Tapa, dossier presse complet, mai 2009
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Tapa, dossier presse complet, mai 2009
du 7 juin au 8 novembre, le musée de cahors Henri-Martin présente l’exposition « Tapa, étoffes cosmiques d’Océanie » Avec cette nouvelle exposition - une première du genre en France - qui pourrait s'intituler « étoffes ou impressions des Mers du Sud » tellement les tapa participent de la culture océanienne et ont inspiré les plus grands peintres occidentaux du XXe siècle, le musée de Cahors Henri-Martin invite à un extraordinaire voyage dans le temps et dans l'espace. Il reprend aussi le flambeau de ses fondateurs qui l'ont doté, dès 1835, d'une petite mais exceptionnelle collection polynésienne et relève un challenge : présenter pour la première fois en France depuis une trentaine d'années un ensemble représentatif d'étoffes d'écorce peintes provenant de Mélanésie et de Polynésie, dont plusieurs inédites ou peu connues du grand public, conservées dans de prestigieuses institutions tels le musée du Quai Branly, le musée national de la Marine – antenne de Rochefort, le musée des Confluences de Lyon, le musée des Beaux-Arts et de la dentelle d'Alençon, la galerie Meyer et dans plusieurs collections privées. Au premier regard, les tapa sont des sortes de grands buvards bruns, beiges ou blancs sur lesquels on aurait tracé ou imprimé une multitude de soleils, de clairs de lune, d'escaliers et de spirales subitement entrelacés. Les uns sont doux comme de la peau Sentier d’étoffes sur la terre du palais royal lors des funérailles du roi Tupou IV de chamois ou transparents comme de la mousseline, d’autres brillants et solides comme du cuir glacé. Ce sont des masques, des pagnes et des ceintures, des étoles, des coiffes et des linceuls, des couvertures ou des rideaux qui portent en eux, comme des tatouages rouges, mauves et noirs, les marques ancestrales des grandes migrations, des échanges entre les archipels et les traces, somme toute récentes, de la brusque rencontre avec la civilisation occidentale. Mais les tapa, que l'on nomme aussi ngatu à Tonga, siapo à Samoa, hiapo à Tahiti et kapa à Hawaii, ne sont pas seulement des étoffes d'écorce, des « reliques » ou de simples curiosités ethnographique. En parcourant l’exposition qui s’appuie sur les travaux de Wonu Veys, Marie-Claire Bataille, Hélène Guiot et Claude Stéfani, on s'aperçoit que ce qui, de prime abord, peut être perçu comme de séduisantes « œuvres d'art », au mieux comme les produits d'un savoir-faire ancestral exclusivement féminin, sont en fait des « objets complexes », des enveloppes, des liens, des parures et des « trésors » qui embellissent le quotidien et participent à l'équilibre du monde, des hommes et des Dès lors, geste qui dieux. chaque intervient depuis la plantation de l'arbre (principalement le mûrier à papier), chaque outil, chaque technique qui participe à sa fabrication et à son décor, depuis l'extraction de l'écorce interne qui, une fois battue, pliée, soleil mouillée et blanchira au avant de se Présentations de tapa et de nattes lors des funérailles du roi Tupou IV couvrir de nouvelles couleurs végétales, chaque usage qui en est fait de nos jours encore par les populations océaniennes, sa circulation entre les hommes, les villages et les îles, acquièrent une « valeur » insoupçonnée. En cheminant dans la matière et le décor, en percevant leur totale imbrication, le tapa peut alors être vu pour ce qu'il est : un « tout extra ordinaire » aux multiples facettes et interprétations symboliques, qui accompagne les hommes de la naissance à la mort, dans toutes les circonstances et sur tous les registres pratiques, quotidiens, mais aussi sociaux, économiques et religieux. En choisissant comme titre « Tapa, étoffes cosmiques d'Océanie », notion empruntée à Louis Necker et au musée d'ethnographie de Genève, la Ville et le musée de Cahors sembleraient plutôt s’adresser aux populations du « Grand Océan » et au public restreint des connaisseurs, qu'aux amateurs d'exotisme. Ce parti pris mérite quelques éclaircissements, d'autant qu'à l'heure actuelle, nombre d'expositions jouent les « valeurs sûres » en misant sur la préconnaissance du sujet ou une curiosité soigneusement entretenue par un marketing culturel. Si cette exposition puise ses racines dans les liens qui unissent la préfecture du Lot à la Polynésie – les frères bâtisseurs des Gambier n'étaient-ils pas des Lotois et n'ont-ils pas transposé au bout du monde l'architecture vernaculaire des Causses du Quercy - elle est avant tout le fruit d'une collaboration entretenue depuis plusieurs années avec le musée du quai Branly. En « échange » du fameux « Rongo » de Cahors ramené en 1832 par le capitaine de vaisseau Bonafous-Murat et récemment redécouvert, l'institution parisienne a accepté de se dessaisir pendant quelques mois de pièces historiques qui reflètent autant du regard porté par les premiers européens sur les peuples du bout du monde qui des plus récentes études historiques et anthropologiques. Mais ce qui mérite d'être vu et retenu ici, c'est que les tapa sont avant tout des « porteurs d'âme », témoins de la beauté des gestes et de la grâce des femmes d'Océanie. Aux antipodes du paréo de la vahiné et des tatouages du cannibale, ils nous rappellent avec force que la peinture océanienne ne se résume par à celle, si belle et curieuse soit elle, des artistes aborigènes exposée dans les galeries d'art et les musées du village planétaire. Ils nous ouvrent à l'histoire et à l'imaginaire des voyages. Ils nous invitent à nous plonger dans la mythologie qui, comme à Hawaï, relate que la déesse Hina, gênée dans la fabrication de ses tapa par la trop grande ardeur du soleil et la rapidité avec laquelle il parcourait le ciel, demanda à son fils, Maui, d'en réduire la force et le cours. Ils nous conduisent enfin à rouvrir « le Cycle Polynésien » de Segalen pour partir aux Marquises sur les traces du « Maître-du-jouir », de celui qui : « réunissait parfois toutes les femmes autour de lui, dans une grande place ; elles apportaient des étoffes, rouges et bleues, et bleues et rouges aussi. Là-dedans, Gauguin taillait, pliait, étendait, il y en avait comme une mer changeante, il en revêtait les hanches des femmes et les épaules des gros troncs d'arbres. Il en revêtait son faré ; et tout cela était plus beau que les plumes du paille-en-queue... Tu sais..., l'oiseau qui... Et que faisaient les femmes alors ? Elles s'amusaient beaucoup, elles sautaient de joie et ne se fatiguaient pas d'apporter de nouvelles tapa et de les marquer de nouvelles peintures. A chaque pluie, tout était à recommencer. Mais on était alors dans la saison sèche... et d'ailleurs on recommençait avec joie. » Nous souhaitons un grand succès à cette exposition, remercions ses acteurs - auteurs, prêteurs, médiateurs – et espérons qu'à travers elle, les habitants du Lot se sentiront plus que jamais des Citoyens du Monde. Musée de Cahors Henri-Martin 792, rue Emile-Zola, 46000 Cahors / Tél : 05.65.20.88.66 / www.mairie-cahors.fr/musee Tljs de 11h00 à 18h00 –sauf mardi-, dimanches et jours fériés de 14h00 à 18h00 Des enfants présentent un tapa en l’honneur du couronnement du roi Tupou V Techniques de fabrication et de décoration L’étoffe d’écorce, communément appelée tapa, est fabriquée et utilisée en Amérique du Sud, en Afrique, dans le Sud-Est asiatique, aux Philippines et en Indonésie. C'est pourtant dans les îles du sud du Pacifique qu'elle atteint son plus grand raffinement et connaît sa plus riche diversité faisant d'elle un des produits les plus caractéristiques des cultures de ces contrées. Les compétences techniques et les plantes nécessaires pour fabriquer de l’étoffe à partir de l'écorce interne des arbres - le liber - ont été introduites dans les îles du Pacifique Sud à partir de l’Asie du Sud - Est. Il s'agit surtout du mûrier à papier (broussonetia papyrifera), mais l’arbre à pain (artocarpus) et le figuier (ficus) sont également utilisés. C'est probablement enveloppées dans de la terre moite ou de l’écorce que les pousses furent transportées. Des preuves linguistiques et archéologiques existent quant au savoir des ancêtres des peuples des îles du Pacifique sur la fabrication de tapa. La nomenclature des plantes de l'Asie du Sud - Est, destinées à la production de tapa, a été transférée en Océanie sans que pour autant les espèces aient voyagé. Les sept battoirs de tapa, retrouvés dans les marécages des sites d’habitations de Vaito‘otia et Fa‘ahia sur Huahine dans les îles de la Société et datant du IXe au XIIIe siècles démontrent l’existence de la production de tapa. Le mot « tapa », aujourd’hui employé de par le monde pour désigner l’étoffe d’écorce, date des contacts européens du début des années 1800 et est dérivé du tongien et du samoan tapa, signifiant la bordure non-colorée d’une étoffe et du hawaïen kapa, désignant une variété d’étoffe d’écorce. Il s'agit d'un vieil artisanat pratiqué déjà depuis des milliers d’années et qui devint un véhicule majeur de l’expression créative des femmes. Dans certaines parties de la Nouvelle-Guinée, dans les îles Marquises et à Rapanui (l’île de Pâques), les hommes aussi faisaient du tapa, spécialement pour l’utiliser sur des objets rituels tels des masques, des figures ou des pagnes. Les diverses techniques propres à la fabrication d’étoffes d’écorce pratiquées dans le Pacifique sont toutes des variantes d'un même savoir-faire. On commence par abattre l’arbre et par en détacher l’écorce pour ensuite séparer l’écorce interne de sa face externe en raclant celle-ci avec un coquillage, une pierre ou un couteau, de façon à libérer les fibres de toute impureté. Suit le rouissage qui consiste à laisser macérer le liber dans de l’eau pendant au moins une nuit. Dans certaines régions, on le faisait même fermenter. C’était le cas à Tahiti où les lanières de liber étaient enveloppées de feuilles de bananier qui accéléraient la fermentation. Les lanières assouplies et humides sont placées sur un plan de travail pour être battues au battoir afin d'étendre et d'étaler les fibres. En Polynésie, les battoirs sont faits de bois dur tropical, en général le bois de fer (casuarina equisetifolia) alors qu’en Mélanésie, on emploie tant le bois que la pierre. La forme du battoir aussi est différente. En Polynésie - sauf aux îles Marquises où il existait des battoirs cylindriques - le manche cylindrique débouche sur un battoir à quatre faces, cannelées ou non. Aux îles Hawaï, outre les battoirs cannelés de manière longitudinale, il y en a également avec des rainures qui s'entrecroisent de façon perpendiculaire ou oblique. Selon l’épaisseur voulue dans chaque région pour le produit fini, on superpose jusqu’à trois couches de liber. Les bandes de tapa sont alors suspendues pour séchage, après quoi elles sont assemblées à l’aide d’une glu végétale souvent faite à partir de taro ou de marante. Aux Tonga, on utilise de plus en plus une bouillie de farine et d’eau à laquelle on rajoute parfois du kérosène afin d’éloigner les insectes. Une nouvelle matière contemporaine introduite aux Tonga est la vliseline – un non-tissé apprêté utilisé dans la confection de vêtements et qui vise à donner de la tenue – qui remplace une ou même les deux couches d’une étoffe d’écorce finie. Ce tapa se dit alors ngatu loi (tapa mensonge), ngatu haafekasi (tapa métisse) ou ngatu pepa (tapa papier). Si le tapa restait souvent tel quel, il y en avait aussi avec des décorations. Il pouvait alors être trempé dans du colorant végétal, fumé, imprimé, décoré au pochoir, à main levée ou à l’aide de matrices souples ou rigides, ou même avec des motifs en filigrane. Femmes assises attendant le couple royal qui va se marier Immersion L’immersion dans une teinture d’origine végétale afin de donner au tapa de la couleur se pratique à Tahiti, aux îles Cook, aux îles australes, à Mangareva, aux îles Hawaï, aux Marquises, aux Samoa, aux Vanuatu, à Tikopia et aux îles Salomon. Dans certaines îles polynésiennes, on enterre les étoffes d’écorce pendant quelques jours dans de la terre boueuse. C'est le cas à Tahiti où l'on veille même à les placer en-dessous des racines de cocotier. Aux Samoa et aux îles Cook, le tapa est enterré dans les marécages de taro. Fumer Aux îles Fidji, dans l’île principale de Viti Levu ainsi que dans les îles du groupe Lau, l'étoffe d'écorce, placée autour de quatre bâtons érigés au-dessus d’un trou peu profond, rempli de braises de certaines racines, est fumée pour lui conférer une couleur allant du jaune au brun or. Dans la partie sud du groupe Lau, le tapa est préalablement trempé dans de l’huile de noix de coco. Aux Samoa, le type de combustible employé détermine la couleur : jaune brun ou brun foncé. L’étoffe est enduite de crème de noix de coco qui permet à la fumée de pénétrer la texture en lui donnant une couleur permanente. Le tapa ainsi préparé n'est porté que par les fils des chefs et par la taupo ou hôtesse du village, une jeune fille de haute famille spécialement désignée pour cette tâche. Impression L’impression est peu répandue et se limite aux îles Hawaï et à Tahiti. Au temps de Cook, le tapa tahitien était blanc, coloré ou imprimé de motifs semi-circulaires en rouge ou noir avec le bout d’un bambou. Mais vers 1797, un nouveau style apparaît : diverses feuilles dont beaucoup de fougères sont imprimées. Bien qu’on ne sache pas pourquoi cette technique fait son apparition, il faut considérer la possibilité d'une influence européenne, sans doute sous la forme de calicots imprimés, exportés de l'Inde en direction de l'Angleterre dès le début du XVIII e siècle et introduits à Tahiti par des marins anglais dans la période de contact initiale. On peut également imaginer qu'en demandant du tapa décoré de cette manière, ces Anglais ont stimulé l'utilisation de cette technique. Le fait que des membres de la société de joueurs voyageurs Arioi étaient passés maîtres dans ce genre de travail, suggère que ce style de tapa servait peut-être davantage de costume pour les artistes de divertissements que de vêtement de tous les jours. Aux îles Hawaï, le tapa était souvent imprimé avec des tiges de bambou dont l'extrémité était gravée de motifs géométriques à l'aide d'une dent de requin montée sur un manche en bois. Pliage de tapa constituant le lit nuptial du couple royal Pochoirs Les îles Fidji sont la seule région où les pochoirs sont utilisés pour la décoration de tapa. Chaque motif est découpé dans une feuille de bananier ou autre grande feuille. Les ajours sont tamponnés pour les remplir de pigments. Aujourd’hui, les radiographies sont préférées au matériel végétal car elles forment des pochoirs plus solides et durables. Une variante de ce procédé consiste à découper un motif, par exemple une fleur, de le poser sur l’étoffe et de marquer ses contours par tamponnage. Les pochoirs sont déplacés, permettant ainsi la reproduction de dessins en série. Aux îles Fidji, des motifs identiques apparaissent à différents endroits, mais leur « mise en page » sur l’étoffe d’écorce est la propriété des femmes qui appartiennent au village où le tapa a été créé et décoré. Ces femmes détiennent en quelque sorte les droits d’auteur de l’organisation des motifs. Décoration à main levée C’est la décoration la plus répandue. Elle se pratique en Mélanésie, aux Vanuatu, à Santa Cruz et aux îles Salomon ainsi que dans certaines parties de la Papouasie dont les tapa de la province d’Oro sont les plus connus. En Polynésie, on la retrouve partout, mais c’est à Niue que la technique a connu son plus exquis raffinement. En Polynésie occidentale, la peinture à main levée est utilisée pour accentuer certains dessins obtenus par la technique d'estampage par frottement du tapa sur une matrice avec un chiffon imbibé de teinture. La finesse du dessin dépend évidemment de l’ustensile employé pour appliquer la teinture : des pinceaux de toutes tailles fabriqués avec de la fibre de bourre de noix de coco aux Samoa ou faits du fruit du pandanus aux îles Cook, Hawaï et Samoa, des pointes de bambou aux îles Hawaï ou la nervure centrale de la feuille de noix de coco à Futuna pour un travail plus fin. Matrices La décoration à l’aide de matrices se pratique aux îles Tonga, Fidji et Samoa ainsi qu'à Wallis. Les Tonga sont le berceau de cette technique qui s’est répandue en Polynésie occidentale par le biais des routes d’échanges commerciaux et rituels. La matrice que l'on fixe sur un plan de travail plat ou bombé, est souple, faite d’un support de pandanus et de spathes de cocotier sur lequel des nervures de feuilles de cocotier, enroulées de fibre de bourre de noix de coco, sont cousues à l’aide de fibres d’hibiscus. Les bandes de tapa sont posées sur la matrice et collées les unes aux autres tandis qu'un chiffon imbibé de teinture est passé sur l'étoffe. Des pièces de plus de cent mètres de longueur peuvent ainsi être créées. Les dessins obtenus sont accentués par une peinture à main levée. Aux Samoa, la matrice en bois - plus durable - fut introduite, menant à l’abandon de la matrice souple qui résultait pourtant en un dessin plus finement détaillé. En outre, les matrices souples étaient faites par les femmes tandis que celles en bois étaient fabriquées par les hommes. Neich & Pendergrast rappellent que ceci ne veut pas nécessairement dire que les motifs étaient désormais dans les mains des hommes. Étant plus rudimentaires, les motifs des matrices en bois laissent carte blanche à l’imagination des femmes pour élaborer des dessins de remplissage de leur cru. Aux Fidji, dans les îles Lau, il existe un style hybride de tapa mariant la technique des matrices à celle du pochoir. Pliage de tapa constituant le lit nuptial du couple royal Décor en filigrane C'était une technique parfois employée aux îles Hawaï au XIXe siècle. Des dessins géométriques très élaborés, gravés dans des facettes du battoir laissaient leur trace lors du battage de l'écorce encore humide et faisaient apparaître en filigrane un dessin distinctif. Aux îles Marquises, une technique similaire résultait en un motif composé d'un croisement de lignes perpendiculaires ou obliques faisant l'effet d'un tissage ou donnant un dessin arrangé en « petits diamants ». Les couleurs Les couleurs données au tapa sont d’origine végétale. Chaque contrée a évidemment ses propres plantes pour obtenir du brun, du rouge, du noir, du jaune, du bleu, du rose, du vert et du gris. Hormis l'utilisation de la fumée, la couleur brune est tirée principalement de l’écorce du bancoulier (aleurites moluccana), du bois de fer (casuarina equisetifolia), et de l’arbre koka (bischofia javanica). Pour le rouge, on utilise souvent le liquide des fruits du ficus tinctoria, l’écorce du nono (morinda citrifolia), ou de la terre ferreuse. Du charbon provenant de différentes plantes brûlées ainsi que de la terre noire sont utilisés pour l'obtention du noir. En général, le jaune est tiré des racines du nono (morinda citrifolia) et du curcuma, comme par exemple à Tikopia. Le bleu, très rarement appliqué, provient aux îles Hawaï des baies du uki’uki (dianella spp.). Aux îles Salomon, le bleu est obtenu avec du pau (indigo sauvage). Le rose et le vert ne sont utilisés qu’aux îles Hawaï respectivement à partir du rubus hawaiiensis et du ma’o abutilon incanum. Le gris provient du peperomia aux îles Hawaï et du musa aux Samoa. Il va de soi que les différentes nuances de chaque couleur sont le résultat d’une préparation plus ou moins longue et complexe, complétée ou non d’autres végétaux. Autrefois, la coutume réservait aux femmes âgées l'élaboration des couleurs dont le dosage des composants s'opérait dans le secret. Wonu Veys Crédit photos : Wonu Veys Texte Flyer Avec cette exposition - une première du genre en France - le musée de Cahors Henri-Martin invite à un extraordinaire voyage dans le temps et dans l'espace. Les Tapa, « étoffes cosmiques d’Océanie » participent de la culture e océanienne et ont inspiré les plus grands peintres occidentaux du XX siècle. Pour la première fois en France, des œuvres conservées dans de prestigieuses institutions tels le musée du Quai Branly, le musée national de la Marine - antenne de Rochefort -, le musée des Confluences de Lyon, le musée des Beaux-Arts et de la dentelle d'Alençon, la galerie Meyer et dans plusieurs collections privées, sont présentées et forment un ensemble représentatif d'étoffes d'écorce peintes provenant de Mélanésie et de Polynésie, dont plusieurs inédites ou peu connues du grand public. Au premier regard, les Tapa sont des sortes de grands buvards bruns, beiges ou blancs sur lesquels on aurait tracé ou imprimé une multitude de soleils, de clairs de lune, d'escaliers et de spirales subtilement entrelacés. Ce sont des masques, des pagnes et des ceintures, des étoles, des coiffes et des linceuls, des couvertures ou des rideaux qui portent en eux, comme des tatouages rouges, mauves et noirs, les marques ancestrales des grandes migrations, des échanges entre les archipels et les traces, somme toute récentes, de la brusque rencontre avec la civilisation occidentale. On découvre alors que les Tapa sont en fait des “objets complexes”, des parures et des “trésors” qui embellissent le quotidien et participent à l’équilibre des hommes, du monde et des dieux. En cheminant dans la matière et le décor, en percevant leur totale imbrication, les Tapa peuvent alors être vu pour ce qu'ils sont : un « tout extra ordinaire » aux multiples facettes et interprétations symboliques, qui accompagne les hommes de la naissance à la mort, dans toutes les circonstances et sur tous les registres pratiques, quotidiens, mais aussi sociaux, économiques et religieux.