Aspects réglementaires de la fin de vie et droits des patients.

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Aspects réglementaires de la fin de vie et droits des patients.
Aspects réglementaires de la fin de
vie et droits des patients
Damien OUDOT – Juriste
Définition des soins palliatifs
Définition de la Société Française d’accompagnement et
de soins palliatifs (1996) :
« Les soins palliatifs se présentent comme des soins actifs
dans une approche globale de la personne atteinte d’une
maladie grave évolutive ou terminale. Leur objectif est de
soulager les douleurs physiques ainsi que les autres
symptômes et de prendre en compte la souffrance
psychologique et spirituelle ».
Article L. 1110-10 du CSP :
« Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués
par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile.
Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance
psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade
et à soutenir son entourage ».
Le contexte
80 % de la population
souhaiterait mourir à domicile
70 % de la population
meurt à l’hôpital (90% à Paris)
Le contexte
Génération de situations nouvelles du fait des progrès de la
médecine
Octobre 2003 : Affaire « Vincent Humbert »
La médiatisation :
Avantage : oblige au débat de société
Inconvénient : simplification sinon réduction du problème
Genèse de la loi sur la fin de vie
Interpellation du président de l’Assemblée Nationale par
M. GORCE (PS) et Mme MORANO (UMP)
Mission parlementaire dirigée par M. LEONETTI (80 auditions
d’octobre 2003 à mai 2004)
Rapport de la mission en juin 2004
1ère proposition de loi
Commission spéciale en septembre 2004 et dépôt de son
rapport en novembre 2004
2ème proposition de loi
Vote à l’unanimité à l’Assemblée Nationale le 30
novembre 2004
Vote conforme du Sénat le 12 avril 2005
Seule proposition de loi votée à l’unanimité par
l’Assemblée Nationale dans l’histoire de la Ve République
Les principes de la loi Léonetti
Le maintien de la pénalisation
L’interdiction de l’acharnement thérapeutique
L’introduction de la notion de « double effet »
Le renforcement de l’autonomie décisionnelle
du patient
Les directives anticipées
La personne de confiance
L’introduction de la procédure collégiale
Le maintien de la pénalisation
Euthanasie et assistance au suicide (aide
d’un tiers pour mettre fin à ses jours)
pénalement réprimées mais ne font pas l’objet
d’une incrimination spécifique.
Qualifications retenues : Meurtre, Assassinat,
Empoisonnement
Le consentement de la victime ne constitue pas
un fait justificatif. Le juge pénal peut cependant
individualiser la sanction.
Etymologiquement, euthanasie signifie « mort
douce et sans souffrance »
La consécration d’un
droit de laisser mourir
Reconnaissance du droit de « laisser mourir »
Et chez nos voisins européens ?
Pays-Bas : précurseur, euthanasie dépénalisée par étape,
à partir d’une jurisprudence de 1973. Aide au suicide
dépénalisée. (Loi de 1993 révisée en 2002)
Belgique : dépénalisation de l’euthanasie active (loi du
28/03/2002), droit au refus de soin pour le patient
Suisse : suicide assisté dépénalisé
Royaume Uni : liberté fondamentale de refuser un
traitement, reconnaissance des directives anticipées.
Allemagne : reconnaissance du droit de refuser des soins
au malade incurable
Italie : répression de l’euthanasie et du suicide assisté.
Le refus par le législateur de
l’acharnement thérapeutique
L’acharnement thérapeutique se définit
comme une obstination déraisonnable.
L’acharnement thérapeutique est le
sentiment qu’un soin est poursuivi en
l’absence de consensus sur son utilité ou
sa proportionnalité.
Le refus par le législateur de
l’acharnement thérapeutique
« Les actes de prévention, d'investigation ou de
soins […] ne doivent pas être poursuivis par une
obstination déraisonnable »
« Lorsqu’ils apparaissent inutiles,
disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le
seul maintien artificiel de la vie, les actes de
soins peuvent être suspendus ou ne pas être
entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde
la dignité du mourant et assure la qualité de vie
en dispensant les soins visés à l’article L 1110-10 »
(soins palliatifs).
La notion de « double effet »
« Si le médecin constate qu'il ne peut soulager
la souffrance d'une personne, en phase
avancée ou terminale d'une affection grave et
incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui
appliquant un traitement qui peut avoir pour
effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en
informer le malade […], la personne de
confiance, la famille ou, à défaut, un des
proches ».
La notion de « double effet »
Une perversion du double effet peut cependant
aboutir à une accélération indue de certaines
fins de vie.
Derrière par exemple la décision d’augmenter
les morphiniques pour calmer la douleur d’un
patient, il peut y avoir une intention cachée
(donner la mort) ou la méconnaissance de
bonnes pratiques
Nécessité de développer les bonnes pratiques
cliniques et l’évaluation des pratiques
professionnelles.
Le cas du patient conscient
Le patient en état d’exprimer
sa volonté
Le renforcement de l’autonomie
décisionnelle du patient
Le principe :
« Toute personne a le droit d'être informée sur son
état de santé … »
Le renforcement de l’autonomie
décisionnelle du patient
« Toute personne prend, avec le
professionnel de santé et compte tenu
des informations et des préconisations
qu'il lui fournit, les décisions concernant
sa santé ».
Comment être sûr que
l’information a été
reçue et comprise au
point de permettre au
patient de faire des
choix aussi importants
concernant sa santé?
Le patient est-il
réellement apte à
contrôler sa vie ou sa
mort ?
Le renforcement de l’autonomie
décisionnelle du patient
Article L. 1111-4 du CSP :
« Le médecin doit respecter la volonté de la personne
après l’avoir informée des conséquences de ses
choix. Si la volonté de la personne de refuser ou
d'interrompre tout traitement met sa vie en danger,
le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la
convaincre d'accepter les soins indispensables ».
Le renforcement de l’autonomie
décisionnelle du patient
« tout traitement » : En autorisant le malade
conscient à refuser tout traitement, le dispositif
admet également le droit au refus de
l’alimentation et de l’hydratation artificielles.
Extrait des débats parlementaires :
« Autant on a le droit de transfuser contre son avis le
malade qui est témoin de Jéhovah et qui risque de
mourir aux urgences, autant on n’a pas le droit
d’imposer indéfiniment l’alimentation artificielle à
quelqu’un qui la refuse ».
Le renforcement de l’autonomie
décisionnelle du patient
Article L. 1111-4 du CSP :
« Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision
après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite
dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde
la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin
de vie en dispensant les soins visés à
l'article L. 1110-10 ».
Le cas du patient inconscient
Le patient hors d’état d’exprimer
sa volonté
Le cas du patient inconscient
Les professionnels de santé doivent
rechercher l’expression de la volonté du
patient à travers les moyens d’expression
hiérarchisés suivants :
Les directives anticipées
La personne de confiance
La famille et les proches
Les directives anticipées
La notion a été précisée par le décret n° 2006119 du 6 février 2006 :
« document écrit, daté et signé par leur auteur dûment
identifié par l'indication de ses nom, prénom, date et lieu
de naissance… »
lorsque l'auteur de ces directives… est dans l'impossibilité
d'écrire et de signer lui-même le document, il peut
demander à deux témoins, dont la personne de
confiance lorsqu'elle est désignée …, d'attester que le
document qu'il n'a pu rédiger lui-même est l'expression de
sa volonté libre et éclairée. Ces témoins indiquent leur
nom et qualité et leur attestation est jointe aux directives
anticipées. Le médecin peut, à la demande du patient,
faire figurer en annexe de ces directives… une attestation
constatant qu'il est en état d'exprimer librement sa volonté
et qu'il lui a délivré toutes informations appropriées.
Les directives anticipées
Les directives anticipées peuvent, à tout moment, être soit
modifiées, partiellement ou totalement, soit révoquées
sans formalité.
Leur durée de validité de trois ans est renouvelable par
simple décision de confirmation
Toute modification fait courir une nouvelle période de trois
ans.
Dès lors qu’elles ont été établies dans le délai de trois ans,
précédant soit l’état d’inconscience de la personne, soit
le jour où elle s’est avérée hors d’état d’en effectuer le
renouvellement, ces directives demeurent valides quel
que soit le moment où elles sont ultérieurement prises en
compte.
Les directives anticipées
Les directives anticipées doivent être conservées selon des
modalités les rendant aisément accessibles pour le
médecin appelé à prendre une décision de limitation ou
d’arrêt de traitement dans le cadre de la procédure
collégiale.
Elles sont conservées dans le dossier de la personne
constitué par un médecin de ville, qu’il s’agisse du
médecin traitant ou d’un autre médecin choisi par elle,
ou, en cas d’hospitalisation, dans le dossier médical.
Les directives anticipées
Toutefois, les directives anticipées peuvent être conservées
par leur auteur ou confiées par celui-ci à la personne de
confiance ou, à défaut, à un membre de sa famille ou à un
proche. Dans ce cas, leur existence et les coordonnées de la
personne qui en est détentrice sont mentionnées, sur
indication de leur auteur, dans le dossier du patient.
Lorsqu’il envisage de prendre une décision de limitation ou
d’arrêt de traitement en application des articles L. 1111-4 ou L.
1111-13, et à moins que les directives anticipées ne figurent
déjà dans le dossier en sa possession, le médecin s’enquiert
de l’existence éventuelle de celles-ci auprès de la personne
de confiance, si elle est désignée, de la famille ou, à défaut,
des proches ou, le cas échéant, auprès du médecin traitant
de la personne malade ou du médecin qui la lui a adressée.
La personne de confiance
La personne de confiance
Le principe :
« Toute personne majeure peut désigner une personne de
confiance qui sera consultée au cas où elle-même serait hors
d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information
nécessaire à cette fin ».
Dans ce cas « l’avis de cette dernière, sauf urgence ou
impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical, à
l’exclusion des directives anticipées, dans les décisions
d’investigation, d’intervention ou de traitement prises par le
médecin ».
La personne de confiance
Qui peut-être désigné comme personne de
confiance?
Un parent
existence d’un lien juridique avec le patient
Le médecin traitant
existence d’un lien juridique avec le patient
Un proche
absence de lien juridique avec le patient
Un tiers ???
La personne de confiance
Les missions de la personne de confiance
Un rôle d’assistance et d’accompagnement lorsque le
patient est capable d’exprimer sa volonté
Un rôle de soutien en cas de diagnostic ou de pronostic
grave
Un rôle de consultation lorsque le patient est hors d’état
d’exprimer sa volonté
Un rôle de consultation dans le domaine de la fin de vie
La personne de confiance
Notions voisines
Personne de confiance et personne(s) à prévenir
Il peut y avoir plusieurs personnes à prévenir mais qu’une
seule personne de confiance.
Une personne de confiance peut également être
personne à prévenir.
La personne à prévenir est celle que les soignants doivent
contacter en cas de besoin mais n’a aucune responsabilité
dans la prise en charge médicale.
La personne de confiance, dès qu’elle accepte sa mission,
a des obligations, morales et juridiques, vis à vis du patient.
La personne de confiance
La personne de confiance ne décide pas à la
place du patient hors d’état d’exprimer sa volonté.
Il doit s’efforcer de refléter la volonté du patient
sans être guidé uniquement par ses propres
convictions.
La personne de confiance éclaire de façon
prépondérante l’équipe médicale et soignante
dans son processus décisionnel.
La loi du 22 avril 2005 a refusé de faire reposer
sur la personne de confiance le poids d’une
décision d’arrêt ou de limitation d’un traitement
(risque de culpabilité ultérieure).
La procédure collégiale
La procédure collégiale
Le cas du patient en fin de vie
« Lorsqu'une personne, en phase avancée ou
terminale d'une affection grave et incurable,
quelle qu'en soit la cause, est hors d'état
d'exprimer sa volonté, le médecin peut
décider de limiter ou d'arrêter un traitement
inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre
objet que la seule prolongation artificielle de
la vie de cette personne, après avoir respecté
la procédure collégiale définie par le code
de déontologie médicale »
La procédure collégiale
Le cas du patient non en fin de vie
« Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer
sa volonté, la limitation ou l'arrêt de
traitement susceptible de mettre sa vie en
danger ne peut être réalisé sans avoir
respecté la procédure collégiale définie par
le code de déontologie médicale »
La procédure collégiale
Le processus décisionnel :
« La décision est prise par le médecin en charge du patient,
après concertation avec l’équipe de soins si elle existe et
sur l’avis motivé d’au moins un médecin, appelé en
qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature
hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le
consultant. L’avis motivé d’un deuxième consultant est
demandé par ces médecins si l’un d’eux l’estime utile.
« La décision prend en compte les souhaits que le patient
aurait antérieurement exprimés, en particulier dans des
directives anticipées, s’il en a rédigé, l’avis de la personne
de confiance qu’il aurait désignée ainsi que celui de la
famille ou, à défaut, celui d’un de ses proches ».
La procédure collégiale
Le processus décisionnel :
« Lorsque la décision concerne un mineur ou un majeur
protégé, le médecin recueille en outre, selon les cas, l’avis
des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur, hormis les
situations où l’urgence rend impossible cette consultation.
« La décision est motivée. Les avis recueillis, la nature et le
sens des concertations qui ont eu lieu au sein de l’équipe
de soins ainsi que les motifs de la décision sont inscrits
dans le dossier du patient. »
La procédure collégiale
L’élargissement récent de l’initiative de la
procédure collégiale (Décret no 2010-107 du 29
janvier 2010)
« Le médecin peut engager la procédure collégiale de
sa propre initiative. Il est tenu de le faire au vu des
directives anticipées du patient présentées par l’un des
détenteurs de celles-ci mentionnés à l’article R. 1111-19
ou à la demande de la personne de confiance, de la
famille ou, à défaut, de l’un des proches. Les détenteurs
des directives anticipées du patient, la personne de
confiance, la famille ou, le cas échéant, l’un des
proches sont informés, dès qu’elle a été prise, de la
décision de mettre en œuvre la procédure collégiale.
La personne de confiance, si elle a été désignée, la
famille ou, à défaut, l’un des proches du patient sont
informés de la nature et des motifs de la décision de
limitation ou d’arrêt de traitement ».
La procédure collégiale
La décision médicale doit être le fruit d’un
consensus.
Le consultant pourra-t-il au moins connaître la
personne qui va mourir autrement qu’à travers la
lecture rapide du dossier ? La complexité de ce
type de décisions s’accorde mal avec une
relation partielle.
Ce n’est pas une simple consultation mais bien
une décision partagée par plusieurs médecins.
Les récentes évolutions
La situation de Chantal SEBIRE a été récupérée
médiatiquement et a relancé le débat en le
réduisant une nouvelle fois à une situation
particulière.
Chantal SEBIRE = l’incarnation par l’image de « l’insoutenable »
Les récentes évolutions
Suite à la médiatisation de la situation de
Chantal SEBIRE en mars 2008, il a été confié à M.
LEONETTI une mission d’ évaluation de la loi sur la
fin de vie.
La mission a rendu un rapport en décembre 2008
qui rejette l’idée d’une aide active à mourir et
qui constate que la loi mérite d’être avant tout
d’être connue et appliquée avant d’être révisée
Les récentes évolutions
Les propositions de la mission parlementaire :
Etudier et améliorer l’application de la loi en créant un
Observatoire des pratiques médicales de la fin de vie
Favoriser les échanges entre juges et médecins
Elargir le droit au recours à la procédure collégiale (patient
et personne de confiance) (Décret du 29 janvier 2010) et
motiver les éventuels refus opposés aux directives
anticipées et à la personne de confiance
Faire appel à des médecins référents en soins palliatifs
dans les cas litigieux ou les plus complexes
Mettre à l’étude l’institution d’un congé
d’accompagnement à titre expérimental (15 jours) (Loi du 2
mars 2010 créant une allocation journalière d’accompagnement
d’une personne en fin de vie)
Les récentes évolutions
Les propositions de la mission parlementaire (suite):
Mieux former les médecins à l’éthique et aux soins palliatifs
Préciser les modalités d’application des arrêts de
traitement de survie (précision dans le code de
déontologie médicale) (Décret du 29 janvier 2010)
Poursuivre le développement de l’offre de soins palliatifs (ex
: une USP dans chaque région au 1er/01/2010 et une dans
chaque département au 1er/01/2013
Rendre plus exigeants les indicateurs qualitatifs de soins
A ménager le financement de la tarification à l’activité
Merci de votre attention…