Le chat
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Le chat
Le chat Le Le Le Le chat ouvrit les yeux, soleil y entra. chat ferma les yeux, soleil y resta, Voilà pourquoi, le soir, Quand le chat se réveille, J'aperçois dans le noir Deux morceaux de soleil. Maurice Carême (1899-1978) 35 mots Devinette « Je suis brin de bois noirci Et travaille jour et nuit. Je soulève- c'est inouïCent fois mon poids, et sans cric. Du grenier jusqu'au fournil, J'engrange des grains de riz. Ne touchez pas à mon nid Vous feriez venir la pluie. » C'est ce qu'un soir m'avait dit, Quand nous étions entre amis, La fourmi. Michel Beau 47 mots Bonté Il faut plus d’une pomme Pour remplir un panier. Il faut plus d’un panier Pour que chante un verger. Mais il ne faut qu’un homme Pour qu’un peu de bonté Luise comme une pomme Que l’on va partager. Maurice Carême (1899-1978) 38 mots Portrait dégoûtant Il avait mauvaise mine Une langue de vipère Un nez de fouine Des oreilles de cocker Des dents de loup Des yeux de mouche Mais surtout Une bouche d'égout. C'est pourquoi Il ne se sentait pas bien du tout. Antoine Bial 38 mots Un dragon chez soi Avoir un dragon chez soi Ce n’est pas si mal que ça, Surtout quand il fait très froid. Quand on lui tire la queue Ca le rend tellement furieux Que sa gueule crache du feu. Il réchauffe l’appartement, Il sèche les vêtements, Les parents sont tout contents. Corinne Albaut 47 mots Chanson d’automne Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cœur D’une langueur Monotone Tout suffocant Et blême, quand Sonne l’heure, Je me souviens Des jours anciens Et je pleure ; Et je m’en vais Au vent mauvais Qui m’emporte Deçà, delà, Pareil à la Feuille morte. 45 mots Verlaine, Poèmes saturniens, 1886 Pour ma mère Il y a plus de fleurs Pour ma mère, en mon cœur, Que dans tous les vergers ; Plus de merles rieurs Pour ma mère, en mon cœur, Que dans le monde entier ; Et bien plus de baisers Pour ma mère, en mon cœur, Qu’on en pourrait donner. Maurice Carême (1899-1978) 49 mots Homonymes Il y a le vert du cerfeuil Et il y a le ver de terre Il y a l'endroit et l'envers L'amoureux qui écrit en vers Le verre d'eau plein de lumière, La fine pantoufle de vair Et il y a moi, tête en l'air, Qui dit toujours tout de travers. Maurice Carême (1899-1978) 51 mots Poète belge d’expression française. Il est issu d’une famille modeste. Son père est peintre en bâtiment, sa mère tient une petite épicerie et son grand-père est marchand forain. Il passe une enfance campagnarde si heureuse qu’elle sera une des sources d’inspiration de son œuvre. Elève brillant, il obtient, la même année, une bourse d’études et entre à l’école normale de Tirlemont. Il devient instituteur . Chanson des Escargots qui vont à l'enterrement À l'enterrement d'une feuille morte Deux escargots s'en vont Ils ont la coquille noire Du crêpe autour des cornes Ils s'en vont dans le soir Un très beau soir d'automne Hélas quand ils arrivent C'est déjà le printemps Les feuilles qui étaient mortes Sont toutes ressuscitées Et les deux escargots Sont très désappointés. Jacques Prévert 53 mots Le Brouillard Le brouillard a tout mis Dans son sac en coton ; Le brouillard a tout pris Autour de ma maison. Plus de fleurs au jardin, Plus d’arbres dans l’allée ; La serre du voisin Semble s’être envolée. Et je ne sais vraiment Où peut s’être posé Le moineau que j’entends Si tristement crier. Maurice Carême 53 mots Bonne année ! Bonne année à toutes les choses : Au monde ! À la mer ! Aux forêts ! Bonne année à toutes les roses Que l'hiver prépare en secret. Bonne année à tous ceux qui m'aiment Et qui m'entendent ici-bas... Et bonne année aussi, quand même, A tous ceux qui ne m'aiment pas ! Rosemonde Gérard 53 mots Je parle Je parle miel avec les abeilles. Je parle sève avec les arbres. Je parle pollen avec les fleurs. Je parle terre avec les insectes. Je parle source avec les poissons. Je me tais quand le jour se tait. Au vent, je souffle des histoires. Sur la nuit, j’épingle mes rêves Pour qu’ils se confondent aux étoiles. Carl Norac 56 mots Le bel automne est revenu À pas menus, menus, Le bel automne est revenu. Dans le brouillard, sans qu’on s’en doute, Il est venu par la grand’ route Habillé d’or et de carmin. Et tout le long de son chemin, Le vent bondit, les pommes roulent, Il pleut des noix, les feuilles croulent. Ne l’avez-vous pas reconnu ? Le bel automne est revenu. Raymond Richard 58 mots La catastrophe Quel malheur! Ça me désole : On vient de fermer l'école ! On a tout cadenassé ! Que je suis bouleversé ! Au soleil ou sous la pluie, Mon Dieu, que cela m'ennuie ! J'ai beau rire et m'amuser, J'en ai le cœur tout brisé. Quand finiront les vacances, Si j'ai survécu par chance, Épuisé de tant souffrir, C'est moi qui viendrai rouvrir. Istvan Csukas (poète russe) 63 mots L'invitation au voyage Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur D'aller là-bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble ! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal 60 mots Ponctuation Un point d'interrogation Comment ? Une question ? Et un point d'exclamation Oh ! Quelle émotion ! Sur mon écritoire, J'invente une histoire, J'aligne les mots Avec mon stylo. Puis trois points de suspension, Hé hé hésitation ... Je rajoute une virgule Et regarde la pendule. Quand j'ai tout écrit, Alors je relis. L'histoire est jolie, Un point c'est fini. Daniel Coulon 60 mots Automne Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux Et son bœuf lentement dans le brouillard d'automne Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux Et s'en allant là-bas le paysan chantonne Une chanson d'amour et d'infidélité Qui parle d'une bague et d'un cœur que l'on brise Oh ! l'automne l'automne a fait mourir l'été Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises Guillaume Apollinaire (1880 - 1918) Poète français. Guillaume Apollinaris de Kostrowitzki est né à Rome. Il est le fils d'une Polonaise de vingt-deux ans, et d'un inconnu. Il incarne l'esprit nouveau du début du siècle. Il succombe en 1918, frappé par l’épidémie de grippe espagnole qui sévit en Europe. 61 mots La poule et le mur Une poule sur un mur Cherchait des bouts de pain dur. Sur le mur, pas de pain dur Mais un trou plein de fissures, Et dans le trou, des cailloux. Que la poule, mise en goût, Gloutonnement picora, Deux par deux, puis trois par trois. Que crois-tu qu'il arriva À la poule sur le mur ? Elle pondit un œuf dur. Pierre Coran 61 mots Trois escargots J'ai rencontré trois escargots Qui s'en allaient cartable au dos Et dans le pré trois limaçons Qui disaient par cœur leur leçon. Puis dans un champ, quatre lézards Qui écrivaient un long devoir. Où peut se trouver leur école ? Au milieu des avoines folles ? Et leur maître est-il ce corbeau Que je vois dessiner là-haut De belles lettres au tableau ? Maurice Carême (1899-1978) 63 mots La tranche de pain Un enfant seul, Tout seul avec en main Une belle tranche de pain, Un enfant seul Avec un chien Qui le regarde comme un dieu Qui tiendrait dans sa main La clé du paradis des chiens. Un enfant seul Qui mord dans sa tranche de pain, Et que le monde entier Observe pour le voir donner Avec simplicité, Alors qu'il a très faim, La moitié de son pain Bien beurré à son chien. Maurice Carême (1899-1978) 73 mots Conseils donnés par une sorcière Retenez-vous de rire Dans le petit matin. N'écoutez pas les arbres Qui gardent les chemins. Ne dites votre nom À la terre endormie Qu'après minuit sonné. A la neige à la pluie Ne tendez pas la main. N'ouvrez votre fenêtre Qu'aux petites planètes Que vous connaissez bien. Confidence pour confidence Vous qui venez me consulter Méfiance, méfiance On ne sait pas ce qui peut arriver. 65 mots Jean Tardieu Comme il est bon d'aimer Il suffit d'un mot Pour prendre le monde Au piège de nos rêves Il suffit d'un geste Pour relever la branche Pour apaiser le vent Il suffit d'un sourire Pour endormir la nuit Délivrer nos visages De leur masque d'ombre Mais cent milliards de poèmes Ne suffirait pas Pour dire Comme il est bon d'aimer Jean-Pierre Siméon 55 mots Voici venu le froid Voici venu le froid radieux de septembre : Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres; Mais la maison a l'air sévère ce matin, Et le laisse dehors qui sanglote au jardin. Les feuilles dans le vent courent comme des folles; Elles voudraient aller où les oiseaux s'envolent; Mais le vent les reprend et barre leur chemin : Elles iront mourir sur les étangs demain. Anna de Noailles 66 mots Les larmes du crocodile Si vous passez au bord du Nil Où le délicat crocodile Croque en pleurant la tendre Odile, Emportez un mouchoir de fil. Essuyez les pleurs du reptile Perlant aux pointes de ses cils, Et consolez le crocodile : C'est un animal très civil. Sur les bords du Nil en exil, Pourquoi ce saurien pleure-t-il ? C'est qu'il a les larmes faciles Le crocodile qui croque Odile. Jacques Charpentreau 66 mots La blanche école La blanche école où je vivrai N’aura pas de roses rouges Mais seulement devant le seuil Un bouquet d’enfants qui bougent On entendra sous les fenêtres Le chant du coq et du roulier ; Un oiseau naîtra de la plume Tremblante au bord de l’encrier Tout sera joie ! Les têtes blondes S’allumeront dans le soleil, Et les enfants feront des rondes Pour tenter les gamins du ciel René-Guy Cadou 68 mots La grêle Les légers grêlons de la grêle Bondissent sur le bord des toits ; Leur chute claire s'amoncelle, Au pied des murs, en tas étroits ; Parfois, se heurtant aux parois, Un grain rejaillit et sautelle Sur les pavés mouillés et froids, Comme une blanche sauterelle. Le sol un instant étincelle, Argentés de ce fin gravois ; Les légers grêlons de la grêle Bondissent sur le bord des toits. Auguste Angellier 68 mots Le petit chat blanc Un petit chat blanc Qui faisait semblant D'avoir mal aux dents Disait en miaulant : "Souris mon amie J'ai bien du souci Le docteur m'a dit : Tu seras guéri Si entre tes dents Tu mets un moment Délicatement La queue d'une souris." Très obligeamment Souris bon enfant S'approcha du chat Qui se la mangea. Moralité : Les bons sentiments Ont l'inconvénient D'amener souvent De graves ennuis Aux petits enfants Comme-z-aux souris. Claude Roy 71 mots Pour mon papa J'écris le mot agneau Et tout devient frisé : La feuille du bouleau, La lumière des prés. J'écris le mot étang Et mes lèvres se mouillent ; J'entends une grenouille Rire au milieu des champs. J'écris le mot forêt Et le vent devient branche. Un écureuil se penche Et me parle en secret. Mais si j'écris papa, Tout me devient caresse, Et le monde me berce En chantant dans ses bras. Maurice Carême 71 mots Le Pélican Le Capitaine Jonathan, Étant âgé de dix-huit ans Capture un jour un pélican Dans une île d'Extrême-orient, Le pélican de Jonathan Au matin, pond un oeuf tout blanc Et il en sort un pélican Lui ressemblant étonnamment. Et ce deuxième pélican Pond, à son tour, un oeuf tout blanc D'où sort, inévitablement Un autre, qui en fait autant. Cela peut durer pendant très longtemps Si l'on ne fait pas d'omelette avant. 71 mots Robert Desnos L'heure du crime Minuit. Voici l'heure du crime. Sortant d'une chambre voisine, Un homme surgit dans le noir. Il ôte ses souliers S'approche de l'armoire Sur la pointe des pieds Et saisit un couteau Dont l'acier luit, bien aiguisé. Puis masquant ses yeux de fouine Avec un pan de son manteau, Il pénètre dans la cuisine Et, d'un seul coup, comme un bourreau Avant que ne crie la victime, Ouvre le cœur d'un artichaut. Maurice Carême (1899-1978) 71 mots Au petit bonheur Rien qu'un petit bonheur, Suzette, Un petit bonheur qui se tait. Le bleu du ciel est de la fête; Rien qu'un petit bonheur secret. Il monte ! C'est une alouette Et puis voilà qu'il disparaît; Le bleu du ciel est de la fête. Il chante, il monte, il disparaît. Mais si tu l'écoutes, Suzette, Si dans tes paumes tu le prends Comme un oiseau tombé des crêtes, Petit bonheur deviendra grand. Géo Norge 71 mots Semonce à Mistigri Mon Mistigri, mon infidèle, Tu dois venir quand je t'appelle, Au lieu de courir la souris Tout le jour et encor la nuit. Je n'aime pas cette manière De te sauver dans les jardins Quand je t'ai préparé du pain, Et de la sauce et du gruyère... Tu en connais, toi, des maîtresses Aussi patientes que je suis, Et qui vous font mille caresses Après qu'on s'est si mal conduit ? Jean Desmeuze 71 mots Et un sourire La nuit n’est jamais complète Il y a toujours puisque je le dis Puisque je l’affirme Au bout du chagrin une fenêtre ouverte Une fenêtre éclairée Il y a toujours un rêve qui veille Désir à combler faim à satisfaire Un cœur généreux Une main tendue une main ouverte Des yeux attentifs Une vie la vie à se partager. Paul Eluard 59 mots Les papillons De toutes les belles choses Qui nous manquent en hiver, Qu'aimez-vous mieux ? - Moi, les roses ; - Moi, l'aspect d'un beau pré vert ; - Moi, la moisson blondissante, Chevelure des sillons ; - Moi, le rossignol qui chante ; - Et moi, les beaux papillons ! Le papillon, fleur sans tige, Qui voltige, Que l'on cueille en un réseau ; Dans la nature infinie, Harmonie Entre la plante et l'oiseau !... Gérard de Nerval 75 mots Le coyote tagueur Un coyote rageur Sur un mur blanc taguait Griffonnant sa rancœur Contre un loup trop aisé « C’est bien que je salisse, Grommelait ce jaloux, La trop belle bâtisse De ce trop riche loup ! » Regagnant sa masure, Il se trouva surpris D’y trouver la peinture D’un plus pauvre que lui. Moralité : Si tu veux qu’on soit correct Avec ce qui t’appartient Il faudra que tu respectes De tous les autres les biens. Yvon Danet 74 mots Les roses de Saadi J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ; Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes Que les nœuds trop serrés n'ont pu les contenir. Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées. Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ; La vague en a paru rouge et comme enflammée. Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée... Respires- en sur moi l'odorant souvenir. Marceline Desbordes-Valmore 76 mots L'écolière Bon Dieu ! que de choses à faire ! Enlève tes souliers crottés, Pends donc ton écharpe au vestiaire, Lave tes mains pour le goûter Revois tes règles de grammaire Ton problème, est-il résolu ? Et la carte de l'Angleterre, Dis, quand la dessineras-tu ? Aurai-je le temps de bercer Un tout petit peu ma poupée, De rêver, assise par terre, Devant mes châteaux de nuées ? Bon Dieu ! que de choses à faire ! Maurice Carême (1899-1978) 77 mots C’est pour maman J’ai cueilli trois fleurs dans les champs, Mais la plus jolie que j’aime tant, La plus jolie, c’est pour maman. J’ai trouvé trois beaux cailloux blancs, Mais le plus joli que j’aime tant, Le plus joli, c’est pour maman. Et j’ai aussi trois beaux rubans, Mais le plus joli que j’aime tant, Le plus joli, c’est pour maman. Je n’ai qu’un petit cœur d’enfant, Mais mon p’tit cœur qui l’aime tant, Mon petit cœur, c’est pour maman. C. Duparc 77 mots La biche brame au clair de lune La biche brame au clair de lune Et pleure à se fondre les yeux : Son petit faon délicieux À disparu dans la nuit brune. Pour raconter son infortune À la forêt de ses aïeux, La biche brame au clair de lune Et pleure à se fondre les yeux. Mais aucune réponse, aucune, À ses longs appels anxieux ! Et, le cou tendu vers les cieux, Folle d'amour et de rancune, La biche brame au clair de lune. Maurice Rollinat 78 mots Grosgnongnon le cochon Grosgnongnon le cochon Rouspète en toute saison Pour un oui, pour un non Au printemps quand il fait doux Il dit qu'il se sent tout mou En été, quand il fait chaud Et qu'il se met en maillot Il se trouve un peu trop gros Lorsque s'approche l'automne, Grosgnongnon baille et frissonne. Et, quand arrive l'hiver Grosgnongnon est en colère : Il n'aime pas son bonnet Qui lui tombe sur le nez! C'est ainsi toute l'année Ce qu'il aime, c'est rouspéter. Claude Clément 81 mots La neige tombe Toute blanche dans la nuit brune, La neige tombe en voletant, Ô pâquerettes ! Une à une, Toutes blanches dans la nuit brune. Qui donc là-haut plume la lune ? Ô frais duvet ! Flocons flottants ! Toute blanche dans la nuit brune, La neige tombe en voletant. La neige tombe monotone Monotonement dans les cieux, Dans le silence qui chantonne La neige tombe monotone Et file, tisse, ourle et festonne, Un suaire silencieux. La neige tombe monotone Monotonement dans les cieux. Jean Richepin 82 mots Ce matin Ce matin, j'ai mangé de la colère À la petite cuillère. J'ai mis plein de mauvaise humeur Sur ma tartine de beurre. Toute la journée, Je l'ai passée à grogner, À donner des coups de pieds, Et à dire "C'est bien fait !". Mais maintenant, ça suffit, J'ai envie que ce soit fini. Et avant d'aller me coucher, Je voudrais vous apporter Une salade de baisers Bien frais, bien doux, bien sucrés. C'est très facile à préparer. Qui veut la goûter ? 82 mots Monique Müller La pendule Je suis la pendule, tic ! Je suis la pendule, tac ! On dirait que je mastique Du mastic et des moustiques Quand je sonne et quand je craque, Je suis la pendule, tic ! Je suis la pendule, tac ! J'avance ou bien je recule, Tic, tac, je suis la pendule, Je brille quand on m'astique Je ne suis pas fantastique, Mais je sais l'arithmétique. J'ai plus d'un tour dans mon sac, Je suis la pendule, tic ! Je suis la pendule, tac ! Pierre Gamarra 85 mots Les mots qui font vivre Il y a des mots qui font vivre Et ce sont des mots innocents Le mot chaleur le mot confiance Amour justice et le mot liberté Le mot enfant et le mot gentillesse Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits Le mot courage et le mot découvrir Et le mot frère et le mot camarade Et certains noms de pays de villages Et certains noms de femmes et d'amis. Paul Eluard 72 mots Tu dis Tu dis sable Et déjà La mer est à tes pieds Tu dis forêt Et déjà Les arbres te tendent leurs bras Tu dis colline Et déjà Le sentier court avec toi vers le sommet Tu dis nuage Et déjà Un cumulus t’offre la promesse du voyage Tu dis poème Et déjà Les mots volent et dansent comme des étincelles dans ta cheminée Joseph-Paul Schneider 63 mots Chanson d’automne Déjà plus d’une feuille sèche Parsème les gazons jaunis ; Soir et matin, la bise est fraîche Hélas ! les beaux jours sont finis ! On voit s’ouvrir les fleurs que garde Le jardin, pour dernier trésor : Le dahlia met sa cocarde Et le souci sa toque d’or. La pluie au bassin fait des bulles ; Les hirondelles sur le toit Tiennent des conciliabules : Voici l’hiver, voici le froid ! Théophile Gautier (1811 – 1872) 72 mots Le cancre Il dit non avec la tête Mais il dit oui avec le cœur Il dit oui à ce qu’il aime Il dit non au professeur Il est debout On le questionne Et tous les problèmes sont posés Soudain le fou rire le prend Et il efface tout Les chiffres et les mots Les dates et les noms Les phrases et les pièges Et malgré les menaces du maître Sous les huées des enfants prodiges Avec des craies de toutes les couleurs Sur le tableau noir de malheur Il dessine le visage du bonheur. Jacques Prévert 93 mots Sables mouvants Démons et merveilles Vents et marées Au loin déjà la mer s'est retirée Et toi Comme une algue doucement caressée par le vent Dans les sables du lit tu remues en rêvant Démons et merveilles Vents et marées Au loin déjà la mer s'est retirée Mais dans tes yeux entrouverts Deux petites vagues sont restées Démons et merveilles Vents et marées Deux petites vagues pour me noyer. Jacques Prévert 67 mots Pour toi mon amour Je suis allé au marché aux oiseaux Et j'ai acheté des oiseaux Pour toi Mon amour Je suis allé au marché aux fleurs Et j'ai acheté des fleurs Pour toi Mon amour Je suis allé au marché à la ferraille Et j'ai acheté des chaînes De lourdes chaînes Pour toi Mon amour Et je suis allé au marché aux esclaves Et je t'ai cherchée Mais je ne t'ai pas trouvée Mon amour Jacques Prévert 72 mots Les enfants qui s'aiment Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout Contre les portes de la nuit Et les passants qui passent les désignent du doigt Mais les enfants qui s'aiment Ne sont là pour personne Et c'est seulement leur ombre Qui tremble dans la nuit Excitant la rage des passants Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit Bien plus haut que le jour Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour. Jacques Prévert 86 mots À mes amis Rions, chantons, ô mes amis, Occupons-nous à ne rien faire, Laissons murmurer le vulgaire, Le plaisir est toujours permis. Que notre existence légère S'évanouisse dans les jeux. Vivons pour nous, soyons heureux, N'importe de quelle manière. Un jour il faudra nous courber Sous la main du temps qui nous presse ; Mais jouissons dans la jeunesse, Et dérobons à la vieillesse Tout ce qu'on peut lui dérober. Evariste De Parny (1753-1814) 67 mots Les sentiments en images La colère a des lèvres rouge sang La mélancolie erre sur la grève La joie fait tournoyer ses longues jupes La jalousie se griffe le visage Le désespoir s'effondre sur son lit Le bonheur gravit l'échelle du ciel La tristesse enfile une robe grise L'espoir s'élance en ouvrant grand ses bras La peur grelotte dans son manteau pâle Et moi je savoure l'instant vibrant... Evelyne Wilwerth 56 mots Le chat Dans ma cervelle se promène, Ainsi qu'en son appartement, Un beau chat, fort, doux et charmant. Quand il miaule, on l'entend à peine, Tant son timbre est tendre et discret ; Mais que sa voix s'apaise ou gronde, Elle est toujours riche et profonde, C'est là son charme et son secret. De sa fourrure blonde et brune Sort un parfum si doux, qu'un soir J'en fus embaumé, pour l'avoir Caressée une fois, rien qu'une. C'est l'esprit familier du lieu ; Il juge, il préside, il inspire Toutes choses dans son empire ; Peut-être est-il fée, est-il dieu? Charles Baudelaire 88 mots Les petits bruits nocturnes Une goutte sur l'évier, Un meuble qui Craque, Une montre où bat Le pouls infime des secondes, Des bœufs qui remâchent leurs souffles, Une goutte sur l'évier, Un moustique insaisissable Jouant d'un très mince violon, Un rien de vent qui retrousse du lierre, Des pépiements feutrés qui dénoncent un nid Entre solive et tuile, Un grillon limant la clef des songes, Une goutte sur l'évier, Une reinette, ti, tâ Modulant un télégramme aux anges, Des souris à fleur de trou Grignotant des miettes de silence, Une goutte sur l'évier, Dix gouttes dans le pot, Un baiser. 79 mots Hervé Bazin Soleil Ô Soleil ! Que fais-tu là-haut, L’air fatigué ? Tu rougis ! Est-ce colère ou timidité ? Allons tu te couches déjà, Sans même attendre que la lune T’apporte des étoiles avec lesquelles avant de dormir Tu joueras ? Non ! Ne boude pas la fête ! Pourquoi ces coups de soleil ? Est-ce fantaisie ou coup de tête ? T’as chaud ! Ton crâne chauve n’est pas beau, gros insecte va ! Couvre-toi la tête, avec un joli bonnet de nuit, Veux-tu ? Mohamed Azizlahababi 73 mots Liberté Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J’écris ton nom. Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre J’écris ton nom. Sur les images dorées Sur les armes des guerriers Sur la couronne des rois J’écris ton nom. […] Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer : LIBERTE 75 mots Paul Eluard Le vieux et son chien S’il était le plus laid De tous les chiens du monde Je l’aimerais encore À cause de ses yeux. Si j’étais le plus vieux De tous les vieux du monde L’amour luirait encore Dans le fond de ses yeux. Et nous serions tous deux Lui si laid , moi si vieux Un peu moins seuls au monde À cause de ses yeux. Pierre Menanteau 62 mots Ces fous Il va vous bousculer Et monter dans le train Qui est déjà parti. Ou presque. Sans s’excuser. Il va vous empêcher De descendre du train Qui est déjà en route. Ou presque. Sans s’excuser. Il va vous demander De lui donner du feu, Lira votre journal Par dessus votre épaule. Sans s’excuser. Il va vous critiquer De ne pas vous lever, Lui céder votre place Et ranger son bagage. Sans s’excuser. Ces fous ! Claude Blanc 73 mots Sagesse Le ciel est, par - dessus le toit, Si bleu, si calme Un arbre, par - dessus le toit, Berce sa palme. La cloche, dans le ciel qu'on voit, Doucement tinte. Un oiseau sur l'arbre qu'on voit Chante sa plainte. Mon Dieu, Mon Dieu, la vie est là, Simple et tranquille. Cette paisible rumeur là Vient de la ville. - Qu'as- tu fait, ô toi que voilà, Pleurant sans cesse, Dis, qu'as- tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ? Paul Verlaine 81 mots La chevauchée Certains, quand ils sont en colère, Crient, trépignent, cassent des verres... Moi, je n'ai pas tous ces défauts : Je monte sur mes grands chevaux. Et je galope, et je voltige, Bride abattue, jusqu'au vertige Des étincelles sous leurs fers, Mes chevaux vont un train d'enfer. Je parcours ainsi l'univers, Monts, forêts, campagnes, déserts ... Quand mes chevaux sont fatigués, Je rentre à l'écurie « calmé ». Jacques Charpentreau 66 mots L'air en conserve Dans une boîte, je rapporte Un peu de l'air de mes vacances Que j'ai enfermé par prudence. Je l'ouvre ! Fermez bien la porte Respirez à fond ! Quelle force ! La campagne en ma boîte enclose Nous redonne l'odeur des roses, Le parfum puissant des écorces, Les arômes de la forêt... Mais couvrez- vous bien, je vous prie, Car la boîte est presque finie : C'est que le fond de l'air est frais. Jacques Charpentreau 74 mots Dimanche Charlotte Fait de la compote. Bertrand Suce des harengs. Cunégonde Se teint en blonde. Epaminondas Cire ses godasses. Thérèse Souffle sur la braise. Léon Peint des potirons. Brigitte S'agite, s'agite. Adhémar Dit qu'il en a marre. La pendule Fabrique des virgules. Et moi dans tout cha? Et moi dans tout cha? Moi, ze ne bouze pas Sur ma langue z'ai un chat. 61 mots René de Obaldia Je hais les haies Je hais les haies Qui sont des murs. Je hais les haies Et les mûriers Qui font la haie Le long des murs. Je hais les haies Qui sont de houx. Je hais les haies Qu’elles soient de mûres Qu’elles soient de houx ! Je hais les murs Qu’ils soient en dur Qu’ils soient en mou ! Je hais les haies Qui nous emmurent. Je hais les murs Qui sont en nous. Raymond Devos 70 mots Si... Si la sardine avait des ailes, Si Gaston s'appelait Gisèle, Si l'on pleurait lorsque l'on rit, Si le pape habitait Paris, Si l'on mourait avant de naître, Si la porte était la fenêtre, Si l'agneau dévorait le loup, Si les Normands parlaient zoulou, Si la mer Noire était la Manche Et la mer Rouge la mer Blanche, Si le monde était à l'envers, Je marcherais les pieds en l'air, Le jour je garderais la chambre, J'irais à la plage en décembre, Deux et un ne feraient plus trois... Quel ennui ce monde à l'endroit ! Jean-Luc Moreau 94 mots Iles Îles Îles où l’on ne prendra jamais terre Îles où l’on ne descendra jamais Îles couvertes de végétation Îles tapies comme des jaguars Îles muettes Îles immobiles Îles inoubliables et sans nom Je lance mes chaussures par-dessus bord Car je voudrais bien aller jusqu’à vous. Blaise Cendrars 45 mots Déménager Quitter un appartement. Vider les lieux. Décamper. Faire place nette. Débarrasser le plancher. Inventorier ranger classer trier Éliminer jeter fourguer Casser Brûler Descendre desceller déclouer décoller dévisser Décrocher Débrancher détacher couper tirer démonter Plier couper Rouler Empaqueter emballer sangler nouer empiler Rassembler entasser ficeler envelopper protéger Recouvrir entourer serrer Enlever porter soulever Balayer Fermer Partir. Georges Perec , Espèces d’espaces 55 mots Les beaux métiers Certains veulent être marins, D'autres ramasseurs de bruyère, Explorateurs de souterrains, Perceurs de trous dans le gruyère, Cosmonautes, ou, pourquoi pas, Goûteurs de tartes à la crème, De chocolat et de babas : Les beaux métiers sont ceux qu'on aime. L'un veut nourrir un petit faon, Apprendre aux singes l'orthographe, Un autre bercer l'éléphant... Moi, je veux peigner la girafe ! Jacques Charpentreau 61 mots Le lutin horloger Il court, il court, sa montre en main, Par les rues et par les chemins ! Mais qu'est- il en train de chercher De l'hôtel de ville au clocher ? Il retourne les sabliers, Il inspecte les balanciers. Quartz ou ressort, vite il déloge L'oiseau caché dans votre horloge. Tic- tac, il avance, il recule Les aiguilles de la pendule. Il court, de demeure en demeure, Chercher midi à quatorze heures. Jacques Charpentreau 71 mots Ulysse - Ulysse, Ulysse, arrête- toi, Écoute la voix des sirènes Plonge, va trouver notre reine, Dans son palais, deviens le roi. Mais Ulysse préfère au toit Des vagues celui des nuages, Dans la direction d'Ithaque Son regard reste fixé droit. Et les filles aux longs cheveux Ont beau nager dans son sillage, Il demeure sourd, il ne veut Que la chanson, que le visage Conservé au fond de ses yeux, De Pénélope toujours sage. Louis Guillaume 70 mots Terre- Lune Terre Lune, Terre Lune Ce soir j'ai mis mes ailes d'or Dans le ciel comme un météore Je pars. Terre Lune, Terre Lune J'ai quitté ma vieille atmosphère J'ai laissé les morts et les guerres Au revoir. Dans le ciel piqué de planètes Tout seul sur une lune vide Je rirai du monde stupide Et des hommes qui font les bêtes. Terre Lune, Terre Lune Adieu ma ville, adieu mon cœur Globe tout perclus de douleurs Bonsoir. Boris Vian 77 mots C'est la Toussaint C'est la Toussaint Le ciel est gris comme demain Et lourd comme les chrysanthèmes. Le vent Rougit le nez des gens Glace leurs pieds Glace leurs mains: C'est la Toussaint. Des feuilles mortes Que la brise emporte Bouchent les portes. Dans les maisons Le feu chante À son diapason Sa chanson. Mais le froid Entre quand même Par les fentes des croisées : Il faut geler. Alors Dedans comme dehors le froid mord. Et les gens moroses Se plaignent des choses De l'hiver qui vient: C'est la Toussaint... Clod'Aria 88 mots J’ai vu le menuisier J'ai vu le menuisier Tirer parti du bois. J'ai vu le menuisier Comparer plusieurs planches. J'ai vu le menuisier Caresser la plus belle. J'ai vu le menuisier Approcher le rabot. J'ai vu le menuisier Donner la juste forme. Tu chantais, menuisier, En assemblant l'armoire. Je garde ton image Avec l'odeur du bois. Moi, j'assemble des mots Et c'est un peu pareil. 46 mots Eugène Guillevic Liberté Prenez du soleil Dans le creux des mains, Un peu de soleil Et partez au loin! Partez dans le vent, Suivez votre rêve ; Partez à l'instant, La jeunesse est brève ! Il est des chemins Inconnus des hommes, Il est des chemins Si aériens ! Ne regrettez pas Ce que vous quittez. Regardez, là-bas, L'horizon briller. Loin, toujours plus loin, Partez en chantant ! Le monde appartient A ceux qui n'ont rien. Maurice Carême 58 mots L’automne On voit tout le temps, en automne, Quelque chose qui vous étonne , C'est une branche tout à coup , Qui s'effeuille dans votre cou. C'est un petit arbre tout rouge, Un , d'une autre couleur encor , Et puis partout ,ces feuilles d'or Qui tombent sans que rien ne bouge. Nous aimons bien cette maison, Mais la nuit si tôt va descendre ! Retournons vite à la maison Rôtir nos marrons dans la cendre. Lucie Delarue-Mardrus 64 mots Caillou noir, Pas d'espoir. Caillou rouge, Rien ne bouge. Caillou rond, Pas un rond. Caillou gris, Rien de pris. Caillou vert, On le perd. Caillou rose, Peu de chose. Caillou jaune, On le prône, Caillou blanc, Vif argent. Caillou d'or, Quel trésor ! Caillou bleu, Qui dit mieux ? Moi, moi, moi, Dit le fou: Caillou plat Et sans trou. Caillou Maurice Carême 35 mots Araignée Araignée du matin: chagrin, Pensait un bébé coccinelle Cherchant à libérer ses ailes. Araignée du midi: souci Grognait un rat dans son chagrin De voir un chat près de sa belle. Araignée du soir: espoir, Disait au briquet l'étincelle Mourant dans le vent du jardin. Mais l'araignée dans sa nacelle Prisonnière à vie de sa faim Rêvait qu'elle était hirondelle. Pierre Béarn 50 mots Grenouilles Ne coassons pas Dit crapaud papa Nul coassement Dit crapaud maman Moi pas coasser Dit crapaud jeunet Ils en font du bruit Dit le vieux marquis Vite une corvée Disent les laquais Ça c’est pas marrant Dit le paysan Si j’avais su ça Dit crapaud papa Au lieu de nous taire Dit crapaud mémère Nous aurions chanté Dit crapaud jeunet Raymond Queneau 60 mots Anniversaire Je voudrais te donner une couronne Constellée de toutes les étoiles du firmament Je voudrais te donner Le chant des rossignols De toute la terre Je voudrais te donner Les silences de l’hiver Les sourires du printemps La clarté de l’été Les flammes de l’automne Je voudrais te donner Tout ce que je n’ai pas pu Pas su Te donner Ma vie Notre éternité Philippe Soupault 64 mots Il y a des mots Il y a des mots qui font vivre Et ce sont des mots innocents Le mot chaleur le mot confiance Amour justice et le mot liberté Le mot enfant et le mot gentillesse Et certains noms de fleurs Et certains noms de fruits Le mot courage et le mot découvrir Et le mot frère et le mot camarade Et certains noms de pays de villages Et certains noms de femmes et d'amis. Paul Eluard, extrait d'un poème à Gabriel Péri 72 mots Si mon stylo était magique Si mon stylo était magique Avec des mots en herbe, J'écrirais des poèmes superbes, Avec des mots en cage, J'écrirais des poèmes sauvages. Si mon stylo était artiste, Avec les mots les plus bêtes, J'écrirais des poèmes en fête, Avec des mots de tous les jours J'écrirais des poèmes d'amour. Mais mon stylo est un farceur Qui n'en fait qu'à sa tête, Et mes poèmes sur mon coeur Font des pirouettes. Robert Gélis 71 mots Devinettes Qui décoiffe la mer Avec des mains qu'on ne voit pas ? Qui roule sa chanson Dans la gorge des torrents ? Qui n'est jamais si lourd Que quand un oiseau meurt ? Le vent la pierre et le silence. Qui est ronde comme une joue Et plus lourde que la peine ? Qui habille le monde Quand il se fait tard ? Qui souffle chaque soir La bougie du soleil ? La pierre le silence et le vent. Jean-Pierre Siméon 79 mots J’écris J'écris des mots bizarres J'écris des longues histoires J'écris juste pour rire Des choses qui ne veulent rien dire. Écrire c'est jouer J'écris le soleil J'écris les étoiles J'invente des merveilles Et des bateaux à voiles. Écrire c'est rêver J'écris pour toi J'écris pour moi J'écris pour ceux qui liront Et pour ceux qui ne liront pas. Écrire c'est aimer J'écris pour ceux d'ici Ou pour ceux qui sont loin Pour les gens d'aujourd'hui Et pour ceux de demain. Écrire c'est vivre. 82 mots Geneviève Rousseau L'oiseau du Colorado L'oiseau du Colorado Mange du miel et des gâteaux Du chocolat et des mandarines Des dragées des nougatines Des framboises des roudoudous De la glace et du caramel mou. L'oiseau du Colorado Boit du champagne et du sirop Suc de fraise et lait d'autruche Jus d'ananas glacé en cruche Sang de pêche et navet Whisky menthe et café. L'oiseau du Colorado Dans un grand lit fait dodo Puis il s'envole dans les nuages Pour regarder les images Et jouer un bon moment Avec la pluie et le beau temps. Robert Desnos 88 mots Le dilemme J’ai vu des barreaux je m’y suis heurté c’était l’esprit pur. J’ai vu des poireaux je les ai mangés c’était la nature. Pas plus avancé ! Toujours des barreaux toujours des poireaux ! Ah ! si je pouvais laisser les poireaux derrière les barreaux la clé sous la porte et partir ailleurs parler d’autre chose ! Jean Tardieu 56 mots Sahara Sahara Mamelles de sable Qui portent les caresses Des caravanes Sahara Mamelles de sable Qui enveloppent La tiédeur des nuits Bleues Armand Balima,Voiles marines 21 mots Savoir Papa, tu me diras Pourquoi des enfants ici sont sans logis et moi dans un palais. Tu me diras d’où viennent les fous, les mendiants, les sans-travail. Tu me diras pourquoi il y a des pauvres et des riches. Tu me diras la différence entre les garibous* et moi. Tu me diras pourquoi tu es né dans la paillote de campagne. Tu me diras comment est la campagne et comment est l’Afrique. Oui, savoir ! Je dois tout savoir, car je vais à l’école. *garibou : enfant chapardeur Augustin- Soudé COULIBALY, La fontaine aux masques, Les Nouvelles Éditions Africaines, 1976 83 mots Une carte postale Tu m’enverras une carte postale, De la douceur des eaux, De la chaleur des lumières ! Ici, Le Soleil Fera place à la Lune, La Lune Au nuage, Le nuage À la nuit, Envoie-moi une carte postale ! Tu m’enverras cette lumière des nuits, Des profonds cratères des Vésuves ! Tu m’enverras ce diamant des ténèbres, De la froideur des Igloos ! Ici, Le Soleil Fera place à la Lune, La Lune Au nuage, Le nuage À la nuit, Envoie-moi une carte postale ! Frédéric Pacéré TITINGA, Refrains sous le Sahel, Éditions L’Harmattan, 1976 80 mots Dans mon pays Dans mon pays On ne prête pas, On partage. Un plat rendu N’est jamais vide ; Du pain Quelques fèves Ou une pincée de sel. Tahar BEN JELLOUN ,À l’insu du souvenir 24 mots Invendable Adil* ! Dis voici l’avenir, Viens, butine. Adil ! Le soleil, commun butin, est copropriété vacante. Adil ! Comme nous, le soleil est libre, et jamais à vendre. *Adil : prénom du fils du poète Mohamed Aziz LAHBABI, Poèmes, Éditions L’Harmattan 25 mots Le toucan — Salut, toucan ! — Salut à toi ! — Le marché est-il bon ? — Pourquoi pas ? Tant qu’il y a des criquets des vers de terre, des termites ailés, le marché est toujours bon ! Issaka Soumaïla KARANTA,Harandan, Institut Culturel Africain et Nouvelles Éditions Africaines, 1976 33 mots Crépuscule Mes villages ont peur de l’ombre Mais l’ombre les prévient Avant de les habiller de nuit. Une mère avive le tison pâle Un enfant ramène les chèvres Un père bénit le soir hésitant Et l’ombre mord un pan du village Si doucement que la peur s’estompe. Bonne nuit villages d’Afrique. Malick FALL,Reliefs Éditions Présence Africaine, 1964 50 mots Pirogue Tolli Tolli Vogue ma pirogue. Tolli Tolli Vogue dans l'océan. Sa voile est une palme, Un balai lui sert de rame. Tolli, Tolli Vogue ma pirogue. J'irai vers la Chine, L'Amérique latine et Jérusalem. J'irai partout dans le monde Où il faut semer la paix. Vogue ma pirogue, Tolli, Tolli, Ma pirogue sans haine, Ma pirogue sans chaîne Où je voudrais voir Tous les enfants du monde. Mbaye Gana KÉBÉ, Rondes, Les Nouvelles Éditions Africaines, 1979 67 mots La main de maman Ouvre ta main, maman. Papa m'a dit qu'elle contient Tous les secrets du monde. Pourquoi la lune Ne descend-elle pas éclairer notre case? Dans quel pays se trouve- t- elle, la nuit Quand elle n'est pas chez nous ? Fatou Sow NDIAYE, Takam-Takam, Devine, mon enfant, devine! Les Nouvelles Éditions Africaines, 1981 39 mots Vois-tu dans le ciel Vois-tu dans le ciel tout bleu, Ma jolie Ces étoiles Ces milliers d'étoiles Qui dansent et brillent? Elles dansent et brillent pour toi Elles sont comme les milliers Et les milliers d'yeux des Anges du Ciel Qui te regardent Et qui t'aiment Et qui sont heureux Parce que tu es heureuse Et belle. Yves-Emmanuel DOGBÉ, Morne Soliloque Éditions Akpagnon, 1982 53 mots L'oiseau bleu Il est tout bleu L'oiseau bleu Il est bleu du bec Bleu des plumes Et bleu des yeux, L'oiseau bleu Il déploie ses ailes Deux petits éventails bleus Puis Comme un léger papillon bleu Il voltige dans le bleu azuré Du ciel de mon imagination. Toussaint Cossy GUENOU, Anthologie de la poésie togolaise, Éditions Akpagnon, 1980 45 mots Quand je pense à la mer Quand je pense à la mer C'est à l'eau que je pense, verte et mouvante Pas au poisson, pas au bateau. Quand j'écoute la mer C'est bien l'eau que j'entends, sourde et roulante Et pas le coquillage et pas le vent. Quand j'entre dans la mer Froide et secrète comme un grand abreuvoir C'est moi le coquillage et le bateau Et la vague et le vent et l'eau Et je bois le soleil. Jacqueline DAOUD, Traduit de l'abstrait, Éditions Cérès productions, 1968 73 mots Hospitalité arabe Ô passant étranger Qui tiens une houlette, Veux-tu bien partager, Avec moi, ma galette? Ô passant! ô passant! Dont j'ignore le nom, Je t'offre cet encens; Prends- le, ne dis pas: non ! Accepte ce lit rêche Que prépare ma mère Pour toi et notre eau fraîche Et notre mie amère. Notre pain, notre sel, Notre encens sont à toi; Hélas! Sous notre toit Nous n'avons pas de miel. Salah KHELIFA,La ronde des affamés, 1973 69 mots Tu m'as regardée Tu m'as regardée Et ton regard plein d'amour A souri Dans le mien. Tu m'as tendu Ton bras Ton bras droit Comblé de promesses. Et ton regard s'est fondu Dans mon regard Et tes bras m'ont enveloppée D'un long pagne d'espoirs. Élisabeth-Françoise MWEYA, Remous de feuilles, Éditions du Mont Noir, 1971 41 mots Est- il une musique plus douce? Est - il une musique plus douce Pour nous endormir que l'amour? Les feuilles d'arbres caressent Le rossignol solitaire Qui transperce le cri du vent De son chant merveilleux. Mais pour se reposer, elles ont besoin De la douceur de la nuit. Kama KAMANDA, Les Résignations Association des Écrivains Africains, 1986 42 mots Dunes J'ai reçu les signes En offrande du Désert Comme ces rêves de jeunesse À la limite de la transe J'ai reçu le chant des pierres À l'envers de ma solitude Quand le chacal assoiffé d'errance Hurle sa gangrène dans le creux des vagues J'ai reçu l'appel des sables De liberté et de soleil Si les mots peuvent guérir nos dérives Dis- moi encore cette éternité Où le Désert avance Dans le repos du sablier. 74 mots Abdelhak SERHANE, Les dunes paradoxales Éditions Paris Méditerranée On Frappe Qui est là Personne C'est simplement mon coeur qui bat Qui bat très fort À cause de toi Mais dehors La petite main de bronze sur la porte de bois Ne bouge pas Ne remue pas Ne remue pas seulement le petit bout du doigt. Jaques Prévert 45 mots Nous deux Nous deux nous tenant par la main Nous nous croyons partout chez nous Sous l'arbre doux sous le ciel noir Sous tous les toits au coin du feu Dans la rue vide en plein soleil Dans les yeux vagues de la foule Auprès des sages et des fous Parmi les enfants et les grands L'amour n'a rien de mystérieux Nous sommes l'évidence même Les amoureux se croient chez nous. Paul Eluard 69 mots L'enfant qui est dans la lune Cet enfant, toujours dans la lune, S'y trouve bien, s'y trouve heureux. Pourquoi le déranger? La lune Est un endroit d'où l'on voit le mieux. Claude Roy 25 mots