Requête _contentieux_administratif_rerB

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Requête _contentieux_administratif_rerB
Tribunal administratif de Montreuil
REQUETE
POUR :
La VILLE DU BLANC-MESNIL représentée par Monsieur Didier MIGNOT, son Maire en
exercice, domicilié Hôtel de Ville, 93150 LE BLANC MESNIL,
Ayant pour avocat :
SELARL GAIA
Maître Jean-Louis PERU
4, bis Cité Debergue, 75012 Paris
Barreau de Paris
Tél : 01.44.85.20.20 - Fax :01.42.28.28.02.
Vest. K 087
CONTRE :
La SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER (ci-après la « SNCF »), représentée
par son Président en exercice, dont le siège social est situé 34 Rue du Commandant René
Mouchotte, 75014, Paris.
La Régie Autonome des Transports Parisiens (ci-après la « RATP »), représentée par son
Président en exercice, dont le siège social est situé 54 Quai de la Rapée, 75012, Paris.
Le Réseau Ferré de France (ci-après « RFF ») représenté par son Président en exercice, dont le
siège social est situé 92-94 avenue de France, 75013, Paris.
FAITS
1. La Commune du Blanc-Mesnil est une ville de cinquante deux mille habitants située
dans le département de la Seine-Saint-Denis, à sept kilomètres des boulevards des
Maréchaux et du périphérique au nord-est de Paris.
Placé sur l'un des axes majeurs de développement de la région Île-de-France à mi-chemin
de Paris et de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, le Blanc-Mesnil est un pôle
économique et culturel actif dans le département.
Toutefois, depuis plusieurs années, la ville du Blanc-Mesnil rencontre des difficultés
particulièrement graves liées à sa desserte ferroviaire. Ces difficultés sont de nature à
porter atteinte à son image tant au niveau local que dans l’ensemble de l’Ile-de-France.
La Commune du Blanc-Mesnil est, notamment, desservie par les gares du Blanc-Mesnil
et de Drancy sur la ligne du RER B.
Les médias associent sans cesse la ville aux désordres de cette ligne, ce qui n’est pas sans
influence sur les stratégies d’implantation des entreprises.
Les usagers blanc mesnilois sont confrontés à des difficultés récurrentes qui peuvent
entrainer perte de salaire, refus d’embauche et contribuent à désorganiser, ou compliquer,
la vie familiale.
En 2010, la HALDE a reconnu, à la demande de la ville de La Courneuve, la réalité des
discriminations territoriales dont sont victimes certains territoires des villes et banlieues
populaires.
Aujourd’hui, la ville du Blanc Mesnil prolonge cette première reconnaissance par une
autorité publique de la réalité du vécu quotidien de centaines de milliers de franciliens en
demandant que soit reconnu, et sanctionné, la rupture d’égalité entre les usagers du
service public des transports dont sont victimes les habitants et entreprises de la ville du
fait de l’état de délabrement indigne de la ligne B du RER, et singulièrement des
conditions de desserte des gares de Drancy et du Blanc Mesnil.
2. La Gare du Blanc-Mesnil a été mise en service en 1980 par la Société nationale des
chemins de fer français (SNCF). C'est une gare qui appartient à la SNCF et qui est
essentiellement desservie par les trains de la ligne B du RER. Elle est située à 13
kilomètres de la gare de Paris-Nord. La gare de Drancy appartient aussi à la SNCF et a
été construite par les villes de Drancy et du Blanc-Mesnil en 1919.
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La ligne B du RER d'Île-de-France est une ligne du réseau express régional d'Île-deFrance qui traverse l'agglomération parisienne selon un axe nord-est/sud-ouest, avec
plusieurs embranchements.
Elle relie Aéroport Charles-de-Gaulle 2 TGV et Mitry - Claye au nord-est, à Robinson et
Saint-Rémy-lès-Chevreuse au sud, en passant par le cœur de Paris.
La ligne B est une ligne exploitée par la SNCF, de Gare du Nord à Aéroport Charles-deGaulle 2 TGV et Mitry - Claye et par la RATP, de Gare du Nord à Saint-Rémy-lèsChevreuse et Robinson, qui fonctionne en principe de 5 h 00 à 1 h 00 du matin environ,
tous les jours de l'année, à l'aide de cent dix-neuf rames MI 79 et de nombreuses rames
MI 84.
A cet égard, le périmètre d’exploitation de la SNCF en ce qui concerne la ligne B du RER
est défini dans les contrats quadriennaux que l’établissement conclut avec Syndicat des
Transport d’Ile de France.
Sur ce point l’article 5 du contrat quadriennal 2008-2011 signé entre la SNCF et le
STIF le 21 février 2008 précise :
« La SNCF, établissement public industriel et commercial, a pour objet
d’exploiter, selon les principes du service public, le transport ferroviaire de
voyageurs sur le réseau ferré national. Elle exploite en particulier le service de
référence qui lui est confié pour l’Ile-de-France, et qui est défini par le présent
contrat » (Production n°1, p. 12).
L’article 6 du même contrat décrit l’offre de référence et précise :
« Au 1er janvier 2008, l’offre de transport de référence faisant l'objet du contrat
porte sur les services réguliers décrits dans l’annexe A1, regroupés en deux
réseaux : le réseau des services ferroviaires (article 6-1 -) et le réseau des services
routiers (article 6-2 -).
(…)
Le réseau ferroviaire comprend les 14 sous-réseaux Transilien, constitués de 45
axes selon les regroupements suivants :
RER B :
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- Paris-Nord / Aulnay-sous-Bois ;
- Paris-Nord / Aéroport CDG 2 ;
- Paris-Nord / Mitry-Claye » (Production n°1, p. 14-16).
Quant au contrat quadriennal 2012-2015 signé le 3 mai 2012 entre le STIF et la
SNCF, son article 4 précise :
« La SNCF, établissement public industriel et commercial, a pour objet
d’exploiter, selon les principes du service public, le transport ferroviaire de
voyageurs sur le réseau ferré national. Elle exécute en particulier l’offre de
services qui lui est confiée pour l’Ile-de-France, et qui est définie par le présent
contrat » (Production n°2, p.47).
Le périmètre de l’offre ferroviaire est défini à l’article 7-1 qui précise que le réseau
ferroviaire comprend « 13 lignes Transiliens dont 5 lignes de RER (…). Ces 13 lignes
sont subdivisées en 44 branches décrites en annexes I-A-1 » (Production n°2, p. 50).
L’annexe I-A-1 du contrat quadriennal 2012-2015 précise que l’offre contractuelle
Transilien comprend :
« RER B :
- Paris-Nord / Aulnay-sous-Bois ;
- Paris-Nord / Aéroport CDG 2 ;
- Paris-Nord / Mitry-Claye » (Production n°2, p. 151).
Ainsi, la gare du Blanc-Mesnil, en tant qu’elle est située sur la ligne de RER B ParisNord / Aulnay-sous-Bois relève du périmètre d’exploitation qui incombe à la SNCF.
Dans ce cadre, l’article 5 du contrat quadriennal 2008-2011 précise que la SNCF est
soumise, légalement et contractuellement, à des obligations de service public au sens du
droit communautaire, notamment l’obligation :
« - d’exploiter et d’entretenir tous les moyens en sa possession pour garantir un
service de transport répondant à des normes de continuité, de régularité, de
fréquence, d’amplitude, de sécurité et de qualité ;
- de transporter, s’analysant comme l’obligation pour l’entreprise d’accepter et
d’effectuer tout transport de voyageurs à des tarifs publics et conditions de
transport déterminés ou homologués par le STIF ;
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- de tarification, considérée comme l’obligation pour l’entreprise d’appliquer les
tarifs et d’accepter les titres de transport selon les conditions générales de vente
et d’utilisation fixées par le STIF ;
- de contribuer à la sûreté des voyageurs (Production n°1, p. 12).
Les mêmes dispositions ajoutent que dans le cadre du présent contrat, la SNCF assure
notamment :
- « la fourniture du service de référence dans les conditions prévues par le contrat
en termes d’offre, de qualité de service, de tarification, de distribution de titres et
de lutte contre la fraude, et informe le STIF sur son exécution » ;
- « la maintenance et le renouvellement du matériel, des installations et des
équipements nécessaires à l’exécution du service de référence, autres que ceux de
l’infrastructure du RFN » (Production n°1, p. 12).
Dans le même sens, l’article 4 du contrat quadriennal 2012-2015 prévoit que la SNCF
assure :
- « l’exécution du service dans les conditions prévues par le contrat en terme
d’offre, de qualité de service, de tarification, de distribution de titres et de lutte
contre la fraude, d’information du STIF ;
- la maintenance et le renouvellement du matériel, des installations et des
équipements nécessaires à l’exécution du service de référence, autres que ceux de
l’infrastructure RFN » (Production n°2, p. 47).
Et, l’article 5 ajoute que le service de transport collectif dont est en charge la
SNCF comprend :
- « L’exploitation de l’ensemble des services réguliers de voyageurs assurés par
les trains ou tram-trains Transilien et par les lignes routières tels que définis à
l’article 1er 1° du décret n°59-157 du 7 janvier 1959 décrit dans le titre I ;
- L’exploitation des gares, points d’arrêts, stations de tramway, arrêts de bus et
gares routières ;
- La maintenance des matériels, installation et équipements autres que
l’infrastructure nécessaire à l’exécution des services » (Production n°2, p. 48).
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La RATP est, notamment, en charge du matériel roulant ainsi que le rappelle le dossier
d’émergence du schéma directeur RER B (Production n°3).
Sur ce point, tant le contrat de partenariat 2008-2011 conclu entre le STIF et la RATP,
que celui de 2012 affirme le principe d’une responsabilité conjointe des deux
établissements pour l’exploitation, notamment, du RER B (Cf. Production n°4 : article
10.2 qui précise la « priorité donnée à la régularité se traduit également par la mise en
place d’une responsabilité conjointe de la RATP et de la SNCF pour l’amélioration de la
régularité des lignes A et B du RER »).
Par ailleurs, l’article 39 du contrat de partenariat 2008-2011 précise :
« Dans le cadre du décret 75-450 du 4 juin 1975 et du présent contrat, la RATP a
une obligation générale d’entretien et de maintien en l’état des biens affectés à
l’exploitation. Les travaux d’entretien et de renouvellement comprennent toutes les
opérations qui sont nécessaires pour assurer en permanence la continuité du
service, et pour éviter un vieillissement anormal des biens.
La RATP présente annuellement sa politique de maintenance, de rénovation et de
renouvellement de ses matériels roulants, et tous les deux ans sa politique de
maintien en état du patrimoine par grandes familles d’équipements (2008 et
2010) » (Production n°4).
De même, l’article 43-1 du contrat ajoute :
« Le STIF souhaite porter une attention particulière à la réalisation de certains
projets ou programmes d’investissements dont l’impact est particulièrement
significatif sur le service offert aux voyageurs. Afin d’inciter la RATP à réaliser les
investissements considérés comme prioritaires pour les voyageurs dans un
calendrier conforme à celui prévu par le Programme d’Investissement des
exercices 2008-2011, un mécanisme de bonus/malus adossé au respect de leur
délai de mise en service est mis en place. Les investissements prioritaires qui feront
l’objet de ce dispositif incitatif sont les suivants :
Matériel roulant RER :
- la rénovation des MI 79 qui équipent le RER B ;
- la rénovation des MS 61 qui équipent le RER A » (Production n°4).
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Ainsi, la RATP s’était engagée prioritairement à rénover, notamment, le matériel roulant
qui équipe le RER B.
Les obligations de Réseau Ferré de France sont fixées dans la Convention de partenariat
2009-2012.
Le préambule de cette convention fixe comme objectif à RFF le pilotage efficace des
actions concourant à l’amélioration de la qualité de service de l’infrastructure en termes
de régularité des circulations, notamment grâce à une maintenance adaptée au contexte
francilien, à l’accélération du renouvellement et à la modernisation de son exploitation
ainsi que la bonne anticipation des évolutions de la demande de transport ferroviaire et la
définition de réponses adaptées (Cf. production n°5)
L’article 1 de la convention précise, notamment, qu’elle fixe les actions concernant la
qualité de service, les orientations en matière de maintenance, de renouvellement, de
fiabilisation et de modernisation, en visant le plus haut niveau pour l’infrastructure
concernée (production n°5, article 1).
Comme l’indique l’article 3-1, cette convention concerne notamment le « RER B, partie
SNCF entre Gare du Nord et Mitry/Roissy CDG » (production n°5).
A cet égard, l’article 3-3 de la convention (production n°5) précise que les missions de
RFF sont :
- d’exercer la maîtrise d'ouvrage des opérations d'investissement, soit directement,
soit en confiant un mandat à un tiers ;
- de définir les objectifs et les principes de la gestion du trafic et des circulations
ainsi que du fonctionnement et de l’entretien des installations techniques et de
sécurité. La mise en œuvre en est confiée à la SNCF, que RFF rémunère à cet
effet ;
- de répartir sans discrimination entre différentes entités habilitées à formuler des
demandes - entreprises ferroviaires, opérateurs de transport combiné, personnes
et collectivités publiques, dont le STIF, organisant un service public de
transports de voyageurs, … - les capacités d’infrastructures pour des trafics de
voyageurs ou de fret. RFF peut proposer des sillons différents de ceux qui sont
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demandés lorsque certaines demandes sont incompatibles entre elles au regard
des possibilités et des performances de l’infrastructure.
Il résulte de ces dispositions que RFF est en charge de l’entretien des installations
techniques et de sécurité ainsi que des objectifs et des principes de gestion du trafic.
3. Toutefois, depuis plusieurs années, la desserte de la Gare du Blanc-Mesnil par le RER
B est mal assurée.
Il est constant que les usagers, notamment, ont été placés dans une situation
particulièrement difficile en particulier en raison :
- du caractère aléatoire des horaires du RER ;
- du caractère répété de la suppression des trains ;
- de l’absence de fiabilité de la desserte ;
- de la multiplicité des incidents techniques.
Cette situation est de nature à porter atteinte à l’image et à l’attractivité de la Commune
du Blanc-Mesnil.
Dans ces conditions, par le présent recours, la Commune du Blanc-Mesnil demande au
Tribunal administratif de constater que la détérioration du service rendu sur la ligne B du
RER a pour origine une faute de la SNCF dans ses missions d’exploitation et d’entretien
normal d’un ouvrage public, en particulier, s’agissant des dysfonctionnements de la
desserte de la ville du Blanc-Mesnil, et de la condamner au paiement de un euro
symbolique par habitant de la ville, soit 52.000 euros au titre de son préjudice d’image.
Les difficultés subies par le tronçon géré par la SNCF sont dues au défaut d’entretien du
matériel roulant dont cette société est responsable. Mais elles trouvent également leur
origine dans les perturbations liées à la réorganisation, la désorganisation serait mieux
dire, de l’entretien des rames opéré dans les ateliers situés à Massy, appartenant à la
RATP.
A seule fin d’opérer des économies, la RATP a supprimé l’entretien du matériel exécuté
le weekend. Moins régulièrement entretenus et moins souvent remplacés, le matériel
roulant ainsi que les équipements fixes sont de plus en plus victimes de pannes ou
d’avaries.
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La RATP est donc également responsable des conditions de desserte du tronçon géré par
la SNCF.
Réseau Ferré de France en charge de l’entretien des voies et des équipements de
signalisation contribue également, pour une part essentielle, à la désorganisation du trafic
de la ligne B du RER.
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DISCUSSION
I.– A titre liminaire sur la compétence de la juridiction administrative
Le contentieux engagé par la ville du Blanc-Mesnil relève de la compétence de la
juridiction administrative.
A cet égard, le Tribunal des conflits a jugé :
« que si l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 s'applique aux dommages qui
sont le fait d'un véhicule appartenant à la SNCF ou placé sous sa garde, tel un
train, et à ceux qui sont imputables à l'un de ses agents chargé de conduire ce train
ou associé à sa conduite, cette disposition n'a pas pour objet, et ne saurait avoir
pour effet, de déroger aux règles normales de compétence applicables aux actions
en responsabilité engagées sur un fondement autre que celui qui est seul visé par
cette disposition ; que l'action en responsabilité exercée par Mme Dergam à
l'encontre de la SNCF est fondée sur le défaut d'entretien normal de l'ouvrage
public constitué par la voie ferrée à l'égard de laquelle son fils avait la qualité
d'usager non autorisé ; qu'il en résulte que le litige relève de la compétence de la
juridiction administrative » (TC, 2 juin 2008, req. n°3619).
Dans le même sens, s’agissant du défaut d’entretien normal d’un ouvrage public, le
Conseil d’Etat a jugé que l’action en responsabilité dirigée contre la SNCF par des tiers
relève de la compétence du juge administratif (CE, Avis, 3 février 2003, req. n°251172).
A cela, il convient d’ajouter que le Tribunal des Conflits a précisé que les litiges relatifs
aux mesures d’organisation du service public relèvent de la compétence de la juridiction
administrative et ce quand bien même ce service est industriel et commercial et qu’il
s’agisse de tiers ou d’usagers (TC, 26 avr. 2004, req. n° 3379, CAA Douai, 13 mars 2001,
req. n° 99DA01939, Rec. CE 2001, p. 883 ; CE, 26 juin 1989, Rec. CE 1989, p. 544).
Au cas présent, comme cela sera démontré ci-après, les défaillances de la SNCF, de la
RATP et de RFF dans la desserte de la gare du Blanc-Mesnil relèvent tout à la fois d’un
défaut d’entretien normal de ces ouvrages et d’une faute dans l’organisation du service
public ferroviaire.
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II. Sur la faute commise par la SNCF dans les modalités d’organisation
A / Sur le défaut d’entretien normal
1. Aux termes d’un avis rendu le 3 février 2003, le Conseil d’Etat a précisé :
« L'article 5 de la loi du 13 février 1997 dispose que Les biens constitutifs de
l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation des services de
transport appartenant à l'Etat et gérés par la société nationale des chemins de fer
français sont, à la date du 1er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau
ferré de France. Les biens constitutifs de l'infrastructure comprennent les voies....
L'article 6 de la même loi ajoute que : Réseau ferré de France est substitué à la
Société nationale des chemins de fer français pour les droits et obligations liés aux
biens qui lui sont apportés, à l'exception de ceux afférents à des dommages
constatés avant le 1er janvier 1997 ....
Enfin aux termes du 3° alinéa de l'article 1er de la loi précitée Compte tenu des
impératifs de sécurité et de continuité du service public, la gestion du trafic et des
circulations sur le réseau ferré national ainsi que le fonctionnement et l'entretien
des installations techniques et de sécurité de ce réseau sont assurés par la société
nationale des chemins de fer français pour le compte et selon les objectifs et
principes de gestion définis par Réseau ferré de France.
(….)
Chargée de l'entretien des voies comme prestataire de services de Réseau ferré de
France, la SNCF ne peut voir sa responsabilité engagée vis-à-vis des tiers que si
des dommages sont directement imputables aux modalités d'entretien de
l'ouvrage ».
Il ressort de ces dispositions que la SNCF peut voir engager sa responsabilité à l’égard
des tiers en ce qui concerne les dommages qui sont directement imputables aux modalités
d’entretien des ouvrages dont elle a la charge.
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Par ailleurs, il est constant que les dommages causés par l’exploitation d’un service
public faisant usage d’un ouvrage public sont assimilés à des dommages résultant de
l’ouvrage public lui-même, c’est-à-dire, à des dommages de travaux publics.
Cette jurisprudence trouve à s’appliquer lorsque le dommage trouve son origine dans
l’exploitation d’un service public industriel et commercial (CE, sect., 25 avril 1958, Vve
Barbaza, Lebon. 228).
2. Au cas présent, il est constant que les défaillances de la SNCF dans la desserte de la
gare du Blanc-Mesnil trouvent leur origine dans la vétusté des ouvrages du fait d’un
défaut d’entretien normal des ouvrages exploités, lequel entraîne des dysfonctionnements
graves sur l’ensemble du réseau.
Ce défaut d’entretien est établi.
Il a été largement mis en avant dans le Rapport relatif aux modalités, au financement et à
l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Îlede-France de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale du 7 mars 2012
(Production n°6).
De même, la Cour des Comptes n’a pas manqué de relever les insuffisances de l’entretien
du réseau ferroviaire national dans sa Communication à la Commission des finances du
Sénat sur l’entretient du réseau ferroviaire national de juillet 2012.
Notamment, ce rapport relève :
« Les caténaires des RER B et C datent des années 1920. Les installations de
signalisation du Transilien sont à l’origine des 2/3 des retards dus à des
défaillances d’infrastructure que les caténaires » (Production n°7, p. 78).
Les médias n’ont d’ailleurs pas manqué de pointer les problèmes d’entretien du réseau du
RER B en lien avec les dysfonctionnements et les retards perpétuels des trains
(Production n°8).
3. Or, aux termes des contrats quadriennaux qu’elle a signés avec le STIF, la SNCF s’est
engagée à être attentive à la qualité du service des transports et, au premier titre, à leur
ponctualité.
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Comme cela a été précédemment évoqué, lors de la signature du contrat quadriennal
2008-2011, la SNCF s’est engagée à garantir un service de transport répondant à des
normes de continuité, de régularité, de fréquence, d’amplitude, de sécurité et de qualité
(Cf. Article 5 du contrat, Production n°1).
De même, s’agissant du contrat quadriennal 2012-2015, la SNCF s’est engagée à
exploiter et entretenir tous les moyens en sa possession pour garantir un service de
transport répondant à des normes de continuité, de régularité, de fréquence, d’amplitude,
de sécurité et de qualité (Cf. article 4 du contrat, Production n°2).
En outre, dans ce même contrat, la SNCF s’est engagée sur des objectifs de ponctualité
(Cf. annexe I, page 53 du contrat, Production n°2).
Les syndicats CGT-UNSA-SUD-CFDT et FO de la SNCF sont unanimes à dénoncer
l’insuffisance des moyens matériels et humains et le sous investissement à l’origine du
déni de transport constaté (Production n° 9).
Les premiers témoignages d’usagers recueillis par la commune sont accablants.
Dès l’annonce faite du dépôt du présent recours, les témoignages spontanés des usagers
ont afflué.
Ceux-ci sont unanimes à dénoncer les conditions scandaleuses de transport qui leur sont
imposées :
Retards systématiques, suppressions des trains, défaut d’information, guichets
automatiques en panne, saleté des wagons ; rien n’est épargné aux voyageurs.
Ceux-ci font état des difficultés rencontrées avec leur employeur : pertes de salaire, de
primes dues aux retards à leur lieu de travail ;
Angoisse de ne pas être à l’heure pour prendre les enfants à la crèche, l’école ou chez la
nourrice ;
Nombreux sont ceux qui rallonge leur itinéraire pour se rendre à pieds aux stations
d’Aulnay sous bois ou du Bourget plus régulièrement desservies.
Avec humour des usagers se félicitent des jours de grève, période où le service fonctionne
mieux, la fréquence des trains étant alors de 10 minutes.
Un autre note que grâce à la ligne B il ne connait pas la routine des transports quotidiens.
D’autres relatent qu’il leur arrive de négocier avec le conducteur pour que celui-ci opère
un arrêt sauvage en gare du Blanc Mesnil, ce que certains conducteurs acceptent !
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Sobrement un autre note avec désappointement : « on a envoyé des hommes sur la lune
en 1969, mais en 2012 faire Drancy-gare du nord, c’est la galère assurée un jour sur
deux » (production n°10).
On ne saurait mieux résumer l’état lamentable auquel est arrivé ce service public.
III. Sur le préjudice subi par la ville du Blanc-Mesnil
Les dysfonctionnements répétés de la desserte de la gare du Blanc-Mesnil et de Drancy ont
pour conséquence de porter atteinte à l’image de la ville du Blanc-Mesnil.
Le Conseil d’Etat a admis que le préjudice d’image subi d’une personne publique ouvre
droit à réparation pour autant qu’il présente un caractère direct et certain (CE, 21 déc. 2007,
Région du Limousin, req. n° 293260).
A cet égard, la ville du Blanc-Mesnil produit un ensemble de témoignages paru dans les
médias dans lesquels la gare du Blanc-Mesnil et, par extension, la commune sont
perpétuellement associées aux dysfonctionnements du RER B (cf. Production n°8).
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PAR CES MOTIFS
La VILLE DU BLANC-MESNIL conclut à ce qu'il plaise au Tribunal
administratif :
DECLARER solidairement la SNCF, la RATP et le Réseau Ferré de France responsables
des dysfonctionnements de la desserte de la ville du Blanc-Mesnil
- les CONDAMNER solidairement à lui verser la somme de 52.000 Euros au
titre des préjudices qu’elle a subis ;
- Les CONDAMNER solidairement à lui verser la somme de 8.000 Euros au
titre des frais irrépétibles prévus par l'article L.761-1 du Code de justice
administrative.
Fait à Paris,
Le 7 décembre 2012
PRODUCTIONS :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
Contrat Quadriennal 2008-2011 ;
Contrat Quadriennal 2012-2015 ;
Extrait du Dossier d’émergence du schéma directeur RER B
Contrat de Partenariat STIF - RATP
Convention de partenariat STIF – RFF ;
Extrait du Rapport relatif aux modalités, au financement et à l’impact sur
l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-deFrance, Mars 2012 ;
Communication à la Commission des finances du Sénat sur l’entretien du
réseau ferroviaire national de juillet 2012 ;
Extraits de la presse ;
Tract intersyndical de la SNCF
Témoignages des usagers
15

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