Eau et énergie : destins croisés
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Eau et énergie : destins croisés
EAU et ENERGIE : Destins croisés COORDINATEURS GILLES GUÉRASSIMOFF Enseignant chercheur, dirige le Mastère OSE. NADIA MAÏZI, Professeur, dirige le Centre de Mathématiques Appliquées. AUTEURS Promotion 2009 du Mastère OSE SERGE ANATO BOB BELLINI STÉPHANIE BOUCKAERT CHARLES BOURDIL PERRINE GAUTHIER DIANE JULIEN DE ZÉLICOURT VINCENT KRAKOWSKI NICOLAS MEUNIER PIERRE MILLOT CAM THAO NGUYEN THI AURÉLIEN OUELLETTE BENOÎT PEZOUS PRISCA RANDIMBIVOLOLONA JOHANN THOMAS HÉLÉNA WAGRET EMMANUEL WATRINET DAVID ZETLMEISL 2 Eau et énergie : destins croisés AVANT PROPOS Comment coordonner un groupe d’ingénieurs et managers se spécialisant dans l’optimisation des systèmes énergétiques dans l’élaboration d’un travail original illustrant cette thématique ? Tel est le challenge que nous relevons chaque année avec les promotions du Mastère OSE spécialisé en Optimisation des Systèmes Énergétiques de l’École des Mines de Paris. Cette formation propose un éclairage original sur l’optimisation et la prospective appliquées au monde de l’énergie. Vous trouverez tous les renseignements sur notre site internet http://www.ose.cma.fr. Dès le début de leur formation, nous proposons aux étudiants un sujet original afin qu’ils puissent produire un travail de qualité se déclinant en plusieurs éléments dont le présent ouvrage. Cet ouvrage est la deuxième parution issue du Mastère OSE. Pour la promotion 2009, nous leur avons proposé de faire un point sur les synergies entre l’eau et l’énergie. Ce sujet hautement d’actualité dans le contexte du changement climatique permet de d’aborder différents maillons de la chaîne énergétique au travers différentes disciplines. Il est impossible de séparer complètement l’eau de l’énergie et réciproquement et ceci dans tous les domaines (techniques, économiques, environnementaux et politiques). Hormis la synthèse qui a abouti à ce livre, un voyage d’étude a été entrepris en Afrique du Sud afin d’illustrer et d’approfondir leurs connaissances de l’eau et l’énergie dans un pays ou le stress hydrique est une problématique quotidienne. Pendant ce voyage, les élèves ont eu à dispenser une conférence sur ce sujet à l’Université du Cap devant un public d’étudiants et d’enseignants chercheurs de la Chaire de l’UNESCO en hydrogéologie. Enfin, la thématique de l’eau et l’énergie a servi à l’élaboration d’un colloque « eau et énergie : quelles interactions, quelles synergies ? » qui s’est déroulé à l’Agora Einstein de Sophia Antipolis le 01 octobre 2010. A partir de cette thématique, il est illusoire de penser faire le tour de la question en un seul ouvrage. « Eau et Énergie », la question est vaste et le simple fait de vouloir définir les interactions de l’eau pour l’énergie à l’énergie pour l’eau demanderait un travail colossal ! Cependant, nous ne pouvions réaliser cet ouvrage sans commencer par un état des lieux sur les ressources et usages de l’eau et l’énergie dans les différentes régions du monde. Ensuite, à la lumière de ce premier chapitre, nous pour illustrer les synergies discuterons des usages de l’eau dans la chaîne énergétique et de l’usage de l’énergie dans le traitement des eaux. Le changement climatique étant une préoccupation majeure de ce siècle, ses conséquences sur l’eau et l’énergie sont discutées avant de donner un éclairage sur le rôle de l’énergie dans la complexité des conflits liés à l’eau. Enfin, nous focalisons sur le dessalement et le rôle qu’il pourra jouer sur les tensions entre l’eau et l’énergie pour finir par une réflexion prospective sur l’avenir de l’eau pour la production d’électricité. Avant-Propos 3 AVERTISSEMENTS Cet ouvrage ne peut prétendre à l’exhaustivité sur la question comme pourrait l’évoquer son titre. Nous avons voulu aborder la question des synergies eau-énergie par le biais de différents éclairages selon les disciplines. Nous n’avons pas quantifié en détail toutes les applications énergétiques qui nécessitent une quantité considérable d’eau pour leur viabilité. Par ailleurs, nous nous sommes uniquement focalisés sur l’usage de l’énergie dans le traitement de l’eau par l’exemple. Enfin certains éclairages particuliers dans le domaine géopolitique, usage de la ressource marine et fluviale, ou rôle du dessalement ont été choisi pour leur importance. Une étude plus généralisable n’a pu être réalisée car elle aurait demandé une attention particulière qui n’était pas le but de ce livre. Les élèves qui ont rédigé les articles ont forcément inconsciemment pris parti dans certaines de leurs analyses et nous leur avons volontairement laissé cette liberté afin de susciter la réflexion du lecteur. Les spécialistes pourront trouver que certains passages montrent un manque de recul pour être complètement pertinent ; quant aux néophytes, cet ouvrage leur permettra de découvrir une problématique complexe à travers des opinions, qui, quelquefois doivent être débattues. Nous vous invitons par conséquent à vous référer à la bibliographie de chacun des articles afin de parfaire vos connaissances. REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier toutes les personnes ayant apporté une contribution à l’élaboration de cet ouvrage, que ce soit par les discussions qu’ont pu avoir les auteurs avec les spécialistes des thématiques abordées, par les visites que nous avons effectuées lors de notre voyage d’étude en Afrique du Sud ou par les relectures des articles par des spécialistes de l’eau. Il est très important d’avoir eu ce regard critique, même si nous n’avons pu intégrer toutes les remarques qui nous ont été faites. Il nous a permis de mettre en garde le lecteur pour les prises de positions et pour les imperfections dont peut parfois souffrir cet ouvrage sans en ôter toute sa valeur pour un éclairage sur la question des synergies eau-énergie. Enfin, je tiens à remercier tout particulièrement tous les élèves-auteurs de la promotion 2009, pour leur travail acharné et en particulier Benoît PEZOUS pour son rôle de chef de ce projet. Je remercie aussi vivement Nadia MAÏZI, Marc BORDIER, Valérie ROY, et tous les enseignants chercheurs et doctorants du CMA qui ont rendu possible la publication de cet ouvrage. Bonne lecture. GILLES GUERASSIMOFF 4 Eau et énergie : destins croisés SOMMAIRE AVANT PROPOS 2 INTRODUCTION 5 PARTIE 1 : LES FORCES EN PRÉSENCE 9 CHAPITRE 1 : DEUX RESSOURCES SOUS TENSION 11 PARTIE 2 : VISION TECHNIQUE CROISÉE 43 CHAPITRE 2 : USAGES EXCESSIFS DE L’EAU POUR L’ÉNERGIE 45 CHAPITRE 3 : L’ÉNERGIE : VECTEUR DE POLLUTION ET DE DÉPOLLUTION DES EAUX 73 PARTIE 3 : LES ÉCUEILS COMMUNS 117 CHAPITRE 4 : DES RESSOURCES VULNÉRABLES : LES CONSÉQUENCES DES CHANGE‐ MENTS CLIMATIQUES 119 CHAPITRE 5 : DES RESSOURCES CONVOITÉES : UN REGARD GÉOPOLITIQUE 153 PARTIE 4 : EXPLOITER LES SYNERGIES : LES SOLUTIONS D’AVENIR 185 CHAPITRE 6 : LES ÉNERGIES FLUVIALES ET MARINES 187 CHAPITRE 7 : AVENIR DES TENSIONS ENTRE L’EAU ET L’ÉNERGIE : LE RÔLE MAJEUR DU DESSALEMENT 239 PARTIE 5 : PENSER LE FUTUR 271 CHAPITRE 8 : DES TRAJECTOIRES INDISSOCIABLES 273 ANNEXES 293 ANNEXE 1 : INDICATEURS DE RESSOURCES 295 ANNEXE 2 : OPTIMISATION ET RECHERCHE OPÉRATIONNELLE 305 TABLE DES MATIÈRES 315 INTRODUCTION De destins croisés en inséparable destinée NADIA MAÏZI Le regard de la société et son rapport à l’énergie se sont profondément modifiés à la lumière de la question climatique. Si la raréfaction des ressources, principalement fossiles, est centrale dans les débats sur notre avenir énergétique, la place de l’eau n’est encore que rarement envisagée. L’eau, source de vie par excellence, a fait l’objet de nombreux ouvrages sur les menaces que notre civilisation de progrès fait peser sur elle. Mais il est rare qu’elle ait été abordée à travers le prisme de l’énergie, et c’est le pari que nous avons fait, pour éclairer les enjeux complexes de questions liées à l’environnement et au climat. Ainsi, dans cet ouvrage collectif, les relations entre eau et énergie sont décloisonnées : en une traversée unique et originale, nos jeunes auteurs nous démontrent que leurs destins sont désormais intimement liés. Et ce travail nous entraîne en cinq déclinaisons thématiques, dans une vision pertinente et originale de la complexité des rapports entre eau et énergie. Pour cela, il nous faut apprécier les forces en présence en posant les éléments fondamentaux de contexte, concentrés en un premier chapitre introductif. Cette revue, intitulée Deux ressources sous tension, nous est proposée par P. Gauthier et A. Ouellette. L’eau comme ressource, son cycle, y sont abordés ; et en un rapprochement progressif, ses liens à l’énergie émergent, avec parmi les éléments de positionnement, la question des consommations régionales. Le stress hydrique et les enjeux tarifaires témoignent d’une situation tendue et préfigurent que la question de l’énergie apportera de nouveaux éléments de complexité. Pour aller plus loin sur ces synergies entre eau et énergie, c’est la vision technique croisée que nos jeunes ingénieurs privilégieront dans la seconde partie de l’ouvrage composée des deux chapitres suivants. Car comme ils aiment à nous le répéter, il ne s’agit pas d’une dépendance mais d’une interdépendance : souvent l’exploitation de l’eau nécessite de l’énergie et de l’amont à l’aval, la chaîne énergétique souvent exige un apport extérieur en eau. Pour mieux s’en convaincre, il faut suivre dans le deuxième chapitre, S. Anato et S. Bouckaert, qui analysent à travers le filtre de la production d’énergie, la question des usages excessifs de l’eau pour l’énergie. La diversité des usages de l’eau le long de la chaîne énergétique rend l’exercice de comptabilité en volume plutôt trouble : car ces usages varient par leur nature (l’eau est prélevée pour être consommée et/ou dégradée) et leur diversité : l’eau est indispensable pour l’aide à l’extraction des ressources, pour l’irrigation des cultures énergétiques, comme fluide caloporteur, source froide, moyen de stockage, … 6 Eau et énergie : destins croisés Quand s’établit un flux circulaire, où le secteur énergétique dégrade l’eau puis participe à sa dépollution, l’estimation du bilan devient encore plus délicate. C’est ce que nous présentent C. Thao Nguyen Thi et H. Wagret, dans le troisième chapitre, l’énergie : vecteur de pollution et de dépollution des eaux. On y trouve une classification, pas toujours aisée, des origines de la pollution des eaux, fléau mondial. La part de responsabilité du secteur énergétique est évaluée ainsi que son rôle pour y remédier techniquement : lorsque les actions seront exogènes, les apports nécessaires en énergie sont considérables ; les actions endogènes recherchent l’amélioration de l’efficacité des procédés eux mêmes. Afin de parfaire ce tour d’horizon, les leviers politiques et organisationnels pour l’élaboration de plans d’action de lutte contre cette pollution des eaux, sont finalement envisagés. Pour compléter les aspects techniques associés aux croisements potentiels entre l’eau et l’énergie, les auteurs nous emmènent dans les chapitres de la troisième partie dans une vision du pire, les écueils communs, en évoquant comment ces deux éléments subissent de concert les impacts des changements climatiques et la convoitise des hommes. Dans le chapitre quatre, des ressources vulnérables : les conséquences des changements climatiques, V. Krakowski et P. Randimbivololona abordent comment, au niveau mondial, eau et énergie sont affectés par les changements climatiques. Ils soulignent que la raréfaction de ces ressources associée à des difficultés d’accès ou d’approvisionnement pourraient accentuer la vulnérabilité de certaines populations. Ils évoqueront également les mesures d’atténuation et d’adaptation envisageables, tout en soulignant leurs limites. Guerre de l’eau, guerre de l’énergie ou quand la géopolitique participe au débat, des relations déjà complexes deviennent inextricables. Les développements de P. Millot et D. Julien de Zelicourt nous l’enseignent dans des ressources convoitées : un regard géopolitique, le chapitre cinq. Ils nous proposent de tempérer l’idée que l’eau serait cet objet principal de convoitise au cœur de nombreux conflits régionaux. Car bien souvent, c’est plus dans son pouvoir de contrôle sur l’énergie, tant pour la production que pour les questions d’approvisionnement, que réside la clef de ces tensions. Une fois encore c’est le lien eau et énergie qui prime. Et les auteurs insistent sur la difficulté d’élaborer des solutions pour ces problèmes interdépendants, tant le statut législatif de l’eau reste peu clair. Mais la liaison entre eau et énergie peut également être envisagée dans ce qu’elle a de meilleur et permettre d’élaborer une gestion plus respectueuse de ces ressources. C’est que la quatrième partie de ce livre, exploiter les synergies : des solutions d’avenir, évalue en élaborant comment l’eau peut participer à la résolution des enjeux évoqués jusqu’ici. Ainsi, B. Bellini, N. Meunier et J. Thomas nous proposent dans le chapitre six une revue technique détaillée sur les énergies fluviales et marines, dont les impacts sur l’environnement semblent relativement modérés. Si les premières technologies sont maitrisées depuis bien longtemps, les secondes sont encore assez largement immatures : au mieux à l’état de prototype, leur place éventuelle dans le futur mix reste incertaine. Quant à leur acceptation sociale, elle est en suspens, et les auteurs évo- Introduction 7 quent une fois encore la nécessité de leur accompagnement par un cadre législatif adapté. Dans le chapitre sept, C. Bourdil et B. Pezous abordent, lorsque le stress hydrique est devenu réalité, la question fondamentale pour l'avenir des tensions entre l'eau et l'énergie : le rôle majeur du dessalement. Ainsi, lorsque l’eau douce est synonyme de pénurie, les technologies de dessalement deviennent l’ultime recours. Mais ils nous expliquent que leur caractère énergivore peut les rendre inaccessibles. Ils envisagent alors comment une association plus vertueuse entre les ressources eau et énergie accompagnée de progrès technique devrait permettre de tempérer le risque, dans ces zones, d’épuisement conjoint de ces deux ressources. Au terme de cette traversée, les synergies entre eau et énergie sont apparues comme incontournables. Et pour parfaire l’analyse, la cinquième et dernière partie propose de penser le futur. E. Watrinet et D. Zetlmeisl en guise de conclusion confirment l’imbrication de ces destinées dans le chapitre huit, et réalisent un exercice prospectif eau et production d’électricité : des trajectoires indissociables. Dans une démarche prospective chère au Centre de Mathématiques Appliquées, ils proposent leur approche qui évalue la filière électrique, enjeu majeur dans les prochaines décennies dés lors que l’on estime un doublement potentiel de la consommation d’électricité mondiale d’ici 2050. A travers différents scenarii d’évolution du mix électrique, et dans une hypothèse où l’intensité associée en eau n’évoluerait pas, les impacts sur les consommations et prélèvements d’eau sont évalués, et l’accent est mis sur le lien avec certaines technologies prometteuses comme la capture et séquestration en carbone. Et ils constatent que pour la filière électrique, effectivement le lien à l’eau est établi pour longtemps. ILES FORCES EN PRÉSENCE 1. Deux ressources sous tension PERRINE GAUTHIER – AURÉLIEN OUELLETTE RÉSUMÉ Avant de s’interroger sur les interactions entre l’eau et l’énergie ainsi que sur le futur de nos besoins, il convient de se demander quelles sont nos ressources. En ouverture de cet ouvrage, ce chapitre propose un état des lieux des ressources et des consommations en eau et en énergie pour les différentes régions du monde. Il s’agit dans un premier temps de déterminer quelles sont les tendances et les tensions qui s’annoncent. Nous évaluerons ensuite, la cohérence entre ces ressources et ces consommations, notamment pour l’eau grâce à l’indicateur de stress hydrique. Enfin, un point sera fait sur la tarification afin de déterminer son rôle d’outil incitatif dans cette adéquation ressources-usages. Premier chapitre de ce livre, cette partie a pour but essentiel de fournir au lecteur des éléments de langage qui seront repris dans les chapitres suivants ainsi que des chiffres clés qui lui permettront de pouvoir analyser les différents points abordés dans leur contexte. 12 Eau et énergie : destins croisés INTRODUCTION L’eau et l’énergie ont une relation essentielle dans nos sociétés : afin d’assurer notre survie et notre développement nous devons bénéficier de ces deux ressources. L’eau et l’énergie ont de plus un rapport particulier, une nécessité mutuelle ; l’accès à l’eau telle qu’elle se présente dans nos sociétés a besoin d’énergie et la production d’énergie nécessite de l’eau. L’énergie L’eau L’eau pour l’énergie L’eau est nécessaire pour : refroidir extraire nettoyer conduire la chaleur L’énergie pour l’eau L’énergie est nécessaire pour : extraire / pomper nettoyer / traiter transporter dessaler Figure 1 : L’eau et l’énergie L’eau est en étroite relation avec l’utilisation mais aussi le développement de l’énergie. Cette synergie sera explorée tout au long de ce livre. Afin de mieux appréhender ces liens, nous proposons dans ce chapitre de revoir un ensemble de notions de base incontournables pour la suite de la lecture. LE CYCLE DE L’EAU L’hydrosphère compte environ 1.400.000.000 km3 d’eau, volume immuable, réparti géographiquement sur le globe : océans, glaciers, lacs, ruisseaux, nappes souterraines, etc. Ce volume est composé de masses d’eau sous différentes phases : liquide, solide et gazeuse. Le cycle de l’eau est une succession de phénomènes permettant les transferts d’un état à l’autre et d’un lieu à l’autre. Si, sur une large échelle temporelle, toute l’eau est touchée par ce cycle de transformation, annuellement seul 0,04% de l’hydrosphère peut avoir subi un changement d’état. La rétention la plus longue est celle opérée par les glaciers, où l’eau peut être gardée sous forme solide durant des dizaines de milliers d’années. Ces glaciers renferment une part importante de la Deux resssources sous tennsion 13 masse tootale de l’eau, la plus imporrtante juste ap près les océans (cf. pages suuivantes). Ce sont ensuite les eaux e souterraiines qui ont le l temps de renouvellemen r nt le plus s puis lees lacs, en ann nées, les courss d’eau en déccennies et long, se comptant en siècles, enfin, l’eeau atmosphérrique, en jourss. Entre cees différentes masses hydraauliques, le traansfert se faitt par évaporattion, condensationn ou par écouulement. L’eauu océanique s’’évapore masssivement. Cettte évaporation occéanique est un u phénomènee important du u cycle de l’eaau, bien plus iimportant que l’évvaporation coontinentale : on estime les flux évapporés annuelllement à 425 000 km3 pour less océans et 71 000 km3 po our les continnents. Avec uun certain décalagee temporel et géographiquee, cette quanttité d’eau gazzeuse est resttituée par précipitaation, en partie aux océans directement – environ 3855 000 km3 annnuels – et en partiee aux continennts – environ 111 1 000 km3 annuels a – où elle e s’écoule eet finit par retournerr à sa source. Cette dernièrre étape peut être ê plus ou moins m directe, on considère quee les cours d’eau représenttent un apporrt annuel d’ennviron 40 000 km3 aux océans. Lorsque L les précipitations p sont abondan ntes, une partiie s’infiltre daans le sol tandis quu’une autre ruuisselle à sa suurface. La prem mière partie se joint aux réseerves souterraaines, classéess en différentss niveaux. Premier niveau, les eaaux les plus suuperficielles, elles sont souumises à l’évaaporation, veau, les eauxx intermédiairees, sont à la végétaation y puise ses ressourcees. Second niv l’étage d’aération d connstituant une sttrate de passage de l’eau, mise m en mouveement par l’effet dee la gravité. Enfin, E le niveaau le plus pro ofond est celuui des nappes, à l’étage de saturaation. Ces napppes jouent un u rôle cruciaal dans le cycle de l’eau puuisque ce sont ellees qui alimenntent principallement les co ours d’eaux de d surface. Loorsque la capacité d’infiltration de l’eau danss le sol est satturée, les précipitations ruisssellent et s’écoulennt en surface. Figure 2 : Le L cycle de l'eeau [USG09] 14 Eau et e énergie : desttins croisés Le bilan hydrique nouus apprend quee l’évaporatio on océanique est e plus imporrtante que les préciipitations océaaniques. A l’innverse, sur les continents ill y a plus de pprécipitations quee d’évaporatioon. Néanmoinns, il est évideent que la som mme des flux évaporés correspoond à la somm me des flux précipités p à laa surface de la Terre. La ddifférence entre less quantités évaporées et préécipitées locaalement représsente un flux d’eau renouvelé : les 40 000 km k 3 retournés aux océans par p le biais dees cours d’eauu. Ceux-ci r des eaux de pluies et égallement la ont pourr origine l’inffiltration, le ruissellement fonte dess neiges. Cette quantité d’eeau douce est disponible poour nos usagess et prélèvements et constitue laa ressource reenouvelable an nnuelle en eauu. Les eauxx présentes suur ce cycle peuuvent être classsifiées en diffférents flux (ffigure 3): - L’eau bleue (ouu blue water) : il s’agit de l’eau L l en mouvvement, soit een surface sooit en sous-sool. Cette eau peut p être utilissée jusqu’au moment m où ellle atteint l’océan. Parmi celle-ci, on distingue : - - - L’eaau bleue naturrelle : L’eau de surrface Lacs, rivièrees Les eaux souuterraines Les nappes phréatiques p L’eaau bleue aménnagée : Bassins et rééservoirs amén nagés ou courrs d’eau détournés Eaux « recycclées » (usées et traitées) L’eau verte (ouu green waterr) : l’eau conttenue dans la part des préccipitations L quui s’infiltrentt directement dans le sol. C’est la sourrce principale pour les plantes et la végétation. v Ceelle-ci représeente 60% des flux d’eau ssur Terre. C C’est égalemennt la part qui est la plus sen nsible à l’améénagement du territoire ett également aux changeements climaatiques influeençant les cconditions d’évaporation –température, – , radiation solaaire, etc. F Figure 3 : Eauu bleue et eau verte [OSS077] Deux ressources sous tension 15 De même, en ce qui concerne la qualité : - L’eau grise (ou grey water) : les eaux usées, de qualité pauvre mais utilisables pour certains usages. - L’eau noire (ou black water) : Eaux usées extrêmement polluées, dont l’usage peut être nocif et qui est économiquement non monnayable. PERTURBATIONS DU CYCLE DE L’EAU L’équilibre du cycle de l’eau est précaire. La suite de ce paragraphe permet de comprendre quels facteurs peuvent influencer cet équilibre. Si l’homme a longtemps utilisé l’eau du cycle naturel en le respectant, les habitudes et besoins actuels entraînent des perturbations qu’il est important de surveiller de près. Prélèvements anthropiques L’activité humaine a un impact important sur ce cycle de l’eau. Une quantité importante d’eau est prélevée et consommée à des fins domestiques, industrielles ou agricoles comme nous le verrons par la suite. Petit à petit l’usage d’eau douce par l’homme modifie le renouvellement du cycle. Tant que ces quantités restent dans des proportions raisonnables au regard des flux renouvelables, peu d’impacts sont remarqués. Des modifications et changements sérieux peuvent apparaître dès que l’homme apporte une empreinte plus importante à ce cycle qui peut également entraîner de fortes dégradations des milieux. La modification des paysages à des fins urbanistiques, industrielles ou agricoles peut engendrer dans de nombreux cas une pollution des eaux de surfaces et souterraines, bouleverser l’intensification et le rythme de la sédimentation des fleuves et cours d’eau. Ceux-ci nécessitent des dragages mécaniques, facteur aggravant encore cette même pollution et perturbant fortement les écosystèmes, demandant notamment des besoins plus importants pour des traitements d’eau grise et d’eau noire. Au même titre, la déforestation est une activité humaine dommageable pour les écosystèmes et le cycle de l’eau. Issue de l’exploitation forestière ou de modifications irréfléchies du terrain, elle augmente le ruissellement en surface et limite l’infiltration dans les couches secondaires déjà engorgées. C’est le cas dans de très nombreuses régions du globe, où les terrains mis à nu par l’homme n’ont plus la même capacité de rétention des eaux. Ces sols fragilisés vont alors engendrer des glissements de terrain catastrophiques et limiter la quantité d’eau verte disponible en sous-sol. De même, le détournement des cours d’eau entraîne un appauvrissement des lits délaissés ainsi qu’une perturbation locale des flux évaporés. Encore, l’aménagement de bassins et réservoirs stocke une quantité importante d’eau bleue et augmente son évaporation. Tous ces phénomènes provoqués par l’homme entraînent des perturbations sur le cycle naturel. C’est également dans sa consommation que l’homme peut influer sur ce cycle. Nous l’avons dit précédemment, seule une quantité finie est disponible annuellement et localement. Lorsque cette quantité n’est plus suffisante pour les besoins locaux plusieurs solutions sont envisagées, aucune n’étant neutre pour le cycle naturel. Certains choisissent de puiser dans les eaux souterraines et profondes. Les nappes sont notamment des gisements importants pour les régions qui reçoivent un flux renouvelable insuffisant. Celles-ci constituent alors une réserve, soit-elle temporaire car leur 16 Eau et énergie : destins croisés renouvellement peut prendre jusqu’à des milliers d’années. Une autre possibilité ingénieuse permet d’augmenter la ressource renouvelable. Pour ce faire des procédés de dessalement d’eau de mer ont été mis au point et sont de plus en plus courants dans les pays peu riches en eau. Comme nous le verrons dans la suite de cet ouvrage cette solution est très gourmande en énergie. A ce sujet, le lecteur est invité à consulter le chapitre 7 de cet ouvrage, « Avenir des tensions entre l’eau et l’énergie : le rôle majeur du dessalement». Influence du changement climatique Au-delà des impacts anthropiques c’est l’influence du climat et des précipitations qui modifie le cycle de l’eau. Dans ce contexte, les tendances actuelles de changements climatiques risquent de peser lourd sur les ressources renouvelables en eau. Ce sujet sera développé plus amplement au chapitre 4 de cet ouvrage, « Conséquences des changements climatiques sur l’eau et le secteur énergétique ». L’EAU, INDISPENSABLE À TOUTE FORME DE VIE L’un des éléments les plus importants pour toute forme de vie telle que nous la connaissons est sans nul doute l’eau. C’est grâce à la présence d’eau liquide sur notre planète que la vie a pu apparaître. L’existence humaine dépend directement d’elle. Un homme peut survivre un mois sans manger mais seulement moins d’une semaine sans boire. L’eau est assurément indispensable à la survie de l’homme mais parallèlement, les maladies liées à l’eau sont le principal fléau sanitaire des pays en développement. L’eau, en termes de composition est l’élément constitutif le plus important de la matière vivante. Elle représente près de 68% de l’être humain, 95% d’une méduse mais seulement 10% d’une fourmi. Les premiers astronautes qui ont pu observer la Terre depuis l’espace l’ont surnommée « la planète bleue ». Nous vivons sur la planète du système solaire qui dispose le plus d’eau. Grâce aux conditions particulières de température et pression sur Terre, l’eau y est présente sous ses trois états : solide (glace, neige..), liquide1 à la surface et dans la croûte terrestre et dans les organismes et enfin sous forme de vapeur d’eau dans l’atmosphère. L’eau est abondante sur Terre comme nous le verrons plus loin mais s’il n’y a pas de pénurie à l’échelle mondiale, les problèmes proviennent de sa mauvaise répartition temporelle et spatiale. Afin d’établir une classification des réserves, il est possible et intéressant de classer ces réserves au sein de l’hydrosphère. On peut alors proposer une première répartition qui est décrite dans le Tableau 1 1 La Terre est la seule planète du système solaire à posséder de l’eau sous forme liquide. Deux ressources sous tension 17 Réservoirs Quantité d'eau (km3) Pourcentage Mers et Océans 1 350 000 000 97,4032% Eaux continentales 35 976 700 2,5957% Atmosphère (humidité de l’air) 13 000 0,0009% Biosphère (cellules vivantes) 1 100 0,0001% Total : 1 385 990 800 Tableau 1 : Répartition des ressources en eau au sein de l’hydrosphère A la vue de cette répartition, il y aurait donc à l’heure actuelle près de 1,4 milliard de kilomètres cube d’eau dans l’hydrosphère. Si l’eau est donc très présente sur Terre, plus de 97% de cette eau est salée. Sur les 3% restants, il ne reste que 1% d’eau douce sous forme liquide. La planète bleue a donc un petit goût salé... On appelle eau douce, une eau dont la salinité est inférieure à 3 grammes par litre. Ces eaux ne représentent que 3% des eaux sur Terre et cette eau n’est pas entièrement disponible. Intéressons-nous maintenant à la répartition de cette eau (Figure 4a et 4b) 18 Eau et énergie : destins croisés Eaux Douces Figure 4a & 4b : Répartition de l’eau douce sur Terre [ARM06] Il est difficile d’évaluer les réserves d’eau souterraine, contenues dans la croûte terrestre. Les estimations varient suivant l’épaisseur de la croûte considérée. Le volume des eaux directement utilisables est donc d’environ 9 millions de kilomètres cubes dont la plus grande partie consiste en eaux souterraines. En conclusion, devant les chiffres des réserves en eaux sur notre planète bleue (1,4 milliard de km3), seulement une petite partie est directement disponible pour notre consommation. N’oublions pas que l’eau circule en permanence entre les différents réservoirs : les stocks sont certes limités, mais ils sont constamment en mouvement. Enfin, si globalement la Terre ne manque pas d’eau, nous attirons l’attention du lecteur sur les problèmes locaux et la répartition de ces ressources. RÉPARTITION : DES CONTRASTES IMPORTANTS L’eau douce, est l’une des ressources les plus inégalement réparties. Ainsi, on estime que 9 pays possèdent 60% des ressources. De plus ces ressources sont très inégalement réparties temporellement. Deux ressources sous tension 19 m Figure 5 : Répartition des ressources en eau dans le monde (2007) [BLA09] Comme on le voit sur la figure 5, les disponibilités très inégales sont à mettre en relation avec le climat qui règne dans ces zones. On estime que les ressources en eau douce de surface représentent 207 000 km3 (lacs et rivières). Les pays possédant les plus grands volumes d’eau sont le plus souvent : Des pays à pluviométrie très importante : Norvège, Nouvelle Zélande (entre 600 mm et 1600 mm par an)… Des pays traversés par des fleuves majeurs ou possédant de nombreux lacs : USA, Canada, Russie… Des pays situés dans des zones où le climat est propice à une abondance d’eau (climat tropical ou équatorial) : Brésil, Indonésie, Colombie... Enfin, des pays exploitant une source d’eau unique très importante : le Gange pour l’Inde, le fleuve Congo pour la République Démocratique du Congo (RDC)... A l’opposé, les zones (ou pays entiers) arides et semi-arides, n’ont accès qu’à seulement 2% du volume annuel. Ces zones représentent plus du tiers de la surface des continents. Ainsi, l’écart est grand entre des pays « riches » en eau et des pays « pauvres » en eau. 20 Eau et énergie : destins croisés 9 géants de l'eau 1. Brésil 2. Russie 3. USA 4. Canada 5. Chine 6. Indonésie 7. Inde 8. Colombie 9. République Démocratique du Congo (RDC) 9 pauvres en eau 1. Koweït 2. Bahreïn 3. Malte 4. Gaza 5. Les Emirats-Arabes Unis 6. Libye 7. Singapour 8. Jordanie 9. Israël Tableau 2 : Les « géants » et les « pauvres » de l’eau [ARM06] On peut mettre en avant la notion de Tiers-monde de l’eau. A l’exception des pays du Moyen Orient (pétrole oblige), il se confond avec le Tiers-monde économique. Il y a ainsi 250 millions d’Hommes vivant dans 26 pays différents qui bénéficient du volume minimum vital en eau : 1000 m3 par an et par habitant. Nous venons donc de voir que même si nous ne manquons pas d’eau sur Terre, une faible quantité est douce, et une plus faible quantité encore est directement consommable en surface sous son état liquide. De plus, nous avons également perçu que cette quantité était inégalement répartie. Parler de ressources et de disponibilité prend tout son sens dès que l’on parle d’usages et de consommation. C’est le but du point suivant. USAGES DE L’EAU Comme cela a déjà été mentionné, l’eau sous sa forme liquide est indispensable aux êtres humains. On peut diviser les usages de l’eau en trois grandes catégories : Usages domestiques Usages industriels Usages agricoles Avant de rentrer plus précisément dans le vif du sujet, il convient de porter une attention particulière à la distinction qu’il existe entre la notion de consommation et celle de prélèvement. Les prélèvements désignent les volumes prélevés dans les cours d’eau (fleuves, rivières, …) ou les nappes phréatiques. L’eau est alors rendue au milieu naturel. La consommation est définie par la différence entre l’eau prélevée dans le milieu naturel et la quantité rendue. Il est important de parler des prélèvements car l’eau prélevée qui est rendue au milieu naturel est parfois dégradée. La quantité d’eau prélevée permet ainsi de mettre en lumière l’influence de l’Homme sur la nature. La concurrence que se livrent ces usages pour avoir accès à des disponibilités limitées en fait un enjeu majeur pour notre avenir. A mesure que la population mondiale s’accroît et que les économies se développent, cette concurrence ne pourra que s’intensifier. Deux ressources sous tension 21 USAGES DOMESTIQUES Les usages domestiques de l’eau sont les usages dont nous avons besoin au quotidien. Il s’agit des besoins les plus anciens et les plus vitaux pour nos sociétés. Ces usages sont néanmoins restés relativement réduits au cours de notre histoire. En effet, l’eau n’était pas directement accessible. Il fallait aller la chercher à la source, à la fontaine ou même au puits. L’eau potable sortant de nos robinets est une invention récente qui est encore loin d’être répandue dans le monde entier. L’offre a ainsi créé la demande : avec cet accès facilité, la consommation est en augmentation constante depuis deux siècles. Par exemple, à Paris la consommation est 35 fois plus élevée aujourd’hui qu’au 18e siècle2. Outre l’entrée de l’eau potable directement au sein de nos foyers, la consommation s’est considérablement accrue avec la modernisation de nos modes de vie : lavabo, douche puis baignoire, toilettes, lave-linge, lave-vaisselle. Ci-dessous quelques consommations par usages : Action Consommation (Litres) Une chasse d’eau 4-10 Une douche 30-80 Un bain 150-200 Une lessive 80-120 Lavage de voiture 100-300 Une vaisselle 5-15 Un cycle de lave-vaisselle 20-50 Tableau 3 : Exemple de consommation pour les usages domestiques [BLA09] Outre les disparités d’accès à l’eau potable que nous ne traiterons pas ici, toutes les populations du globe n’ont pas la même culture de consommation de l’eau. Plus le niveau de vie est élevé, plus la consommation en eau est importante. Ce sont les pays les plus industrialisés qui consomment le plus d’eau. On estime que la consommation moyenne d’un américain peut dans certains cas dépasser 600 litres par jour, celle d’un parisien 240 litres alors que celle d’un africain est inférieure à 40 litres et celle d’un agriculteur malgache inférieure à 10 litres ! 2 Source : CNRS 22 Eau et énergie : destins croisés Figure 6 : Consommation d’eau dans le monde pour les usages domestiques (2007) [BLA09] Les pays les plus consommateurs en eaux domestiques sont les pays riches : EtatsUnis, Canada, Australie, Japon, Europe. Le niveau de vie élevé de la population et la fourniture d’eau potable à la quasi-totalité de la population en est la cause. Sans trop de surprise, les pays les moins consommateurs sont les pays pauvres : Afrique noire, certaines îles d’Asie... Inutile de parler pour ces pays de réseau d’eau courante ni même de niveau de vie élevé. La survie de la population passe par un approvisionnement en eau potable à son niveau vital et une agriculture d’autosuffisance dans le meilleur des cas. Les eaux consommées pour les usages domestiques sont issues des réseaux de distribution ou pour les pays n’ayant pas ce type de réseau, des eaux superficielles. USAGES INDUSTRIELS Dans l’industrie, l’eau peut être utilisée pour de nombreux usages. Elle peut participer au processus lui-même, au lavage ou encore au refroidissement des installations. Ci-dessous, un tableau indique la consommation moyenne pour les produits courants [CIE01]. Deux ressources sous tension 23 Produit Consommation d'eau (en m3 / tonne) Acier Papier Sucre Carton Ciment Savon Matière plastique de 300 à 600 environ 500 de 2 à 3 de 60 à 400 environ 35 de 1 à 35 de 1 à 2 Produits manufacturés Consommation d'eau (en litres) 10 10 900 8 000 1l d’essence 1 jean 1 paire de chaussures en cuir 1 puce électronique de 2g 1 voiture 32 400 000 Tableau 4: Exemple de consommation pour les usages industriels [BLA09] La consommation de l’eau dans les industries est fortement dépendante du mix industriel du pays considéré. En effet, certaines activités sont beaucoup plus consommatrices d’eau : la chimie, la métallurgie, la sidérurgie, l’industrie du papier… Au sein des pays de l’OCDE, on estime que 21% des prélèvements totaux sont dus aux industries. Dans certains pays, la part de prélèvements représente plus de 35% : Finlande (69 %), Suède (57 %), Autriche (36 %)… Figure 7 : Usages Industriels (2008) [BLA09] 24 Eau et énergie : destins croisés Au niveau mondial, les prélèvements industriels représentent environ 800 km3/an soit 20% des prélèvements totaux. Plus de 60% de ces prélèvements sont réalisés en Europe et en Amérique du Nord. Cependant, la part de l’Asie et plus particulièrement celle de la Chine augmente rapidement. En 1980, la Chine prélevait annuellement 45 km3, 92 km3 en 1993 et 161 km3 en 2006. Avec le développement économique des pays du Sud les prélèvements industriels sont en rapide augmentation dans ces pays. A contrario, dans les pays du Nord, l’eau prélevée et consommée a diminué. Dans les statistiques mondiales, l’utilisation de l’eau pour l’énergie est classiquement comptabilisée avec les usages industriels. Comme nous l’avons déjà vu, le lien entre l’énergie et l’eau est bidirectionnel. L’eau a besoin de l’énergie, et inversement. Listons dans un premier temps, les usages de l’eau pour l’énergie. On peut les classer en quatre grandes catégories, comme cela sera développé dans le chapitre 2 : 1. L’extraction et la production : l’eau est utilisée pour le pétrole et le gaz. Elle sert dans tout le processus. Concernant l’uranium et le charbon, les opérations dans les mines peuvent nécessiter de grandes quantités d’eau pour le lavage. L’utilisation de cette eau a un impact sur la qualité. 2. La production d’électricité : on utilise l’eau dans les centrales thermiques (fossiles, biomasse et nucléaire) et dans la géothermie pour le refroidissement. Dans le cadre de l’hydroélectricité, l’eau contenue dans les réservoirs s’évapore directement dans l’atmosphère. 3. Le raffinage et autres procédés 4. Le transport de l’énergie et son stockage : les pipelines sont testés avec de grandes quantités d’eau. Une très grande partie de l’énergie fossile (pétrole, charbon, gaz naturel liquéfié) est transportée à travers le monde sur des barges. Pour ces usages industriels et en particulier dans le secteur énergétique, la majeure partie des eaux prélevées sont des eaux superficielles et dans une moindre mesure, des eaux souterraines. USAGES AGRICOLES [INR10] En première approximation, on pourrait penser que les régions les plus consommatrices en eau pour l’agriculture sont les régions arides. Cependant, dans ces régions, toute culture a besoin d’être irriguée et l’irrigation a par définition besoin d’eau. Ainsi limitées par les faibles ressources en eau, les surfaces cultivées sont très faibles et développées sur les bords d’un fleuve majeur : c’est le cas de l’Égypte avec le Nil. En suivant un raisonnement analogue au paragraphe précèdent, le phénomène inverse se déroule dans les zones où l’eau ne manque pas : les ressources étant suffisantes, la superficie des terres cultivées est importante. Afin d’augmenter les rendements et parfois permettre plusieurs récoltes dans l’année, l’irrigation est utilisée dans ces zones. C’est le cas au Japon en Chine ou encore au Pakistan. Les pays qui irriguent le plus sont les pays sud-asiatiques. Deux ressources sous tension 25 Figure 8 : Part des prélèvements agricoles dans le monde (2008) [BLA09] Sur le plan mondial, l’agriculture est la première activité humaine consommatrice d’eau, mais les prélèvements varient très fortement d’un pays à l’autre à cause du climat, du type de culture, des techniques d’irrigation et du nombre de récoltes réalisées chaque année (voir figure 8). On estime que l’agriculture représente 70% des prélèvements d’eau dans le monde et que 40 % de la production agricole mondiale dépend de l’agriculture irriguée. SYNTHÈSE : L’OFFRE ET LA DEMANDE EN EAU L’eau est utilisée de différentes manières et pour des usages variant selon les pays. Chaque pays possède ses caractéristiques spécifiques : mix industriel, climat, niveau de vie, induisent une consommation d’eau différente et qui lui est propre. Région Afrique Asie Amérique latine Caraïbes Amérique du Nord Océanie Europe Monde (km3/an) Volume total des prélèvements d'eau douce (km3/an) Eau et énergie : destins croisés Ressources d'eau renouvelables 26 Prélèvements d'eau douce par secteur (année 2000) Agriculture km3/an % 186 86 1 936 81 178 71 Industrie km3/an 9 270 26 % 4 11 10 Domestique km3/an % 22 10 172 7 47 19 3 936 11 594 13 477 217 2 378 252 93 6 253 13 525 9 203 68 39 1 252 9 48 3 70 23 13 1 703 6 603 43 659 26 418 3 830 19 132 2 664 72 32 70 3 223 785 10 53 20 5 63 381 18 15 10 Tableau 5 : Synthèse des consommations d’eau [INR10] Le problème de l’offre et de la demande sur une denrée que l’homme peut difficilement redistribuer est un point crucial de la politique de l’eau à l’échelle mondiale. On estime que plus d’un tiers de l’humanité (environ 2 milliards d’habitants) survit avec moins de 5 litres d’eau par jour. Le contraste que l’on peut constater pour l’énergie n’est pas comparable avec le problème de l’eau. Il ne s’agit pas d’accès à l’électricité ni du prix du carburant mais bien de survie dans bon nombre de cas. Le problème de l’eau est assez simple ; au niveau mondial, il n’y a pas de pénurie pour le moment. Le problème provient de la mauvaise répartition des ressources et des gaspillages locaux. Sur notre planète, environ 40000 km3 d’eau douce s’écoulent chaque année sur nos terres ce qui représente environ 5800 m3 d’eau douce par habitant, 15800 litres par habitants et par jour. Voyons maintenant ce qu’il en est de cet état des lieux pour l’énergie. L’ÉNERGIE DANS LE MONDE Dès que l’on parle d’énergie ou de consommation énergétique il convient de différencier les notions d’énergie primaire et d’énergie finale. L’énergie primaire ou consommation brute se situe au niveau de l’extraction. C’est l’énergie directement disponible dans la nature : pétrole, gaz, charbon, vent, soleil… Cette énergie n’est pas directement utilisable pour le consommateur final et fait ainsi l’objet d’une transformation : raffinage, combustion du charbon pour produire de l’électricité… Les rendements de ces opérations et du transport étant par définition toujours inférieurs à 1, l’énergie finale disponible est inférieure à l’énergie primaire. En 2007, la population mondiale était d’environ 6,8 milliards de personnes. La consommation d’énergie primaire était alors proche des 12 milliards de tonnes équiva- Deux ressources sous tension 27 3 lent pétrole . A cela il convient d’ajouter environ 1 milliard de tonnes d’origine « traditionnelle » c’est-à-dire ne provenant pas des circuits commerciaux. Cette énergie est consommée « sur place » à proximité des lieux d’extraction. Cela concerne le bois de feu, la biomasse, les divers déchets animaux et végétaux…. Le concept de consommation mondiale d’énergie est trompeur car ce flux d’énergie traditionnelle n’est pas précisément quantifiable. De plus, rappelons qu’un tiers des habitants de notre planète n’a pas accès aux sources d’énergies modernes comme l’électricité. Pour néanmoins donner une représentation de la consommation d’énergie dans le monde, on peut utiliser la consommation d’énergie par habitant. Figure 9 : Consommation d’énergie primaire dans le monde (2003) [BLA09] On estime que 80% de la population de la planète ne consomme que 40 % de l’énergie totale. Suivant les régions du monde, l’énergie consommée ne provient pas de la même source. Cependant la tendance mondiale est assez marquée. A eux seuls, le pétrole et le charbon représentent plus de 60% de l’énergie primaire dans le monde. 3 Une tonne équivalent pétrole (tep) est l’énergie calorifique contenue dans une tonne de pétrole. Elle vaut par définition 41,868 GJ. 28 Eau et énergie : destins croisés Energie primaire Hydraulique 2% Autre 1% EnR 10% Nucléaire 6% Gaz 21% Pétrole 34% 12029 Mtep Charbon 27% Figure 10 : Énergies primaires consommées suivant les types (2007) [IEA09] Depuis l’amélioration de notre confort et du développement industriel, la consommation mondiale n’a cessé d’augmenter. Une augmentation encore plus forte est à constater après 1945 (voir figure 11). Figure 11 : Évolution des consommations d’énergies primaires dans le monde [JAN10] 85% de l’approvisionnement mondial est assuré par des énergies fossiles. Remarquons également que le développement des énergies récentes (nucléaire, gaz) n’est pas venu en substitution des anciennes, mais n’a fait qu’absorber la forte augmentation de la demande. Deux ressources sous tension 29 DE L’ÉNERGIE PRIMAIRE VERS L’ÉNERGIE FINALE. La consommation d’énergie finale est la consommation « nette » de tous les secteurs de notre économie. La différence significative que l’on peut observer provient de plusieurs facteurs : a) des consommations des industries de l’énergie comme par exemple les raffineries et les consommations d’électricité du secteur énergétique (usines d’enrichissement de l’uranium) ; b) des consommations des produits fossiles pour des usages non énergétiques: il s’agit par exemple de l’industrie pétrochimique, des goudrons ; c) du rendement global de la production d’électricité ; d) des pertes de la filière énergétique : transport, distribution… La figure 12 présente la répartition des différentes consommations d’énergie finales par combustible. Consommation d'énergie finale EnR 12% Autre 3% 8286 Mtep Electricité 17% Gaz 16% Pétrole 43% Charbon 9% Figure 12 : Consommation d’énergie finale dans le monde (2007) [IEA09] A l’échelle mondiale, les trois grands combustibles majeurs (pétrole, charbon et gaz) représentent 68% de notre énergie finale. Leur lien avec l’eau n’est pas négligeable comme nous le verrons dans les chapitres suivants. Tout comme nous avons traité les usages de l’eau, il convient maintenant de parler des différentes consommations d’énergie. LES DIFFÉRENTS TYPES DE CONSOMMATION Jusqu’à l’invention de la machine à vapeur qui convertissait (et convertit encore) l’énergie thermique en énergie mécanique, les sources et les usages de l’énergie se répartissaient en deux catégories : 30 Eau et e énergie : desttins croisés a) Le travail de l’homme et/oou de l’animall, parfois com mplété par l’énnergie des e du vent qui fournissaient l’énergie méccanique. cours d’eau et b) La biomasse et une petite quantité de ch harbon qui sattisfaisaient touus les besoins d’énerggie thermique : cuisson dess aliments, chauffage, fontee des métaux. La seconnde catégorie dominait trèss largement lee bilan énergéétique mondial, mais la situationn a nettement évolué au coours des deux x derniers sièccles. Les usagges spécifiques de l’électricité, l’éclairage artificiel, a l’inv vention des moyens m de locomotion d l’homme moderne m rempplaçant les « chevauxmotoriséés ont boulevversé la vie de vapeur » et la force musculaire m par des kWh conssommés et dess carburants raaffinés. Afin de satisfaire touus les besoinns de nos sociétés modernnes, plusieurss sources c sont évidement pplus foncd’énergie sont possibbles techniqueement mais certaines f – particuulier, industriee, moyens tionnellees ou plus renntables. Le connsommateur final de transsport, secteur tertiaire- connsomme direectement des produits éneergétiques divers. Qu’il Q s’agisse d’usages rouutiniers (appro oche « métro--boulot-dodo »») ou extraordinaaires (lancemeent d’une fuséée) on peut rép partir les usagges de l’énergiie en trois catégoriees : a) l chaude sanitaire, proocédés inLa chaleur : chauffage des bâtiments, l’eau dustriels, petiit électroménaager (bouilloirre, grille pain,, etc.). b) Le transport (ou mobilité)): déplacemen nts aériens, teerrestres ou m maritimes/ p de marchandises. m fluviaux de personnes c) L’électricité spécifique : usages u électriq ques autres quue chaleur et m mobilité : ménager hors production dee chaleur lumière, prodduction de frroid, électrom (télévision, innformatique, etc.). e Figure 13 : Consommatioon d’énergie finale f par sectteur [IEA09] CAS DE L’ÉLECTTRICITÉ : Bien quee cela puisse sembler s surpreenant pour la majeure partiee des gens, l’éélectricité et l’eau ont une relatiion particulièrre car les moy yens de produuction sont coonsommateurs d’eeau (cf chapitrre 2).