PICO MID morphine version

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PICO MID morphine version
MORPHINE DANS L’OEDEME PULMONAIRE AIGU
QUESTION : Quelle est l’efficacité de la morphine dans le traitement de l’OAP?
AUTEUR : Marie-Isabelle Desrosiers (NOVEMBRE 2007)
P
I
C
O
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Patients en OAP
Ajout de la morphine au traitement
Pas de morphine
Diminution de la mortalité, amélioration des paramètres cliniques et
réduction de la durée de séjour
CONTEXTE:
Je vois souvent des OAP et j’entends souvent des opinions contradictoires face
à la place de la morphine dans le traitement aigu de cette pathologie. Est-ce que
l'ajout de la morphine améliore ou non les symptômes? Est-ce que ça améliore
l’anxiété du patient comme on m’a souvent dit? Est-ce que l’ajout de la morphine
au traitement standard a un effet sur la mortalité ?
RECHERCHE:
Cochrane: Aucun résultat pertinent avec les mots "morphine and pulmonary ou
"morphine and failure": 75 revues, dont aucune appropriée.
Clinical Evidence: Dans la section Heart Failure, on trouve plusieurs articles
intéressants.
Up to Date: Rien de spécifique sur l’effet de la morphine.
Best Bets : On y aborde la question.
RÉSULTATS:
Généraux:
1) Johnson MJ. Management of end stage cardiac failure. Postgrad. Med. J.
2007 Jun; 83(980) : 395-40.
Revue de littérature sur la gestion de l'insuffisance cardiaque chronique, donc
des informations peu utiles à notre question. Les auteurs mentionnent certaines
données qui semblent supporter l’utilisation des opiacés pour contrôler les
symptômes de dyspnée dans l’insuffisance cardiaque chronique.
2) Millane T. et al. ABC of heart failure: Acute and chronic managment
strategies. BMJ 2000 Feb 26; 320 (7234) :559-562.(Revue de la littérature)
Méthode: Revue des lignes de conduites du ACC/AHA Task force report et du
Task Force of the Working Group on Heart Failure of the European Society of
Cardiology.
Les auteurs mentionnent : Les opiacés par voie parentérale sont un traitement
d’appoint important dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque sévère.
Ces médicaments diminuent l’anxiété, la douleur et la détresse en diminuant la
demande myocardique en oxygène. Les opiacés intraveineux produisent aussi
une dilatation veineuse transitoire, entraînant donc une diminution de la précharge et de la congestion pulmonaire.
Toutefois, ceci n'est pas soutenu par des données ou études sur l'efficacité réelle
de cette mesure.
Spécifiques:
3) Hall M. et al. Is morphine indicated in acute pulmonary oedema. Emerg.
Med. J. 2005 May; 22 (5) :391.(Lettre d'opinion de médecins cliniciens)
Les auteurs suggèrent que la morphine ne soit utilisée que dans les cas
d’oedème aigu du poumon où l'analgésie est requise en association avec un
infarctus du myocarde. Pour les bénéfices de vasodilatation, ils suggèrent
d'utiliser des nitrates ou des diurétiques. Les raisons qu'ils évoquent pour
soutenir leur recommandation sont liées à la dépression respiratoire associée
aux opiacés qui peuvent augmenter l'hypoxie et donc potentiellement exacerber
l'insuffisance cardiaque. Pour appuyer leurs dires, ils citent une référence du
Medical journal of Australia (1992 p.326) qui relate 3 cas de personnes âgées
ayant reçu des opioïdes en préhospitalier et qui étaient inconscientes et
hypotendues à leur arrivée à l’hôpital. Les 3 personnes ont bien répondu au
naloxone.
4) BEST BETS
Mr Marcin A Sosnowski M.B. Ch.B., F.R.C.S. Ed, F.C.E.M.Does the application
of opiates, during an attack of Acute Cardiogenic Pulmonary Oedema,
reduce patients' mortality and morbidity? 20 septembre 2006
MÉTHODE: Recherche extensive dans Old Medline, Medline , Embase et
d’autres bases de données.
RÉSULTATS: 4 études rapportaient des résultats orientés vers le patient (patient
oriented evidence).
2 études prospectives :
4a) Hoffman et al. Comparison of nitroglycerine, morphine and furosemide
in treatment of presumed pre-hospital pulmonary edema. Chest .1987. 92;
586-593 : 23% des patients retenus n’avaient pas d’OAP (patients traités en préhospitalier), petits groupes
57 patients divisés en 4 groupes: A) nitroglycerine-furosemide, B) morphinefurosemide, C) les trois agents, D) nitroglycerine-morphine
Randomisation mal effectuée et pas à l’aveugle.
Résultats:
-Patients ayant reçu de la morphine évoluaient moins bien mais il n’y a pas eu de
comparaison statistique directe entre les groupes A et C.
-Subjectivement, 12 patients du groupe A se sont améliorés vs 8 dans le groupe
C et aucun ne s’est détérioré dans les 2 groupes.
-Objectivement, on compte 12 patients améliorés dans le groupe A vs 9 dans le
groupe C et 1 patient dont l’état s’est détérioré dans le groupe C vs 0 dans
le goupe A.
4b) Beltrame et al. Nitrate therapy is an alternative to furosemide/morphine
therapy in the management of acute cardiogenic pulmonary edema. Journal
of Cardiac Failure.1998 Dec. 4(4):271-9.
69 patients consécutifs divisés en 2 groupes (morphine-furosémide et
nitroglycéride-N acetylcysteine), processus de randomisation pas clair, pas à
l’aveugle. Résultat: pas de différence entre les groupes.
Et 2 revues de dossiers (rétrospectives):
4c) Sachetti et al. Effect of ED management on ICU use in acute pulmonary
edema. American Journal of Emergency Medicine. 1999. 17(6):571-4.
181 patients avec OAP. Groupe hétérogène.
Résultat: patients ayant reçu de la morphine avaient 3X plus de risque d’aller aux
soins intensifs (odds ratio, 3.08; P = .002) et 5X plus de risque d’être intubé
(odds ratio, 5.04; P = .001).
4d) Fiutowski et al. Polski Przeglad Kardiologiczny. Vol. 5(4);409-414.
276 patients.
Résultat: plus de mortalité chez les patients ayant reçu de la morphine. Pas de
lien causal établi.
CONCLUSION DE L’AUTEUR: Il n’y a pas de bonnes données supportant
l’utilisation d’opiacés dans le traitement d’un oedeme pulmonaire cardiogénique
aigu. Les études cliniques les plus récentes suggèrent une association entre
l’utilisation d’opiacés et une évolution plus défavorable. Son utilisation dans le
traitement des OAP est donc questionnable et devrait être étudiée d’une façon
appropriée. Il est difficile de justifier d’avoir recours aux opiacés comme agent de
première ligne dans le traitement d’un OAP. Les autres thérapies devraient être
privilégiées car elles sont plus susceptibles d’être bénéfiques pour le patient..
CONCLUSION:
Je ne suis pas parvenue à trouver de bonnes études sur le sujet. La morphine
semble présenter des avantages sur le plan théorique pour la diminution de
l'anxiété et de la dyspnée, ainsi que pour créer une augmentation de la dilatation
veineuse. Mais la traduction de ces effets en un impact clinique bénéfique dans
les cas d’œdème pulmonaire aigu n’a pas été démontré. Il est important de
reconnaître dans quel contexte la morphine est donnée, à savoir s’il y a un
contexte de douleur associée à la dyspnée ou non. La dyspnée, en tant que telle,
peut être mieux contrôlée par le contrôle de l’OAP avec des traitements
spécifiques. Quand à l'anxiété, certains cliniciens font appel aux
benzodiazépines, mais sont-ils plus sécuritaires?
Il est donc évident qu'il manque de données pour soutenir la pratique de donner
de la morphine dans les cas d’OAP. Dans ces cas, la morphine ne semble pas
réduire la mortalité et peut-être même est-ce le contraire. Son usage doit être
individualisé dans le contexte des symptômes et du risque potentiel de
dépression respiratoire et d'augmentation de l'hypoxie.