Papier peint n°22

Transcription

Papier peint n°22
Le 5 décembre 2005
Papier peint n°22
Soustraire le nécessaire, ajouter le superflu.
Editorial
Refaire mois après mois le papier peint, c’est ce à quoi je m’attelle en votre compagnie, et pour l’instant sans trop de
difficultés. Or curieusement, ch ez moi, les murs sont peints. Quelque chose m’échappe. M’écharpe. M’est cher.
Question raccords : c’est la seconde fois que Papier peint embarque ses lecteurs dans un feuilleton qui change de titre
au fil de l’eau. La question des titres est au cœur de ce qui m’intéresse, comme vous le savez si vous lisez avec soin et
jusqu’au bout tous les numéros. Je vous raconte ça pour donner l’impression que tout est fait exprès, et bien maîtrisé,
mais en fait, non. Pas de quoi en faire une histoire ? Juste un bout d’édito. Suspense : Qui sera Prix Lycanthrope
2006 ? Réponse au prochain numéro.
Cha
Le livre de dessin de Juliette
au détour des jardins, je renifle enfin la trace,
la merveille
ce corps aussitôt ce flot comme l'intime érosion
et soudain avec force se ruiner légère,
le monde entre dans ma chair
Page 11 – Chana
je n'ignore plus le péril de l'aube.
cours, à travers les longues files,
cours j'irai contre toi, tu recules, tu t'essouffles;
tu ne vois plus rien, as tu déjà aperçu l'infini roulé
blanc?
au loin : ces ossements jetés et les visages de ceux qui
tombent
LOTH ; LOTH, les portes de la mémoire ici ou là
plus ancienne que tes souvenirs
frappe, frappe, encore, le vent et les marées glissent,
amères les herbes dans tes mains
j'habite ton cri
je tourne
A suivre
Poésie
Aubes
Je ne sais plus pourquoi ces paroles :
nous commençons un jour
par nous sentir aux prises avec l'aube,
roule sans saccade le long des quais
l'aventure muette de ces passants, l'oubli et la lenteur
des jours
j'ai tracé dans le sable l'étincelle, je la suis, assurée de
la perdre
je me roule, je creuse ils creusent
l'aube est là
juste ici dans l'oeil noir de l'amant
son sang
mon ventre cousu
et juste avant ce qui lasse
l'ardeur où nous nous tenons
je n'ignore plus le péril de l'aube.
j'entends : lait noir de l'aube,
histoire d'une aube morte, la tête pendue sous les
rameaux d'un ciel noir.
dans les valises, une pierre, une pierre pieuvre, une
pierre assassine, une pierre aux racines flottantes.
PIERRE - ILE deL'AUBE
petite aube douce et niaise
petit lever de soleil
petit bois de bouleaux,
murée l'histoire dans vos prisons asilaires,
vos esplanades, vos rues, vos affiches,
on s'ébroue, on s' endort,
nul survivant pour nous rappeler à la force du vivre,
voguez, voguez dans l'universel exil de ceux qui
ignorent que la terre est l'inexploré
il nous faut commencer,
la tranche rouge et rugueuse de l'aube.
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"La mort de la littérature : plutôt crever, oui." Pit Bernal
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Le 5 décembre 2005
Nous sommes embarqués dans une nouvelle
lunaison, l'aventure sans soucis des frasques ;
des illuminés, des arrière- pays ;
EN TETE se dessine le rivage rêvé, en dessous
les collines sèches,
et je m'étends derrière l'ombre, aussi
longtemps que la douleur lourde des corps des
femmes mouillées des voiles de la mer en larmes.
Je suis ce ventre
je suis ces plis
050105
Je ne veux rien de juste,
mais tout, au plus.
Deviner mieux que sentir,
l’affrontement débile qui m’oppose au miroir et aux
rapports.
Je veux, ce que je sais encore.
Je suis assis au bord du fleuve,
un orgue glisse entre mes oreilles.
je suis l'attente du monde devenu femme,
l'attente, les matins
Glissement : on
d’obligation.
où courbés sous la trame d'un néon jaune,
on plonge inconscient dans la fosse,
Je suis assis au bord du fleuve.
Lui coule au bord de moi.
culs de plomb langues vissées cormorans
incrédules nous buvons l'inventaire des mille et un
soucis
Je suis le bout, le bout de moi, pas d’autre extrémité
au monde qui ne dépasse,
ou me précède, que moi, par dessus moi.
Je suis la maladie vivante et soyeuse, vaine et voyeuse,
démasquant nos effets et nos personnages et nos
histoires le long d’entrefilets de vérités à ma mode, et
de coutures incauteleuses où je m’abîme en abus
impies.
ça gonfle on se rue, ainsi ainsi on passe.
Je me souviens d'un rêve : ces pensoirs silencieux, ces
matins vides, ces herbes hautes, et cette chaîne
incendiée.
Envoûtée, je succombe.
Je n'ignore plus les périls de l'aube.
que de soirs pour un seul matin !
et si comme une vague
sur le roulis du monde se perpétuait ce qui jamais ne
dure
la plainte tellurique,
l'insomnie des désespérés
ce miracle, une seule fois où se consument les heures
aveuglées,
une seule fois ce sourd murmure,
onde de plus en plus pénétrée du vent des espaces,
sur les pentes fraîches
dans les collines boisées de la ville
humer , mélancolique la trace à l'odeur de lilas.
Aube, aube exaltée
aube nue, aube échappée,
loin des ruines vibrantes du ciel des hommes,
où l'espoir devenu gorgone,
les passagers ces ombres s'usent au carrefour du petit
bout d'azur !
la gorge me serre !
s'évader, lever les yeux, la chercher vers les brumes,
là-bas ?
Ce que je peux souffler,
ce que je peux épeler
ce que je peux de mes lèvres chuchoter,
la source, l'origine en son milieu plus tendre,
comme à peine les premières heures se dissipant ;
le ciel fuse et l'on
voit, par delà se mouvoir sa couleur
et le monde se fige !
parle
de
contrainte
au
lieu
Ce que j’aurais voulu que l’on sache, de moi,
je dois le jeter aux visages aux yeux et aux oreilles, ici,
avant et plus loin.
Ce que vous savez ne le répétez à personne d’autre
que moi…
Je ne peux me lire sans vous,
l’inverse est ma prétention la plus préoccupante
Je suis ma maladie, je suis mon remède,
Je suis mon poison et mon antidote,
Ma haine de l’amour et mon amour de la haine.
Plus j’ (m’)écris et mieux je (me) hais,
l’inverse est ma prétention la plus préoccupante.
Les parenthèses ne sont ni poses ni artifices, mais
constats malhabiles de mon insuffisance à choisir.
Un souffle plus fort cherche mes voiles,
ou une poitrine accueillante, quelque chose d’enfin
distinct ;
alors que le trouble qui me révèle par invasion
est le plus sûr moteur d’insensibilisation de mon
univers
Figures rousses et d’argents
demain vide et toujours
si je m’éprend,
c’est de vous.
Le soleil marque cents rayons
de sang et de plomb,
si je m’étend
c’est pour vous.
Les cercles concentriques n’en sont pas plus
intelligents.
Zo
L'AUBE ?
Corinne Haddad
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Histoire vraie
En allant vider mes ordures,
je suis tombé sur un paquet d’héroïne.
En cette fin d' après midi,
le Lexomil se trouvait un excellent subterfuge.
La lumière s’est éteinte,
j’ai simplement fermé les yeux.
Rafael Navarro Gillard
La genèse d’une embrouille sans nom
Quelques mois avant les évènements relatés dans les précédents
épisodes de ce récit à plusieurs titres :
Episode 1 : Lu Tan
Lundi matin. Pas envie d'aller à ces cours pourris avec
des profs tous plus cons les uns que les autres. Le
réveil a déjà sonné deux fois mais Lu Tan a enfoui sa
tête sous son oreiller.
" Lu Tan debout ! Tu dois partir dans 20 minutes et tu
n'es même pas levé ! Tu va pas faire le même cirque
tout les lundis, je sais que c'est dur après le week-end
mais il faut aller en cours pour réussir tes études
- Oui M'man!"
Toujours le même bla-bla, les études, la carrière, la
réussite sociale. Il se lève tout de même et prend une
douche rapide avant de s'habiller. Dans la salle à
manger sa mère lui a préparé son petit-déjeuner. Il
attrape les tartines au passage et sort en trombe.
" 'Journée, M'man.
- Bonne journée."
Dans la rue, il s'attarde devant une boutique de
vêtement, la veste dont il rêve est là, derrière la vitre, si
il continue à économiser, il pourra se l'acheter le mois
prochain. Il flâne le long de l'avenue d'Italie avant de
tourner au coin de la rue de la Vistule. Le tournant le
plus déprimant de sa journée, le dernier avant d'entrer
dans son lycée. Dans la cour plus un bruit, il est en
retard comme d'habitude.
" Mr Sun, encore en retard, dépêchez-vous d'aller en
cours, j'en parlerai à votre mère.
- Euh, oui M'sieur."
Il court dans les couloirs et toque à la porte.
" Oui ? ... Ah Mr. Sun vous tombez à pic pour une
interrogation surprise
- Hein ? Mais j'étais pas au courant !!
- C'est le principe de l'interrogation surprise, vous
devriez ouvrir plus souvent un dictionnaire au lieu de
traîner dans les rues."
Il va s'asseoir en grommelant et sort ses affaires. Il ne
sait pas grand-chose de l'entre-deux guerres, sûrement
une mauvaise note en perspective.
" J'aurais mieux fait de rester couché moi...
- Mr Sun, Si vous continuer à parler, je vous colle tout
de suite le zéro que vous ne manquerez pas d'avoir de
toute façon.
- Oui, M'sieur", dit-il d'un ton las.
Il regarde par la fenêtre dans l'espoir qu'un évènement
fortuit lui fera passer le temps mais la cour reste
désespérément vide.
Arthur
Chroniques urbaines
Les délices du corbeau
C’est bien connu, le corbeau aime écrire. Mais pas
pour la notoriété. Il n’a pas envie de voir son nom
étalé dans les journaux , pas envie de voir sa photo
envahir les écrans, encore moins de paraître un jour à
la télévision menotté, entre deux gendarmes, cachant
sa tête dans son blouson.
Ce corbeau-là est un maître. Cela fait maintenant
trente ans qu’il pratique et il est au sommet de son
art. Perché sur la plus haute branche de son hêtre.
Il a débuté dès les bancs de l’école. La première fois,
c’était pour dénoncer un élève de sa classe dont il
était jaloux. Il avait eu l’astuce d’avoir raison.
Première proie – première victime. L’autre avait été
puni : pendant un mois il avait passé ses récrés
debout face au mur, les mains sur la tête, à la plus
grande satisfaction de notre oisillon noir.
Il y avait bien eu une vague tentative pour essayer de
trouver l’auteur de la lettre anonyme, abandonnée,
froissée, sur le sol de la classe. Mais elle avait été
écrite à l’aide d’un normographe – ce qui aurait dû
valoir à son auteur (encore eût-il fallu pouvoir
l’identifier) une double croix dans la case “ transfert
des compétences acquises ”…
Bref, personne n’avait rien décelé, et de toute façon il
n’y avait pas de quoi en faire un fromage.
Plus tard, il y a eu l’affaire de la Vologne : sur toutes
les chaînes au JT de 20 heures on ne parlait que du
“ corbeau ”, jamais identifié. Sans nom, mais
omniprésent. Sans visage, mais en première page de
tous les magazines. Un véritable exploit !
Il avait d’abord eu l’impression que c’était un peu son
double qui se cachait derrière tout ça. Ensuite il s’était
dit que ce corbeau-là lui volait la vedette, parce que
dans cette histoire il aurait sûrement pu faire aussi
bien, et peut être même mieux.
Alléché par cette notoriété masquée, il a alors décidé
qu’un jour tout le monde parlerait de lui sans savoir
qui il est vraiment.
Il a imaginé les échanges à son sujet dans une file
d’attente aux caisses du supermarché, dans l’autobus,
autour d’une table familiale le soir, justement devant
la télé, au café où il joue au billard… Avec un défi à la
clé : est-ce qu’il pourrait résister à l’envie de leur
hurler à tous un jour, dans un éclat de rire qu’il
voudrait homérique : “ Mais c’est de moi que vous
parlez ! ”
***
Petit corbeau, devenu grand, a exercé ses talents dans
toute la France, au gré de ses mutations : il est
fonctionnaire des Impôts et peut donc déménager
tous les quatre ou cinq ans. Franchement, ça
l’arrange bien. Dans une petite ville, il n’a aucun mal à
trouver des proies : il suffit d’ouvrir l’œil et de tendre
l’oreille. Quand il en débusque une, il sent une
chaleur intense l’envahir brutalement. C’est pour lui le
signal qu’il est temps de s’atteler au montage d’une
nouvelle opération : quelle méthode utiliser pour sa
dénonciation (là il a beaucoup progressé selon le
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développement technologique, mais il a compris qu’il
vaut mieux varier pour brouiller el s pistes), à qui
l’adresser, et surtout comment la rédiger. Le
mécanisme qui s’enclenche alors a des allures de
montée au paradis.
Ce pays connaît trop de désordre : le moindre
manquement aux valeurs fondamentales, religieuses
ou sociales, doit être sévèrement puni. En fait, il fait
une œuvre de salut public en portant à la
connaissance de qui de droit ces méfaits. Car il n’en
tire, lui, aucun avantage personnel. Par exemple,
jamais la pensée d’un chantage ne l’effleure. Il se
déshonorerait ! Mais il faut bien apporter son
concours à une police débordée !
Il a son Panthéon des ministres de l’Intérieur. Il est
capable de les citer tous dans l’ordre depuis 1958.
Celui qu’il préfère, c’est Marcellin, pour lui c’est
presque un saint.
***
D’après le dernier test d’un des nombreux magazines
branchés sur la psychologie qu’il lit régulièrement,
son score le ferait relever de la catégorie
“ obsessionnel ” : et, tiens ! c ‘est bizarre, ses victimes
sont toujours des postiers, des militaires, des
pompiers, des employés SNCF : bref, c’est à
l’uniforme qu’il en veut. Et il ne lâche jamais sa proie.
Cependant il n’a jamais eu le cœur (ou les couilles ?)
de s’attaquer aux policiers et autres CRS. Ceux qui le
font sursauter dans la rue, quand une patrouille le
croise… Une pas-trouille qui lui flanque une vraie
trouille ! Aurait-il par hasard quelque chose à se
reprocher ?
Il s’est longuement interrogé : serait-il opportun
d’inclure les hospitaliers dans sa liste? A cause de la
blouse blanche. Une voix intérieure lui a soufflé que
ce n’était peut être pas très prudent : il y a des
moments où il sent bien que ça disjoncte dans sa tête.
Il a donc préféré ne pas indisposer à son égard des
gens qui pourraient bien se trouver un jour en
position de se venger …
Pas si fou que ça, apparemment… D’ailleurs un fou,
est-ce qu’il est vraiment fou ? La diagonale, après
tout, ce n’est, sur l’échiquier comme en géométrie,
qu’une ligne droite en biais, qui sait bien qu’elle s’en
va dans un coin…
Il passe ses soirées, après le billard, à jouer aux échecs
contre lui-même. Son coup préféré, c’est le roque. Un
coup vraiment très fort. Sûr qu’un jour il finira par
gagner !
***
Jusqu’à maintenant il a fait chou blanc. Depuis trente
ans, par un caprice des dieux sans doute, il n’a jamais
réussi à se hisser plus haut que la rubrique “ faits
divers ” des journaux locaux. On mentionne bien ses
lettres, mais personne ne s’interroge jamais sur leur
auteur. Il n’arrive pas à être ce pronom dont il rêve.
Pourtant le nombre de ses victimes est
impressionnant. Il en tient une comptabilité serrée,
avec une classification selon le degré des dommages
qu’il a causés. Et constate que, tant dans la quantité
que dans la qualité, il n’a cessé de progresser.
Alors, pourquoi tant d’indifférence à son égard ? Il
enrage !
Sa seule satisfaction : il n’a jamais été démasqué. La
seule fois où il s’est senti en danger, c’était à Avesnes.
Il faut dire qu’il avait fait une belle boulette : poster sa
lettre à la boîte la plus proche de son lieu de travail,
c’était bien imprudent !. Pendant deux mois il avait
mal dormi. Mais tout le monde n’y avait vu que du
bleu et il avait retrouvé un sommeil de bébé.
***
Aujourd’hui il tient la dernière affaire de sa vie. La
dernière, parce que, c’est décidé, s’il échoue là encore,
il prendra sa retraite. Ou on parle enfin de lui, ou il
abandonne. Enfin, c’est tout au moins la promesse
qu’il s’est faite, sans être vraiment sûr qu’il pourra la
tenir.
Il s’agit, en deux mots, d’une dame d’âge mûr,
honorablement connue dans la ville parce qu’elle est
la veuve d’un édile local décédé il y a quelque temps,
qui décore régulièrement les murs de l’hôpital de
graffiti obscènes. Il la piste depuis trois mois.
D’un côté, il a la vague impression que cette
graffiteuse lui ressemble : elle écrit sans signer.
C’est peut être pour ça qu’il faut la dénoncer : pas de
concurrence ! Qu’elle ne lui grille pas la place !
Stop ! Raisonnement erroné : s’il la dénonce, c’est là
qu’elle lui volera la vedette !
Bon, il fait quoi ?
Il la suit, au moins pour savoir où elle habite. C’est un
élément dont il aura besoin pour ses missives.
Il est deux heures du matin et il fait un froid de
gueux. Pourtant elle remonte gaillardement la
chaussée aux Moines jusqu’à un petit pavillon qui fait
l’angle avec l’allée du Ramage, voie tranquille de la
petite bourgade de Boursin-Maurice où il a élu
domicile voilà maintenant cinq ans. Il note
rapidement l’adresse sur le seul morceau de papier
qu’il trouve au fond de sa poche : le dos d’une
étiquette de Pont l’Evêque. Il rentre chez lui rue du
Plumage (en fait, c’est assez proche) et s’offre un petit
Cognac pour se réchauffer. Cette affaire est en bonne
voie et il ne se sent plus de joie ! Il en a même du mal
à s’endormir.
***
Le lendemain matin il a la désagréable surprise d’être
convoqué par son supérieur hiérarchique, qui lui tient
à peu près ce langage : “ Mon cher, votre travail laisse
fortement à désirer. Et je me suis laissé dire que ceci
était la conséquence de la façon dont vous viviez.
Bien sûr, me direz vous, cela ne me regarde pas. Je ne
vous en aurais jamais parlé s’il n’en allait de l’intérêt
du service, et, de plus, de l’image que vous donneriez
de l’Administration si par malheur ceci venait à se
savoir. Je vous le dis sans ambage : il ne sied pas
qu’un fonctionnaire traîne plusieurs fois par semaine
sur le coup d’une heure du matin aux abords du
cimetière. ”
Notre corbeau s’offusque : “ Qu’est-ce que c’est que
cette fable ? Je suis comme tous les bons citoyens, à
cette heure là je dors ! Et d’abord, qu’est-ce que j’irais
faire au cimetière ? Tout ceci est ridicule ! ”
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A ces mots son chef lui tend quelques papiers.
“ Voyez vous-même ! ” lui dit-il.
Avec effroi il déplie ce qui s’avère être des lettres.
Anonymes, bien sûr. Où il est dit quels jours et à
quelle heure quelqu’un qui ne peut être que lui rôde
aux alentours du cimetière. Certes, il n’y est pas
nommément désigné, non, mais il est décrit avec
précision. Tous les détails y sont : sa haute taille, sa
calvitie marquée, son loden vert foncé et son écharpe
rouge.
“ Mais enfin, monsieur, - lance-t-il à son chef -, ce ne
sont que des lettres anonymes – un procédé
immonde, convenez-en ! J’ignore qui cherche ainsi à
me nuire, mais regardez-moi : ai-je l’air d’un
nécrophile ou bien d’un nécrophage ? Non,
décidément, tout ça n’a aucun sens ! D’ailleurs je vais
de ce pas au commissariat porter plainte ! ”
Le chef de service ne tient pas du tout à ce que
l’affaire s’ébruite. Il a bien du mal à obtenir de son
subordonné qu’il renonce à son projet, et finit par
accepter de déchirer devant lui toutes les lettres.
L’autre exige d’en récupérer les morceaux, pour
pouvoir, dit-il, les brûler chez lui.
***
Une heure et quart du matin. Cette fois-ci il neige.
Pour arriver ici il a emprunté un nouvel itinéraire, et
s’est retourné des dizaines de fois : qui donc peut
bien le surveiller ? Il n’a rien remarqué de suspect.
Les abords du cimetière sont, comme d’habitude,
déserts. Sauf une silhouette de femme, emmitouflée,
qui peste parce que la bombe de peinture est presque
vide, qu’elle ne pourra pas terminer son travail
comme elle avait pensé le faire, et qu’elle doit donc
choisir ses mots. Maudissant son imprévoyance, elle
rentre en maugréant chez elle. Au moment où elle
met la clé dans la serrure, elle sent le canon d’un
revolver dans le creux de ses reins. Une voix lui
croasse à l’oreille : “ je crois que nous avons deux ou
trois choses à nous dire… ”
Le tête-à-tête aura duré plus d’une heure. Puis la
lumière s’est éteinte. Ensuite un claquement - une
porte peut être ? Ou bien le revolver ? Quelques
instants plus tard une fenêtre s’est éclairée au premier
étage. Si un voisin avait veillé, il aurait vu quelqu’un
tirer les rideaux. Enfin, tout est redevenu noir.
Notre homme n’est pas ressorti du pavillon.
Est-ce lui, ou bien elle, qui gît dans une flaque de
sang sur le sol du séjour ? Ou alors sont-ils sur le
point de sceller voluptueusement l’accord qu’ils
viennent de passer pour des activités conjointes ?
Combien de noms de fromages comporte ce texte ? Et de
citations de la fable de La Fontaine ?
Perrine Detoeuf
Le yéti d’Albi
par Frédéric Jacquemet
Jeudi. 20h00.
Gonzalve, quant à lui, n’avait jamais raté d’apéro, sauf
en cas de maladie grave ou de déplacement officiel.
Il désignait par ces mots les rares voyages
occasionnés par des congrès régionaux de son
syndicat, du temps où il était délégué de la C.G.T.
Du temps des usines de rayonne et des papeteries. La
houille, c’était avant …
Il n’avait pas connu ces défaites-là. Les siennes, toutes
aussi humiliantes, venaient s’ajouter à la liste déjà
longue que sa famille portait comme autant de
trophées. Les mots magiques : « 36 », le « Frente
Popular » l’espoir et la débâcle, puis toutes les autres,
jusqu’à la honte rentrée d’être l’un d’eux.
Ses guerres à lui n’abreuveraient pas l’Histoire de
récits héroïques.
C’étaient de petites luttes à la semaine, contre des
compressions de personnel, à coups de kilos de tracts
jaunâtres et mal imprimés; ou bien des heures de
piquets de grève en compagnie de quelques bons
copains sous des banderoles écarlates, ou encore des
manifestations un peu plus chaudes que les autres, où
Gonzalve ne laissait jamais passer l’occasion d’ajouter
sa touche personnelle dans les relations avec les
forces de l’ordre.
Jusqu’au Plan Social de la papeterie. Là, la liste des
batailles perdues s’était définitivement arrêtée. Du
moins en décida-t-il ainsi.
L’abattement l’avait gagné quelques mois après la
fermeture de l’usine, quand la réalité du chômage et la
perte de sa notoriété d’élu syndical s’étaient imposées
dans son quotidien.
Le temps avait passé. Gonzalve, reculant chaque jour
un peu plus dans sa propre estime, buvait avec
entêtement et régularité ses allocations de chômeur
de longue durée.
Depuis son « quartier-général-à-mi-temps », soit le
Café des Berges à Albi, il s’en prenait au patronat de
la terre entière. Il vouait aux Gémonies les
technocrates qui, d’un trait de plume, le
condamnaient lui comme tant d’autres de par le
monde.
Tout s’effondrait autour de lui. Même « Le Parti ».
- Plutôt voter pour le F.N que de se déshonorer en
donnant sa voix aux gonzesses qui avaient pris la
direction du Comité Central !
Et plutôt boire, aussi, qu’aller arpenter les rues avec
les associations de chômeurs en faisant semblant d’y
croire.
Féfé connaissait ses ritournelles par cœur et n’y
prêtait plus attention. Hormis lorsque Gonzalve, un
peu trop imbibé, s’emportait, devenait véhément et
importunait, par voie de conséquence, la clientèle.
Dans ce cas seulement, il convenait d’intervenir: Féfé
le raccompagnait gentiment jusqu’à l’entrée de son
établissement, approuvant ses délires à grand renfort
de hochements de tête convaincus, mais le ramenant
insensiblement vers l’extérieur.
Ce soir, le processus s’était enclenché plus tôt que de
coutume.
Gonzalve était en mal de compagnie lorsqu’un des
habitués l’avait poussé au défi. S’était ensuivi un long
échange de politesses entre piliers de bar qui vont
s’affronter jusqu’à plus soif.
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Gonzalve, que la forfanterie alliée à l’alcool poussait à
l’exploit, se commandait systématiquement des
« doubles », son compagnon de beuverie se
contentant des doses courantes. La suite était
prévisible.
Saoul comme un cosaque, l’ex-Cégétiste voulut
absolument se hisser sur le comptoir afin d’y
entonner l’Internationale en étant entendu de tous.
Son projet avort a, grâce à la détermination placide de
Féfé, et trouva sa conclusion dans la rue avec la
recommandation expresse de ne pas revenir avant...le
lendemain !
Ainsi Féfé réglait-il ses problèmes. En toute
simplicité.
A suivre
Collisions
Fruits de la Passion
Alain Martin, alors directeur commercial chez Lineau
Ascot Editeurs, créa au début des années quatre-vingt
le Prix Passion, (qui hélas ne survécut pas à sa maison
d’édition), dans le but initial de récompenser Alfredo
Bryce-Echenique pour son « Voyage dans un fauteuil
Voltaire », que les autres prix avaient laissé de côté :
« Je voulais que ce soit les libraires qui le décernent. Le lauréat
gagnait un fauteuil Voltaire… C'était un prix assez peu
démocratique : on passait quelques coups de fil à des libraires
dont on connaissait les goût et voilà. » Le web nous
apprend que l'année suivante c'est Sylvie Germain qui
gagne son fauteuil, puis François Bon, Emmanuel
Carrère et enfin, Jacques Roubaud. Une autre source
du web précise que le Prix Passion a été attribué en
1984 à Emmanuel Carrère pour « Bravoure », et
selon une autre source encore, en 1984, à Sylvie
Germain pour « Le livre des nuits ». Bénoziglio, à en
croire une source différente de la toile, c'est en 1989
pour « Tableau d'une ex ». Cependant selon un autre
site, les Prix Passion et O'Henry Award ont été remis
en
1989 à
T.
Coraghessan
Boyle pour
« Wassermusik » (de lui, je préfère « In the river was
Whisky »).
La Belgique, le Québec, le hippisme et la chanson
française ont également leur Prix Passion. Mais c'est
autre chose.
A y bien regarder, le hippisme a aussi un Prix
Nocturne.
A ne pas confondre avec le Prix Nocturne que
désocculte le journal littéraire Le nouvel Attila : il
s’agit ici de récompenser « un ouvrage oublié,
d’inspiration insolite ou fantastique ».
Une rapide recherche Internet permet de réaliser
qu’un Prix des nocturnes aurait pu exister. Mais ça n’a
rien à voir.
Cha
Chroniques intimes
Prolégomènes à une histoire d’amour
J’étais toute petite. C’était avant même que j’entre à
l’école, ou peut-être au tout début. Après, ça n’aurait
pas produit le même effet. Le livre était posé sur le lit
des parents.
J’ai voulu l’ouvrir. Je voulais… Je voulais des images,
du mouvement, le fil de l’histoire. Je voulais ce que je
me représentais quand maman le lisait, le lièvre qui
déboulait des fourrés, la chèvre qui se perdait, le
prince et la princesse et leur ribambelle d’enfants à
venir. Ouvrir la boite à merveilles.
Je l’ouvris. Comment dire l’émotion que je ressentis.
Il n’y avait, dans le livre, rien de ce que j’attendais.
C’était un deuil, des dessins noirs qui ne
représentaient rien, alignés sur les pages blanches. Où
était l’histoire ?
Qu’est-ce que j’éprouvais ? De l’incompréhension.
Une frustration, qu’encore je touche du doigt. Une
déception. Sur lesquelles, je ne sais comment, au fil
du temps, se construisirent : une aspiration, une
passion ; un amour, toujours.
Cha
Chroniques voyages
Atar sur le tard
Mauritania. Desert. Coldness in the night. Nous ai
acheté deux duvets en plume d’oie, pas en fibre
synthétique. Une traversée du désert en sept jours, à
raison de vingt kilomètres par jour, à pied ou à
chameau, pour la jouer Théodore Monod. A la petite
semaine. Trois jours en case et quatre en bivouac
dans le désert, en buvant le thé (amer, vaguement
néo-colonial et amical) avec nos guides midi et soir.
Du vent et du sable partout. au réveil, des dunes
oreillers partout aux alentours. Retour illusoire but
sublime à l'état de nature. Toilettes à ciel ouvert.
Qu'on se figure un territoire deux fois grand comme
la France et peuplé par deux millions d'habitants,
pour la plupart pauvres comme Job... Facile de jouer
les explorateurs fatigués, voire obscènes. Mais le
coeur, le corps et l'exaltation y sont.
La vraie vie pourvu qu'elle ne dure pas trop
longtemps, pensa l'urbaine créature, qui, parfois,
gémissait qu'elle n'arrivait pas à dormir de la nuit
dans la tente qu'il fallait démonter tant bien que mal
au réveil.
Un désert de lumière, de toutes petites tempêtes de
sable, les dunes figurant autant de hanches féminines
et de bassins méditerranéens.
J'ai mangé un tagine cuisiné au chameau, ma foi
succulent...
De A à Z, immensité, absolu, paysages lunaires,
dunes tranchantes ou rondes qui affûtent l'esprit
comme autant de scalpels sensuels... Marcher, ça te
fait oublier ton petit ego roi. N'empêche que j'étais le
nombril du désert : un petit rien du tout inspiré par
l'infini, un temps habité par un souffle vital à l'origine
incertaine et à la fin certaine.
Un absolu grisant.
Later.
Du haut d’une dune,
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"La mort de la littérature : plutôt crever, oui." Pit Bernal
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Le 5 décembre 2005
Assis pieds nus dans le sable chaud du crépuscule,
Je contemple la naissance de la lune.
Chaque soir,
Une fois le bivouac choisi
Et les tentes installées,
On y grimpait
Pour voir le coucher du soleil,
Qui ne donnait jamais pleine satisfaction.
De-ci, de là, on entendait quelques réserves
De membres du groupe sur la qualité vespérale.
Ah, solitaire, par deux fois, il s'en fut
S’en fumer un au Manali
Du haut de sa dune de Mauritanie.
Suavement assassines,
Acres, les volutes haschischines
L’envoyaient en l’air
Sans en avoir l’air ;
À perte de vue, le sable
A reflet d'or rangé,
Ocre, jaune selon l’heure
Grognon ou béat
Selon l’humeur.
In the mood for desert,
Except in the morning.
Se réveiller, prendre un petit-déjeuner
De grosse miche pas assez cuite
(Pain cuit au feu de bois la veille au soir), puis
marcher deux ou trois heures, le temps de s’éveiller
au monde de silence environnant. Ah le vent se lève,
hélas, charriant du sable plein les yeux. Puis, une fois
qu’on a chaud, une petite heure de chameau. Jusqu’à
la pause déjeuner, avec sieste forcée dune heure
trente pour respecter la coutume locale. Puis, repartir
à flancs de Blacky, mon noiraud préféré, qui blatère à
tout va et tente d’éjecter son occupant pendant les
phases de décollage et d’atterrissage, le temps de
digérer.
En tête de caravane, les cent pour cent purs
marcheurs : Jean-Pierre (prof de physique à la fac de
Pau), Jean-Paul (kiné de l’équipe de rugby paloise) et
Robert (technicien à France Télécom).
Quand on se sent reposé, de nouveau alerte, marcher
encore, dans la chaleur et la poussière de sable,
jusqu’à l’étape du jour, bivouac ou auberge au confort
sommaire. Il pense que ce développement qu'on
voudrait durable a du plomb dans l'aile. Faire un plein
d'énergie, mais pas fossile. Invoquer plutôt un dieu de
Eoliennes. Espoir pour la soif.
Etre enfin Alexandrine, Alexandra... David Neel (qui
demanda le renouvellement de son passeport à cent
ans, à la grande surprise préfectorale de sa région
française d'élection) ou un personnage de David
Niven. Laurence d'Arabie à Petra, sans la British
Petroleum. Juste comme ça. Ne pas braquer des
sculptures précieuses à Angkor Vat comme un
sagouin enministrable.
En ce début de vingt-et-unième siècle, on a
l'aventurisme éclairé qu'on peut. Vivre des aventures
exploratrices sans mot dire. Débarrassé du bagage
colonial, harassé par une saine fatigue randonneuse
en fin de journée. Débarrassé du langage. Faire cap
sur les pôles, sans malle Vuitton ni Degrifftour du
voyage de masse en kit. Tracer la méridienne d'une
poétique sans heure de pointe. L'épopée intérieure de
la re-découverte de soi à l'aune de l'autre. Et vice
versa. Un troisième thé chaud à la pause-chameau
pour fêter ça.
A Ouadane, à Shingetti, villes fantômes et, jadis,
comptoirs portugais répertoriés par le germanoportugais Valentim Fernandez in the beginning of
sixtine siècle (comme écrira dans la suite du Code Da
Vinci un littérateur anglo-saxon à fort tirage). Y
arraisonner le roulis du temps. A raison d’une minute
par grain de sable.
De Ouadane, à Shingetti, villes fantômes et, jadis,
comptoirs portugais répertoriés par le germanoportugais Valentim Fernandez. Y arraisonner le
frottis du temps tempête . A raison d’un grain de
sable renouvelable. Espérer qu'en 2100, qu'en
100002, les énergies de substitution ne se déroberont
pas. Le désert ne se refermera pas sur les papas.
Christophe Riedel
Prière d’Insérer
Catalogue de romans à écrire
La partie émergée de l’iceberg
Salut Charlotte,
Figure-toi que l’autre jour je vais à la Fnac et je tombe
sur ce titre, « La partie émergée de l’iceberg », un
polar apparemment. Ca m’a dit quelque chose, je l’ai
pris, et à la caisse je me suis rappelé que tu disais
toujours ça, « ils parlent jamais que de la partie
émergée de l’iceberg, les trucs qu’ils voient, qui les
dérangent, qu’il savent pas faire avec. Mais pour leur
faire parler de leur truc, le cœur de la chose, ce qu’ils
font tous les jours, qu’ils ont sous le nez, macache les
presbytes ! ». Du temps où on se partageait
tumultueusement nos douze mètres carrés de bureau.
Alors j’ai fait plus gaffe, et j’ai rigolé : ce pseudo
ridicule, Cha Beldeleau, dont je me demande ce qu’il
cache (car il cache un truc idiot, n’est-ce pas), c’est
tout toi. Allez, je l’ai ouvert, mon bouquin, je l’ai tout
lu, en souvenir, et du souvenir, j’en ai bouffé. Cette
façon de causer. Déjà à l’oral c’était bizarre, mais là,
par écrit, plus indigeste, tu fais pas. Rivages/noir,
c’est un truc à compte d’auteur, j’imagine ? C’est quoi,
ces personnages insipides ? L’intrigue est ultra mince,
l’histoire m’a laissé de glace. Haha. Quant au principe
invérifié que tu déclines à tout va (toi quand t’as une
idée… t’as pas encore remarqué que tu te plantes ?
Que les gens sont pas si cons ? Qu’il suffit d’écouter
ce qu’ils disent car ils disent tout et même plus ?), il te
fait arriver en page deux cent cinquante sept aux
conclusions que tout le monde a tiré à la page
quarante. Tout ça parce que tu prends tout au pied de
la lettre. Bref, comme dabe, Macha. T’es pas top.
Quand même, je t’écris, vu que des courriers de
lecteurs, tu dois pas en avoir des tonnes. Et que ce
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"La mort de la littérature : plutôt crever, oui." Pit Bernal
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bureau, à mon avis, t’y es coincée pour longtemps, vu
que t’en vendras pas cinquante exemplaires, de ton
glaçon. Remarque, ça m’étonnerait pas que tu l’aies
écrit sur les heures de boulot. Remets pas ça, hein.
Mets toi au tricot, ça vaudra mieux !
Allez, ma vieille, je t’embrasse.
Harry Cover
Ethylistiques
Pour contribuer : [email protected]
Il s’agit de répéter à l’infini, mais de façon différente à chaque
fois, l’information suivante :
Phone et hic
Semences magiques **
V.S. Naipaul, PLON, 288 pages.
Le dernier livre du maître anglo-indo-carribéain. Son
héros est au moins aussi désabusé que lui, ballotté
entre trois mondes, indien formé à la manière
anglaise, ayant vécu en Afrique du sud (comme
Gandhi), tenté par la révolution maoïste des paysans
pauvres (mais on découvre que ce ne sont pas les
paysans qui la font). C'est une forme de récit épuré :
Naipaul avec l'âge est de plus en plus pointu, précis.
Et nous montre une grande maîtrise de son art.
Les pires contes des freres Grimm *
Mario Delgado Aparain et Luis Sépulveda,
Métailler, 189 pages.
(SMS)
Tu C kwa ? ya pl1 druss & 12bek & mem D zeco16
ki fon D par12 alkolik 100 T-, pad biR ni d20 ni 12o
ni dsoda FRV100, sul 5 i zaval Q sec & 100 pu2r D
p1t 2 vodK pui7 10rekt dan 1 so. i bekt preske ri1,
enf1 13 pe : C la 17 !
entr 2 gorG just D pti 100d8ch 2 p1 nwar o so6on
6napiz& ki ran6 : drol 2 r7 ! kel o2r ! chui ou13.
l'20keur soc3 en+ 1 bon 7i& 2 vodK (C 5bolik mem
pa 1 pi&7 !).
11mar me 7rist ya dkwa 5i&T. y 100 on tan 6fon&
kle 20keur a klamC. C 1 1000iter i par& ! larm& & en
2y. DCD jte 10 !
& 5 ot tonB en 5op son en rea dan l koma &10lik !
Jacques Polin
Je l'ai lu, je l'ai entendu, je vais en parler
Histoires inédites du petit Nicolas *
Un pur délire que l'histoire de frères Grimm, jumeaux
de naissance (mais l'un est grand et maigre et l'autre
petit gros), payadores (troubadours) du cône sud
américain, reconstituée à travers un échange de lettres
entre deux pseudo universitaires cinglés. Y
apparaissent des personnages stupéfiants comme ce
facteur amputé d'une puis de deux jambes et
continuant à faire sa distribution en nageant dans les
eaux froides cap Horn, le sac de courrier entre les
dents, avec ses prothèse en bois tourné façon, Louis
XV ou Louis XVI selon la jambe, munies de palmes
pour nager plus vite que les orques agressifs. Écrit à
deux mains, dont l'une est très connue pour avoir
écrit "le vieil homme qui lisait des romans d'amour",
ce roman épistolaire est un régal à lire avec un accent
sud américain prononcé.
Now's the time *
Goscinny & Sempé, club France Loisir,628 pages.
John Harvey, rivages noirs, 371 pages.
Moi je ne m'en lasse pas, même si il faut bien avouer
que si ces histoires sont inédites, c'est que René
Goscinny avait dû les trouver "faibles" pour la
plupart. mais comme cela fleure bon les années 60,
comme un parfum de nostalgie et comme c'est
toujours actuel pour les rapports entre les "petits".
Mon conseil : ne pas les lire d'une traite, déguster par
petite bouchées de deux ou trois histoires. Vous
éviterez la saturation, et vous en aurez pour plus
longtemps : avec quatre-vingt histoires vous pouvez
lire un bon mois. Je suis peut être un trop indulgent
avec le petit Nicolas, mais c'est une bouffée d'air frais.
Dix jolies petites nouvelles qui portent chacune le
titre d'un standard du jazz dont l'auteur et son héros
l'inspecteur Resnick sont tous deux des afficinados.
Rassemblées ici ces nouvelles s'étalent sur plus d’une
dizaine d'années, le passage des années Thatcher aux
années Blair, mais le livre garde son unité, dans le
style doux amer, bon et cruel qui est la marque de
Resnick.
Robert Strauser
Méthodologie pratique de mauvaise foi
Ou la mauvaise foi portée au rang des beaux-arts
♠ Noyer son interlocuteur d’acquiescement
corporel quand il expose sa thèse, et profiter de sa
satisfaction pour lui en refourguer une autre
comme équivalente à la sienne alors qu’elle n’a
rien à voir.
Zo, Robert Strauser, Rafael Navarro-Gillard, Perrine Detoeuf, Juliette B, Frédéric Jacquemet, Corinne Haddad,
Christophe Riedel, Charlotte Bayart-Noé, Arthur ont participé à ce numéro ainsi que l’équipe des Ethylistiques.
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