(AP) POINT DE VUE DE L`ASPAJ 120 ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES, LA
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(AP) POINT DE VUE DE L`ASPAJ 120 ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES, LA
Mandat d’administration provisoire de copropriétés en difficultés (AP) POINT DE VUE DE L’ASPAJ Association syndicale professionnelle d’administrateurs judiciaires AUDITION DE M° BRIGNIER ET M° TULIER DE L’ASPAJ 120 ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES, LA PLUPART COMMERCIALISTES E n France, on recense 120 administrateurs judiciaires (AJ) qui emploient environ 1 000 personnes, collaborateurs. La structure standard comporte 8 à 10 collaborateurs autour d’un AJ. Les AJ sont soit civilistes, soit commercialistes. Les commercialistes sont les plus nombreux. Ils sont missionnés pour restructurer des entreprises. Quelques rares commercialistes interviennent également sur les copropriétés en redressement. Peu d’AJ sont civilistes. Ils sont implantés majoritairement en Ile de France et dans le sud de la France. Ils interviennent traditionnellement dans les successions. Ce sont eux qui sont le plus souvent nommés par les juges dans les copropriétés. Le modèle économique des civilistes est basé sur les dossiers de successions gérés. Le marché des copropriétés est un marché de niche avec des tarifs moindres. Les interventions des AJ dans les copropriétés s’inscrivent soit dans un mandat de syndic judiciaire (en vertu des articles 46 et 47 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965), soit dans un mandat d’administration provisoire de copropriété en difficulté (AP) au titre de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965. Aucun répertoire officiel des AJ Depuis 2004, il n’y a plus de document officiel les répertoriant contrairement à la période 1991-2004 où la Chancellerie tenait à jour les 2 listes d’administrateurs civilistes et de commercialistes. Il demeure des civilistes inscrits depuis 1991 mais ils sont en fin de carrière. Du fait de l’absence de liste officielle, chaque tribunal a créé son répertoire des administrateurs judiciaires. Dans le cadre de l’examen de la loi ALUR, l’ASPAJ a suggéré de recréer ces listes pour donner plus de visibilité afin que les tribunaux sachent qui est spécialisé. Cette proposition reprise dans la loi ALUR devrait être complétée par la réforme Justice du XXIème siècle. AJ : une profession très réglementée, une formation longue, une pratique sur le terrain «Nous sommes des TPE ne représentant pas l’intérêt particulier». Les AJ ne peuvent exercer qu’à titre exclusif et ne bénéficient pas d’autres ressources que leurs tarifs (taxes) appliqués à un volant d’affaires. Les AJ n’ont pas de charges à vendre, pas de fonds de commerce à céder. Les parts sociales peuvent être cédées ou les dossiers être transmis par le juge concerné. Gérant des biens de tiers, l’AJ ne peut pas, par exemple, s’inscrire dans une logique sociale car il est garant de l’intérêt collectif et ne peut donc prendre parti. Il assure une représentation légale et décide indépendamment de toutes les parties prenantes, en ne rendant compte qu’au juge du tribunal qui l’a désigné. 2015janvier 2015 23 Les AJ ont un statut, des règles déontologiques et apportent une garantie financière importante via une caisse de garantie dotée de 60 M € commune aux AJ et aux mandataires judiciaires. Un commissaire aux comptes contrôle les fonds détenus à la CDC et opère ainsi un rapprochement 2 fois par an. Les AJ sont redevables sur leurs propres deniers des éventuels préjudices causés, sanctionnés par une décision de justice, et sont solidairement responsables. La loi de 1985 réglemente les conditions d’examen et d’accès à la profession, assez difficiles. Le conseil national organise les contrôles, la formation, les examens des AJ et mandataires judiciaires. A la commission d’inscription et de discipline, les AJ, non majoritaires, siègent aux côtés des grands corps de l’État. Les AJ interviennent en commission de discipline mais ne participent pas aux commissions d’inscription. Les AJ présentent généralement un double cursus de formation (gestion et droit) assorti d’une forte expérience. Les diplômes de type Master prévus par la loi Macron présentent un intérêt pour les civilistes mais ont une portée limitée pour les commercialistes. Etre AJ signifie avoir le goût du « terrain », des situations de crise, de la complexité avec le sens du service public. Les AJ interviennent en situations d’urgence pour débloquer des crises, trouver des solutions, prendre des décisions et en endosser la responsabilité : ce qui requiert un besoin de formation et une forte expérience. La loi Macron relative à la dispense de stage est problématique de ce fait. L’ASPAJ, une association professionnelle L’ASPAJ est un syndicat (et non pas une institution), qui compte 90 adhérents parmi les 120 AJ. Elle est actuellement présidée par M° Brignier, dont l’étude est domiciliée à Bobigny (93). LE MANDAT D’ADMINISTRATION PROVISOIRE DE COPROPRIÉTÉ EN DIFFICULTÉ Une mobilisation de compétences nécessairement plurielles Concernant l’intervention des AJ dans les copropriétés en difficultés, elle se situe à la croisée des 2 métiers des AJ : civilistes mais aussi commercialistes en mobilisant leurs compétences de gestionnaires de crise, de compréhension globale de la situation pour mettre en place les moyens de redressement correspondant aux ressources mobilisables. Peu d’AJ motivés pour intervenir en copropriétés Les AJ sont peu enclins et peu nombreux à s’investir dans le traitement des copropriétés. Ils méconnaissent le sujet et l’équilibre économique de ce type d’activités est fragile. Les honoraires pratiqués (taxes) sont peu attractifs. Il est difficile voire impossible d’établir un business plan étant donné qu’ils sont dépendants des missions confiées par les juges. Il n’y a donc aucune visibilité, pas de prévisionnel possible. Investir en compétences en matière de copropriété, en recrutant des collaborateurs, présente des risques de sousactivité réels. Vers une gestion commune, mutualisée entre AJ pour y pallier ? Dans les territoires où peu d’AJ sont présents, il est possible d’ouvrir une structure délocalisée en l’absence de confrères AJ intéressés. Un besoin d’acculturation de l’environnement de la copropriété De multiples acteurs notamment institutionnels interviennent dans une copropriété. L’ASPAJ exprime un besoin d’acculturation pour comprendre le contexte, la logique d’intervention des acteurs avec un descriptif de leurs modes de fonctionnement, leurs attentes, les articulations possibles. Un état des lieux contradictoire décrivant les points de vue des AJ d’une part et des opérateurs animant les dispositifs opérationnels sur le terrain d’autre part serait utile pour mettre en valeur les bonnes pratiques et contribuer ainsi collectivement à la rédaction d’un code de bonne conduite. Compétences requises pour être AP en copropriété et garanties apportées Depuis les années 1950, les mandats d’administrateur provisoire (AP) peuvent être confiés à d’autres professions que des AJ mais, dans la pratique, les juges désignent le plus souvent des AJ du fait des garanties apportées. Le statut d’AJ permet notamment d’ouvrir un compte de transfert spécifique à la CDC pour déposer les fonds de la copropriété traitée. L’AJ doit respecter la règle de la représentation des fonds. La loi ALUR renforce les exigences de compétence pour l’exercice des missions d’AP et de mandataires ad hoc (inscription sur une liste, exigence de qualification professionnelle à préciser par décret). La mission d’AP peut être confiée à un AJ ou à d’autres professionnels (juristes, avocats, …). Il appartiendra aux juridictions compétentes de vérifier les garanties apportées par ceux-ci (assurances, fonds versés à la CARPA par exemple pour les avocats, …) avant de les missionner, notamment dans les territoires où peu d’AJ sont présents. Il serait opportun que le décret, à paraître, précise les garanties exigées (financières, professionnelles,…). Mandat des AP confié par le juge : contenu et durée L’administrateur provisoire (AP) détient un mandat de justice qu’il convient de définir précisément. La loi ALUR prévoit qu’il doit y avoir une cohérence entre la mission de l’administration provisoire et le déroulement du plan de sauvegarde. Le juge peut ainsi préciser les pouvoirs de l’AP et les diligences à effectuer. Concernant la mise en œuvre pratique, il appartient aux acteurs locaux de définir une stratégie cohérente sur le devenir de la copropriété concernée (réhabilitation, recyclage par voie d’expropriation, …) et de la transmettre au juge pour qu’il puisse cadrer au mieux la mission à confier à l’AP dans le respect du cadre légal existant. L’AP détient des pouvoirs d’administration courante pour dépasser les obstacles des majorités de décision avec comme objectif un retour au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. L’AP détient ainsi les pouvoirs conférés par les articles 24,25 et 26 (sauf a et b) de la loi de 1965. Depuis la loi de Mobilisation pour le Logement et la lutte contre l’exclusion de 2009, la durée de la mission d’AP est d’au moins 1 an avec obligation de rédiger un rapport au bout de 6 mois. La suggestion formulée dans le cadre des travaux de la loi ALUR de caler la durée sur celle du Plan de sauvegarde n’a pas été retenue car le juge doit pouvoir contrôler les modalités d’exercice de cette mission. En règle générale, les missions sont prolongées au-delà d’un an et il est possible de modifier le contenu de la mission à l’occasion de ce renouvellement ou en urgence pour que ce soit inscrit dans une ordonnance plus précise. La loi ALUR améliore l’opérationnalité de l’AP (article 29-9) dans le cadre d’une stratégie publique partagée et sous le contrôle du juge : • Le maire et le président de l’EPCI compétent en matière d’habitat peuvent dorénavant saisir le juge en vue de la nomination d’un AP. Ils peuvent demander au juge une modification, une extension ou l’achèvement de la mission d’AP. • Le nouvel article 29-9 de la loi du 10 juillet 1965 permet sous certaines conditions à l’AP de modifier le règlement de copropriété ou de céder à titre gracieux des terrains, locaux ou équipements de la copropriété à la commune ou à l’EPCI afin de pouvoir agir sur la structure de la copropriété. • Le nouvel article 29-6 prévoit la possibilité d’étendre les pouvoirs de l’AP aux décisions relevant de l’alinéa a de l’article 26 (cessions de biens) sur ordonnance du juge (décret à paraître). L’ASPAJ suggère de pouvoir octroyer à l’AJ d’y être autorisé sur simple requête. • Définition d’un plan d’apurement des dettes de la copropriété (nouveaux articles 29-4 et 29-5 de la loi du 10 juillet 1965). • Possibilité d’effacement des créances irrécouvrables du syndicat de copropriétaires (article 29-7). • Facilitation des actions de réorganisation de la copropriété par scission pour permettre ou faciliter son redressement (article 29-8). • Possibilité de renforcement de l’AP afin de faciliter la définition et la réalisation de travaux (article 29-11). QUESTIONS RÉPONSES PLUS TECHNIQUES Gestion des super privilèges (s’appliquant sur 2 ans antérieurs et l’année en cours) dans les copropriétés complexes Questions • Dans une copropriété complexe, le syndicat principal est Taxes des AJ équivalentes aux honoraires pratiqués par les syndics Les discussions sont en cours avec la Chancellerie et le ministère des Finances sur les taxes (honoraires) que présentent les AJ aux juges qui les mandatent. Il existe différents barèmes actuellement, fixés par les tribunaux voire par chaque juge, variant de 10 à 13 € HT/lot/mois et correspondant à la prise de connaissance des dossiers et à la gestion courante. Un pourcentage sur les dépenses (environ 2 %) est appliqué en sus. Au-delà des honoraires forfaitaires, d’autres peuvent être perçus sur certains actes ou actions : • l’établissement d’états datés (article 20 de la loi du 10 juillet 1965) est facturé aux vendeurs de 200 € (en province) à 450 €. Parfois 3 pré-états datés sont établis avant l’établissement de l’état daté. • Les réunions avec le conseil syndical peuvent être facturées à l’heure (coût de 90 à 180 €HT/heure). Au total, les taxes des AJ correspondent peu ou prou aux honoraires pratiqués par les syndics de copropriétés moyennes. L’ASPAJ estime que les tarifs actuels pour les missions d’AP sur des copropriétés de moins de 20 lots doivent être revus à la hausse. Une partie fixe serait souhaitable. Plus la copropriété est dégradée, plus la complexité est importante et plus grand est le besoin de disposer d’une ingénierie compétente, rémunérée correctement. La publication des textes d’application de la loi ALUR concernant la rémunération des administrateurs judiciaires est attendue courant 2015. sous administration provisoire, comment l’administrateur coordonne t-il le recouvrement contentieux avec les syndics des syndicats secondaires pour ne pas le faire à leur détriment ? • Comment se règle juridiquement la concurrence de fait entre les privilèges immobiliers spéciaux de deux syndicats concurrents pour le recouvrement de leurs charges impayées respectives, lorsque le produit récupérable de la saisie ne recouvre pas la totalité des dettes du copropriétaire débiteur aux deux syndicats ? Réponse • Le juge définit l’ordre de règlement : d’abord au syndicat principal puis aux syndicats secondaires. Il s’agit d’une pratique, d’une règle non écrite des tribunaux. La notion d’intérêt général collectif prime. Dans la pratique, il y a souvent assez d’argent pour pouvoir honorer les 2 types de syndicats. Par contre, concernant les inscriptions hypothécaires par chacun des syndicats, la règle du 1er inscrit prévaut. Ecrasement ou effacement des dettes Question • Quid de la procédure d’effacement des créances du syndicat (montant minimal ou maximal de créances ou appréciation libre de l’administrateur, articulation avec les autres procédures en cours notamment), d’autant que certaines créances n’ont aucune réalité économique ? Réponse • Il faut attendre la parution du décret. S’agira-t-il d’une vision comptable (cf le décret comptable de 2005 sur les dépenses irrécouvrables) ? Quelles seront les modalités appliquées en matière de déclaration de créances et de modes de contestation et des délais afférents ? Vers une solution alternative à l’effacement ? © Forum des politiques de l’habitat privé 2015 Une production du Groupe de Travail Copropriété Co-pilotes du groupe : Soraya DAOU et Nicolas CLÉMENT Conception et réalisation : Véronique GUILLAUMIN Forum des Politiques de l’habitat privé, un collectif de 14 membres www.forumhabitatprive.org