors de ses structures de référence, se pose la question de son sens. Son transfert peut impliquer un décalage qui, selon les points de vue, peut être considéré comme une sorte de trahison, ou en tout cas comme une distorsion par rapport à ses circonstances habituelles de jeu. Que penser par exemple d'un concert de hip-hop où le public est assis ou encore d'un concert de musique de chambre où les musiciens jouent en acoustique devant une salle de 500 personnes ? La question que l'on peut se poser est : les nouveaux lieux d'expression sont-ils appropriés pour ces musiques ? Est-ce que pour autant on doit modifier notre musique selon le lieu ? Qu'en est-il pour la pratique du fest-noz* ? Je pense que ces musiques doivent investir la scène, permettant par ce moyen leur transmission. Avant tout festive, la musique sonnée s'est maintenue dans son rôle d'animation. La forme du fest-noz* s'est modifiée au cours des années. Avant les années cinquante, le fest-noz* de l'ancienne société traditionnelle était un moment de divertissement après une dure journée de travail. Tous ceux qui avaient travaillé se retrouvaient à danser. Le fest-noz* s'adressait en quelque sorte à une microsociété de village, souvent très familiale. La danse était essentiellement menée à la voix, « à la goule » par les chanteurs-danseurs dans la ronde. On n'y dansait qu'une seule et même danse propre au terroir Avec la transformation de la société, l'évolution des transports, les campagnes se sont vidées peu à peu. On a introduit le fest-noz* en milieu urbain. La pratique de la danse s'est ouverte à une plus grande population et on a séparé les danseurs des musiciens qui avant étaient dans la ronde. Après 1970, le festnoz*, devenu une véritable mode, va provoquer un engouement populaire massif qui dépassera les limites de la Bretagne. Il arrive que tout en restant musical, ce 17 type de rassemblement festif ait pris une dimension politique liée à la revendication culturelle régionale. Dans l'ancienne société, cette musique avait un but festif : on dansait dans les villages, aux bourg, dans des cafés, aux foires, aux noces, lors de fêtes calendaires. Pour certaines danses, elles n'existent plus aujourd'hui. Ce qui a changé, c'est l'utilisation des danses qui servaient à certaines tâches quotidiennes, ou calendaires. Mais les occasions de chanter et de sonner ont évolué. Parce qu'il fut un temps où le chant était omniprésent : il meublait le quotidien, il rythmait le travail, il émouvait, faisait rire, pleurer... Le chant a pratiquement disparu du quotidien. Il est remplacé la plupart du temps par la musique prête à consommer, (télé, radio, disque...) ou par de la musique imposée (magasin, gare...). Une musique produite par d'autres en d'autres lieux. Les enjeux se sont inévitablement modifiés avec l'évolution de la société d'où découle le contexte de pratique et de la musique elle-même, avec les aspects économiques en priorité. Un point me paraît essentiel à noter en Bretagne : la musique traditionnelle n'est pas un genre musical comme le jazz ou la musique baroque, elle est l'expression d'une population. Des porteurs de tradition transmettent encore leur style et leur répertoire, les collectes sont publiques et accessibles sans contraintes. La vie associative offre une multiplicité de possibilités pour former des jeunes, des moins jeunes vers cette expression musicale. Les festoù-noz*, concours et fêtes diverses constituent autant d'occasions de pratiquer cette musique aujourd'hui dans un contexte vivant abordée par toutes les générations et toutes les classes de la société. Dans les faits, la musique bretonne est intégrée dans la société, elle est perçue comme emblématique de celle-ci et elle est reconnue par elle, avec parfois un côté identitaire et militant. Les occasions d'expressions aujourd'hui sont donc multiples : fest-noz*, veillées, randonnées chantées, cafés chantants, concours, spectacles, production discographique, vie associative. Plus généralement, le spectacle vivant en Bretagne s'exprime tout au long de l'année avec les concerts, festivals et autres évènements. On y retrouve les initiateurs de grands événements qui ont un retentissement international : le festival interceltique de Lorient, les Vieilles Charrues à Carhaix, les Folles 18 Journées à Nantes. Des événements musicaux attirent des foules et ont un rayonnement dont bénéficient la musique et la chanson bretonnes : le festival du Bout du monde à Crozon, les Transmusicales de Rennes, les Jeudi du port à Brest, les fêtes de Douarnenez. Il y a aussi les festivals spécifiques, 34 en période estivale. Ceux-ci sont un peu la « vitrine » de la musique bretonne et de la danse. Tout au long de l'année des moments forts sont aussi programmés34. La scène devient alors un lieu de représentation, elle donne une occasion de jeu, elle constitue pour les musiciens un débouché nouveau. Étant moi-même musicienne, j'ai envie de jouer et de partager la musique avec un public. Il m'arrive d'avoir l'occasion de jouer en concert en duo depuis quelques années. Pour moi, le concert est un vecteur approprié pour faire découvrir, ou susciter la curiosité et l'envie de tous vers la musique. Les exigences se rapportant à la dimension esthétique, sonore et visuelle ont changé. Le musicien de l'ancienne société traditionnelle que l'on appelait sonneur n'est plus considéré de la même manière par la société actuelle. Les musiciens sont considérés comme des « artistes ». Le contexte de diffusion dans des grandes salles comme Yaouank* amène inévitablement une notion de représentation avec mises en scène et jeux de lumières. Je l'ai observé lors de la prestation de Kendirvi*. Le groupe s'est présenté dans un décor sous forme de brocante avec l'utilisation de costumes. Autre exemple : tous les musiciens de Plantec* sont habillés et maquillés en noir, ce qui leur donne un style « gothique ». Ce constat montre que chacun souhaite donner une image qui lui soit propre. La présence d'un large public doit certainement influencer sur les choix « artistiques ». Ce contexte d'un fest-noz* comme Yaouank* donne aussi aux artistes une dimension médiatique. Voilà peut être la raison pour laquelle certains modifient leur conception musicale visuelle et sonore. Si la réussite de Yaouank* est possible c'est grâce à un budget important auquel contribuent différents partenaires avec : _______________________ 34 Festivals spécifiques et moments forts, Bretagne est musique, annexe N°9 page 39-40. 19 de grands moyens techniques : sonorisation, éclairages..., différentes salles de Rennes, des moyens de communications conséquents : tracts, affiches, articles de presse, annonces radio, internet, panneau déroulant, diffusion télévisée. Les propositions de la programmation évoluent : soirée tremplin, recherche de groupes émergents, groupes invités, importance de la création, équipe de bénévoles importante. Tous ces atouts sont révélateurs d'un fest-noz* urbain comme Yaouank*, donnant comme exemple type une transformation de la pratique musicale dans un contexte en évolution. Les espaces de diffusion de la musique bretonne et les occasions de jeu ne manquent pas. Le concours est un des aspects qui me paraît important dans ces nouveaux contextes. Les concours permettent aux musiciens de se faire connaître, de jouer devant un public, de se mesurer à leurs pairs. C'est un lieu de médiatisation et de sensibilisation vis-à-vis du public, une importance de se ré-ancrer dans la notion de convivialité, de participer aux scènes ouvertes, c'est un lieu d'expression des amateurs. Serait-il possible d'envisager de nouvelles fonctions, jouer sur la diversité des rencontres, s'adapter aux nouvelles pratiques des musiciens, moteur d'une action culturelle ?... Je pense que pour continuer à faire vivre cette musique il faut en effet chercher de nouvelles fonctions, mais en analysant le contexte actuel afin d'innover pour le devenir de ces musiques traditionnelles. Si la musique bretonne semble être encore présente, il n'en reste pas moins vrai qu'il faut rester attentif et être inventif. « L'identité n'est pas acquise pour toujours et doit se gagner au quotidien, en particulier dans notre société contemporaine globalisante et standardisante »35. Il est important je pense, de continuer à veiller à inventer de nouveaux lieux, de nouveaux moments d'expression et de convivialité. Ceci permet encore aujourd'hui de voir que la musique traditionnelle garde sa place dans la société actuelle. Il faut veiller cependant à ce que la société s'exprime avec plaisir en évitant le risque d'une pratique de consommation passive, afin qu'elle ne dérive pas complètement, voir, disparaître totalement cette musique de la mémoire collective. ___________________ 35 Musique bretonne, histoire des sonneurs de tradition. COLLEU Michel, BIGOT Laurent, LABBE Yves, Chasse-marée/Glénat, Grenoble, 2008. 20 4) L'enseignement de la musique bretonne : entre imitation et métissages Depuis quelques années certaines institutions à vocation musicale et pédagogique ont été amenées à jouer un rôle important dans la diffusion des traditions musicales par la voie de l'enseignement. La pratique musicale est passée d'un cadre de transmission familiale à une pratique collective associative, puis à l'intégration de cette musique en institution spécialisée d'enseignement artistique. Au début des années 1980 se crée un certain nombre d'associations vouées presque exclusivement à l'enseignement de la musique traditionnelle. Certaines structures se spécialisent pour les accueillir, tels Amzer Nevez à Ploemeur, le Centre breton d'art populaire à Brest... À partir de 1988, un département de musique traditionnelle se met en place à l'école nationale de musique de VannesPontivy, assurant une formation spécialisée en musique : la musique bretonne s'institutionnalise. Dès 1986, l'État intègre l'enseignement des musiques traditionnelles et propose des diplômes, tels le CA (1987), le DE (1989). L'enseignement devient un nouveau mode de transmission de la musique bretonne. La danse et le chant qui se transmettaient autrefois par immersion au sein de la communauté,s'enseignent maintenant dans des cadres plus ou moins institutionnels. Cette démarche de transmission institutionnelle soulève néanmoins certaines questions. Une des caractéristiques générales des musiques traditionnelles est leur transmission par l'oralité. L'oralité est en effet le mot même qui va faire débat dans le milieu des enseignants de musique traditionnelle. Cette oralité n'a t-elle pas été la raison même de l'intégration de nos musiques dans l'institution ? Le but de l'État était de prouver aux disciplines classiques qu'il existait d'autres formules d'enseignement que des techniques académiques. Il a été question précédemment de l'ancien type d'apprentissage par immersion. Je m'interroge aussi à l'inverse sur l'adoption du modèle classique pour mon enseignement. Un des bouleversements les plus évidents a certainement été le passage d'une tradition orale dominante vers une approche parfois écrite. De plus en plus de musiciens bretons d'aujourd'hui ont des notions de solfège, certains d'harmonie 21 ou encore de musicologie. Cela a sans doute modifié imperceptiblement la conception qu'ont les Bretons de leur propre musique. L'adoption des instruments tempérés a consacré presque totalement l'abandon des gammes non tempérées, pour en citer un exemple. Pratiquant et enseignant ce domaine je m'interroge : à force de fuir une mise aux normes d'une certaine tradition, ne risque-t-on pas de sombrer dans une sorte de « world music » la plus banale ? Ce que je perçois aujourd'hui dans certains groupes me soucie et je m'interroge pour l'avenir de cette musique. Lorsqu'il s'agit de style, comment traduire et transmettre ce qui appartient à une communauté ou à une personne ? Ne risque-t-on pas de s'orienter vers un certain académisme ? Ces réflexions sont au centre des débats entre les enseignants de musique traditionnelle. Elles rejoignent d'autre part des problématiques que les danseurs se posent également. En matière de transmission de la musique traditionnelle, le collectage constitue un outil indispensable en tant que base de répertoire non pas figé dans une forme unique mais riche de ses multiples variantes et interprétations. Jean-Michel Guilcher36 insiste sur le fait qu'emprunter n'est pas forcément copier : « Le génie créatif de tout musicien de tradition orale fait que de l'emprunt de chacun de ces airs naît une création originale, imprégnée de la personnalité musicale de son créateur adaptateur »36. Le collectage permet de mettre en évidence les notions de style qui en découlent : ce tronc commun, cette base esthétique similaire au-delà de laquelle toutes les variations personnelles et toutes les créations deviennent possibles tout en restant enracinées dans une esthétique collective, acceptée et reconnue par la population d'un terroir. Le collectage apporte beaucoup plus que du répertoire et du style. Le contact avec les porteurs de traditions, les conversations sur toutes sortes de sujets conduisent à la transmission d'une culture globale et pas seulement d'un texte, d'un air ou d'une technique. _______________________________________________________________ 36 Jean-Michel Guilcher, ethnologue et maître de recherches honoraires au CNRS. Connu pour ses recherches sur la danse traditionnelle en France, son ouvrage La tradition populaire de danse en Basse Bretagne publié en 1963 définit sa méthode d'enquête et établit les bases de l'étude scientifique d'un répertoire populaire. Il dresse l'état de la tradition de danse telle qu'on pouvait encore l'observer au moment de son extinction. La qualité de la danse bretonne aujourd'hui pratiquée en fest-noz* lui doit beaucoup. 22 « La culture ne se découpe pas et la compréhension des interactions (musique, danse, chant, langue, costume...) est beaucoup moins importante pour comprendre sensibilité et perception »37. L'essentiel est le lien social et la dimension psychologique que peut représenter le collectage, ce contact entre les générations. N'oublions pas que tradition signifie « transmettre ». J’ai pu découvrir le collectage au cours de ma formation, cette situation me paraît complémentaire d’une pratique pédagogique et musicale. Collecter soi-même, c’est bien sûr partir à la rencontre de répertoires, mais aussi d'échanges humains, de parcours de vie, c’est prendre conscience, par les apports de ces personnes, d’un fragment de patrimoine, de culture et d’humanité. La découverte de ces connaissances est immense, mise en valeur par des témoignages de personnes vivantes, en rien comparables avec des livres ou autres supports. Il est exact que l'apprentissage d'une musique étrangère restera nécessairement limité, s'il n'est pas assorti d'une bonne connaissance de son contexte. Je pense qu'il convient de reproduire autant que possible les circonstances propres à la transmission de chaque musique ou du moins d'en respecter la cohérence et d'en adapter les modalités avec discernement. La large part qui est faite à l'imprégnation, la transmission par une pratique partagée avec le professeur, par imitation est prépondérante dans l'utilisation de l'écrit et du solfège. La relation entre professeur et élève devient de la connivence quand par exemple, un élève va sonner à un fest-noz* avec son professeur. Il y a le côté motivant et valorisant de telles expériences. Jouer et enseigner sont liés. Pour ma part j'ai eu envie de restituer à d'autres ce qui m'a été transmis. Je ne pourrais enseigner si je n'avais pas moimême envie de jouer. Il est important de transmettre l'envie de jouer, de profiter des occasions pour s'exprimer. Il me semble nécessaire d'entretenir une pratique qui alimente ma réflexion, dans mon cas par exemple sur le rapport de l'évolution des contextes de jeu. Il est important de se rendre compte de l'extrême complexité de cette matière traditionnelle qui porte la dimension diversité. ________________________ 37 Bretagne est musique. Cahier de l'Institut N°8, Vannes, 2008. 23 C'est d'autant plus difficile pour un professeur qui doit enseigner à de jeunes musiciens, chanteurs, danseurs, ce qu'est cette tradition. De les accompagner dans leur apprentissage, à les aider à trouver leur place par rapport à cette matière et à devenir de nouveaux porteurs de tradition. 24 CONCLUSION Les musiques traditionnelles suscitent de nombreuses problématiques et peuvent être questionnées de diverses manières : quelle est le devenir pour une musique traditionnelle hors de son territoire d'origine ? Conserve-t-elle une identité propre au gré des métissages ? Il est difficile d'avoir un positionnement catégorique sur l'ensemble de ces interrogations. J'ai choisi d'aborder plus spécifiquement l'importance du facteur temporel sur la tradition : La tradition en mouvement est-elle contraire à la notion de tradition ? Quelles sont les marges d'évolution d'une tradition ? A travers l'expérience de terrain, les lectures, les faits de réalité actuelle, je constate que les musiciens de groupes de musiques bretonnes que ce soit au festnoz* de Yaouank* ou autres, ont le désir d'enrichir la musique bretonne avec des expériences musicales venues de multiples horizons. La difficulté que je rencontre aujourd'hui est de définir et de reconnaître la tradition au sens musical et de me positionner en tant qu'interprète et enseignante vis-à -vis de celle-ci. En faisant ce travail, j'ai réalisé que la survie de cette musique tient à la manière dont elle est transmise aussi bien dans son contenu que dans sa forme. Cette réflexion m'a confortée dans le choix de transmettre les caractéristiques spécifiques et fondatrices de la musique traditionnelle à savoir : écouter, mémoriser, chanter, restituer, ornementer, varier... C'est à mon sens ce qui va permettre d'aborder en toute conscience les croisements, métissages, créations auxquelles les musiques traditionnelles sont soumises. Il me paraît de ce fait nécessaire, lors de l'apprentissage, de donner aux élèves des sources solides sur les fondements musicaux, sociologiques et historiques. Les élèves d'aujourd'hui sont les musiciens de demain et je pense important de faire naître le désir d'écouter, de pratiquer avec conscience, en transmettant les notions essentielles. C'est ce qui va permettre l'acquisition d'un sens critique. L'imagination des musiciens ne semble pas toujours connaître de limites. En fonction de l'air du temps, ils ne cessent de s'engager dans de nouvelles voies, 25 explorant de nouvelles possibilités. Encore bien présent en Bretagne et dans des régions de grandes émigrations, on peut se demander si le fest-noz*, dans les années à venir atteindra une reconnaissance au delà d'une culture régionale. Comme on a pu le lire récemment dans le télégramme : « le fest-noz* serat-il à l'instar du tango, reconnu comme élément représentatif du patrimoine mondial immatériel de l'UNESCO ? »38 ___________________ 38 Le Télégramme, dimanche 25 avril 2010, article de Dider Déniel. 26 BIBLIOGRAPHIE Ouvrage: AUBERT Laurent, la musique de l'autre, Ateliers d'ethnomusicologie, Paris, 2001, 160p. BECKER Roland-LE GURUN Laure, la musique bretonne, coop breizh, Spézet, 1996, 119p. BOURS Etienne, le sens du son, musiques traditionnelles et expression populaire, Fayard, Millau, 2007. Bretagne est musique, le point sur 50 ans de renouveau, cahiers de l'institut N°8, Vannes, 2004. Cahiers de musiques traditionnelles, nouveaux enjeux, N°9, Atelier d'ethnomusicologie, Genève, 1996. COLLEU Michel, BIGOT Laurent, Labbé Yves, Musique Bretonne, Histoire des sonneures de traditions, Chasse-marée/Glénat, Grenoble, 2008. GUILCHER Jean-Michel, La tradition populaire de danse en basse Bretagne, Coop Breizh, Spézet, 1ère édition 1963, 2007. LE GORE Olivier, l'inscription territoriale de la musique traditionnelle en Bretagne, Tome II, presse universitaire, Rennes, 2004. Revue: ARMEN N°93, Avril 1998, Les festoù-noz : histoire d'un renouveau par Fañch Postic AR SONER, Mai/Juin, 2004, N° 374. Article: Les arts traditionnels de Chérif Kazhnadar p20-22. KREIZ BREIZH N°13, 1er trimestre 2005, deux siècles de collectes de littérature orale par Fanch Postic. MUSIQUE BRETONNE N°188, Janvier/Février 2005. Article: La musique bretonne existe-t-elle? Réfléxion p 28 à 31. MUSIQUE BRETONNE N°185, Juillet/Aoùt 2004 Article : Quels espaces d'expression pour la musique traditionnelle (deuxième partie) par Robert Bouthillier p15 à 19. 27 Internet : www.plantec.fr http://www.freresguichen.com http://www.rennes.fr http://www.myspace.com/yaouankgouel http://wwwgéobreizh.comm http://www.alan-stivell.com http://www.denezprigent.com Audio : Anthologie de la musique bretonne vol.1 CD 966, Coop Breizh, juin 2005 Anthologie de la musique bretonne vol.2 CD 978, Coop Breizh, novembre 2006 Vidéo : TV Rennes 35, Urban Breizh 28 LEXIQUE An dro : Tour, danse en chaîne du pays vannetais. Ar Braz Dan : Musicien guitariste, connu pour ses influences musicales dans la musique bretonne en 1990. Ar Re Yaouank : C’est à l’occasion d’un fest-noz en Centre-Bretagne, en 1986, que les deux frères Fred Guichen (accordéon) et Jean-Charles Guichen (guitare), alors âgés de 14 et 16 ans, reçurent de leurs amis le nom d’ Ar Re Yaouank (les jeunes), pour leur première prestation. L’année suivante, leur rencontre avec le couple de sonneurs formé par Gaël Nicol (bombarde, biniou) et David Pasquet (bombarde) marque le véritable point de départ de leur première formation de fest-noz. En 1990, Ar Re Yaouank s’adjoint au groupe le bassiste de métal Stéphane De Vito (guitare basse). Le groupe bénéficie de l’apport des influences de chaque membre et introduit dans son jeu de nouvelles sonorités, héritières de différents mouvements musicaux (les Pogues, Pink Floyd, le métal, la musique classique). Deux ans plus tard, Ar Re Yaouank auto produit son premier album Fest-Noz Still Alive, enregistré en public à Maël-Carhaix et distribué dans les festoù-noz. Ar Re Yaouank produit une musique des montagnes, plins, gavottes… Le secret de la formation réside dans l’énergie qu’elle dégage de ces danses, et dans un anticonformisme intelligent de leurs compositions et de leurs reprises Avant deux de Bazouges : Danse de Haute-Bretagne Bagad : (Pluriel : bagadoù), ensemble de musique comprenant trois pupitres: bombarde, caisse claire, cornemuses. Bal : Seconde partie d'une forme en trois partie en référence à la famille des gavottes Barzaz : En 1989, Gilles le Bigot (guitares), Jean-Michel Veillon (flûtes), Alain Genty (basses) , David Hopkins (percussions) et Yann-Fañch Kemener fondent le groupe Cette nouvelle formation, à l'instar de Gwerz, interprète des gwerz accompagnées et des airs à danser. Becker Rolland : Musicien, saxophoniste, talabarder. Biniou : Cornemuse en référence au biniou-koz Biniou-koz : C’est la cornemuse bretonne. Koz signifie vieux. Celui-ci comporte un seul bourdon. Il forme un duo quasi- inséparable avec la bombarde. Bodadeg Ar Sonerion : BAS, l’assemblée des sonneurs, fédération pour la musique de bagad Bombarde : Elle fait partie de la famille des hautbois. Instrument à anche double. Cercle circassien : Le cercle circassien est le nom d'une danse répandu en France entre les deux guerres. Il a fait irruption dans le mouvement folk au début des années 1970 à 29 l’initiative d’Yvon Guilcher. Chant à répons : forme de chant utilisé en Pays Gallo et au-delà. Coop Breizh : Label de production en Bretagne Dastum : Signifie recueillir en breton, Dastum est une association qui s’est donné pour mission le collectage, la sauvegarde et la diffusion du patrimoine oral de l’ensemble de la Bretagne. Dayot/Defernez : Gwen Dayot et Job Defernez, sonneurs depuis 30 ans. Difframa : groupe de fest-noz constitué de 5 musiciens, crée depuis 1997. Displann : groupe de rock constitué de 5 musiciens. Ebrel Louise : Chanteuse du pays bretonnant, fille d'une des soeurs Goadec. Fest-noz : (Pluriel : festoù-noz) Fête de nuit. Filifala : création en 1999, les musiciens de Filifala ont toujours cherché à jouer une musique traditionnelle ouverte et imaginative, n'hésitant pas à s'influencer des autres pratiques traditionnelles ainsi que des esthétiques modernes ; jazz, et musiques actuelles. Fisel : Danse de Basse-Bretagne, elle fait partie de la famille des gavottes. Gavotte : Nom regroupant une famille de danses en chaîne (gavotte montagne...) Guichen Jean-Charles et Fred : Nom des frères Guichen, accordéoniste et guitariste Gwendal : Groupe de musique bretonne crée depuis 1972. Le groupe a développé un style instrumental original et raffiné, au fort pouvoir émotionnel, qui lui a permis d'acquérir un large public, tant en France qu'à l'étranger. Issu de la vague de la musique celtique, Gwendal en émerge très vite grâce à la personnalité de ses compositions et arrangements, réalisant une fusion entre l'expression traditionnelle et l'environnement musical du groupe à forte connotation rock et jazz. Gwenfol orchestra : Groupe de fest-noz lancé en 1991 par le duo accordéon et violon avec Yannig Noguet et Jean-Pierre Andrieux. Arrive ensuite un talabardeur, Goulven Dréano et un guitariste Olivier Guénégo. Appelé Gwenfol au début le groupe prendra le nom de Gwenfol orchestra, se présantant sous la forme d'un collectif d'une dizaine de musiciens issus du monde classique, jazz, rock... Gwerz : Le nom gwerz désigne une complainte bretonne aux sujets historiques ou dramatiques, souvent interprétée a capella. Sa musique se veut entièrement dévouée à ce genre et puise son inspiration dans le terreau traditionnel de Centre-Bretagne, sous l'influence directe de personnalités telles que Manuel Kerjean, les soeurs Goadec. Le groupe comprend : Jacky Molard au violon, Soïg Siberil à la guitare acoustique, Youen Le Bihan à la bombarde, Patrick Molard au biniou-koz, à la flûte et au uilleann pipe (cornemuse irlandaise), Erik Marchand à la clarinette. Depuis sa naissance en 1981, trois 30 disques ont été enregistrés Hanter-dro : Demi-tour, danse du pays Vannetais Héritage des Celtes : L’Héritage des Celtes est une réunion de musiciens originaires de pays se réclamant de la tradition celtique, initiée par Jacques Bernard et le guitariste-chanteurbreton Dan Ar Braz. En 1991, il sortait l’album Borders of Salt, dont la chanson du même titre allait devenir emblématique de l’Héritage. IMG : Groupe de musique bretonne Kan ar bobl : Chant du peuple. C'est appellation d'un concours qui a lieu chaque année à Pontivy autour du chant et de la musique Kan ha diskan : Traduction de chant et déchant, c'est une technique de chant à danser a capella traditionnel et tuilé en breton pratiquée à deux ou plus. Kas ha barh : Danse en couple du pays vannetais bretonnant Katé mé : Groupe de musique bretonne aux influences diverses. Kendalc’h : La confédération culturelle bretonne Kendalc’h, littéralement « préserver, maintenir» en breton coordonne les activités d’associations qui œuvrent dans les domaines de la danse bretonne et du chant choral en langue bretonne. Kendirvi : Groupe de fest-noz originaire du pays rennais. Klegereg : Klegereg, (Cléguerec) est la localité où se déroule chaque année un festival de bombarde pendant quatre jours. Des musiciens y viennent du monde entier. Ce festival de la bombarde et de ses cousines est devenu le moment fort d'une culture bretonne ouverte sur le monde. Avec le mizmar, la dolçaïna, le shenaï, la zurna, le tible, le piffero, la gaïta, la tenora, le nadaswaram, le sralay, le pi naï, le hné, le sopila, la suona, la chirimia, la zocra... la bombarde invite ici au voyage vers d'autres cultures proches et lointaines. Rencontre aussi entre les musiques traditionnelles, le jazz et les musiques contemporaines. Kemener Yann-Fanch : Yann-Fañch Kemener est un chanteur traditionnel breton et un ethnomusicologue , né le 7 avril 1957 en Côtes d'Armor. Acteur du renouveau du kan ha diskan (chant et contre-chant) dans les années 1970 et 1980, notamment avec son compère Erik Marchand, il a contribué à la pérennisation de la transmission de chants traditionnels par son activité de chanteur traditionnel comme dans ses activités de collectage de la tradition orale locale et de transmission de la langue bretonne. Kost-er-hoed : danse de Basse-Bretagne, du Centre Bretagne La Bouèze : L'Association La Bouèze recueille, transmet, développe et assure la promotion du patrimoine oral traditionnel de Haute-Bretagne. Elle propose diverses activités : musique, chant, danse, conte... http://www.laboueze.com 31 Laridé : Nom de danse du pays vannetais Loened Fall : Groupe de fest-noz Molard (les frères) : Trois musiciens; Patrick qui joue de la cornemuse (bretonne, écossaise, irlandaise), Dominique qui est percussionniste, Jacky, violoniste. Tous les trois jouent dans divers groupes de musique bretonne. MusicHall : Salle de concert à Rennes au parc des expositions (St jacques de la Lande) Nogues Kristen : Harpiste Plantec : Groupe de fest-noz Plin : Danse en chaîne de basse Bretagne, (pays Poher) Polka piquée : Danse en couple Prigent Denez : Né en 1966 dans le Finistère, c'est un compositeur et interprète de chants en langue bretonne. Ses genres de prédilection sont le kan ha diskan*, chant et contrechant à danser, et la gwerz, chant dramatique racontant un fait historique. D'autres influences sont intégré dans sa musique comme l'électronique... Rond de St Vincent : Danse du pays de Redon. Scottish : Danse en couple. Saille Patrick : Fondateur d'an tour tan et organisateur du festival de Cornouaille. Skeudenn bro Roazhon : Fédération des associations culturelles bretonnes du pays de Rennes, centre de documentation sur la culture bretonne. Skeduz : « Brillant » en breton. Ce groupe de fest-noz à débuté en 1990 avec quatre musiciens, rejoint par un cinquième en 1993. Il se compose de André Thomas, Yvon Lefèbvre, Ronan Pellen, Laurent Dacquay et Nicolas Quéméner. Il n'ont pas hésiter à intégrer des musiciens venus d'ailleurs. Sonneur : Terme breton pour identifier un musicien qui joue, (il sonne). Spontus : Le groupe Spontus est créé en 1996 par quatre lycéens et collégiens d'Auray afin de participer au concours régional inter-lycées de musique traditionnelle à Lannion (22) qu'ils gagnent en 1997. Le groupe se fait vite connaître aux quatre coins de la Bretagne dans les festoù-noz. En 2000 le groupe enregistre son premier Album chez An Naer Production. Stivell Alan : Chanteur, il est aussi multi-instrumentiste : bombarde, biniou koz, biniou braz, tin whistle et harpe celtique. Il est à la base de la renaissance de cet instrument et de la musique bretonne moderne. Sa musique est très ouverte sur le monde, sur la Celtie et s'appuie sur des formes musicales originales. Talabarder : Nom breton du joueur de bombarde. 32 Ton simple : Première partie d'une danse tri-partite (ton simple, bal, ton double) appelée ainsi par sa construction: air à deux phrases égales, 8 temps, plus 8 temps, redoublés. Treujenn-gaol : Clarinette bretonne. Tri martolod : Trois jeunes marins. Chant qui est dansé en pays Léon. Veillon Jean-Michel : Flûtiste, jouant dans différents groupes. Il est à l'origine de l'importation de la flûte irlandaise dans le répertoire breton vers les années 1970. Vielle : Instrument à cordes frottées répandu en Côtes d'Armor dans la tradition musicale bretonne . War'l Leur : War'l Leur signifie «sur le l'air, est une confédération pour la danse bretonne. Yaouank : Jeune en breton. 33 ANNEXES Annexe N°1 : Annexe N°2 : Carte de Bretagne (www.kervaker.org) texte de la plaquette de présentation du festival Yaouank* « Pour cette dixième édition du festival, Yaouank* s'affirme encore comme le rendez-vous incontournable des musiques actuelles bretonnes et le plus grand fest-noz* de Bretagne. Ces dix dernières années, les meilleurs artistes de Bretagne ont partagé leur passion avec un public chaque année plus nombreux. Organisé par Skeudenn Bro Roazhon * entente de pays qui fédère cinquante associations et plus de 4000 adhérents, Yaouank* a pour objectif de permettre à tous les jeunes de Bretagne de découvrir une culture bretonne dynamique et diversifiée à travers la musique, la danse, et le chant en breton ou en gallo. Cette année encore du 3 au 22 novembre, sur les scènes des Champs Libres, de l'Antipode, de la Cité et de l'immense MusikHALL*, Yaouank* fera encore date avec sa force et ses maîtres mots : découverte, création, diversité ». 34 Annexe N°3 : danses principales de Haute et Basse Bretagne 35 Annexe N°4 : présentation du groupe Plantec (www.plantec.fr) « Un duo guitare et bombarde aux compositions endiablées, enrichi par des envolées biniouistiques sauvages et les grooves d'un bassiste au déhanché parfait, le quatuor donne naissance à un premier album nommé Reverzhi. Ces lutteurs des festoù-noz* rencontrent M-kanik. Ses paysages sonores, appuyés pas des rythmes incisifs, font prendre une nouvelle direction à la formation. Aujourd'hui leur festnoz rock éléctro évolue avec un chanteur qui détourne le kan ha diskan ». Annexe N°5 : répartition et évolution du fest-noz* en Bretagne Schéma tiré de la thèse l'inscription territoriale de la musique traditionnelle en Bretagne, Olivié Le Goré, Tome II, presse universitaire, Rennes, 2004. 36 Schéma du Chapitre 7 : Répartition et dynamiques spatiales des lieux de diffusion. Figure 9 – Évolution de l’origine spatiale des festoù-noz, tiré de la thèse l'inscription territoriale de la musique traditionnelle en Bretagne, Olivié Le Goré, Tome II, Presses universitaires, Rennes, 2004. Annexe N°6 : programmation des groupes du fest-noz* de clôture Nom, composition instrumentation Genre Dayot /Defernez (2) Biniou-koz*, bombarde* Traditionnel breton Carré Manchot ( 4) Guitare, accordéon, flûte, uilleann pipe* Traditionnel breton Yao (3) Accordéon, guitare, clarinette, saxophone Traditionnel breton Deus'ta (5) Flûte, accordéon, guitare, percussions, chant Traditionnel breton Hamon / Martin (2) Accordéon, flûte, bombarde* Traditionnel breton Kendirvi (7) Clarinette, guitare, bombarde* Breton, composition Loened fall (5) 2 voix (chant), guitare, violon, bombarde* Traditionnel breton Red Cardell (3) Chant, guitare, synthé, batterie... Groupe de rock avec des influences éléctro, bretonne, techno... Plantec (6) Guitare, bombarde*, chant, bassiste, biniou-koz*, harpe celtique Composition planantes, machines aux tendances transcendantales... 37 Guichen (2) Accordéon, guitare Compositions d'inspirations traditionnelles avec influences de musiques actuelles IMG (7) Guitare, accordéon, batterie, saxo, trombone, trompette, bombarde*, chant. Diverses influences, breton, rap, ska... Roland Conq : création Guitare, et autre... Breton, béarnais, gascon Guitare Traditionnelle breton Accordéon, guitare, percu, bombarde*, violon Musique bretonne, influence rock yaouank Arnaud Royer trio+ Bagad Roazhon Startijenn+invités (5) Annexe N°7 : aspects culturels et lieux de programmations Aspects culturels représentés La langue Bretonne par la diffusion de films au cinéma Une journée d'activité pour les jeunes de 7 à 11 ans Des concerts de différents styles et en différents lieux Des lectures publiques en breton Plusieurs fest-deiz / fest-noz Une session bretonne Lieux Rennais La ferme de la Harpe (espace annexe de l'université de Rennes 2) Le 4bis (espace jeune, centre d'information) Ty Anna (bar) La Maison du Champ de Mars La Bonne Nouvelle L'Antipode (salle de concert) Les Champs Libres (espace culturel) Salle de la Cité (salle de concert) Le MusikHALL (salle de concert) 38 Annexe N°8 : répartition des instruments traditionnels à partir de 1900. Carte tirée de la thèse l'inscription territoriale de la musique traditionnelle en Bretagne, Olivié Le Goré, Tome II, presse universitaire, Rennes, 2004. Annexe N°9 : Festival spécifique de la musique et de la danse Moments fort de l'année 39 Annexe N°10 : carte des terroirs (www.geobreizh.com) 40