Christianisme: Des musiciens frappés par Dieu

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Christianisme: Des musiciens frappés par Dieu
Christianisme: Des musiciens frappés par Dieu
(Le Monde)
date: 2005-12-24 | rapporteur d'info: Christian
L'histoire de la musique populaire semble se nourrir de balancements constants entre sacré et
profane, musique de dieu et musique du diable. Nombre de musiciens sont même marqués par une
fracture. Un avant et un après Dieu. Avant ? La certitude d'avoir péché. Après ?
Ils proclament leur rencontre avec l'Esprit saint, voire leur rédemption. C'est le cas du Congolais
Papa Wemba, en concert à Paris la soirée de Noël, qui a eu une illumination lors de son passage en
prison en juin 2003.Le passé répertorie des cas fameux. Le plus extravagant est celui de Little
Richard. Chanteur et pianiste flamboyant, à la bisexualité affichée, il est au sommet de sa gloire
quand, en 1957, lors d'une tournée en Australie, il se voit dans son sommeil nu, damné, plongé dans
les flammes de l'enfer. Autres signes : il aurait vu brûler un réacteur dans l'avion qui le transportait
et une boule de feu lui serait apparue dans le ciel. Conclusion : Dieu l'adjure de quitter le rock'n'roll
et sa vie de pécheur. Little Richard s'exécute, jette à l'eau sa collection de bagues et passe son
diplôme de prêcheur baptiste. Sa carrière sera un incessant va et vient entre un retour au rock'n'roll
(on l'a vu en 2005 à l'Olympia) et la vente de bibles.
Al Green est une star de la soul qui a connu une révélation similaire. Ses très sensuels succès
trônent en haut des charts du début des années 1970 quand Dieu lui envoie des signes : une
apparition du Saint-Esprit dans un hôtel de Disneyland en 1973 ; en 1974, le tragique épisode d'une
fiancée jalouse, renversant sur le dos nu du chanteur une casserole de gruau de maïs bouillant avant
de se suicider ; une chute de scène, en 1979, à Cincinnati. Pendant huit ans, Al Green évacuera
toute chanson pop de son répertoire et deviendra le révérend Al Green dans son église du Full
Gospel Tabernacle. Jusqu'à ce qu'une nouvelle apparition l'autorise à harmoniser gospel et chansons
profanes.
A la fin des années 1960 et dans les années 1970, les héros de la contre-culture n'ont pas été en
reste. Leur quête de nouvelles frontières sensorielles, nourrie d'expériences psychédéliques, les a
parfois menés à des crises mystiques. Guitare-héros du latin rock, révélé au festival de Woodstock,
Carlos Santana soigne son lien à la spiritualité depuis le début des années 1970. Son "attirance pour
le côté sombre de la vie" a été contrecarrée par la voie du bien, montrée par le gourou Shri
Chinmoy. Plusieurs albums en ont témoigné ; ses concerts débutaient alors par une minute de
silence ; en 1999, le guitariste expliquait l'origine des chansons du disque Supernatural, qui signe
son grand retour. "C'est l'ange avec qui je suis en contact, Metatron, qui m'a indiqué que j'allais
retrouver le succès. Il est l'architecte de la vie physique, il est celui qui me montre la direction." Par
l'intermédiaire d'une sorte de poste de radio et d'un cristal vert qui permet à Santana de converser
avec divers dieux et anges gardiens mais aussi avec des musiciens morts (John Coltrane, Bob
Marley, Miles Davis...) qui lui prodiguent des conseils de carrière.
Bob Dylan n'est pas en reste. En 1978, en tournée, il sent une présence dans sa chambre d'hôtel,
sort et se rend dans une église. Plusieurs membres de son groupe de l'époque sont des Born Again
Christians. Comme eux, le chanteur se convertit et enregistre trois disques religieux aux ventes
déclinantes. Les tournées sont émaillées de prières avant l'entrée en scène et de prêches pendant
les concerts. Son public siffle régulièrement. Coup de théâtre en 1983 avec la parution du disque
Infidels. Une photo à l'intérieur montre Dylan accroupi sur le sol d'Israël. Au cours d'un voyage, il
aurait eu une révélation devant le Mur des lamentations. Le porte-parole de la communauté
orthodoxe loubavitch de Brooklyn confirme qu'il la fréquente.
Aux utopies encore en vogue dans les années 1970, succéderont des années 1980 souvent plus
promptes à célébrer les dieux de la réussite et de l'argent dans des clips vidéo popularisés par la
chaîne musicale MTV. Dans cette décennie commencera à s'épanouir la culture hip-hop, dont les
vertus contestatrices disparaîtront petit à petit au profit d'une célébration du matérialisme. Mais
même le gangsta-rap des années 1990 ne coupera pas la musique noire américaine de ses racines
religieuses. Quelle que soit la violence des propos, les gros durs du rap n'oublient pas de remercier
Dieu sur la pochette de leurs albums.
Certains se vantent même d'une proximité plus grande avec le Créateur. Chrétien convaincu depuis
qu'un accident de voiture a failli lui coûter la vie, le rappeur et producteur vedette Kanye West s'est
par exemple offert le luxe d'une promenade avec Jésus. Très controversé, son morceau Jesus walks
s'est classé en 2005 dans le hit-parade gospel, au grand dam de certains fidèles, choqués de voir cet
apôtre du matérialisme rentabiliser l'image du Christ.
Le retour aux valeurs chrétiennes prôné par le président Bush touche les zones les plus inattendues
de la scène américaine. Les fans de heavy metal ont été surpris par la récente conversion de Brian
"Head" Welch, guitariste du groupe Korn, jusque-là adepte d'une imagerie outrancière, parfois
proche du satanisme. Il se déclare depuis peu "un soldat du Christ".
Sa conversion aurait délivré Brian Welch de ses tendances suicidaires. Il s'est fait baptiser en mars,
en Israël, dans le Jourdain, avec d'autres membres de son Eglise, la Bible Valley Fellowship. Il
consacre son site Internet (headtochrist.com) à la gloire de Dieu, sans renoncer à son look de
rocker.
Mais ce site ressemble à une bande-annonce pour film d'épouvante : croix du Christ sanguinolente,
cimetière lugubre, lettres gothiques... Le guitariste, qui doit bientôt se faire tatouer un verset de la
Bible dans le cou, a convoqué les caméras de MTV à suivre sa rédemption. "J'invite tout le monde à
s'asseoir, à manger un peu de pop-corn et à voir comment le Seigneur m'utilise pour le glorifier."
Stéphane Davet, Odile de Plas, Bruno Lesprit et Sylvain Siclier
Le Monde
(Le Monde - Disclaimer) ajoutée le 2005-12-24
Website : http://www.voxdei.org//afficher_info.php?id=15795.196
Date : 13. 03. 2006