Dans le cadre de notre projet professionnel personnalisé, nous

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Dans le cadre de notre projet professionnel personnalisé, nous
Dans le cadre de notre projet professionnel personnalisé, nous devions rencontrer et
interviewer un professionnel. Nous avons contacté un photographe renommé de Béziers, Hugo
Da Costa. Durant un entretien d’une heure, nous découvrons un métier passionnant mais aussi
contraignant.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre entreprise ?
Alors je me présente, je m'appelle Hugo Da Costa, je suis photographe professionnel. Je donne
beaucoup dans le milieu de la photo publicitaire, industriel, de la com’, des entreprises et tout
ce qui est rapport à l'art. Je fais des photos qui peuvent d'un premier abord ne pas paraitre
passionnantes. Mais bon c'est des photos de bars, de restaurants, d’hôtels, de bouteilles de vin,
d’articles, de catalogue, de pièces détachés, des photos du web,… Le gros, gros de mon chiffre
d'affaires. C'est avec ça que je gagne ma vie.
Parallèlement, je fais aussi des photographies de façon plus large. Étant donné que je suis
photographe en province, on est obligé d'être beaucoup plus généraliste et donc ça m’arrive de
temps en temps de couvrir de l'évènementiel ou des inaugurations, des choses comme ça. J'ai
aussi… Je ne sais pas si ça fait partie des questions mais j'ai fait des photos de mariage et tout
ça. Des photos de mode aussi de temps en temps et… Euh… Parfois des piges dans le
journalisme pour appuyer un article.
En 2008, notamment, j'ai fait la une du figaro avec la photographie d'un hélico qui avait été
intercepté dans la région pour un trafic de drogue.
Parlez-nous de votre parcours.
Alors euh… Il est relativement atypique, dans le sens ou moi, bon, je suis né en Angola, en
Afrique. C'est un pays qui a été bouleversé par une guerre civile dans les années 70 et euh…
Moi, je suis resté avec ma mère et mon beau père jusqu'en 79 où je suis allé en France. Je n'ai
revu mon père que lorsque j’avais 20 ans, en 1992. Et bon, je me suis, à un moment donné, posé
la question de savoir qui c'était cet homme, parce que j'avais pratiquement perdu tout contact
avec lui et, en le retrouvant en 1992, j'ai rencontré un photographe professionnel. Voilà. Moi
j'ai eu un parcours scolaire assez chaotique, ça n’a jamais été trop mon truc les études. Je voulais
être musicien, je voulais être bassiste… Voilà, je suis un grand fan de reggae donc je voulais
être bassiste. Et finalement, en 92 je retrouve mon père et la donne change du tout au tout
puisque je rencontre comme je le disais un photographe professionnel. Il vivait au Portugal à
l’époque. Et, de cet rencontre-là, j'ai commencé à l'assister, à aller avec lui euh… Oui, pour
l'aider, pour l'assister dans ses travaux photographiques. Et puis, il m'a offert un objectif photo
pour mon séjour, pour nos retrouvailles. Donc, j’étais serveur à l'époque mais j'ai acheté un
boitier qui allait avec l'objectif et j'ai commencé à prendre des photos. Puis, je suis tombé
vraiment accro du process’. Et de fil en aiguilles, j'ai appris à ses côtés pendant pratiquement
trois ans. J'ai fait mon service militaire, à l'époque ça existait encore. Pendant ce service
militaire, j'ai appris beaucoup de théorie de la photographie. Sorti de ça, je faisais des livraisons
l’été en tant que serveur pour gagner un peu ma vie et puis l'hiver, je le passé au Portugal pour
bosser la photographie quoi.
Qu’est-ce qui vous passionne dans ce métier ?
Disons que la chose qui m'a beaucoup plus euh… C'est la diversité. C'est-à-dire que je ne crois
pas avoir fait deux fois la même chose et, même si j'avais le même sujet à traiter deux fois, j'ai
jamais refait les choses deux fois. Donc, vraiment, une énorme diversité et surtout euh… Je
crois que ça, c'est globale à ma philosophie, une énorme liberté. Donc voilà, je fais ce que je
veux, comme je veux, au rythme que je souhaite. Bon c'est possible, bien entendu, après, quand
je suis dans mon travail, s'il faut se plier à des contraintes, je le fait. Et malgré tout, voilà, c'est
un métier qui m'offre beaucoup de liberté pour faire autre chose que de la photo. Bien me
cultiver, avoir du temps pour moi aussi, pour faire autre chose quoi. Je suis pas obnubilé, c'est
ça qui me plait beaucoup là-dedans.
Quels sont les points positifs et négatifs de ce métier ?
Alors euh… Les points positifs, je viens de les évoquer. C'est quelque chose qui, effectivement
amène beaucoup de liberté, de la diversité, des rencontres aussi. Voilà, beaucoup de… Des gens
de tout secteur, de tout milieu. Donc ça m'enrichit. Pouvoir faire pleins de choses comme ça, ça
m'ouvre l'esprit.
Par contre, au chapitre de ce qui est plus difficile, c'est forcément quelque chose qui est d'ordre
pécuniaire. La précarité de de ce métier. C'est-à-dire que c'est très difficile de voir sa vie projeté
à plus de un ou deux mois. Quand on a du travail et qu'on sait ce qu'on va faire dans les mois
qui suivent, c'est super, c'est vraiment super. Mais c'est extrêmement rare, et euh… L'autre
question aussi est d'ordre pécuniaire. Ça m’a pris huit ans pour commencer vraiment à gagner
ma vie avec ça. Et encore, c'est jamais acquis.
L’autre grosse difficulté c'est aussi de faire comprendre à des interlocuteurs, comme les banques
et tout ça, que c'est un métier et pas simplement un loisir ou une passion. Que je ne m'amuse
pas. C'est grâce à ça que je vis et que j'avance. Beaucoup de gens le voit comme ça. Notamment
quand j'ai fait ma transition entre serveur et photographe, il s'est passé des années difficiles ou
j'étais au RMI. Et j'ai vraiment touché le fond. Parfois, c'était très, très dur. Sans vouloir faire
dans le violon ou attrister les gens… Il y a des moments qui sont des sacrifices. Soit je rempli
mon frigo, soit j'achète des pellicules. Par contre c'est sans regret et ça amène euh… Ça m'a
renforcé encore une fois. A plein de niveau, ça m'a donné beaucoup de valeur. Il faut beaucoup
de persévérance pour arriver à faire ça. Et beaucoup de travail.
Il y a des remises en question constante. Ne jamais être pleinement satisfait de soit même, c'est
hyper important quoi.
Quel genre de demande recevez-vous ?
J'ai eu plusieurs phases, c'est-à-dire que bon, j'ai pu, bénéficier de l'histoire de mon père. C’està-dire que lui il a travaillé à une époque glorieuse de la photographie. Notamment, il a fait
beaucoup de photos de journalisme. C’était une époque où on pouvait gagner pratiquement dix
smic en deux photos quoi. Il suffisait d'avoir le plus beau cliché quoi, voilà. Lui, dans les années
80, il a fait quelques photos de guerre pour Paris Match et ça lui permettait de vivre pendant six
mois, voilà. Donc, le milieu du photo journalisme, si on veut parler de cet aspect-là, on est
obligé de sectoriser. Le photojournalisme, c'est un financement qui est vraiment très mal en
point, c'est-à-dire qu’avec l'ouverture du web et tout ça, les droits d'auteur, les amateurs aussi
tout ça. Ça devient très, très difficile de vivre de ça, et en plus, juste un petit exemple… Je m'en
rappel, en 90 juste avant les années 2000, il y a eu un conflit en Tchétchénie. Je me rappel avoir
essayé de trouver une agence de presse pour pouvoir couvrir le conflit. C'était même pas un
smic pour risquer sa vie. C'était un des conflits les plus horribles qu'il puisse y avoir, on devait
donner toutes ses photos, et on était payé au lance-flamme. Donc moi, même si ça me motivait
sur un plan photographique de tenter une aventure comme celle-ci… Ce n’était pas possible
pour moi d'envisager ça que sur cet aspect-là. Ça me paraissait être beaucoup de risque pour
peu. Donc, ça, c'est le secteur photojournalisme. J'ai des amis qui travaillent là-dedans et ils
vendent des photos 20 € alors qu'il ont passé toute la journée à couvrir une manifestation. Ils
vont bouffer du gaz lacrymogène, ils ont deux, trois belles photos qui vont passer à la télé et
euh… Voilà, on va lui acheter 20 ou 40 €. Si on enlève les charges et tout le truc, c'est terminé,
il y a plus rien. C'est vraiment devenu l'anarchie.
Moi, dans mon secteur, celui qui me fait gagner ma vie, donc, le secteur de la photographie
industriel il y a plusieurs choses. Il y a eu une très grosse période creuse dans les années 2000,
au moment où on est passé de l'argentique au numérique. La démocratisation des appareils
numérique a fait que tout le monde a pu s'acheter un appareil numérique. Les clients qui me
demandaient de faire leurs photos d’établissements, de plats cuisinés… Tout ce que j'ai évoqué
et qui fait mon métier, voilà, tous ces gens-là, ils se sont dit : « Hugo, on n’aura pas besoin de
toi, on a acheté un appareil photo numérique ». De 2000 à 2005 il y a vraiment eu un très gros
creux là-dedans. Moi, je l'ai senti au niveau de mon chiffre d’affaire, du développement de ma
modeste entreprise. Et même à l’époque où je faisais quelques mariages aussi, j'ai eu beaucoup
moins de commande. Mais bon, moi aussi je me suis équipé d'un appareil photo numérique et
euh… Tout à l’heure je vous avouais le fait qu'il fallait parfois choisir entre remplir son frigo
ou acheter des pellicules. Moi, ça m’a complètement libéré. En 2004, j'achète mon premier
appareil photo numérique et j'ai pu commencer à faire autant de photos que je souhaitais, traiter
mes images sur ordi et donc, forcément, être libéré d'une énorme contrainte appelée, à l'époque,
le consommable.
Quels sont vos outils et techniques de travail ?
Moi je suis quelqu’un qui a été à l'école de la débrouillardise au niveau de mes appareils photo.
Mon père m’a appris que c'est pas l'appareil qui fait des photos mais le photographe. Et donc
j'ai commencé avec des appareils de la génération des années 80. C'est des appareils photos
extrêmement performants et bien finis, super robuste. Du coup, j'ai commencé à travailler
qu'avec des focales fixes. Mon père m’a dit : « je ne veux pas te voir avec un zoom, il faut
vraiment que tu intègres ce que c'est, chacun des focales et donc j’ai eu cette règle qui parait
bête comme ça, mais qui est extrêmement importante. Changer d'objectif chaque fois que j'avais
un sujet ou quelque chose à prendre en photo, en vissant dans mon boitier la focale qui
correspondait à ce que je voulais avoir comme rendu. Donc j’ai passé cinq, six ans avec du
matériel que j'aime encore, de qualité, fantastique. Tous mes appareils argentiques c'étaient des
appareils d'une autre génération. Parfois, ça faisait sourire certaines personnes. Mais en contre
parti, c'est du matériel d'une excellence, c'est top quoi. J'adore ce genre de matériel vintage qui
est encore d'une solidité et il n’y a pas mieux. Ensuite, comme je suis passé sur du numérique,
j'ai dû faire quelques concessions. En 2004, quand j'ai acheté mon premier boitier, c’était un
D70 Nikon, qui valait une fortune. J’ai pas retrouvé tout de suite ce que j'avais dans l'argentique
et, au contraire, je trouvais que c'était une grosse régression au niveau de la qualité. Autant j'ai
eu beaucoup plus de souplesse, d’élasticité pour faire du volume, autant pour la qualité c'était
un très gros compromis, notamment le noir et blanc, que j'ai toujours trouvé insipide. Par contre
j'ai commencé à avoir des zooms aussi. Et j'ai trouvé ça assez pratique de ne pas être obligé de
changer d'objectif, surtout dans des reportages.
Grâce à mes bases je me suis servie, intelligemment j'espère, des zooms. Alors, aujourd’hui je
reste sur ça, c’est-à-dire que j'ai qu’un boitier. Je n'achète jamais les derniers cris. En ce moment
j'ai encore un D300, c'est un appareil photo qui date de 2008 mais qui a un capteur absolument
fantastique et surtout je pense le maitriser. Donc, ok, on va vous faire de la surenchère de pixel,
et de tout un tas de choses sur un plan informatique, mais ce qui compte avant tout c'est de faire
une photographie qui soit valable et, aujourd’hui, vraiment tous les appareils photos se valent.
Dès qu'on passe sur un boitier reflex on est tranquille, il n’y a pas de souci là-dessus. Voilà, ça
c'est pour le matériel de prise de vue. Après, il y a d'autres choses aussi, c’est-à-dire le matériel
d'éclairage qui lui, pareil, a beaucoup évolué. Il valait des fortunes, à l'époque. J’achetais des
têtes de flash pour faire des photos studio, tout ce qui est portrait, shooting de mode ou des
photos de bouteilles de vins, c'était vraiment des choses qui étaient très encombrante, qui
valaient des fortunes et maintenant, ça c'est bien démocratiser, pour le meilleur comme le pire.
Moi, j'utilise aussi ce genre de matériel de façon très académique. Donc je suis parfois peutêtre un peu classique mais, au moins, ça fonctionne. Il y a un gros défaut, je crois, dans mon
métier, c'est que les photographes ont souvent tendance à se toiser, à se comparer, et à avoir
une espèce de compétition absurde sur les matos, que je trouve absolument idiote. C’est une
compétition qui m’a toujours parue aberrante. D’ailleurs ce ne sont pas souvent les meilleurs.
S’il y en a un qui est armé jusqu'aux dents, ça veut pas forcément dire que c'est un bon
photographe. Il ne faut pas l'oublier. Moi, personnellement, je me promène très peu avec mon
appareil photo sur le dos. Juste quelque chose de très important aussi, c'est qu'aujourd’hui il y
a un autre outil qui est devenue indispensable, c'est bien entendue l'ordinateur. Un bon écran,
c'est indispensable et surtout une sonde de calibration pour étalonner son écran.
Utilisez-vous justement ces logiciels de retouche ?
Ce qui va différencier un photographe professionnel d’un amateur c'est pas forcement la qualité
de la photo. Je connais des amateurs qui sont largement meilleur que moi dans pleins de
secteurs. Sauf que moi je suis sous la contrainte d’un résultat pour mon client. Donc, si on en
revient à la retouche, on est forcément obligé de renter dans certains critère, donc enlever,
nettoyer une peau, des fossettes des rides, des rougeurs, des boutons, des cicatrices…
Effectivement on peut rentrer là-dedans. Personnellement, si j'ai un portrait à faire, fort et
puissant, j'évite au maximum. Je suis pas un grand fan des peaux parfaites. Voilà, moi c'est
quelque chose qui ne me convient pas. Je préfère des visages qui parlent et sur lesquels on peut
lire leurs vies. Après, quand on travaille sur des photos de mode ou des nus, forcement des
courbes sont arrondies. Voilà, on essaye de gommer, lisser,… Et souvent, c'est à la demande de
la personne qui est photographié, pas simplement quelque chose qui fait partie de ma volonté.
Donc oui, je me sers de ça. Mais après, ces même outils me servent à enlever une antenne sur
un toit, camoufler une poubelle,… Ca me permet de nettoyer des scènes que je photographie.
C'est génial pour tout un tas de choses. La retouche c'est quelque chose de subtil, c'est quand
même assez puissant.
Quels sont vos horaires de travail ?
Les horaires de travail sont super flexibles. Je peux travailler jusqu’à trois heures du matin, si
jamais j'ai quelque chose. Très souvent, dans le secteur dans lequel je bosse, il y a très peu
d'anticipation. On me dit souvent : « Bon, j'ai besoin de votre service » et je demande « c'est
pour quand ? », et souvent, on me répond, « c'est pour hier ». Du coup, je travaille souvent
comme ça, un peu dans la précipitation. A force, on prend l'habitude. Mais je fais en sorte que
le travail ne soit pas bâclé. Et je suis quand même perfectionniste, je ne supporte pas de faire
les choses à la va vite. Si je ne peux pas faire les choses dans le temps impartie, je dis non,
voilà.
Mais par contre, je n'ai pas de jour. Par exemple, si je dois travailler le dimanche, je le fait. Je
sais que c'est le week end parce qu'autour de moi c'est le week end mais ça peut être la période
où je travail le plus de la semaine. Et inversement, je peux avoir des semaines chargées et un
week end plus cool. C'est quelque chose qui n'est pas du tout définit. Après, j'organise mon
travail comme je peux. Il y a des moments dans ma vie où j'ai de bonnes vibrations, où je fais
tout en temps et en heure.
Quels sont les avantages et inconvénients du travail à domicile ?
Bon, alors, le travail à domicile... Le plus gros inconvénient, c'est celui de mélanger son espace
professionnel et privé. Donc, ça crée d'énormes conflits avec sa partenaire, voilà. Les femmes
avec qui j'ai partagé ma vie ont toujours cru que, parce que j’étais à la maison, j’étais en train
de rien faire. C'est une question de praticité. C'est vrai que je préférerai avoir un énorme studio
avec une secrétaire, de pouvoir travailler autant que je veux. Mais c'est pas possible. Voilà,
sinon je ne pourrais pas avoir le niveau de vie que j'ai actuellement.
Quels sont les qualités requises pour ce métier ?
Je pense qu'il faut vraiment de la persévérance. Le fruit du travail qu'on fournit en amont ne
paye que longtemps après. Quand on essaye d'approcher la photo dans ce cadre industriel, la
technicité, l'implication, la connaissance que ça requière, la maîtrise du matériel. Il faut aussi
une énorme sensibilité. Je pense que c'est un métier très sensible. Si on n’est pas capable de
s’émouvoir de choses simples, si on n’est pas quelqu'un d'humain, d'émotif... Je pense que dans
ce métier on est obligé d'être quelqu’un de perméable face aux choses, aux gens, d'avoir le
regard en éveil. Le visuel est le sens dominant d'un photographe.
Quels sont les formations recommandées ?
Moi je sais qu'en matière de formation, le mieux, c'est de travailler sur le tas, de devenir assistant
photographe. Essayer d'avancer, pour moi, c'est le plus pertinent. Aussi, avoir une énorme
motivation a la base. Pourquoi ? Parce que ça dépend de chacun. Certains sont très théoriques,
ont une approche plus scientifique, et d'autre vont être plus pratique. De temps en temps je
donne des cours particuliers ou alors des conseils à des amis. En tout cas, ce qu'il faut éviter
c'est de gâcher les coups d’œil. Dans un cursus plus traditionnel, je trouve que les écoles sont
importantes. La meilleure des écoles c'est la pratique.
Quels sont vos perspectives d'avenir pour votre entreprise ?
Bon, en ce moment, je me débrouille pas trop, trop mal. Dans une seconde partie de carrière,
j'aimerais bien commencer à travailler un peu plus dans le reportage humain, sociétale. Grâce
à mon entourage, mes amis qui sont dans le milieu associatif, qui me poussent de plus en plus
à faire de la photo dans ces genres de domaines. J'aimerais bien, peut-être, faire des voyages.
Plus me servir de mon appareil photo comme d'une arme.
Et vous avez un objectif pour 2014 ?
Euh... Oui, je pense que, là, j'aimerais faire un bouquin sur les circuits courts d'une association
bio qui fait un marché sur la place de la Madeleine. J'aimerais réunir dans ce bouquin, à la fois
leurs compétences, un petit clin d’œil sur leurs exploitations... Et quelqu'un viendrait se broder
a ce travail photographique pour mettre un peu de texte et témoigner de cette façon de
consommer, de cultiver, de produire,... Ça correspond à ma philosophie, mon mode de vie.
J'aimerais les mettre en valeur. Cette association a 20 ans cette année et donc, voilà. Eux sont
partant, reste à trouver les finances. On est en bonne voit.
Quel est le frein à votre développement ?
De toute façon, le nerf de la guerre, c'est toujours l’argent. On est souvent contraint à ce niveaulà.
Comment voyez-vous la place et la légitimité des agences indépendantes comme vous face
aux grosses industries ?
Dans mon secteur les très, très gros ont souvent besoin de nous. Voilà, moi j ai déjà travaillé
avec de très grosse agence. Comme je le disais, j'ai fait une Une pour un quotidien comme le
figaro qui est quand même diffusé partout dans le monde. Mais bon, je crois que les gros et les
petits ont de la complémentarité et c'est pas rare d'avoir un coup de fil. J'ai travaillé, par
exemple, pour Code master, un éditeur de jeu de logiciel internet. Là où ça va pas du tout, c'est
leur façon d'agir sur le plan rémunération. Souvent, ce sont les plus gros qui payent le moins
parce qu'ils ont des prix forfaitaire. La Une du figaro, par exemple, la photo faisait plus de la
moitié de la page, j'ai pris 250 €. Je trouve ça inadmissible. C'est là où il y a une certaine forme
de conflit, dans le respect qu'on doit avoir et dans la complémentarité. Maintenant, si un tarif
ne me convient pas, je ne prends pas le travail. Je ne vais pas faire les choses juste pour la gloire.
Les grosses agences de pub sont de véritables rouleaux compresseurs, notamment dans le
secteur du web. J'ai des amis qui y travail, c'est pareil, c'est inadmissible.
Comment vous démarquez-vous de la concurrence ?
J'ai la chance de ne pas en avoir beaucoup. A Béziers, il n'y a pas beaucoup de monde donc
c'est plus facile pour moi, dans le secteur de la photo, d'exister ou d'avancer. Parce que 80 %
des photographes ici font dans la photo de mariage, naissance, bébé, des choses comme ça. Bon,
je pense que c'est une discipline comme une autre, j'en ai fait. Donc, j'ai pas beaucoup de
concurrence mais quand bien même, je pense que la concurrence c'est quelque chose de très
sain, ça stimule et ce permet de créer, d'amener à un niveau d'exigence. C'est-à-dire qu'à chaque
fois qu'il y a de la concurrence, ça permet d'éliminer ceux qui ne sont pas au niveau. Je préfère
être en compétition qualitative plutôt que de tirer les choses vers le bas en baissant les prix,
en devenant un marchand plus qu'un photographe. Je sais que je suis assez mauvais dans ce
secteur là mais, en contrepartie, je lâche rarement du leste au niveau de mes prix.
Quel est votre pire souvenir dans le métier ?
Mon pire souvenir ? C'est une bonne question, ça. Ouais, je crois que le pire souvenir, en tout
cas une bonne sué que j'ai eue, c'est un jour où mon boîtier s'est bloqué. Un argentique, juste
avant un mariage. J'arrivais plus à l’enclencher, la pellicule était bloquée. Je ne sais pas par quel
miracle, à un moment donné j'ai réussi à décoincer le rouleau. Les pires moments aussi, c'est
quand j’étais encore très jeune dans ce métier, avec moins d’aplomb, moins d'assurance. Des
gens se sont permis de me déstabiliser et de mettre à défaut mon travail alors qu'ils n'avaient
aucune capacité à le faire. J'en étais parfois affecté à tort. C'est-à-dire qu'il m'a fallu prendre les
choses à froid pour me dire : « cet personne est en train de critiquer ton travail sur des critères
qui ne sont pas valables dans ce domaine-là et ils sont en train de te faire mal ». C'est des gens
qui, souvent cherchaient à ne pas payer. C'est aussi beaucoup d'ardoise, par exemple des
magazines qui ne m'ont jamais payés. J'ai bossé pour des magazines, j'ai fait cinq reportages
pour un magasine dans l’Aveyron, j'ai jamais été payé. C’était quand même de l'argent à la clé
et moi j'ai quand même dépensé du fric pour ça.
Et à l'inverse, votre meilleur souvenir ?
Alors, j'en ai un paquet là... Parce que j'ai eu l'occasion de photographier des choses absolument
fabuleuses, rentrer dans des endroits où personne ne peut aller. J'ai visité des sites historiques
qui ne sont pas ouvert au public. C'est toujours un plaisir d'avoir ce côté, voilà. Après, j'ai eu
des photos aérienne, donc j'ai photographié des choses depuis les airs, c'est très bon. Le plaisir
aussi, c'est quand on arrive à faire progresser ou avancer des gens, donner un coup de main. De
faire partie, finalement, d'une réussite, c'est très gratifiant. Après, le meilleur des meilleurs je
ne pourrais pas dire, parce qu'à chaque fois c'est bon, c'est très bon. Les meilleurs souvenirs, il
y en a tellement. Aussi, au large du Gabon, grâce à la photographie, j'ai rencontré des gens.
L'appareil photo fait interface. J'ai pu avoir des moments d'échange humain monstrueux. Ces
personnes étaient des sujets exceptionnels dans le sens où j'ai rencontré une population digne,
sans arrogance ni fierté, mais digne au point que je n'ai jamais entendu « je suis gros, je suis
maigre... ». Quand on fait des photos, en générale, il en reste quatre ou cinq de bonnes. Là,
j'avais quatre-vingt portraits énormes. Mais c'était pas moi, c'est eux. C'est des moments
magiques que j'ai vécu pendant trois semaines. Tous les jours, c’était ça. Avec des gens qui
m'ont nourrie de bonheur.
Si vous aviez la possibilité de retourner au début de votre carrière, que changeriez-vous ?
Je pense que... Je sais pas parce que chaque moment de ma vie m'a permis de devenir l'homme
que je suis aujourd'hui. Par contre, je pense que... Oui, je reviens toujours à ça, c'est
malheureusement toujours la problématique, c'est que j'aurais considéré de façon très différente
mon approche commerciale. Aujourd'hui, un artiste doit être aussi un très bon commercial et
s'il ne l’a pas, il doit s'entourer de gens capable de faire ce travail. Ça a été mon talon d’Achille
très longtemps.
Si j'avais quelque chose à refaire, ça serait de m'entourer peut être plus intelligemment, histoire
de ne pas me retrouver dans des situations comme celle dans lesquels j'ai été. Si j'avais essayé
d’être moins perfectionniste...
Et pour finir, où vous voyez-vous cinq ou dix ans ?
Ah ! Ça, c'est un peu dur... Donc, il y a deux options, c'est-à-dire, comme je suis pas super
carriériste, ce que j'aimerais c'est avoir la paix et continuer à faire mon métier avec plaisir et
avec autant de goût et d'envie que ce que j'ai aujourd’hui. Si dans dix ans, c'est toujours le cas,
j'en sais rien... J'espère que oui. Après, je suis dans une ville quand même en déperdition. Moi,
je suis arrivée ici en 79 et aujourd’hui... La ville, elle est exsangue, c'est vraiment une ville qui
est en très, très mauvais état sur le plan humain, sur le plan éco... Alors qu'on est super bien
placé. C'est un endroit fabuleux, il y a un patrimoine colossal... C'est une ville qui a un potentiel
que j'ai vue vraiment à son firmament dans les années 80. Dans cinq ans, je ne me vois pas
forcément ici, si ça continue à être aussi décadent. Je pourrais être en Afrique ou ailleurs, je sais
pas. Il y a tellement de chose à faire...
Bon, et bien merci beaucoup pour le temps que vous nous avez consacré.
Je vous en prie. C’était très intéressant.

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