VIH/Sida et Droits de l`Homme en milieu médical sénégalais
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VIH/Sida et Droits de l`Homme en milieu médical sénégalais
Amnesty International Section Sénégalaise Groupe médical VIH/Sida et Droits de l'Homme en milieu médical sénégalais Rapport d'un atelier tenu à Dakar, 18-19 juillet 2001 par Félix Atchadé et Ann Spencer avec le concours de C. Becker, F. L. Dia, G. Engelberg et O. Gaye Illustration Dakar — mars 2003 Cet ouvrage a bénéficié, pour son impression et sa diffusion, de l’appui du Centre de Recherches pour le Dévéloppement International (CRDI). Les vues qui y sont exprimées ne reflètent cependant pas nécessairement celles du CRDI Illustration de la couverture Solidarité. Tableau de Djémilatou Bikami qui en a autorisé la reproduction à titre gracieux © Amnesty International- Section sénégalaise Mars 2003 Remerciements Le Groupe médical de la Section sénégalaise d’Amnesty International remercie vivement toutes les personnes et institutions qui ont contribué au succès du forum “VIH/Sida et droits de l’Homme en milieu médical”. Nous remercions les modérateurs des ateliers et les rapporteurs dont les notes ont permis de préparer ce rapport. Nous remercions chacun des participants pour leurs idées et leur enthousiasme qui n’a pas failli au cours des deux jours qu’a duré la conférence. Nous remercions Madame le Ministre de la Santé et de la Prévention pour ses encouragements et son soutien. Nous remercions le Docteur Ibra Ndoye, Coordonnateur du Comité National de Lutte contre le Sida, qui a bien voulu présider la cérémonie d’ouverture. Nos remerciements vont également à Family Health International et à l’USAID qui ont soutenu financièrement cette initiative et permis d’organiser la réunion, à Africa Consultants International (ACI) pour son soutien efficace et sa collaboration active à la préparation et au bon déroulement du Forum, ainsi qu’au CRDI dont l’appui a permis la publication et la diffusion de ce rapport. Nous remercions chaleureusement Charles Becker, Gary Engelberg et le Dr Fatim Louise Dia (ACI), pour leurs précieux conseils, suggestions et assistance, aussi bien pour la tenue du Forum que pour la rédaction du présent rapport. Comité d’organisation Membres Félix Atchadé Khady Fall Bertrand Ngoulé Fictime Mbaye Thierno Sagna Nouha Sonko Ann Spencer Comité de rédaction Coordonnateurs Félix Atchadé Ann Spencer RÉSUMÉ Les droits de l’homme sont au cœur de la lutte contre le Sida. En Afrique, le Sida tue plus que n’importe quel conflit. Les conséquences de la stigmatisation sont aggravées en raison des limites de la prise en charge médicale, de la détérioration de la situation financière (perte d’emploi, coût des médicaments, multiplication des hospitalisations), de l’insuffisance de soutien aux personnes infectées et affectées. Même si dans l’ensemble la prise en charge des personnes vivant avec les VIH est assez bonne au Sénégal, on rapporte des cas d’abus, de discrimination, de refus de soins, de tests de dépistage du VIH pratiqués sans le consentement éclairé des personnes, de recherches effectuées sans considération des normes internationales contenues notamment dans la déclaration d’Helsinki. Ces pratiques sont contre-productives en termes de santé publique. En encourageant les préjugés et la stigmatisation, elles constituent un sérieux obstacle à la prévention. Les professionnels de la santé sont des acteurs-clés dans ce processus : ils sont souvent le plus à même d’influer sur le comportement et de réduire le risque de transmission. Les abus et manquements aux règles de déontologie s’inscrivent aussi dans un cadre plus général : carences du système de santé, manque de moyens et de personnel, absence de cadre juridique adéquat et notamment d’un véritable code de la santé. Les personnes, quel que soit leur statut, ont le droit d’être traitées équitablement — en tenant compte de leurs besoins spécifiques (pour les femmes, enfants et personnes privées de leur liberté) et quelle que soit la structure fréquentée (publique, privée, dispensaire, prison ou hôpital psychiatrique). Plusieurs recommandations fortes ont été faites lors du Forum pour : n Respecter les droits fondamentaux de l’individu (confidentialité et consentement éclairé, information donnée dans un langage clair, précis et adapté) et améliorer la visibilité des questions éthiques dans les structures de santé ; n Réaliser un état des lieux systématique sur la dynamique et les procédés qui favorisent la discrimination et les abus ainsi que des réponses positives qui ont pu être apportées ; Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 5 n Former les personnels de santé aux principes éthiques, déontologiques et techniques pour une meilleure prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Le forum reconnaît que la recherche est essentielle pour vaincre le Sida, mais les enjeux colossaux ne doivent pas masquer l’absence d’une réflexion éthique approfondie. Il a formulé les recommandations suivantes : n Informer correctement les participants sur la recherche à effectuer et obtenir leur consentement éclairé ; n Mettre en place ou réactiver un véritable comité éthique sur la recherche avec des critères de nomination clairs et transparents, avec pour mandat d’approuver tous les protocoles et d’effectuer le suivi 1 ; n Assurer une dissémination responsable des résultats, c’est-à-dire qui ne donne pas de faux espoirs et ne nuise pas à la prévention. n Assurer que les règles qui régissent la recherche soient aussi strictes dans le cadre de la médecine traditionnelle que pour la biomédecine n Informer les personnes de leurs droits et des recours possibles, renforcer le tissu associatif, créer un réseau juridique capable d’aider dans l’action de la plainte, favoriser les actions de plaidoyer ainsi que la contribution des médias au débat sont des mesures nécessaires pour améliorer le respect des droits et de la dignité de chacun. Le défi est lancé à tous. 1 Depuis la tenue de ce Forum, les activités du Conseil National de la Recherche en Santé, créé par arrêté du 2 mars 2001, se sont développées de manière remarquable. Ainsi le Comité d’Éthique, institué au sein du Conseil National, a mené des activités nombreuses, a examiné environ 120 nouveaux protocoles de recherche en santé et cherche à impulser les réflexions éthiques dans le domaine de la recherche en santé. 6 Amnesty International Sénégal, Section médicale “HIV/AIDS and human rights in a medical context” SUMMARY Human rights are at the heart of the battle against AIDS. AIDS kills more people in Africa than any conflict. The effects of stigmatisation are worsened by limited access to health care, deteriorating financial means (loss of employment, cost of hospital treatment and drugs) and the lack of support for those affected and infected. Even though the standard of care in Senegal is considered to be good, there are reports of abuse and discrimination: refusal to treat patients with HIV, HIV tests undertaken without informed consent being sought, research undertaken without taking into consideration international norms such as the Helsinki declaration. Practices such as these are counterproductive in terms of public health. By encouraging prejudice and stigmatisation, they represent a serious obstacle to prevention. Health practitioners are key participants in this process: they can and influence behaviour and reduce transmission risks. In Senegal, cases of abuse and violation of standards of professional conduct are part of a wider picture: a poor health care system with little means, a poor legal framework with few provisions on health care standards. People should be treated equally and fairly whatever their background, their gender and their wealth (and recognising the special needs of women, children and prisoners) and wherever they seek medical care: in public hospitals, private clinics, basic health centers or prison infirmaries. A number of strong recommendations were made: n To respect the fundamental rights of individuals (such as the right to confidentiality, to give informed consent to tests and to be given clear and precise information); n Research must be undertaken into the dynamics and processes of that encourage discrimination and abuse, as well as into any positive response that may have been given; Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 7 n Health care professionals must be trained in human rights and ethical principles. The forum recognises that research is essential in the fight against AIDS. Financial gains are potentially colossal but one should not lose sight of the need to protect the rights of participant in trials. The forum pointed out the need: n To inform all participants in the research project and obtain their informed consent; n To set up or reactivate a proper ethics committee - with clear and transparent methods of appointment - mandated to approve all research protocols and their follow-up; n To insure that results are disseminated in a responsible manner, i.e. that does not give false hopes and does not harm prevention; n To insure that the rules governing research into traditional medicine are as stringent as those governing biomedical research. Informing people of their rights and on the means to enforce them, the creation of a legal network to follow-up complaints, involving the media, NGOs and associations, were also seen as important measures to improve the recognition of human rights as an integral part of the battle against AIDS respect for the rights and dignity of all. The challenge of HIV is for all to take up. 8 Amnesty International Sénégal, Section médicale AVANT-PROPOS Docteur Félix Atchadé et Ann Spencer, Groupe médical, Section sénégalaise d’Amnesty International Le droit à la santé est un droit fondamental de la personne. Il est garanti par les conventions internationales, la Constitution du Sénégal 1 et par les politiques de santé publique de ce pays. Au-delà de la constatation d’un état médical et biologique, la santé et l’accès aux soins soulèvent des problèmes importants de morale et citoyenneté qui ne peuvent se restreindre aux et se résoudre par les seuls intervenants du domaine médical, médecins et personnel soignant. Les origines du Sida ne sont pas connues et demeurent l’objet de controverses et de débats intenses. Les médecins répertorièrent ses premières manifestations formelles dans la communauté homosexuelle. Ensuite furent touchés les usagers de drogues intraveineuses et les travailleuses du sexe. C’est dans ce contexte, où VIH/Sida égale population et comportement à risque, où l’aversion se conjugue à la peur, qu’il faut comprendre les réactions épidermiques et la rationalisation d'attaques sur les personnes vivant avec le VIH/Sida. Les préjugés ont la vie dure, alors que le virus et la maladie se sont étendus à des groupes de plus en plus divers. Le Sida est une maladie du sexe, du sang et de la mort. Son mode de transmission est silencieux : tel un passager clandestin, il prend en main le gouvernail de la vie et affecte les personnes dans ce qu’ils ont de plus intime, leurs rapports à l’autre. Son impact ne se fait pas seulement ressentir sur la santé physique, mais sur le vécu relationnel et psychologique. En Afrique, les conséquences de la stigmatisation sont aggravées en raison des limites de la prise en charge médicale, de la détérioration de la situation financière (perte d’emploi, coût des médicaments, multiplication des hospitalisations), de l’insuffisance du soutien aux personnes infectées et affectées. L’absence de textes légaux définissant et protégeant les droits des personnes vivant avec le VIH/Sida est un frein au recours en 1 Les articles 8 et 17 de la Constitution du Sénégal, de janvier 2001. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 9 cas d’abus ainsi que l’ignorance de la législation et des procédures par les personnes qui en seraient victimes. Le VIH/Sida est, surtout en Afrique, aussi une maladie de la pauvreté et de la vulnérabilité : elle conditionne l’accès aux moyens de lutte et de protection contre l’infection, à l’information et aux soins. L’inégalité entre les sexes rend problématique la capacité des femmes à décider des conditions de leurs rapports sexuels, leur accès autonome à l’information et aux soins. L’enfant affecté, qu’il soit infecté ou non, vit la douleur de la séropositivité de ses parents, l’angoisse face à leur absence répétée pour cause d’hospitalisation, la détérioration de leur état physique, et finalement l’épreuve du décès. Particulièrement vulnérables, ils font l’expérience de la dislocation du tissu familial, de la solitude, parfois même de l’abandon, de la pauvreté, des mauvais traitements et de l’expropriation de leur héritage. Le Sida décape comme un acide et met à nu le pire des carences, du rejet, de la stigmatisation et des tabous, mais révèle aussi le meilleur dans une société, la solidarité, la compassion et le respect de la dignité humaine. C’est fort de ce constat que le Groupe médical de la section sénégalaise d’Amnesty International a proposé et organisé un forum sur le thème “ VIH/Sida et droits de l’Homme en milieu médical ”. N’était-il pas temps pour les membres du Groupe médical, en tant que témoins, mais surtout comme acteurs du milieu médical, de montrer le caractère concret de leur engagement en faveur des droits humains ? Et surtout de rappeler que les combats éthiques ne sont pas seulement une affaire de grands principes et de débat lointains, qui ne concerneraient que le gouvernement ou l’État, mais peuvent être aussi au cœur du projet de vie de chacun ? Il est impératif de rappeler cet engagement. En Afrique, le Sida tue plus que n’importe quel conflit. Le Sénégal a enregistré des résultats appréciables en maintenant le taux de prévalence à un niveau relativement bas. Cependant, il ne faudrait pas croire que le pays est à l’abri d’une épidémie majeure. La nature de l’infection change 1. Aujourd’hui le VIH-1, plus pathogène et plus transmissible, autrefois moins fréquent que le VIH-2, progresse lentement mais sûrement. 1 Comme l’a rappelé le Dr Ibra Ndoye, coordonnateur du Comité National de Lutte contre le Sida dans le Soleil, lundi 25 juin 2001, p. 8. 10 Amnesty International Sénégal, Section médicale D’autres défis se profilent à l’horizon : de nouvelles combinaisons de molécules permettent de limiter la morbidité et la mortalité et appellent à la mise en place de programmes cohérents et équitables de prise en charge. L’utilité d’un tel débat ne passe pas par la simple formulation de recettes ou l’élaboration d’un kit prêt à l’emploi. Se contenter de rappeler la Déclaration Universelle des droits de l’Homme et la dignité de chacun ne suffit pas si l’on veut dépasser le stade de la déclaration d’intention. Il faut parfois avoir le courage (et prendre le temps !) de se replonger dans les cheminements et processus qui permettent de dégager une position éthique et conforme aux normes internationales en matière de droits humains. Au carrefour de l’expertise professionnelle, de l’engagement citoyen dans la lutte contre le Sida et de la promotion des droits humains : c’est dans une perspective agissante que s’est inscrit le Forum. Protéger le droit de tout individu à la vie et garantir son intégrité psychologique et physique n’est ni facile ni évident dans tous les cas de figure. Les problèmes soulevés sont complexes et parfois ambigus : ils appellent, au-delà de la rhétorique, à une prise de décision concrète dans des cas précis, dans lesquels se joue le destin de personnes en chair et en os. Nous n’avons pu que constater la richesse des expériences et la diversité des points de vue et des sensibilités des participants. Professionnels de la santé ou de l’action sociale, chercheurs, journalistes, membres d’associations, dont certains vivant avec le VIH, militants d’Amnesty International, représentants d’institutions impliquées dans la lutte contre le Sida devraient tous être partenaires et solidaires. Nous devons travailler à l’élargissement de cette initiative, renforcer nos compétences respectives dans la recherche, le plaidoyer ou l’action militante. Nous espérons que ces journées de travail auront contribué à approfondir la réflexion de chacun et que ce document trouvera un écho dans l’expérience de travail de ceux qui le liront. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 11 Présentation du forum VIH/SIDA ET DROITS DE L’HOMME Il faut comprendre par droits humains tous ceux qui sont nécessaires à l'intégrité, à la survie et à la dignité de l'homme tant sur le plan physique que spirituel, social et économique. Ces droits ont été codifiés au sein de divers instruments internationaux, traités et conventions tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 ou bien la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Normes internationales Les normes internationales imposent un cadre contraignant. Le Sénégal est signataire d’un certain nombre de traités qui ont une autorité supérieure à celle de ses lois. Certains de ces droits sont clairement inscrits dans la législation applicable, d’autres pourraient trouver une expression plus nette, ou bien encore n’ont pas été repris dans la législation nationale. La Charte des Nations Unies impose aux États membres le respect des droits de la personne sans discrimination. Celle-ci interdit toute “ discrimination au regard du sexe, de la race, de la langue, de la religion, de l’opinion politique et autre statut ”. La Commission Droits de l’Homme de l’ONU1 a affirmé dans plusieurs de ses résolutions que cette interdiction au regard d’un “ autre statut ” inclut l’état de santé ou l’état sérologique. Certains droits abstraits revêtent une importance particulière dans le cas du VIH/Sida. On peut citer par exemple : n Le droit à la santé (garantie d’un accès approprié et équitable aux soins et traitements) ; n Le droit à la vie privée (interdiction du dépistage obligatoire et confidentialité des tests) ; n Le droit à l’information et à l’éducation (qui comprend l’éducation en matière de prévention et le droit à l’éducation des enfants 1 Commission des Droits de l’Homme, Résolution 96/44 et Sous-commission chargée de la prévention de la discrimination et de la protection des minorités, Résolution 95/21. 12 Amnesty International Sénégal, Section médicale séropositifs et des enfants de personnes vivant avec le VIH) ; n L’interdiction des peines et traitements cruels et dégradants (par exemple isolement des détenus séropositifs) ; n Le droit à l’autonomie, à la liberté et à la sécurité (d’où l’exigence d’obtenir le consentement éclairé des personnes pour procéder à un test de dépistage) ; Le principe de non-discrimination postule que toutes les personnes sont égales dans des circonstances similaires et toute restriction ne peut être qu’en vertu d’un but restreint strictement prévu par la loi. On fait trop souvent état d’un conflit inévitable entre les impératifs de santé publique et les droits individuels. Au nom du droit de la communauté à se protéger, ou pour sauvegarder certains intérêts, d’aucuns justifient les empiétements des droits de la personne (dépistages obligatoires, utilisation abusive des tests par les employeurs et compagnies d’assurance, recherches effectuées sans le consentement de la personne...). La discrimination contre les personnes vivant avec le VIH/Sida se trouve légitimée et excusée. L’invocation d’une nécessité de santé publique ne peut pas être générale, vague ou arbitraire. Elle doit obéir à un objectif précis et proportionné à ce besoin. Pour ce qui est des dons du sang, de tissus et d’organes, il y a un impératif du point de vue de la santé publique de procéder à un dépistage systématique du VIH. C’est une obligation légale envers le receveur qui peut alors accepter en toute sécurité ce don. Au cœur de la notion de droits humains, se trouve la notion d’universalité : tous les hommes sont égaux et dignes. Les solutions peuvent être adaptées à la diversité des systèmes juridiques, traditions et pratiques des pays. En effet, on ne peut se contenter d’un “bricolage” de lois et règlements provenant de l’étranger, adoptés à la hâte, sans en avoir intériorisé les tenants et les aboutissants et sans avoir réfléchi aux moyens à engager et aux modalités d’application. L’état du droit sénégalais Il n’était pas question d’examiner lors du forum tous les aspects juridiques posés par le VIH/Sida mais de rappeler les points essentiels et de cerner le chemin qui reste à faire. Le travail d’identification des lois existantes et des domaines appelant réforme est un vaste chantier. La codification des droits Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 13 relatifs à la santé a été un des parents pauvres du droit sénégalais. Les textes officiels considérés comme en vigueur 1 qui prescrivent les modalités de la prise en charge des malades, ainsi que toutes les règles qui encadrent la recherche méritent, plus qu’un toilettage, une formulation nouvelle et des changements notables. D’autre part, il est clair que l’État doit disposer de statistiques et de données actuelles en vue de l’élaboration de programmes de santé publique. Par exemple pour le Sida l’État utilise un réseau de surveillance sentinelle pour évaluer les programmes de prévention et planifier l’utilisation des ressources d’une manière efficace. Mais comment concilier cette exigence légitime avec le droit à l’intégrité physique des personnes ? Le cadre de ces recherches protège-til bien la vie privée ? C’est-à-dire élimine-t-il les éléments identifiant les donneurs ? La question des moyens mérite également d’être soulevée : l’État doit mettre à la disposition des personnels de santé les moyens et la formation nécessaires pour se protéger et protéger leurs patients. Mais ceux-ci sont-ils en droit de ne pas opérer si cela n’était pas le cas ? D’autre part, que se passerait-il dans le cas d’une exposition avérée, le VIH/Sida est-il considéré comme une maladie professionnelle ? Le respect du droit est pourtant essentiel. Sans vaccin, sans remède efficace, le meilleur moyen de lutter contre la maladie demeure l’absence de discrimination, l’accès à l’information, l’accès aux soins, le respect de la vie privée et de l’autonomie des personnes. Tous ces aspects supposent une relation de confiance et de respect entre les différents intervenants mais aussi et surtout avec les professionnels de la santé. Le VIH/Sida et le milieu médical Même si dans l’ensemble la prise en charge des personnes vivant avec les VIH s’effectue dans le respect de certaines normes éthiques au Sénégal, on rapporte des cas d’abus : n La discrimination se traduit par le refus par le personnel médical de dispenser les traitements, soins et médicaments ; n L’abandon par la famille justifie dans certains cas l’abandon des soins et de la nourriture pour le malade. Les patients quémandent de l’argent pour le petit-déjeuner ou le taxi pour aller faire des analyses. On a vu des cas d’isolement et de dénuement 1 Les dispositions principales du Code de la Santé concernant les médecins datent de 1967 et sont donc pour une large part obsolètes. 14 Amnesty International Sénégal, Section médicale extrême de malades à l’article de la mort ; n La vie privée n’est pas respectée (par exemple certains praticiens exigent qu’un test soit pratiqué avant toute intervention ou bien le font à l’insu du malade) 1 ; n Le secret médical et la confidentialité ne sont pas respectés (le médecin discute des résultats des tests avec une tierce personne) ; n Certains médecins se refusent à discuter de résultats des tests sérologiques avec leur patient, par peur de ne pouvoir gérer les réactions ou bien refusent de communiquer une information claire permettant aux personnes de prendre des décisions en toute connaissance de cause. n La relation entre le milieu médical et le malade est peut-être pervertie par les enjeux financiers. Les ressources qui sont allouées le sont souvent au bénéfice de la recherche, et non pour soigner les personnes vivant avec le VIH/Sida, les réduisant à des phénomènes à observer. n Des malades participent à des traitements et essais thérapeutiques sans avoir été convenablement informés ou consultés. Lors du Forum, la nécessité s’est fait sentir d’aller au-delà d’un constat empirique et d’entreprendre une recherche systématique sur la dynamique, les déterminants, les mécanismes, et procédés de la discrimination et des abus, ainsi que des réponses positives qui ont pu être apportées. Que savons-nous des attitudes et comportements de ceux à qui nous nous en remettons pour notre santé ? Que savons-nous de l’environnement dans lequel ils travaillent ? Le personnel médical reçoit-il l’information et la formation adéquates ? Dispose-til du matériel nécessaire à sa protection ? Il est clair que devront être identifiés les éléments de craintes légitimes du personnel médical (par exemple le manque de formation, d’information et de matériel nécessaire à leur protection, la question des coûts présumés des mesures de précaution). Les professionnels de la santé avancent les risques accrus 1 Voir à ce propos dans le Soleil, 15 mai 2001, un bref article rapportant le cas d’un hôpital poursuivi aux États-Unis pour avoir effectué un dépistage sans le consentement du patient : “ C’est le cas dans de nombreux pays comme le Sénégal de voir des médecins du privé comme du public d’exiger de façon “intensive” une série d’analyses de laboratoire, parmis lesquels le test de VIH aux femmes enceintes sans leur demander leur “consentement” après une information éclairée sur le sujet et ses conséquences ”. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 15 pour leur propre sécurité à traiter des personnes vivant avec le VIH/Sida (un médecin doit-il mettre sa propre vie — voire même celle de sa famille — en danger ?). À ce raisonnement peut-il être opposé l’argument que les métiers de la santé ne sont pas sans risques ? En devenant médecin ou infirmière, on sait que l'on va être confronté à la maladie avec, parfois, des conséquences dramatiques pour sa santé, mais ce risque n'est pas propre au Sida. D’autres préoccupations peuvent entrer en ligne de compte. Elles reposent essentiellement sur des sentiments comme la peur : peur de perdre sa clientèle en prenant en charge des personnes atteintes ; la moralité (l’idée de “faute” du malade dans sa maladie) ; l’incurabilité de la maladie (“pourquoi soigner ?”) ; le coût des précautions à prendre. Réticence, ambivalence ou désertion semblent caractériser les attitudes vis-à-vis du VIH/Sida. Les explications et les auto-justifications abondent, alors que des procédures existent qui, même si elles ne garantissent pas un risque nul, diminuent fortement le risque de contamination. Le refus de traiter un malade ou l’exigence d’un test préopératoire ou le refus d’affronter les conséquences d’un diagnostic représentent des violations graves des règles de déontologie. Ces pratiques sont aussi contre-productives en termes de santé publique. En encourageant les préjugés et la stigmatisation, elles constituent un sérieux obstacle à la prévention. En effet, la majorité des transmissions se fait alors que la personne infectée ignore son statut sérologique. De plus, en se faisant la caisse de résonance des préjugés ambiants, les praticiens de la santé peuvent contraindre à la clandestinité les personnes qui ont le plus besoin de leurs services. Leur participation est essentielle dans la lutte contre la maladie : ils sont souvent le plus à même d’influer sur le comportement des personnes et de réduire les risques de transmission. Parler du Sida Le VIH annonce la mort. La difficulté de parler, ou plus précisément de faire l’annonce de la séropositivité n’est pas propre au Sida. Le code de déontologie permet au praticien, dans certains cas, de ne pas dévoiler au patient un pronostic fatal 1 . Les mots sont codés pour que les patients ne comprennent 1 Article 31, Décret du 10 février 1967 instituant le Code de déontologie médicale. 16 Amnesty International Sénégal, Section médicale pas. On se réfugie derrière la technicité du langage dans un discours inintelligible. La peur des réactions imprévisibles et le manque de temps sont parfois invoqués. Le médecin a le temps de manipuler les corps, mais il n’a pas le temps d’expliquer ! Souvent il ne s’y essaie même pas. Les échanges lors du Forum ont cependant réitéré l’importance pour le patient de savoir de quoi il souffre dans le processus de prise en charge et de guérison. On entend souvent dire que les patients arrivent trop tard dans les structures de santé et que les malades se tournent d’abord vers la médecine traditionnelle, qu’il faut changer les mentalités. Mais il faut avoir à l’esprit que, pour les patients, la médecine traditionnelle propose aussi un modèle explicatif et thérapeutique cohérent. Les tradithérapeutes ont un pouvoir de manipulation des corps, mais en contrepartie un devoir d’échange de paroles avec le patient. Il n’est pas rare que des médecins privés envoient des personnes dans des structures de dépistage, mais ne disent pas pourquoi. Les personnes l’apprennent en arrivant, sans y être préparées et repartent en disant : “ Si j’avais su, je ne serais pas venu ”. L’annonce de la séropositivité est en général un long cheminement. Elle demande une préparation et une écoute attentives qui inclut le counselling et le suivi. La tâche dévolue au conseiller est particulièrement ardue, car il lui faut gérer les angoisses de l’autre. Les pleins pouvoirs du praticien Lors d’une étude effectuée dans un service hospitalier, un chercheur a demandé si les patients avaient une information quant à leur maladie. Les réponses étaient en général “non”. Les médecins en savent toujours plus que les malades. Ces pleins pouvoirs sur la vie d’autrui peuvent paralyser, car le patient n’ose pas demander tout ce qui concerne sa maladie. Est-ce le syndrome de la blouse blanche ? Le respect des Africains face aux dépositaires du savoir ? Le Sida bouleverse et étend les domaines de compétence des professionnels de la santé. Approche “ sanitaire ” contre approche “ sociale ”, logique “ curative ” contre logique “ palliative ” engendrent de nouveaux enjeux de compétence, d’identité, de fonction et donc de légitimité. La lutte contre le Sida fait appel autant à un engagement personnel qu’aux compétences du Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 17 professionnel du système de santé. Médecins-chercheurs D’autre part la frontière s’estompe entre le professionnel ayant une activité de traitement, celui qui gère les données, et celui qui expérimente et associe une activité de suivi des patients et des essais thérapeutiques. Cette situation peut être source de conflits d’intérêt. Les enjeux de la recherche, le Forum le rappellera, sont colossaux. Les Africains sont-ils les nouveaux cobayes des chercheurs occidentaux. Pourquoi les mêmes règles éthiques ne sontelles pas systématiquement appliquées au Nord comme au Sud ? Au nom de l’efficacité ? Certaines pratiques interdites dans les pays développés ont eu cours au Sénégal, par exemple le fait de ne pas soigner les membres du groupe témoin en leur donnant un placebo — comme c’est l’usage uniquement lorsque aucun traitement n’est connu 1. Les intérêts des personnes qui prennent part à ces essais sont-ils toujours pris en compte ? De quelles retombées, de quels progrès bénéficient-elles ? La prise en charge doit-elle s’arrêter une fois l’essai terminé ? 1 Voir le dossier consacré à ce sujet dans La Recherche, mai 2001 “ La médecine a-t-elle trouvé ses nouveaux cobayes ? ”, pp. 28-39 18 Amnesty International Sénégal, Section médicale OBJECTIFS DU FORUM Le Forum “VIH/Sida et droits de l’Homme en milieu médical” visait deux objectifs majeurs, la sensibilisation et la réflexion sur les débats éthiques qui sous-tendent les dispositifs de lutte contre le Sida et sur certaines pratiques qui les compromettent. Il n’était pas question bien sûr de simplement montrer du doigt et d’épingler certains manquements individuels ou de dénoncer en bloc les carences du système. Les professionnels de la santé sont des intervenants actifs de leur domaine professionnel et plus largement de la société. Si le regard posé sur certaines pratiques condamnables n’est qu’ “ extérieur ”, sans prendre en compte les sentiments et émotions qui les sous-tendent (peur, ignorance, immobilisme ou impuissance), certains professionnels pourraient rester sur la défensive et résister à toute pression externe qui remettrait en cause le champ de leurs compétences professionnelles. Tout en facilitant l’échange de point de vue, le Forum devait permettre d’amorcer un véritable partenariat entre les différents intervenants (professionnels des secteurs de la santé et du social, acteurs du réseau associatif, ONG et personnes vivant avec les VIH/Sida). À terme, le Forum devrait impulser : n Un espace d’échange et de réflexion continue sur les questions éthiques, légales et déontologiques en milieu médical ; n Une meilleure visibilité de ces questions à différents niveaux (pouvoirs publics, ONG, associations, médias et professionnels de la santé) ; n Une réflexion sur l’amélioration des compétences techniques des personnels de santé pour des soins de qualité ; n La formulation de politiques de santé publique qui mettent à leur centre la dignité de la personne humaine. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 19 ORGANISATION DES TRAVAUX Le Forum devait prendre en considération la diversité des participants et la richesse des expériences. Les travaux ont donc été organisés de manière à promouvoir les échanges de points de vue afin de : n Faire le point et cerner le chemin qui reste à faire ; n Élaborer des recommandations ; n Ouvrir des perspectives concrètes d’action. Participants Un atout dans la conception et la réalisation du Forum a été la richesse des expériences et sensibilités réunies. La diversité des témoins et acteurs qui ont répondu présents à l’invitation a permis des échanges théoriques et concrets sur la réalité de la prise en charge de malades, de pratiques stigmatisantes et d’abus. Des médecins, assistants sociaux, journalistes, chercheurs, membres d’associations, dont certains vivant avec le VIH, militants des droits de l’Homme, représentants d’ONG et d’institutions impliquées dans l’élaboration et le financement de programmes de lutte contre le Sida ont tenu à marquer leur volonté et leur disponibilité à participer à la réflexion. Déroulement des travaux Les travaux du Forum se sont déroulés sous forme de présentations orales (récits d’expériences et état des lieux), suivies de discussions. Le programme des sessions est indiqué en annexe de ce document (cf. annexe 5) Des travaux en atelier ont été organisés autour des trois thèmes suivants : n Femmes et enfants ; n Univers psychiatrique et carcéral ; n Pratiques médicales et chirurgicales. Les ateliers ont mis en exergue l’importance du droit à la santé, à la non-discrimination, à l’autonomie des personnes, à la vie 20 Amnesty International Sénégal, Section médicale privée en examinant les thèmes comme la confidentialité, le consentement libre et éclairé, l’information donnée et l’accès aux soins et traitements. Tous les ateliers ont abordé les questions transversales du dépistage et de la recherche, examinées dans le contexte de leur thème spécifique. Les travaux ont été précédés par une cérémonie d’ouverture présidée par le Dr Ibra Ndoye, Coordonnateur du PNLS. Son allocution a rappelé l’enjeu que constitue le respect des droits humains dans le renforcement des capacités individuelles et collectives de lutte contre le Sida, dans la réduction de la vulnérabilité et des risques de transmission. Il a rappelé que la question de la pertinence des droits de l’Homme dans la lutte contre le Sida était au cœur de la Session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au VIH/Sida qui s’est tenue à New York en juillet 2001. Une allocution de Maître Daddis Isma Sagna, Président de la Section sénégalaise d’Amnesty International (voir annexe 1) a rappelé que lutter contre le sida exige la solidarité envers les personnes affectées et la collaboration entre tous les intervenants — y compris les intervenants médicaux. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 21 Les séances Plénières VIH/SIDA VINGT ANS APRÈS : LE MILIEU MÉDICAL Docteur Félix Atchadé, Président, Groupe médical, Amnesty International Sénégal Il y a vingt ans, on décrivait chez des homosexuels américains les manifestations cliniques de ce que l’on reconnaîtra plus tard sous le vocable de Sida. À tous ceux qui pensaient y voir l’accomplissement, contre cette communauté, d’une quelconque parole, l’histoire a prouvé que le Sida est un défi lancé à toutes les communautés. Ce fait historique n’est pourtant pas toujours intégré dans la réponse apportée aux problèmes que pose cette pandémie. En lieu et place de la mobilisation de toutes les communautés — exigée par les défis posés par la maladie — on a un processus d’émiettement de celles-ci en des entités de plus en plus petites, qui se croient indemnes de la maladie. Et quand cette entité se confond avec la famille, la personne touchée par la maladie se voit accusée d’avoir jeté le discrédit sur les siens et abandonnée à son triste sort. Il n’y a pas de doute que de telles attitudes découlent en partie des messages de prévention qui suscitent la peur et le rejet des personnes vivant avec le VIH. Il y a vingt ans, c’était simple, voire simpliste. Le Sida c’était l’affaire des homosexuels pour les hétérosexuels. Puis cela devint petit à petit beaucoup plus compliqué — l’affaire des Haïtiens pour les nord-Américains, celle des Africains pour les Européens, celle des Africains du Centre pour les Ouest Africains, l’affaire de ceux qui reviennent de Côte-d’Ivoire pour les Burkinabè etc... Une constante : c’est l’affaire de l’autre, qui est différent de soi parce que porteur d’une “tare” ethnique, nationale, sexuelle etc... Ce discours de stigmatisation n’est que l’avatar populaire du discours de prévention que les professionnels de la santé véhiculent. C’est dans l’indifférence la plus complète qu’un médecin chef de district s’est permis de dire en juin 2001 à ses concitoyens : Méfiez-vous des émigrés qui “ reviennent au bercail 22 Amnesty International Sénégal, Section médicale pour retrouver, avec de nombreux cadeaux et le VIH, leurs épouses après des années d’absence ” 1 . Continue-t-on à apprendre aux étudiants en médecine qu’émigré revenant de Côte-d’Ivoire ou d’Afrique Centrale, amaigri et fébrile = Sida ? Loin de nous toute idée de faire croire qu’il n’existe pas de comportement à risque ni de communautés à forte prévalence de personnes vivant avec le VIH. Mais il faut reconnaître également que stigmatiser certaines communautés, c’est accréditer quelque part l’idée que la maladie n’existe pas en dehors d’elles. Combien de fois n’a t-on pas entendu : “ je ne suis pas homosexuel, drogué - et j’en passe - donc je ne suis pas susceptible d’avoir le Sida ”. En plus d’être moralement condamnable, la stigmatisation va à l’encontre des objectifs de santé publique au nom desquels on la légitime - cette santé publique qui justifierait maints empiètements de droits de l’Homme (dépistage obligatoire, dépistages sans consentement, refus de soins). La sérologie rétrovirale n’est pas un test anodin puisque son résultat est susceptible d’entraîner un réaménagement du projet de vie de celui qui le subit et cela nonobstant son caractère positif ou négatif. On pourrait multiplier les exemples tels que celui que je vais vous donner. Un jeune homme décide de son plein gré de consulter dans un hôpital régional du Sénégal. Le motif de la consultation est son désir de faire le test du VIH. Après entretien avec le médecin, il est dirigé vers le laboratoire, où il subit la prise de sang nécessaire au test. Deux jours après, il revient pour le résultat qui se révèle négatif. Sa réaction à l’annonce a été de dire : “maintenant il faut que je songe à me marier.” C’est dire que les praticiens doivent avoir à l’esprit chaque fois qu’ils font une sérologie, qu’ils opèrent une intrusion dans ce qu’il y a de plus privé chez les patients et que les résultats de leurs investigations sont susceptibles de changer le cours de la vie de ceux-ci. Il semble pourtant que les professionnels de la santé ne le savent que trop. Des exemples comme le suivant ne sont que trop nombreux : Dans un centre de dépistage de référence, une laborantine en stage a décidé, puisque le test est gratuit, de le faire. Alors elle demande à un de ses collègues de lui faire la prise de sang. Ce 1 Le Soleil, lundi 25 juin 2001, p. 8. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 23 dernier, de même que tous ceux qui travaillaient dans ce laboratoire, s’est élevé pour lui demander de renoncer à son entreprise en lui disant : “Mais que feras-tu si c’est positif ?” La laborantine se rangea à leurs arguments et à ce jour ne connaît pas son statut sérologique. Il faut dire qu’elle n’a pas fait la sérologie parce qu’elle n’était pas prête et que dans le test, ce qui l’intéressait, c’était la gratuité. On entend trop souvent, et ceci pour légitimer tous ces tests qui se font sans le consentement que la finalité de toute analyse est d’infirmer, ou de confirmer un diagnostic. Dans l’absolu, cela est vrai, mais il s’avère que les circonstances dans lesquelles se font ces tests, mais également les attitudes qui en découlent, amènent à considérer que ce ne sont le plus souvent que des prétextes. Il n’est pas inutile ici de rappeler le stade de Sida/maladie n’a pas besoin d’un quelconque test pour être diagnostiqué. Les critères de Bangui 1 permettent un diagnostic assez fiable. Il résulte de nos investigations que les tests tiennent lieu le plus souvent de voyeurisme ou de mesure de précaution. Voyeurisme tout simplement parce que ce sont des tests qui se font à l’insu du patient, dont les résultats ne sont pas annoncés et qui ne déterminent pas une quelconque prise en charge. Il ressort également qu’il s’agit de mesure de précaution. En effet comment expliquer que ces tests soient faits avant des actes opératoires et qu’ils déterminent la possibilité ou non de l’intervention. Or la séropositivité ne peut être motif de contreindication d’un acte chirurgical sauf à considérer que la faisabilité d’une opération ne se mesure qu’à l’aune du risque encouru par le praticien. La sérologie érigée en mesure de précaution peut être mieux perçue dans le cas suivant : Le chirurgien d’un hôpital a pour habitude de demander une sérologie rétrovirale dans tout bilan préopératoire. Quand la sérologie est positive, il n’opère pas le patient, mais ne fait pas non plus l’annonce du résultat. Il faut dire que cela lui est difficile puisqu’il ne sollicite pas l’accord du patient avant de le faire. 1 Procédure d’examen clinique, régulièrement mise à jour, qui porte sur un certain nombre de critères majeurs et mineurs. Les critères majeurs sont : diarrhée chronique, amaigrissement et fièvre au long cours. C’est la combinaison de des critères majeurs et mineurs qui permet de poser le diagnostic. 24 Amnesty International Sénégal, Section médicale Ce même chirurgien opère pourtant en urgence des patients pour lesquels on ne fait même pas un bilan préopératoire (l’hôpital ne dispose pas suffisamment de personnel pour faire fonctionner en feu continu son laboratoire). Il lui est arrivé d’opérer un patient connu du service de médecine pour sa séropositivité. Le voyeurisme ou encore cette envie de savoir pour savoir, sans qu’au bout il n’y ait de prise en charge du patient, peut se révéler catastrophique pour la santé publique comme l’atteste cette vignette. Une dame qui faisait des accès palustres à répétition s’est vu faire à son insu une sérologie rétrovirale. La personne qui avait pris cette initiative est un professionnel de la santé et se trouvait également être le cousin du mari de la dame. Le test revint positif et notre professionnel, sans l’annoncer à la dame, révéla le résultat à son mari. Le mari, lorsqu’il apprit la nouvelle, décida de répudier son épouse. Aucune explication ne fut donnée à la dame quant aux raisons du divorce. Quelques mois plus tard, il prit une nouvelle épouse avec qui il vécut un an avant de tomber malade. Le diagnostic posé fut : Sida. Malheureusement il décéda quelques semaines après son hospitalisation, en laissant une jeune épouse séropositive à quelques semaines du terme de sa première grossesse. Ce fait dont nous taisons par souci de concision certains aspects scabreux montre à quel point le bafouement des principes éthiques et déontologiques, de même que les droits des personnes, peuvent être catastrophiques du point de vue de la santé publique. Il y a lieu de rappeler que les droits conférés aux hommes ne sont pas un luxe mais plutôt la reconnaissance de leurs qualités sui generis, préalable nécessaire à l’adoption par eux d’un comportement responsable au sein de la société. Il serait quand même un peu trop facile de ne jeter la pierre qu’aux seuls professionnels de la santé quand on sait les conditions somme toute difficiles dans lesquelles ils travaillent. Combien de structures ont mis en place des mécanismes de prise en charge quand un accident survient au cours d’un acte médical chez un patient séropositif ? Comment est gérée l’information au sein des équipes soignantes ? Il n’est pas rare que l’information soit parfois circonscrite au personnel médical au prétexte que le personnel paramédical ne respecte pas le secret médical. La conséquence est que ces derniers font leur propre diagnostic et Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 25 adoptent des attitudes discriminatoires vis-à-vis des patients qui leur paraissent atteints du Sida. Il y a lieu, toujours dans cette lancée, de se poser des questions sur les messages de prévention, car très souvent les professionnels de la santé même quand ils savent en théorie les modes de transmission de la maladie en arrivent à adopter les pratiques populaires. Les lavages de mains au savon, puis avec tous les désinfectants imaginables, dakin, bétadine après un contact avec un patient séropositif sont là pour en attester. En réalité cela relève plus de la peur du contact avec le patient que d’un accident professionnel par exposition au sang. Les praticiens nous révèlent que le secret médical devient de plus en plus difficile à garder, quand ils se rendent compte que leurs patients séropositifs refusent de parler de leur statut à leur conjoint et n’adoptent pas le comportement responsable qu’ils attendent d’eux. En attendant d’en discuter en atelier et dans le contexte de vide juridique, il serait bon de rappeler que le secret médical est le socle sur lequel repose une relation de confiance médecin-malade. Loin d’être une sorte d’omerta, il peut être l’objet de rupture mais en désespoir de cause. Car si les médecins commencent à divulguer le secret médical, il est certain que bon nombre de ceux qui ont besoin d’eux ne se présenteraient pas à leurs consultations. Ce secret en réalité est de plus en plus bafoué et bon nombre de séropositifs se plaignent de voir leur statut dévoilé à des tiers. Parfois tout le monde sait sauf eux-mêmes. Cette histoire a pour cadre le Nigeria 1. Une femme avait été testée à son insu par son gynécologue lors d’une consultation de routine. Le test s’est révélé positif. Le gynécologue se tracassa. Que dire à la femme ? Lui annoncer son statut sérologique ? La femme était d’un niveau social élevé et cultivée. Elle était aussi la compagne d’un grand ponte de l’hôpital public de la ville. Le gynécologue se voyait déjà traîné devant les tribunaux pour avoir violé le droit à la vie privée de la dame. Ne rien dire ? Et lui ôter les moyens de se soigner et de prévenir la transmission et mettre en danger son entourage ? Le gynécologue prit son courage à deux mains et ne dit rien. Ou plutôt rapporta les résultats aux autorités de l’hôpital. 1 Voir la contributions au Colloque “Sida et sciences sociales en Afrique” qui s’est tenu du 4 au 8 novembre 1996 à Sali Portudal (Sénégal), reprise dans une version sensiblement différente dans Vivre et penser le sida en Afrique, Paris, Karthala, 1999. 26 Amnesty International Sénégal, Section médicale La deuxième étape commença lorsque le compagnon de la dame tomba malade. Il souffrait d’une insuffisance rénale qui nécessitait une dialyse. Or il n’y avait qu’une seule machine dans tout l’hôpital et les consignes étaient claires : pas question de dialyser un patient séropositif ! Mais voilà, rien ne prouvait que le patient était séropositif. Et comment aborder la question du dépistage sans mentionner l’incident de sa compagne ? À l’insu de Monsieur, on procéda à un test sérologique en même temps que d’autres analyses. Son test s’est révélé séropositif. Que dire au Monsieur ? - Lui dire qu’on ne pouvait pas le traiter parce que séropositif ? - Ne rien dire ? À ce stade il faut savoir que le statut sérologique de Monsieur était devenu un secret de polichinelle. Dans tout l’hôpital, et audelà, on supputait, on susurrait. La situation était paradoxale : tous savaient mais pas les intéressés. Finalement, prise de court, la direction de l’hôpital se souvient du mot “éthique” et “déontologie”. On se rappela qu’un médecin était affublé d’une telle casquette dans l’hôpital. On s’empressa de lui transmettre le dossier, à charge pour lui de se débrouiller. L’histoire ne dit pas comment il réussit à démêler l’écheveau de violation des droits des patients, de négligence, de fuite en avant de la part du corps médical. La prise en charge des Personnes vivant avec le VIH montre de nombreux manquements à la déontologie, à l’éthique médicale et aux droits de l’Homme. Les dits manquements sont aussi le reflet d’une certaine peur que les messages de prévention ont intériorisée. La dénonciation ne peut suffire à les endiguer. Il faudra des programmes de sensibilisation mais aussi un cadre législatif clair qui mette chacun face à ses responsabilités. Nous ne saurions terminer notre propos sans parler de la recherche. La recherche officielle avec ses différentes tentatives de vouloir “adapter” des principes éthiques contenus dans la Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 27 Déclaration d’Helsinki 1 au contexte africain. La déclaration fait l’objet de réflexions et de débats intenses qui nécessitent sa réactualisation périodique. D’aucuns préconisent une éthique “contextuelle” : un standard “local” par opposition à un standard “universel” — en d’autres termes un double standard, un pour les riches et un pour les pauvres. Il nous incombe à tous d’être vigilants. 1 La déclaration d’Helsinki, élaborée par l'Association médicale mondiale, énonce un certain nombre de principes éthiques et contient des recommandations pour la recherche médicale sur des êtres humains. Elle prévoit que le bien-être de la personne prenant part à des essais thérapeutiques doit toujours prévaloir sur les besoins de la science. Par exemple elle impose le recueil du consentement éclairé et l’information de la personne participant aux essais quant aux “ objectifs, méthodes, financement, conflits d'intérêts éventuels, appartenance de l'investigateur à une ou des institutions, bénéfices attendus, ainsi que des risques potentiels de l'étude et des contraintes qui pourraient en résulter pour elle ” (Art. 22 de la déclaration). 28 Amnesty International Sénégal, Section médicale DROIT, ÉTHIQUE ET MILIEU MÉDICAL Oumar Gaye, Magistrat, Président du Groupe des juristes, Amnesty International La personne humaine est sacrée. L’État a l’obligation de la respecter et de la protéger. C’est pourquoi la Constitution reconnaît et garantit à tous les citoyens des droits civils, politiques, économiques et sociaux, parmi lesquels le droit à la santé. Elle reconnaît en outre l’égalité des citoyens devant la loi, devant le service public de la santé et l’accès libre à tous les services de santé. Elle interdit toute discrimination de quelque nature qu’elle soit. Pour comprendre l’importance du thème, il y a lieu de rappeler que l’épidémie du VIH pose des problèmes éthiques et juridiques particuliers. En effet c’est en 1986 que l’épidémie a été signalée au Sénégal avec 6 cas déclarés. En 1998, on dénombre 10 041 cas de Sida, et 90 944 personnes séropositives pour une population d’environ neuf millions. C’est dire que la progression de la maladie est inquiétante même si elle paraît maîtrisée. C’est pourquoi le Gouvernement du Sénégal, avec l’appui du CNLS, a eu à élaborer plusieurs plans à court terme pour surveiller l’épidémie, prévenir la contamination et réduire son impact sur les populations infectées et affectées. Dans cette lutte le rôle des médecins, du personnel paramédical, des ONG et de défenseurs des droits humains est capital, car il y a nécessité de favoriser la compréhension et le soutien à l’égard des personnes séropositives et des malades du Sida. Protéger leurs droits et leur dignité justifie que la réflexion soit poursuivie sur les questions éthiques et juridiques. C’est dans cet esprit que les résolutions de l’Assemblée mondiale de la santé et la déclaration de Londres sur le Sida soulignent que “ toute stigmatisation ou toute discrimination contre les porteurs d’une infection à VIH, les malades du Sida et certains groupes, nuisent à la santé publique et doivent être rejetées ”. Les droits des malades en milieu médical Ils sont nombreux et sont prévus dans plusieurs textes, dont la Loi 98-08 du 2 mars 1998 partant réforme hospitalière. Il s’agit : n n Du droit à un accès équitable aux soins ; Du droit d’être accueilli par un établissement hospitalier ; Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 29 Du droit à une prise en charge — à cet égard le personnel médical est tenu d’assurer le diagnostic et dispenser aux patients les soins préventifs, curatifs et de réadaptation que requiert leur état ; n De l’interdiction de toute discrimination à l’égard des malades. n Beaucoup de personnes vivant avec le VIH, sont victimes de violations de leurs droits. Cette violation est fondée essentiellement sur les préjugés de nombreux médecins, chirurgiens dentistes et autres agents de la santé. Elle revêt quatre formes principales : Le dépistage sans aucune forme de consentement : cela peut être dû à la crainte du médecin mais aussi à l’analphabétisme des malades ; n La violation flagrante de la confidentialité ; n Le refus de traiter des personnes vivant avec le VIH ; n La complicité dans les refus de les traiter. n Ces malades sont donc marginalisés et ne reçoivent pas de visite du médecin. Ils sont peut-être angoissés par leur état. Certains droits des patients ont été énumérés dans un document intitulé “Charte du patient”, établi par arrêté du Ministre chargé de la Santé et affiché dans tous les services et établissement. Cette charte vient d’être établie et il convient maintenant d’en assurer le plus rapidement possible la diffusion et l’information auprès des malades, en proposant les compléments à ce texte initial. Les devoirs du personnel médical On peut constater que certains médecins refusent d’apporter des soins à des personnes séropositives ou malades du Sida, sous prétexte qu’ils risquent la contamination au VIH. Il y a lieu de rappeler que le refus de soigner, quelle qu’en soit la raison est un refus d’assistance à personne en danger qui constitue un délit prévu et puni par le Code Pénal 1. Et mieux, la Loi 95-15 du 25 août 1996 sur la Torture, qui punit de 5 à 10 ans de prison et de 100 000 à 500 000 FCFA quiconque fait subir un traitement dégradant, pourrait s’appliquer dans le cas de personnes séropositives ou malades du Sida 2. De même les blessures involontaires et l’homicide involontaire sont punissables de 6 mois à 5 ans de prison 3. 1 Art. 49 al 2 du Code Pénal. Art. 295 al 1 de la Loi 96-15 du 25 août 1996. 3 Art. 307. 2 30 Amnesty International Sénégal, Section médicale Les médecins ne doivent pas procéder au test sérologique du VIH sans recueillir le consentement éclairé de la personne concernée. La pratique du dépistage obligatoire et de la mise en quarantaine s’est révélée peu efficace dans la lutte contre le Sida. Cependant, le statut juridique de la personne séropositive pose parfois des problèmes éthiques complexes. En effet les règles éthiques prévoient de réserver les informations médicales aux seuls confrères. Il y a problème dès lors que le devoir moral du médecin lui commande de divulguer des informations sur le statut sérologique d’une personne pour sauver des vies humaines et préserver la société. Les juristes et médecins ont été pris au piège, car il s’agit plutôt de savoir si la personne vivant avec le VIH n’a pas elle l’obligation de faire part de cette information confidentielle afin qu’elle soit préparée à la soutenir. Conclusions La lutte contre le Sida doit être menée en conciliant les enjeux de santé publique et la protection des droits des personnes vivant avec le VIH. Si l’État est responsable de la prévention de la transmission du VIH, il doit aussi assurer la protection et le respect des personnes vivant avec le VIH. Quarantaine, isolement et autres traitements favorisant la stigmatisation et la violation des droits doivent être rejetés. Amnesty International œuvre pour la défense et la protection d’êtres humains sans distinction aucune. Le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’Homme reconnaît la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine. Et au nom de l’égalité des citoyens devant la loi, Amnesty International estime que les personnes vivant avec le VIH ne doivent pas faire l’objet de discrimination compte tenu de leur état sérologique. Cet appel est aussi lancé aux pouvoirs publics pour qu’ils augmentent les moyens mis à la disposition des services de santé pour leur permettre de faire face à leurs obligations. Les ONG devraient aussi œuvrer à la prise en charge des personnes vivant avec le VIH et des malades du Sida, assurer leur information et les amener à révéler leur état à leurs proches (époux ou parents). Elles doivent établir une relation de partenariat avec le milieu médical, les pouvoirs publics en vue de promouvoir des politiques de santé publiques respectueuses des droits de l’homme. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 31 Les ateliers ATELIER 1 : FEMMES ET ENFANTS Modérateur : Ngagne Mbaye Rapporteur : Fatim Louise Dia Participants : Diémoun Bâ Seydou Bâ Mbagnick Diouf Awa Manga Fatou Sall Marième Soumaré Compte rendu L'atelier, après avoir rappelé les principaux facteurs de vulnérabilité des femmes et des enfants (dépendance socioéconomique, manque de pouvoir décisionnel, manque d'informations et d'instruction, normes sociales et pratiques culturelles défavorisant les femmes...) a précisé que toute mesure visant à réduire ces facteurs de vulnérabilité, contribue de facto à améliorer le sort des femmes et des enfants dans le milieu médical, qui est le prolongement de ce qui se passe au sein des communautés. C’est ainsi que plusieurs recommandations fortes ont été faites, pour l’amélioration de l’environnement social, notamment : la promotion de la scolarisation des jeunes, en particulier des jeunes filles et le maintien des jeunes dans le circuit scolaire le plus longtemps possible ; n la mise à disposition de méthodes de prévention sous le contrôle des femmes (en particulier le préservatif féminin) ; n l’amélioration de l’accès adolescents ; n aux structures de santé des 32 Amnesty International Sénégal, Section médicale l’intégration du volet lutte contre la pauvreté dans les programmes de lutte contre le Sida ; n un plaidoyer pour des réformes législatives allant dans le sens d’une révision des textes stigmatisants et d’une plus grande protection contre les discriminations et abus de toutes sortes (viols au sein du couple, inceste, pédophilie...) Ex. Abaisser l’âge légal de la prostitution pour que plus de femmes aient accès à des méthodes de protection et à un suivi thérapeutique. n Termes de référence L’analyse s’est faite selon l’angle de la transmission de la mère à l’enfant : Il s’agit d’une période de forte vulnérabilité aussi bien pour la mère que pour l’enfant. n Le programme de réduction de la transmission mère-enfant met en scène plusieurs acteurs qui doivent entre autres gérer la confidentialité : professionnels de la santé, travailleurs sociaux, représentants du milieu associatif, biologistes. n Dans ce programme, les aspects “ recherche ” et “ dépistage ” sont omniprésents. n L'atelier a retenu les thèmes suivants qui correspondent à trois niveaux clefs : n Le dépistage. n La prise en charge thérapeutique et psychosociale. n La recherche. Le dépistage La question du dépistage a été largement abordée et analysée sous divers angles : n le consentement ; n le counselling pré-test ; n l'annonce du statut sérologique ; n la confidentialité ; n la notification aux partenaires ; n les erreurs de diagnostic. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 33 Constats Même si des progrès notoires ont été effectués, notamment en matière d'accessibilité du test et de pratique du counselling pré- et post-test, surtout dans le cadre du programme de réduction de la transmission de la mère à l'enfant, il demeure un certain nombre de faits à déplorer : Le dépistage à l'insu de la personne est encore très courant, aussi bien pour les femmes que pour les enfants, qu'ils soient hospitalisés ou non ; une difficulté que rencontrent les professionnels de la santé est la proposition d’un test à une personne asymptomatique. n Les tests sont souvent effectués sans consentement éclairé, surtout pour les femmes analphabètes ; un chantage est quelquefois effectué pour forcer le consentement de la femme : " pas de test, pas de suivi ". n n Le conseil pré-test est souvent mal fait ou inexistant. Le refus d'annoncer des résultats est très fréquent. Est-ce une fuite de responsabilité, un manque de pratique ou de formation, ou une angoisse du professionnel de la santé ? n Des cas d'annonces mal faites ont conduit certaines femmes dans des services de psychiatrie. n L'annonce ne se fait pas toujours à la principale concernée, mais plutôt à un parent proche. n Dans le cercle familial et au sein des structures sanitaires, il y a une rupture fréquente de la confidentialité, notamment par les accompagnateurs. Les participants ont même rapporté des cas de femmes dont le carnet de santé porte la mention de leur statut sérologique. Cette rupture de confidentialité peut être simplement le fait d'une suggestivité des personnes et des lieux. n Les erreurs de diagnostic persistent, notamment dans les laboratoires des structures sanitaires périphériques qui n’effectuent pas les tests de confirmation. Des erreurs d'étiquetage des flacons ont été signalées, qui ont eu des répercussions sociales considérables pour certaines femmes : discrimination, divorce, “ confiscation ” des enfants, expropriation des biens... n En conclusion, dans la pratique quotidienne, on note un relatif non-respect des droits fondamentaux des femmes et des enfants (droit à la vie privée, droit à l'information, libre consentement). 34 Amnesty International Sénégal, Section médicale Questions éthiques Plusieurs questions éthiques doivent être examinées en profondeur : Quelle est la valeur d'un consentement à un test proposé par un professionnel de la santé qui possède un certain ascendant sur son patient ? n Quel est le degré de validité d'un consentement donné dans un endroit tel qu'une structure sanitaire qui n'est pas neutre ? n Doit-on considérer la non-notification aux partenaires comme non-assistance à personne en danger ? n n La confidentialité doit-elle être partagée ? n Faut-il donner les résultats sous pli ? Faut-il informer un enfant, surtout au stade d’adolescence, de son statut sérologique ? (cf. le cas d’une adolescente séropositive sous traitement antirétroviral lourd, qui refuse de poursuivre son traitement si on ne l’informe pas sur ce dont elle souffre). n n Doit-on considérer le droit de l'enfant à l'information ou les intérêts des parents ? n Peut-on annoncer le statut sérologique d'un enfant à ses substituts parentaux (ex. grands-parents, oncle, tante...) ? Recommandations n Veiller au respect des principes éthiques et de la déontologie. Insister sur l'importance de l'information et du counselling prétest. n Conseiller aux professionnels de la santé qui ont fait le test à l'insu des patients, et qui n'osent pas faire l'annonce, de reprendre le processus en y intégrant le counselling pré-test. n Solliciter nécessairement une autorisation parentale avant d'effectuer un test sur un enfant. n Informer l’enfant dès qu’il est en âge de comprendre son statut sérologique, et cela en collaboration avec les parents ou les substituts parentaux dans certains cas spécifiques. n Inciter les personnes vivant avec le VIH à partager l’information sur leur statut sérologique avec leur(s) partenaire(s). n Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 35 Proposer le test prénuptial et les tests consensuels au sein des ménages polygames. Cependant ni le test, ni la sérodiscordance ne doivent constituer un frein au mariage. n n Multiplier les centres de dépistage volontaire et anonyme. n Accélérer les processus de testing, surtout en milieu rural. La prise en charge thérapeutique et psychosociale Constats De nombreux progrès ont été réalisés dans ce domaine, notamment avec l’initiative d’accès aux antirétroviraux, la mise en œuvre du programme de réduction de la transmission mère-enfant et la mise en place de centre de soins comme le CTA. Cependant plusieurs constats négatifs peuvent être faits : Il existe des limites au type de prise en charge proposé, notamment par rapport au nombre réduit d’intervenants au niveau des équipes de soins et le manque de prise en charge économique. n Prendre en charge les enfants et les femmes ne suffit pas compte tenu de l’impact diffus considérable du Sida au sein des familles (perte de ressources et de revenus pour les personnes infectées et/ou affectées qui soutiennent les femmes et/ou leurs enfants). n Questions éthiques Quelques questions éthiques ont été soulevées : Est-il éthique de proposer aux femmes d’allaiter artificiellement leurs enfants si les substituts du lait maternel ne sont pas rendus disponibles ? n Sachant que la transmission de la mère à l’enfant se fait selon les virus entre 4 et 30 %, est-il éthique de mettre 100 % des femmes sous AZT et d’exposer 70 % des enfants qui seront séronégatifs à des produits toxiques. Il est nécessaire de mesurer le rapport coût-bénéfice, surtout pour le VIH-2. n Est-il éthique de “ vendre la misère ” en contrepartie d’une aide ? (cf. structures internationales qui demandent des photos ou des vidéos d’enfants infectés ou affectés pour leur campagne de collecte de fonds). n 36 Amnesty International Sénégal, Section médicale Recommandations Promouvoir la création d’équipes pluridisciplinaires de prise en charge. n Promouvoir la création de centres de soins globaux : prise en charge à la fois des enfants et de leurs parents afin qu’ils vivent le plus longtemps possible et qu’ils continuent à s’occuper au mieux de leurs enfants. n Prévoir un travail de pharmacovigilance des enfants sous AZT jusqu’à l’âge adulte. n La recherche Constats L'Afrique est considérée comme un vaste champ d'expériences. Plusieurs recherches ont été menées sur les femmes, notamment les femmes libres. Il est cependant à déplorer : l'absence de retombées positives pour celles qui ont participé aux recherches (ex. des études d'acceptabilité du préservatif féminin au niveau des femmes libres) ; n la non-restitution concerné(e)s ; n n des résultats de recherche aux l'absence de partage des bénéfices ; le manque de monitoring éthique au cours de l'exécution des recherches ; n l'arrêt brusque du suivi et de la prise en charge des cohortes à la fin des projets de recherche. n Questions éthiques Des questions éthiques demeurent : Quelle est la valeur du consentement d'une femme, en particulier analphabète, à une proposition de participation à une recherche faite par une personne en qui elle a confiance, en l'occurrence ici le professionnel de la santé ? n A t-on le droit de conserver et d'exploiter a posteriori des échantillons de sang prélevés initialement dans le cadre d'une recherche donnée ? n Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 37 L'envoi de prélèvements dans d'autres pays à des fins de recherche ne constitue t-il pas un trafic d'organes ? n Recommandations spécifiques Veiller au respect de l'éthique dans la recherche à toutes les étapes de la mise en œuvre d'un projet de recherche. n Quel que soit le niveau d'instruction, quelle que soit la langue, veiller à fournir des explications claires et exhaustives comme préalable à un consentement de participation à une recherche donnée. n Mettre en place des mécanismes de diffusion stratégiques des résultats de recherche. n Préserver les intérêts de la communauté concernant les bénéfices de la recherche. n Recommandations générales Information large des populations sur leurs droits et devoirs en matière de santé et plaidoyer sur l'importance de la solidarité avec les personnes infectées ou affectées par le VIH. n Formation / Recyclage du personnel soignant sur l'importance du respect des droits des patients, en particulier des femmes et des enfants. n Analyse situationnelle sur les cas de non-respect des droits des personnes en milieu médical. n Mise en place de réseaux de personnes ressources et/ou de structures d'assistance juridique pour les personnes qui en expriment le désir. n 38 Amnesty International Sénégal, Section médicale ATELIER 2 : UNIVERS CARCÉRAL ET PSYCHIATRIQUE Modérateur: Mahmoud Kane Rapporteur: Bertrand Fictime Participants: Thierno Sagna Simon Sagna Jibril Baal Ismael Sadio Ndèye Khoudia Sow Termes de référence Le travail de cet atelier devait être organisé autour des questions suivantes : Les normes internationales en matière de droits de l’Homme et des prisonniers ; n n La formation des personnels pénitentiaires ; n La prévention ; n Le dépistage ; n La gestion de la confidentialité ; n Le droit aux soins et traitements ; Compte-rendu Par manque d’informations suffisantes sur le monde psychiatrique, le groupe s’est surtout penché sur l’univers carcéral : État des lieux Il ne faut pas croire que ces lieux d’enfermement que sont la prison et l’hôpital psychiatrique, du fait de leur peu de visibilité, sont à l’extérieur de la société. Ils sont en réalité extrêmement poreux. Les gens y rentrent et en sortent. La distance repose sur une représentation symbolique des “murs” autour de l’institution pénitentiaire ou psychiatrique. L’institution “protégerait” à la fois le Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 39 monde extérieur et du monde extérieur. Le cordon sanitaire que les gens imaginent entre “eux” (les prisonniers ou malades) et “nous” (la société) est illusoire et peut même se révéler dangereux. La prise en compte du Sida comme risque — la sexualité demeure du domaine du non-dit — et comme maladie ne s’inscrit pas de prime abord dans l’univers professionnel des personnels de santé de ces établissements. Et pourtant nombres d’entre eux auront à affronter d’une manière ou d’une autre l’information, le conseil, le dépistage, l’orientation, le soutien psychosocial et voire même le suivi des traitements. Une absence de collaboration notoire entre services a été notée. Elle a pour conséquence, dans les cas les plus graves, mort d’homme (une personne ballottée entre service psychiatrique et service de maladie infectieuse est morte faute de prise en charge adéquate). La réinsertion des détenus dans la société doit être au centre des préoccupations des autorités pénitentiaires. Il ne s’agit pas seulement de mettre certains individus hors d’état de nuire pour un temps, mais aussi préparer leur sortie. Un premier constat est le manque d’informations fiables. Il est à espérer que la reprise des activités de la section sénégalaise de l’Observatoire International des Prisons (OIP), qui s’étaient affaissées ces dernières années, palliera cette carence. On note aussi des actions sporadiques d’ONG et d’associations. Il faudrait encourager les pouvoirs publics à accélérer les procédures de demande de visites de la part de ces organismes. Il faut parfois des mois avant d’obtenir l’autorisation pour une visite. Un chiffre donne à réfléchir sur la réalité de l’incarcération et les carences du système judiciaire : 70 pour cent des personnes incarcérées sont en réalité des prévenus. Elles n’ont donc pas encore été jugées et peuvent croupir des mois, voire des années, avant que leur sort ne soit fixé. Autre fait : aucune prison, à part celle de Kédougou, n’a été construite depuis l’accession à l’indépendance du Sénégal. Les prisons sont vétustes, délabrées et surpeuplées. Les prisons ont peu de moyens en terme de soutien social ou médical. Il faut rappeler qu’une somme de 200 CFA est dépensée par jour par prisonnier. Or ces conditions encouragent la promiscuité et les comportements à risque et favorisent la propagation de l’épidémie du VIH. Il est essentiel que les acteurs étatiques et sociaux s’engagent à 40 Amnesty International Sénégal, Section médicale se pencher sur la question des infrastructures et de la situation sanitaire des prisons. Normes internationales Certaines nuances ont été apportées. On constate que des progrès ont été accomplis. Un certain nombre de mesures préconisées par l’OMS et reprises par la déclaration de Dakar 1 sont déjà en place, par exemple la séparation des détenus par âge et sexe. On rappelle que l’imposition d’une peine de prison ne veut pas dire que le prisonnier perd tous ses droits, notamment le droit à la santé. L’État doit prendre des mesures préventives, équivalentes à celles qui existent dans la communauté et sans discrimination, en vue de protéger les prisonniers. Le Programme National de Lutte contre le Sida doit collaborer activement avec les intervenants et acteurs du secteur pénitentiaire pour améliorer la qualité des programmes de prévention. L’État doit s’engager à garantir un accès équitable aux soins et traitements aux détenus infectés, sans discrimination. Il convient de noter que pour ce qui est du personnel médical, et même s’il n’y a pas de libre choix de la part des prisonniers, de son médecin traitant, toutes les règles déontologiques (secret médical entre autres) s’appliquent. Il est donc important pour ces personnels de maintenir leur indépendance vis-à-vis de l’administration pénitentiaire. Pour ce qui est de la recherche, les chercheurs doivent suivre les normes qui régissent toute recherche. Celle-ci devrait même être encouragée pour déterminer le taux de prévalence du VIH et les facteurs de risque particuliers qui sont nécessaires pour élaborer les stratégies de prévention appropriées. Formation L’information et la formation du personnel sur la maladie et les précautions à prendre est aléatoire, ad hoc et fragmentaire et de durée trop limitée pour de véritables évaluations et suivis. Il y a lieu d’encourager et d’institutionnaliser la formation du personnel pénitentiaire (personnel médical et social mais aussi de surveillance) ainsi que celle des acteurs externes qui sont au 1 Voir annexe 1 le texte de la Déclaration de Dakar adoptée en 1998. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 41 contact direct et indirect avec les prisonniers (ONG, associations, responsables religieux et membres de congrégations religieuses). Le manque de personnel de garde et soignant limite la portée des intentions. La rotation du personnel rend problématique la dissémination continue de l’information et l’adhésion aux principes. Il est tout aussi important de noter que l’absence de soutien hiérarchique et surtout psychologique peut aller à l’encontre des objectifs affichés, entraînant, de la part du personnel, démoralisation, tension et frustration. Prévention Certains facteurs expliquent la plus grande prévalence du VIH en prison : pratiques sexuelles à risque, homosexualité, abus sexuels. Elle est un lieu de promiscuité, d’oisiveté, de violence et de conditions sanitaires extrêmes. Tous ces faits justifient les actions de prévention auprès des prisonniers en vue de leur sortie, bien sûr, mais aussi pour une action de portée plus immédiate. L’opinion du groupe était divisée sur la question de savoir si les préservatifs devaient être distribués en prison. Certains se prononcent contre une telle initiative dans la mesure où elle pourrait être interprétée comme une invitation pour les prisonniers à avoir des rapports sexuels et, par la même, comme une invitation à la débauche. Cependant, même si assurer la distribution de préservatifs en prison peut sembler découler d’un discours moral ambigu, la réponse est que le prix social et économique à payer est plus lourd que les quelques gains en termes moraux et/ou religieux. Il ne faut pas se voiler la face : l’activité sexuelle des prisonniers, en principe interdite, peut être niée, mais elle existe. Or l’infection, même si elle a la prison pour cadre, ne reste pas derrière les barreaux. Si la prévention a un rôle dans les prisons, le préservatif doit en faire partie. Bien sûr, une telle mesure doit s’accompagner des autres volets de la prévention, de l’éducation et de l’information aux prisonniers, et ne pourra pas faire l’impasse sur un dialogue approfondi entre tous les intervenants sur les modalités de sa mise en œuvre. Le dépistage L’univers carcéral ne doit pas être considéré comme un cas isolé. 42 Amnesty International Sénégal, Section médicale Le dépistage y présente les mêmes enjeux de santé publique qu’ailleurs. Le dépistage obligatoire n’y serait pas plus productif qu’à l’extérieur dans la mesure où il encouragerait un sentiment de sécurité injustifié car, oubliant la fenêtre de séroconversion, nombre de prisonniers ne se sentiraient plus concernés par les messages de prévention. Proposer le test sérologique rentre bien dans la stratégie de prévention. Le dépistage volontaire et anonyme doit être proposé dans les mêmes conditions, et avec les mêmes garde-fous, qu’à l’extérieur : le test doit être précédé et suivi de séances de counselling quels que soient les résultats du test. L’information donnée doit être intelligible, c’est-à-dire claire et précise. Le test peut aussi être proposé en vue d’établir un diagnostic et déterminer les soins et traitements nécessaires à l’état de santé du prisonnier. On peut aussi concevoir le test dans le cadre d’une surveillance épidémiologique comme il a été mentionné plus haut. Cette surveillance permet à l’État de disposer de statistiques sur la prévalence et de déterminer une politique de prévention ou d’estimer les besoins sanitaires, doit s’accompagner de toutes les mesures de protection de la vie privée des détenus (respect de la confidentialité, recueil du consentement éclairé). Gestion de la confidentialité Les mêmes règles de déontologie médicale s’appliquent à l’intérieur de la prison. Le respect de la confidentialité est reconnu par les autorités pénitentiaires. Mais dans les faits celle-ci est souvent bafouée (dossiers montrés à l’administration pénitentiaire). Si l’information est partagée, l’état de santé du détenu se détériorant, avec le personnel, celui-ci doit être tenu au secret. La confidentialité des données doit être garantie et protégée. Droit aux soins et traitements Celui-ci est en principe reconnu par les autorités pénitentiaires. Toutefois, un simple examen des conditions sanitaires dans les prisons suffit pour se rendre compte que ce droit peut se révéler tout théorique. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 43 Recommandations générales Poser clairement la question des infrastructures notamment sanitaires. n Demander la restructuration des prisons en vue de supprimer la promiscuité. n Faire pression sur le Ministère de la Justice pour réclamer l’accélération des procédures judiciaires. n Faire pression sur le Ministère de la Justice afin qu’il accélère les procédures de demandes de visite des ONG. n n Promouvoir les actions de réinsertion. Recommandations spécifiques liées au VIH/Sida Rappeler aux autorités leur l’engagement lors de la conférence de Dakar 1 à aider les prisonniers à se protéger. n Institutionnaliser l’information, la formation et l’éducation des prisonniers, des personnels, carcéral et médico-sociaux et des acteurs externes. n n Encourager la sensibilisation des personnels. n Encourager le dépistage volontaire et le counselling. n Garantir la confidentialité des données médicales. Assurer la distribution des préservatifs en prison, accompagnée de l’information, éducation et communication adéquates. n Encourager la recherche pour déterminer une stratégie de prévention efficace. n 1 Voir plus haut. 44 Amnesty International Sénégal, Section médicale ATELIER 3 : PRATIQUES MÉDICALES ET CHIRURGICALES Modérateur: Charles Becker Rapporteur: Ann Spencer Participants: Félix Atchadé Jacquot Bampoky Fara Diaw Sadia Faty Ari Gounongbé Nouha Sonko Termes de référence Le travail de cet atelier devait être organisé autour des questions suivantes : n La connaissance de la maladie ; n La connaissance de la législation et des principes éthiques ; La connaissance des principes de précaution et les moyens mis à la disposition des personnels de santé ; n n Les dépistages à l’insu des personnes ; n Les pratiques stigmatisantes ; n La gestion de la confidentialité ; n L’information donnée ; n Les recours. Compte-rendu Les séances plénières avaient été l’occasion d’un constat de manque et celui-ci a été constamment rappelé lors de cet atelier : n Absence de cadre juridique approprié ; Définition floue des principes éthiques et de prise de conscience des enjeux aussi bien en termes de santé publique que du respect des droits des individus ; n Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 45 Absence de formation à ces principes dans la formation des personnels de santé ; n Absence d’informations et de recherches quant à l’ampleur des phénomènes constatés de manière empirique, sur la représentation de la maladie chez les professionnels de la santé, les attitudes et comportements, ainsi que les éléments de crainte légitime. La plupart des cas répertoriés ont pour cadre soit les cliniques privées de Dakar, soit les grands hôpitaux nationaux et régionaux. Ce qui se passe au niveau des autres structures, surtout des structures de base, est moins bien connu. n Absence d’études et de recherches dans les régions (les intervenants connaissant surtout les pratiques en milieu hospitalier et urbain, pour ce qui est de la médecine privée) ; n Absence de collaboration entre les services qui permettrait un échange de bonnes pratiques (codifiées ou non) et de prise en charge respectueuse des patients entre les centres de référence et les autres structures médicales. n En réalité ces manques ne sont pas propres au Sida. Mais celui-ci est un puissant révélateur de carences graves et répétées. Les enjeux du VIH/Sida passent aussi par l’élaboration d’un véritable Code de la Santé, d’un Code de déontologie médicale et d’une Charte complète des droits du patient. État des lieux Un premier tour de table a permis de dégager de grandes disparités d’attitudes et de pratiques en distinguant : n les pratiques en milieu hospitalier ; les pratiques dans un service hospitalier spécialisé pour les maladies infectieuses ; n n les pratiques dans les cabinets privés ; les pratiques dans les autres structures, comme les centres de santé et dispensaires. n Connaissance de la maladie La connaissance de la maladie et de ses modes de transmission est variable. Au Centre des Maladies Infectieuses de Fann et au Centre de Traitement Ambulatoire (CTA) de Fann, services spécialisés, le personnel est plutôt bien formé et préparé. 46 Amnesty International Sénégal, Section médicale Ailleurs, il semblerait que le degré de connaissance n’a que peu de rapport avec la pratique : dans certains centres de santé, le personnel a peur de toucher une personne qu’il soupçonne d’être séropositive, mais ne prendra pas de précautions particulières avec les seringues (les recapuchonnant ou bien les jetant à la poubelle). Les spécialistes, autres que ceux des maladies infectieuses, “démissionnent” vis-à-vis du VIH. Par exemple, une infirmière de cardiologie “oubliera” sa spécialité, “oubliera” que le VIH est un terrain au même titre que le diabète : une personne vivant avec le VIH sera pour cette infirmière du ressort des maladies infectieuses, même si la pathologie dont elle souffre nécessite des soins qui sont du ressort de la cardiologie. Il est important de former et d’actualiser la formation des personnels, non seulement ceux dont c’est la spécialité, mais de tous les personnels de santé. Une plus grande collaboration entre services permettrait aussi de décloisonner le savoir et d’échanger des idées sur les pratiques négatives, mais surtout les pratiques positives de prise en charge. Le développement de stratégies en matière d’éthique (réglementation, création de comités, formation) doit se faire sur la base du renforcement des compétences de chacun des intervenants et impliquer tous les niveaux de la hiérarchie. Les projets les plus efficaces, ceux qui ont le plus de chance d’être soutenus, sont ceux menés par les acteurs eux-mêmes. Par exemple, une revue des pratiques institutionnelles et professionnelles menée par le personnel médical sera plus à même d’identifier les problèmes et leurs solutions pratiques (routines et amélioration des services) qu’un acteur externe. L’éthique n’est pas l’apanage des seuls médecins. Connaissance des principes juridiques et éthiques Un cadre clair et précis doit définir et déterminer les modalités d’application des principes éthiques et déontologiques. Tout aussi important est le renforcement de l’adhésion à ces principes. Certaines ONG au sein du Réseau santé, Sida et population (RESSIP) du CONGAD travaillent en étroite collaboration avec le Réseau des parlementaires sur la population et le développement. Cette activité s’est un peu ralentie du fait des élections législatives. L’équipe devrait être reconstituée et reprendre son activité. Cette activité est essentielle car les parlementaires font le droit et prennent en compte les préoccupations des populations. Le travail Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 47 de réforme est un travail de longue haleine qui ne peut faire abstraction d’une réflexion sur les enjeux éthiques et d’une recherche de consensus et d’adhésion large au sein des populations. Le droit prévoit un cadre pour la protection des droits de la personne. Il est essentiel dans la réponse au VIH. C’est un outil, mais qui n’est pas forcément la solution appropriée dans tous les cas de figure car certaines questions ne sont pas solubles dans le droit. Légiférer peut s’avérer délicat, mais il faut entreprendre une réflexion approfondie en plaçant au centre du débat la personne humaine et sa dignité. Certains aspects peuvent être étudiés dans un cadre plus large de réflexion sur le droit des patients et de la santé. La formation des médecins, ils le reconnaissent eux-mêmes, laisse à désirer. Elle se limite aux aspects strictement biomédicaux. Les médecins se trouvent donc démunis face à un virus et une maladie qui ne font pas seulement appel à leurs compétences “techniciennes” et thérapeutiques mais aussi à des capacités psychosociales d’accompagnement et d’écoute. Des sages-femmes lors d’une rencontre avaient évoqué le problème de la conscience professionnelle. Il est certain que ce problème touche des catégories plus vastes que les seules sages-femmes ! Gestion de la confidentialité Au cœur de la relation entre le médecin et le malade, se trouve le secret. Cet aspect de la relation est fondamental. S’il n’existait pas, le patient ne se confierait pas. Le secret médical est garanti par le Code Pénal 1 et étendu au-delà des seuls médecins, à toute une catégorie de personnel médical : sages-femmes, infirmières. Toutefois, il ne faut pas oublier que toute personne évoluant dans le domaine de la santé peut être au courant de certains secrets : personnes à l’accueil, portiers, laborantins, secrétaires, et tous les “clandestins” 2 qui gravitent autour des structures de santé... Procédures Un véritable problème réglementaire se pose quant à la procédure qui régit la collecte et la protection des données. Il est important de clarifier les processus et les moyens de sécuriser l’information. Ces 1 2 Art.363 du Code Pénal. Nous nommons par-là toutes ces personnes, volontaires ou autres, qui n’ont pas de formation dans les domaines de la santé, mais qui administrent soins et traitements, parfois sans supervision aucune, parce qu’elles sont là depuis longtemps. 48 Amnesty International Sénégal, Section médicale procédures doivent être inscrites dans le règlement intérieur, ainsi que les pénalités pour non-respect (blâmes ou autres). Pour un dépistage, tous les personnels doivent savoir où, quand et comment un dépistage peut être effectué, la définition du rôle et des responsabilités de chacun. Protection des données Dans les structures spécialisées, un véritable effort est fait pour ne pas laisser traîner les dossiers. Mais ailleurs, il n’est pas rare de voir des registres simplement posés sur les comptoirs ou sur une étagère. Ces registres, qui indiquent parfois la pathologie, peuvent être consultés par tous, sans que le personnel n’y trouve à redire. Les résultats de tests sérologiques ne sont pas toujours cachetés et sont parfois donnés aux accompagnants. Confidentialité partagée Le droit exige que le praticien n’intervienne pas pour exiger que l’information soit donnée au(x) conjoint(s) et partenaire(s). D’aucuns parleront de non-assistance à personne en danger. Insister sur la confidentialité peut sembler contradictoire : tant que la personne n’a pas décidé d’en parler, on prend le risque de nouvelles infections. On ne peut sous estimer le poids sur la conscience de celui qui sait. Les praticiens sont souvent harcelés par les familles et proches qui veulent savoir de quoi souffre le malade hospitalisé. Cependant garder le secret n’est-il pas une nécessité absolue si l’on veut engager une relation de suivi ? Le rompre, même si cela soulage, s’avère souvent une bien piètre esquive de ses responsabilités : pour une personne que l’on aura avertie et dont on aura peut-être empêché la contamination, combien d’autres le seront parce que la personne ayant perdu confiance, refuse toute prise en charge. Cet aspect peut être particulièrement difficile à gérer si on sait que la personne séropositive n’a pas changé de comportement ou parce que le praticien connaît bien la famille. Le partage de l’information ne peut être imposé et le médecin ou le conseiller ne peut se substituer au patient. On touche là à une limite du pouvoir des médecins face à la responsabilité de la personne. Le rôle du counselling est de conseiller le partage de Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 49 l’information, car la question n’est pas tant de savoir si l’information doit être partagée mais comment arriver à ce qu’elle le soit. Soutien psychologique Il peut aussi arriver un phénomène de trop-plein face aux demandes posées quotidiennement, face à l’incertitude de ce qui constitue la mission des personnels soignants, face aux pressions de l’entourage du malade. L’envie de se soulager du secret médical, l’impatience face au refus du patient à révéler son statut, aboutissent parfois à une rupture de confidentialité. La survenue de la mort, une des expériences les plus dures à vivre, le sentiment d’impuissance face à l’agonie, même chez ceux qui bénéficient d’une formation et d’une aide, peuvent conduire à l’épuisement (phénomène du “burn-out”), et se traduire par des réactions de repli affectif, d’hostilité, de cynisme ou d’indifférence à autrui. Il serait bon de renforcer les structures d’aide psychologique ou d’instituer un groupe de parole. Accès limité au dossier médical après le décès La question d’un accès limité au dossier médical d’une personne décédée fut soulevée — le certificat ne mentionnant pas les causes du décès. Toutefois cet aspect demande une réflexion sérieuse, quant à la pertinence d’une telle mesure et à ses modalités d’application pour déterminer qui pourra y avoir accès, dans quel laps de temps après le décès. Le monde du travail Le monde du travail est un endroit où il peut y avoir des ruptures de confidentialité. Il arrive que des médecins fassent part à l’employeur du statut sérologique d’un collaborateur. Parfois, quand la personne est malade, c’est avec de bonnes intentions, dans le but de réorganiser sa charge de travail et veiller à ce que la personne travaille dans des conditions plus adaptées à son état de santé. Cependant, non seulement le consentement doit être obtenu, mais il faut ensuite garantir la confidentialité de ces données. Un secret éventuellement partagé avec la direction d’une entreprise, suite à l’accord du malade, doit s’accompagner de mesures garantissant la sécurisation des données médicales. 50 Amnesty International Sénégal, Section médicale Dépistage à l’insu des personnes Certains praticiens exigent qu'un test soit pratiqué avant toute intervention ou le font à l’insu des patients. De quel droit ces tests sont-ils pratiqués ? Ce point mérite réflexion : en effet un consentement explicite n'est pas nécessaire pour la plupart des tests diagnostiques ou procédés thérapeutiques. Dans ces cas, le consentement général ou l'intention manifeste de guérir suffisent. Or le test du VIH ne procède pas de cet objectif. Le dépistage n’est pas anodin. Les répercussions sur la vie personnelle, sociale et économique exigent des personnes un consentement éclairé et un accompagnement spécifique. C’est pourquoi toute une procédure a été mise sur pied pour obtenir le consentement éclairé de la personne, la conseiller avant et après le test. L'argument d'utilité publique utilisé pour justifier le test sans consentement ne peut être retenu : le meilleur moyen de lutter contre la maladie est d'informer et de rechercher la coopération des personnes. Le dépistage ne peut en aucun cas tenir lieu de principe de précaution. Procéder à un dépistage à l’insu des personnes relève du voyeurisme, car le test n’est pas pratiqué dans un but diagnostique, mais pour éliminer les patients à risque. On note aussi une collusion entre les laboratoires et les cliniques privées. L’ironie réside dans le fait que les médecins sont rarement capables d’assumer et de gérer l’annonce d’un résultat positif. L’urgence est parfois invoquée, mais n’excuse pas ces pratiques. Au stade de la maladie, un dépistage n’est souvent plus nécessaire. Un diagnostic assez sûr peut être posé sur la base des critères de Bangui. Test à l’embauche Les pratiques de la médecine du travail méritent d’être étudiées. Des cas de tests pratiqués à l’embauche, soit à l’insu, soit après pression sur l’individu pour qu’il accepte, ont été rapportés. Les pratiques stigmatisantes Dans certains hôpitaux, les dossiers des malades participant à des recherches sont marqués du statut sérologique du patient. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 51 On a vu aussi des carnets de santé de jeunes mères analphabètes avec le statut sérologique clairement indiqué. Non seulement ces pratiques favorisent les ruptures de confidentialité, elles sont aussi stigmatisantes. Dans certains centres de santé, il n’est pas rare d’entendre des remarques désobligeantes (par exemple cet appel, lancé à qui voulait l’entendre à l’arrivée d’un patient soufrant de la syphilis, “tiens re-voila celui qui a commis l’acte sexuel sans préservatif !”). Dans les centres de référence, les marquages sont effectués avec un code qui n’est en principe connu que des praticiens et l’on ne laisse pas traîner les dossiers. Si un diagnostic a été posé sans le test, il faut veiller à ce que la personne n’apprenne pas son statut par des moyens détournés sans qu’elle y soit préparée. Refus de soins Le refus de soins n’est pas l’apanage d’une seule catégorie d’établissement ou de structure. Des chirurgiens d’hôpitaux publics refusent d’opérer ; des obstétriciens de cliniques privées refusent d’accoucher les mères vivant avec le VIH ; des spécialistes “oublient” leur spécialité. Mesures de précaution Dans certaines structures, une information claire est donnée, notamment les services spécialisés ou les structures qui collectent le sang. Les consignes sont affichées. Ailleurs les principes de bases semblent être parfaitement inconnus. Un laisser-aller existe en la matière dans les structures hospitalières et dans les cliniques privées : on ne prend pas forcément toutes les précautions requises, alors que celles-ci doivent être appliquées en toutes circonstances, pour tous les malades. Il est inacceptable et dangereux pour la santé publique que des dépistages faits à l’insu des personnes (effectués sur toutes les personnes, ou bien simplement sur celles considérées à risque ? Et que dire des autres pathologies ?) tiennent lieu de mesure de précaution. Les praticiens doivent assumer leurs responsabilités. 52 Amnesty International Sénégal, Section médicale Un état des lieux des connaissances et des pratiques mériterait d’être effectué car on connaît peu de choses sur ce que le personnel sait ou fait dans les structures de base, particulièrement dans les régions les plus touchées. La question des moyens mis en œuvre mérite d’être étudiée. En effet, le praticien pourrait se réfugier derrière l’absence de moyens pour refuser d’opérer, et de “mettre sa vie en danger”. Il est vrai que des moyens de protection essentiels, tels les gants sont considérés comme un luxe. Parfois aussi, s’ils existent, ils sont détournés à d’autres usages. Information donnée Dans bon nombre de structures avant de parler d’information, il faudrait penser à l’accueil des personnes. Dans les hôpitaux, on fait venir les patients à sept heures alors que le praticien n’arrive qu’à dix heures et parfois ne les recevra que l’après-midi. Il faut réfléchir à la pratique du counselling. N’est pas conseiller qui veut. La fonction fait appel à une capacité relationnelle et à une implication personnelle. L’information doit être claire et précise. Recours Certains praticiens savent qu’ils peuvent être l’objet d’une plainte en cas d’abus. Cependant celle-ci est toute théorique. Il est très difficile de prouver et d’établir la responsabilité du praticien en cas de refus de soins, car le dépistage est souvent pratiqué à l’insu de la personne. Aucun cas de plainte effective n’était connu du groupe. Il a été rapporté des cas de chantage à la plainte : le patient est invité à porter plainte, mais on lui rappelle que, dans ce cas, son statut sera dévoilé au tribunal. D’autres obstacles existent comme la prescription, l’extinction d’un recours avec la mort du plaignant, les frais, la perception qu’une plainte représente une résolution trop conflictuelle du problème. L’élaboration d’une charte permettrait-elle de sensibiliser les parties à leurs droits et devoirs respectifs ? Une brève Charte du patient hospitalisé vient d’être adoptée. C’est un début. Il reste donc de gros efforts à fournir, car les patients hospitalisés ne représentent qu’une partie de la population qui fréquente les structures de santé. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 53 Pour qu’une plainte ne reste pas lettre morte, la création de structures de services juridiques et de soutien à l’action de plainte avec des ressources suffisantes doit être envisagée. Celles-ci pourraient se porter partie civile, et même continuer l’action en justice en cas de décès dans des cas d’abus manifestes. Recommandations générales n Actualiser, voir même élaborer un véritable Code de la santé. Respecter les droits fondamentaux de l’individu et améliorer la visibilité des questions éthiques dans les structures de santé. n Impliquer tous les niveaux de la hiérarchie sanitaire dans la réflexion et le développement de stratégies en matière d’éthique (réglementation, création de comités, formation). n Rappeler et/ou former les personnels de santé aux principaux principes éthiques (secret médical, consentement éclairé). n Informer les personnes sur leurs droits et sur les recours possibles en cas de violation. n Renforcer le tissu associatif et/ou créer un réseau juridique capable d’aider en cas de plainte. n Améliorer l’accueil hospitalières. n dans les structures sanitaires et Recommandations spécifiques Récolter des informations et approfondir la recherche, sur le vécu, les attitudes vis-à-vis du VIH et les pratiques des intervenants dans le domaine de la santé. n Recueillir l’information sur la réalité de l’acceptation de la maladie. n n Réfléchir sur l’accès au dossier médical d’un patient décédé. Améliorer la communication entre les différents services hospitaliers. n Améliorer quand il existe le soutien psychologique ; créer un système là où celui-ci n’existe pas. n 54 Amnesty International Sénégal, Section médicale LA RECHERCHE Tous les ateliers se sont penchés sur certains aspects éthiques liés à la recherche. Le résultat de ces réflexions est rapporté ci-après. État des lieux La recherche est essentielle pour vaincre le Sida. Sans remède efficace et sans vaccin, la maladie demeure mortelle. La recherche permet de démontrer l’efficacité de certaines molécules et de leur interaction. Les enjeux financiers de la recherche sont colossaux : pour les établissements de recherche qui y prennent part, en termes de retombée pour les laboratoires. Quelles règles ? Toutefois la recherche au Sénégal présente des lacunes. Une des plus sérieuses est sans doute l’absence de réflexion éthique sur la recherche, alors que de nombreuses recherches sont effectuées dans ce pays — et ce depuis longtemps et pas seulement dans le domaine du VIH/Sida. Quelles règles faut-il suivre pour les essais cliniques ? Quels sont les droits des personnes prenant part à ces essais ? Ceux-ci ont théoriquement été pris en considération depuis la fin des années 60, dans ce qu’on appelle communément la déclaration d’Helsinki. Les participants ont le droit de bénéficier du meilleur traitement disponible. Certaines pratiques, prohibées dans les pays riches, comme le fait d’utiliser un placebo et de ne pas soigner un groupe témoin ont eu cours au Sénégal. Parfois on a invoqué la “souplesse” ou l'“efficacité”. Les protocoles de recherche doivent être soumis au Comité d’éthique du PNLS. Mais celui-ci garantit-il des règles aussi sévères et strictes qu’aux États-Unis ou en France ? Prennentelles en compte ou doivent-elles prendre en compte les spécificités du Sud ? Par exemple l’arrêt de la recherche au Nord ne signifie pas la fin de la prise en charge thérapeutique puisque la Sécurité sociale, en général, prend le relais. Mais quand celle-ci n’existe pas ? Quelle est la valeur du consentement éclairé d’une personne analphabète ? Quelle information doit être donnée pour s’assurer Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 55 de la bonne compréhension du sujet ? Quelles modalités pour le recueil formel du consentement lorsque la personne ne sait pas écrire ? Il est impératif pour le pays de se doter d’un Comité digne de ce nom. Même s’il convient de ne pas trop noircir le tableau, il est nécessaire d’amener le débat dans le domaine public. Le Comité éthique Le Comité éthique du PNLS, qui existe sur le papier, est en état de latence. S’il se réunit, c’est pour débattre de cas individuels qui lui sont soumis, et non pour débattre des questions fondamentales. Les critères de nomination de ses membres sont flous et le Comité semble être noyauté par les médecins et chercheurs concernés par les recherches. Il règne un flou certain dans les procédures de contrôle des protocoles de recherche et de suivi dans la dissémination des résultats. Information des participants Peu d’informations sont en réalité données aux personnes participant à un programme de recherche. Or que vaut le consentement d’une personne qui ne comprend pas le but de la recherche, les modalités et les retombées potentielles ? Les intérêts des participants Prend-on vraiment en compte les intérêts des participants dans les essais thérapeutiques ? Les bénéfices de la recherche sont-ils supérieurs aux risques ? Les participants bénéficient-ils de traitements et, une fois la recherche effectuée, des retombées escomptées ? Recherches sur la médecine traditionnelle Le cas de la recherche sur la médecine traditionnelle mérite une attention particulière, car elle n’est pas souvent prise en considération lorsqu’on parle de recherche. Et pourtant certaines recherches en médecine traditionnelle (notamment celles financées par la Fondation Ford) se targuent d’utiliser des moyens d’investigations scientifiques. 56 Amnesty International Sénégal, Section médicale Et pourtant ce sont ici aussi les mêmes enjeux financiers colossaux (on peut citer ici le rôle de la fondation Ford), même si parfois il peut y avoir une connotation idéologique (réponse africaine au VIH/Sida contre médecine des anciens colonisateurs). Cependant les chercheurs, souvent des biomédecins euxmêmes, devraient être tenus à la même rigueur tant dans les méthodes que dans la dissémination des résultats et conclusions. Les effets de manche annonçant la guérison de malades du Sida ne peuvent, à ce stade, que donner de faux espoirs et nuire à l’action de prévention : ils sont parfois carrément mensongers. On a vu des cas dans certaines “recherches” où les patients se sont vu dire au terme des essais qu’ils étaient guéris alors que tous les indicateurs (charge virale, taux de CD4) montraient le contraire. Les recherches sont menées de concert avec les tradipraticiens. Il n’est pas question d’interdire aux tradipraticiens d’exercer leur métier, encore moins de faire de la recherche s’ils le désirent. Mais il faut veiller au respect des principes éthiques, déontologiques et légaux, prendre en considération les intérêts des malades, mais aussi ceux des tradipraticiens eux-mêmes. On note aussi que certains chercheurs pratiquent une recherche “clandestine” et, soit photographient sur place des plantes, racines, feuilles, tiges, utilisées dans la médecine traditionnelle, soit les emmènent en vue de les breveter. Il faudra être particulièrement vigilant à toute velléité de la part de certains pays de permettre qu’un brevet soit déposé pour une plante. Ce procédé pourrait avoir comme conséquence aberrante de spolier les tradithérapeutes de leur savoir en les forçant même à payer des royalties pour avoir le droit d’utiliser à des fins thérapeutiques la plante dont ils ont révélé les propriétés au chercheur étranger. Les règles qui régissent la recherche doivent être aussi rigoureuses et sévères pour tous les intervenants — tant dans l’agrément et la supervision des protocoles de recherche, que dans l’obtention du consentement éclairé, le suivi et la dissémination des résultats. Rôle des associations Les associations ont un rôle à jouer. Telles des veilleurs de nuit, elles peuvent dénoncer les abus et, si le besoin s’en faisait sentir, se constituer partie civile pour porter plainte. Le renforcement du tissu associatif et la collaboration étroite et effective des structures, associations et ONG luttant dans les Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 57 domaines du Sida et des droits de l'homme sont nécessaires et assurent la mise en commun de compétences comme le plaidoyer, les actions de sensibilisation. Rôle des médias Assurer la sensibilisation sur les questions éthiques soulevées par la recherche au Sénégal et le plaidoyer envers les décideurs dans ce domaine (les parlementaires, qui font les lois, les juristes qui aident à leur élaboration, ceux qui financent les recherches, les chercheurs eux-mêmes), est aussi un combat citoyen. Recommandations générales Mettre en place ou réactiver un véritable Comité Éthique sur la recherche (qui se réunit et débat sur la validité des recherches). n Le mandat de ce comité doit être de donner un avis sur tous les protocoles de recherches effectuées au Sénégal. n Assurer que les critères de nomination au Comité Éthique soient clairs et transparents. n Assurer la publication et la dissémination de tous les protocoles de recherche quels qu’ils soient. n Assurer que les règles qui régissent les recherches dans le cadre de la médecine traditionnelle, soient aussi strictes que celles qui régissent la recherche dans les domaines biomédicaux. n Assurer une dissémination responsable des résultats, c’est-àdire qui ne donne pas de faux espoirs et ne nuise pas à la prévention. n Renforcer le tissu associatif, réseau de surveillance qui pourrait se porter partie civile, si besoin était. n n Favoriser la contribution des médias au débat. n Dénoncer la recherche clandestine. Empêcher toute mesure visant à établir la possibilité de brevet sur un organisme vivant. n Sauvegarder les intérêts des participants aussi bien dans l’immédiat de la recherche qu’à plus long terme. n 58 Amnesty International Sénégal, Section médicale Donner une information dans un langage clair, précis et adapté aux personnes prenant part dans des essais cliniques ou thérapeutiques. n Recommandations spécifiques Dans le cadre de certaines recherches anonymes, favoriser la possibilité pour les personnes qui le souhaitent de connaître leur statut sérologique. n Permettre une forte représentation des personnes vivant avec le VIH dans le Comité Éthique. n Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 59 Annexes Annexe 1 - Discours de bienvenue Isma Daddis Sagna, Président, Section sénégalaise, Amnesty International Monsieur le Docteur Ibra Ndoye Mesdames, Messieurs, chers invités ; Au nom de la Section sénégalaise d’Amnesty International, permettez-moi de remercier Monsieur le Docteur Ibra Ndoye d’avoir accepté de présider notre cérémonie d’ouverture, malgré son agenda que nous savons très chargé. Je remercie également le Ministre de la Santé et de la Prévention pour ses encouragements. Je remercie également Family Health International d’avoir bien voulu, avec générosité, nous soutenir dans notre démarche. Je remercie également tous ceux qui ont pris le temps de partager avis et conseils précieux en vue de l’organisation de ce forum. Enfin je vous remercie tous d’avoir accepté de prendre part à cette rencontre malgré les contraintes de temps de chacun. Votre présence à tous ici témoigne de l’attention particulière que vous portez au Sida. Votre présence est aussi l’expression de votre engagement militant en faveur des droits de la personne. Plus de 35 millions de personnes vivent avec le virus de l’immunodéficience acquise dont les deux tiers en Afrique. C’est un défi pour l’humanité, ainsi que l’a rappelé le Secrétaire Général de l’ONU, Kofi Annan ; c’est un défi lancé aux Africains. L’enjeu est à la mesure de tous les autres défis que l’Afrique doit relever - promouvoir la démocratie et l’éducation, assurer l’essor économique et le bien être des populations. Nous connaissons ces réactions épidermiques fondées sur des équations telles que : VIH/Sida = travailleuses du sexe ou homosexuels, ou bien VIH/Sida = comportement à risque, donc faute, donc punition. Pour justifier maints empiètements des droits de la personne, on fait état d’un conflit inévitable avec les impératifs de santé publique, 60 Amnesty International Sénégal, Section médicale du droit de la communauté à se protéger. La ligne de démarcation est claire : il y a “nous” et il y a “eux”. Or le Sida est affaire de tous. Son emprise et son mode de transmission sont silencieux. Et il fragilise individus et communautés. En Afrique de manière plus dramatique qu’ailleurs : perte d’emploi ou de ressources, coût des traitements hors de portée, hospitalisations répétées. Or lutter contre le sida exige la solidarité envers les personnes affectées. Lutter exige aussi la collaboration entre tous les intervenants - y compris des intervenants médicaux. Amnesty International est une organisation de défense des droits humains. Le droit à la santé est un droit fondamental de la personne, ainsi que le droit d’accéder aux soins et à l’information, le droit de ne pas être soumis à discrimination à cause de son statut sérologique. Or voici qu’on nous rapporte des cas de chirurgiens qui font subir, à l’insu de leurs patients, des tests sérologiques avant toute opération. Mais qui, dans le cas d’une réponse positive n’ont pas le courage de les en informer et qui se réfugient dans un refus d’opérer au nom du droit du praticien à se protéger, en violation manifeste avec le code de déontologie médicale. Et que dire de la recherche ? Les Africains sont-ils les nouveaux cobayes des chercheurs occidentaux ? Y a-t-il conflit entre efficacité et éthique ? Les personnes qui prennent part dans les essais bénéficient-ils des progrès qui en découlent ? Autant de questions qui nous interpellent et qui méritent réflexion et débat. Car il y a urgence. La lutte contre le VIH/Sida ne peut se limiter à quelques mots d’ordre et à une barrière de caoutchouc. L’homme, la femme, la famille, la communauté doivent être au centre de nos préoccupations. Le corps médical ne peut se contenter d’être la caisse de résonance des préjugés ambiants, et refuser soins et compassion ; ou lever les bras au ciel et démissionner en arguant de la complexité des cas de conscience qui lui sont posés quotidiennement ; ou se réfugier dans sa tour d’ivoire scientifique, accaparant le débat sur l’éthique de la recherche sous prétexte que le commun des mortels n’en comprend pas les enjeux. Nos objectifs sont modestes mais réalistes. Nous tenions à marquer notre volonté et disponibilité à participer à la réflexion, favoriser le partage des expériences. Car une chose est sûre : la question n’est plus de savoir si la question des droits de l’homme est fondamentale dans la lutte contre la maladie, mais comment en faire le socle de toute action. Mesdames, Messieurs, je vous remercie. Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 61 Annexe 2 - Réseau africain sur l’éthique, le droit et le VIH : Déclaration de Dakar du 1er juillet 1994 RECONNAISSANT l’impact de l’épidémie de VIH sur tous les aspects de la vie humaine ; RECONNAISSANT le besoin d’une réponse urgente ; RECONNAISSANT que la valeur fondamentale du respect des droits de la personne, du respect de la vie humaine et du respect de la dignité humaine constitue le fondement de toute action ; NOUS, participants à la Consultation Inter-Pays du Réseau Africain sur l’Éthique, le Droit et le VIH, affirmons que toute action qu’elle soit entreprise au niveau individuel, institutionnel, professionnel ou gouvernemental, en réponse à l’épidémie du VIH, doit être guidé par les principes suivants : 1. Principe de responsabilité Chaque individu, gouvernement, communauté, institution, entreprise privée et média doit être conscient de sa responsabilité et doit l’exercer de manière active et continue. 2. Principe de l’engagement Chaque personne est affectée directement ou indirectement, et doit donc se sentir concernée par l’épidémie et y répondre en s’engageant avec courage et espoir en l’avenir. 3. Principe du partenariat et de la concertation Tous les individus, couples, familles, communautés et nations doivent travailler ensemble avec empathie, afin d’œuvrer à la réalisation d’une vision commune et partagée. Ces partenariats doivent refléter et promouvoir activement la solidarité, l’inclusion, l’intégration, le dialogue, la participation et l’harmonie. 62 Amnesty International Sénégal, Section médicale 4. Principe de renforcement des capacités d’action Le renforcement des capacités d’action de tous les individus, en particulier les femmes, les pauvres, les analphabètes et les enfants, est essentiel et doit guider toute action. Le renforcement du pouvoir d’agir passe par la reconnaissance du droit à l’information, à la technologie, à la liberté de choix et l’accès aux moyens économiques et financiers. 5. Principe de non-discrimination Toute personne directement affectée par l’épidémie doit rester partie intégrante de sa communauté avec le même droit au travail, au logement, à l’éducation, aux services sociaux, avec le droit au mariage, à la liberté de mouvement, de croyance et d’association, avec le droit au conseil, aux soins et au traitement, à la justice et à l’équité. 6. Principe de la confidentialité et du respect de la vie privée Toute personne directement affectée par l’épidémie a droit à la confidentialité et au respect de la vie privée. Il ne peut y être apporté de restriction que dans des circonstances exceptionnelles. 7. Principe d’adaptation Chaque individu ou communauté doit promouvoir un changement et une adaptation des conditions socioculturelles aux exigences de l’épidémie pour une réponse efficace. 8. Principe de l’utilisation d’un langage adapté Le langage doit respecter la dignité humaine et refléter l’inclusion ; il doit être sensible aux questions de genre ; il doit être précis et compréhensible. 9. Principe de l’éthique dans la recherche Les intérêts des individus et communautés faisant l’objet de travaux de recherche sont primordiaux. La recherche doit être effectuée sur la base d’un consentement libre et éclairé sans intrusion dans la vie privée et sans coercition. Les résultats de la Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 63 recherche doivent être mis à la disposition de la communauté pour une action appropriée et opportune. 10.Principe de l’interdiction du dépistage obligatoire Tout dépistage du VIH sans consentement éclairé préalable doit être proscrit. Par ailleurs, le dépistage du VIH ne doit pas être exigé pour avoir accès au travail, au voyage ou à tout autre service. Cette déclaration a été rédigée et approuvée par les participants à la Consultation Inter-Pays du Réseau Africain sur l’Éthique, le Droit et le VIH organisée à Dakar, Sénégal, du 27 juin au 1 er juillet 1994, par le Programme VIH et Développement du PNUD (à Dakar et à New York). Les participants provenaient des pays et organisations suivants : Afrique de Sud, Côted’Ivoire, Ghana, Kenya, Ouganda, République Centrafricaine, Rwanda, Sénégal, Zambie, le Programme mondial de lutte contre le Sida de l’OMS, le Bureau régional de l’Afrique de l’OMS, la Division du PNUD du renforcement de la gestion et de la gouvernance, le Projet VIH et Développement pour l’Asie et le Pacifique du PNUD, les Réseaux sur l’Éthique, le Droit et le VIH d’Asie et d’Amérique Latine, AfriCASO (African Council of AIDS Service Organizations), l’Association des Juristes Africains (AJA), ENDA Tiers Monde, l’Organisation Pan-Africaine de Lutte contre le Sida (OPALS), l’ORSTOM et le Réseau Africain des Personnes vivant avec le VIH/Sida (RAP+). 64 Amnesty International Sénégal, Section médicale ANNEXE 3 - DÉCLARATION DE DAKAR SUR LE VIH/SIDA DANS LES PRISONS AFRICAINES 1998 Considérant que la santé des personnes détenues est un problème de santé publique et qu’elle relève d’une responsabilité publique au même titre que celle de tous les citoyens ; Considérant qu’en raison de la surpopulation carcérale, ainsi que de la vétusté des installations, les conditions d’hygiène des établissements pénitentiaires laissent souvent à désirer ; Considérant que la population carcérale est essentiellement constituée de personnes venant des milieux les plus défavorisés, de personnes marginalisées et que cette population carcérale est une population vulnérable en ce qui concerne la santé ; Reconnaissant que la prévalence de l’infection VIH dans les prisons est supérieure à celle observée pour la population générale ; Notant que le manque d’information aux détenus, le manque d’accès au matériel de prévention, l’absence de possibilité de prise en charge, les pratiques discriminatoires et le non-respect de la confidentialité contreviennent aux Directives de l’OMS sur le Sida dans les prisons, ainsi que le manque de programmes de prévention visant les personnels pénitentiaires. Nous, représentant les Administrations Pénitentiaires, les Programmes Nationaux de Lutte contre le Sida, les organisations non gouvernementales, les institutions médicales spécialisées, les organisations internationales et inter-gouvernementales, participants à la conférence internationale sur le VIH/Sida dans les prisons en Afrique, exprimons notre souhait et notre détermination à : * Promouvoir le respect du droit à la santé des personnes détenues en particulier, à travers la mise en œuvre du principe de l’équivalence des soins en milieu carcéral avec ceux offerts à l’ensemble de la population ; * Vulgariser les Directives de l’OMS sur le Sida dans les prisons notamment les éléments essentiels de mise en place d’un programme efficace de prévention à l’intention des détenus et des personnels pénitentiaires ; Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 65 * Instaurer un dialogue, une coopération et une coordination entre les différents responsables et acteurs de la prévention du sida dans les prisons et élaborer, en commun, une politique et une stratégie de prévention du Sida et de prise en charge des séropositifs en milieu carcéral ; * Concevoir une stratégie globale couvrant le milieu carcéral et l’accompagner d’un plan comprenant un quorum de mesures essentielles destinées à combler les lacunes importantes observées ; * Soutenir toutes les initiatives visant à créer un environnement juridique favorable au respect des droits du détenu vivant avec le VIH/Sida et à une prise en charge correcte ; * Promouvoir une conception de la prise en charge sanitaire des personnes détenues qui couvre les aspects psychosociaux et inclut la dimension préventive et curative ainsi que la préparation des relais sanitaires au terme de la période d’incarcération ; * Mettre en place un programme de prévention et de réduction des risques articulés sur l’éducation des détenus, la formation des personnels, la distribution de matériel de prévention ; * Pallier l’insuffisance de données en mettant en place des outils de connaissance pouvant servir de base à des programmes correspondant aux besoins des personnes vivant avec le VIH, une stratégie de prévention efficiente et une politique de réduction des risques. 66 Amnesty International Sénégal, Section médicale ANNEXE 4 - LISTE DES PARTICIPANTS Félix ATCHADÉ Diémoun BA Saïdou BA Djibril BAAL Jacquot BAMPOKY Charles BECKER Katy CISSÉ WONE Fatim Louise DIA Fara DIAW Khardiata DIÈNE Mbagnick DIOUF Gary ENGELBERG Sadia FATY Oumar GAYE Ari GOUNONGBÉ Mahmoud KANE Awa Guênah MANGA Ngagne MBAYE Bertrand NGOULÉ FICTIME Ismaël SADIO Isma Daddis SAGNA Mbaye Thierno SAGNA Simon Pierre SAGNA Fatou SALL Nouha SONKO Mariéma SOUMARÉ Ndèye Khoudia SOW Ann SPENCER Médecin - Amnesty International Commerçant Aide social Assistant social Étudiant, volontaire - Sida-Service Chercheur - CNRS Chargée de Programme - FHI Chargée de Programme - ACI Journaliste Chargée d'IEC - PNLS Reporter Journaliste Directeur d’ACI Pharmacien - Amnesty International Magistrat - Conseil d’État - Amnesty International Psychologue - Amnesty International Président de la Section sénégalaise de l’OIP Juriste Médecin - Président de Synergie pour l’Enfance Médecin - Amnesty International Amnesty International Président - Amnesty International Sénégal Éducateur spécialisé - Amnesty International Assistant social - Sida-Service Assistante administrative, Amnesty International Médecin - Amnesty International Coordinatrice de AWA Médecin anthropologue Amnesty International Forum “VIH-Sida et droits de l’homme en milieu médical” 67 ANNEXE 5 - PROGRAMME DES TRAVAUX 18 juillet 2001 9 h 00 9 h 45 10 h 45 11 h 15 13 h 00 Séance d’ouverture Plénière : VIH/Sida et droit à la santé - 20 ans après Pause café Plénière • Femmes et enfants • Univers carcéral et psychiatrique • Pratique médicale et chirurgicale Déjeuner 14 h 15 16 h 30 Travaux en ateliers Fin des travaux 19 juillet 2001 9 h 00 11 h 00 11 h 30 13 h 00 14 h 30 16 h 30 Reprise des travaux de la veille Pause café Plénière : Présentation des travaux de groupe Déjeuner Plénière : Réflexions et pistes : prochaines étapes et recommandations pour le futur Fin des travaux ANNEXE 6 - LISTE DES ABRÉVIATIONS AWA Association for Women against AIDS ARV Antirétroviraux CNLS Comité National de Lutte contre le Sida CONGAD Conseil des ONG d'appui au développement IEC Information, Éducation, Communication OMS Organisation Mondiale de la Santé ONG Organisation Non Gouvernementale PNLS Programme National de Lutte contre le Sida Sida Syndrome de l’Immunodéficience Acquise VIH Virus de l’Immunodéficience Humaine 68 Amnesty International Sénégal, Section médicale Table des matières Remerciements / Comité d’organisation 3 Résumé 4 Summary 6 Avant-propos 8 Présentation du forum VIH/Sida et droits de l’homme 11 Objectifs du forum 18 Organisation des travaux 19 Les séances plénières VIH/Sida vingt ans après : le milieu médical Droit, éthique et milieu médical Les ateliers 21 21 28 31 Atelier 1 : Femmes et enfants 31 Atelier 2 : Univers carcéral et psychiatrique 38 Atelier 3 : Pratiques médicales et chirurgicales 44 La recherche 54 Les annexes 59 Annexe 1 - Discours de bienvenue 59 Annexe 2 - Réseau africain sur l’éthique, le droit et le VIH : Déclaration de Dakar du 1er juillet 1994 61 Annexe 3 - Déclaration de Dakar sur le VIH/Sida dans les prisons africaines (1998) 64 Annexe 4 - Liste des participants 66 Annexe 5 - Programme des travaux 67 Annexe 6 - Liste des abréviations 67 Table des matières 68