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Fiction
Perdue
Chapitre 1
Moi c'est Léa Camille Perdue mais tout le monde m'appelle LC. Ça leur donne une
excuse pour se ficher de moi (elle s' est perdue, c'est vrai que c'est drôle). Avant, j'habitais
en Italie et ça sonnait exotique, ça ne dérangeait personne. Mais ma mère et son bourge
de... - argh... Ça me donne envie de vomir.... - petit copain se sont mis dans la tête de
déménager en France, une sorte de retour aux sources pour ma mère. Elle, elle s'appelle
Melissa. Elle n'a jamais voulu prendre le nom de mon père car il est parti quand j'avais
trois ans. Moi je l'aimais bien. Je l'aimais plus que cet idiot de Charles qui l'a remplacé
dans le cœur de ma mère .
J'ai douze ans et cela fait maintenant un an que nous avons déménagé à Où-CroisTu-Aller, le trou perdu où ma mère a passé son enfance. Cette année a d'abord été un
cauchemar puis j'ai rencontré Lina, ma meilleure amie. Sans elle, je n'aurais pas pu tenir
une année entière. D'ailleurs je la vois arriver :
–
Hey , Lina, t'as passé un bon week-end ?
–
Ouais, ça va. Et toi ?
–
Moi, j'ai dû passer toute une journée avec Charles à réparer son ordi. L'enfer, quoi.
–
Tu ne crois pas que tu exagères a propos de Charles ???? Il ne peut pas être si
terrible, non ?
–
La dernière fois, il a mangé des limaces et juste après, il m'a craché à la figure. (En
fait, non mais j'imagine que s' il mangeait des limaces, il me cracherait à la figure.)
C'est pas Luc, là-bas ?
Luc, c'est la deuxième raison pour laquelle je ne demande pas à ma mère de
rentrer à la maison. C'est l'amour de ma vie mais il ne semble pas me remarquer.
Soudain, un grand vide me saisit : j'ai chaud, froid, je ne sais pas vraiment en fait. Je sens
la sueur perler sur mon front et j'ai l'impression étrange d'être espionnée. J'entends un cri
perçant venant de ma mère et un sanglot de ma meilleure amie. Puis, plus rien. Là c'est
véritablement le vide total.
Quelques heures plus tard (je le sais parce qu'à l'endroit où je me trouve
actuellement il y a une grande horloge), je sais enfin ce qui m'est arrivé : selon Lina, après
avoir vu Luc, je serais tombée en arrière, les yeux ouverts et le crâne en sang. Elle a
essayé de me réveiller mais je ne réagissais pas. Elle a tout fait : le seau d'eau dans la
tête, les deux claques, elle m'a secouée comme un prunier et, chose horrible, elle m'a
même fait sentir mes propres pieds. Mais apparemment je restais couchée et je continuais
à délirer en criant des choses incohérentes comme : « Luc... Italie... Patates... Limaces...
Ordi.. .Charles... Luc... ».
Maintenant je suis à l'hôpital Saint-Jean, chambre 208, ma mère, Charles (il est
peut être pas si méchant si il est venu), Lina et toute ma famille a mes côtés. Même ma
Tante Maguy, qui habite à 400 km d'ici et que je n'ai pas vu depuis 3 ans, est là. Tout le
monde est soulagé que je sois réveillée et la chambre devient un vrai poulailler. J'ai le
droit à tout. Du « Tu nous as fait peur » au « Ne refais plus jamais ça » en passant pas
des choses sans aucun rapport comme un « J'ai faim » de mon cousin Pierre de 6 ans et
un « Caca couche » de mon neveu de 2 ans.
Puis, contre toute attente, l'infirmière ouvre la porte et annonce que l'heure de visite
est terminée et que seule ma mère est autorisée à rester encore un peu. Pour les autres,
ils ont le droit à une visite d'une demi-heure par jour maximum pour ne pas trop me
fatiguer. Elle est petite et trapue, chose très peu commune aux infirmières en général, les
cheveux entièrement teints en rose, un piercing sur la narine droite et un bracelet à
pointes sur le poignet gauche. Dès la première seconde, je l'aime bien. Elle dégage une
aura particulière, comme si elle scintillait de bonheur. Elle m'annonce qu'elle s'appelle
Marie et que si j'ai besoin d'elle, je n'ai qu'a sonner la cloche à la droite de mon lit, puis
elle sort pour me laisser quelques instants seule avec ma mère.
Ma mère, la perfection incarnée. Ma mère, qui contrôle parfaitement ses émotions.
Ma mère, qui a un copain qui l'aime (et que je commence peut-être à accepte ). Ma mère
au teint mat que tout le monde lui envie. Ma mère, avec son petit accent du sud de la
France. Ma mère, qui m'a élevée seule pendant 6 ans. Ma mère, quoi. C'est la personne
la plus importante pour moi et je ne voudrais la perdre pour rien au monde. On parle de
tout et de rien puis elle m'embrasse sur le front et me laisse seule avec mes pensées. Ma
chambre est grande, carrelée de blanc, une poche de transfusion accrochée au mur « au
cas où ». Les murs sont peints en blanc cassé et une horloge grise est accrochée dans un
coin. Pas une touche de fantaisie si ce n'est un petit cactus à côté de la porte. Je
m'ennuie... Je décide donc d'appeler l'infirmière qui arrive aussitôt :
–
Que se passe-t-il ?
–
Je ne sais pas quoi faire...
–
Ah... Si tu veux je peux t'allumer la télé ?
–
Il y a une télé ? Je ne l'avais pas vue.
–
C'est normal, elle est au plafond. On appuie sur un bouton et elle descend.
–
Waouh ! Génial ! Mets-moi n'importe quoi, de toute façon ça ne peut pas être pire
que de s'ennuyer à ce point.
–
Ok. Tu as une autre question?
–
Oui. Je ne peux pas accrocher un poster au mur ?
–
Non. Désolé. Ça apporterait des bactéries, tu comprends?
–
Oui...
–
Bon, rappelle-moi si il y a un problème.
–
Attends ! Mon crâne me fait très mal et je ne peux donc pas m'asseoir. Comment je
fais pour voir la télé ?
–
Je vais soulever ton lit.
–
Merci.
Le lendemain, c'est le jour où il faut recoudre mon crâne. Marie vient me chercher
pour m'amener dans une grande salle sans vitres éclairées par quelques faibles lampes.
Installée sur la table d'examen, j'attends que l'un des chirurgiens m'endorme. Maintenant
que l'opération est faite, il faut que je reste trois semaines à l'hôpital pour être sûr que ça
ne s'infecte pas. Maman vient me voir tous les matins et Lina tous les soirs après les
cours. Mon cousin Pierre est malade (info donnée pas ma mère) et c'est très contagieux.
Donc, pas de visites pour les autres. Ma mère est contente : Marie était sa meilleure
copine en seconde et elles se sont retrouvées. Puis le jour de la sortie arrive. Je quitte à
regrets ma chambre d'hôpital et maman et Marie se promettent de s'inviter un de ces
jours.
Chapitre 2
Aujourd'hui, j'ai pris une grande décision : je vais espionner Luc et je connaîtrai
enfin la raison de mon « accident ». Je connais son emploi du temps par cœur : il a latin,
puis deux heures de géographie et une heure de maths. Lina m'a aidée à tout préparer
mais elle n'est pas entièrement pour cette idée, elle pense que ça ne m’amènera que des
ennuis.
Quatre heures plus tard, je suis devant la maison de Luc, derrière un buisson. Sa
maison est un mélange de vieux manoir et de trucs ultra-modernes qu'on voit dans les
magazines. Les mur sont blancs, les nombreuses fenêtres ont un style gothique et les
volets sont violets. Un petite mezzanine sous les toits surplombe le tout. C'est sûrement la
chambre d'une de ses sœurs. Luc est devant un passage piéton, son habituel air bougon
ayant laissé la place à un sourire charmeur et ses cheveux roux toujours en pétard. Il est
donc devant un passage piéton en train d'aider une femme enceinte à traverser. Je le
savais !! Ce n'est pas normal ça !! J'envoie un texto à Lina mais elle me répond que c'est
assez banal d'aider des gens. Retour à la case départ.
17H : toujours rien en vu.
18H : il joue à la Xbox.
19H : il prépare des cupcakes pour sa petite sœur !! Trop chou !!!!!
Heure inconnue : mince ! Je crois que je me suis endormie !! Il fait maintenant nuit
noire et toutes les lumières sont éteintes. Je suis perdue ! Ne pas paniquer !!! Afou...
Afou...Texto à Lina (en allumant mon portable je me rends compte qu'il est 21 h) : pas de
réponse. Texto à Maman : pas de réponse. Plus qu'une solution : Charles. Je ne sais pas
pourquoi mais son nom ne me donne plus envie de vomir.
Et puis on ne peut pas
vraiment dire qu'il soit moche. La quarantaine, cheveux châtains, yeux bleus et un petit
groin de cochon. Le visage carré, une petite moustache à la Charlie Chaplin et son éternel
bob bleu. Il est grand, fin et il chausse du 52. Du 52 ! C'est énorme ! La dernière fois on a
fait 10 magasins avant de trouver une paire. Seul bémol : il fume. J'ai de la chance, hein, il
n'est pas alcoolo ni violent. Ma mère fumait avant mais depuis ma naissance elle s'est
arrêtée. Je réfléchis à tout ça en attendant une réponse (si il y en a une). Cinq minutes
plus tard, mon téléphone vibre dans ma poche. Est-ce que c'est lui ? Oui !!! Je suis dans
l'euphorie la plus totale et dans toute cette folie je hurle: « Vive Charles ! Vivee
Charlees ! » Comme promis, Charles est venu me chercher. Lui et Maman étaient très
inquiets mais le portable de ma mère était déchargé.
Aujourd'hui, c'est samedi, ce qui veut dire plateau télé ! Enfin, en temps normal.
Parce que c'est aussi la saint Valentin. Alors, Maman et Charles m'envoient passer le
week-end chez Mamie Monique, comme quand j'avais trois ans. En plus, demain j'avais
prévu de faire du shopping. Dégoûtée... En plus, Mamie n'a même pas la télé. Une bonne
soirée, pour elle, c'est une partie de scrabble !!!! Du scrabble !!!! Pour échapper à ça, je
préfère aller me coucher à... record du monde... 18h !!!! Et oui, on commence à manger à
17h. Vous vous imaginez le cliché de la vielle mamie, sourde comme un pot, qui adore
cuisiner et chouchouter ses petits-enfants, très gentille mais qui déteste les ados, qui aime
les soirées Bingo avec ses copines et qui trouve qu'un téléphone est la dernière
technologie. A ça , vous ajoutez une passion pour les canards et une haine totale de la
musique et vous trouvez ma grand-mère... Mais bon, je l'aime bien, hein!!! On n'a juste
pas les mêmes centres d’intérêt.... Au point de vue physique, c'est le contraire.
Elle ne ressemble pas aux grands-mères bien stéréotypées, avec une canne, pleine
de rides et un chiffon sur la tête. Elle est petite, mince, les cheveux blonds avec juste
quelques cheveux blancs, et quelques rides (très peu) sur le visage. La peau très blanche
(on voit d'où je tiens la mienne), les jambes petites mais solides et aucun problème de
santé.
Le lendemain, lever 6h pour nourrir les canards au parc. Je n'aurais jamais cru dire
ça un jour mais j'ai dormi mes 12 h en me levant à 6h du matin. Les canards sont
sublimes sous le soleil levant et des rayons reflètent déjà sur l'eau. Ensuite, Mamie veut
m'amener à la « fête foraine » : un carrousel avec un marchand de barbes à papa à côté.
Elle dit que ça va être fun et je n'ai pas grand chose d'autre à faire, alors autant y aller…
Un peu plus tard, je suis donc sur un cheval à m'amuser comme une folle (pure
ironie). Quand soudain, qui vois je arriver ? L'homme de ma vie, mon amour de toujours,
en un mot : Luc... Il est seul, chose normalement impossible au collège. Gilet noir et t.shirt
rouge, cheveux poussés en arrière avec une bonne dose de gel et mains dans les poches
de son jean. Il faut que j'ai l'air de trouver ce manège ringard et en même temps que je
sois décontractée... Petit sourire en coin : ok. Cheveux bien rangés : ok. Ouf.... Je prends
mon courage à deux mains et j'y vais :
–
Ooooh
!!!!
Luc
!!!
Quelle
surprise
de
te
voir
ici
!!!
Dans ma tête:
–
Tu
me
manquais
tellement
Léa
!!!!
Je
t'aime
de
tout
mon
cœur.
En vrai:
–
Euuuh... ouais moi aussi..... t'as l'air de t'éclater sur ton manège....
–
Non pas du tout c'est pour faire plaisir à ma grand mère... elle a des problèmes
cardio-vasculaires... Faut pas la contrarier... Elle aime les canards et le scrabble...
Hey, t'aimes le scrabble ?
Je n'eus pas de réponse mais à la place un regard... c'était comme si il n'y avait que ses
yeux et les miens... D'ailleurs il a de beaux yeux, d'un vert émeraude, et avec une petite
touche de bleu... Bref, durant ce moment qui ne dura que quelques secondes, j'eus
l'impression de lire dans ses pensées. Dans « sa tête » :
–
Elle est sympa Léa, moi je l'aime bien mais elle a pas l'air très heureuse de me
voir...
En vrai :
–
Tu sais je suis vraiment très heureuse de te voir !
À peine ai-je fini ma phrase qu'il s' en alla. De retour à la maison, je décide de parler de
mon aventure à Mamie. Je lui raconte tout, de la chute jusqu'au regard.
–
Bon, Léa, tu es grande maintenant. Tu as le droit d'en savoir plus sur tes origines.
–
C'est-à-dire ?
–
Ton père.
–
Oui ?
–
Ta mère t'as toujours dit qu'il était tout à fait normal et qu'il t'avait abandonnée par
pur égoïsme. Et bien ce n'est pas vrai. Ton père et moi faisions partie de la
catégorie des Lupis, un clan. Mais pas n'importe lequel : tous les membres de ce
clan ont de grands pouvoirs télépathiques.
–
Qu... quels pouvoirs télépathiques ?
–
Je ne peux pas t'en dire plus. Tu dois les découvrir par toi-même. Si tu découvres
quelque chose, viens m'en parler. Et ne parles surtout pas de cette conversation à
ta mère .
–
Oui mais pourquoi ? Et ton explication m'explique le regard mais mon accident ? Et
comment saurais-je que je découvre quelque chose ?
–
Une question à la fois, ma puce. Il y a bien longtemps, une femme enceinte du nom
de Nirina découvrit qu'elle pouvait lire dans les pensées. Elle décida d'en parler à
se copines qui lui confièrent qu'elles avaient le même pouvoir. Elles allèrent donc
habiter dans un coin loin de la ville pour se cacher de la population. Mais la fille de
Nirina arriva et grandit. Le jour de ses 12 ans, sa mère l'autorisa à aller en ville
mais lui interdit de parler. Elle y alla donc. Elle rencontra une dame et entendit
« Pfou... Cette fille a l'air d'une sauvage ». Elle avait envie de demander à la dame
si c'était elle qui avait dit ça mais se souvint de l’interdiction de sa mère. La dame
s’appelait Lucie. Elle fixa donc Lucie intensément, particulièrement sa bouche aux
lèvres pulpeuses. La bouche ne bougea pas mais pourtant elle entendit encore
« Pourquoi la sauvage me regarde ainsi ? ». Elle fût d'abord surprise puis réfléchit.
Il n'y avait qu'une solution possible : elle lisait dans les pensées. Oubliant toute
recommandation, elle criait à qui voulait l'entendre qu'elle lisait dans les pensées.
Les gens la prirent pour une folle et voulurent l'enfermer mais elle courait vite. Elle
rentra chez elle et prévint sa mère et les autres tout en s'excusant mille fois. Elles
s'enfuirent toutes et créèrent un clan pour les gens comme elles : les Lupis. Et
depuis ce jour les Lupis sont très mal vus. C'est d'ailleurs pour cette raison que ton
père est parti et que ta mère et toi me rendez visite si rarement.
–
Et pour Luc ?
–
Luc doit faire partie du clan des Cartis mais il ne le sait pas encore. Ses membres
ont le pouvoir de faire tomber quiconque amoureux de lui. Si la personne est la
bonne, alors elle tombe et le Cartis essaie de se rapprocher d'elle. Je ne peux rien
te dire de plus.
–
Ahhh... Ma... Maman arrive, j'y vais Mamie.
–
Bonne chance ma puce.
–
Merci Mamie.
Chapitre 3
Dans la voiture, j'ai l'impression d'être à un interrogatoire de police. Maman me
demande ce que j'ai fait, avec qui, et où je suis allée.
–
Je suis allée nourrir les canards, à la mare de Belle Panier, avec grand-mère, et je
suis allée au carrousel, où j'ai rencontré L...Glups...Lara.
–
Qui est Lara ?
–
Heu... Une nouvelle copine. Ah. Il faudra l'inviter à la maison alors.
–
Non, c'est pas la peine. Ses parents sont débordés et... Enfin bref. Après on est
rentrées avec Mamie et on a parlé de mes pouv... mes pouvoirs de séduction... hi
hi...
–
Ah ! OK. On est arrivé.
Ouf...Je l'avais échappé belle. Mes trois années de cours d'improvisation théâtrale
m'auront servi à quelque chose finalement. Je pousse donc la portière de notre vielle
Twingo bleue puis je cours dans les graviers pour atteindre la porte de la maison et ainsi
échapper à une pluie torrentielle. À peine arrivée, j'ai une envie bizarre: faire un câlin à
Charles. Je me dirige donc vers la salle-à-manger-salon-cuisine ouverte et effectivement il
est là, en train de lire le journal devant une tasse de café. Je lui saute dans les bras.
Charles est étonné mais ne dis rien. Moi, en revanche,je le préviens direct :
–
Laisse moi le temps qu'il faut pour refaire ça. Je commence à peine à t'accepter.
C'est juste que là tu m'avais manqué.
–
OK pas de problème.
Puis il s'en va. J'en profite pour allumer la télé et le reste de la soirée je regarde Teen
Wolf. Le lendemain matin, pas d'interrogations de la part de ma mère. Je me prépare et
choisis mes habits en fonction de mon humeur. Aujourd'hui ce sera tee-shirt rose fluo et
short orange. En me servant mon bol de céréales, je me pose la question "Lina" : est ce
que je dois tout lui raconter ou lui mentir sur mon week-end ? Je décide de lui dire, en
espérant qu'elle réagisse bien, puis je file à l'arrêt de bus. Là, Lina m'attend, le corps
secoué de sanglots et le visage baissé en signe d'incompréhension. « Qu'est ce qu'il y a
Lina ? Quelqu'un t'as tapée ? Tu t'es disputée avec ta mère ? Elle t'as battue ? Explique
moi s'il te plaît ? »
La mère de Lina avait les cheveux blonds et bouclés comme sa fille mais en un peu
plus longs. Avant, c'était une avocate très connue. Elle ne vivait que pour son travail et
restait tard dans son cabinet afin de relire tout le dossier, la plainte du plaignant et les
arguments de l'accusé. Puis il y avait eu une compression du personnel. La mère de Lina
avait été licenciée. Depuis, elle noyait sa souffrance dans l'alcool et quand l'envie lui en
prenait, elle battait sa fille. Elle errait dans les rues à la recherche d'un emploi. Depuis
peu, elle avait trouvé un job de serveuse. Elle buvait de moins en moins et les tensions
entre elle et sa fille s'étaient un peu calmées. Mais on ne sait jamais. Il valait mieux être
prudent et ne pas l'offenser.
–
Arrête de faire semblant. Tu le sais très bien.
–
Mais puisque je te dis que non !! Je n'ai pas raté ton anniversaire (puisqu'il est en
juin), je ne rien pu te dire de mal pendant le week-end puisque je n'étais pas là et je
t'ai appelé samedi et dimanche soir.
–
Alors, en temps normal, que tu te fiches de moi à ce point là ne me dérange pas
mais là c'est pour une histoire sérieuse.
–
Et puis, mince alors, qu'est-ce que je t'ai fait à la fin ?
–
Qu'est ce que tu ne m'as pas fait, plutôt. Et puis tu me saoules à faire celle qui ne
comprend pas. Je m'en vais.
Et puis elle part en courant sans même attendre le bus. Le conducteur a pris du retard
dans les bouchons, comme tous les jours. J'arrive donc au collège avec 10 minutes de
retard et j’évite de justesse une énième observation pour cause de retard sans motif écrit.
Je passe donc une journée normale, comme je le faisais en Italie avant de connaître Lina.
Une journée monotone, sans rires ni petits mots passés en douce. Une journée où tous
les cours se ressemblent, où je reste seule à la cantine en regardant les autres rire.
Toute cette histoire dure trois jours, jusqu'au cours de musique. La prof s'appelle
Mme Frizolli, c'est une grand brune au yeux gris, poitrine moins généreuse que ses
collègues, toujours habillée en jupe plissée-bustier, le combo parfait de la prof modèle.
Elle entame un air de djembé, puis nous le fait reproduire sur notre table.
Poum,poum,tchak,tchak...poum,poum,poum,tchak,tchac. Une fois qu'on est bon là
dessus, Mme Frizolli me demande de me lever, d'aller au tableau, et d'improviser une
chanson sur ce que je ressens en ce moment.
J'y vais d'abord doucement, puis je suis transportée par l'air de djembé. Je me
lâche complètement :
"Je suis perdue
Entre la peine et l'incompréhension
J'ai l'impression
D'être un poisson qui tourne en rond
Ma meilleure amie
M'en veux à mort
Je ne sais pas pourquoi
Donc elle a tort"
Puis, elle demande à Lina de se joindre à moi :
–
" Non je n'ai pas tort
–
Pourquoi tu me fait la gueule alors
–
Tu le sais bien
–
Main non, dis moi à la fin.
–
Au téléphone
–
Quand tu m'a appelée dimanche
–
Oui ?
–
Tu n'as pas raconté ta conversation avec ta mamie
–
Tu aurais dû, je suis quand même ta meilleure amie.
–
Oui je le sais, mais j'étais bouleversée.
–
J'ai un secret, je te le dirai après "
Notre « représentation » se termine sous un tonnerre d'applaudissements de mes
camarades. Puis l'heure de la récré sonne, et je retrouve Lina sous le préau. Elle m'attend,
une expression concernée sur le visage. Toujours en tenue de sport, baskets Addidas aux
pieds, jogging gris et débardeur noir. On se dirige vers « Le mur des secrets », le seul
endroit à l'abri des oreilles indiscrètes.
–
Alors, qu'est-ce que tu as à me dire ?
–
Asseyons nous sur le goudron, tes jambes risquent de ne pas tenir le choc ?
–
A ce point là ?
–
Oui. Donc déjà on est d'accord sur un point ?
–
Lequel ?
–
Tu as des pouvoirs télépathiques.
–
Mais comment sais-tu ça ?
–
Euh... je t'expliquerai après. Sache que je suis Nirina, la "mère" des Lupis.
–
Pffff... hahahahaha... C'est la chose la plus ridicule que j'ai jamais entendue...
–
Peut-être mais c'est la stricte vérité. Je suis restée vivante tout ce temps pour
guider mes descendants sur le chemin de la quête des pouvoirs.
Chapitre 4
Pour Léa, j'étais Lina, sa meilleure amie. Elle viens d'apprendre que je suis son
ancêtre. D'accord, ça peut faire un choc. Mais de là à s'évanouir ? Encore ! Et sans
aucune intervention magique, cette fois-ci. Vu que nous somme le 23 mai, j'ai pu faire
passer ça pour un coup de chaud sans devoir m'expliquer. Je dois avouer que j'adore ma
vie d'adolescente. J'ai quelques bons amis, d'autres moins bons et des gens que je
déteste (comme tout le monde, je pense). J'ai aussi un copain, Timéo. C'est le plus
intelligent de la classe, toujours là pour répondre à une question, venir au tableau ou
parler de sa lecture du moment. C'est un passionné d'aviation, il aimerait faire pilote plus
tard. Timéo n'est pas un grand fan de sport mais il n'est pas contre un petit jogging ou une
partie de foot de temps en temps.
La mère de Léa arrive, inquiète pour sa fille, et décide de lui faire passer des radios
à l'hôpital. Nous sommes donc dans la salle d'attente, Melissa se rongeant les ongles
jusqu'au sang, moi culpabilisant pour l'état critique de stress de la mère de Léa. Enfin, une
infirmière aux cheveux roses ouvre la porte est nous annonce que rien d'anormal n'a été
détecté. Là, Melissa pousse un soupir de soulagement et saute dans les bras de
l'infirmière (une vielle connaissance, d'après ce que j'ai compris). Puis elle me ramène
chez moi, Léa et moi sur la banquette arrière et elle au volant.
La mère de Léa était très jeune, elle avait 35 ans tout au plus. Elle respirait la joie
de vivre et on voyait qu'elle était heureuse avec Charles, son copain depuis 3 ans. Ils
s'étaient rencontrés un jour de mars. Il pleuvait et un mistral soufflait. Melissa venait
d'acheter une robe bleu et des chaussures grises et elle ne voulait pas les abîmer. Elle
alla donc se réfugier dans la boutique la plus proche,qui s'avérait être une boucherie que
la famille de Charles tenait depuis des générations. Là, une scène digne d'un vieux film à
l'eau de rose : Melissa fait tomber son sac, elle se baisse pour le récupérer, Charles fait de
même et leurs mains se touchent, ils relèvent la tête et se voient, c'est le coup de foudre.
Ils mènent une relation en secret pendant un an, avant que cela ne devienne sérieux. En
apprenant ça, Léa avait piqué une crise mais maintenant ça lui était passé. Évidemment,
mes parents n'étaient pas mes vrais parents, sinon ils seraient encore plus vieux que moi.
Il y a une dizaine d'années, je m'étais matérialisée devant un orphelinat dans le corps
d'une enfant de deux ans. Mes parents étant stériles, ils en étaient arrivés à vouloir
adopter, et ils pensaient que je pourrais tout à fait être leur fille. J'habitais dans une belle
maison, assez grande, avec beaucoup de fenêtres. Ma chambre était petite, mais je
l'aimais beaucoup. Accoudé au mur, sur le côté droit, se trouvait un lit en bois d'érable,
égayé par une literie aux couleurs de l’Allemagne, le pays dans lequel j’étais réellement
née. Une lampe mauve, posée sur ma table de chevet, ainsi que Nos étoiles contraires,
mon livre préféré, trônaient en face d'une énorme bibliothèque faite entièrement en verre.
Elle contenait une bonne centaine de livres et était pleine à ras-bord. Une armoire, sur
laquelle traînaient pas mal de bibelots sans valeur et un portrait de ma fille, Marine, resté
dans le Monde Du Savoir. J'avais du faire croire à Quentin et Amélie, mes parents
adoptifs, que Marine était ma star préférée (je ne pouvais évidemment pas leur révéler
qu'ils s'agissait de ma fille). Le papier peint était d'un jaune orangé et possédait une frise
avec plein de petites licornes. Le sol était recouvert de carrelage noir. En face de ma
chambre, de l'autre côté du couloir, se trouvait une salle de bain refaite récemment, et
donc extrêmement moderne. Juste à côté, la chambre de mes parents, puis c’était le
salon. Beaucoup de rouge et d'espace pour très peu de meubles. A côté, une cuisine
dotée d'électroménager de luxe complétait la maison. Quentin était en train de regarder le
Tour de France sur l'écran plat du salon tandis qu'Amélie cherchait une recette de poulet
dans son livre de cuisine.
Je me concentre, puis je visualise le souvenir que j'ai de la maison de Monique, en
n'oubliant pas d'y inclure Léa. Un panache de fumée rose m'entoure, puis je me retrouve
avec une Léa déboussolée dans la maison de Monique.
Nous sommes arrivés chez ma grand-mère, par un moyen... disons... inhabituel. Un
panache de fumée rose nous a enveloppés, moi et Lina/Nirina, puis, en quelques
secondes, nous sommes arrivées. Déboussolée par ce voyage éclair, je m'affale dans le
canapé puis je réfléchis sérieusement à ce que l'identité de Lina et l'apparition de mes
pouvoirs signifient pour moi. Avant d'avoir des pouvoirs, je me disais que ce serait sympa
d'en
avoir,
comme
dans
les
films
où
l’héroïne
tue
tous
les
méchants.
Mais les personnages de ces films n'ont pas le pouvoir inutile de lire dans les pensées.
Eux, ils peuvent faire des trucs cool comme faire jaillir du feu de leur mains ou soulever
des voitures.
Bon, revenons-en aux faits. Je suis donc assise sur le canapé de ma grand-mère
avec pour seule occupation de contempler la pièce. Au centre de la pièce, une table en
bois ancien entourée de chaises au style victorien. Un lecteur de disques trône sur une
table basse en bois de chêne. Une plante verte, à côté du canapé en velours blanc sur
lequel je suis assise, est placée en face d'une télé à écran plat. Le parquet gris,
fraîchement ciré, contraste avec le papier peint à fleurs roses. Je n'ai pas le temps
d'étudier les décorations murales que ma grand-mère commence à parler.
–
Nirina !! Ça fait tellement longtemps !! Tu n'as pas pris une ride depuis toutes ces
années !!
–
Toi non plus ma chérie.
J'avais toujours été fascinée par la facilité de Lina à rouler les "r". Mais... je viens de me
rendre compte d'un truc. Peut-être que ma grand-mère et Nirina se diraient des choses
plus intéressantes si elles pensaient que je ne les écoutais pas. La télécommande est
justement posée juste à côté de moi. J'allume donc la télé sur la D17 et j’atterris en plein
milieu du clip de ma chanson préférée, Hello de Adèle.
La chanson est finie. Je me concentre donc sur la conversation entre ma grandmère et Lina en me maudissant d'avoir allumé cette fichue télé car je viens de louper une
bonne partie du dialogue. Mais évidemment Léa ne doit être au courant de rien.
Chapitre 5
Toujours assise sur le canapé blanc de ma grand-mère, une tête de cerf accrochée
au mur me regardant fixement. Assises sur les chaises victoriennes, mes aïeules
continuent leur conversation.
–
Heureusement qu'elle ne nous entends pas.
–
Monique, tu as oublié notre dernière leçon ? Tu ne t’entraînes plus ? Enfin, elle
nous écoute ! Si tu lis ses pensées, elle reflètent exactement ce qu'on dit. Léa !!! Si
tu veux nous berner, il faudra d’abord t’entraîner à renforcer ton mur mental !
Je rougis, me lève de mon siège, fais grincer le parquet et rejoins mes ancêtres à table.
–
Excusez-moi...
–
Ce n'est pas grave. Maintenant que tu te décides enfin à nous rejoindre, nous
avons à te parler. Ma chérie, tu sais que…
Tout à coup, avant que j'ai le temps de l'en empêcher, la voix de Nirina s’immisce dans ma
tête.
–
STOP !!!! Un non-liseur nous écoute !!!! Continuons notre conversation en pensées.
A ce moment là, elle s'adresse uniquement à moi, et je crois que ma grand-mère
n’entend pas la suite. Excuse-moi, ça t'as perturbée mais il faut t'y habituer.
–
Donc je reprends, ma chérie tu sais que les Lupis et les Cartis sont des camps
ennemis depuis des générations. Si tu veux continuer à fréquenter Luc, tu dois lui
déclarer ta flamme.
–
LUI AVOUER MON AMOUR ??? Mais... C'est impossible.
–
Si, tu y iras, de gré ou de force !
.
La détermination dans la voix de Nirina venait de me convaincre. Le lendemain, de
retour au collège, je m’apprêtais à jouer ma vie. Luc était là, toujours aussi beau mais
malheureusement toujours autant entouré...
–
Nirina... euh... Je veux dire Lina, laisse-moi attendre qu'il soit tout seul.
–
NOOON !!! Tu y vas maintenant !
Et, sans attendre ma réponse, elle me pousse dans les bras de Luc.
–
E...EXCUSE-MOI...
–
Dis-lui, me dit Nirina à l'oreille.
–
Euh... Comment pouvais je faire? Je lui lançais un regard signifiant clairement « j'ai
à te parler.»
Il me lance un regard rempli d'incompréhension. Je lui montre le mur de toilettes, puis je
me désigne moi et enfin lui. Je ne peux pas être plus clair là. Je pris mon courage à deux
mains, puis : « Je t'aime Luc et toi? Réponds moi s'il te plaît. » Il lance un regard
interrogateur à son meilleur ami, qui lui réponds par un mouvement de tête négatif. « Non
désolé Léa. »
Encore une journée qui commence. Je me douche, je m'habille puis je passe un
long moment à contempler la photo de ma mère... Qu'est-ce qu'elle est belle sur cette
photo ! Des talons aux pieds, une longue jupe à la gitane, un bustier et son superbe collier
de perles. Ses cheveux roux coupés au carré et ses lunettes blanches sur le nez.
Je lâche à regrets ma contemplation pour prendre mon petit déjeuner puis je me dépêche
de partir à l'école après avoir embrassé mon père et ignoré littéralement ma demi-sœur
ainsi que ma belle -mère.
Après une demie-heure de marche je rejoins Julien, Mélanie, Tom et Thierry devant
le portail du collège et je profite de cinq minutes de tranquillité avant l'arrivée de nos
"fans". C'est ça de faire partie des plus populaires de la ville. Tout ça parce que mon père
est le célèbre PDG de l'entreprise de papier toilette Lotus. J'attends en particulier l'arrivée
de l'une d'elles. Justement je la voit arriver, ses joues rouges contrastant avec sa peau
blanche. Et ses cheveux... Un discret mélange de brun, de roux et d'une légère touche de
châtain clair. Elle est persuadée d'être brune mais je vous jure que non. Et je sais de quoi
je parle, après avoir étudiée son visage millimètre par millimètre durant des heures, les
yeux rivés vers elle. En parlant d'yeux, les siens sont magnifiques, les plus beaux que j'ai
jamais vus. Du violet très clair changeant au fil des saisons. Et sa silhouette superbement
dessinée, des courbes parfaites et des jambes... Assez petites et un peu rondelettes mais
tellement belles... Elle n'est pas seulement belle. Elle est aussi gentille, timide et
intelligente... Terriblement intelligente. Mais personne ne remarque tout ça. On s'arrête
juste à ses deux prénoms qui forment l'acronyme LC et à son nom, Perdue. La pauvre,
elle est vraiment courageuse, avec toutes les moqueries qu'ils lui infligent.
–
Oh,voilà la perdue qui se ramène avec son amie la bourgeoise.
–
Ah ouais t'as raison, c'est une vraie gamine cette fille.
QUI OSE M'INTERROMPRE DANS MA REFLEXION POUR DIRE UNE CHOSE AUSSI
STUPIDE ???? C'est encore Mél et Julien .Mais ce n'est pas possible !!! J'ai envie de les
baffer. Attendez, ce n'est pas elle qui vient vers moi ? Tout mais pas ça ! Pas devant eux !!!
Elle se jette dans mes bras. Sentir son visage contre mon épaule c'est tellement...
Waouh ! Ses joues déjà rouges deviennent écarlates.
–
E...EXCUSE MOI...
–
Euh...
Elle est tellement mignonne… Elle me regarde, je ne comprends pas. Puis elle lance un
regard exaspéré vers le ciel. Elle me montre les toilettes, puis nous deux. Mais je n'ai pas
besoin d'aller au toilettes moi. Puis d'un seul coup elle lâche : « Je t'aime Luc et toi ?
Réponds-moi s'il te plaît. »
Chapitre 6
Je suis anéantie... Luc...Luc...LUC !!!!! Il faut absolument que je lui explique.
L'histoire des Lupis, bien sûr, mais surtout celle des Cartis. Mais, en même temps, je ne
veux pas le forcer à m'aimer. Je prends mon courage à deux mains et me dirige vers la
maison de mon âme sœur. Je connais le chemin par cœur, à force de suivre Luc. Arrivée
devant la porte, j'hésite à entrer. Je toque une fois, deux, puis je me décide enfin à sonner.
Une dame brune d'une quarantaine d’années à l'air fatigué m'ouvre la porte avec un
sourire lumineux sur le visage. Elle est petite, une ceinture bleue aux hanches et des
cernes sous les yeux. Derrière elle, une petite tête rousse apparaît. Sa propriétaire est une
petite fille aux longs cheveux bouclés. Des yeux en amandes verts quelque peu cachés
par une mèche rousse. Un visage blanc parsemé de taches de rousseur souligné par un
petit nez en trompette. Elle porte une robe verte affichant un dessin de chat. Elle est
pieds-nus et porte dans sa main droite une peluche Hello Kitty. Elle est tellement
mignonne, tout le portrait de son frère.
–
Bonjour...Je suis...Je suis Léa , une amie de Luc
–
Bonzour Madame. Ze m'appelle Gaëlle et z'ai 5 ans. T'es la namoureuse de Luc ?
Mon frère parle tout le temps de toi. Et puis il a raison t'es drôlement zolie.
Mais pourquoi tu rougis ? Maman... Elle rentre quand Manon ?
–
Ta sœur revient vers 20 h ce soir. Maintenant tais-toi Gaëlle. Tout ça va mettre
notre amie mal à l'aise. Allez, entre Léa. La chambre de Luc c'est...
–
En haut à gauche je sais. Merci madame...
–
Appelle moi Mél.
Je grimpe les escaliers quatre à quatre puis je regarde par la porte entrouverte. Luc est
assis au milieu de la pièce. Il regarde ce qui semble être une photo de famille. Une femme
rousse sourit devant l'objectif, en tenant par la main un Luc miniature.
–
Luc... c'est Léa... Je peux entrer ? Il a l'air d'un gamin surpris en train de voler des
bonbons dans l'épicerie du coin.
–
Luc... Je voulais m'excuser pour tout à l'heure.
–
Léa... Je voulais m'excuser pour tout à l'heure. Luc esquisse un sourire gêné tandis
que je rougis comme une tomate. Nous avons parlé en même temps ! Léa...
–
Ne t'excuse pas... s'il te plaît...
–
Tu sais, l'autre jour, quand j'ai dû aller à l'hôpital en début de matinée... C'était à
cause de notre... relation. Le fait que nous nous aimions, à vrai dire.
–
Mais... Personne n'est jamais tombé à cause d'un amour ?
–
Oui mais... Nous ne sommes pas, puis je continue en chuchotant à son oreille,
normaux. J'ai des pouvoirs télépathiques et toi, de ton côté, tu peu faire tomber
toutes les filles amoureuses de toi et si tu l'aimes aussi, elle tombe.
–
Mais... C'est impossible !!!
–
Oui je sais, j'ai eu la même réaction quand ma grand-mère me l'a annoncé. Mais je
peux te le prouver. Pense très fort à un truc, là tout de suite. Et en prime si tu veux
je peux même te parler par pensée. Mais tu ne pourras pas me répondre.
–
Ok mais je ne pense pas que tu vas y arriver.
–
On parie ?
–
La personne qui me fait le plus peur est ma demi-sœur.
–
Ga... Gaëlle?
J'interromps la connexion puis je le regarde, l'air ébahi. Il répond à mon regard et c'est
comme si le monde autour de nous disparaissait. Nous sommes tous les deux, juste tous
les deux. Il s'avance, hésitant d'abord puis avec plus de conviction. Il me prends les
mains, puis passe ses bras autour de ma taille. Je ferme les yeux pour profiter de ce
moment extraordinaire, et il pose un baiser furtif sur mes lèvres. Je lui rends son baiser,
nous continuons ce petit manège pendant un temps qui me semble infini. Tout à coup, une
porte claque (je suppose que c'est celle du salon mais je n'en suis pas sûre) et Luc blêmit.
Il me lâche, essuie la sueur qui dégouline de son front, puis lentement, trop lentement, il
s'éloigne, sans me quitter des yeux. Je vois dans son regard de la peur, et d'abord, je ne
comprends pas. Que se passe t-il ?
Qui est cette personne qui a claqué la porte et pourquoi ? Des pas bruyants et
lourds, résonnent dans ma tête. Une colère, qui n'est pas la mienne, s'empare de mon
cerveau. J'ai beau me démener, essayer de la chasser, en vain. Une personne, que je ne
connais pas, ouvre brusquement la porte de la chambre. Durant quelques longues
secondes, elle me dévisage. J'en profite moi aussi pour sympathiser avec le physique du
personnage. C'est une fille. Elle est belle, non, « belle » n'exprime pas avec justesse
l'aspect de cette fille. Je dirais plutôt qu'elle est sublime. Ses longs cheveux blonds
tombent en cascade sur ses épaules et une mèche rose égaye le tout. Elle a une peau
basanée et un nez à la Cléopâtre. Ses yeux bleus sont rehaussés d'un trait d'eye-liner et
une moue boudeuse à la Cara Delevingne lui donnent un air de top-modèle. Un menton fin
termine son visage. Elle porte une tunique rose de chez Zara et un leggings sûrement
acheté au Gemo du coin. Un collier de perles nacrées, un bracelet plaqué or ainsi qu'une
paire de boucle d'oreilles assortie au collier lui donnent un air sophistiqué. Ses longues
jambes se terminent par un bracelet de cheville et des tongs laissent voir une manucure
parfaite. Après m'avoir longuement étudié, ses sourcils toujours froncés, elle se met à
parler, ou plutôt devrait je dire crier, un doigt pointé sur moi. « TOI !!!! JE T'INTERDIS DE
T'APPROCHER DE MON FRÈRE !!! ESPÈCE DE ... DE... DE LUPIS !!!! Quand à toi, Luc,
je vais appeler Papa, et crois-moi, quand il saura que tu traînes avec une Lupis, ça va
chauffer. »
Puis elle repart, aussi brusquement qu'elle est arrivée. Ça peut paraître lâche, mais
à ce moment précis, je n'ai qu'une envie, c'est fuir. Mais Luc me retient, et après ce qu'il
vient de vivre, j'ai un peu pitié de lui. D'autant que je suis terrorisée et que la perspective
de me promener toute seule dans la rue de nuit ne me réjouit pas énormément. J'ai
beaucoup, beaucoup de questions à poser, mais Luc prends les devants. « La fille que tu
viens de voir, là, c'est Manon, ma demi-sœur. Je ne l'apprécie pas beaucoup mais surtout,
surtout, elle terrorise tout le monde à la maison. J'essaie de la jouer cool et de l'ignorer
mais, vu son caractère, c'est assez risqué. En revanche, pour Gaëlle, sa sœur, c'est
complètement différent. Elle est très gentille et trop craquante avec son cheveu sur la
langue. Depuis un an, elle ne va plus en cours. Une fois, alors qu'elle disait au revoir à
Cathy, sa maîtresse de petite section, un monsieur s'est trompé d'enfant et l'a prise par
l'oreille pour la ramener chez lui. Papa est arrivé et a fichu une bonne raclée au
"kidnappeur" mais depuis, Gaëlle est traumatisée et ne veut plus retourner à l'école. Par
contre, maintenant, tu devrais vraiment renter chez toi. Je te conseille de ne pas être là
quand l'information que lui a donnée Manon lui arrivera au cerveau. »
Sans faire de bruit, je descends les escaliers, perçois une bribe de conversation
entre la mère de Luc et son interlocutrice au téléphone. Je plaque une oreille contre la
porte d'entrée mais il n'y a aucun bruit donc personne derrière la porte. J’abaisse la
poignée puis je sors de la maison. Il fait bon dehors et il y a une odeur de kebab dans l'air,
venant du fast-food d'en face. Je fais quelques pas, puis j'allume mon MP3. Un air de jazz
me fait tourner sur moi-même pendant deux ou trois minutes puis je marche sans but
précis dans la rue. Une ombre d'abord floue traverse la rue et s'arrête sous un lampadaire.
Il s'agit en fait de Manon. Elle à l'air de composer un numéro, puis une sonnerie retentit.
Une boîte vocale, elle laisse un message, puis raccroche. Son sourire mauvais, déjà
flagrant, s'élargit de moitié. Une lueur maléfique dans ses yeux. Elle tape du pied, et
toutes les quinze secondes, elle regarde sa montre. La personne qu'elle attend a l'air
importante et ma curiosité prend le dessus. Cinq minutes plus tard, un 4x4 se gare sur le
bord du trottoir. Un bel homme musclé sort de la voiture. Il ressemble à ce qu'on voit dans
les magazines ou sur les plages, les cheveux blonds, le teint légèrement bronzé, short et
chemise hawaïenne. Apparemment, ce n'est pas lui qu'attendait Manon, puisqu'elle lève
les yeux au ciel d'un air agacé. Effectivement, ce n'est pas lui, car une fille aux yeux d'un
noir intense sort par la portière de la place passager. Tous les deux se dirigent vers le fastfood en parlant fort. Une sonnerie retentit, et pendant un instant, j'ai peur que Manon m’ait
remarqué. Mais elle est trop occupée à taper du pied de plus en plus fort et de plus en
plus vite. C'est un message de ma mère.
Maman : Tu fais quoi ?
Moi : Bah je suis chez Lara, comme je te l'ai dit.
Maman : Je croyais que ses parents étaient occupés ???
(Mince !! Grillée dans mon propre mensonge.)
Moi : Ses parents étaient en congé aujourd'hui.
Maman : Bon, dans tous les cas, dépêche-toi, on t'attend pour manger et j'ai à te parler.
Moi : Ça ne sert à rien de m'attendre, elle m'a invitée à passer la nuit avec eux. Elle me
raccompagnera demain matin.
Maman : OK. Envoie-moi un message quand tu te couches et quand tu te réveilleras
demain.
Une vielle Jeep arrive à toute vitesse et fait voler de la poussière en s'arrêtant. Un
homme à la barbichette brune en sort. Il est petit (je dirais qu'il doit faire ma taille, 1 m 63
tout au plus.), l'air chétif et des yeux grand ouverts. Il se dirige vers Manon, un vrai sourire
sur le visage. Il suffit que Manon lui dise deux mots pour qu'il passe du vieux bonhomme
adorable au serial-killer recherché depuis des années. Il est toujours aussi petit, toujours
aussi barbu mais il paraît beaucoup moins gentil. Ses yeux se sont rétrécis, un sourire
mauvais montrant des dents acérées. Il fait limite peur comme ça. C'est comme si il avait
changé de forme. Il s'approche de moi, je recule. Il refait un pas, je re-recule. Nous
continuons ce petit manège jusqu’à ce que je me trouve au fin fond d'une impasse. Là, il
ouvre enfin la bouche. Il a une grosse voix qui ne colle pas du tout avec son petit corps. Il
a une de ces haleines, un mélange de tabac, de bière, d’aïoli et de couscous. Son premier
contact vocal avec moi se résume à des injures et des menaces.
–
Toi !!! Espèce de Lupis !! Tu sais, je te maudis, toi et toute ta famille. Tu n'es qu'un
reste de vielles ordures périmées.
–
Peut-être, mais vous vous ne sentez pas hyper bon de la bouche.
–
Léa, à ta place je me ferais petite. Mon père peut devenir fou à lier si il apprend
qu'une Lupis est dans les parages.
Il faut que j'arrive à trouver son point faible. Pour une fois mes pouvoirs me serviront peutêtre à quelque chose. Si j'arrive à rassembler toute mon énergie... Si j'arrive à rassembler
toute mon énergie... Je pourrais entrer par une faille dans son esprit. Il faut... il faut que je
le regarde dans les yeux... sinon je n'y arriverai pas... Ça y est j'y suis!!! Mais je ne vois
que du vide, un vide étourdissant... Puis un cri perçant. Je me retrouve littéralement
projetée dans le monde réel. Là, Manon me lance un de ses regards snobs dont elle a le
secret. « Je vois que tu as fait la connaissance avec notre BCAL, autrement dit le
Brouilleur-De-Cerveau-Anti-Lupis. Tu pensais être la première Lupis que l'on rencontre?
Qu'on allait te laisser entrer dans nos pensées ? Mais dans tes rêves ma pauv' fille ! »
Je... je ne peux pas me relever... sur ce coup elle a gagné. Allez vas-y Manon, tuemoi qu'on en finisse. Je sens quelque chose m'attraper par les épaules, puis plus rien. Où
suis-je ? Est-ce ça la mort ? A première vue, je suis dans une sorte de galaxie parallèle, au
centre d'une pièce sombre. Les murs ressassent les noms de milliers de planètes et sur le
sol, des millions de prénoms ainsi que des caractéristiques. Jima, elfe parlant six cents
langues. Marie, génie de l'informatique. Léa, télépathe. Quoi ? Léa, télépathe ? Mais c'est
moi Léa ? Qu'est ce que je fais sur cette liste ? Apparemment, je ne suis pas seule car un
chœur entonne en fond un gospel. Je m'avance, une lumière aveuglante m'éblouit. Une
fille descend du plafond. Je l'ai déjà vu quelque part... Une aura verte l'entoure... Ça y est
je sais ! Cette personne est le sosie de Marie. Elle a de longs cheveux roses pastels, le
bracelet à pointes de mon infirmière est remplacé par un bracelet en or avec un saphir
incrusté au centre. Elle a exactement le même piercing sur la narine droite. Elle
s'approche de moi, ses pieds nus foulant le sol. Les chœurs s'arrêtent, puis je sais enfin
où je suis.
–
Bienvenue à toi Léa. Nous nous connaissons. Te rappelles-tu de moi?
–
A vrai dire... pas vraiment.
–
Un indice : tu m'as déjà vu quand tu t'es ouvert le crâne.
–
M... Marie ? C'est toi ? Mais tes cheveux ont poussé ? Où sommes-nous ? Est-on
mort ?
–
Oui, c'est bien moi. Mais désormais j'aimerais que tu m'appelles Shana La Lumière.
C'est peu être un peu prétentieux mais c'est comme ça qu'il nomme leur reine. Ici,
c'est ma maison, mon chez-moi. Et ça va bientôt être le tien. Il se nomme Le Monde
Du Savoir, c'est un endroit où vivent beaucoup d'intellectuels ou de gens tels que
toi avec des pouvoirs particuliers. Nous avons essayé beaucoup de fois de
t'emmener dans cet endroit mais toi et ta mini-moi ne nous rendiez pas la tâche
facile.
–
Ma mini-moi ?
–
Chaque personne à sa mini-moi. C'est une sorte de mini-poupée vivante, qui naît
en même temps que toi et qui te ressemble trait pour trait. Elle, elle apprend à se
servir de ses pouvoirs (donc les tiens) dès son plus jeune âge. D'ailleurs petite
anecdote : quand tu avais 10 mois, ta mini-moi s’entraînait à faire léviter des objets.
Et toi tu as fait léviter la cuillère de purée. Ta mère n'en revenait pas. Maintenant, je
vais t'expliquer pourquoi tes pouvoirs te sont apparus si tard. Déjà, ta mini-moi était
très très nulle en magie. Elle n’écoutait rien. Puis, quand tu as eu 11 ans, elle les
maîtrisait enfin. On a essayé de les amener jusqu’à ton corps mais il exprimait une
forte résistance. Nous avons mis plus d'un an avant de réussir. En temps normal,
les pouvoirs apparaissent vers l'âge de 8 ans. Pour en revenir à ta précédente
question, non tu n'es pas morte. Pour que tu viennes ici il a fallu qu'on assomme ta
mini-moi afin que tu t'évanouisses. Tu ne peux venir ici qu'en le souhaitant très fort,
en dormant ou alors en t'évanouissant. Si il arrive quelque chose à ta mini-moi tu
ressentiras la même chose, elle est comme une partie de toi.
Chapitre 7
Mon crâne me fait mal, j'ai l'impression d'être saoule. Je n'ai jamais bu mais cette
expérience ne me donne pas envie de m'y mettre. J'ouvre un œil, puis l'autre. Ah, ce
soleil, il me brûle l'œil. Je suis à moitié dans mon lit, à moitié au sol, mon bras se
raccrochant à ma couette. En quelques secondes, je suis passée d'un monde irréel à ma
chambre. À moins que ce ne soit un rêve. Je m'extirpe difficilement de mon lit puis je me
lève, prends mon téléphone sur la table de chevet et me dirige machinalement vers la
salle de bains. Aujourd'hui, samedi. Juste envie de passer ma journée en pyjama à me
gaver de pop-corn devant un bon vieux film à l'eau de rose. Mais c'est impossible : bye
bye Titanic et bonjour le musée de la chaussette. Cela fait 3 mois que ma mère a prévu
cette sortie, je ne veux pas la décevoir.
Je me poste devant le miroir, petite inspection matinale. Un nouveau bouton d'acné
sur le front. Bon, ce n'est pas dramatique, hein. Une éraflure sur ma joue me confirme que
mon escapade nocturne était bien réelle. Autrement, tout est en règle. Avant de prendre
ma douche, je déverrouille mon téléphone, puis je lance une chanson du nouvel album de
Maître Gims. Je me lave sereinement, les images de la veille se bousculant dans ma tête.
D'abord le baiser, ce baiser qui m'a procuré tant d'émotions. Luc me pressant contre lui,
ses lèvres douces contre les miennes. Puis Manon la furie,qui aurait pu être top-modèle.
Son père, si chétif, qui en quelques secondes était devenu fou. Rien que d'y penser, j'en ai
la chair de poule. Ma gorge se serre et des pensées horribles prennent la place de tous
mes souvenirs. Et si le père de Luc était entré chez moi pendant la nuit ? Et si il était venu
tuer ma mère pour se venger ? Pire, si il avait tué ma mère et m'attendait derrière la porte
pour m'enfoncer un couteau dans le cœur ? Je dois en avoir le cœur net.
Je sors en trombe de la salle de bains, de la mousse dans les cheveux, ayant à
peine pris le temps de m'enrouler dans une serviette de bain. Personne... Je cours dans
toute la maison, morte de peur, regrettant presque ce bon vieux Charles. La maison est
vide. Je me souviens de ce que ma mère me disait petite : « si tu as un soucis, appelle
moi. » OK. Le numéro, le numéro, vite... je n'ai plus de souffle, je fais pendre ma langue
comme un chien, la respiration haletante. Ah ça y est je l'ai. Vite, appuyer sur les touches.
Pas de précipitation. 06... OK... 56...68...35...12...Répondeur... Oui allô je t'appelle pour te
rappeler que tu as une fille... qui est morte de peur. Puis je fonds en larmes, sans me
soucier de mon mascara qui coule ou du regard des autres. De toute façon, il n'y a
personne ici. Je suis seule, mes voisins ont déménagé. Ah si, il y a la voisine d'en face,
une mamie gâteau qui doit sûrement dormir. C'est la plus vielle du quartier, elle habite là
depuis plus de trente ans et ne compte pas partir. Elle me fait de la peine. L'autre jour, le
directeur de la Maison des Fleurs est venue la chercher et elle s'est accrochée à la
rambarde de l'escalier. Le directeur, sans pitié, continuait à la tirer par les jambes. La
pauvre dame pleurait tout son soul en priant. Au bout d'une demi-heure de résistance, la
vielle dame s'effondre. Toute cette histoire s'est finie en justice, après un détour par
l'hosto. Au final, le commandant de la maison de retraite écope de trois mois de prison
ferme pour atteinte à personne âgée et n'a pas le droit de s'approcher à moins de
cinquante mètres de ma voisine. Elle a gagné et coule désormais des jours heureux dans
sa maison de toujours. Je suis prise de soubresauts, roulée en boule par terre comme un
chiot apeuré. Aujourd'hui, 10 juin, c'est mon anniversaire. J'ai 13 ans et je ne me suis
jamais sentie aussi seule. Dehors, le ciel est gris et c'est le début du plus gros orage de
l'année.
Quelques heures plus tard, je suis toujours en position fœtale dans l'entrée.
Quelqu'un tourne une clé dans la serrure et ma mère apparaît, un grand sourire aux
lèvres, chantonnant et tournoyant, comme si elle ne m'avait pas du tout abandonné un
jour d'orage (j'ai une peur phobique des orages) qui plus est le jour de mon anniversaire.
Mais non, on dirait qu'elle ne me voit pas, que je n'existe pas. Elle attrape son téléphone
dans son sac à main, puis part s'enfermer dans sa chambre comme une ado qui veut tout
raconter de sa nouvelle idylle à sa "best friend". Je l'entends rire depuis le rez-dechaussée. Ah, petite parenthèse, je ne vous ai pas parlé de la disposition des pièces de
ma maison. On dirait que ma mère a fermé les yeux et a fait la ploum pour savoir
comment organiser la maison. Au rez-de-chaussée, le salon-salle à manger-cuisine
ouverte, à droite de la porte d'entrée, qui prend tout l'étage. Au premier, la chambre de ma
mère, une autre "cuisine" (pourquoi ?), une salle de bains, des toilettes, encore des
toilettes... Vous allez dire : mais où est la chambre de Léa ? Toute seule, au second étage,
sans salle d'eau ni toilettes. Je suis isolée du reste du monde, et si la nuit j'ai une envie
pressante, je dois descendre l'escalier à pas de loups dans la pénombre. Parenthèse
fermée. Sortie définitivement de ma transe, je monte dans ma chambre, récupérant
quelques bribes inutiles de la conversation de ma mère, peut-être inutiles mais je ne peux
m'empêcher de m'arrêter, d'autant que j'ai oublié mon portable dans la salle de bains :
–
Il est tellement beau, blablabla, il est attentionné, blabla... ha ha ha ha non... t'es
con toi quand même, blabla...
Bon, on ne va pas y passer la journée, je pense qu'il est inutile de lui rappeler notre sortie
" mère et fille" d'autant que Charles va bientôt rentrer du travail. Je récupère mon portable,
et me dis qu'il n'y a finalement rien à faire dans ma chambre. Je décide donc de
descendre me préparer un grand bol de pop-corn sucré (un délice...) en regardant Titanic
(mon film préféré). Juste au moment où rose prend la pose pour Jack, la sonnerie de mon
téléphone me sort complètement de l’ambiance du film. A contrecœur, j'appuie sur la
touche pause, puis écoute mon interlocuteur, après avoir bien évidemment décrocher.
Mon cœur s'emballe dès que j'entends la voix de Luc, sa voix, si chaude qu'elle réchauffe
automatiquement mon âme.
–
Salut Léa, c'est Luc, commença-t-il, et moi et quelques personnes voudrions te dire
quelque chose...
–
Quelques personnes ? Qui s’intéresse à moi ? Même ma mère me laisse tomber.
Et c'est le retour de la fontaine... Même les gentils mots de Luc, qui se veut rassurant, ne
réussissent pas à m'arrêter. Mais il est patient, et m'écoute me plaindre et gémir pendant
un long moment, sans stopper son flot de paroles rassurantes. Mes larmes cessent peu à
peu, et je reprends enfin le contrôle de mon esprit.
–
Snif... Merci de m'avoir écouté Luc.
–
C'est normal... Bon maintenant la surprise tombe un peu à plat mais...
–
... Joyeux anniversaire ! reprennent plusieurs voix, dans lesquels je reconnais
Nirina, Luc, ma grand-mère et même la voisine d'en face.
–
M... merci... Je ne mérite pas tout ça... Et c'est le retour de la fontaine. Je suis
vraiment émotive aujourd’hui. Bon, ce coup ci se sont des larmes de joie, mais
quand même ! Heureusement, ce coup ci, les larmes ne durent pas longtemps.
–
Et c'est pas fini, nous t'invitons au Grand Baobab, le resto le plus chic de la ville.
Bon reste à convaincre ma mère. Après les "au revoir merci" d'usage, je raccroche, puis
commence la période "convaincre ma mère". Je fais la lessive, ponctue mes phrases de
« maman chérie » et de « je t'aime Mamounette ». Puis il faut que je lui demande la
permission :
–
Mamounette, Mamie m'invite au restaurant ce soir, tu sais pour MON
ANNIVERSAIRE.
–
Pas ce soir ma puce on a un invité. D'ailleurs il sonne. Va ouvrir.
–
Et Charles ?
–
Il reste au travail cette nuit.
A contrecœur, je vais ouvrir et pousse un cri de surprise.
A suivre
Oriane Babik

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