Cours - « L`Union européenne dans la mondialisation

Transcription

Cours - « L`Union européenne dans la mondialisation
Cours - « L'Union européenne dans la mondialisation » [MB
v1.6]
Attention ! : les trois grandes parties de ce cours correspondent à trois chapitres du programme.
Introduction
L’Union européenne à 27 est le premier ensemble économique du monde (PIB de $15 000
milliards) et la première puissance commerciale mondiale. Comme membre de la « Triade », elle est
l’un des trois pôles majeurs de la mondialisation. L’Union européenne possède ainsi une très
puissante façade maritime, le Northern Range, qui lui permet une large ouverture vers le reste du
monde. Mais, au travers de la Méditerranée, elle est également en contact direct avec les pays du
« Sud » moins développés avec qui elle entretient des échanges, dans certaines limites.
1. Dans quelle mesure l’Union européenne est-elle un acteur et
un pôle majeur de la mondialisation ?
1.1. L’Union européenne est-elle un carrefour des flux
mondialisés ?
1. Quelle est la place de l’Union dans les échanges commerciaux ?
•
•
•
L’Union européenne est un membre de la « Triade », un des pôles d’impulsion de la
mondialisation. Les relations sont fortes avec les Etats-Unis et l’Asie orientale (Japon et
République Populaire de Chine). L’Union est le premier marché et le premier exportateur
mondial. L’Union a également des échanges croissants avec les pays émergents du
« BRICS » : Brésil (la « ferme du monde »), Fédération de Russie, l'Union indienne (le «
bureau du monde »), la République Populaire de Chine (« l’atelier du monde »), la
République d’Afrique du Sud. Les autres régions du monde (ancien espace soviétique,
Afrique, Moyen-Orient et Amérique latine) sont des partenaires secondaires : les échanges
sont plus limités et comportent, pour les importations, une part assez importante de matières
premières et de produits énergétiques.
Premier pôle commercial mondial, l’Union européenne réalise près de 40 % du commerce
mondial en valeur, et distance largement les autres puissances commerciales. Même en
tenant en compte du fait que le premier client et fournisseur de l’Union européenne est
l’Union elle-même (environ les deux tiers des importations et exportations) l’Union reste en
tête grâce à son commerce hors zone. Six pays membres de l’Union figurent d’ailleurs parmi
les dix premières puissances commerciales du monde en 2009, Allemagne fédérale en tête
(second exportateur et troisième importateur mondial).
Plusieurs facteurs expliquent la puissance commerciale de l’Union : cinq des Etats membres
de l’Union (l’Allemagne second exportateur et troisième importateur mondial, la France,
Royaume-Uni, Italie et Espagne) font partie des dix premières puissances économiques
mondiales. L’Union est un géant industriel (23 % de la production industrielle mondiale)
pour l’automobile, le pétrole ou l’industrie pharmaceutique, pour les industries de haute
technologie (aéronautique, domaine spatial). Cependant des faiblesses existent dans les
NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la Communication). L’agriculture de
l’Union est au 2ème rang mondial. L’agriculture productiviste a des rendements très élevés.
L’Union européenne domine les productions de blé et de lait, pour les productions à haute
valeur ajoutée (vin et fleurs). Néanmoins, l’agriculture de l’Union reste dépendante des
subventions de la Politique Agricole Commune (39 % du budget de l’Union pour 1,2 % du
PIB).
2. Quelle est la place de l’UE dans les flux d’IDE (investissements directs à l'
étranger1) ?
•
L’UE est aussi le premier pôle mondial pour les investissements directs à l’étranger (40 %)
avec des échanges très majoritairement à l’intérieur de la zone. L’investissement direct à
l’étranger montre le dynamisme des firmes européennes à l’étranger et l’attractivité de l’UE
pour les firmes étrangères. L’ALENA (Accord de Libre-échange Nord-américain depuis
1994) reste la principale destination des investissements européens, mais les investissements
asiatiques à destination de l’Europe sont devenus les plus importants dans le contexte de
crise mondiale qui a tari les investissements américains. L'Union européenne constitue le
premier pôle récepteur d'IDE au monde. C'est une région très attractive pour les entreprises.
Les IDE proviennent principalement d'Amérique du Nord (des Etats-Unis) d'Asie orientale
mais aussi du Moyen-Orient. Ces investissements sont attirés par le marché de
consommation européen, mais aussi par la qualité de la main d’œuvre et des équipements.
•
L'Union européenne concentre 40 % des flux mondiaux des IDE grâce à plusieurs facteurs :
C’est un pôle boursier majeur, grâce à ses places boursières dominées par la « City » de
Londres. L'Union a de puissantes firmes transnationales très bien classées au niveau
international (161 des 500 premières firmes multinationales sont européennes, 139
américaines). Les FTN européennes sont insérées dans la mondialisation aussi par des
rapprochements avec d’autres FTN de façon à rester compétitives, comme au niveau
européen pour Air France-KLM-Alitalia, ou au niveau international pour Renault-SamsungNissan. Les FTN ont parfois des stratégies différentes de celles des Etats européens avec des
délocalisations pouvant créer du chômage dans les pays européens. L’équipement des
ménages et des entreprises en outils de communication de l’Union européenne en fait aussi
l’un des principaux pôles émetteurs et récepteurs d’informations.
3. En quoi les métropoles de l’UE ont-elles un rôle actif dans la
mondialisation ?
•
•
Les grandes villes de la dorsale européenne (entre Londres et Turin) concentrent ainsi plus
de 60 % des activités et les plus fortes densités de population. Elles sont reliées entre elles et
aux autres ville du monde par d'importantes infrastructures de communication comme les
grands aéroports de Heathrow (Londres), de Roissy-Charles-de-Gaulle (Paris) ou de
Francfort, qui sont des « hubs » : des centres où convergent les lignes aériennes venant du
monde entier2. L'Union européenne compte deux villes mondiales (villes qui exercent des
fonctions stratégiques à l’échelle mondiale, des centres qui organisent des flux et
s’inscrivent dans des réseaux, pôles de commandement dans la mondialisation), Londres et
Paris, qui concentrent des fonctions de très haut niveau, ont un rayonnement international et
sont des centres d'impulsion majeurs de la mondialisation (quartiers d’affaires de la City ou
le London Bridge Quarter à Londres, La Défense à Paris).
Les grandes villes européennes ont un rayonnement international au niveau politique
1 Mouvement international de capitaux réalisé par une firme dans le but de créer, de développer ou de maintenir une
filiale à l’étranger. Il peut s’agir aussi de prendre le contrôle d’une entreprise étrangère. Par convention, un
investissement direct à l’étranger est établi si l’investisseur acquiert au moins 10 % du capital social de l’entreprise
convoitée.
2 Point d’un réseau de transport international qui concentre et redistribue les voyageurs et les marchandises dans de
nombreuses directions.
(Bruxelles, siège du parlement européen), économique, financier (elles concentrent les
sièges sociaux des grandes firmes multinationales, et de grandes places financières
internationales comme « l'Euronext 3» et la bourse de Londres) ou culturel (Paris, Prague,
Milan, etc.). Ces villes sont des parties intégrantes de l'archipel mégalopolitain mondial :
l'ensemble des plus grandes métropoles de rang mondial liées entre elles par des relations
privilégiées, étroitement connectées par tout un réseau de communications variées et
concentrant également des fonctions de commandement, qui en font d'importants centres
d'impulsion.
1.2. Quels facteurs font de l’UE un espace attractif ?
1. En quoi l’UE est-elle un espace développé qui attire des flux
humains ?
•
•
L’Union européenne est une zone à haut niveau de développement dont l’IDH (indice de
développement humain) est supérieur à 0,8 (0,89 pour la France). En effet les 500 millions
d’habitants de l’Union européenne disposent d’un niveau de vie et de qualification élevé (le
PIB par habitant s’élève en moyenne à 33 000 dollars en 2009) De plus, les citoyens des
Etats européens disposent souvent d’une protection sociale élevée. L’Union européenne est
un ensemble d’Etats démocratiques assurant à sa population des droits et l’usage de la
liberté.
Les flux humains à destination de l’Union européenne sont de deux types : tourisme et
émigration. la pression migratoire sur l’Union européenne est forte avec un solde migratoire
d’environ 1,5 million de personnes par an en moyenne. Les flux sont internes (Europe de
l’Est) et externes (trans-méditerranéens). Ils connaissent des modalités différentes : libres à
l’intérieur de l’espace Schengen, limités pour l’extérieur sauf pour l’immigration choisie
(fuite des cerveaux : entre 14 et 18 % des étudiants en France, Royaume-Uni, Autriche ou
Belgique sont des étudiants non européens). l’Union européenne est la première destination
touristique au monde avec 60 % des flux touristiques mondiaux et 383 millions de visiteurs
étrangers en 2008.
2. Quel est le rôle international de l’UE ?
•
L’Union européenne dispose d’atouts puissants sur la scène internationale mais son
influence politique reste limitée par rapport à celle de pays comme les Etats-Unis ou encore
la République Populaire de Chine. L’Union européenne a un rôle international majeur par la
participation aux différentes institutions internationales (réunions du G20, Conseil de
sécurité de l’ONU, FMI, OMC…). Une importante limite de la puissance de l’UE est que
son poids politique et économique dans la mondialisation, est essentiellement l’addition de
celui d’Etats indépendants. En effet l’UE n’est pas un Etat fédéral (regroupement de
plusieurs collectivités politiques - Etats fédérés -qui effectuent un transfert de compétences à
l’Etat fédéral). Ainsi, l’Union européenne n’a qu’un statut d’observateur à l’Onu alors que
ce sont deux Etats membres (France et Royaume-Uni) qui sont membres du conseil de
sécurité à l’ONU. Le traité de Lisbonne4 met en place une présidence plus durable et une
3 Compagnie née de la fusion des Bourses de Paris, d’Amsterdam et de Bruxelles en 2000. Elle crée la plus grande
place boursière mondiale en fusionnant avec la Bourse de New York en 2006. En 2011, la fusion avec la Bourse de
Francfort est annoncée.
4 Héritier du projet avorté de Constitution européenne, il a été approuvé en octobre 2007 et est entré en vigueur en
décembre 2009. Il a pour finalité d’améliorer le fonctionnement des institutions au sein de l’Union européenne
•
•
représentation diplomatique de l’Union, mais elle ne dispose pas d’armée et son budget
diplomatique est faible (1,2 % du PIB de l’UE). Au sein du FMI (Fonds monétaire
international), l'Union européenne dispose de 23 % des quote-parts (les États-Unis = 17 %) ;
donc, elle pèse dans les décisions. L’UE participe aussi à l'OMC (Organisation mondiale du
commerce) qui a pour but de favoriser la libéralisation des échanges. L'Union européenne
accueille aussi un certain nombre de sièges d'institutions internationales (UNESCO à Paris,
FAO à Rome).
L’UE mène une politique active d’aide au développement. De nombreuses ONG
(Organisations non gouvernementales) sont d’origine européenne. Le budget consacré à
l’aide au développement est de 49 milliards d’euros en 2009 (0,40 % du PIB de l’UE) en
faveur des Objectifs du Millénaire de l’ONU : la promotion de la démocratie et de la
sécurité, de la défense de l’environnement, etc. L’Union européenne a l’originalité de lier
commerce et développement. Ainsi depuis 2001 les pays les moins avancés bénéficient de
l’initiative « Tout sauf les armes », qui ouvre sans droit de douane le marché de l’Union
européenne aux 49 pays les plus pauvres ou PMA (Pays les moins avancés).
Plusieurs FTN de l’UE sont plus riches que des États (Royal Dutch Shell a un chiffre
d'affaires supérieur au PIB du Danemark). Parmi les plus puissantes on trouve des
compagnies pétrolières, des firmes automobiles (Volkswagen), des banques (BNP Paribas) et
des sociétés d'assurance (Axa) et des entreprises de grande distribution comme Carrefour.
Ces entreprises, au déploiement mondial, participent à la puissance du commerce de l'Union
ainsi qu'à son fort pouvoir de commandement. L’euro, monnaie unique de l’Union
européenne adoptée par 17 pays, a malgré la crise le rang d’une seconde monnaie
internationale après le dollar.
2. En quoi la Northern Range constitue-t-elle une interface
d’importance mondiale ?
2.1. En quoi la Northern Range constitue-t-elle la deuxième façade
maritime du monde ?
1. Comment définir la Northern Range ?
•
•
Une façade est une articulation entre l’espace maritime et l’espace continental. La Northern
Range désigne l’alignement d’une quinzaine de grands ports s’étendant sur 1 000 kilomètres
entre le Havre et Hambourg, constituant une interface (zone de contact entre deux ensembles
géographiques différents par l’importance du peuplement, du niveau de développement…
L’interface peut-être un lieu de conflit ou d’enrichissement mutuel par des échanges de
toutes natures) reliant la Manche et la Mer du Nord à un vaste arrière-pays structuré par le
Rhin et formant le cœur économique de l’Union européenne.
La Northern Range a une importance majeure dans la mondialisation en tant que deuxième
façade maritime du monde. En effet elle représente 10 % du trafic mondial de marchandises
(1,2 milliards de tonnes en 2008), mais elle a aussi le 3ème rang pour le trafic de conteneurs.
2. Quels sont les liens de la Northern Range avec le reste du monde ?
élargie mais il a été imposé parfois par voie parlementaire, contre l'avis populaire exprimé par référendum...
•
•
La Northern Range forme la seconde façade maritime mondiale grâce à des ports
d’importance mondiale comme Rotterdam (1er port européen, 3e port mondial) et Anvers
(2e port européen, 16e port mondial). La quinzaine de ports formant la « Northern Range »
sont proches les uns des autres et constituent une interface très dynamique entre un arrière
pays continental ou Hinterland (cœur économique de 250 millions d’habitants) et un avantpays mondial. En effet les ports de la « Northern Range » sont reliés aux plus grands ports
de la « Triade ».
L'UE entretient un fort commerce intra-zone (60 %) mais échange aussi avec les autres
pôles de la Triade. Elle reçoit également les flux de produits énergétiques et de matières
premières nécessaires à sa production industrielle et à ses multiples activités. Ces flux
viennent principalement du Moyen-Orient, mais aussi de Russie et d'Afrique. L'avant-pays
(foreland) de la façade est donc important : la Manche et la mer du Nord forment le passage
maritime le plus fréquenté du monde.
2.2. En quoi la Northern Range polarise-t-elle le trafic portuaire
de l’UE ?
1. La Northern Range polarise la moitié du trafic portuaire de l’UE grâce à plusieurs
atouts :
•
•
la Mer du Nord et la Manche constituent le passage maritime le plus fréquenté du monde.
Elle est donc l’interface privilégiée de l’Union européenne avec 80 % des importations de
l’UE transitant par ces ports. L’hinterland de la Northern Range est riche et peuplé. Le cœur
économique de l’UE comprend 250 millions d’habitants et s’étend sur de vastes espaces
depuis la mégalopole rhénane et la riche région urbaine de l’Ile-de-France (dont le Havre est
la « porte océane ») jusqu’aux régions plus éloignées d’Europe de l’Est.
L’histoire commerçante des villes littorales de l’Europe du Nord-Ouest montre que les ports
entre Le Havre et Hambourg sont le berceau historique de la mondialisation. En effet le
développement portuaire date du Moyen Age : Hambourg et Brême font partie de la Hanse
dès le XIIIème siècle. Amsterdam a connu son âge d’or au XVIIème siècle. L’essor de
Rotterdam est lié à l’industrialisation de la Ruhr au XIXème siècle.
2. Quelle hiérarchie s’est établie entre les différents ports concurrents ?
•
•
•
Les grands armateurs comme Maersk (1er armateur mondial) et CMA-CGM disposent
d’immenses navires porte-conteneurs nécessitant d’importantes infrastructures. Les ports du
monde mais aussi de la Northern Range sont mis en concurrence pour bénéficier de la plus
grande efficacité : travail 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, combinaison des modes de
transports, etc.
La Northern Range est constituée de trois secteurs : Le cœur central de la Northern Range
est le delta rhéno-mosan (trois fleuves : le Rhin, la Meuse et l'Escaut) constitué des trois
ports principaux d’Anvers (2ème port européen), Rotterdam (1er port européen) et
Amsterdam (4ème port européen). Le trafic de ces ports est en croissance : + 40 % de
volume à Rotterdam, + 130 % à Anvers en 25 ans. Au nord, Hambourg (3ème port
européen) et Brême. Au sud, Le Havre, « porte océane » de l’Ile-de-France, 1er port français
pour le trafic de conteneur (2,4 M EVP en 2008) et pour le commerce extérieur (80 M de
tonnes en 2008).
La hiérarchie entre les différents ports de la Northern Range s’explique par plusieurs
facteurs. Les disparités entre les hinterlands, plus ou moins bien desservis et actifs,
établissent une hiérarchie des différents ports. En effet Rotterdam et Anvers sont en position
dominante grâce au débouché de la dorsale européenne. Ces ports desservent en effet les
riches régions industrielles et urbaines du bassin rhénan. Le trafic du port de Hambourg
progresse avec un arrière-pays élargi à l’Europe de l’Est. Le port du Havre a un arrière-pays
limité bassin parisien et à l’Ouest de la France. Une trentaine de ports sont situés entre ces
grands ports. Ils sont parfois spécialisés comme Calais (port de voyageurs) ou Boulogne
(1er port de pêche d’Europe).
2.3. Quels aménagements portuaires constituent la Northern Range ?
•
•
•
La compétition des ports de la Northern Range pour capter le trafic de marchandises et de
conteneurs passe par l’équipement des ports en structures performantes. Ainsi les ports de
Hambourg et de Rotterdam sont spécialisés dans les conteneurs. Hambourg (10 millions de
conteneurs en 2008) est équipé de quatre terminaux et dispose du terminal d’Altenwerder
entièrement automatisé. Rotterdam est un port qui s’étend sur 40 kilomètres avec des atouts
comme le chenal profond de 24 mètres où les plus grands porte-conteneurs du monde
peuvent débarquer sans tenir compte des marées. Le port dispose également de portiques
géants et de chariots automatisés pour le transport de conteneurs, d’une voie spéciale
réservée aux marchandises à destination de l’Allemagne, ce qui fait de Rotterdam le «
premier port d’Allemagne ».
Les ports sont des pôles économiques complets fixant des dizaine de milliers d’emplois
(près de 75 000 à Hambourg). En plus du transit les activités des ports sont l’industrie
(pétrochimie, automobile, transformation des produits agricoles) et les services (réparation
navale) ainsi que des activités financières comme le négoce ou la bourse de marchandises
(tabac à Amsterdam, café au havre, pétrole à Rotterdam). Les conflits d’usage se multiplient
pour l’espace littoral entre industrie, zones de pêche, tourisme et protection des espaces
naturels.
Des débats entre écologistes et industriels existent concernant les pollutions produites par les
gigantesques aménagements portuaires destinés à accueillir les porte-conteneurs et par les
infrastructures et flux reliant l’arrière-pays à la Northern Range. En effet les paysages sont
transformés par les activités portuaires avec la création de ZIP (zone industrialo-portuaire).
Les aménagements modifient l’espace naturel, par exemple avec des écluses géantes comme
l’écluse François Ier au Havre qui facilite l’exploitation des bassins portuaires. Plus les
infrastructures portuaires s'étendent vers les estuaires et les littoraux, plus elles menacent des
écosystèmes fragiles et essentiels pour les océans. Ces constructions commencent également
à s'étendre sur l'espace maritime : avants ports en mer, parcs éoliens. Les infrastructures
obsolètes forment également des friches industrielles qu'il faut reconvertir. La modernisation
et l'automatisation des quais de débarquement a entraîné le licenciement de nombreux
employés (dockers), ce qui provoque des tensions comme le prouvent les mouvements
sociaux des ports français méditerranéens.
3. En quoi la Méditerranée forme-t-elle une interface avec
l’Union européenne ?
3.1. Quels sont les contrastes entre pays de l’Union européenne
et pays du Sud et de l’Est méditerranéen (PSEM)
1. Quels sont les contrastes de développement et de richesses ?
•
La Méditerranée présente d’importants contrastes de développement entre les pays
développés du Nord regroupés dans l’Union européenne et les pays du Sud et de l’Est
•
méditerranéen (PSEM) en voie de développement. L’écart se mesure à travers l’indice de
développement humain (IDH). L’IDH montre des différences importantes : 0,89 en France
contre 0,59 en Syrie. Au niveau de la richesse le PIB/hab. espagnol (33 600 dollars) est huit
fois supérieur à celui du Maroc (4 700 dollars).
Les contrastes sont importants également entre PSEM : Israël, bien que situé au ProcheOrient a un IDH élevé le plaçant dans les pays développés du Nord. Entre pays du Sud
économique le niveau de développement varie selon les PSEM. Ainsi l’IDH du Maroc n’est
que de 0,654 contre 0,806 pour la Turquie. L’espérance de vie en Libye s’élevait à 77 ans
contre seulement 69 ans dans la bande de Gaza. Les inégalités existent aussi à l’intérieur des
pays. Malgré le manque de données on estime l’IDH du Liban à 0,803, et à 30 % la
population du pays vivant en dessous du seuil de pauvreté.
2. Quels sont les contrastes démographiques ?
•
•
L’Europe a achevé sa transition démographique. Elle a une natalité basse, souvent inférieure
au seuil de renouvellement de la population (2,1 enfants par femme) et une espérance de vie
élevée. Le pourcentage de jeunes dans la population est faible, le nombre d'adultes et de
personnes âgées augmente. La population est donc vieillissante.
Dans les PSEM la population a une natalité et une fécondité fortes, même si elles se
réduisent (3 enfants par femme en Égypte). L'espérance de vie est plus basse qu’en Europe.
Le taux d'accroissement naturel (natalité moins mortalité) est fort : la part des moins de 15
ans est très importante dans les PSEM (parfois plus d' 1/3 de la population). Les Etats du sud
de la Méditerranée sont en croissance démographique et ont une population jeune.
3. Quels sont les contrastes culturels ?
•
•
Les héritages de l’histoire sont importants en Méditerranée où les civilisations prestigieuses
(Egypte pharaonique, Grèce minoenne puis classique et hellénistique…) et les Empires
(Empire perse achéménide puis sassanide, d’Alexandre le Grand et de ses successeurs,
Empire romain) se sont succédés. Dès l’Antiquité civilisations et Empires prestigieux ont
pris pour cadre la Méditerranée (Egypte pharaonique, Empire romain…). L’Europe a pour
base les héritages de la civilisation gréco-romaine dont la démocratie et les codes de lois
romains. Au Moyen Age, avec le développement des monothéismes deux aires culturelles se
développent puis se confrontent. L’aire chrétienne au nord et l’aire musulmane à l’est et au
sud se sont affrontés lors des invasions arabo-musulmanes du VIIIème siècle, pendant la
reconquête de l’Espagne par les chrétiens et les croisades. L’époque coloniale a été le
moment d’une autre confrontation : conquête coloniale de l’Algérie par la France à partir de
1830 et sanglante guerre de décolonisation de 1954 à 1962, etc. Des rancoeurs issues de la
décolonisation existent dans les PSEM.
La Méditerranée est une interface car elle met en relation les pays industrialisés et
développés regroupés dans l'UE et les PSEM en développement. Elle permet aussi la
rencontre et les échanges entre deux aires culturelles par le tourisme ou l’immigration, les
échanges économiques, etc.
3.2. Quelles sont les relations humaines et économiques entre Etats de
Méditerranée ?
1. Quelle est l’importance des flux migratoires ?
Voir : http://www.dailymotion.com/video/x37tfv_france24-fr-reportage-ile-de-lamped_news et voir
ensuite : http://www.dailymotion.com/video/x8wj14_migration-et-l-union-europeenne_news
•
•
•
L’immigration légale dans l’UE est réservée aux travailleurs qualifiés. Les migrants désireux
de rejoindre l’Union européenne clandestinement sont guidés par des réseaux de passeurs à
travers plusieurs routes traversant l’Afrique subsaharienne à destination du Maghreb et de là
vers les vastes littoraux italiens et espagnols. De nouvelles routes se sont mises en place
contournant la Méditerranée et utilisant la Turquie comme place tournante de l’immigration
clandestine avant de pénétrer en Grèce et de longer les littoraux de l’Adriatique pour
pénétrer dans les pays de l’espace Schengen. Les migrants souhaitent rejoindre les pays de
l’Union européenne à haut niveau de vie, en particulier le Royaume-Uni et l’Allemagne. Ils
souhaitent aussi rejoindre les diasporas établies dans les pays d’accueil (5 millions de
Français d’origine maghrébine en France, 3 millions de Turcs en Allemagne…).
Les causes des migrations des PSEM vers l’UE sont de natures économiques et politiques.
Au niveau économique l’écart de niveau de vie entre l’Union européenne et les PSEM est
important. Le PIB par habitant moyen de l’UE est d’environ 28 000 dollars tandis que celui
des PSEM et d’environ 8 500 dollars. Cette différence nourrit le désir de rejoindre l’Europe.
Au niveau politique l’UE apparaît comme un espace démocratique au contraire de nombreux
PSEM. Les révolutions arabes de 2011 ont suscité également un départ vers l’UE pour fuir
les combats ou rejoindre un espace démocratique.
La CEE puis l’Union européenne tente depuis 1973 et la fin des Trente Glorieuses de mettre
fin aux vagues de clandestins. Une zone de surveillance maritime renforcée a été mise en
place par l’agence européenne Frontex chargée de la gestion de la coopération aux frontières
extérieures de l’UE. L’existence d’une « forteresse Europe » et les dispositions prises par
l’Union européenne pour tarir le flot des migrants (pressions sur les pays du Maghreb pour
qu’ils contrôlent les candidats au départ, réouverture en 2011 du centre d’accueil d’immigrés
clandestins à Lampedusa, 224 centres de rétention pouvant contenir 30 000 personnes, etc.)
est critiquée par les candidats au départ des PSEM.
2. En quoi la Méditerranée est-elle un espace parcouru par
d’importants flux touristiques ?
•
•
Le bassin méditerranéen est le premier pôle touristique mondial avec 31 % du tourisme
international. Chaque année 300 millions de touristes se rendent en Méditerranée. Les
touristes européens se dirigent vers les pays du Sud à la recherche de littoraux ensoleillés et
d’une hôtellerie à faibles coûts.
L’économie touristique est nécessaire à l’économie de pays méditerranéens comme la Grèce
et l’Egypte, la Tunisie ou le Maroc. L’île de Chypre reçoit 14 % de son PIB grâce aux
retombées économiques du tourisme.
3. En quoi les relations économiques en Méditerranée sont-elles dissymétriques
(inégales) ?
•
La valeur du commerce international (importations et exportations) entre UE et PSEM
•
•
correspondent à 60 milliards d’euros en 2010. Mais les échanges entre l’UE et les PSEM
sont déséquilibrés et renforcent la dépendance des PSEM envers l’UE. L’UE représente 42
% des échanges pour les PSEM. La situation est variable selon les pays. L’UE représente 76
% du commerce extérieur tunisien (pays atelier au service de l’Europe, par exemple dans la
fabrication de jeans) mais ne compte que pour 8 % de celui de l’UE. L’Algérie et la Libye
s’enrichissent par la vente d’hydrocarbure à l’UE. D’autres PSEM vendent des textiles, des
produits miniers (phosphates du Maroc) ou agricoles à l’UE. Le faible coût de la main
d’œuvre des PSEM attire les IDE des FTN (différence salariale de 1 à 4 entre Tunisie et
Royaume-Uni). L’UE représente ainsi 1/3 des IDE à destination des PSEM qui deviennent
(Tunisie, Turquie) des pays ateliers pour l’UE.
Les PSEM reçoivent une partie importante de leurs devises par des flux financiers en
provenance de l’UE. Les IDE s’accroissent dans les PSEM (usines délocalisées, centre
d’appel, etc.). L’UE finance des programmes de développement sur la rive sud. Les fonds
envoyés par les immigrés dans leur pays d’origine sont nommés remises et constituent des
sommes très importantes: les Egyptiens envoient près de 5,9 milliards de dollars ; les
Marocains : 5,7 milliards ; les Algériens : 2,9 milliards ; les Tunisiens : 1,7 milliard. Ces
remises sont essentielles pour l’économie des PSEM (entre 5 et 40 % de leur PIB) pour la
Jordanie, l’Egypte, le Liban, le Maroc.
Les ports méditerranéens choisis par Maersk sont Algésiras en Espagne et Tanger au Maroc.
Les deux pays méditerranéens sont proches et en concurrence. Cela montre l’importance des
relations maritimes en Méditerranée. La façade méditerranéenne est la 2ème la plus
importante de l’UE après celle de la Northern Range. La Méditerranée est en effet le lieu de
30 % du trafic maritime international et de 20 à 25 % du transport maritime
d’hydrocarbures. Les flux de transit sont importants : le cabotage ne représente seulement
que 1/5 du trafic total. Les flux est-ouest (Suez-Gibraltar) sont majeurs avec des produits
variés comme le pétrole du Moyen-Orient et de Bakou ou les conteneurs provenant d’Asie.
Des points de passage sont stratégiques comme Gibraltar ou le canal de Suez modernisé.
Des hubs portuaires s’affirment comme Algésiras et servent de ports d’éclatement vers
l’Europe du Nord.
3.3. Quels sont les partenariats et les tensions entre Etats
méditerranéens ?
1. Quels sont les partenariats institutionnels entre Etats
méditerranéens ?
•
•
L’UE limite les possibilités d’intégrer l’union a des pays européens. Les pays
méditerranéens d’Afrique et d’Asie ne peuvent rentrer dans l’UE. Même la Turquie à cheval
sur deux continents, candidate et en négociations avec l’UE, rencontre de grandes réticences
pour son entrée dans l’UE. L’Union européenne pratique une politique de voisinage5 avec
plusieurs Etats méditerranéens (Maroc, Algérie, Egypte) en leur permettant de se rapprocher
de l’UE par une ouverture réciproque, mais sans offrir de perspectives d’adhésion. L’UE
apporte ainsi une aide financière (13 milliards d’euros de 1995 à 2010).
L’UE a multiplié les partenariats sous différents aspects avec les PSEM. Par exemple, le
processus de Barcelone date de 1995 et il met en place les bases du partenariat euro
-méditerranéen. En 2008 le partenariat se renforce avec la naissance de l’Union pour la
Méditerranée (UPM) qui est une institution chargée d’encourager des politiques communes
à l’échelle du bassin méditerranéen. L’UPM a des objectifs concrets (dépollution, plan
solaire, gestion des déchets…). L’UPM rencontre des difficultés à cause des tensions en
5 Politique qui vise à sa rapprocher de l’UE (démocratie, Etat de droit, ouverture réciproque) sans offrir de
perspectives d’adhésion.
Méditerranée (conflit israélo-palestinien) et du manque de financement.
2. Les tensions entre Etats méditerranéens
•
Avant tout, les disparités économiques entre les deux rives de la Méditerranée interdisent
toute réelle intégration régionale. Les différences évidentes de civilisation sont renforcées
par la crainte actuelle des mouvements terroristes : les PSEM réclament sans cesse une
politique de développement mais certains, telle l'Algérie, accusent encore les anciens pays
colonisateurs de « crime » et exigent (sic) des excuses officielles ! L'UE a une vision plus
sécuritaire et ne semble pas pour l'instant capable de juguler la crise de la dette de ses
membres les plus vulnérables, en particulier la Grèce.
•
Enfin, les pays du sud de la Méditerranée ne sont pas forcément d'accord sur leur propre
vision des problèmes de la région : les grandes révolutions arabes de 2011 ont fait émerger
des partis politiques ouvertement islamistes en Libye et en Tunisie mais le Maroc ne semble
pas suivre cette évolution. Même leur vision du conflit isrélo-palestinien diffère. Au final,
les échanges entre pays maghrébins ne dépassent pas 3 % de leur commerce total en dépit
d'associations comme l'UMA (union du Maghreb arabe), fondée en 1989 (Algérie, Libye,
Maroc, Mauritanie et Tunisie) et renforcée en 2010 par la décision de constituer une zone de
libre-échange.
Conclusion
L'UE est à l'évidence un acteur majeur de la mondialisation en grande partie par ses ouvertures et
ses métropoles. La Northern Range demeure sa façade prinicipale alors que la Méditerranée est
encore très peu intégrée à une logique européenne globale, puisqu'elle est toujours un espace
conflictuel entre l'Europe, l'Afrique et l'Asie proche-orientale.