Le piège de l`anorexie - Eki-Lib

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Le piège de l`anorexie - Eki-Lib
Le piège de l’anorexie, Le Lundi, Octobre 2001
Auteure : Louise Moreau
Le piège de l’anorexie
Un jour, Isabelle Côté a décidé de suivre un régime pour avoir une plus belle
silhouette. Puis, tout s’est mis à déraper. L’image fausse qu’elle avait
d’elle-même l’a conduite à une anorexie sévère. Le processus de sa guérison
a été long, mais elle a retrouvé l’estime d’elle-même et sa véritable
identité.
Déjà à l’âge de 17 ans, Isabelle Côté était obsédée par la minceur. Elle a
commencé par compter ses calories, pour tomber finalement dans le piège de
l’anorexie. Voulant se prouver à elle-même sa force et sa détermination par le
biais de privations, elle a perdu le contrôle de sa vie, allant jusqu’à frôler la mort.
Heureusement, aidée et soutenue par ses proches, elle a réussi à se reprendre
en main. Aujourd’hui, à 29 ans, ayant confiance en sa force intérieure, elle est
plus que jamais heureuse.
Madame Côté, êtes-vous obsédée par la minceur de puis longtemps ?
À l’été de mes 17 ans, j’ai décidé sans raisons valables, puisque je n’avais pas une
livre à perdre, de suivre un régime pour avoir une silhouette plus mince. Je
mesurais 5 pi et 1 po et je pesais à peine 100 lb.
Pourquoi vouliez-vous maigrir à ce point ?
Les trois chiffres sur le pèse-personne m’ont toujours fait très peur! Et puis, les
résultats de mon régime ont été remarqués par mes copines, qui m’ont dit
combien j’étais mince et belle. Ça m’a valorisée et ça m’a incitée à perdre
davantage de poids. En plus, c’était une excellente façon de me faire aimer!
Quel régime suiviez-vous durant cette période ?
Ce n’était pas tant un régime particulier que le fait de ne pas manger beaucoup.
Je pouvais étirer mon premier repas jusqu’à 15 h. En retardant le plus possible
ma première bouchée, j’absorbais beaucoup moins de calories.
Pendant combien de temps avez-vous pu tenir le coup ?
Pendant trois ans, mon poids s’est maintenu entre 93 et 95 lbs. Dans ma vie en
général, on exigeait que je performe autant sur le plan scolaire que sur le plan
sportif. Cette situation a eu sur moi des effets dévastateurs. J’ai compris plus
Le piège de l’anorexie, Le Lundi, Octobre 2001
Auteure : Louise Moreau
tard qu’inconsciemment, je voulais disparaître sous ma minceur afin que l’on cesse
de mettre de la pression sur mes épaules.
Est-ce que vous avez continué à maigrir ?
Oui, je suis passée sous la barre des 80 lbs. De semaine en semaine, je coupais le
nombre de calories que je consommais. Et je faisais énormément d’exercices
pour en brûler davantage. Quand je réussissais à me contenter de 400 calories
par jour, la semaine suivante, je visais 300.
Étiez-vous quand même en mesure de travailler ?
Oui. J’œuvrais dans le milieu de l’esthétique et j’étais très performante. Après
une longue journée de travail, j’allais courir des kilomètres. En fait, j’étais
hyperactive. Dans ma période la plus creuse, j’avais l’impression, lorsque je me
couchais, que ma graisse débordais de chaque côté de mon lit. En marchant le
longs des trottoirs, je sentais que les maisons tremblaient sur mon passage à
cause de mon poids. Plus je maigrissais et plus je ressentais ce phénomène.
Étiez-vous satisfaite de vous ?
Pendant un certain temps, oui. Mais, lorsque mon poids a chuté dramatiquement,
mon état s’en est ressenti. Je m’isolais beaucoup. J’étais constamment triste.
Je vivais des heures d’angoisse et je faisais de l’insomnie. Je me trouvais bien
inférieure aux autres. Paradoxalement, les filles dans la rue me semblaient plus
minces que moi. En réalité, j’étais deux fois plus maigres qu’elles. Tout mon
était criait le désespoir!
Comment avez-vous su que vous souffriez d’anorexie ?
Une cliente, trouvant que j’avais énormément maigri, m’a prêté un livre traitant
de ce sujet. En le feuilletant, je me suis aussitôt reconnue.
Est-ce que vos parents se sont doutés de quelque chose ?
EMERGENCY
Pas exactement. Vers la vingtaine, au plus creux de mon problème, je vivais plus
souvent qu’autrement chez mon copain. Je revenais à la maison de temps à autre,
mais j’étais tellement à fleur de peau que les conflits avec mes parents se
succédaient. J’explosais à la moindre remarque. Ma mère a fini par se ranger de
mon côté et elle a cherché à comprendre ce qui me rendait aussi exécrable. Je
lui ai alors avoué la maladie dont je souffrais.
Le piège de l’anorexie, Le Lundi, Octobre 2001
Auteure : Louise Moreau
Êtes-vous vraiment tombée dans l’excès ?
Oui, dans mes comportements surtout. Comme je me trouvais lâche de ne pas
faire assez d’exercices, je me réveillais la nuit pour faire des redressements
assis. Et puis, je dormais dans un sac de plastique afin qu’en transpirant je perde
encore plus de poids. L’odeur de graisse me répugnait : je croyais qu’elle me
ferait engraisser. De plus je me faisais vomir jusqu’à 10 fois par jour. J’ai
poussé l’audace jusqu’à absorber des laxatifs. Ma consommation était tellement
grande que l’on a refusé de m’en vendre dans deux pharmacies. J’étais
complètement déconnectée de la réalité. Physiquement, je souffrais beaucoup.
Certains jours, je tremblais de tous mes membres. Parfois, manquant de force
dans mes jambes, j’étais incapable de conduire.
Avez-vous dû être hospitalisée ?
Oui. La première fois, c’était en mai 1994. Ça faisait une semaine que j’étais
incapable de me lever et marcher. Je rampais pour me rendre à la salle de bain.
On ne pouvait me toucher, tellement mes os me faisaient mal. En fait, je
trouvais que mourir de faim était trop long : je voulais mourir tout court! Je suis
entrée à l’hôpital Enfant-Jésus de Québec. Toutefois, un mois plus tard, ayant
pris quatre livres, j’ai refusé tout traitement.
Que s’est-il passé par la suite ?
Un soir de Saint-Valentin, alors que j’étais au restaurant avec mon copain, tout a
éclaté. J’ai décidé que je ne mangerais plus jamais de ma vie. Après une nuit de
cauchemar, mon copain m’a fait entrer à l’hôpital. Une diététiste merveilleuse
m’a prise ne main. En cinq mois, j’ai tout réappris. J’étais très entourée. Mon
copain était un ange! Ma mère qui tentait de comprendre, pleurait des heures
avec moi. Malheureusement, à ma sortie de l’hôpital, me sentant déconnectée du
monde extérieur, j’ai fait une tentative de suicide en m’ouvrant les veines. J’ai
été conduite à l’hôpital de nouveau, mais j’ai attenté une autre fois à ma vie.
Finalement, en voyant tout le mal que j’avais fait subir à ma famille, j’ai décidé de
remettre ma vie dans le bon sens. De nombreux changements se sont opérés en
moi. Mon copain et moi, nous nous sommes séparés. Étrangement, ç’a été
bénéfique. Dans mon extrême sollicitude, il me donnait la permission d’être
anorexique.
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Auteure : Louise Moreau
Est-ce que votre vie a repris une allure normale ?
Assez; je suis même retournée sur le marché du travail. L’événement qui a
véritablement transformée les choses a été ma grossesse. En m’accordant le
droit de manger, j’ai pris 63 lbs. Apeurée à l’approche du temps des fêtes, j’ai
cependant décidé de suivre un régime très sévère. Mon fils , Raphaël, est né
prématurément à cause de ma perte de poids drastique.
Comment avez-vous réagi à sa naissance ?
Il m’a sauvée! Je n’avais pas de conjoint à l’époque, et je me suis occupée seule de
mon poupon. Je me sentais très valorisée par mon nouveau rôle de mère. Comme
j’allaitais mon bébé, je me suis bien alimentée. Quand Raphaël a vieilli, j’ai
respecté toutes ses collations et ses trois repas, je mangeais même avec lui.
Êtes-vous bien dans votre peau aujourd’hui ?
Je m’impose une ligne de conduite pour être sûre de ne pas déraper! J’ai repris
goût aux aliments, même si tout est « light » à la maison. J’analyse mes propres
comportements pour ne pas retomber dans le piège. Connaissant l’enfer de
l’anorexie, j’évite de me priver. Si mon poids descendait rapidement, je
paniquerais. Je suis très bien dans ma peau. J’ai un fils, un conjoint, un travail,
et je fais du bénévolat à la maison de transition l’Éclaircie; je ne vois pas
comment je pourrais être plus heureuse…
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