étude - Supply Chain Magazine

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étude - Supply Chain Magazine
ETUDE
Supply Chain Digitale
réelle opportunité
ou illusion ?
©KURH
AN-FO
TOLIA
Mathieu Dougados et Stéphane Ghioldi de CapGemini Consulting ont présenté lors du salon
Supply Chain Event, fin novembre 2013, les résultats d’une étude menée mi-2013 en partenariat avec Supply Chain Magazine sur la maturité digitale des Supply Chains. Il en ressort que
si la performance d’une Supply Chain semble liée à celle de la maîtrise des outils et technologies digitales, le chemin est encore long pour bon nombre d’entre elles avant d’avoir tiré
profit de toutes les opportunités qu’ils représentent …
C
apgemini Consulting a conduit un sondage en partenariat avec Supply Chain Magazine sur Q2/Q3
2013 auprès de plus de 130 entreprises européennes
et nord américaines dans le but de mieux cerner la
maturité digitale de leur Supply Chain. Dans un
souci de précision pour l’interprétation des résultats, nous avons
séparé ces entreprises en trois groupes industriels : Manufacturing, Transports et Computer Packaged & Retail (CPR). Ce sondage a été aussi mené dans le prolongement des travaux réalisés
avec le MIT-Center for Digital Business. Aussi, reprend-il les
notions qui y avaient déjà été évoquées, comme notamment la
matrice de maturité digitale :
Intensité
Digirati
Transformation
Beginners
Conservatives
Digirati : Ces entreprises tirent pleinement
profit des technologies digitales. Elles ont
dans leur management des individus qui
croient en ces opportunités dont elles
regorgent et qui justement investissent
pour s’assurer une transformation digitale
exemplaire.
Fashionistas : Ces entreprises se focalisent
le plus souvent trop sur les outils digitaux
et ainsi, alors qu’elles tirent quelques profits du digital, c’est souvent au dépend du
résultat net.
Conservatives : A l’inverse des Fashionistas, ces entreprises ont une bonne vision
de ce que leur transformation digitale
devrait être mais sont peu familières avec
les outils auxquels elles devraient faire
appel pour y parvenir.
Beginners : Ces entreprises ont été lentes à
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Encore beaucoup à faire
Nous avons évalué à la fois la maturité digitale des entreprises
ainsi que celle de leur Supply Chain. Il ressort du sondage que,
quand bien même les entreprises commencent à s’ouvrir aux technologies digitales (44 % de Beginners et 18 % de Digirati), elles
n’en ont encore que trop peu fait profiter leur Supply Chain
(69 % de Beginners et 11% de Digirati). Un des facteurs d’explication de cet écart pourrait-être que le digital a plus souvent du
sens dans les domaines marketing, beaucoup plus orienté clients et
service. La déclinaison par industrie met en évidence que les transports sont essentiellement composés de « beginners » avec quelques
exceptions (acteurs intercontinentaux type UPS). En revanche, les
CPR sont répartis de manières plus homogènes car plus familiers
avec les outils digitaux.
Il ressort que les entreprises ont encore beaucoup à faire pour
mettre à profit le digital au sein de la Supply Chain.
Fig. 1 - La plupart des organisations Supply Chain
font preuve d’une faible maturité digitale
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Fashionistas
adopter les technologies digitales avancées qui s’offrent à elles.
(Fig. 1, ci-dessous)
Fig. 3 - Les technologies digitales donnent un coup de fouet
aux Supply Chains traditionnelles
Un large champ de possibilités
L’étude met en avant un large éventail
d’adoption des technologies. Le champ des
possibles avec les nouvelles technologies
restant immense pour la Supply Chain :
■ Collaboration : Les solutions digitales
facilitent l’intégration de la Supply Chain et
plus particulièrement les tâches collaboratives aussi bien internes qu’externes (avec
les fournisseurs, entre les différentes fonctions). On se rend d’ailleurs bien compte
dans le sondage que cette partie est la plus
développée et la plus mature. La collaboration existe depuis longtemps sous des
formes qui continuent d’évoluer, par exemple, davantage de partage d’information en temps réel, etc.
■ Advanced analytics : Il s’agit d’un sujet pour lequel il semble à première vue y avoir une maturité assez importante. Cependant, une
étude plus approfondie montre que le sujet n’est pas si évident. Les
entreprises ne savent en réalité pas vraiment ce que cela signifie et
trop souvent, assimilent l’advanced analytics à un reporting amélioré, sans soupçonner les champs du possible qui se cachent derrière
(optimisations, prévisions, etc.). (voir Fig. 4, page 66)
■ Master Data : Il subsiste des sujets en Master Data qui ne sont
pas encore suffisamment sous contrôle. Bien que ce soit un
basique, de nombreuses entreprises le considèrent comme non
encore optimal (exemple : référentiel de maintenance des pièces de
rechange non homogène entre les sites européens de production
d’un acteur de produits de grande consommation ou référentiel en
lien avec LCM des produits et réduction du time to market).
■ Visibility et Order Orchestration : Le sondage montre que les
entreprises se familiarisent avec ces notions. Elles trouvent souvent
leur origine dans des Supply Chains longues/ complexes et sont
majoritairement tirées par les attentes clients et le respect des délais
de livraisons.
■ Additive Manufacturing : Il s’agit là aussi d’une nouvelle technologie de production par dépose de couches successives qui com-
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Un impact sur la performance
et la collaboration
Les entreprises sondées ont désigné plusieurs
domaines de la SC où le digital peut contribuer à améliorer/transformer les opérations.
Performance management et Collaboration
with Supply Chain Partners sont les deux
principaux domaines d’application pour
lesquels elles voient le digital comme un
catalyseur majeur de transformation, en
particulier dans le domaine des CPR : accès
à l’information en temps réel, besoin d’avoir
des coûts debout en bout, ils sont plus à
même de parvenir à des changements structurels de la Supply Chain. Pour ce secteur
Transport, si la performance est une des
deux priorités, l’analyse des coûts reste clé
(contexte conjoncturel, plus vrai levier pour
ce domaine encore morcelé en information…). (Fig. 2, ci-contre)
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Fig. 2 - Une forte croyance que la digitalisation peut contribuer
à améliorer la gestion de la performance
et la collaboration avec les partenaires
mence à se déployer dans des domaines d’application de plus en
plus larges et qui va profondément transformer certaines Supply
Chain si l’on peut produire sur place selon des plans transmis à
distance (voir fig. 5). (Fig.3, ci-dessus)
Un mode de pilotage plus prédictif
Aujourd’hui, pour bon nombre d’entreprises, les analyses effectuées sont plus de nature « reporting » explicatif du passé
qu’analyse tactique et prospective afin de définir des axes stratégiques en fonction de divers scénarios. Certaines entreprises
sont cependant plus habiles avec ces outils et quelques rares s’en
servent pour optimiser et anticiper leur activité.
Problème d’accès aux données internes/externes structurées ou non :
■ De nouvelles opportunités pour améliorer l’offre actuelle du
marché
- Prévisions : Demand Sensing, Marketing Mix Modelling .
- Planification : recours à des solutions d’analyses d’un grand
nombre de données de sources diverses pour alimenter les processus S&OP (Sales & Operations Planning ), IBP (Integrated Business
Planning) voire de planification des capacités.
- Proposer des outils de planification complémentaires quand les
APS (Advanced Planning Systems) n’ont pas une couverture fonctionnelle suffisante.
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Fig. 4 - Des technologies comme le Big Data Analytics
pourraient transformer entièrement les opérations
■ Notre capacité à mettre en oeuvre certaines
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Fig. 5 - La fabrication additive se développe dans les Supply Chains
Fig. 6 - Les technologies digitales touchent les processus
Supply Chain avec divers niveaux de maturité
Des disparités de maturités
selon les processus
Au regard de ces différents axes de développement technologiques, l’étude a évalué la maturité
des différents processus de la chaîne de valeur.
Deux processus se distinguent des autres : la planification et la distribution. Cela est en partie dû
à deux facteurs : la planification plan est très liée et fortement
impactée par la dimension collaborative et la distribution est liée à
la fois aux attentes clients et à la visibilité (informations client sur
les délais de livraison et services associés). Notons une maturité assez
faible sur la partie service/maintenance. (Fig. 6, ci-dessus)
Une pression sans actions
La pression est là, exercée par les Directeurs Généraux sur les opérations et la Supply Chain. En effet, 49 % des entreprises interrogées déclarent ressentir une pression vis-à-vis du digital. Toutefois,
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Les promesses
de la fabrication additive
Nouveau processus de fabrication industrielle,
la fabrication additive permet de réaliser des
objets directement par dépôt de couches successives du matériau choisi sur la base d’une modélisation 3D.
Les domaines d’application sont très vastes :
- Aerospace : pièces détachées pour la Nasa,
composants du système de navigation KMC,
Plusieurs centaines de pièces du Dreamliner et
GE sur certaines pièces de rechange.
- Médical : Prothèses dentaires, prothèses acoustiques, prothèses du genou.
- Automobile : Prototypes Lamborghini, pièces
détachées Jaguar.
- Grand Public : Coques pour iPhones, bijoux,
pâtisseries, etc.
Militaire: l’armée américaine déploie des conteneurs renfermant des imprimantes 3D sur ses
fronts pour être plus à même de fournir des
pièces de rechanges à ses véhicules.
Le développement de l’imprimante 3D va remettre en cause certains aspects de la Supply Chain
comme par exemple la gestion des pièces de
rechange, qui vont pouvoir être fabriquée à la
demande là où on en a besoin. Cela va aussi
avoir un impact très fort sur la refonte des processus d’ingénierie.
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de nos offres de Supply Chain digitale.
- Tour de contrôle : l’analyse s’appuyant sur les
Big Data est clef pour dépasser la simple gestion
des événements.
■ Autres opportunités potentielles
- Pilotage et suivi de la performance Supply
Chain / BI dédiée à la Supply Chain.
- Développer des outils d’analyse allant au-delà
de la Supply Chain. (Fig. 4, ci-contre)
près des trois quarts considèrent qu’il n’y a pas de vision clairement
définie de Supply Chain. En d’autres termes, la pression de la transformation existe, mais les actions ne suivent pas. 64 % des entreprises sondées ont indiqué avoir des projets prévus pour supporter
la mise en place d’une Supply Chain digitale. Cependant, il s’avère
que la plupart de ces projets correspondent à des outils isolés (TMS,
WMS, etc.) et ne constituent pas une vision d’ensemble du champ
des possibles apportés par le digital. En fait, il n’y a pas encore de
projets correspondant à la mise en place d’une nouvelle vision
digitale. (Fig. 7 et 8, page 67)
Fig. 8 - La plupart des initiatives
prises en Supply Chain digitale
portent sur des outils indépendants
Un manque cruel de compétences
Un fait marquant issu du sondage est le constat de manque de compétences autour des sujets digitaux au sein des équipes Supply Chain.
57 % des entreprises sondées considèrent qu’elles n’ont pas dans leurs
effectifs les bonnes personnes pour les accompagner dans leur transformation digitale. De plus, ces entreprises affirment qu’elles ont, pour
60 % d’entre elles, à faire à un manque d’alignement entre les équipes
techniques et les équipes Supply Chain (ce qui peut expliquer le
manque de vision…). Il s’agit là d’importantes préoccupations pour
ces entreprises (e-commerce…) qui souhaitent opérer leur transformation digitale. Elles ne sont pas aujourd’hui en ordre de bataille pour
y répondre dans les meilleures conditions. Comment faire pour s’imposer en précurseur en utilisant le meilleur des vagues technologiques
qui ont tant à leur apporter ? (Fig. 9, P68)
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Fig. 7 - Les organisations Supply Chain
ont conscience de l’importance du digital
mais ne déclenchent que peu d’actions
Une corrélation établie entre maturité digitale
et performance SC
L’un des objectifs de notre sondage était de voir s’il existe une corrélation entre la maturité digitale et la performance de la Supply
Chain. Ainsi, nous avons établi une liste de questions pour évaluer
la performance d’une Supply Chain selon des critères bien définis.
Nous avons converti en points et pondéré les réponses à ces ques-
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Fig. 10 - La performance de la Supply Chain est en partie
liée à sa maturité digitale
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tions. Nous sommes ainsi parvenus à attribuer une note à chacune des performances
Supply Chain pour chaque entreprise sondée. Nous avons ainsi remarqué que les
entreprises situées dans le coin supérieur
droit de la matrice de maturité digitale
avaient une Supply Chain en moyenne plus
performante que les autres. Aussi, nous
avons conclu qu’il existait une corrélation
positive entre ces deux critères.
On notera que dans l’ensemble, selon les critères que nous avons établis, 57 % des
entreprises sondées ont une Supply Chain
peu performante (et donc seulement 43 %, le
contraire). (Fig.10, ci-contre)
Aujourd’hui les entreprises ne semblent pas
avoir pleinement tiré profit des opportunités
offertes à leur SC par le digital.
Si on regarde ce qu’il faut faire :
1 - Définir une stratégie : cela passe par une
phase d’analyse exhaustive et l’établissement
d’une vision claire et partagée.
2 - Développer un modèle opératoire qui,
grâce aux outils digitaux, permettra un
meilleur partage des informations déjà en
interne avec les four- nisseurs et les clients
(par exemple prévisions et plan de distribution demandent l’intégration d’informations
ainsi que de processus cross fonctions et
entreprises qui conduisent à une optimisation industrielle et logistique).
3 - La mise en place d’une exécution intégrée reprend cette notion de transversalité
mais cette fois-ci dans l’exécution des tâches
(s’assurer par exemple que deux personnes
dans des branches différents de l’entreprise
ne font pas le même travail, ne font pas la
saisie des mêmes données…).
4 - Le management de la performance des
entreprises doit s’appuyer sur des solutions
apportées par les possibilités du digital dans
la gestion du suivi de l’activité (track & trace
RFID…), mais cela ne se limite pas à cela car
on doit prendre en considération que l’approche autour des outils d’analyse avancés
n’en est qu’à son début au niveau de la SC.
Au-delà de ces quatre points, les entreprise
doivent rester très pragmatiques et doivent
rapidement adopter les nouvelles technologies au sein de leur Supply Chain par la mise
en œuvre de « proof of concepts », des solutions pilotes qui doivent faire leur preuve
avec des retours sur investissements rapides.
La preuve par l’exemple sera le meilleur
moyen d’embarquer l’ensemble des équipes
et de déployer comme une trainée de poudre le digital au sein de sa société et d’en
tirer un avantage concurrentiel. (Fig. 11) ■
Fig. 9 - Un manque de compétences est un facteur clé
de faible maturité des organisations Supply Chain
Fig. 11 - Comment les organisations peuvent-elles accroître
la maturité digitale de leur Supply Chain
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