Chirurgie bariatrique, le contrôle du risque sans effort ? – Bariatric

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Chirurgie bariatrique, le contrôle du risque sans effort ? – Bariatric
ÉDITORIAL
Chirurgie bariatrique, le contrôle du risque
sans effort ?
Bariatric surgery: effortless risk control?
R. Roussel*, F. Andreelli**
L
a chirurgie bariatrique permet d’obtenir des réductions
pondérales importantes. Selon la technique, la baisse
de poids est plus ou moins marquée, et plus ou moins
durable. Moins invasif et généralement facile à retirer, l’anneau gastrique ajustable mis en place par cœlioscopie est
cependant moins efficace, avec un échappement fréquent.
Les interventions destinées à provoquer une malabsorption
induisent une perte de poids massive. L’une des techniques
les plus utilisées en Europe actuellement est le bypass
gastrique selon la technique du Roux-en-Y : l’estomac est
déconnecté du circuit alimentaire suturé hormis son dôme
supérieur et la fin du jéjunum est sectionnée. La petite
poche gastrique ainsi constituée en aval immédiat du
cardia est connectée à la fin du jéjunum. Ainsi, l’estomac,
le duodénum et une partie du jéjunum sont déconnectés de
l’alimentation (circuit alimentaire exclu). L’anse (ou circuit
alimentaire) se compose alors du résidu de l’estomac, de
la fin du jéjunum, de l’iléon et du côlon. Pour éviter toute
pullulation microbienne, l’anse exclue est anastomosée
à l’anse alimentaire. Ainsi, les sécrétions de l’estomac, la
bile et les sécrétions pancréatiques exocrines parcourent
leur trajet anatomique normal, mais attendront l’iléon
pour être intégrées au bol alimentaire, celui-ci ayant pris
un trajet “raccourci” via l’anse alimentaire. La vaste étude
SOS (non randomisée, portant sur des sujets très obèses et
rarement diabétiques) rapporte une perte de poids de 20 à
30 % à 3 ans, maintenue à 15 ans (1, 2) et une réduction
de la mortalité liée à des événements coronariens et aux
cancers de 29 % à 15 ans. Le diabète de type 2 connaît
une amélioration impressionnante, voire une rémission
(à défaut de guérison) nette à moyen terme – 6 mois ou
2 ans – résultat soutenu par un petit essai randomisé, dans
un centre unique spécialisé australien (3). L’enthousiasme
est légitime.
* INSERM, U695, déterminants génétiques du diabète de type 2 et de ses complications
vasculaires, faculté de médecine Xavier Bichat, Paris.
** Hôpital Bichat, service de diabétologie, endocrinologie et nutrition, Paris. Université
Denis-Diderot, Paris-7.
4 | La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire • n° 433 - mars 2010 Les données sont-elles convaincantes ? À ce stade, les hypothèses générées sont euphoriques. Les études d’évaluation
rigoureuses, hormis ce dernier travail cité, sont absentes chez
les sujets diabétiques.
Quels patients sont susceptibles de tirer un bénéfice supérieur au risque encouru ? Nul ne connaît la “fenêtre thérapeutique” : elle est précoce sans doute, car les stratégies
d’intervention dans le diabète se sont montrées d’autant
plus efficaces qu’elles suivaient rapidement le diagnostic
de diabète ; les candidats ont un risque périopératoire
réduit si les complications chroniques sont absentes ou
peu évoluées ; inversement, le bénéfice absolu sera d’autant
plus important, on peut l’espérer, que le risque absolu était
grand avant intervention. Si ce n’est pas le cas, si la fenêtre
thérapeutique se referme tôt, il sera alors essentiel d’établir
des facteurs pronostiques pertinents : tous les diabétiques,
voire tous les sujets à risque de diabète, ne pourront être
opérés. À partir de quel excès de poids l’intervention estelle légitime ? Les études publiées portent sur des sujets
très obèses, ce qui ne représente ni la majorité des patients
diabétiques, ni la majorité des patients en surpoids à haut
risque cardiovasculaire. Quels sont les risques de l’intervention ? Ils sont nombreux, relativement bien identifiés pour
la population des grands obèses morbides, méconnus chez
les sujets en surpoids ou présentant une obésité modérée
avec complications métaboliques, la vaste majorité de nos
patients. On peut citer, passé le court terme opératoire, les
déficits vitaminiques, la carence martiale, l’ostéoporose,
la dénutrition, les hypoglycémies mais aussi la dépression
et des hépatites fatales. Des inquiétudes qui peuvent être
levées par un suivi médical régulier et des substitutions
vitaminiques ? Une caractéristique marquante des populations d’obèses opérés est la difficulté du suivi : dans l’étude
SOS, à 10 ans il y avait 25 % de perdus de vue, bien que ces
sujets aient été sélectionnés et enrôlés dans des centres de
référence, en Scandinavie (1). Les chiffres manquent, mais
nous constatons régulièrement que les interventions hors
d’un cadre collaboratif chirurgico-médical explosent, avec
parfois une évaluation préopératoire insuffisante et sans
ÉDITORIAL
suivi. Que deviendront ces patients ? Des questions spécifiques aux patients polymédiqués se posent par ailleurs :
la malabsorption concernera-t-elle aussi les statines ?
les antiagrégants ? En cas d’échec de cette intervention,
quelles seront les autres possibilités de traitement ? Lors
du dernier congrès de l’American Diabetes Association,
un symposium et 12 communications étaient consacrés à
la chirurgie bariatrique chez les diabétiques ; l’ensemble
de ces interventions portaient sur l’amélioration pondérale ou glycémique des patients, aucune sur la tolérance
ou le suivi à long terme. Pour quelle autre intervention
admettrait-on ce regard à sens unique ? Le résultat net doit
pourtant pouvoir être établi ; c’est vrai pour toute nouvelle
molécule, ça l’est aussi pour une stratégie chirurgicale
qui consiste en une mutilation volontaire irréversible. Des
considérations éthiques s’imposent. En matière nutritionnelle, l’irrationnel, les croyances de santé sont plus ancrés
qu’ailleurs ; les patients doivent pouvoir être éclairés, et
le préalable est que les soignants aient des données entre
les mains. ■
Pour en savoir plus...
1. Sjöström L, Lindroos AK, Peltonen M et al.; Swedish Obese Subjects Study
Scientific Group. Lifestyle, diabetes, and cardiovascular risk factors 10 years
after bariatric surgery. N Engl J Med 2004;351(26):2683-93.
2. Sjöström L, Narbro K, Sjöström CD et al.; Swedish Obese Subjects Study.
Effects of bariatric surgery on mortality in Swedish obese subjects. N Engl J
Med 2007;357(8):741-52.
3. Dixon JB, O’Brien PE, Playfair J et al. Adjustable gastric banding and conventional
therapy for type 2 diabetes: a randomized controlled trial. JAMA 2008;99:316-23.
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La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire • n° 428 - octobre 2009 | 5