Le marché européen des missiles guidés de précision

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Le marché européen des missiles guidés de précision
A. De Neve
Les Cahiers du RMES
n°1 Juillet 2004
Le marché européen des missiles guidés de précision :
dynamiques, atouts et limites d’une compétition intrasectorielle
Alain De Neve*
Introduction
Il est, désormais, devenu un lieu commun d’évoquer les avantages que peuvent
extraire les forces armées des munitions guidées de précision (MGP) dans la conduite
du combat moderne. Sur un plan géopolitique, tout d’abord, Alain FaureDufourmantelle indique que si les craintes manifestées par les Etats-Unis quant à la
capacité de pays comme l’Iran ou la Corée du Nord de conduire une attaque
balistique contre leur territoire peut prêter à sourire, l’expectative d’une menace
contre l’Europe de la part de l’un ou l’autre de ses voisins qui deviendrait instable ou
hostile appelle à plus de sérieux.1 Or, dans ce cas de figure, l’aptitude des
organisations militaires européennes à annihiler les capacités balistiques
éventuellement détenues par de tels acteurs exigerait l’emploi de munitions guidées
de précision fixant avec acuité des objectifs tels que des silos de missiles adverses.
Sur le plan politique et social, la montée en puissance des capacités de tirs à distance
s’explique, pour l’essentiel, par le passage de nos sociétés de l’ère industrielle à l’âge
post-moderne. Le phénomène de démilitarisation progressive qui a caractérisé
l’ensemble des Etats occidentaux – en ce compris les Etats-Unis – tient aux mutations
des structures démographiques de nos sociétés. Plus vieillissantes, nos collectivités
*
Chargé de recherches au Centre d’Etudes de Défense (CED) de l’Institut Royal Supérieur de Défense
(IRSD – Site Internet : http://www.mil.be/rdc/dsc) ; membre du Réseau Multidisciplinaire d’Etudes
Stratégiques (RMES – Site Internet : http://www.rmes.be). L’auteur souhaite exprimer ses
remerciements à l’intention de Messieurs André Dumoulin et Joseph Henrotin pour la qualité des
commentaires et corrections qu’ils ont bien voulu apporter à cet article. Les propos exprimés au sein de
cet article n’engagent que la stricte responsabilité de l’auteur. Courrier électronique :
[email protected].
1
Faure-Dufourmantelle A., « Une autre politique de défense », Défense nationale, 58ème année,
décembre 2002, p. 78.
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accordent en conséquence une valeur plus précieuse à l’individu.2 Parce que la guerre
représente, comme le notait avec pertinence Gaston Bouthoul, « fonction sociale
récurrente, […] caractérisée par l’accumulation dans une société d’un capital
humain dont une partie, à un moment donné, est brutalement éjectée », la tolérance
des sociétés occidentales vis-à-vis de l’engagement et la pertes d’hommes sur l’aire
de bataille va en diminuant et exige des solutions technologiques plus appropriées.
Tandis que la guerre totale a ambitionné de transformer l’homme en machine, les
sociétés post-modernes préfèrent désormais substituer celle-là à celui-ci.3 Certes, la
dimension millénariste des arguments du post-modernisme peut, nous en convenons,
prêter le flanc à des controverses et polémiques. Ce serait, toutefois, commettre une
erreur de balayer ceux-ci d’un revers de la main. Au vrai, il ne s’agit là que d’un
regard nouveau porté sur l’une des constantes historiques de nos collectivités, à
savoir la conception de la technologie comme processus social. Car, comme nous le
rappelle Jean-Jacques Salomon, si « la société est modelée par le changement
technique, le changement technique est modelé par la société. »4 En d’autres termes,
si l’on ne peut nier l’existence d’un « dynamisme technologique », il importe de
préciser que celui-ci est dirigé par des forces sociales, exprimant des besoins et des
objectifs.
Sur un plan opérationnel, aussi, le développement des missiles guidés de précision
tient aux gages de flexibilité, de polyvalence d’emploi et de profondeur acquise par
l’allonge qu’offrent leurs vecteurs aux autorités politiques et instances de
commandement.5 L’emploi de missiles de précision parvient, du même coup, à
condenser de manière remarquable le cycle Observation, Orientation, Décision,
Action (OODA) décrit en son temps par John Warden. Si l’Europe veut être capable
de conduire un mode d’engagement moderne de forces, elle doit pouvoir agir sur le
temps ; elle doit être capable d’infléchir les représentations mentales de l’ennemi en
agissant plus vite, plus loin et plus fort. Sur le plan technique, enfin, l’intégration des
munitions guidées de précision sur les plate-formes existantes se révèle, en général,
une solution efficiente. Elle peut, néanmoins, ne pas se montrer aussi aisée qu’il n’y
paraît. Les section et la masse d’un missile que l’on envisage d’adjoindre à un avion
2
Shaw M., Post-Military Society. Militarism, Demilitarization and War at the End of the Twentieth
Century, Philadelphia, Temple University Press, 1991. Cf. également Christopher Coker, Humane
Warfare, Londres, Brunner et Routledge, 2001.
3
Chris Hables Gray, Postmodern War. The New Politics of Conflict, New York et Londres, The
Guilford Press, 1997.
4
Salomon J-J, Le destin technologique, Paris, Gallimard, Coll. Folio/Actuel, 1992 (pour la version
originale), p. 275.
5
Dumoulin A., « L’apport doctrinal du missile de croisière dans la PESD », in Pierre Pascallon (sous
la dir.), La guerre des missiles. Missiles et anti-missiles tactiques balistiques et non-balistiques, Paris,
L’Harmattan, Coll. Défense, 2001, p. 61.
[2]
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de combat peut entraîner des déséquilibres à l’endroit du centre de gravité de la plateforme et contraindre les autorités à envisager des solutions temporaires qui ne cadrent
pas toujours avec les exigences d’interopérabilité au sein de l’OTAN.6 Il n’empêche,
contrairement à ce que l’on pourrait croire au vu de l’irruption récente du secteur des
technologies, le monde industriel suit, dans le cas d’espèce, l’impulsion politique. Et
des solutions techniques imaginatives permettent l’alignement des capacités sur les
besoins exprimés par les gouvernements et responsables politico-militaires.
En dépit des réticences et réserves formulées en leur lieu, les missiles guidés de
précision (dotés des capacités techniques d’opérer en tous temps) semblent
représenter l’acquisition prioritaire des forces armées de l’OTAN. Cette dernière, lors
du Sommet de Prague du mois de novembre 2002, a d’ailleurs eu l’occasion de
souligner une fois de plus à ses membres européens les déficiences structurelles dont
ils témoignaient encore, trois ans après le lancement, dans le cadre du Sommet de
Washington de 1999, de la Defence Capabilities Initiative (DCI). Bien que s’étant
voulu plus réaliste et ayant revu à la baisse les ambitions de la DCI, le Prague
Capabilities Commitment (PCC) ne semble pas avoir bradé le principe d’un
engagement politique des Etats à s’équiper de capacités d’armements à distance
(Stand-Off Weapons).
Les évolutions récentes du marché de l’armement et des productions industrielles en
matière balistique vont-elles dans le sens des objectifs exprimés par l’OTAN – et à
travers elle, les Etats-Unis – en matière de missiles de précision et d’interopérabilité
des systèmes d’armes sur le champ de bataille ? Sans doute, les programmes
sectoriels et coopérations engagées pour l’acquisition de missiles guidés de précision
et de croisière – menés aux niveaux transatlantiques et européens – peuvent-ils
confirmer une certaine prise de conscience, une forme de réveil des principales
puissances européennes (Allemagne, France, Royaume-Uni) quant à la nécessité de
réduire, sur ce terrain, le déficit capacitaire euro-atlantique. Pourtant, à y regarder de
6
Ainsi, comme nous l’exposerons plus loin, la difficulté à laquelle fut confronté le Ministère de la
Défense britannique dans la définition des futures capacités balistiques de précision résultait du choix à
opérer entre, d’une part, le maintien de dotations en missiles d’une charge de 1000 livres (standard
britannique), et, d’autre part, le remplacement des capacités existantes par des munitions d’une charge
de 500 ou 2000 livres (standards américains s’appliquant notamment à la Joint Direct Attack Munition
d’une masse de 2000 livres). La perspective de l’intégration de missiles JDAM sur les GR-4 Tornado,
les GR-7 Harrier et les SEPECAT Jaguar exige, en effet, une adaptation des capacités d’emport des
plate-formes. Il semble, cependant, que la firme Boeing, oeuvrant avec l’équipementier Alenia
Marconi Systems (dont l’expertise en matière d’intégration des systèmes d’armes britannique est
établie) puisse trouver des solutions permettant d’assurer la conversion des plate-formes aux exigences
techniques des missiles. Cook N., « UK’s PGM Need Poses Dilemma Over Bomb Size », Jane’s
Defence Weekly, vol. 34, n°21, 22 novembre 2002.
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plus près, les dynamiques amorcées ne semblent pas toujours converger vers une
rationalisation des moyens. Pire, à l’intérieur même des structures industrielles
européennes, particulièrement confuses, le développement de capacités de munitions
guidées de précision constitue un prétexte, sinon l’arène, à des confrontations entre
nations ou groupes de nations (avec comme enjeu la préservation de savoir-faire
technique), voire entre groupements industriels à la recherche de parts de marché
dans un secteur désormais porteur pour qui parvient à en tirer pleinement et
exclusivement profit.
L’objet de cet article vise à offrir une présentation critique des différents programmes
conduits aux niveaux européens et transatlantiques dans le secteur des missiles à
guidage de précision et de croisière. Nous observerons que, loin de représenter un
lieu de convergence des stratégies nationales en matière de développement des
capacités militaires européennes autonomes et communes, le marché européen des
missiles guidés de précision tient lieu de théâtre de rivalités industrielles et
nationales. Face à cette situation, deux constats seront à dresser, que nous
développerons dans la suite de ces pages. Le premier est le préjudice que causeront,
très probablement, ces concurrences intra-sectorielles européennes à la définition de
capacités militaires européennes conjointes. Aucun Etat à lui seul ne peut pleinement
assumer budgétairement le niveau de dotation jugé indispensable en ce type
d’armement. Il devra, dès lors, intégrer sa politique de défense nationale dans un
cadre d’acquisition plus vaste, sans doute pleinement européen. Le second, sans doute
plus grave encore, a trait au retard que pourrait générer cette situation structurelle non
seulement en matière doctrinale, mais également quant à une réflexion sur le degré
d’opportunité de telles capacités dans le contexte géopolitique contemporain
La structure du marché des missiles
Les programmes de missiles air-sol SCALP-EG/Storm Shadow (MBDA), Taurus
KEPD 350 (Bofors/DASA-LSK)
L’une des principales innovations intervenues lors des opérations coalisées en Irak
entre le 20 mars et le 1er mai 2003 a résidé dans l’usage dans des conditions réelles de
combat de la munition guidée de précision Storm Shadow, résultat d’un coopération
conduite entre le Royaume-Uni, la France7 et l’Italie en matière d’acquisition d’un
7
La France dispose du SCALP-EG. Celui-ci est optimisé pour une capacité d’emport par le Mirage
2000 (qui se dotera également du missile guidé de précision modulaire AASM), le Rafale et
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système de croisière européen autonome de précision. Il est utile de préciser que
contrairement à la rhétorique d’usage voulant que le développement de capacités de
missiles de précision tous temps résulte des leçons extraites du Kosovo, le
programme SCALP-EG a été initié avant le déclenchement de la susdite crise. Il
convient donc de souligner qu’une prise de conscience en matière de capacités de
combat moderne s’est opérée avant même que les déficiences européennes aient été
révélées au grand jour.8
Le Storm Shadow est une bombe de 1300 kilos, de plus de 5 mètres, à effets perforant
et explosif, dotée d’un double dispositif de navigation inertielle et GPS employés
dans le cadre de frappe contre des cibles stratégiques critiques (poste de
commandement, système de lancement de missiles sol–air, bunker, etc.). Les données
utilisées pour le guidage du missile résultent d’une corrélation opérée entre, d’une
part, les informations de son autodirecteur optronique à imagerie, avec celles
intégrées au sein de sa mémoire lors de la planification de la frappe (procédant des
indications précises fournies par satellites, drones ou autres plate–formes de
reconnaissance). L’incorporation d’un système GPS réduit, toutefois, grandement le
temps de préparation de la mission.9 Déclaré prématurément opérationnel – ses
concepteurs ont, toutefois, avalisé le principe de son introduction précoce au vu des
excellentes performances techniques de l’engin –, le Storm Shadow a sensiblement
accru les capacités de frappes de la Royal Air Force dans le cadre de l’opération
Telic. Lancée pour la première fois dans la nuit du 20 au 21 mars 2003, par un
Tornado GR–4 (dont la flotte fut spécifiquement adaptée pour son transport), le
Storm Shadow, de par son emploi dans les opérations coalisées, pourrait très
certainement contribuer au renforcement des capacités européennes en matière de
MGP10. Ce modèle de coopération européenne renforcée et sectorisée en matière
d’autonomie de système d’armes de nouvelle génération a exigé, au départ, des
solutions de compromission concernant les exigences nationales en matière de
systèmes d’armes et d’emport aérien. Dans leurs principaux termes, le SCALP-EG et
la Storm Shadow sont similaires, mais non identiques ; ils préservent les spécificités
l’Eurofighter. La configuration du missile SCALP-EG a été décidée par le gouvernement français en
1994 après une compétition entre Matra Défense et Aérospatiale. C’est Matra BAe Dynamics, une
filière du groupe Lagardère et British Aerospace, qui, en 1998, se verra attribuer le contrat de
production de 500 unités. Cf. http://www.fas.org/man/dod-101/sys/missile/row/casom.htm.
8
Dumoulin A., op. cit., p. 62.
9
Un mode de ciblage reposant exclusivement sur une reconnaissance du terrain (Tercom) exige, selon
es leçons qui purent être extraites de l’engagement lors de Desert Storm, près de 80 heures de
planification de mission. Cf. André Dumoulin, op. cit., pp. 64 – 65.
10
Mounde M., Harboe–Hansen H. et Williams M., « Tested Under Combat Conditions », Defence
Procurement Analysis, été 2003, p. 29. Le SCALP-EG équipera également les forces aériennes
italiennes et grecques.
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nationales en matière d’intégration aux plate-formes et de préparation des systèmes
d’armes tout en offrant une capacité de frappe similaire.
La prochaine étape de développement du SCALP-EG est la mise au point d’une
capacité navale lui étant associée – plus communément désignée sous le label « Storm
Shadow/SCALP naval » et destinée, pour l’essentiel, aux attaques contre sols. Cette
version navale constitue, en quelque sorte, une version « moyenne portée » du
Tomahawk.11 Du côté britannique le Storm Shadow naval devrait équiper les Tornado
GR-4 jusqu’en 2018, le Harrier GR-9 et l’Eurofighter Typhoonn. A terme, la
munition devrait également doter les F-35 Joint Strike Fighter qui seront acquis par la
RAF et la Royal Navy. Du côté français, c’est en février 2002 que la DGA a conclu
avec la société MBDA un contrat de 30,5 millions d’euros en vue du prédéveloppement et de la démonstration du SCALP naval. Une fois déclaré
opérationnel, le missile est appelé à équiper les dix-sept nouvelles frégates
multimissions (FMM), dont huit seraient en charge de la lutte anti-sous-marine et les
neuf restantes de l’attaque contre des objectifs évoluant au sol.12 Le SCALP naval
sera aussi attribué aux sous-marins d’attaque du futur (SMAF) Barracuda. La portée
du SCALP naval dépendra de la plate-forme d’emport. Elle sera de 500 kilomètres
lorsque lancée au départ d’une frégate multimissions et de 400 kilomètres lorsque
tirée d’un sous-marin Barracuda.13
11
La décision relative au développement d’une version navale du Storm Shadow/SCALP-EG procède
du souci de diversification des plate-formes d’emport. Contrairement à un avion de combat, la plateforme navale jouit d’une grande mobilité dans les zones maritimes internationales. Lorsqu’il s’agit des
sous-marins, cette mobilité s’avère d’autant plus efficace puisque couplée à une extrême discrétion de
la plate-forme. En outre, une version navale du missile permet d’éviter de recourir, pour le lancement,
à une plate-forme avec pilote ; ce qui contribue à la sécurité des hommes… et du matériel qui, s’il
tombe entre les mains de l’adversaire, peut compromettre les secrets de savoir-faire technologique.
Mais surtout, une version navale de ce missile permet aux forces d’un Etat de pouvoir agir
indépendamment des contraintes météorologiques qui peuvent affecter les capacités d’attaque d’une
plate-forme aérienne (comme ce fut le cas lors de l’opération Allied Force au Kosovo).
12
Hewish M. et Hooton T., « From the Sea to the Land », International Defense Review, vol. 35, n°7,
1er juillet 2002.
13
La configuration du SCALP naval prévue pour les lanceurs submersibles devra s’adjoindre d’un
certain nombre d’adaptations en vue d’intégrer les tubes de lancement. Il s’agira de lui donner une
section circulaire, plus réduite, mais d’une longueur supérieure à la version aérienne. Les
caractéristiques du dispositif interne du missile naval devraient, par contre, se révéler fort similaires à
celles de la version aérienne. Le missile intégrera un senseur infrarouge et une tête de 400 à 500
kilogrammes. Le SCALP naval utilisera un système de navigation inertiel combiné à un dispositif de
guidage GPS pour la phase d’approche en haute altitude. Dans la suite de sa course, le missile sera
conduit vers sa cible à l’aide du système de navigation GPS couplé à un dispositif de reconnaissance et
de comparaison de terrain lorsqu’il progressera à une hauteur de 30 à 40 mètres au-dessus du sol.
L’ensemble du système de navigation est caractérisé par une probabilité d’erreur circulaire de 1 mètre.
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Le contrat de définition du projet SCALP naval devrait intervenir en 2004. La phase
de développement et de production est prévue pour 2006. Les premières livraisons du
missile devraient permettre une mise en service pour 2011 au sein de la Marine
nationale française et l’intégration du vecteur au sein des futurs sous-marins
Barracuda vers 2013. Au total, l’ensemble du développement du programme du
SCALP naval aura coûté pas moins de 700 millions d’euros.
C’est Taurus Systems, une joint venture établie en 1998 par les sociétés LFK (filiale
de l’équipementier Daimler-Benz Aerospace) et la compagnie suédoise Bofors, qui a
conduit à la conception, au développement et à la production des missiles KEPD 150
et KEPD 35014 Taurus, originellement destinés à équiper les plate-formes de la
Luttwaffe (même si des versions adaptées pour les forces aériennes d’autres pays
étaient envisagées).15
Les succès obtenu lors des tests du missile en date du 25 avril 200216 ont permis
d’amorcer la phase de production du programme.17 Il a résulté de ces
expérimentations opérationnelles une passation de commande de la part des Etats
engagés au sein du programme. Ainsi, l’Allemagne décida-t-elle en 2002 de se
Cf. Hewish M. et Hooton T., « From the Sea to the Land », International Defense Review, vol. 35, n°7,
1er juillet 2002.
14
La KEPD 350 comporte plusieurs variantes dont la configuration dépend du type de cible. La KEPD
350D (Dispenser), d’un poids de 1100 kilogrammes et d’une portée de 200 kilomètres est destinée à
l’attaque de cibles situées en larges zones ; la KEPD 350P, d’un poids similaire, mais d’une portée
plus étendue (250 kilomètres), est conçu pour l’engagement de précision contre des cibles de haute
valeur stratégique ; enfin, la 150SLM est une version navale d’une portée de 150 kilomètres et d’un
poids de 2000 kilogrammes prévue pour l’attaque de bâtiments de surface. « Taurus Takes Next Step
Towards Production », International Defense Review, vol. 33, n°9, 1er septembre 2000.
15
« Sweden, Germany to Advance Taurus », Jane’s Defence Weekly, vol. 30, n°6, 12 août 1998.
16
Le 3ème round de test en vol libre du missile eut lieu en Afrique du Sud et fut géré par Taurus
Systems. A cette occasion, le KEPD 350 enregistra un vol d’une durée de plus de 25 minutes sur une
distance de plus de 350 kilomètres. Une dernière série d’expérimentations similaires fut réalisée en
date du 21 novembre 2002, à l’occasion de laquelle le missile fut lancé au départ d’un Tornado de la
force aérienne allemande et suivit une course de plus de 350 kilomètres. Cf. Erbe J., « Taurus Missile
Test Success », Jane’s Defence Weekly, vol. 38, n°24, 11 décembre 2001.
17
Beal C., « Flight Milestone for Taurus KEPD 350 », Jane’s Defence Weekly, vol. 32, n°14, 16
octobre 1999; « First Powered Test Flight of Taurus “Reaches All Goals” », Jane’s Defence Weekly,
vol. 32, n°15, 13 octobre 1999. Les succès intervenus dans les tests du missile de croisière ont coïncidé
avec l’annonce des autorités politico-militaires espagnoles de la volonté de doter leurs C-15 (F/A
18A/B) Hornets de capacités de tirs à distance. Aussi, DASA-LFK avait-elle travaillé à la perspective
de l’intégration des missiles Taurus aux plate-formes aériennes espagnoles. Plusieurs années
auparavant, les autorités militaires et politiques espagnoles avaient travaillé au développement d’un
missile de croisière national, l’Alada. La firme CASA, alors responsable du programme, avait du
abandonner le développement du vecteur en raison des dépassements budgétaires que comportait la
mise au point du missile.
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s’équiper de missiles air-sol Taurus KEPD 350 pour un montant de près de 570
millions d’euros. Cette décision intervint après l’approbation formulée par les
commissions parlementaires du budget et de la défense, au mois de juillet 2002, quant
à la poursuite du programme d’achat des missiles.18 Au total, ce ne sont pas moins de
600 unités qui seront délivrées entre 2004 et 2009. Le vecteur, originellement appelé
à équiper les avions de combat Tornado IDS et les futurs Eurofighter Typhoon de la
force aérienne, pourra également, moyennant la mise en œuvre de quelques
adaptations techniques, pourvoir aux capacités de frappe d’une plus grande panoplie
de plate-formes et, parmi elles, les patrouilleurs maritimes P-3C Orion.19 La Suède,
pour sa part, envisage toujours, à l’heure actuelle, l’achat de missiles de type KEPD
350 en vue d’équiper ses avions de combat multirôles JAS 39 Gripen. STokholm
réserve, pour l’instant, sa décision quant à l’avenir de sa participation en matière
d’acquisition des vecteurs.20
Sur le plan de la conception, le Taurus peut être distingué du SCALP-EG/Storm
Shadow. Le missile KEPD-350 est en effet de taille plus réduite et s’avère plus léger
que le vecteur conçu par MBDA. La configuration du système d’ailerons offre, en
outre, une meilleure agilité au vecteur qui est capable de recevoir les modifications de
course nécessaire en vue d’accroître sa précision de frappe. Soulignons également les
particularités du système de navigation du missile Bofors/DASA-LFK, qui tient plus
exactement à une combinaison de dispositifs GPS, de navigation inertielle et de
reconnaissance de terrain, à la quelle s’ajoute un senseur infrarouge (IR) de course
opérant conjointement avec les navigateurs précités. Ce n’est, en effet, que lors de la
phase terminale d’engagement du vecteur que le système IR acquiert une
prépondérance en assurant l’acuité de la frappe.21 Une différence fondamentale
existe, également, dans le choix de la charge emportée par le vecteur. Le Taurus
comporte une tête à pénétration Mephisto, qui, aux dires de quelques observateurs et
experts militaires, serait sans équivalent sur le marché.
Très rapidement, le programme Taurus est apparu comme le concurrent direct du
programme SCALP-EG/Storm Shadow développé conjointement par la France et le
Royaume-Uni. L’enjeu a, plus exactement, résidé dans la désignation du système
18
« Go Ahead for More Taurus Missiles », Jane’s Defence Weekly, vol. 34, n°17, 2 août 2002.
Lake D., « Germany Places Order for Taurus Cruise Missile », Jane’s Defence Weekly, vol. 37, n°7,
14 août 2002 ; cf. aussi « Series Production Contract Worth EUR 570 Million Awarded for Taurus
KEPD 350 », http://www.eads.net/eads/es/ index.htm?/xml/es/press/ archiv/eads2002/eads/
20020808_taurus_e.xml&press, consulté en date du 15 janvier 2004.
20
Soulignons que la Suède a déjà décidé d’équiper ses Gripen de la version KEPD 150 des Taurus.
Les premiers tests opérés semblent avoir confirmé l’adaptabilité du vecteur sur la plate-forme.
21
Schwartz K., « Stand-Off Missiles in Development », Flug Revue On Line, avril 2001,
http://www.flug-revue.rotor.com/FRheft/FRH0104b.htm, consulté en date du 15 janvier 2004.
19
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d’armes qui équiperait prochainement les avions de combat Tornado de l’armée de
l’air italienne – la décision finale des autorités politico-militaires italiennes ayant
finalement privilégié le Storm Shadow au détriment du Taurus. Cette anecdote
montre à quel point les logiques concurrentielles industrielles peuvent altérer les
perspectives d’intégration des programmes de défense au sein même du paysage
militaire européen.22
L’offensive des missiliers américains sur le marché européen (Boeing et Raytheon)
Le Royaume-Uni s’est également investi dans une profonde revalorisation de ses
stocks de missiles guidés de précision. La stratégie d’acquisition des forces armées
britanniques réside dans la recherche d’une certaine polyvalence, obtenue par l’achat
d’équipements américains et la préservation de coopérations européennes sectorisées.
Récemment, le Ministère de la Défense britannique a annoncé sa décision d’équiper
ses forces du kit Paveway IV développé par la firme américaine Raytheon. Cette
dernière était en compétition avec la société Boeing qui tablait sur l’exportation de sa
Joint Direct Attack Munition (JDAM). Le Paveway IV, appelé à entrer en service
vers 2006-2007 et considérée comme « le système d’armes de premier choix » par
l’état-major britannique, permettra de doter les missiles Mk 82 (227 kg) de la Royal
Air Force de systèmes de navigation laser et inertiel, eux-mêmes couplés à un
dispositif de conduite avec laser semi-actif. Ce dispositif est un produit issu d’un
partenariat entre, d’une part, la firme Raytheon Systems Ltd, sise en Angleterre, et,
d’autre part, Raytheon Missile Systems, installée aux Etats-Unis. Le Paveway IV est,
en réalité, une version améliorée de la Paveway II et III, déjà en service au sein de la
RAF. Toutefois, les améliorations apportées au kit de guidage de la bombe sont loin
d’être négligeables, dans la mesure où des perfectionnements ont été apportés dans la
phase terminale d’engagement sur cible du vecteur, qui pourra désormais compter,
d’une part, sur une aptitude à opérer en tous temps et, d’autre part, sur une meilleure
précision conférée par le laser. La décision du Royaume-Uni de poursuivre plus en
avant la dotation de la RAF en bombes guidées de précision trouve son origine dans
les leçons extraites des opérations au Kosovo. Lors des missions aériennes dans les
cieux de l’ex-Yougoslavie, les plate-formes de la RAF avaient du, non seulement,
subir les contraintes imposées par les dispositifs de défense anti-aériens serbes,
imposant aux appareils de demeurer en moyenne altitude, mais aussi constater les
22
Beal C., « Italy Mulls Joint Offer in Taurus Missile Project », Jane’s Defence Weekly, vol. 30, n°11,
16 septembre 1998. Il est utile de préciser qu’une version navale du Taurus KEPD 350 a été envisagée
en vue d’équiper les flottes de combat allemande et italienne. Cf. « Anti-Ship Taurus Proposed to
Germany and Italy », Jane’s Missiles and Rockets, vol. 3, n°6, 1er juin 1999.
[9]
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limites opérationnelles de leurs vecteurs de précision qui ne disposaient pas de
capacités tous temps.23
La sélection du missilier Boeing en vue de compléter à moyen terme les stocks de
missiles guidés de précision existants par des Joint Direct Attack Munitions (JDAM)
a résulté de l’examen attentif d’un certain nombre de difficultés techniques liées à
l’intégration des vecteurs aux plate-formes. Difficultés dont la résolution comportait
un impact évident quant à l’interopérabilité aérienne au niveau interallié. En effet, la
perspective de l’adjonction de JDAM nécessitait, au préalable, la résolution de
problèmes afférant au poids des munitions. La charge standard des missiles
embarqués par les appareils de la RAF est de 1000 livres (soit ± 453 kilogrammes).
Les standards de charge US, qui sont aussi les normes les plus courantes au sein de
l’OTAN, sont, respectivement de 500 et 1000 livres. Il faut préciser, également, que
poids de la bombe emportée influe directement sur le centre de gravité et donc la
stabilité de la plate-forme. Aussi, l’incorporation de missiles de 2000 livres (tels que
la JDAM) imposait la révision des capacités d’emport des appareils Tornado GR-4,
Harrier GR-7 et SEPECAT Jaguar, désignés tout spécifiquement à l’embarquement
de nouvelles munitions guidées de précision.24 Il semble, toutefois, que les assurances
formulées par la firme Boeing quant à l’adaptation de la JDAM aux plate-formes
britanniques, aient conduit le Ministère de la Défense du Royaume-Uni donner son
aval quant à l’intégration futures des vecteurs JDAM.
Les missiles air-air ASRAAM (courte portée), AMRAAM et Meteor (Beyond Visual
Range)
Plus délicate et sensible encore est la question du développement des missiles air-air.
Sur ce point, l’évolution et la maturation du programme de l’Advanced Short-Range
Air-to-Air Missile (ASRAAM) est révélatrice des contraintes auxquelles une avancée
technologique nouvelle peut être confrontée. L’ASRAAM constitue un projet
inauguré initialement par l’Allemagne et le Royaume-Uni à la fin des années 1970.25
Des difficultés liées à la compatibilité des exigences nationales en matière de
conception et de configuration du système d’armes envisagé conduirent toutefois
l’Allemagne à se retirer de cette coopération bilatérale au début des années 1990. 26
23
Cook N., « UK’s PGM Need Poses Dilemma Over Bomb Size », Jane’s Defence Weekly, vol. 34,
n°21, 22 novembre 2000.
24
Ibid. La firme Boeing avait pourtant assuré de pouvoir adapter la JDAM aux exigences britanniques
en matière d’emport de missiles.
25
« ASRAAM Downs Another Phantom », Jane’s Missiles and Rockets, vol. 5, n°7, 1er juillet 2001.
26
Afin de subvenir à ses besoins en matière de missiles air-air de courte portée, l’Allemagne procédera
à la remise à niveau de ses missiles Sidewinder. Cette décision déboucha sur la mise en service de
l’Infra Red Imagery Sidewinder – Tailed Controlled (IRIS-T). Soulignons toutefois que la Luttwaffe
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A. De Neve
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Ce qui eut pour conséquence de faire du Royaume-Uni l’unique Etat pilote du
programme ASRAAM, mais aussi de reporter les échéances de réalisation du vecteur.
Les déboires du programmes, pourtant, n’allaient pas se limiter à ce seul incident
diplomatique et de circonstances. Dès 1995, British Aerospace Dynamics (intégrée
aujourd’hui dans MBDA), se voit attribuer le contrat de développement primaire du
missile ASRAAM. Ce contrat qui, à l’époque, équivalait à la somme de près de 11
millions de dollars US avait pour objectif de tester les capacités du projet ASRAAM
à l’aune des qualités du missile AIM-9X, alors opérationnel au sein de la Royal Air
Force. En dépit des modifications qui furent apportées au dispositif électronique du
vecteur, des insuffisances notoires demeuraient en matières de résistance aux contremesures et d’interopérabilité dans l’intégration systémique d’armes.
On put alors raisonnablement penser que la version nouvelle du projet de vecteur, le
P3I ASRAAM, réponde aux exigences opérationnelles exprimées par le Ministère
britannique de la Défense. C’était sans compter les aléas techniques qui peuvent bien
souvent affecter les programmes de développement en matière d’armement. En effet,
en 2001, le Ministère de la Défense dut se résigner à reconsidérer l’échéance de
l’intégration de l’ASRAAM au sein de ses forces aériennes.27 Ce report était motivé
le constat de manquements dans quatre des dix exigences posées à l’endroit des
qualités requises pour le projet de missile : suivi et acquisition de cibles ; probabilité
de destruction ; résistance aux contre-mesures ; acquisition de cibles en-dehors de la
put, à l’occasion de la réunification, récupérer des plate-formes et systèmes d’armes de l’ex-RDA, dont
les Mig-29 et les missiles AA-11 Archer. Après examen des caractéristiques du vecteur légué, il s’est
avéré que les experts militaires occidentaux avaient considérablement sous-estimé les qualités du
missile. Les AA-11 surclassaient, en effet, sur de nombreux points (dispositif autodirecteur de guidage,
manoeuvrabilité, modes de désignation des cibles, fixation finale des objectifs) les AIM-9
Sidewinderqui équipaient les plate-formes aériennes de combat allemandes. Aussi, l’Allemagne avaitelle jugé bon de considérer comme moins pressants ses besoins en matière de missiles de nouvelle
génération, jugeant les équipements de l’ex-RDA comme une solution provisoire tout à fait en phase
avec ses exigences opérationnelles. Plus encore, le Ministère allemand de la défense n’hésita pas à
déconsidérer le projet de l’ASSRAM, arguant des faibles performances du prototype (notamment en
matière d’agilité du vecteur) par rapport aux missiles d’origine soviétique. Cf.
http://www.fas.org/man/dod-101/sys/missile/aim-132.htm.
27
Dans l’attente de l’ASRAAM, les autorités de défense britannique ont décidé de prolonger l’emploi
de leurs missiles AIM-9L/I (Improved) Sidewinder et donc de ne pas accepter de livraisons de missiles
dont les qualités ne correspondent pas aux exigences du Ministère de la Défense. L’AIM-9L est un
système d’armes qui fut déjà employé durant la guerre des Malouinnes/Falklands en 1982. Une version
AIM-9/LI-1 dut être, par la suite, développée en vue de répondre aux contre-mesures et leurres des
appareils d’origine soviétique MiG-29 Fulcrum. Cf. Sen Ph., « Sidewinder Upgrade is Result of
ASRAAM Delay », International Defense Review, vol. 3, n°3, 1er février 2000.
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ligne de visée.28 Le fait que l’ASRAAM ne rencontre pas les demandes formulées par
la Defence Procurment Agency (DPA) a conduit à une certaine dégénérescence des
rapports entre le gouvernement britannique et l’équipementier chargé de la réalisation
du projet. Baroness Symons, alors Ministre responsable des acquisitions en matière
de défense, avait, au mois d’avril 2001, ouvertement critiqué MBDA pour son
incapacité à produire un système d’armes adapté aux missions nouvelles imparties
aux forces aériennes. Elle arguait – et c’est là un détail intéressant – des conceptions
britanniques en matière d’intégration des nouvelles technologies militaires, des
enjeux ergonomiques que suscitait l’inadaptation du missile ASRAAM, les pilotes
devant disposer, selon ses propres termes, du vecteur « qu’ils méritaient ».29
L’attitude du gouvernement britannique, qui sortait pour le moins des réserves et
convenances d’usage, avait, bien sûr, été le centre de polémiques parmi les milieux
spécialisés ; certains évoquant même la volonté de la Ministre de se servir des
problèmes passagers rencontrés par le missile pour reporter le paiement du
programme à un exercice budgétaire ultérieur.30 MBDA joua, pour sa part, sur
l’apaisement en affirmant que les rapports tendus entre le gouvernement et le
missilier résultaient non pas de l’inadaptation pure et simple du vecteur mais
davantage de divergences d’interprétation sur les demandes formulées par le
Ministère.31
Actuellement, les difficultés afférant à la mise au point du missile en conformité avec
les exigences posées par le gouvernement britannique semblent avoir été levées. Au
mois d’octobre 2002, le Ministère de la Défense a déclaré sa satisfaction quant aux
test récents auxquels fut soumis le missile. En conséquence, la Royal Air Force
devrait équiper ses Panavia Tornado F-3, Harrier GR-932, l’Eurofighter Typhoon et
les Sea Harrier FA-2 de la Royal Navy du susdit système d’armes. A l’avenir,
28
Hoyle C., « ASRAAM Operational on RAF Tornado F.3 », International Defense Review, vol. 6,
n°19, 1er octobre 2002; Doug Richardson, « ASRAAM Enters Service With the Royal Air Force »,
Jane’s Missiles and Rockets, vol. 6, n°3.
29
Cook N., « Software Hits Target for ASRAAM », Jane’s Defence Weekly, vol. 35, n°23, 6 juin
2001. En outré, en vue de subvenir provisoirement aux manques de capacities en matière de missiles
air-air de courte portée, le Ministère de la Défense britannique avait envisagé
30
Lake D., « Tough Questions Over Problems With ASRAAM », Jane’s Defence Weekly, vol. 35,
n°19, 9 mai 2001. Le 3 mai 2001, l’édition du Daily Telegraph évoquait la possibilité que le Ministère
de la Défense retarde le paiement des quelques 300 millions de livres (± 420 millions d’euros)
qu’exigeaient l’aboutissement du programme ASRAAM ; affirmations que les autorités publiques
assimilèrent à un « non-sens ».
31
Cook N., op. cit., Jane’s Defence Weekly, vol. 35, n°23, 6 juin 2001.
32
Le Ministère de la Défense britannique a signifié son intention de ne pas équiper ses appareils
Harrier GR-7 du missile ASRAAM. Cette décision ne portera toutefois pas atteinte au nombre total
d’unités commandées auprès de la firme MBDA. Cf. Cook N., « ASRAAM Integration with UK JSF
to Begin This Year », Jane’s Defence Weekly, 5 juin 2002, vol. 37, n°23, 5 juin 2002.
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l’ASRAAM devrait également doter les Joint Strike Fighter F-35 de capacités air-air
de courte portée. Toutefois, la préservation des qualités furtives de la plate-formes
interdisent d’envisager une capacité d’emport du vecteur sous ailes. Aussi, des
modifications seront-elles apportées au missile afin de permettre un transport en
soutes.33
Les difficultés rencontrées par le programme de développement de l’ASRAAM
allaient avoir des incidences non-négligeables sur la mise en œuvre d’un système de
missiles Beyond Visual Range (BVR). Dans ce secteur, deux programmes sont
actuellement en lice dans la recherche de perspectives de marchés : l’Advanced
Middle Range Air-to-Air Missile (AMRAAM) de la société américaine Raytheon et
Meteor de la firme MBDA.34 Il se grève, en outre, des problématiques liées à la
compatibilité des vecteurs aux systèmes d’armes aériens existants et futurs ; ce qui
accroît, en conséquence, les rivalités industrielles en matière d’exportation des
technologies. La firme Raytheon est entrée dans une compétition très intense avec
MBDA pour la dotation des avions de combat européens en dispositifs air-air hors de
33
Il semble que la Defence Procurment Agency place de nombreux espoirs dans la conjonction des
programmes ASRAAM et JSF. Quelques commentateurs, pourtant, ont souligné leurs préoccupations
quant à la perspective d’un arrêt du projet de développement du JSF, lors même que le Ministère de la
Défense semble confiant dans les chances d’aboutissement de cet appareil de nouvelle génération.
Telle était, également, la préoccupation première des membres du Comité de Défense de la Chambre
des Communes qui s’interrogeaient quant aux solutions alternatives envisagées au cas ou le
programme JSF ferait l’objet d’une annulation. Le Ministère de la Défense a assuré les membres du
Comité que dans l’état actuel du développement de la plate-forme furtive et au vu de l’environnement
global technologique, il était hautement improbable qu’une telle conjecture puisse survenir. Cf. Darren
Lake, op. cit., Jane’s Defence Weekly, vol. 35, n°19, 9 mai 2001.
34
Soulignons que cette compétition intra-européenne s’est doublée d’une compétition au sein même du
marché américain de l’armement depuis que la firme Boeing a signé un contrat de partenariat avec la
société Raytheon, qui demeure, cependant, le premier missilier à l’échelle planétaire. Par ce
partenariat, MBDA aspire à mettre fin à l’incapacité des missiliers européens à pénétrer le marché
américain – difficulté déjà exprimée en octobre 1999 par le Président de MBD, Frabrice Bréguier,
lorsque celui-ci affirmait que, à l’époque, « plus de 50 % du marché européen des missiles [était]
entre les mains des Américains alors que 0 % du marché des missiles aux Etats-Unis [était] entre les
mains des Européens. » La coopération entre MBDA et Boeing viserait, plus exactement, le
développement d’un remplaçant du missile High Speed Anti-Radiation Missile (HARM) – produit par
Raytheon et équipant l’U.S. Navy – et dont la portée et la vitesse serait accrues. Une telle hypothèse
exigerait, au préalable, l’adaptation du Meteor à des configurations air-sol. Cf. Jean-Paul Hébert (avec
Yves Bélanger et Peter Lock), Naissance de l’Europe de l’armement, Cahiers d’Etudes Stratégiques 27
Stratégie & Armement Europe 1999-2000, Paris, Groupe de Sociologie de la Défense (Ecoles des
Hautes Etudes en Sciences Sociales), 2000, p. 38. Cf. également « Boeing Joins the Meteor Team »,
Jane’s Missiles and Rockets, vol. 3, n°11, 1er novembre 1999; Nick Cook, « Boeing Studies Meteor as
a Successor to HARM », Jane’s Defence Weekly, vol. 36, n°4, 25 juillet 2001.
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portée visuelle.35 Mais le Royaume-Uni ne constitue pas l’unique débouché de ce
programme. Raytheon envisage une extension de son marché à de nombreux pays
européens, dont l’Allemagne, l’Italie36, l’Espagne37 et la Suède, et espèrent parvenir à
l’exportation d’environ deux milles unités de son système AMRAAM.38 Les pays
engagés dans le programme Mid-Life Upgrade de leurs plate-formes F-16 (Belgique,
Danemark, Norvège39 et Pays-Bas) semblent également séduites par les performances
et le rapport coût/efficacité de l’AMRAAM. Déjà, le 12 décembre 1996, des F-16
danois procédèrent au lancement de missiles à la base d’Edwards (U.S. Air Force) en
Californie. Les essais attestèrent d’une parfaite intégration des systèmes d’armes. Les
évaluations ont également concerné les plate-formes belges, norvégiennes et
néerlandaises.40
Raytheon a travaillé sur une version nouvelle de l’AMRAAM. Dénomée Extended
Range Air-to-Air Missile (ERAAM plus), celle-ci dispose d’une portée plus grande
mais nécessite une adaptation des systèmes de lanceurs. Et c’est, notamment, sur ce
point que l’Europe pourrait échouer si elle devait se révéler incapable d’offrir une
solution similaire pour le Meteor (projet de développement de missile dans lequel
35
Actuellement, le Royaume-Uni a intégré l’AIM-120 AMRAAM sur ses Tornado F-3. Le premier
vol d’un Tornado équipé de ce type de missile s’est déroulé durant l’été 1998 à la base de Warton
(Royaume-Uni), installations détenues par British Aerospace (BAe). Cf. « RAF Tornado F-3 Flies
With AMRAAM », International Defense Review, vol. 31, n°8, 1er août 1998.
36
L’Italie et l’Espagne ont décidé d’équiper leurs appareils AV-8B Harrier de missiles AMRAAM
AIM-120. Cf. « Harrier FIres First AMRAAM », Jane’s Defence Weekly, vol. 36, n°2, 11 juillet 2001.
37
En 2002, Raytheon annonçait publiquement son intention de vendre de nouvelles unités de missiles
AIM-120C à l’armée de l’air espagnole pour doter ses EF-18 de meilleures capacités d’attaques à
distance de type BVR. Cf. « Spain To Buy Additional AMRAAMs », Jane’s Defence Weekly, vol. 37,
n°13, 27 mars 2002.
38
En vue de l’exportation de son programme de missile AMRAAM, Raytheon a décidé de procéder à
des transformations de la configuration originelle du vecteur.
39
La Norvège demeure incertaine quant à son engagement dans l’acquisition éventuelle de missiles
AMRAAM. Soucieuse de ne pas contribuer à la compétition entre les firmes Raytheon et MBDA, mais
également dubitative quant aux bénéfices opérationnel de l’intégration des AMRAAM au sein de la
force aérienne nationale, la Norvège a préféré s’écarter de la bataille que se livrent actuellement les
deux missilers. Pourtant, sur un double plan technique et logistique, les autorités militaires du pays
pourraient, au cas où la nécessité opérationnelle se ferait ressentir, diriger son choix vers le vecteur
développé par Raytheon, au détriment du missile Meteor de MBDA. En dépit de son attitude réservée
quant à l’acquisition de l’un ou l’autre système, il semble bien que la position de la Norvège pourrait
largement peser dans les perspectives de développement des capacités air-air BVR pour chacun des
deux équipementiers. Cette situation, pour le moins paradoxale, prouve à qui en doutait que les choix
posés par de petits pays en matière de défense européenne peuvent grandement altérer l’évolution des
tendances existantes en matière de stratégie des moyens européenne. Cf. Cook N., « Norway Could
Still Hold Key in Battle Over AMRAAM », Jane’s Defence Weekly, vol. 33, n°13, 29 mars 2000.
40
Gething M. J., « First AMRAAM Launch from F-16 MLU », International Defense Review, vol. 2,
n°3, 30 janvier 1998.
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participent l’Allemagne, l’Espagne41, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède).
Pour l’extension de sa portée, l’ERRAM dispose d’un lanceur motorisé capable
d’offrir au vecteur suffisamment d’énergie que pour lui permettre d’atteindre une
cible en vol située à de longues distances (BVR étendue) et de procéder aux
manœuvres rendues nécessaires en fin de parcours.42 L’hypothèse envisagée en vue
de déterminer les qualités intrinsèques d’un tel vecteur est celle d’un combat que
pourraient éventuellement devoir engager nos forces contre un Sukhoi Su-37, appareil
russe doté d’une extraordinaire manoeuvrabilité. Cette capacité, il est utile de
l’ajouter, contribue également à un accroissement sensible de la protection des
équipages et des pilotes en missions. Or Meteor n’offre qu’un lanceur classique, que
la société MBDA considère approprié à l’état des menaces présentes et des missions
futures qui seront imparties aux forces aériennes d’Europe, et conteste donc la vision
des développeurs de Raytheon.43 Le choix final qui serait opéré entre les deux
systèmes de missiles pourrait avoir des conséquences cruciales pour le
développement et la maturation d’un système d’armes tel que l’Eurofighter Typhoon.
Une décision britannique visant à équiper ses plate-formes Eurofighter des seuls
missiles ASRAAM – au détriment du Meteor -, équivaudrait à faire dépendre un
programme européen de capacités de frappes fournies par une société américaine. Le
risque étant que le Département de la Défense des Etats-Unis puisse freiner le
programme Eurofighter par l’imposition de restriction sur le transfert des
technologies contenues au sein de l’AMRAAM.44
41
Ing D., « Spain Invest in Meteor Missile Project », Jane’s Defence Weekly, vol. 36, n°19, 7
novembre 2001.
42
Notons à cet égard que la dotation d’une plate-forme aérienne en missiles de longue portée air-air ou
air-sol perd de son intérêt lorsque celle-ci possède des qualités furtives. Ainsi, le Ministère de la
Défense britannique avait-il signifié qu’il n’envisageait pas d’équiper ses futurs F-35 Joint Strike
Fighter du missile Meteor, précisant qu’une telle combinaison d’armes s’avérait superflue au regard de
la sécurité suffisante et nécessaire qu’offrait déjà les technologies de furtivité de l’appareil. Cf. « UK
Joint Strike Fighter May Not Need Meteor Missile », Jane’s Missiles and Rockets, vol. 5, n°3, 1er mars
2001. c’est là sans doute l’une des faiblesses des programmes d’armements européens. En développant
exclusivement des plate-formes non-furtives (Eurofighter, Gripen), les industriels européens
contraignent les Etats acheteurs à acquérir des capacités en missiles de longue portée fort coûteuses.
Du côté américain, la mise au point d’appareils multirôles furtifs (F-35 Joint Strike Fighter, F-22
Raptor) limite les besoins vis-à-vis de ce type de munitions.
43
Cook N., « UK BVRAAM Offer Reveals US AMRAAM Plans », Jane’s Defence Weekly, vol. 32,
n°13 29 septembre 1999.
44
Tel était, au demeurant, l’argument mis en avant par le Ministre allemand de la Défense, Rudolf
Scharping, dans une lettre adressée à son homolgue britannique, Geoff Hoon, visant à enjoindre ce
dernier à choisir le système paneuropéen de missiles Meteor en lieu et place de son concurrent, l’AIM120 AMRAAM. La lettre de Rudolf Scharping faisait suite à la demande formulée par le Comité de
Défense du Bundestag visant à soutenir, au niveau gouvernemental, l’option d’une acquisition d’un
missile air-air européen pour l’Eurofighter. Cf. Cook N., « Germans Urge UK To Back Meteor
Missile », Jane’s Defence Weekly, vol. 32, n°24, 15 décembre 1999; Cook N., « Bundestag Group
[15]
A. De Neve
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De nombreuses confusions ont été entretenues quant à la concurrence réelle que
peuvent se livrer les deux systèmes de missiles. Pour l’heure, les deux équipementiers
– Raytheon et MBDA – comblent parmi les forces armées de certaines nations des
lacunes différentes. Il peut paraître, par exemple, comme paradoxal de constater que
le Royaume-Uni, partisan d’une plus grande coopération avec les Etats-Unis en
matière d’industrie de défense, ait opté pour l’acquisition de missiles Meteor. Il n’en
est rien, du moins dans l’état présent des besoins en capacités de frappe. Londres sait
que le programme Meteor développé par MBDA n’entrera véritablement en service
qu’en 200845, voire 2010 de l’avis de quelques responsables militaires. Aussi, le
Ministère de la Défense britannique a-t-il choisi d’acquérir les missiles AIM-120
AMRAAM de Raytheon en vue de combler son déficit provisoire en systèmes
BVR.46
Conclusion
A l’instar de ce qui se produit au niveau du marché transatlantique, l’offre
européenne en matière de missiles guidés de précision génère une compétition ardue
entre équipementiers dans la lutte pour les contrats de dotation des plate-formes. Ce
phénomène s’explique, pour l’essentiel, par la marge de manœuvre budgétaire limitée
des Etats et qui se répercute directement sur les possibilités d’achat de matériel, qui
elles aussi, se révèlent limitées. C’est, en tous cas, une problématique que mettait déjà
Calls on Scharping to Back Meteor », Jane’s Defence Weekly, vol. 32, n°19, 10 novembre 1999. Il
importe, cependant, de souligner que MBDA dut attendre jusque récemment l’accord final des
parlementaires allemands pour l’acquisition et la prise de part dans le programme Meteor. Le
lancement officiel de ce dernier n’aura lieu qu’au mois de décembre 2002 avec la signature d’un
contrat de développement et de production entre MBDA et la Defence Procurement Agency (DPA)
britannique, qui s’exprimait aux noms des gouvernements allemand, espagnol, français, italien et
suédois. Précisions, enfin, que le montant d’achat de missiles Meteor par l’Allemagne est passé de 600
à 400 unités, une diminution qui, loin de résulter des qualités intrinsèques de l’arme, découle
davantage d’une réduction globale des budgets (réduction ayant affecté la dotation allemande en
missiles air-air de courte portée IRIS-T). « Meteor Awaits German Go-Ahead », Jane’s Missiles and
Rockets, vol. 6, n°7, 1er juillet 2002 ; « Meteors Enters Full-Scale Development », Jane’s Missiles and
Rockets, vol. 7, n°2, 1er février 2003.
45
« UK Selects Meteor for BVRAAM », International Defense Review, vol. 33, n°6, 1er juin 2000.
46
Il semble pourtant que les négociations tenues entre le gouvernement britannique et le missilier
américain Raytheon aient été particulièrement âpres en ce qui concerne la dotation du futur
Eurofighter en capacités BVR. En 1999, la société Raytheon avait discuté avec Londres de son offre
en vue d’équiper le Typhoon. Ces discussions avaient été tenues particulièrement secrètes en raison
des enjeux industriels sous-jacents. Cf. Cook N., « UK BAVRAAM Offer REveals US AMRAAM
Plans », Jane’s Defence Weekly, vol. 32, n°13, 29 septembre 1999.
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en avant un rapport de la Commission technique et aérospatiale de l’Assemblée
européenne intérimaire de la sécurité et de la défense de l’Assemblée de l’Union de
l’Europe occidentale : « si l’Europe ne possède pas certaines capacités, cela relève
de choix. D’autres capacités jugées plus importantes ont été privilégiées dans le
cadre de budgets restreints. En définitive, la vraie question à se poser est la
suivante : existe-t-il des cas où l’Europe a voulu développer un système et l’a
abandonné par incapacité technologique ? A notre connaissance, [indique le
rapport], il n’existe aucun cas de ce type. Si certains systèmes n’existent pas dans la
panoplie européenne, c’est qu’ils n’ont jamais été programmés dans les plans
français, britannique ou d’autres Etats européens. C’est le fait d’arbitrages
budgétaires mûrement réfléchis. » Un bémol s’impose néanmoins. Si l’on peut
raisonnablement admettre que la dénonciation du déficit européen en matière de
savoir-faire technologique est l’objet d’une stigmatisation exagérée, il n’empêche,
l’absence d’investissement notoires dans certaines catégories de technologies
(furtivité) pourrait, à terme, altérer les perspectives de marché et d’exportation de
certaines capacités européennes.
En outre, s’il fallait laisser aux industriels, en lieu et place du politique, le soin de
définir les artifices institutionnels qui permettraient de dépasser les obstacles liés aux
rivalités commerciales et nationales en Europe, il est fort à croire qu’une telle
inversion des rôles puisse conduire à une définition autistique des moyens, en
décalage manifeste avec l’évolution de l’équilibre militaire global, tant les
préoccupations d’ordre stratégique passeraient alors en second plan. Le temps exigé
pour la maturation des activités de recherche et de développement, les délais liés aux
procédures d’expérimentation en amont, de conception et de livraison, ne laissent que
peu d’opportunités pour les industriels de s’accorder sur une vision globale des
capacités. Pour éviter une telle dérive, il importe au politique de donner un signal
clair et de traduire celui-ci en une dynamique opératoire à l’intention des milieux
industriels auxquels il ne peut revenir le soin de définir seuls l’orientation politique et
stratégique vers laquelle doivent tendre les futures systèmes d’armes et de forces.
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