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M 68 / 1
1er
TRIMESTRE
2016
CHRONIQUE
DES ARTS PLASTIQUES
DE LA FÉDÉRATION
WALLONIE-BRUXELLES
Alain géronneZ, Slalom, 2010
(détail)
68
La Fédération WallonieBruxelles/Administration générale de la Culture,
a pour vocation de soutenir la
littérature, la musique, le théâtre,
le cinéma, le patrimoine culturel
et les arts plastiques, la danse,
l’éducation permanente des
jeunes et des adultes. Elle favorise toutes formes d’activités de
création, d’expression et de diffusion de la culture à Bruxelles
et en Wallonie. La Fédération
Wallonie-Bruxelles est le premier
partenaire de tous les artistes et
de tous les publics. Elle affirme
l’identité culturelle des Belges
francophones.
Muriel Andrin
Paul Ardenne
Raya Baudinet-Lindberg
Jochen Becker
Sébastien Biset
Benoît Brunel
Victor Brunfaut
Sandra Caltagirone
Florence Cheval
Alice Cornier
Laurent Courtens
Thierry de Duve
Colette Dubois
Benoît Dusart
Coline Franceschetto
Jacinto Lageira
Emmanuel Lambion
Estelle Lecaille
Charlotte Lheureux
Thierry Paquot
Cédric Parizot
Laurence Pen
Fabien Pinaroli
Mélanie Rainville
Mathilde Roman
Tristan Trémeau
Aldo Guillaume Turin
Maïté Vissault
Anne Wauters
68
ONT COLLABORÉ
CONSEIL DE RÉDACTION
ÉDITEUR RESPONSABLE
André-Marie Poncelet
Administrateur général de la
Culture
44 Boulevard Léopold II,
1080 Bruxelles
RÉDACTRICE EN CHEF
Christine Jamart
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Chantal Dassonville
Bruno Goosse
Bénédicte Henderick
Renaud Huberlant
Annie Lahure
Anaël Lejeune
Anne-Françoise Lesuisse
Toma Muteba Luntumbue
Eric Van Essche
Maïté Vissault
Jean-Philippe Van Aelbrouck
Pascale Viscardy
GRAPHISME
Pam&Jenny
Pour nous informer de vos
activités :
[email protected]
[email protected]
> l’art même n’est pas
responsable des manuscrits
et documents non sollicités.
Les textes publiés
n’engagent que leur auteur.
ERRATUM :
Dans le précédent n° de l’art même,
une erreur de manipulation a malencontreusement fait disparaître la
majorité des notes de bas de page
de l’article de Marine Schütz, "The
Uses of Rock" paru en pp. 9-11 de
l’AM #67 au sein du dossier "Art
contemporain et cultures populaires". Celui-ci est consultable
dans son intégralité sur le site de
la revue.
EDITO
Face à l’accélération des mutations urbaines, sociales et géopolitiques, face à la crise humanitaire d’une migration sans précédent depuis la seconde guerre mondiale, crise qu’aggrave
le manque de volonté de l’Europe et des Etats de mener et
coordonner une politique d’accueil, ou encore, dans un autre
registre, face à la domestication et l’usage courant de la cartographie en 2D et 3D qui bouleverse notre rapport imaginaire au
territoire et à sa représentation et en consolide les mécanismes
de contrôle, l’on ne compte plus les expositions, colloques,
workshops, collectifs et programmes de recherche transdisciplinaires dédiés aux questions territoriales dans leurs perspectives
les plus diverses.
Anthropologues, architectes, urbanistes, géographes, sociologues, philosophes, mais aussi nombre d’artistes, y croisent
leurs champs respectifs pour œuvrer collectivement à une production active, itérative et performative, souvent au long cours,
d’expériences et de savoirs qui interrogent nos rapports sociaux
et les changements paradigmatiques auxquels ceux-ci se voient
confrontés.
Entre enquêtes de terrain, interventions in situ ou fictions narratives, les pratiques artistiques actent de la nature irrésolue des
frontières qu’elles éprouvent, traversent ou transgressent, dessinent des cartographies subjectives, participatives et vécues,
autant d’outils critiques pour tenter de se réapproprier des territoires en déshérence, de réinsuffler du collectif à un espace
public moribond ou dévasté lorsqu’il n’est pas devenu objet de
spéculation du capital.
La question est politique, et engage une position de résistance
aux politiques d’aménagement de l’espace, voire aux formes
normées et autoritaires des appareils idéologiques d’Etat et de
leur historiographie officielle.
Qu’apporte la pratique artistique de singulièrement opérant en
de tels contextes ? Une capacité à formaliser un discernement,
tant théorique que perceptuel et esthétique voire, dès lors, une
inclinaison à fédérer les recherches ? Ce numéro de l’art même
se penche sur la question au travers de l’expérience menée par
des collectifs transdisciplinaires et par le biais d’expositions et
de publications récentes qui ont précisément pour dénominateur commun la mutualisation efficiente des champs de la
connaissance et de la pratique.
Christine Jamart
Rédactrice en chef
M 68 / 2
1.
Dossier
Sujet (&)
territoire
SUSPENDED
SPACES
INACHEVER,
ET
APRÈS
Vue d’ensemble. Au premier plan :
Stéphane Thidet,
Corps Morts (Les Inséparés), 2013
Sortir du livre, Mains d'œuvres, Paris, 2015
Le collectif Suspended Spaces, dont le nom
renvoie aux espaces sensibles, fragiles, provisoires au devenir empêché pour des raisons de conflits politiques, économiques et
historiques, s’est constitué en 2007 autour
d’un noyau d’artistes et de chercheurs – Brent
Klinkum, Jan Kopp, Daniel Lê, Françoise
Parfait, Éric Valette, auquel entre-temps sont
venus se joindre Kader Attia, Marcel Dinahet,
Maïder Fortuné et Valérie Jouve. Ce collectif
dont la nature et le projet requièrent d’être
en perpétuel mouvement, transformation et
déplacement1, a désormais à son actif quatre
expositions, six colloques, ayant donné lieu
aujourd’hui à trois publications faisant la synthèse des expériences théoriques autant que
pratiques, plastiques et humaines des divers
participants. Selon les lieux – à ce jour, Chypre,
Liban, Brésil, Portugal, France –, les collaborateurs du collectif varient en nombre (parfois
une vingtaine) et en compétences (plasticiens,
architectes, philosophes, anthropologues, historiens d’art, sociologues, géographes…), l’important étant de toujours faire participer celles
et ceux qui vivent et créent dans les multiples
contextes géopolitiques rencontrés, puis de
maintenir les liens ainsi établis en revenant
dans les mêmes pays et développant d’autres
projets, toujours avec les acteurs locaux.
Kader Attia,
sans titre, collage, table, 250 X 120, 2015
Sortir du livre, Mains d'œuvres, Paris, 2015
M 68 / 3
Dossier
Sujet (&) territoire
1 Pour d’autres informations, cf. Pascale
Viscardy, “Suspended Spaces, une introduction”,
in l’art même 61, 1er trimestre 2014.
On peut également consulter le site : http://www.
suspendedspaces.net/entrance/news.html
2 Maurice Godelier, L’idéel et le matériel (1984),
Paris, Flammarion, Champs essais, 2010, p. 9.
3 Inachever la modernité, collectif, Beaux-Arts de
Paris éditions, 2014.
Avec le recul de ces 9 années très productives, l’enjeu de
Suspended Spaces s’est assurément affiné, enrichi, modifié,
mais se développe à partir d’un axe aussi simple par son constat
qu’il est complexe par sa mise en œuvre : revisiter le ou le(s)
projet(s) moderne(s) tant dans ses aspects négatifs que positifs
et chercher à saisir en quoi notre contemporanéité en relève
encore ou non, et en quoi elle peut influencer ou non le futur socio-historique et géopolitique plus ou moins lointain. L’enjeu est
ambitieux, mais le collectif ne pense pas que l’on puisse éviter
cette question et ses conséquences, bonnes ou mauvaises. Il
ne s’agit pas de se substituer aux démarches des historiens, des
géographes, des politiques, des économistes, et, de manière
générale, des protagonistes qui ont une emprise directe et des
plus concrètes sur tous les vivants, mais bien plutôt d’apporter
des compléments relevant de l’esthétique et du sensible, ou plus
exactement, de l’aisthésis au sens large, en ce qu’elle englobe
les modes de vie et d’existence, les manières d’être au monde,
qu’elle intègre la plasticité dans le monde socio-historique. Alors
que la pratique plastique et sensible a lieu quotidiennement
à tous niveaux et dans tous les domaines, ce que l’on peut
appeler le pratico-sensible, on constate qu’elle est souvent écartée, minorée ou ignorée afin de pouvoir être aisément asservie
aux enjeux socio-politiques et instrumentalisations diverses et
variées. Le collectif ne recherche donc nullement l’exotisme,
l’esthétisation du monde ou quelque belle et heureuse harmonie
des cultures. Son apport est fondamentalement critique, au
sens d’une certaine modernité – par exemple, celle de l’École
de Francfort –, laquelle affirme que l’art et l’esthétique sont aussi
une critique de la société et ne peuvent d’ailleurs se soustraire à
cette problématique, qu’ils la rejettent ou qu’ils l’acceptent. Car il
nous faut bien choisir quel projet de société nous voulons voir se
développer et voulons vivre, quelle esthétique voulons-nous qui
serait susceptible d’accompagner, toujours de manière critique,
le monde socio-historique tel qu’il fut, existe actuellement et tel
qu’il deviendra. De fait, comme l’affirme Maurice Godelier dans
L’idéel et le matériel : “les hommes ne se contentent pas de vivre
en société, ils produisent de la société pour vivre ; au cours de
leur existence ils inventent des nouvelles manières de penser
et d’agir sur eux-mêmes comme sur la nature qui les entoure.
Ils produisent donc de la culture, fabriquent de l’histoire, l’Histoire2”. Le collectif Suspended Spaces se veut donc aussi une
configuration pratique et théorique où l’on produit de la société
pour vivre, cela sans tomber naïvement dans la transformation
de la société par l’art et dans l’artialisation de la société. Le
Sujet (&) territoire
Dossier
Vue d’ensemble partie libanaise.
Marwa Arsanios, Yasmine Eid-Sabbagh,
Ziad Antar, Jan Kopp, 2015
Sortir du livre, Mains d'œuvres, Paris, 2015
SUSPENDED
SPACES #3 –
INACHEVER LA MODERNITÉ
BEAUX-ARTS DE PARIS ÉDITIONS, 2014,
FRANÇAIS, 15 X 21 CM (SOFTCOVER),
335 PAGES (ILL. COULEUR), ISBN: 9782-84056-456-0, EAN: 9782840564560
CONTRIBUTIONS DE BASMA ALSHARIF,
ZIAD ANTAR, LEONOR ANTUNES,
GEORGE ARBID, MARWA ARSANIOS,
KADER ATTIA, STEFANIE BAUMANN,
FRANÇOIS BELLENGER, FILIP
BERTE, CÉCILE BOURGADE, DENIS
BRIAND, STÉPHANIE DADOUR, FARÈS
EL-DAHDAH, HABIB DEBS, MARCEL
DINAHET, YASMINE EID-SABBAGH,
BARBARA FORMIS, MAÏDER FORTUNÉ,
GENEVIÈVE FRAISSE, MARION
HOHLFELDT, PEDRO HUSSAK RAMOS,
PIERRE-DAMIEN HUYGHE, HATEM IMAM,
SANDRA ICHÉ, LAMIA JOREIGE, VALÉRIE
JOUVE, JAN KOPP, JACINTO LAGEIRA,
LIA LAPITHI, DANIEL LÊ, GHASSAN
MAASRI, ANDRÉ PARENTE, FRANÇOISE
PARFAIT, CAECILIA PIERI, MOUSBAH
RAJAB, MIRA SANDERS, DELFIM
SARDO, JAD TABET, SIMON TEXIER,
ÉRIC VALETTE, CHRISTOPHE VIART
WWW.SUSPENDEDSPACES.NET
rapport critique à ces questions réside déjà dans la reprise et le
développement de l’une des problématiques de la modernité,
laquelle se constitue dans une relation libre et donc libératoire
au monde et aux autres.
C’est notamment pour cette raison que le troisième moment
de Suspended Spaces s’est intitulé Inachever la modernité 3.
Ce terme quelque peu incongru était ainsi abordé dans l’introduction : “Inachever la modernité : cette injonction paradoxale
est un ordre, une action à mener, dont la finalité semble impossible. Nous ne sommes pourtant pas dans le “à quoi bon”,
ni dans l’esthétique du bâclé. Inachever n’est pas un constat,
c’est un impératif. Il y a bien quelque chose d’inachevé, qui
pose problème, qui nous stupéfie parfois. Mais nous ne voulons
surtout pas en rester à la contemplation de l’inachèvement,
d’autant plus quand il prend la forme de ruines spectaculaires.
Inachever donc, c’est-à-dire continuer à agir, avec ces espaces
hors d’usage, avec ces concepts éculés, avec cette Histoire
trouée, avec ces contradictions et cette violence, pour ne pas
solder et pour ne pas rester dans la mélancolie. Au fond, il s’agit
toujours d’essayer de comprendre. Et de produire des formes et
des idées qui permettent d’étendre la compréhension du monde
qui nous entoure. Les discussions développées à Beyrouth et
à Paris, les expériences croisées à Chypre, au Liban, au Brésil
maintenant, témoignent à quel point nous sommes les enfants
d’une modernité commune, mais à quel point aussi nous avons
souvent été aveugles à la diversité de ses manifestations.” Sans
être, bien évidemment, le premier à revisiter la notion de moderne, de modernité, et ses nombreux avatars -post et néo-,
le collectif Suspended Spaces possède l’avantage de ne pas
seulement théoriser ce qui a pu, est ou devrait être dans ce vaste
domaine, mais surtout de pratiquer la modernité, de la fabriquer,
de la construire, de la faire.
Le collectif est simultanément une théorie de l’agir et un agir
de la pensée. Ce serait une erreur de penser que Suspended
Spaces est constitué de théoriciens et de praticiens cheminant
par des voies parallèles, car est continuellement revendiqué
le fait que le théoricien est inévitablement un praticien du sensible et que tout praticien théorise inéluctablement le sensible
avec lequel il réalise ses œuvres. Rappelons cette formule de
l’Esthétique d’Hegel, toujours d’actualité, selon laquelle “l’œuvre
d’art est l’apparition sensible de l’idée”, autrement dit, l’idée
s’incarne dans une forme et l’œuvre est littéralement la prise
de forme de l’idée.
Autant que faire se peut, le collectif cherche à maintenir cette
dialectique ou du moins cette tension active entre l’aisthésis et
le socio-historique et à lui donner forme, cela a fortiori lorsqu’il
s’agit des expositions, car l’on bute forcément sur la principale
difficulté inhérente aux projets de Suspended qui est comment présenter et représenter les enjeux géopolitiques complexes, lourds, souvent tristes et graves sur lesquels portent
les recherches ? L’une des formes possibles fut tentée lors de
la dernière exposition du collectif à Mains d’œuvres (espace
d’expositions situé à Saint-Ouen, au nord de Paris), intitulée
Sortir du livre. Y fut alors revendiqué le fait que l’exposition ne
soit pas “un bilan de nos activités, mais une nouvelle manière
de les présenter, de les mettre en relation, avec distance et
curiosité. Une expérimentation qui tisse des lignes entre les
œuvres, dessine des axes et articule des perspectives. Pour
cela, nous nous efforcerons de changer d’échelle, changer de
format. Des œuvres produites au fil des expositions passées
seront présentées à une échelle réduite, proche de la maquette.
Certaines réalisations artistiques imprimées dans les livres (portfolios), seront “développées”, soit en présentant les originaux,
soit en proposant une version “exposée”, agrandie, reformulée,
enrichie. Nous proposons ainsi de sortir du livre pour insister sur
les œuvres ; sortir du livre pour prolonger ou rejouer les pages
confiées aux artistes dans nos publications ; sortir du livre pour
exposer autrement la recherche. Ce changement d’échelle invite
à une expérience inédite des productions artistiques par des
M 68 / 4
lectures, des confrontations, des connexions nouvelles. Sortir
du livre, c’est aussi faire des trois publications le fil conducteur
de l’exposition. L’espace de la galerie sera divisé en trois territoires géographiques : Chypre, le Liban, le Brésil.”
Comme on le constate dans ce propos liminaire, il ne s’agissait
pas d’exclure le livre en tant que représentation possible des
activités et productions du collectif, mais de revendiquer une
fois encore des mises en formes elles-mêmes en suspens –
parfois concrètement – entre un déterminisme historique perçu
comme une fatalité et une indétermination quant à la critique et
à la faisabilité de cette histoire. Par l’échelle et le format de ces
œuvres, nous nous retrouvions ainsi confrontés métaphoriquement et littéralement à un véritable rapport scalaire à l’Histoire,
qu’elle soit grande ou petite, mineure ou importante, que nous
soyons écrasés par un sens qui nous échappe ou intégrés à un
sens dont nous sommes responsables en ce qu’il s’agit ni plus
ni moins de l’Histoire faite par les humains et pour les humains.
Le colloque et l’exposition connexe qui se tiendront en avril
2016 à Lisbonne et à Coïmbra constitueront une autre étape
du parcours du collectif, puisqu’il portera cette fois sur les relations post-coloniales entre le Portugal et certains pays africains
(Guinée, Angola, Mozambique), ce qui sera aussi une autre manière de revenir à certaines problématiques liées aux travaux réalisés antérieurement au Brésil et de lancer les toutes premières
pistes de projets qui devront se concrétiser en Afrique noire.
Ici encore, il s’agira pour Suspended Spaces de comprendre
les ravages d’une certaine modernité et les formes plastiques,
architecturales, musicales ou littéraires récentes ou contemporaines de ces pays qui nous présentent non seulement une
toute autre modernité, une anti-modernité, une non-modernité,
le plus souvent un refus de toutes ces notions occidentalo-centrées, et nous engagent à réfléchir plus sur l’inachèvement que
sur la modernité, voire nous invitent à “sortir de la modernité” ;
qui sait ? Une pièce artistique qui demeure “quelque part dans
l’inachevé”, pour reprendre la formule de Rilke, est assurément
plus prometteuse qu’un morceau achevé, aussitôt disparu.
Bertrand Lamarche,
Maison d’artiste (Slide house),
Béton, diapositives, 45 x 25 x 25 cm, 2014
Sortir du livre, Mains d'œuvres, Paris, 2015
NOSTALGIES DU FUTUR ?
HISTOIRES ET HÉRITAGES CROISÉS
DES MODERNITÉS
COLLOQUE INTERNATIONAL,
UNIVERSITÉ DE LISBONNE,
28-29 AVRIL 2016
Jacinto Lageira
Jacinto Lageira est professeur en esthétique à l'université Paris 1
Panthéon-Sorbonne, et critique d'art. Il est également membre du collectif
Suspended Spaces. Parmi ses publications récentes : La déréalisation du
monde. Fiction et réalité en conflit, éd. J. Chambon, 2010 ; Cristallisations
(monographie Jean-Marc Bustamante), éditions Actes Sud, 2012 ; Regard
oblique. Essais sur la perception, La Lettre volée, 2013 ; L’art comme
Histoire. Un entrelacement de poétiques, Paris, éd. Mimésis, à paraître
en avril 2016.
WORKSHOP, UNIVERSITÉ DE COIMBRA
Christophe Viart,
No diving or jumping #2, bois, balsa,
carton, plexiglas, peinture,
382 x 242 x 302, 2015
Sortir du livre, Mains d'œuvres, Paris, 2015
L’usage de la majuscule permet de qualifier une notion globale et paradigmatique :
Homme, Nature, Civilisation, Modernité, État. Les récits déterminés par ces entités
abstraites relèvent généralement de positions surplombantes, celles des Empires, des
Nations, des Musées, des Sciences. Contre ou avec l’Histoire, d’autres points de vue
permettent l’émergence de récits sans majuscules : à proximité, du côté du divers,
du sensible. Ces récits ne décrivent ni système ni programme, ils n’en pleurent pas
l’absence passée ou à venir, ils les déjouent.
Cette articulation entre l’Histoire et les histoires, le récit global et les faits divers, pourrait
nous aider à comprendre d’autres articulations comme celles déjà expérimentées par le
collectif Suspended spaces.
Sans prétendre à une relecture exhaustive des périodes et problématiques liées à la
modernité, il nous semble essentiel de revisiter certaines questions encore en cours,
pendantes, impensées, délaissées, voir occultées, et qui pourraient expliquer pour
partie l’état actuel des débats intellectuels et artistiques, qu’ils se situent du côté
des études postcoloniales, du spatial turn, de l’anthropologie visuelle ou de l’histoire
connectée.
Comme nous avons été amenés métaphoriquement, mais aussi géopolitiquement à
rencontrer des espaces, des situations et des enjeux qui croisent et traversent des
pays apparemment éloignés les uns des autres, mais qui ont entretenu ou entretiennent
d’intenses relations, nous proposons de faire de cette étape portugaise un moment de
connexion entre des histoires et des territoires, le Brésil, le Portugal et les ex-colonies
portugaises en Afrique.
ORGANISATEURS ET INTERVENANTS :
JACINTO LAGEIRA, FRANÇOISE PARFAIT & ÉRIC VALETTE (SUSPENDED SPACE), DELFIM
SARDO (UNIVERSITÉ DE COIMBRA/COLÉGIO DAS ARTES) ET SUSANA DE SOUSA DIAS
(UNIVERSIDADE DE LISBOA)
COLLECTIF SUSPENDED SPACES :
JAN KOPP ET DANIEL LÊ, ARTISTES PLASTICIENS
AUTRES INTERVENANTS :
LEONOR ANTUNES, ARTISTE, VASCO ARAÙJO, ARTISTE, KADER ATTIA, ARTISTE,
STEFANIE BAUMANN, PHILOSOPHE, ROMAIN BERTRAND, HISTORIEN, ÂNGELA
FERREIRA, ARTISTE, MARIE-JOSÉ MONDZAIN, PHILOSOPHE, ANDRÉ PARENTE
– ARTISTE, PROFESSEUR À L’UNIVERSIDADE FEDERAL DO RIO, BRÉSIL, RAQUEL
SCHEFER, PARIS, DOCTEURE EN CINÉMA, PARIS 3
M 68 / 5
Dossier
Sujet (&) territoire
Sammy Baloji,
The Tower’, Municipality of Limete,
March 2015
Sammy Baloji,
New house construction at the roundabout
of Super Lemba. Municipality of Lemba,
Kinshasa, March 2013.
L’ANTHROPOLOGUE
ET LE
PHOTOGRAPHE
2.
Le WIELS exposera au mois de mai le fruit du
travail conjoint de Filip De Boeck et Sammy
Baloji. Le premier est anthropologue, le second
photographe. L’exposition, qui s’accompagnera d’une édition, sera consacrée à l’exploration du phénomène urbain en Afrique Centrale,
plus précisément, au “terrain” commun à ces
deux chercheurs, le Congo RDC1.
l’art même reviendra sur l’exposition dans
un numéro ultérieur. Nous nous intéresserons ici au rapport spécifique entre les disciplines de l’anthropologie et de la photographie que le travail de Filip De Boeck permet
de questionner, dans leur rapport à la ville.
Sammy Baloji,
Site Cielux, Municipality of Masina,
March 2013
Sujet (&) territoire
Dossier
M 68 / 6
On a découvert Filip De Boeck lorsqu’il fut sélectionné par la
Communauté Flamande comme curateur, avec l’architecte et
critique Koen Van Synghel, du Pavillon Belge lors de la Biennale
d’architecture de Venise de 2004. L’exposition, qui se doublait
là aussi d’un ouvrage particulièrement stimulant2, adoptait une
position provocatrice, en ex-centrant son regard de la Belgique
pour se concentrer sur Kinshasa, ex-Leopoldville. De Boeck
s’appuie alors sur le travail de la photographe Marie-Françoise
Plissart, pour construire un propos sur la réalité de la métropole kinoise. Avec l’objectif de “révéler” la ville invisible qui se
cache derrière la ville construite (une ville invisible faite de la
co-présence de mondes et d’êtres différents, de débris de projets inachevés, de rêves et de désirs) 3, l’exposition et l’ouvrage
expérimentent un nouveau rapport entre les disciplines scientifiques et artistiques (ici, l’anthropologie et la photographie). De
Boeck souligne le rapport étroit entre l’anthropologie urbaine
et la photographie : “J’ai du mal à concevoir une ethnographie
de l’’urbanité’, une anthropologie véritablement urbaine, sans
la photographie. La ‘ville moderne’ est un objet visuel. Dans un
sens, elle n’existe qu’au travers de l’image photographique”.4
Dans un article tirant le bilan d’une initiative de rencontre entre
les sciences humaines et les disciplines artistiques 5, il identifie
entre autres la Documenta 11, qui se tint en 2002 sous le commissariat d’Okwui Enwezor, comme “un moment fondateur où
il devenait clair à quel point l’art contemporain (et spécialement
les photographes, vidéastes et autres producteurs de culture
visuelle) possédait des méthodes d’observation ethnographique
appropriées pour capturer, documenter et commenter la ‘black
box’ de notre monde contemporain” (p.560, traduction personnelle). Il insiste dans ce texte sur la notion d’empathie, qui se
fonde dans le cas de De Boeck sur une connaissance en profondeur d’un terrain qu’il “pratique” (parcourt, arpente) depuis
des décennies : “au-delà des sentiments initiaux de curiosité,
de surprise, d’attirance, d’enchantement, de répulsion ou d’effroi qui sont inévitablement présents lors de toute rencontre
signifiante avec un autre monde, c’est la capacité de proximité
réflexive, qui nécessite toujours un certain degré d’empathie, qui
relie et permet la création de collaborations, d’emmêlements,
entre l’anthropologie et le champ artistique” (p.561, traduction
personnelle).
Le travail de Filip De Boeck questionne très explicitement la notion d’objectivité qui constitue un des “lieux de rencontre” entre
anthropologie et photographie. La réalité urbaine contemporaine
de villes comme Kinshasa est, par nature, impossible à “capter”,
que ce soit par le verbe ou par l’image. Dans le travail développé sur Kinshasa avec Marie-Françoise Plissart, que l’on peut
qualifier d’exploratoire en termes méthodologiques, De Boeck
adopte une approche de type indiciaire, faite de fragments que
l’on juxtapose pour donner une image du réel 6. Il relevait d’une
volonté descriptive, basé sur la notion de narration et de “point
de vue”7; seulement en multipliant les renvois entre ces narrations, ces points de vue, peut-on espérer rendre compte du réel.
Le travail développé avec Sammy Baloji va plus loin. S’il partage
la volonté descriptive du premier - De Boeck parle de “break
open the city”, que l’on pourrait traduire par “sortir les tripes de
la ville”8 -, De Boeck entend ici dépasser le constat (du fragment,
du palimpseste), pour, s’appuyant sur la notion d’“acupuncture
urbaine” (une notion proposée par l’architecte catalan Ignasi de
Sola-Morales9 et popularisée à la fin du siècle passé entre autres
par le célèbre “maire-architecte” de Curitiba, Jaime Lerner), proposer une action sur la ville.
Le recours au terme d’acupuncture urbaine renvoie explicitement à l’analogie organique de la ville comme corps - un corps
parcouru de “méridiens” nerveux invisibles, un corps malade
aussi10. Le travail de De Boeck et Baloji se présente comme
une série d’aiguilles plantées dans ce corps, dans des lieux
spécifiques. Si le travail présenté à la Biennale avait une forte
composante nostalgique, on perçoit ici une volonté de tourner
le regard vers l’avenir dans une réalité urbaine en transformation,
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Sammy Baloji,
Farmer in the horticultural marshlands of
the Malebo Pool (Congo River).
Municipality of Masina, Kinshasa,
March 2013.
SAMMY BALOJI
& FILIP DE BOECK
URBAN NOW :
CITY LIFE IN CONGO
SOUS COMMISSARIAT
DE DEVRIM BAYAR
WIELS
354 AVENUE VAN VOLXEM
1190 BRUXELLES
WWW.WIELS.ORG
ÉDITION
DU 8.05 AU 14.08.16
avec l’affirmation de modèles urbains globalisants qui viennent
interférer avec les fragments du passé colonial. Les lieux dans
lesquels De Boeck et Baloji plantent leurs aiguilles analytiques
sont situés tant à Kinshasa qu’ailleurs dans le territoire congolais
(Lubumbashi, Fungurume). Il s’agit de lieux dans lesquels la ville
“… s’allume et s’éteint, où sont générées accélération et grossissement des biens et des gens, où les lignes de connection
entre eux deviennent visibles”11. Les aiguilles mettent ces lieux
en mouvement : elles montrent leur capacité à accueillir des
sociabilité nouvelles, un “vivre ensemble” spécifique.
En toile de fond des interprétations que propose De Boeck de
son travail, on retrouve la tension entre verticalité et horizontalité.
Ces deux notions sont prises dans un sens spatial, littéral (entre
autres, autour de la thématique du trou et de la montagne qui
seraient paradigmes d’une réalité post-coloniale marquée par
l’exploitation des ressources minières), ou figuré (la notion de
trou, “libulu” en lingala, reflétant la dégradation matérielle de la
ville et de sa vie sociale), mais aussi temporel (l’horizontalité étant
synchronie, la verticalité diachronie). La photographie comme
pratique et comme support (comme médium) rend compte de
cette tension. Pour De Boeck, le travail développé avec Baloji
est plus “horizontal” que celui développé avec Marie Françoise
Plissart. Il traite de “la surface, ou le caractère plan de la ville, non
au-delà; des diverses apparences matérielles de la ville, ses infrastructures et architectures telles qu’elles existent aujourd’hui,
dans leurs diverses formes de dilapidation ou d’émergence dans
lesquelles elles se trouvent”12. Le lieu du présent horizontal où
planter l’aiguille, par nature verticale, du chercheur-acupuncteur
urbain.
Victor Brunfaut
Architecte (ISACF La Cambre, Bruxelles, 1991) et docteur en urbanisme
(Roma/Pescara, 2003). Enseigne le projet d’architecture et les questions
liées à l’architecture et l’urbanisme dans le cadre de l’option “Architecture,
Développement, Patrimoine” à la Faculté d’architecture La Cambre-Horta,
ULB. Membre du Centre de recherche HABITER de la Faculté. Architecte
praticien au sein du bureau Karbon, à Bruxelles.
Dossier
1 l’exposition, intitulée Urban Now : City Life
in Congo, se tiendra au WIELS du 8 mai au
14 août prochain. http://www.wiels.org/fr/
exhibitions/794/Sammy-Baloji--Filip-De-Boeck-Urban-Now-City-Life-in-Congo
2 Filip De Boeck et Marie-Françoise Plissart,
Kinshasa. Récits de la ville invisible, Bruxelles, La
Renaissance du Livre, 2005
3 au point de décontenancer quelque peu
l’orthodoxie scientifique. Voir le dossier “Autour
d’un livre”, in Politique africaine, 2008, Volume
110, Numéro 2, pp.171-189, avec les points
de vue de différents auteurs et la “Réponse
aux critiques” de Filip De Boeck. Consulté
sur www.cairn.info. On trouvera une critique
plus intéressante dans Jane I. Guyer (2011),
“Describing Urban ‘No Man’s Land’ in Africa”,
Africa, 81, pp 474-492
4 Interview de Filip De Boeck par Abdoumaliq
Simone, “Kinshasa’s Fluxes and Rythms”, in
Cityscapes, #7, 2015 (traduction V.B.)- http://
www.cityscapesdigital.net/2015/12/09/kinshasas-fluxes-rhythms/
5 F. De Boeck, “Global Prayers: How the
Academy and the Arts Circumambulate the
City”, in Becker J. et alii (éds), Global Prayers.
Contemporary Manifestations of the Religious in
the City. Lars Müller Publishers, Zurich, 2013,
pp. 558-565
6 “Cette approche sociohistorique - que Carlo
Ginzburg appelle à tour de rôle, la “méthode
par présomption”, le “paradigme de l’indice”
ou le “paradigme conjecturel” - s’appuie sur le
principe qu’il est possible, méthodologiquement
parlant, de construire une véritable connaissance
d’ensembles intégrés à partir de morceaux
désarticulés”. In “Le point de vue de M. Anne
Pitcher et Martin J. Murray”, Politique africaine,
2008, opcit, p.178
7 “Les voix des informateurs ne révèlent jamais
l’entièreté de l’histoire du monde social, car,
comme Hastrup le suggère, le “point de vue
indigène” est précisément cela - un point de
vue - et donc seulement une vision parmi toutes
les visions possibles, sans privilège dans l’accès
à la vérité et à l’exactitude. Voir K. Hastrup, “The
native voice and the anthropological vision”,
Social Anthropology, vol.1, n°2, 1993, pp.176177”, note de F. De Boeck dans sa “réponse aux
critiques”, in Politique Africaine, opcit, p.189.
On ne peut s’empêcher de rapprocher ce travail
du magnifique Congo, Une histoire de David Van
Reybrouck (Actes Sud, 2012)
8 Interview de Filip De Boeck par Abdoumaliq
Simone, opcit, p.89
9 voir Solà Morales M., De cosas urbanas,
Gustavo Gili éd., Barcelona, 2008
10 cette seconde dimension de l’analogie,
qui est presque fondatrice de la discipline de
l’urbanisme comme science susceptible de
soigner les maux de la ville, n’est (heureusement)
pas partagée par De Boeck, qui s’intéresse plus
à la dimension systémique (au sens large) que
l’analogie recèle.
11 tiré du texte de présentation du projet d’exposition, Urban Now: City Life in Congo, WIELS
12 Interview de Filip De Boeck par Abdoumaliq
Simone, opcit, p.87
Sujet (&) territoire
Roxane Métayer et Albin Metthey, Boulevarding, Tirana 2015.
Capture d'écran du film d'Albin Metthey en cours de production,
TIRANA [cartes et paysages]
TIRANA
[CARTES
ET PAYSAGES]
CONNAISSANCE
PAR
LES SOLS
3.
Dans l’avant-dernier chapitre de Mille
Plateaux, Deleuze et Guattari opposent deux
types d’espace, le lisse et le strié1. Lisse pour
nomade, strié pour sédentaire. Lisse pour informe, hétérogène, instinctif, mobile, construit
par les déplacements vécus du dedans. Strié
pour structuré, tramé, organisé, statique,
construit par extension de modules quantifiés du dehors. “Dans un espace-temps lisse,
indiquent les auteurs, on occupe sans compter, et que dans un espace-temps strié l’on
compte pour occuper”2.
Opposés historiquement, les deux espaces ont connu un
renversement dans l’histoire humaine récente : porté par ses
besoins d’organisation, le capitalisme a “strié” la planète, à
partir de son foyer de développement : la ville. Mais, porté
par sa dématérialisation et sa financiarisation, le capitalisme
mondialisé a, à son tour, généré du lisse, sous forme chaotique : “Voilà, disent Deleuze et Guattari, que des espaces
lisses sortent de la ville, qui ne sont plus seulement ceux de
l’organisation mondiale, mais ceux d’une riposte combinant le
lisse et le troué, se retournant contre la ville : immenses bidonvilles mouvants, temporaires, de nomades et de troglodytes,
résidus de métal et de tissu, patchwork, qui ne sont même
plus concernés par les striages de la monnaie, du travail ou de
l’habitation. Une misère explosive, que la ville secrète (…)”3.
Obstinément cependant, la ville sédentaire réinvestit l’espace : exproprie, rase, éradique, police, planifie, verdurise,
structure. Striages…
C’est au cœur de cette confrontation que se sont plongés
neuf étudiants de l’erg4 , au printemps dernier, à Tirana, à
l’occasion d’une résidence de dix jours pilotée par leur professeur en cinéma d’animation, Alexander Schellow, et par
Stefanie Bräuer, chercheuse à l’Université de Bâle. Et, si nous
nous sommes donnés la peine de citer le texte de Deleuze et
Guattari, c’est non seulement qu’il a servi de base à la préparation du voyage, mais surtout qu’il devrait nous permettre
de lire le contexte approché, de même que les modalités de
travail adoptées par les étudiants.
Tiphaine Leverne et Jeremy Bosch,
Algorithmes, 2015. Dessins sur calques
Sujet (&) territoire
Dossier
M 68 / 8
Ailleurs
L’Albanie, Tirana : non-lieux, points aveugles, périphéries anonymes de l’Europe, tenues dans un isolement autistique sous
Enver Hoxha (1946-1985), brouillées dans les années 1990 et
2000 par les répercussions de la guerre du Kosovo, de même
que par le poids d’une libéralisation violente, de la corruption et
de la criminalité. Bref, l’Albanie est un pur fantasme. “L’Albanie
n’existe pas” comme l’annonce le film réalisé en 2013 par
Alexander Schellow lui-même 5.
Transposer des étudiants dans cette opacité, c’est porter le
déplacement à l’inconnu, provoquer une présence, une vigilance et un éveil. Prédisposer à cet exotisme dont la sensation,
explique Segalen, “n’est autre que la notion du différent ; la perception du Divers ; la connaissance que quelque-chose n’est
pas soi-même”. Et dont le pouvoir –l’action– “n’est que le pouvoir
de concevoir autre”6.
Pour concevoir autre, il faudra éprouver. Quoi ? Une situation délimitée : une longue friche urbaine, en plein milieu de
la ville. Non légiférée, mais habitée ; déserte mais investie. Y
paissent quelques vaches et brebis. Des masses de déchets y
stagnent et s’y meuvent. Des gens passent, des chiens errent,
des gamins jouent au foot. Au centre : des rues, des maisons
(non répertoriées, non cartographiées, non recensées). En
bordure, au Sud : un centre culturel en ruines et la gare, démantelée en 2013 au profit d’une nouvelle station, excentrée
au Nord-Ouest de la municipalité. Au Nord : la rivière Tirana
et une déchetterie à ciel ouvert, débondant régulièrement sur
l’eau jusqu’à en aveugler la surface. Pas de planification urbaine,
pas de gestion des déchets. Ni eau courante, ni électricité. Les
occupants se connectent illégalement sur les conduites d’eau
et sur le réseau électrique – comme ailleurs à Tirana, du reste -.
Retour du lisse et du troué. Ville patchwork.
Nous sommes au Nord de la ville, juste au-delà du terme du boulevard Zogu Ier (du nom du premier président, puis monarque
de l’Albanie indépendante), axe très structurant, aménagé dans
les années 1930, dont la limite marque l’amorce de la ville nouvelle, celle investie depuis les années 1990 par une masse de
migrants affluant des montagnes. Tirana a connu, en vingt ans,
une véritable explosion démographique. Passant de 200 000 à
800 000 habitants7, la ville a vécu une expansion brutale et une
forte densification. La multiplication des constructions illégales
provoque une asphyxie des espaces publics. Problème qui fut
l’un des chevaux de bataille du très atypique Edi Rama dont
l’administration de la capitale s’attache, entre 2000 et 2011, à
assainir la ville, la débarrassant de bâtisses ressenties comme
des gangrènes 8. Striage…
C’est le même Edi Rama, Premier Ministre depuis 2013, qui, en
2015, bloque un projet de la municipalité de Tirana : l’extension
du boulevard Zogu Ier sur le territoire du site concerné par le
workshop. Au moment où l’atelier prend place, la situation est
donc gelée…
Par les sillons
Sélectionné par la municipalité de la ville – aux mains du Parti
Démocrate, rival de la coalition d’Edi Rama -, le master plan
est le fait du bureau d’architecture Grimshaw (Londres). Il vise
d’une part à assainir le site, d’autre part à l’articuler sur la ville
en prolongeant le boulevard Zogu Ier sur trois kilomètres, tout
en créant des “chambres de vie urbaines” autant qu’un parc
associé à la rivière 9.
Du master plan, on peut dire ceci : espace de représentation,
il perpétue, à l’appui d’une imagerie 3D conviviale et “jeuniste”,
l’idéologie urbaine qui a présidé à l’aménagement du boulevard
qu’il prolonge10. Axialité, monumentalité, évasements agrippés
au tronçon central : c’est un espace dimensionné, pensé horssol, en vertu de conceptions normatives héritées et toujours
de mise. Et, à moins de n’y avoir rien compris, le plan se fiche
comme d’une guigne des usages en cours, des besoins et pratiques du site par ses occupants effectifs. Aux étudiants s’enquérant auprès de la municipalité du sort des habitants, il est
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d’ailleurs apporté cette réponse : “They have to live with it”11…
Des étudiants de l’erg donc. De cordée avec leurs hôtes de l’université d’architecture Epoka (partenaire du projet), ils abordent
le site du dedans, au sol. Ils l’abordent comme un plein, non
comme un vide. Comme un espace lisse plutôt que strié : “Corps
sans organes, au lieu d’organismes et d’organisation. La perception y est faite de symptômes et d’évaluations, plutôt que
de mesures et de propriétés. C’est pourquoi, ce qui occupe
l’espace lisse, ce sont les intensités, les vents et les bruits, les
forces et les qualités tactiles et sonores, comme dans le désert,
la steppe ou les glaces”12. Ce que donne à voir un bref film de
Roxane Métayer, palpant les sons de la zone, esquissant ses
traversées et ses usages, absorbant ses couleurs en compagnie
des chiens.
Eprouver le site, labyrinthe non cartographié : le parcourir, y
cheminer, et à partir de ces marches, tracer une carte. Cette
cartographie du dedans est élaborée par Tiphaine Leverne,
Jérémy Bosch et quatre étudiantes albanaises13. L’effort cartographique se prolonge: une première action rassemble des
usagers pour les inviter à dessiner sur un plan les aménagements qu’ils voudraient voir réaliser. Ces désirs sont rassemblés
et groupés par grappes, puis traités graphiquement dans une
tentative de synthèse des besoins, “sans générer de moyenne”
(de hiérarchie)14.
Gestes
Arnaud Valette et Stefan Boc glanent sur le site des débris et
les groupent en formes géométriques réparties sur l’étendue
de la friche : gaines de caoutchouc, vêtements, matériaux de
constructions et microfilms sont agencés par affinités de textures et livrés à l’usage des passants. Certaines formes sont effacées, d’autres partiellement défaites. Emergences du dedans
qui retournent à l’entropie du lieu.
Roxane Métayer et Albin Metthey perpétuent également la dynamique propre au “labyrinthe” : ils aménagent, avec des matériaux collectés sur place, une cabane, dont les détails sont par
ailleurs esquissés graphiquement15. Etienne Naudin, avec Erisa
Nesimi de l’université Epoka, décide d’intervenir sur l’affiche de
propagande placée par la municipalité au bout du boulevard16.
Destiné à camoufler l’abîme de la friche, le placard montre une
flatteuse image du projet à venir. Comme pour restituer le réel
et réhabiliter ses possibles, les étudiants décident de couvrir
l’affiche d’une photographie de la friche prise suivant la même
perspective. Opération nocturne (collégiale), intervention de
passants et de la police. Longues négociations…
TIRANA
[CARTES ET PAYSAGES]
ARDIOLA BARDHOSHI, PIERRE BARICK,
RUDINA BELBA, ENEIDA BERISHA,
JEREMY BOSCH, STEFAN BOC, RUDINA
BRECANI, AZBIE DERVISHI, HAXHIRE
DHIARI, KRISTJANA DOKA, KLELIA
HAXHIHYSENI, TIPHAINE LEVERNE,
ROXANE MÉTAYER, ALBIN METTHEY,
GILSERENA MIRASHI, ETIENNE
NAUDIN, ERISA NESIMI, JONA OSMANI,
ALEXANDER SCHELLOW ET MATILDA
ZYLFO
GALERIE DE L’ERG 50°49’19.50’’N
4°21’25.53’’E
1050 BRUXELLES
DU 16.12.15 AU 8.01.16.
UN PREMIER CHAPITRE DE L’EXPOSITION
FUT PRÉSENTÉ AU CENTRE CULTUREL
TULLA, TIRANA EN AVRIL 2015
WWW.ERG.BE Laurent Courtens est critique d’art, conférencier et commissaire d’expositions (FLESH, FLESH II, Corps commun, Die welt ist schön, L’image qui
vient). Il écrit pour les revues l’art même, H ART et DIT(s). Il a apporté
plusieurs contributions à des catalogues d’artistes (Eric Van Hove, Dany
Danino, Philippe Cardoen, Evelyne de Behr, Thierry Verbeke…). Il s’intéresse en particulier aux relations qui unissent mouvement social, éducation
populaire et histoire de l’art. Il porte dès lors son attention aux contextes
qui désenclavent l’art de ses prérogatives d’experts (Université populaire
de Bruxelles, Collectif Formation Société, travail dans des classes de
secondaire…). Ces différentes préoccupations s’inscrivent dans le travail
quotidien de programmation à L’iselp.
1 Gilles Deleuze et Félix Guattari, “1440 – Le
lisse et le strié” in Mille Plateaux. Capitalisme et
schizophrénie 2, Paris, 1980, Editions de Minuit,
Collection “Critique”, pp. 592-625
2 Op. cit., p. 596
3 Op. cit., p.601
4 Ecole de recherche graphique – école supérieure des arts, Bruxelles. www.erg.be
5 Alexander Schellow, Tirana, Films de Force
Majeure, index.film, Le Fresnoy, 2013, 26’
6 Victor Segalen, Essai sur l’exotisme, une
esthétique du divers, 1ère édition (posthume),
Fata Morgana, Montpellier, 1978
7 https://en.wikipedia.org/wiki/Tirana
8 L’artiste devenu Maire s’est surtout rendu
célèbre par la mise en couleurs des bâtiments
de la ville. Il s’en explique dans une conférence
à Thessalonique: https://www.ted.com/
talks/edi_rama_take_back_your_city_with_
paint?language=fr
9 http://grimshaw-architects.com/project/
tirana-masterplan/
10 Boulevard dont il vaut de signaler qu’il fut
pensé dans les années 1920, dans le cadre d’un
plan directeur élaboré par deux architectes italiens, Florestano de Fausto et Armando Brasini,
très investis dans les grands travaux de l’Italie
mussolinienne. Envahie par l’Italie en 1939,
l’Albanie vit sous l’influence de son puissant
voisin dès les années 1920. Au même titre que
d’autres axes dessinés par les plans italiens, le
boulevard Zogu Ier joue un rôle structurant dans
le développement de la toute nouvelle capitale
qui, en 1920, n’est guère plus qu’une petite ville
de province.
11 Tiphaine Leverne et Jeremy Bosch,
“Dialogue”, 2015
12 Gilles Deleuze et Félix Guattari, op. cit.,
p. 598
13 Ardiola Bardoshi, Kristjana Haxhihyseni,
Haxhire Dhiari et une prénommée Klelia.
14 Entrevue, 8 janvier 2016
15 http://roxanemetayer.tumblr.com/
16 Chacun des sous-groupes mobilisait des
étudiants de l’erg comme de l’université Epoka,
mais toutes les correspondances ne nous ont
pas été communiquées. Les autres étudiants
albanais sont Rudina Belba, Rudina Brecani,
Azbie Dervishi, Gilserena Mirashi, Jona Osmani
et Matilda Zylfo. Albin Methhey a, pour sa part,
composé un documentraire, encore en cours
de production.
17 Passée au Parti Socialiste en juin 2015, la
Mairie de Tirana s’est en effet empressée d’initier
des travaux, dans une perspective dont nous
ignorons la nature exacte.
Dossier
Sujet (&) territoire
Les témoignages de ces interventions étaient à voir fin 2015,
dans la Galerie de l’erg. L’exposition TIRANA [cartes et paysages] – qui présentait également une topographie mémorielle du site basée sur des animations graphiques d’Alexander Schellow – ne prétendait pas circonscrire une complexité
urbaine que la politique d’aménagement s’est, dans l’intervalle,
chargée d’effacer17. Mais elle donnait à ressentir combien le
déplacement pouvait se montrer propice à mobiliser les formes.
Non dans une perspective de normalisation autoritaire, mais,
bien au contraire, dans une dynamique d’investigation par le
bas, d’incorporation au tissu du réel. Pour y activer la vie, la
révéler, formuler les nécessités du dedans. La cartographier
par le Tendre…
Laurent Courtens
MACHINES
DE
GUERRE
URBAINES
Sujet (&) territoire
Plug-in Berlin – Mesures
Berlin, 2001
Tirage argentique noir et blanc,
13 x 18 cm, issu d’un ensemble
de 27 photographies
L’ouvrage se présente comme un inventaire dense des nouvelles pratiques artistiques de type “machines de guerre”
engagées aujourd’hui et depuis une vingtaine d’années dans
nos villes. L’ouverture va au combat écologique mené au sein
même de nos cités par les autonomes, artistes au premier
chef, dressés souvent contre les projets “verts” institués par
les municipalités, toujours suspects de démagogie et de racolage électoral (“Végétal et nature en ville”). Y fait suite, menée
de main de maître par Alain Milon, spécialiste du genre, une
étude sociologique sur le street art approché comme formule
diversement séditieuse, dans une perspective de pesée de la
valeur comparée, en guise de souillure urbaine, du graffiti et
de la publicité, aujourd’hui envahissante. Des pages passionnantes, ensuite, sont dédiées aux artistes “occupants”, ceux
qui s’emparent de la ville de libre droit pour y vivre à leur aise
ou pour y concevoir abris de refuge ou architecture non programmée (Étienne Boulanger et l’action dans l’“interstice”),
hors toute autorisation, en se saisissant du bien commun à
des fins relevant de l’éthique de la sollicitude, dans l’esprit
de la bienveillance sociale et solidaire. À cette première partie s’ajoute, pour enrichir le corps du livre, une lumineuse
analyse, par Vincent Jacques, de l’apport de la théorie de
la “machine de guerre” ainsi que de la “dérive” urbaine (Guy
Debord) au champ philosophique, sociologique et politique,
outre des développements opportuns, dans le sillage de la
pensée de Michel Foucault, ayant trait aux hétérotopies, tous
“lieux autres” de la ville contemporaine, celle des chantiers et
des extensions, non sanctuarisés par la puissance publique.
On sait les corrélations de plus en plus étroites qui unissent
l’art et la ville à compter de la modernité, lorsque la ville refondue par la Révolution industrielle se met à happer l’attention
des artistes et devient le chronotope majeur des créateurs.
Représenter cette ville effervescente en peinture (Monet, La
gare Saint-Lazare), en photographie (Zola, Atget), en littérature (de Zola pour Paris à New York pour Dos Passos, auteur
du roman simultanéiste Manhattan Transfer) ou au cinéma
(Metropolis, de Lang) accrédite le triomphe du réalisme valorisé dès les années 1850 par Gustave Courbet : la mission de
l’artiste, nouvel émissaire laïque des formes prenant à bras
le cœur la mimesis la plus pointilleuse, c’est de représenter
le monde tel qu’on le voit au ras des choses et dans son
instant T, quelles que soient sa réalité et la dureté de celle-ci
(Courbet, Les casseurs de pierre).
Dossier
M 68 / 10
4.
Cet ouvrage collectif, paru au moment de la
Cop 21 sur fond de nobles promesses d’équité
faites main sur le cœur par nos grands dirigeants, tombe à pic. Sa directrice, la philosophe Manola Antonioli, se propose d’y inventorier, en en explicitant la nature, les nouvelles
formes de résistance civique en milieu urbain,
celles d’abord qui émanent du champ artistique. “Machines de guerre urbaines” – de quoi
parle-t-on ? La formule est de Gilles Deleuze
et Félix Guattari, auteurs, en 1980, du maître
volume Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie 2 (éditions de Minuit), véritable
Phénoménologie de l’Esprit du 20ème siècle
où cette formule est développée. La “machine
de guerre”, c’est, pour résumer, l’arsenal théorique et pratique mis en place par des sujets
libres pour contrebuter le pouvoir toujours
excessif et excessivement normé et dirigiste
des sociétés instituées. Au plus large, tout
peut “faire” “machine de guerre” (une thèse,
un geste, un parti politique, une forme, une
proposition artistique…) à partir du moment
où l’enjeu est l’amoindrissement du pouvoir
imposé, son rétrogradage, au mieux sa mutation dans le sens de la désautorité.
Beijing Olympic Games 04-06
Pékin, 2004
Diapositive 35mm
Images issues de l’inventaire photographique de la ville-chantier
Machines de guerre urbaines ,
page intérieure, 2015, coéd.
La Maréchalerie, l'ENSA Dijon et Loco
LES TEXTES RÉUNIS
DANS MACHINES DE GUERRE
URBAINES SONT ISSUS
DE RECHERCHES MENÉES
PARALLÈLEMENT DANS LE
CADRE DES ACTIVITÉS DU LARU
(LABORATOIRE DE RECHERCHE
URBAINE) DE L’ÉCOLE NATIONALE
SUPÉRIEURE D’ART DE DIJON ET
DES CONFÉRENCES MANÈGES
ORGANISÉES PAR LE CENTRE
D’ART LA MARÉCHALERIE DE
L’ECOLE NATIONALE SUPÉRIEURE
D’ARCHITECTURE DE VERSAILLES. SOUS LA DIRECTION DE : MANOLA ANTONIOLI
TEXTES / ŒUVRES DE : LARA
ALMARCEGUI, MANOLA ANTONIOLI,
NIVALDA ASSUNÇÃO DE ARAUJO,
NATHALIE BLANC, MATTHIEU BLOND,
NATHALIE BREVET, MARIE-CHRISTINE
BUREAU,YVES BURAUD, FRANCESCO
CARERI, PAUL CHANTEREAU, JULIEN
CHOPPIN, CÉLINE DUHAMEL, CYRIA
EMELIANOFF, EMELINE EUDES, ANAALICE FINICHIU, KATIA GAGNARD,
VINCENT JACQUES, LAURENT KARST,
BENOÎT MAITREJEAN, LAURENT
MATRAS, VINCENT MAYOT, VINCENT
MICHEL, ALAIN MILON, VALÉRIANE
MONCHÂTRE, LILIANA MOTTA,
JOFFREY PAILLARD, GILLES PATÉ,
HÉLÈNE ROBERT, HUGUES ROCHETTE,
SYLVIE ROUXEL, ALESSANDRO VICARI,
CHRISTIANE VOLLAIRE, NATHALIE
VIDAL, CHRIS YOUNÈS.
2015, COÉDITÉ PAR LA
MARÉCHALERIE, L’ENSA DIJON ET LES
ÉDITIONS LOCO, 14X21 CM, 304 PAGES,
30 REPRODUCTIONS EN BICHROMIE,
COUVERTURE BROCHÉE. ISBN 978-2-919507-45-0
Quelle est dorénavant la place de l’artiste, sa seule position
géodésique possible à présent que le centre de gravité de la
nouvelle civilisation de la vapeur, du charbon et de l’usine a
basculé des campagnes vers les “villes tentaculaires” et leur
agitation fébrile chères à Émile Verhaeren, ce même Verhaeren
qui mourra écrasé par un train en gare de Rouen ? Dans la cité,
au milieu des gens, au sein de la vie hautement rassembleuse,
pulmonaire et pulsatrice des cités.
Cette position de plus en plus contextuelle, chaque jour plus
proche des réalités vécues, génère dans son sillon historique,
tout au long du 20 e siècle, une nouvelle façon de “faire art” :
création participative, interventions directes, campagnes
pétitionnaires ou revendicatrices… sur fond d’accroissement
de la démocratie immédiate et de passion combative pour la
res publica, la “chose publique”. La “machine de guerre” est
en marche, stricto sensu, qui peut être comme le montre cet
ouvrage pacifiste (guérilla verte), violente (street art hardcore),
adepte de la furtivité (occupation illicite d’espaces publics ou
privés, constructions non déclarées, squat art)…, l’important
résidant dans sa capacité à fracturer le “molaire” (les institutions,
le pouvoir dominant, l’organisation sédentaire) au bénéfice du
“moléculaire” (les structures hors cadre, parasites, pirates, nomades et non fixées sur le territoire), pour en inférer de nouveau
par le vocabulaire de Mille plateaux où Deleuze et Guattari inventent ces deux classifications, dans le chapitre “Micropolitique
et segmentarité”. “Micropolitique”, “segmentarité”, c’est bien de
cela qu’il s’agit au regard de l’ethos de ces nouvelles pratiques
d’art. Il convient, tout à la fois, de se positionner contre l’establishment et ses règlements tutélaires, facteurs de contrainte,
et de privilégier l’action politique de détail, de creux, de repli,
de dimensionnement réduit (la horde contre la masse) dans
cette perspective subversive, “segmenter” le corps rigide de
la puissance d’État, fragiliser autant que faire se peut l’emprise
des “A.I.E.”, les Appareils Idéologiques d’État (Louis Althusser).
Pas de combat frontal mais plutôt l’embuscade, voire le pas de
côté, la désertion, le repli dans des zones désinvesties où se
saisir, le temps que l’on pourra, de la liberté.
Très présent en filigrane dans les formes d’activisme évoquées
dans cet ouvrage, l’esprit plus anarchiste que rebelle de la “TAZ”,
“ZAT” en français, Zone d’Autonomie Temporaire, irrigue page
après page Machines de guerre urbaines. Il est bien clair qu’on
ne saurait attendre de l’État “molaire” qu’il se laisse faire, que,
brusquement conscient de sa force d’oppression, de l’iniquité
de celle-ci et porté à s’en repentir, il vienne à baisser les bras et
à jeter les armes. Par principe, l’institution s’établit dans la durée,
elle est cette entité administrativo-politique dont la vocation est
la pérennité, la capacité à survivre à ses fondateurs. L’institution,
par le déni de la mort qu’elle incarne, n’est pas du côté du réel
et des hommes qu’elle dirige et encadre pourtant. La “TAZ”,
dans ce cadre contraint in nucleo et difficilement amendable (la
révolution n’est jamais programmée, pas plus que ne sont assurés ses futurs effets libérateurs), représente cette zone certes
reculée mais par là même protégée de la surveillance d’État où
l’artiste peut opérer à peu près comme il l’entend, dans le sens
du “terrorisme poétique” (Hakim Bay) si tels sont son projet et
son dessein. La modernité rêvait de révolutions grandioses, de
foules immenses brandissant des drapeaux rouges ou noirs
sur d’immenses agoras réinvesties par l’âme populaire – on
a vu le résultat, catastrophique, inhumain. La postmodernité
préfère pour sa part la “créativité diffuse” (Pascal Nicolas-Le
Strat), elle tire profit de persévérer dans le mode d’activisme
aussi prudent qu’excentré rodé voici un quart de siècle par
les Travellers, premiers maillons de la culture techno, dans les
années 1980-1990. Que disait alors le traveller ? Notre fête libre,
organisons-là où il n’y a aucun pouvoir en vue, au plus loin s’il le
faut, dans un champ, dans un hangar abandonné ou dans une
friche. Nous partirons à l’aube sans avoir engagé le processus
révolutionnaire ? Qu’à cela ne tienne. Du moins aurons-nous
joui de musique et de transe jusqu’au lever du Soleil, maîtres
M 68 / 11
Dossier
de nos corps, de nos gestes débridés, de notre débordement,
de notre insoumission.
Machines de guerre urbaines, avec une rigueur coupante, aussi
bien philosophique que documentaire, traite de tout cela. Cette
impression en émane : un nouveau monde, déjà, est né, en dépit de l’apparent triomphe mondialisé du néolibéralisme, de la
finance et de l’hypermarchandisation de nos vies, nonobstant
notre croissante classification non plus comme sujets et citoyens
mais comme consommateurs. Si la décroissance et l’indifférence à la vie sur-matérielle ne sont pas encore entrés dans
les mœurs, dont la métaphysique penche encore nettement
du côté du shopping comme planche ultime de salut, il semble
bien pourtant qu’un nouveau monde est à naître, un monde
revisitant ses fundamenta dont ce volume, en creux, donne
une idée saillante, entre culture du respect d’autrui, préférence
donnée à l’action locale et solidarité interhumaine. Un monde
où les réseaux intersticiels et les pratiques pirates, sans doute,
vont demeurer encore longtemps minoritaires mais où elles n’en
apparaissent pas moins comme exemplaires, comme ferment
de fraternité et comme laboratoire éthique.
Comment qualifier d’un terme cet ouvrage que l’on va dire
aussi bienvenu que nécessaire en ces temps de “manque” ?
Le terme qui s’impose, que l’on empruntera comme il se doit à
Guattari, est celui d’écosophie. Traité d’écosophie, de science
et de raison écologique, Machines de guerre urbaines l’est sans
conteste dans la mesure déjà où son entier propos, comme la
Lune autour de notre Terre, tourne et retourne autour du “care”,
du soin, de l’économie politique de la bienveillance. L’écosophie,
cette conception élargie de l’écologie, ne se satisfait pas de
l’apolitisme, du désengagement, de la seule pratique de l’entretien de notre environnement. Elle implique que l’écologie soit
plus qu’une question de rapport personnel et collectif entre le
sujet humain et la biosphère qu’il habite, ce rapport serait-il tissé
au nom de la présence respectueuse du premier par rapport à
la seconde. L’écosophie, au-delà du geste respectueux envers
la nature, est une affaire de politique, de socialisation égalitaire,
de partage équitable : respecte ton prochain comme tu respectes ton environnement. La leçon générale de cette étude ?
En vérité, le sens même de l’écologie, qu’elle soit dite diversement “profonde” (revenir aux racines, à l’animisme, au chamanisme), “politique” (changer la vie, transformer le monde) ou
simplement “pratique” (tout rendre propre, restituer à la nature
ce qu’on lui prend), se doit d’être élargi. Ce qu’ailleurs Bruno
Latour, philosophe de l’anthropocène commençant, exprime
ainsi, avec à propos : “Nous sommes dans un moment de réarmement général. Les champs lexicaux s’usent, mais l’usure
lexicale ne frappe pas simultanément tous les termes. Le terme
de nature est trop homogénéisant. Celui d’écologie, limité ; il
réduit l’étendue des problèmes, car la question écologique n’est
pas qu’environnementale mais concerne également l’habitation,
les modes de vie et de survie, l’organisation générale” (Bruno
Latour, “Rien ne peut plus arriver aux modernes”, art press, n°
428, déc. 2015, p. 56).
Paul Ardenne
Universitaire (UFR Arts, Amiens), collaborateur, entre autres, des revues Art press
et Archistorm, commissaire d’expositions dont, récemment, “Filip Markiewicz,
Paradiso Lussemburgo”, Pavillon du Luxembourg, 56 e Biennale d’art de Venise
(2015), “Fragmentations”, Hybride 3, biennale de Douai (2015), 1re biennale
art nOmad, “Sublime de voyage” (2015), mais aussi romancier, Paul Ardenne
est l’auteur de plusieurs ouvrages ayant trait à l’esthétique actuelle : Art, l’âge
contemporain (1997), L’Art dans son moment politique (2000), L’Image Corps
(2001), Un Art contextuel (2002), Portraiturés (2003), Extrême - Esthétiques de
la limite dépassée (2006), Images-Monde. De l’événement au documentaire
(avec Régis Durand, 2007), Art, le présent. La création plastique au tournant du
21ème siècle (2009), Moto, notre amour (2010), Corpopoétiques 1 (2011), Cent
artistes du Street Art (2011). Il est aussi l’auteur, dans le domaine de l’architecture
et de l’urbanisme, de plusieurs monographies et études, dont Rudy Ricciotti,
Alain Sarfati, Philippe Gazeau, Brunet & Saunier, Jacques Ferrier, FGPa, 5+1AA,
Franklin Azzi... Il a co-organisé (avec Barbara Polla) en 2012, à Genève, le colloque international Architecture émotionnelle. On lui doit un essai sur l’urbanité
contemporaine, Terre habitée - Humain et urbain à l’ère de la mondialisation
(2005, rééd. augmentée 2010).
Sujet (&) territoire
5.
CARTOGRAPHIE
DE L’ACTION
URBAINE À L’AUNE
DES MOBILISATIONS
DE RÉFUGIÉS
À KREUZBERG
(BERLIN)
Wiederaufnahmeprobe
Detail of the mapping "Resumption
Rehearsal" by Diana Lucas-Drogan,
Jochen Becker, Muhammad Asif Syed
and others.
Photo: Diana Lucas-Drogan.
MAPPING
ALONG
THE REFUGEE
COMPLEX
Après une longue marche de protestation à
travers toute l’Allemagne et une grève de la
faim devant la porte de Brandebourg, les réfugiés ont installé en 2012 un campement de
protestation sur l’Oranienplatz, à Kreuzberg
(Berlin). Les revendications des réfugiés et
leurs actions font partie d’un mouvement
d’action citadine plus large. Leur combat pour
le “droit à la ville” (Henri Lefebvre) a créé des
espaces de débats politiques ainsi que de
nouvelles pratiques pour une société urbaine
future. Ils expérimentent de façon exemplaire
les stratégies nécessaires à l’apparition d’une
société urbaine engagée activement pour une
“urban citizenship”, dans l’égalité de droits.
Sujet (&) territoire
Refugee organizer Muhammad Asif Syed
in front of the mapping "Resumption
Rehearsal" by Diana Lucas-Drogan,
Jochen Becker, Muhammad Asif Syed
and others.
Photo: Anne Anne Huffschmid.
Dossier
À travers des liens sociaux et structurels se crée un réseau
urbain, qui s’étend socialement et médiatiquement, pour –
comme l’écrit le philosophe français Étienne Balibar – “créer
une façon d’agir politique hybride, qui se situe à l’endroit précis où les conflits du monde se rencontrent, de façon singulière mais potentiellement efficace à l’échelle transnationale
(et en ce sens déjà cosmopolite)”1 .
Le droit à la ville doit écrire de nouvelles “lois” dans une
langue à inventer ensemble, qui puisse être employée par
tous : “La définition du droit est en soi l’enjeu d’une lutte qui
doit accompagner la lutte menée pour la mise en œuvre de
ce même droit”2. Il est important de rappeler ici les règles
difficilement négociées entre les représentants de la ville
et les réfugiés, selon lesquelles ils ont accepté de quitter
l’Oranienplatz et plus tard l’école Gerhart-Hauptmann qu’ils
avaient occupée.
Voir l’occupation de l’école désaffectée comme l’appropriation par effraction d’un bien collectif ne signifie pas seulement
affecter un bien public (en l’occurrence, un bâtiment vide) à
un usage public (pour l’utiliser comme logement et lieu de
réunion). Cela signifie aussi ouvrir un espace discursif pour
provoquer un débat tangible sur des droits fondamentaux
bafoués de façon permanente. Les contrats rédigés à la main
ont été brandis de façon ostensible devant les caméras, en témoignage de cette légalité précaire. L’administration de la ville
a aussitôt rompu ces accords pourtant rédigés ensemble, en
les ignorant de façon mesquine.
M 68 / 12
Refugee Amdi Niang and artist Christian
Hanussek in front of the mapping "sur
place" by Anne Huffschmid, Christian
Hanussek, Amdi Niang, Napuli Paul Langa
and others.
Photo: Anne Anne Huffschmid.
A PARAÎTRE:
CHINAFRIKA. UNDER
CONSTRUCTION,
STEIRISCHER HERBST, GRAZ, 2015
& 2016
WWW.METROZONES.INFO
WWW.GLOBALPRAYERS.INFO
WWW.LEARNINGFROM.COM
WWW.SMUR.EU
metroZones – Centre sur les affaires
urbaines – est une association
indépendante créée à Berlin en 2007 et
consacrée à l’étude critique de la ville. À
la croisée de l’art, de la recherche et de la
politique, metroZones associe dans ses
projets une approche scientifique, des
pratiques culturelles et des interventions
politiques. Son but est la discussion
publique et politique des intérêts, des
univers quotidiens et des conflits de la
cité. L’association s’appuie pour cela
sur des coopérations transnationales,
transdisciplinaires et institutionnelles.
Les membres de metroZones sont
actuellement : Jochen Becker
(commissaire d’exposition et critique),
Christian Hanussek (artiste et commissaire
d’exposition), Anne Huffschmid
(recherches culturelles et auteure),
Stephan Lanz (recherches urbaines et
commissaire d’exposition), Oliver Pohlisch
(recherches culturelles et journaliste),
Katja Reichard (librairie Pro qm), Erwin
Riedmann (sociologue et informaticien),
Kathrin Wildner (ethnologue urbaine et
commissaire d’exposition).
1 Étienne Balibar, Égaliberté, Berlin, 2012, p. 71.
2 David Harvey, Rebellische Städte, Francfortsur-le-Main, 2013, p. 19.
3 http://english.gorki.de/programme/specialevents/second-berliner-herbstsalon/
4 Ce théâtre municipal “post-migratoire” se voit
comme une scène s’adressant à l’ensemble de la
population de la ville.
5 Avec, entre autres, Oumar Asouman,
Mohammed Atwah, Sanarth Banerjee, Jochen
Becker, Ousmane Fouha, Christian Hanussek,
Anne Huffschmid, Laura Klatt, Muhammed
Lamin Jadama, Stephan Lanz, Diana LucasDrogan, Amdi Niang, Napuli Paul Langa, Jelka
Plate Marlene Rudloff, Muhammad Asif Syed,
Barbara Wessel.
Berlin Field Recodings
Comment les réfugiés se déplacent-ils dans une ville comme
Berlin, comment s’en sortent-ils, où trouvent-ils leurs espaces,
quelles images ont-ils d’eux-mêmes ? En collaboration avec
les artistes Sarnath Banerjee, Christian Hanussek et Diana
Lucas-Drogan, ainsi que de nombreux autres participants,
metroZones (Centre sur les affaires urbaines) a développé une
suite de trois mappings qui – chacun avec des styles et préoccupations distincts – thématisent les expériences urbaines des
réfugiés : “Mapping along the Refugee Complex”. Il y est question de droits et d’espaces, de quotidien et d’état d’exception,
des capacités d’action individuelles et collectives. Qu’est-ce que
signifie re-coder une ville ?
Mapping ne veut pas simplement dire “illustrer” : mapping se
situe à la croisée du témoignage documentaire (audiovisuel ou
chronologique) et de “l’art libre” créé par chacun. Nous partons
du principe qu’en parlant, en dessinant, en observant, naissent
des correspondances rendant visible certaines choses, qui ne
seraient pas apparues par d’autres moyens (que ce soit la reconstruction photographique ou l’écriture narrative). L’important
n’est pas la carte : le mapping est un processus. Avec toutes
ses ambiguïtés par ailleurs : à qui cette cartographie, et ses renseignements, peut-elle être utile ? Qu’est-ce qui devient visible
et localisé – et qu’est-ce qui reste invisible ? La cartographie
peut servir d’outil pour visualiser des relations et des processus
politiques, pour initier des pratiques participatives et créer de
nouveaux espaces d’“urban citizenship”.
Avant le travail de cartographie proprement dit, des recherches
ont été menées au sein de trois groupes de travail, où les réfugiés et d’autres participants ont été interrogés sur leurs expériences et leurs réflexions, leurs souvenirs et leurs souhaits,
les rédigeant en partie eux-mêmes. Les récits d’expériences
d’avocats, de bénévoles, de militants, ainsi que le matériel photographique et les textes d’initiatives de soutien au mouvement
des réfugiés, à l’instar du collectif d’exposition “We will rise”,
créent ici le cadre politique et esthétique.
Les mappings constituent la tentative d’une traduction (carto-)
graphique, au sens large, des constellations narratives, spatiales
et discursives émergeant dans ce cadre. Comme une sorte de
trilogie, elles évoquent les différentes dimensions de ce que
nous appelons le “Refugee Complex” : la série d’images ‘in the
system’ tourne autour de la privation de droits, des tactiques
quotidiennes, des stratégies de survie et des formes de résistance ; la cartographie collective ‘sur place’ reconstruit l’occupation d’espaces urbains et l’organisation au jour le jour d’états
d’exception ; la partition à plusieurs niveaux ‘wiederaufnahmeprobe’ (“reprise de la répétition”) pose une nouvelle fois la question d’un centre de réfugiés autogéré dans la ville, une réalisation
qui a jusqu’à présent échoué malgré les occupations et des
négociations serrées.
Ce processus d’exploration et de production, appelé Berlin Field
Recoding, créé dans le cadre de la biennale d’art Herbstsalon
20153 du théâtre berlinois Maxim-Gorki4, ainsi que deux précédents saloons de metroZones dans le même théâtre sur la
mobilisation des réfugiés, ont été intégrés aux méthodes participatives de notre cartographie pour, tous ensemble, avec les
différents acteurs, développer une perspective sur le “Refugee
Komplex” qui puisse être présentée de façon graphique. À travers des (re)lectures (ateliers internes, visites, vidéo, ateliers en
public), ces cartographies doivent être sans cesse réactivées
et discutées 5.
Re-readings
Les cartographies ont été discutées en deux phases : lors
d’un atelier interne où furent discutés les résultats, dessins et
méthodes de chacune des trois équipes, avec les participants
du projet.
Puis lors d’une présentation publique dans le foyer du studiothéâtre du Gorki, les trois cartographies ont été présentées par
M 68 / 13
Dossier
et avec les participants du projet, pour une re-lecture.
À la suite de cette présentation, les questions du mapping et
de la coopération ont été débattues lors d’une table-ronde avec
d’autres invités, de même que la question de savoir quels nouveaux espaces pouvaient émerger de ces processus. Parmi les
invités se trouvaient Christoph Schäfer (Planbude, Hambourg),
Peter Spillmann (MigMap, Zurich/Berlin), le collectif d’exposition
berlinois We will rise, ainsi que les réfugiés militants Napuli Paul
Langa et Muhammad Asif Syed.
Les contributions de metroZones, des cartographes, des réfugiés participants ainsi que des experts externes des mappings
doivent maintenant être rassemblées dans le cadre d’une publication, débattues à nouveau et, accompagnées des cartographies, retravaillées de façon éditoriale. L’idée est de réfléchir au
processus et à ses contradictions, concernant notamment les
différentes pratiques et perceptions temporelles. La hiérarchie
de pouvoir entre les représentants de la ville et les différents
groupes occupant l’école Hauptmann s’est manifestée entre
autres par le fait que le représentant politique du quartier était
toujours ponctuel, tandis que les réfugiés participant aux négociations de façon tournante étaient occupés ailleurs.
Dans les rencontres avec les acteurs du mouvement des réfugiés, nous avons été confrontés régulièrement à des perceptions de temporalité différentes : comme lorsqu’un projet de
recherche artistique est réalisé, produisant dans un temps court
des résultats tangibles, mais où souvent les relations intenses
créées disparaissent ensuite rapidement. Pendant les discussions sur l’évaluation de la situation politique, les citoyens
allemands avaient tendance à déceler sur le long terme une
amélioration de la situation, appréciation impossible à partager
pour un réfugié souvent sous la menace d’une expulsion. En
outre, on voit clairement combien les choses peuvent basculer
rapidement quand, par exemple, lors d’une rencontre, un nouvel
invité insiste pour prendre la parole car il faut de toute urgence
faire quelque chose contre le soudain durcissement de la loi
sur l’asile.
Les rapports entre les différentes temporalités font partie d’un
apprentissage nécessaire, dans une société urbaine de plus en
plus diverse. Là aussi, sur cette cartographie du temps et de la
temporalité, nous allons continuer à travailler.
Jochen Becker, metroZones (traduction Sara Roumette)
Jochen Becker (Berlin) est auteur, conférencier et curateur. Il est co-fondateur et membre de metroZones – Center for Urban Affairs. Il a co-édité plusieurs ouvrages comme bignes? (2001) ou Kabul/Teheran 1979ff (2006) et,
plus récemment, Urban Prayers (2011), Faith his the Place (2012) et Global
Prayers (2014). Il a co-curaté des expositions telles the Urban Cultures of
Global Prayers (2012/13, nGbK Berlin, Camera Austria, Graz) et Self Made
Urbanism Rome (2013/14/15, nGbK Berlin, Metropoliz Rome, Maxxi Rome).
Il est le directeur artistique du Global Prayers project à la Haus der Kulturen
der Welt (Berlin), où il a curaté Aernout Mik – Speaking in Tongues. En
2014/15, Jochen Becker dirige le postgraduate Art & Architecture program
au Royal Institute of Art de Stockholm. Depuis 2014, il est commissaire
associé auprès de la Station urbaner Kulturen à Berlin-Hellerdorf. Sujet (&) territoire
Collectif Assemble, 2014
© Assemble
1984, Malcolm Morley remporte le Turner Prize
pour sa peinture hyperréaliste, à la précision
plus vraie que nature : l’art cristallise la réalité. 2015, le collectif Assemble remporte le
Turner Prize pour son geste engagé, toujours
ouvert à l’imprévu : l’art bouscule la réalité.
Première dans l’histoire du célèbre prix d’art
contemporain, la nomination d’un collectif ‘non
artiste’ signifie-t-elle la reconnaissance d’une
nouvelle façon de faire l’art ?
6.
DÉTERRITORIALISER
L’ART
1 Rotor asbl (S. Seys, L. Billiet, M. Gielen, M.
Ghyoot), Vade-mecum pour le réemploi hors-site,
éd. Rotor asbl, Région Bruxelles-Capitale, 2015.
2 Madiney, Henri, Art et existence, coll.
D’Esthétique, éd. Klincksieck, Paris, 2003
[1985].
3 Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe,
coll. Critique, Editions de Minuit, Paris, 1995
[1972].
Le prix
Depuis 1984, la Tate Gallery met au jour les nouvelles orientations de l’art en Grande-Bretagne, au travers de quatre parcours
artistiques préalablement élus par un vote public. Si l’issue 2015
marque un tournant pour le prix, le panel des nominés annonçait la tendance : Bonnie Camplin réinvente le quotidien par
le biais de l’expérience subjective, Janice Kerbel donne corps
à l’étrange dans les formes classiques de la représentation,
Nicole Wermers introduit l’intime dans l’espace public transitoire, Assemble questionne la fracture entre l’individu et la fabrication des infrastructures publiques. Loin d’œuvres formelles
autocentrées, ces processus donnent de la profondeur au banal
par le biais de réflexions qui touchent aux racines de l’être.
Créé en 2010, Assemble regroupe des jeunes diplômés de
l’université de Cambridge, dont la majorité sont architectes. Le
collectif travaille régulièrement en collaboration avec des communautés laissées-pour-compte, faisant du renforcement des
liens humains une alternative au fonctionnement actuel de la société. A Toxteth (Liverpool), il se focalise sur la réhabilitation d’un
carrefour de maisons très dégradées – Granby Four Streets,
dernières traces du style victorien d’origine. L’originalité de la démarche ne tient pas tant dans son objet que dans ses moyens :
la substitution de la structure économique hiérarchique par un
réseau d’échange cyclique. Dans l’esprit ouvrier du quartier,
le Granby Workshop s’emploie à la fabrication d’équipements
Sujet (&) territoire
Dossier
WWW.TATE.ORG.UK/
WHATS-ON/TRAMWAY/EXHIBITION/
TURNER-PRIZE-2015
HTTP://ASSEMBLESTUDIO.CO.UK/
domestiques vendus via internet. Les pièces, toutes uniques
puisque tributaires des mains inexpérimentées des habitants
et des matériaux à disposition, participent à la rénovation de la
localité par les bénéfices qu’elles engendrent.
Le contexte
Un siècle avant Assemble, le mouvement Arts & Crafts apparait
à l’initiative d’artisans britanniques effrayés de voir leur savoirfaire écrasé par l’industrie en série. L’art doit être partout, en
commençant par la maison ; l’objet (usuel principalement) doit
être unique, témoignage d’un savoir-faire manuel inégalable. La
mutation des paysages et des sociétés continuera néanmoins
sa marche, jusqu’à envahir toutes les couches de la société
et culminer dans son expression artistique au travers du Pop
Art (lui aussi originaire de Grande-Bretagne). Le banal n’a pas
quitté l’art depuis, mais le rapport s’est inversé : là où l’ordinaire
envahissait la sphère artistique, c’est maintenant l’art qui prend
en main notre quotidien.
De plus en plus concerné par la réalité des choses, l’art devient
logiquement l’affaire d’acteurs impliqués dans le façonnement
de nos cadres de vie, dont les architectes. En Belgique, le
collectif Rotor s’intéresse au flux des matériaux : un cycle qui
tourne constamment sur lui-même et ne laisse rien mourir. La
rédaction d’un Vade-mecum1 guide n’importe qui souhaite sauver le matériau qu’il a sous la main. Recyclart, localisé dans la
gare désaffectée de Bruxelles-Chapelle, crée des liens entre
les quartiers par des projets culturels, sociaux et économiques.
Des événements éclectiques (bal dansant ou concert électro,
conférence universitaire ou exposition populaire) s’enchainent
en fonction des intervenants. En France, Coloco revendique la
conception comme un acte engagé, et fait de chaque chantier
une fête ouverte. Le territoire privé échappe à son propriétaire et
devient l’affaire de tous au travers d’une invitation à l’œuvre collective. Communes à chacune des démarches citées, l’urgence
et la fragilité des situations deviennent un moteur de créativité.
Le sens
Si la pratique d’Assemble est un art, c’est l’art de faire ensemble,
de remplacer le manque de moyens matériels par l’abondance
de moyens humains. Est-ce à dire que l’art tel qu’on l’a connu
n’existe plus ? Son omniprésence a-t-elle conduit à sa disparition ? Mais après tout, qu’est-ce que l’a-r-t ? Un mot ; et que l’on
applique ou non ce mot à la pratique d’Assemble a finalement
peu d’importance. La Joconde reste cachée derrière sa vitrine
blindée, le Louvre continue à rameuter les cars de touristes ;
le Granby Four Streets ne met pas en péril les grands chefsd’œuvre classiques. Ceci dit, il confirme l’avènement d’une autre
esthétique, portée sur notre façon de vivre et de modifier le
monde, et non plus simplement de l’observer au travers d’un
filtre esthétisant. Son œuvre devient l’évènement-avènement2
d’Henri Madiney : elle voit l’apparition d’un monde nouveau dans
les mains de celui qui s’en saisit.
La 31ème édition du Turner Prize ne libère pas l’art de ses territoires familiers – les artistes s’en étaient chargés bien avant
(dès 1960, Allan Kaprow affirme “L’art s’est déplacé de l’objet
spécialisé en galerie vers l’environnement urbain réel”). En
revanche, elle contribue à la légitimation de sa déterritorialisation. Déterritorialiser3, selon le concept de Gilles Deleuze et
Félix Guattari, c’est sortir de leur contexte un ensemble de relations pour les actualiser ailleurs, et alimenter cet ailleurs d’une
nouvelle structure de pensée. L’art s’intéresse aux situations
sociales fragiles contre lesquelles les administrations semblent
ne plus rien pouvoir. Il trouve en elles un sens à son faire, en
même temps qu’il leur donne corps dans l’esthétique.
Charlotte Lheureux
Architecte, Charlotte Lheureux poursuit une thèse de doctorat au sein
de l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve. Outre ses activités de
recherche et d’enseignement, elle collabore régulièrement à diverses
revues d’art et d’architecture (A+, Visions, Figures de l’art) et coordonne
le Guide d’architecture moderne et contemporaine en Wallonie-Picarde
(Fédération Wallonie-Bruxelles & ed Mardaga sld).
M 68 / 14
CODER ET DÉCODER
LES FRONTIÈRES À L’AUBE
DU 21ème SIÈCLE
SOUS COMMISSARIAT D’ISABELLE
ARVERS (ANTIATLAS, KARERON) ET
NATHALIE LEVY (ULB)
ESPACE ARCHITECTURE LA CAMBRE
HORTA
SITE FLAGEY DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE
BRUXELLES
DU 13.04 AU 31.05.16
Coder et décoder les frontières à l’aube du
21ème siècle est un événement au croisement
de l’art, de la recherche et de la pratique.
Inauguré par le vernissage de l’exposition et
un colloque international (13-15 avril 2016),
il accueillera à la faculté d’Architecture, à la
faculté de Philosophie et Sciences sociales
de l’Université Libre de Bruxelles et au siège
de l’Organisation mondiale des douanes des
chercheurs, des artistes et des experts qui discuteront de la technologisation croissante du
contrôle des personnes, des marchandises ou
des capitaux qui franchissent les frontières1.
7.
ANTIATLAS
DES
FRONTIÈRES
Cet événement s’inscrit dans le prolongement des activités
organisées depuis 2011 par l’antiAtlas des frontières. Ce collectif s’est structuré autour de la volonté d’ouvrir un espace de
réflexion transdisciplinaire afin d’envisager de manière inédite
les mutations des frontières étatiques contemporaines. L’enjeu
était d’évaluer comment la confrontation de savoirs, de méthodes et de pratiques distinctes pouvait contribuer à dégager
de nouvelles pistes de recherche ou de création autour de cette
question.
Ces rencontres ont d’abord pris la forme de séminaires et d’ateliers d’artistes et de performances entre 2011 et 2013 à l’Institut
méditerranéen de recherches avancées et à l’Ecole supérieure
d’art d’Aix-en-Provence 2. Elles ont permis d’ouvrir des interstices sociaux, au sens où les définit Nicolas Bourriaud 3, c’està-dire des espaces libres et des périodes de temps qui ont
conduit les participants à explorer d’autres formes d’échanges
et d’articulations que ceux reconnus comme étant légitimes
dans les domaines de l’art, de la recherche et de l’expertise.
Ces rencontres ont également permis d’initier des expérimentations au cours desquelles les participants ont testé d’autres
formes de modélisation de la recherche et de création artistique.
M 68 / 15
1 L’événement est produit en partenariat avec
l’Université Libre de Bruxelles, l’Organisation
Mondiale des Douanes, antiAtlas des frontières,
IREMAM (CNRS/Aix Marseille Université),
projet LabexMed (Aix Marseille université,
Fondation A*midex), LAMES (CNRS/Aix Marseille
Université), PACTE (CNRS/Universités de
Grenoble), l’Ecole supérieure d’Art d’Aix en
Provence, Kareron.
2 www.antiatlas.net
3 BOURRIAUD, Nicolas, 2002, Relational
Aesthetics, Paris, Les presses du réel.
Dossier
Nicola Mai,
Samira (Emborders 1), installation vidéo,
28 min., Italie/UK/France, 2013.
Produit par l’IMéRA et SATIS (respectivement l’Institut
Méditerranéen d’Etudes Avancées et le Département
Sciences Arts et Techniques de l’Image et du Son de
l’Université Aix-Marseille). Photo : Myriam Boyer
Certaines ont donné lieu à la production d’œuvres telles qu’un
travail de cartographie participative avec des migrants (Amilhat
Szary, Fischer, Mekdjian, Houbey et Moreau 2013), un jeu vidéo
(Parizot, Stanley, Cristofol 2015), des ethnofictions (Mai 2013,
2015), des installations numériques (Moll et Pé, 2016) et un projet
de revue numérique : l’antiAtlas-journal.
Afin de partager ces réflexions et ces expérimentations avec
d’autres artistes, universitaires et experts, le collectif antiAtlas
des frontières organise régulièrement des colloque-expositions.
Ce fut le cas à Aix-en-Provence et Marseille en 2013 (antiAtlas
#1 et #2), à l’institut français de Berlin, au Festival Internazionale
de Ferrare et au Maxxi à Rome à l’automne 2014.
Coder et décoder les frontières au 21ème siècle s’inscrit dans
cette optique. L’objectif est d’ouvrir pendant quelques jours,
à Bruxelles, un interstice social au sein duquel chercheurs,
artistes, experts et le public s’interrogeront sur la mise en données et la mathématisation des frontières. Depuis les vingt dernières années, de nombreux acteurs (chercheurs, journalistes,
travailleurs et activistes d’ONG, élus politiques, employés des
administrations nationales et des organisations internationales,
etc.) observent, documentent, étudient et parfois dénoncent
la technologisation du contrôle des frontières. Aux pratiques
de contrôle traditionnelles s’ajoute, outre la militarisation, le
déploiement de technologies de plus en plus sophistiquées
(biométrie, robots, murs, systèmes de surveillance intégrés,
prospection de données ou data mining, big data, etc.) aux frontières des Etats pour contrôler les mouvements de populations,
de marchandises, de capitaux et d’information. L’examen de
cet intense déploiement technologique tend généralement à
séparer l’analyse selon les objets de contrôle : les personnes,
les marchandises, les capitaux. Il conviendra ici d’envisager
dans une perspective croisant art, recherche et expertise la
circulation des connaissances et des techniques d’un de ces
objets à l’autre, les fonctionnements et les dysfonctionnements
des mécanismes de contrôle ainsi que les détournements qu’en
font une multitude d’acteurs.
Organisé en trois lieux (à la faculté d’Architecture, à la faculté
de Philosophie et Sciences sociales de l’Université Libre de
Bruxelles et au siège de l’Organisation mondiale des douanes) et
selon des modalités différentes, ce colloque-exposition conduira
les participants et l’auditoire à expérimenter différentes manières
d’accéder, de modéliser et de discuter de ces mutations.
Cédric Parizot
Cédric Parizot est chercheur en Antropologie politique à l’Institut de
Recherche et d’Etude sur le Monde Arabe et Musulman (UMR 7310,
Université Aix-Marseille (F)) et mambre du collectif antiAtlas. Direction
d’ouvrages : Tristan Mattelart, Cédric Parizot, Julie Peghini, Nadine Wanono
(eds), Marges Numériques, Journal des anthropologues, n° 142-143, 2015.
Stephanie Latte Abdallah and Cedric Parizot (eds), Israelis and Palestinians
in the Shadows of the Wall : Spaces of Separation and Occupation,
Ashgate, 294 p., 2015; Anteby-Yemini, L., Baby-Collin,V., Mazzella, S.,
Mourlane, S., Parizot, C., Regnard, C., Sintès, P. (eds.) Borders, Mobilities
and Migrations. Perspectives from the Mediterranean, XIX-XXIst century, collection : Regional Integration and Social Cohesion - volume 13.
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014.
310 pp. Derniers articles publiés : [co-écrit avec Tristan Mattelart, Julie
Peghini et Nadine Wanono], “Digital Technologies from the Margins” in
Tristan Mattelart, Julie Peghini, Nadine Wanono (eds), Marges Numériques,
Journal des anthropologues, n° 142-143, 2015 ; [co- écrit avec Anne Laure
Amilhat-Szary, Gabriel Popescu, Isabelle Arvers, Thomas Cantens, Jean
Cristofol, Nicola Mai, Joana Moll, Antoine Vion] “The antiAtlas of Borders,
A Manifesto”, Journal of Borderlands Studies, Volume 29, Issue 4 : 503512, 2014.
Sujet (&) territoire
Vue de l’exposition Artistes et architecture.
Dimensions variables.
8.
Crédit photo : Antoine Espinasseau
© Pavillon de l'Arsenal 2015
OBSERVER,
INVENTORIER,
CRITIQUER :
LA RELATION
DE L’ARTISTE
À L’ARCHITECTURE
Alexandre Périgot,
La Maison du Fada, 2011 - 2013, structure
motorisée en aluminium, pièce unique,
Courtesy Alexandre Perigot / Solang Production Paris
Brussels Crédit photo : Antoine Espinasseau © Pavillon
de l'Arsenal 2015
Sujet (&) territoire
Le Pavillon de l’Arsenal produit régulièrement
des projets éditoriaux ambitieux, comme
Scénographies d’architecte en 2006 et dernièrement, en 2015, Artistes et architecture.
Dimensions variables. Grâce à ses espaces
situés au cœur de Paris, il permet aussi à ces
enquêtes de se prolonger dans le format de
l’exposition.
Dossier
La relation “artistes et architecture” hérite d’une longue histoire d’observation réciproque et de collaborations nourries
de distance critique. Elle est suivie de près par plusieurs collections publiques, comme le Frac Centre à Orléans ou le
Centre Pompidou à Paris, mais c’est en toute autonomie que
les deux commissaires, Didier Gourvennec Orgor et Grégory
Lang, ont collaboré. Ancrés à Marseille et à Bruxelles, leur
ambition était de déployer une recherche internationale tout
en accordant une grande attention aux scènes locales qu’ils
connaissent bien. Cette spécificité contribue beaucoup au
projet, qui n’est ni historique, ni muséal, et s’apparente au premier abord à une entreprise de type encyclopédique, comme
l’indique l’introduction “Inventaire, 264”. Il ne s’agit pourtant
pas ici d’un catalogue de collections, qui trouverait sa cohérence si elle était initiée par un musée, mais d’un panorama
assez vaste, dont il serait absurde de répertorier les absents.
Le sous-titre “Dimensions variables” est la véritable articulation réflexive d’un projet qui s’est également construit dans
les échanges collectifs grâce à la sollicitation d’une dizaine
de critiques d’art et de commissaires d’exposition qui ont
contribué au livre.
François Morellet définit son rôle au sein des projets architecturaux comme celui de l’élément chatouillant : “On peut se
masturber mais pas se chatouiller. Un architecte qui veut faire
sourire son architecture doit donc me consulter”. L’humour de
Morellet pointe une relation particulière où l’artiste est invité
à déplacer les points de vue, à ouvrir d’autres perspectives
sur l’espace construit. Il introduit dans un cahier des charges
bien défini des temps de questionnement, des enjeux poétiques et politiques qui ne s’expriment pas sans heurt mais
peuvent marquer la relation de l’homme à son environnement
de vie. Les artistes sont ainsi fréquemment sollicités pour
intervenir dans le champ de l’architecture, grâce notamment
au dispositif en France et en Belgique du 1%. Mais la référence à l’architecture est aussi très présente dans la création
contemporaine produite sur le territoire de l’art, tant il semble
évident que ces questions de vivre ensemble et d’horizons
politiques sont au cœur d’une quête artistique qui trouve son
sens dans sa capacité à réfléchir le monde. Dans une grande
disparité de médiums, les propositions sont multiples et méritent effectivement des temps d’exposition et de réflexion
comme celle-ci.
M 68 / 16
La relation entre artistes et architecture relève-t-elle d’un divorce
jamais réglé, comme le soulève Pedro Gadanho, conservateur
au Moma, dans son texte ? Témoin privilégié de l’évolution de
ces questions, il revient ici sur les jeux d’influence, les emprunts,
les manifestations de jalousie et de fascination, nombreuses
entre les deux territoires. C’est aussi ce que soulève Lorenzo
Benedetti, commissaire d’exposition au Apple arts Centre à
Amsterdam, dans son analyse de la place centrale qu’occupe
l’héritage du brutalisme dans l’art, revenant sur la résurgence
des fantômes de l’architecture moderne dans la création
contemporaine. Dans l’exposition au Pavillon de l’Arsenal, la
figure du Corbusier tenait ainsi une place particulière avec La
Maison du Fada d’Alexandre Périgot, imposante structure en
mouvement qui faisait résonner son cliquetis de métal dans
l’ensemble du bâtiment. Son ossature évidée renforce la rigueur
concentrationnaire dont la Cité Radieuse a souvent été accusée,
mais le déhanchement rythmé dont elle est ici pourvue la fait
basculer du côté de l’inachèvement et de la faille, exposant
une rupture dans la composition. La présence assez spectaculaire de la sculpture contraste avec l’ironie du mécanisme,
impliquant le visiteur dans sa présence comme peuvent le
faire, dans d’autres registres, Daniel Buren ou Dan Graham. Le
corps traverse un espace, pénètre un volume, s’enferme dans
un pavillon qui se révèle avant tout point de vue sur ce qui lui
est extérieur. De ces perspectives phénoménologiques ancrées
dans une réflexion politique débouche une expérience intime qui
engage un regard sur les manières dont un espace est partagé.
L’exposition était l’occasion de nombreuses conversations entre
les œuvres. Le corps du visiteur, mesuré à l’échelle des plantes
de Mel Bochner ou projeté dans la figure du modulor interprétée
par François Dagonet, était un élément important dans cette
réflexion sur les dimensions. A distance d’une approche rigoureuse et scientifique, bien que leurs codes soient récurrents
dans la logique conceptuelle, la dimension était ici pensée
comme fondamentalement variable, ancrée dans des perceptions mentales autant que physiques revendiquant leur part
de subjectivité et d’imaginaire. Il s’agit, comme l’énonce Marc
Donnadieu, de se “‘déprendre’ de l’ordre établi des choses et
en confronter la réalité à partir de sa propre expérience d’artiste
et d’être humain”.
Les commissaires ont rassemblé de grands noms de l’art
conceptuel et des artistes urbains, questionnant les rythmes
de construction/destruction, ramenant l’échelle de l’humain, du
corps, dans des logiques qui le dépassent. Anne-Valérie Gasc
nous introduit ainsi à l’intérieur d’un bâtiment à l’instant de sa
démolition. La vision d’une go-pro nous offre l’illusion d’une
présence immergée, protégée par un pneu d’engin de chantier.
Les minutes précédant l’explosion éclair sont longues, tandis
que l’événement échappe au regard. La frustration d’image n’a
pour seul substitut qu’un choc sonore, défiant la logique du
temps humain par une destruction foudroyante. Le projet Crash
Box participe d’une quête artistique qui se situe dans les états
d’ébranlement du réel, donnant à vivre une expérience de ce
qui excède les sens. L’œuvre ne donne rien à voir de plus, mais
elle fait émerger les questions abyssales d’un effacement programmé. Comme chez Yvan Salomone ou Edi Hila, dans des
séries de peintures sur l’urbain depuis la France et l’Albanie, il
s’agit de s’approcher au plus près des logiques contemporaines
des espaces construits, d’en relever la grisaille, d’en appuyer
l’uniformité, d’en rappeler l’existence à l’instant même de la disparition. L’attention se porte sur ces architectures communes
qui scandent les paysages et se font écho, mais qui par un travail
pictural, un dispositif d’enregistrement, un acte photographique,
rencontrent une écoute et des émotions structurant le regard.
Le livre mérite ainsi une lecture plus assidue qu’un rapide parcours de l’inventaire qui le structure, semant de fausses pistes
par son parti pris éditorial. Car page après page, la pertinence
du commissariat se révèle à mesure qu’elle se complexifie à la
lecture des essais nombreux. Là encore, inutile de chercher
M 68 / 17
une organisation chapitrée pouvant renvoyer à un parcours tout
aussi absent dans l’exposition. Chaque auteur expose les pistes
de réflexion qu’il a parcourues dans la proximité des œuvres,
entremêlant des fils de lecture qui prolongent les courtes notices. Hou Hanru pointe ainsi la critique mise en œuvre par les
artistes chinois à travers la construction d’utopies divergeant
des modèles officiels, ouvrant des espaces de réflexion indispensables dans un régime n’offrant que très peu de liberté
d’expression. En se situant dans la sphère de l’art, mais aussi
dans celle des réalités virtuelles comme Second Life avec Cao
Fei, ils parviennent à créer des lieux de réflexion collective sur
les états du monde présent. Créer des hétérotopies et dessiner
des utopies participent d’un projet qui rassemble depuis les
années 1960 autant des architectes que des artistes, partageant le même désir d’inventer d’autres possibles. L’emprunt
qu’opère ainsi Adrien Missika dans Jardin d’Hiver (indegenous
version) aux constructions de l’architecte paysagiste brésilien
Roberto Burble Marx est emblématique de ce souci commun,
et de la nécessité de rendre visible des propositions radicales
trop vite oubliées.
Le parti pris de cette recherche est d’exclure les architectes
qui déplacent leur travail du côté de l’art, tel François Roche,
afin d’éviter une dispersion. Le défi est complexe quand les
définitions parfois s’estompent, comme chez Didier Faustino qui
profite ici de sa double identité d’artiste-architecte. Retrouver
Vito Acconci dans l’exposition à travers City of Words (2010),
une pièce produite par son Studio, qui se définit comme un
studio d’architecture, est à ce titre un peu problématique, même
si le plaisir à voir ce papier peint dans l’espace était évident.
Il faudrait peut-être un deuxième tome à cet ouvrage, son
double inversé, Architecture et artistes, qui permettrait alors
une circulation évidente entre les pages, poursuivant les jeux
de reflet, les mouvements de fascination et de distance critique
qui réjouissent l’esprit et accompagnent fort heureusement le
développement souvent absurde des constructions. Remettre
le corps, l’humain, l’individu au cœur du projet urbain et affirmer
ses besoins d’onirisme et d’imaginaire autant que physiques est
une tâche essentielle de l’artiste. Les maisons de Jean-Pascal
Flavien sont ainsi des dérives fictionnelles dont le regard s’empare aisément, prolongeant leurs récits amorcés, se projetant
dans leurs fragiles ossatures bricolées. Aux critiques et commissaires revient celle de faire circuler ces œuvres et de permettre
leur rencontre avec un large public, ce à quoi cet ouvrage s’est
attelé avec efficacité.
ARTISTES ET
ARCHITECTURE.
DIMENSIONS VARIABLES,
ÉDITIONS PAVILLON DE L’ARSENAL,
2015, 19 X 30 CM, 532 PAGES, DESIGN
GRAPHIQUE DE CHANGE IS GOOD,
BILINGUE FRANÇAIS/ANGLAIS
INTRODUCTION DE ALEXANDRE
LABASSE, DIRECTEUR DU PAVILLON DE
L’ARSENAL, DIDIER GOURVENNEC OGOR
ET GREGORY LANG.
Avec 264 œuvres d’artistes présentées
par ordre alphabétique et les textes de
Liliana Albertazzi, Sarina Basta, Lorenzo
Benedetti, Pedro Gadanho, Hou Hanru,
Hans Ulrich Obrist, Sébastien Pluot, JeanLuc Poitevin, Chantal Pontbriand, Dieter
Roelstraete, Sabrina van der Ley, Jeanette
Zwingenberger.
L’EXPOSITION A ÉTÉ PRÉSENTÉE
D’OCTOBRE 2015 À JANVIER 2016
AU PAVILLON DE L’ARSENAL, PARIS.
Commissaires : Didier Gourvennec Orgor
et Grégory Lang. Artistes invité : Vito
Acconci / Daniel Arsham / Renaud
Auguste-Dormeuil / Thomas Bayrle /
Christophe Berdaguer & Marie Péjus /
Pierre Besson / Julien Bismuth / Mel
Bochner / Marie Bovo / Nathalie Brevet_
Hughes Rochette / stanley brouwn / Alain
Bublex / Heidi Bucher / Daniel Buren /
Pedro Cabrita Reis / James Casebere
/ Jordi Colomer / Stéphane Couturier /
François Dallegret / Denicolai & Provoost
/ Larissa Fassler / Martine Feipel &
Jean Bechameil / Jean-Pascal Flavien /
Zachary Formwalt / Peter Friedl / Carlos
Garaicoa / Anne-Valérie Gasc / Liam
Gillick / Pierre-Jean Giloux / Geert Goiris /
Dan Graham / Carsten Höller avec Philippe
Parreno / Anish Kapoor / JR / Lang/
Baumann / Jonier Marin / Matthieu Martin
/ Gordon Matta-Clark / Rita McBride /
Dean Mon! ogenis / Nicolas Moulin / Matt
Mullican / Bruce Nauman / Olaf Nicolai /
Julian Opie / Giulio Paolini / Enoc Perez /
Alexandre Périgot / Tabor Robak / Yvan
Salomone / Peter Scott / Richard Serra /
Timothée Talard / Bert Theis / Lawrence
Weiner WWW.PAVILLON-ARSENAL.COM
Mathilde Roman
Mathilde Roman est critique d’art,
trésorière d’AICA International,
professeur au Pavillon Bosio,
Art&Scénographie, Monaco, et
concentre ses recherches sur les
questions de l’image en mouvement, de la performance et de
l’exposition.
Dossier
Sujet (&) territoire
Image tirée du film World Brain de
Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon.
Production: Irrévérence Films, 2015.
worldbrain.arte.tv
9.
À LA
CARTE !
Sujet (&) territoire
Avec le GPS la carte routière serait-elle devenue superflue ? Avec Google Map tout internaute localise sa destination et reconnaît son
parcours sans même savoir où il se rend. Les
cartes deviennent de plus en plus sophistiquées et rivalisent d’informations au point où
le support papier laisse la place au numérique
et à sa boulimie de données. L’on peut imaginer les applications smartphones les plus
surprenantes, certain que bientôt elles seront
chargeables… En affichant au mur de la classe
une carte muette d’un pays, l’enseignant se
faisait fort d’enseigner la géographie. Chaque
couleur avait une signification et l’écolier se
prêtait à ce jeu de pistes et suivait des yeux
les incroyables méandres de telle rivière, ce
qui lui évoquait ses dernières vacances… La
carte ouvrait à la rêverie. Dorénavant, la carte
se veut efficace. Heureusement des artistes
les détournent, les enrichissent, les “kaléiscopisent”, et se refusent à les limiter à une seule
fonction utilitaire. Certaines cartes traitées
ainsi se muent en œuvre d’art qu’on aimerait
bien accrocher chez soi, pour avoir à la portée
du regard, à chaque instant, la possibilité de
l’ailleurs…
Dossier
C’est en mai 1957 que Guy Debord et Asger Jorn réalisent une
sérigraphie, The Naked City. Illustration de l’hypothèse des
plaques tournantes en psychogéographie, qui détourne plusieurs plans de Paris en un collage résultant du “hasard objectif”. Le titre fait référence au film éponyme de Jules Dassin
(1948) qui retrace les vingt-quatre heures d’un commissariat
new-yorkais, mais ici, ce n’est pas les temporalités qui sont
privilégiées mais les territorialités que le pouvoir politique et
sa technocratie sont en train de totalement modifier en déportant le Paris populaire dans les banlieues “fonctionnelles” et
zonées. La carte devient dénonciation et revendication.
On se souvient de Jed Martin, le “héros” du roman de Michel
Houellebecq, La carte et le territoire (Flammarion, 2010),
artiste plasticien qui photographie des morceaux de cartes
Michelin et en propose ainsi une autre lecture. Qui n’a pas
repris cette idée que la carte n’était pas le territoire ? Ne faudrait-il pas aller plus loin et se demander si un territoire, dans
son incroyable multi-dimensionnalité, peut être cartographié ?
On connaît le graphiste bulgare Yanko Tsvetkov et son Atlas
des préjugés (tomes 1 et 2 réunis avec 10 cartes inédites,
éditions Arènes, 2015) qui avec humour et subtilité fait voir
autrement ce qu’une carte s’évertue à montrer, rien qu’en
décalant le regard ou en introduisant une donnée incongrue,
comme la vision de l’Europe par Anders Breivik, ce terroriste
norvégien qui en 2011 a abattu 71 promeneurs, associée à
celle de n’importe quel djihadiste de l’État islamique… Il dessine les cartes de l’Europe des frustrés sexuels et celle des
refoulés émotionnels, tout comme il représente l’Europe de
ceux qui font appel à un plombier qu’il compare à l’Europe
des réparateurs domestiques…
Gwenola Wagon et Stéphane Degoutin réalisent un “film-essai” (comme dirait Chris Marker), World Brain (diffusé sur Arte,
le 15 décembre 2015 et accessible sur le site des auteurs),
qui s’inspire du Whole Earth Catalog (lire l’excellent ouvrage
de Fred Turner, Aux sources de l’utopie numérique. De la
contre-culture à la cyberculture, Steward Brand, un homme
d’influence (C&G éditions, 2012). La carte sur laquelle l’on
clique pour accéder à une séquence du film réserve bien des
surprises : jeux de mots, associations thématiques inattendues, etc. Si le film est linéaire (succession de chapitres, selon
une logique démonstrative), l’on peut en choisir l’ordre de
visionnage.
M 68
M 65 / 18
Il s’agit d’un travail artistique (montage soigné, accompagnement musical combiné aux images avec une réelle connivence,
ambiguïté sur les personnages qui interviennent, sont-ils des
comédiens ou de “vrais” scientifiques ?...), d’une enquête sur
l’univers de la data et d’une réflexion philosophique sur les interactions entre l’individu et la technique. Œuvre foisonnante qui
sans cesse interroge autant qu’elle informe, dénonce et interprète. Le spectateur pénètre dans un mode virtuel mais réel qui
n’a que l’apparence de la science-fiction car, très vite, il se rend
compte qu’il connaît déjà ces “progrès” technologiques, qu’il
les craint autant qu’il en est fasciné. World Brain s’apparente à
un récit initiatique qui adopterait la carte, mais une carte non
représentative d’un ensemble géographique, une carte mentale
associant d’autres cartes mentales, les réseautant, pour rassembler les sites. Que nous montrent les auteurs ? L’architecture
froide des data center, leur environnement inorganique, l’entremêlement mondialisé et rigoureux des câbles, l’automatisation
grandissante et programmée de toutes les tâches humaines,
la dépossession de soi par les prothèses techniques qui deviennent autonomes et nous “externalisent”, la robotisation de
la gestion des stocks (de données, de marchandises, de sentiments et émotions,…), l’infiltration du moindre réseau social
dans la vie de chacun au nom même de l’efficacité des interrelations entre individus, l’affirmation d’un capitalisme cognitif
qui associe la productivité fordiste à l’intelligence artificielle, le
remodelage du cerveau humain pour préparer le terrain au posthumain, à l’humain augmenté… Aux images cliniques des lieux
de ce nouveau pouvoir – aux allures de Big Brother – s’articulent
celles de “chercheurs nomades” qui réapprennent la survie en
bénéficiant toutefois des moteurs de recherches de leurs ordinateurs portables. Grâce à Wikipédia, ils frottent deux bouts de
bois pour faire un feu et connaissent les ressources de la forêt où
ils transitent. Mais cette dépendance se révèle apprentissage.
Ils cultivent alors leur mémoire sans plus passer par celle de la
machine. De même, ils ressentent à nouveau, directement, sensoriellement, physiquement, leur rapport au monde, sans plus
dépendre de l’expertise numérique. La technologie ne serait
pas le tombeau de l’Humanité mais la possibilité de mieux se
découvrir et de vivre plusieurs existences ? C’est la question du
“sujet” que pose magistralement ce film-essai, sans apporter
de réponse, car en la matière, la vérité est toujours provisoire,
incomplète et discutable.
Depuis 2004, Bernard Garo, artiste suisse, œuvre à un projet ambitieux, ARIL, où il est aussi question de cartographie.
Cet acronyme rassemble les premières lettres de quatre villes :
Alexandrie, Reykjavik, Istanbul et Lisbonne, où il séjourne, prend
la température des lieux, les photographie sous toutes les coutures en privilégiant le sol, en ramène des sujets de tableaux qu’il
exécute en grand format, prépare un documentaire et songe à
des sculptures, etc. Ce sont les quatre orients de sa psychogéographie. Par le choix des couleurs, Bernard Garo exalte
les éléments qui caractérisent ces sites, tous agités, blessés,
conquis et conquérants… Ces quatre villes sont des ports, c’est
dire si chacune possède quelque chose de l’autre et réciproquement. Trois d’entre elles sont régulièrement victimes de séismes
(Alexandrie en 365, Istanbul en 1509 déjà, mais aussi en 1763,
1894 et 1999 et Lisbonne en 1755). Deux sont des mégalopoles
(Istanbul et Alexandrie) et les deux autres des capitales. Les
quatre ont déployé une gastronomie, une musique, des chants
et des poèmes, des rêves et des mystères. Il y a une magie qui
se tisse entre ces quatre villes, certainement comme entre celles
qui ont permis le mouvement Cobra (Copenhague, Bruxelles et
Amsterdam) né à Paris. Chacun parle sa langue. L’islam s’affiche
fortement dans deux, ce qui induit certains rythmes cultuels.
Etc. Pourquoi quatre ? Comme les trois mousquetaires ? Non,
comme les quatre saisons, les quatre fleuve du paradis, les
quatre lettres du nom de Dieu (YHVH), les quatre parties du
Véda, les quatre Évangélistes (Marc, Matthieu Luc et Jean), les
quatre composants d’une plante pour les Amérindiens (racine,
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tige, fleur et fruit), les quatre âges de la vie humaine, les quatre
Dieux de la pluie chez les Mayas et ainsi de suite. Autant se
l’avouer le chiffre quatre est celui de la potentialité et de l’harmonie. Cette œuvre est un hommage à la ténacité des habitants
qui vaille que vaille embellissent leur ville, la cajolent, la réparent
et accueillent ce qui vient de la mer…
Le mot “carte” vient du latin charta, feuille de papier, puis document (une “charte”), du grec khartês, “rouleau de papyrus”,
dont l’origine étymologique demeure obscure, avouent les lexicographes. Le jeu de cartes semble très ancien et la parenté
entre le hasard qui préside à la distribution des cartes et celui
qui oriente le destin de chacun paraît admise, d’où “brouiller les
cartes”, “jouer cartes sur table”, “tirer la bonne (ou mauvaise)
carte”, “donner carte blanche”… Les exemples d’usages des
cartes, et des cartographies, que nous avons succinctement
évoqués ici, échappent au menu (y compris informatique) et
invitent à la carte !
Carte en ligne permettant d'accéder aux
séquences du film World Brain de Stéphane
Degoutin et Gwenola Wagon. Production:
Irrévérence Films, 2015. worldbrain.arte.tv
Thierry Paquot
Thierry Paquot, philosophe de l’urbain vient de publier Désastres urbains.
Les villes meurent aussi (La Découverte, 2015) et diriger le collectif Les
situationnistes en ville (Infolio, 2015).
Bernard Garo,
Lisbonne : Vertige, 294 x 196 cm, technique mixte sur lin, 2010
Istanbul: Temps suspendu, 242 x 160 cm,
technique mixte sur lin 2014
“Technique mixte, signifie pour moi des
matériaux entièrement naturels, récoltés
sur les lieux même de mes périples en
respect à mes thèmes: latex, asphalte,
bitume de Judée, roches pilées, sables
volcanique et sédiments marins ainsi que
pigments naturels. La couleur est la matière
même de notre terre, elle est la mémoire de
nos origines.”
Dossier
Sujet (&) territoire
Extra
Muros
Maarten Vanden Eynde
Technofossil (billboard), 2015
#4 Biennale de Lubumbashi
LUBUMBASHI :
Les certitudes les plus fondées, quand il arrive que la plongée
aux certitudes rencontre un fond, disent que nous entrons tous
maintenant dans une nouvelle région du monde, qui désigne
ses lieux sur toutes les étendues données et imaginables, et
dont seuls quelques-uns avaient pu prévoir au loin les errances
et les obscurités.
Edouard Glissant, Une nouvelle région du monde. Esthétique, 2004
Subordonner la créativité culturelle aux critères du marché de
la consommation revient à demander aux créations culturelles
d’accepter la condition préalable de tout produit de consommation autrefois sérieux : se légitimer en termes de valeur marchande ou mourir.
Zygmunt Bauman, La vie liquide, 2013
UNE BIENNALE
MAGIQUE
ANCRÉE DANS
UNE RÉALITÉ
COMPLEXE
Dans nos sociétés soumises à la dictature du temps, parler de
l’art comme un moyen de le défie r est plus qu’une gageure.
Le philosophe et poète martiniquais, Edouard Glissant, affirme
que le pouvoir de la création artistique est sa capacité à questionner le caractère insaisissable du réel. Cette réalité filante a
ouvert le cadre du travail des ar tistes invités à Lubumbashi.
Sous l’égide de Toma Muteba Luntumbue et de Daniella Géo,
la 4ème édition de la Biennale de Lubumbashi présentait le travail
d’artistes provenant de la République Démocratique du Congo
mais aussi de Belgique, de France et du Brésil dans plusieurs
lieux emblématiques : le Musée National de Lubumbashi, l’Institut des Beaux-Arts, le marché de Ruashi et la Halle de l’Etoile.
L’élaboration des œuvres in situ s’est jouée entre artistes locaux
et invités dans un vrai partage de connaissances et de culture.
La découverte de l’autre s’est faite en même temps en permettant aux œuvres un déploiement où rien n’est forcé ni dans le
temps ni dans l’espace mais dans la recherche de nouvelles
stratégies créatives. Face à l’absurdité de vouloir tout contrôler,
les œuvres sont nées dans un contexte donné en tenant compte
de l’imprévu et du hasard. Cette biennale de taille modeste mais
absolument jouissive est une mine d’or parmi les grands événements du Continent Africain avec des œuvres politiques,
exutoires et fortement contextualisées, réalisées grâce au travail acharné de chacun dans un processus au long cours dans
cette région du Katanga, entre désastre économique et social
et exploitation crapuleuse des richesses. A la recherche d'un
Eddy Masumbuku
Piège et connexion, 2015
installation #4 Biennale de Lubumbashi
Joëlle Tuerlinckx,
Night Cabin, 2015
installation #4 Biennale de Lubumbashi
4e Biennale de Lubumbashi
IntraMuros
M 68 / 20
langage universel qui n'est pas celui de l'économie ni de l'idéologie, les artistes se sont laissés envoûter par le rythme lushois
en produisant un art inclusif et un nouveau tissu social à travers
cet événement.
A la manière des arachnidés qui conquièrent l’espace avec
leurs toiles, la première intervention à nous accueillir au Musée
National est une installation végétale fragile et éphémère de
l’artiste Eddy Masumbuku. Son travail est né du fouillisme1 : il
ramène de la forêt des bambous facilement maniables pour en
faire des accessoires, gilets, chapeaux, etc... Pour lui, un artiste
observe son environnement et doit chercher les matières à sa
disposition pour s’exprimer.
L’installation de Jean Katambayi, Sol sous-sol, est en lien
direct avec l’industrie minière, principale activité économique
du Katanga. Retraçant une histoire familiale ainsi qu’un désastre
économique et une faillite politique, la fermeture de l’usine de
la Gécamines ayant spolié de nombreux innocents, l’artiste
propose une œuvre engagée auprès de ceux qui ne sont plus
entendus, les employés qui réclament toujours leurs droits. Dans
la cour, Charif Benhelima a apposé contre les colonnes du
musée l’empreinte de sa main trempée dans du sang de chèvre.
Le sacrifice animal est une coutume partagée tant par les Juifs
que les Musulmans : lors de ces célébrations, les enfants apposent leurs mains trempées de sang contre les murs de leurs
maisons pour les bénir et protéger la communauté. Le titre, Les
arcs de triomphe des mains coupées, est un rappel des mains
coupées pendant l’histoire coloniale belge pour punir ceux qui
refusaient d’accomplir une tâche. Charif Benhelima a voulu
transcender cette cruauté à travers une forme performative en
se tournant vers un rituel de bénédiction.
Joëlle Tuerlinckx est, quant à elle, intervenue en écrivant directement sur les vitrines du musée qui abritent nombre d’objets
anthropologiques. Surprenant par son anti-conformisme, cette
pièce nous interroge quant à notre regard sur ces objets et leur
mise en scène obsolète héritée de l’époque coloniale : comment
les jeunes visiteurs du musée peuvent-ils finalement se réapproprier leur histoire à travers ces objets culturels ? Sa seconde
installation est une Night cabin. On y entre pour l’acoustique
particulière, on y performe des slogans et on en ressort vivifié
d’avoir transcendé nos a priori en se laissant prendre au jeu de la
performance exutoire. Els Opsomer a choisi un emplacement
bien spécifique pour sa photographie de lutteurs sénégalais. En
effet, une grande baie vitrée donne sur le parlement lushois (anciennement le théâtre de la ville) qu’il est interdit de photographier.
Ce rapport autoritaire à l’image a marqué l’artiste qui a essayé
de le contourner en nous permettant d’avoir une vue sur le bâtiment. Son image symbolise deux hommes en train de lutter tel
l’affrontement séculaire entre peuple et pouvoir.
Maarten Vanden Eynde s’est interrogé sur l’utilisation de la
malachite dans les technologies modernes. Technofossil présente dans le cabinet des minéraux plusieurs fragments de
malachite dans lesquels le fossile d’un téléphone portable a été
taillé. Le commerce circulaire est ainsi rappelé aux visiteurs :
la matière brute est exploitée au Congo, achetée à l’étranger
avant de revenir sous forme de produit fini pour les Congolais.
Malachite mobiles a été réalisé en collaboration avec des artisans du marché de Ruashi qui vendent au milieu des sculptures
traditionnelles des téléphones mobiles en malachite. L’objectif
est que les artisans continuent à en fabriquer afin de changer le
marché local et multiplier les liens avec l’utilisation des minerais.
A l’Institut des Beaux-Arts, l’artiste brésilienne Mônica Nador a
mené un atelier avec les étudiants sur l’identité congolaise, une
manière pour elle, de retrouver ses racines africaines. Des motifs
dessinés par les étudiants, baobabs, léopards, motifs africains,
antilopes, boucliers et épées traditionnels, danseurs avec des
tambours, masques, ont été juxtaposés au sein d'une gigantesque fresque murale. Très investie dans les favelas de São
Paulo, elle considère que l’art doit atteindre les lieux où il peut
se réinventer pour éduquer et construire un nouveau tissu social.
M 68 / 21
Des tables rondes qui relatent des expériences d’enrichissement créatif mutuel
Deux tables rondes ont été organisées lors du week-end professionnel: la première relatait les expériences de chaque artiste et
des commissaires sur le terrain et l’autre avait plus spécifiquement trait à l’avenir de la Biennale de Lubumbashi (dont la survie
reste toujours incertaine). Les binômes artistes-assistants basés
sur un échange de savoir faire et de connaissances constituaient
un élément indispensable dans un processus créatif qui cherchait à amalgamer des éléments divers. Ainsi, ce contexte créatif
exceptionnel basé sur un véritable travail collectif a permis un
échange mutuel fort. Comme le témoigne cette réflexion : “Je
viens de naître, j'attends d'être accueilli dans ce monde”2. Pour
les artistes étrangers, tout le défi était de montrer leur travail
dans un contexte différent qui exigeait un surcroît de créativité,
une souplesse et une certaine place laissée au “hasard”.
Des questions fondamentales ont été posées lors des discussions : pourquoi ajouter encore une image à notre environnement déjà saturé ? Quel est le sens de la création en et hors de
la République Démocratique du Congo? Comment se détacher
de l’image que la colonisation nous a imposée de l’Afrique ?
Quelles images présenter en tant qu’artiste congolais ? Quelle
est la place de la femme dans le milieu artistique congolais?
Comment financer localement la prochaine édition ? Au final,
c’est surtout la question des traces profitables pour les jeunes
générations qui a émergé, d’où l’idée de la mise en commun des
photographies et des films de chacun pour créer une base de
données virtuelles et pérenniser ainsi ce long travail.
Freedom, le slogan spontanément scandé par les jeunes lors
de la performance dans la Night cabin de Joëlle Tuerlinckx, ne
doit jamais faillir, ni se perdre en vue d’une prochaine édition
réalisée en dehors du marché de l’art, des institutions culturelles
étrangères 3 et des contraintes matérielles imposées par notre
société liquide 4.
Estelle Lecaille
Els Opsomer,
"this is what I found, this is what I brought,
this is what I see, worth fighting for .... your
instinct next to me", 2015
installation #4 Biennale de Lubumbashi
IntraMuros
4e ÉDITION
RENCONTRES PICHA /
BIENNALE
DE LUBUMBASHI,
RÉALITÉS FILANTES
VITRINE DE LA SCÈNE ARTISTIQUE
DE LA RDC, LES RENCONTRES
PICHA / BIENNALE DE LUBUMBASHI,
TENTENT D’EXPLORER LES DERNIERS
DÉVELOPPEMENTS DE LA CRÉATION
CONTEMPORAINE EN RASSEMBLANT
TOUS LES DEUX ANS, AUX CÔTÉS DES
ARTISTES CONGOLAIS, DES ARTISTES
INTERNATIONAUX DANS DIFFÉRENTS
DOMAINES D’EXPRESSION.
RÉALITÉS FILANTES, L’EXPOSITION DE
LA 4e ÉDITION DE LA BIENNALE DE
LUBUMBASHI S’EST DÉPLOYÉE DANS
PLUSIEURS LIEUX:
LE MUSÉE NATIONAL DE LUBUMBASHI,
L’INSTITUT DES BEAUX-ARTS ET LA
HALLE DE L’ETOILE/INSTITUT FRANÇAIS.
CHARIF BENHELIMA, FRANCES
BODOMO, BAKARY DIALLO, JONATHAS
DE ANDRADE, ALFREDO JAAR, JEAN
KATAMBAYI, RICHARD KAUMBA,
KAPWANI KIWANGA, MATHIEU KLEYEBE
ABONNENC, GULDA EL MAGAMBO,
MICHÈLE MAGEMA, EDDY MASUMBUKU,
MEGA MINGIEDI, ADRIEN MISSIKA,
VITSHOIS MWILAMBWE, MÔNICA
NADOR, NO OLHO DA RUA, HENRIQUE
OLIVEIRA, ELS OPSOMER, GEORGES
SENGA, PATHY TSHINDELE, JOËLLE
TUERLINCKX, MAARTEN VANDEN
EYNDE, SARAH VANAGT, COSTA VECE,
PECHO KAMUNGA.
DU 9.10 AU 8.11.15
WWW.BIENNALEDELUBUMBASHI.ORG
1 Un concept qu’il a inventé. Le fouillisme est l’effort intellectuel qui soutient que tout ce qui fait avancer
une civilisation est le reflet de l’imagination, nourri par la recherche permanente de connaissances, en se
plongeant dans la nature. 2 Guislain, l’un des assistants de Joëlle Tuerlinckx 3 Contrairement à la Biennale
de Bamako qui est quasi entièrement financée par l’Institut Français, la Biennale de Lubumbashi a reçu des
soutiens institutionnels d’Africalia, de Pro Helvetia, du Goethe Institut, de Wallonie-Bruxelles International,
de l’Institut français de Kinshasa, de la ville de Lubumbashi et du Ministère de la Culture. Il a été question
pour la prochaine édition de réfléchir à un financement entièrement local. 4 Concept élaboré par Zygmunt
Bauman. La vie liquide est la vie prise dans le flux incessant de la mobilité et de la vitesse.
4e Biennale de Lubumbashi
L’exposition qui se tient au Centre Pompidou
de Metz a le mérite de nous obliger à nous réinterroger, d’une part, sur un vocable forcément
usé de l’art contemporain, celui de “dématérialisation” de l’œuvre d’art— dénomination que
l’on doit à Lucy Lippard traitant de l’art conceptuel1 — et également, plus lointainement, sur
les procédures de commande et de contrôle
de l’art par la pensée, et de la pensée par l’art.
Ce qui équivaut à reprendre non seulement le
chemin tracé par la cybernétique2 à l’orée des
années 60, mais à explorer la percolation entre
l’Art moderne et la télépathie. Une pratique
primitive aux accents ésotériques qui, dès le
XIXe siècle, va à l’encontre du progrès selon un
mouvement descendant.
Fabrice Hyber, screen+télépathy, 2013
Aquarelle, fusain sur papier, 76x57cm
Collection de l’artiste
© Photographie Marc Domage
© Adagp, Paris, 2015
COSA MENTALE
LES IMAGINAIRES DE LA
TÉLÉPATHIE DANS L’ART
DU XXème SIÈCLE.
CENTRE POMPIDOU- METZ
1 PARVIS DES DROITS DE L’HOMME
F-57020 METZ
WWW.CENTREPOMPIDOU-METZ.FR
JUSQU’AU 28.03.16
Cosa mentale
FIGURES
DE LA
PENSÉE
En effet, alors qu’il est plutôt question de tout montrer et de
tout comprendre dans un renouveau des technologies, qu’il
soit celui de la transmission permise par l’émergence des télécommunications, du développement de la photographie, ou des
possibilités nouvelles offertes par l’observation du corps humain
grâce à la radiographie, la fin du XIXe modère son rationalisme
et la progression fulgurante des modes de communication, par
un goût pour l’occulte et les recherches sur l’invisible. Les innovations techniques, en modifiant les échanges et les liens dans
la perspective de se débarrasser du corps — au sens large,
puisqu’il s’agit autant des objets que de l’enveloppe corporelle,
— vont donc participer paradoxalement à un retour à l’inconnaissable de la matière à partir de l’expérience télépathique. Dès
lors, les expressions artistiques qui manifestaient une esthétique
entendue comme “causa mentale”, idée chère à Léonard de
Vinci, vont puiser ici la possibilité d’une proximité nouvelle entre
œuvres et spectateurs, pensée et émotions.
De sorte qu’on aurait tort de ranger la passion pour les expériences parapsychologiques et télépathiques d’un grand
nombre d’artistes au rayon des curiosités fantaisistes. Telle est
la conviction de l’historien d’art Pascal Rousseau, qui a trouvé
dans cet engouement métapsychologique, de Kandinsky à
Breton, de Robert Barry à Robert Filliou, des actions performées
d’Ulay et Abramovic à Susan Hiller, le prodrome de l’avant-garde
ExtraMuros
artistique. Arguant alors que le devenir de l’art s’est déployé
aussi bien en rupture avec le passé et investi par le champ technique que selon une voie spirituelle et archaïque. Des voies qui,
toutefois, convergent puisqu’elles supposent toutes deux la suppression des médiations et la mise en commun des sensations
et des idées.
La télépathie qui propose une expérience de transmission audelà de la convention du langage, et par conséquent libérée de
la nécessité de la figuration, apparaît là, comme un moyen de
réapprendre à percevoir et à représenter. L’impressionnante traversée encyclopédique, voulue par Pascal Rousseau — unique
commissaire et chercheur de ce projet pharaonique— de ce qu’il
appelle les imaginaires culturels de la télépathie, répond ainsi
d’une visée à la fois anthropologique, historique et esthétique.
On notera d’ailleurs que cette large perspective, où la recherche
renvoie aux œuvres plastiques proprement dites, se déploie
parfois à perte de vue. En ce sens, le choix d’un parcours chronologique dans l’exposition qui n’aborde, qu’après bien des
détours, la question télépathique à l’aune de l’art contemporain,
génère un effet-retard dans la dramaturgie de l’accrochage de
l’exposition. Or l’art comme la télépathie ont avec le savoir, un
commerce conflictuel puisque tous deux sont des expériences
perceptives plutôt que des concepts, en cheville avec l’utopie
plutôt qu’avec une véritable épistémè. Ce qui a pour effet, finalement salvateur pour l’exposition, de brouiller les liens entre
les œuvres, et leurs concordances supposées. L’installation
de Tony Oursler qui reconstitue sur le mode farcesque, voire
kitsch, une séance spirite chez l’éminent occultiste Louis Darget,
surgit ainsi après un corpus plastique plus anecdotique dans le
parcours des salles. A l’origine, et pour le situer précisément, on
doit le terme de télépathie à la Society for Psychical Research
de Londres née en 1882, qui qualifie de télépathique “ Tous les
cas où une sensation est reçue à distance sans l’intermédiaire
normal des organes reconnus des sens”. Les expériences télépathiques, c’est l’hypothèse de Pascal Rousseau, génèrent, à
ce titre, publications inspirantes, et courants de pensée hors
normes qui séduisent le milieu artistique et nourrissent la genèse
de l’abstraction.
L’art abstrait dont l’esthétique se construit autour d’une forme
sans objet au nom d’une expression uniquement sensible de
la matière trouve, là, matière à création. Visualiser la pensée,
déréaliser l’œuvre d’art, vont aller de pair avec la forme que
Kandinsky souhaite voir advenir : “la forme est l’expression
matérielle d’un contenu abstrait.”3 Pascal Rousseau nous apprend ainsi que Les formes pensées (1905), ouvrage gravé de
Charles W. Leadbeater et Annie Besant, théosophes 4, dont
les illustrations présentent une classification des pensées et
des émotions à partir de gravures de couleur, trouve de possibles résurgences dans les toiles de Kandinsky. Les tenants
de la peinture et de l’art pur défaits de leur contenu matériel,
et donc défaits de la figuration, vont s’engouffrer dans cet activisme cérébral, fait de symbolisme chromatique et de possibles
projections mentales. Frantisek Kupka, le premier, y voit le
dépassement du langage et du champ de la perception. Cette
extension des pouvoirs psychiques pose un devenir surhumain
et l’avènement de l’esprit dans l’art. Si les théosophes adeptes
de la télépathie sont séduits par la sortie du corps vers une
béatitude complète de l’individu, les peintres abstraits œuvrent
sur le versant d’un futur adamique de l’art, fait de couleur et
de lumière, où fusionnent pensée de l’artiste et vibration de
la toile, qui vont rayonnant jusqu’au spectateur. Ces images,
compositions graphiques de Kandinsky ou plans de couleur de
Kupka, s’orientent vers une augmentation du champ de vision
et s’arrachent au réel de la représentation, débarrassé de ses
ingrédients picturaux. La peinture symboliste avait déjà servi
de base arrière à la possibilité de projection de la pensée dans
l’espace du monde, selon une physicalité que les avant-gardes
qui lui font suite, du cubisme au futurisme via l’abstraction, vont
poursuivre. Il s’agit pour ces mouvements esthétiques d’explorer
M 68 / 22
alors la voie ouverte par la télépathie et les courants spiritualistes : la légitimation “d’un fantasme de transparence physique
de la psychée (de la photographie de la pensée, à la transmission des images mentales) qui conduit assez naturellement
vers le projet d’une dématérialisation vibratoire de l’œuvre d’art
et son devenir télépathique.”5 Pouvoir réifier la pensée, c’est
donner une forme à la subjectivité ; par conséquent la donner à
voir. Cette visibilité offerte par l’expérience télépathique, oblige
à reconsidérer les liens entre l’objet et sa représentation, mais
aussi les lignes de démarcation entre réalité et fiction, dans un
partage devenu volontairement flou. Cette idée à la source du
renouveau surréaliste souligne moins une incursion dans l’irréel,
qu’une autre façon d’aborder la réalité sur le mode du merveilleux. Ce que Breton nommera le “magique circonstanciel” dont
l’élément de preuve est la pratique des dessins communiqués
ou dessins télépathiques, développés par les surréalistes à la fin
des années 30. L’idée étant que ce que l’on croit percevoir est
plus important que ce qui est perçu, puisqu’il s’agit de retrouver une image par déduction, après l’avoir vu brièvement. Ce
procédé de trouvaille instinctive est, avec l’écriture automatique,
à la fois révélatrice de la capture, comme avec un appareil photographique, des faits de conscience, et de la possibilité d’un
partage collectif des consciences individuelles.
C’est en Duchamp que Breton voit, en outre, la concrétisation
de ce prolongement du mythe de la transparence absolue au
M 68 / 23
Susan Hiller, Homage to Marcel Duchamp:
Aura (Blue Boy), 2011
© Adagp Paris 2015. Courtesy l’artiste et Lisson
Gallery, Londres.
1 Lucy Lippard, Six years : The Dematerialization
of the Art Object from 1966 to 1972, New York,
Praeger Publishers, 1973.
2 La Cybernétique : science fondée sur l’étude
et l’analyse des mécanismes de contrôle et
de communication chez les êtres vivants,
les machines et les systèmes économiques,
sociologiques, informatiques, etc.
3 W. Kandinsky, La peinture en tant qu’art pur,
in Regards sur le passé, éd.Herman, Paris,
1974. p.194.
4 La Théosophie : courant de pensée prônant
des idées telles que la fraternité universelle de
l’Humanité, la connaissance des religions, des
philosophies et des sciences, l’étude des lois
inexpliquées de la nature et des pouvoirs enfouis
de l’homme.
5 Pascal Rousseau, Cosa Mentale, Art et télépathie au XXème siècle, Paris, Gallimard/ Centre
Pompidou-Metz, 2015, p.207.
6 Pascal Rousseau, Cosa Mentale, Art et télépathie au XXème siècle, Paris, Gallimard/ Centre
Pompidou-Metz, 2015, p.233.
ExtraMuros
service d’une forme de “radioscopie de la subjectivité”. Ainsi Les
peintures idées de ce dernier, clôturées par la réalisation inachevée du Grand verre, sont, à la différence d’un Miró pour qui la
peinture reste une cartographie mentale des états d’âme — dont
on peut voir des expérimentations tachistes dans l’exposition—,
la mise en lumière du non-sens de la vie psychique et émotive.
Cette mise à distance du langage, permise par les expériences
télépathiques, favorise une communication tacite et ne séduit
qu’un temps la psychanalyse. Freud après avoir recherché
une explication rationnelle à la télépathie s’en démarque, car
il y voit un déni du travail linguistique. Avec les années 60 puis
70, ce qui demeure alors, pour les artistes, c’est peu à peu
la prise en considération, via la portée du phénomène télépathique, de l’importance dans le champ de l’art de la dimension
relationnelle à l’aune du village planétaire. Alors que le monde
d’après-guerre est à reconstruire, le discours sur l’intériorité est
ainsi progressivement délaissé et cède la place au rêve de la
conscience élargie. La physique quantique, associée au regain
d’intérêt pour les spiritualités, donne au mieux des expériences
électroniques synesthésiques souvent innovantes (la musique
de Pierre Henry, les vidéos de Nam June Paik), au pire des
dispositifs psychédéliques tels les projets de Cabines Psycolor
(1964-1965) de Claude Bellegarde ou le Mind expander des
Haus-Rucker-Co (1969) dont on a du mal à saisir sans sourire,
la radicalité architecturale. La pièce de Sigmard Polke datée
de 1999 offre plus qu’une illustration de ce temps de baignade
cosmique et immersive. Sa nébuleuse blanche et bleue dans
l’exposition, répond plastiquement à la dialectique du sujet
transparent, en figurant une simple forme embryonnaire plongée dans un environnement océanique.
Reste encore à faire la jonction avec l’âge contemporain pour
lequel la télépathie est un formidable moteur de transgression
des genres et de subversion des normes sociales. L’art conceptuel d’abord qui “(…) pousse à son terme le recentrage de l’art
vers le processus d’idéation, privilégiant l’intention (le projet,
l’information, la définition) sur la réalisation (l’objet, la mise en
forme, la fabrication), jusqu’à mettre en doute la nécessité de
produire des œuvres matérielles.”6
Sauf qu’il s’agit moins de la tendance conceptuelle nourrie
d’analyse et de sémantique emmenée par Joseph Kosuth et
Carl Andre que de la veine plus spontanée du groupe Fluxus.
À l’instar de Robert Filliou qui, avec l’Eternal network, réseau
ouvert et non hiérarchisé de l’art à partir d’une communauté
co-créative, participe de ce terrain commun d’expériences,
réinventant le contact entre art et spectateur. Voir à ce propos
la musique télépathique n°5 (1972) dont Filliou est l’harmonisateur qui formalise autant une chaîne d’idées qu’une solidarité
des membres. Malgré tout, c’est au couplage d’artistes, celui
de Gilbert et Georges ou de Marina Abramović et Ulay,
que renvoie fréquemment l’expérience télépathique. Les duos
d’artistes explorent, de fait, leur possible, et peut-être impossible
collaboration, soit qu’ils jouent du trouble du dédoublement et
de la dépersonnalisation dans une relation duelle ou fusionnelle, soit qu’ils mettent en place des protocoles d’échange
communicationnel non verbal. À ce titre, les performances de
Marina Abramović et Ulay permettent de produire un concentré
d’attention et de pensée, qu’active la présence engagée dans
la durée des artistes, et cela relativement à un espace donné.
L’action The Artist is Present d’Abramovic (2010) est en ce sens
emblématique. S’il faut tenter de conclure, la contribution de
Fabrice Hybert arrive tel un contrepoint au bouclage de ce
parcours, en invitant les visiteurs à passer à l’acte par le test
de leurs propres capacités télépathiques. Somme toute, une
proposition pertinente au terme de l’exposition puisque la télépathie, en déplaçant notre rapport à l’œuvre, nous oblige aussi,
en tant que spectateur, à devenir notre propre champ d’expérimentation. Pour faire, comme il est écrit à la fin du catalogue,
que chacun de nous devienne “une immense matière à penser”. Raya Baudinet-Lindberg
Cosa mentale
SETH
SIEGELAUB
L’INSTANCE
DE L’ÉCRIT
Seth Siegelaub: Beyond Conceptual Art est
une exposition consacrée aux différentes
fondations, galeries, agences, centres de recherche, collections, projets bibliographiques
de Seth Siegelaub, l’un des promoteurs les
plus clairvoyants de l’art conceptuel à New
York à la fin des années 1960. Les champs
qu’il investit ensuite sont situés hors des préoccupations propres à l’art contemporain et
à sa diffusion : marxisme et communication,
textiles anciens, loi, science. La fondation au
sein de laquelle il a rassemblé ses différentes
activités de recherche s’appelle The Stichting
Egress Foundation – Egress pour the way out,
going out, exit : nomination qui atteste bien de
la façon dont il a changé de préoccupation tous
les dix à quinze ans. L’exposition, fondée sur
une investigation de ses archives, ambitionne
de montrer, au-delà de la disparité de ses
centres d’intérêt, une méthodologie centrée
sur le livre, l’index et la circulation des idées.
Vues de l'exposition
Seth Siegelaub: Beyond Conceptual Art
© Gert Jan van Rooij, Amsterdam
éloigné des contingences matérielles liées à l’espace d’exposition classique. Particulièrement sensible à l’art formulé par des
protocoles et des processus, il a utilisé l’espace du livre pour
sa légèreté et sa potentialité de mise en circulation du travail
d’artistes sans en devoir passer par les moyens de validation
classique. À partir du début des années 1970, il a opéré de
façon singulière dans des milieux très différents et s’est attaché
à favoriser les recherches d’autrui. Il a collectionné, édité et
diffusé d’abord des livres, des revues et de la littérature grise
engagés politiquement et, dès le milieu des années 1980, des
étoffes anciennes et des livres sur l’histoire sociale du textile.
Dès les années 2000, il s’intéressa aux théories concernant le
temps et les questions de causalité en physique.
Les deux curatrices, Léontine Coelewij du Stedelijk et Sara
Martinetti actuellement doctorante à l’EHESS à Paris, se basent
sur le travail théorique de cette dernière qui a développé dès
2012 et en discussion avec Siegelaub avant son décès survenu
en 2013, une thèse en anthropologie de l’écriture. The Stuff That
Matters. Textiles collected by Seth Siegelaub for the CSROT,
l’exposition dont elle a été co-curatrice – à l’invitation d’Alex
Sainsbury de Raven Row à Londres en 2012 –, est un antécédent décisif en ce qu’elle fut, entre autres, l’occasion de répertorier de façon scientifique et de montrer pour la première fois une
partie impressionnante de sa collection de 750 textiles anciens.
Siegelaub a acheté, collectionné, édité et diffusé des livres
tout au long de sa vie. Il a également constitué deux bibliothèques conséquentes, l’une rassemblant des textes d’inspiration marxiste, plus de 3000 références, et la seconde, forte
de 7300 références, concernant l’histoire du textile. Ce sont
des outils qu’il a mis à disposition des spécialistes au sein de
deux centres de recherches dont l’IMMRC, International Mass
Media Research Center, fondé en 1973 à Bagnolet dans la
ceinture rouge parisienne. Il a ainsi accompagné l’émergence
de nombreux groupes militants en réunissant autant de livres,
brochures, conférences, périodiques, articles, revues de presse,
tracts sur une critique marxiste et progressiste du capitalisme,
de l’impérialisme, et des industries culturelles. Il publie aussi
pendant cette période le répertoire bibliographique Marxism
and the Mass Media: Towards a Basic Bibliography. Le deuxième centre de recherche est le CSROT, Center for Social
Research on Old Textiles, fondé, quant à lui, en 1986 et basé à
Amsterdam, qui rassemble les différents pôles de sa recherche
sur les textiles. La Bibliographica Textilia Historiæ:Towards a
General Bibliography on the History of Textiles Based on the
Library and Archives of the Center for Social Research on Old
Textiles, publiée en 1997, est vite devenue une référence, rien
de tel n’existant dans le domaine. Siegelaub travaillait de façon
Le livre omniprésent
L’exposition accorde une importance particulière à trois champs
d’investigation : l’art conceptuel, le marxisme et les questions
de communication, et les textiles envisagés dans une histoire
pluridisciplinaire. Seth Siegelaub, galeriste et marchand d’art au
milieu des années 1960, est connu pour s’être progressivement
Seth Siegelaub
ExtraMuros
M 68 / 24
indépendante tout en étant constamment en connexion et en
échange avec des chercheurs, des libraires et les bibliothécaires
et, encore, selon les périodes, avec nombre de groupes d’artistes, d’activistes, de spécialistes du textile ou de physiciens.
Le parti pris de l’exposition est celui que Sara Martinetti développe dans son essai pour le catalogue, à savoir que Siegelaub,
via l’indexation – ce travail particulier qui consiste en la compilation de références dans des listes selon une classification
préétablie-, s’attachait à donner une visibilité à ce qui restait
invisible ou introuvable, quel que soit le champ d’activité dans
lequel il s’immergeait. Concernant son rapport aux textiles,
par exemple, l’histoire qu’il cherche à rendre accessible n’est
pas tant l’histoire des arts décoratifs que, bien plus largement,
celle de nos sociétés, d’un point de vue économique, culturel
et social. Il s’agit, par le biais d’un chantier réellement pluridisciplinaire, de pointer depuis le textile les histoires de l’activité
humaine, tant celle des arts, du travail et du commerce que
celle des conditions matérielles de l’activité des hommes et des
mutations technologiques.
Mobile, paginée, indexée
Le design de l’exposition est le fruit du travail du Studio
Apparata et de l’équipe curatoriale. La mobilité dont a fait preuve
Siegelaub dans sa vie est traduite dans un display privilégiant le
mobilier. Accrocher une œuvre, présenter une étoffe ou déployer
les pages d’un livre s’est quasiment fait sans toucher aux murs
de l’institution : des modules blancs disposés dans l’espace,
conservant une zone de deux mètres et demi entre les murs et le
contenu même de l’exposition. Ce display rappelle la page d’un
livre et, dans un contexte muséal où les murs sont presque toujours utilisés, il souligne que l’accent, ici, a été mis sur la marge.
Pour l’art conceptuel, les modules sont de petites cimaises
combinées à l’horizontale à des pupitres et des vitrines ; pour
le marxisme et les mass médias, ce sont des présentoirs à livres
et une table de consultation de bibliothèque et pour les livres et
la collection de textiles, c’est une immense table-vitrine carrée
de quinze mètres de côté. Enfin le parcours de l’exposition et
l’ordonnancement des objets prennent pour sources les deux
bibliographies de Siegelaub. Lorsque le visiteur parcourt les
titres de la bibliothèque, il se trouve dans le chapitrage de la
bibliographie sur le marxisme et les mass médias, et lorsqu’il
évolue autour de la table des tissus, il tourne les pages de la
Bibliographica Textilia Historiæ …
Partage
Sur la grande table, il est possible d’admirer des étoffes de
tous âges et de toutes origines géographiques, subtilement
agencées avec une quantité impressionnante de livres, d’encyclopédies, d’édits concernant la fabrication ou le commerce de
textiles. L’attention peut librement glisser ou s’arrêter sur des
informations historiques, graphiques, techniques, économiques,
juridiques, etc.
Sur la table au centre de l’exposition, les livres édités par
International General sont en consultation libre, entre autres
une anthologie de textes critiques sur les médias, une autre
des écrits de Marx et Engels sur l’art, les trois volumes de la
bibliographie, How to Read Donald Duck: Imperialist Ideology
in the Disney Comic.
Chaque projet mené par Siegelaub pendant la période newyorkaise est présenté de façon très détaillée avec le courrier
adressé aux artistes, une sélection de quelques photographies
ou dessins originaux envoyés par les artistes, le facsimilé de la
publication à feuilleter, etc. Les projets mineurs sont traités avec
la même importance que ceux parmi les plus emblématiques
de sa galerie sans murs. À ce titre, on notera le catalogue 18
Paris IV. 1970 en collaboration avec Michel Claura pour l’exposition éponyme à Paris. Chaque projet d’artiste y est énoncé
en deux temps : une formulation en réponse à la sollicitation
des organisateurs, et une autre après qu’ils aient reçu la totalité
M 68 / 25
des projets (légère reformulation, changement radical du projet
ou annulation de la participation). Cette partie de l’exposition
met également en lumière l’engagement de Siegelaub pour
les causes politiques comme l’AWC (Art Worker’s Coalition) ou
l’USSF (United State Servicemen’s Fund), une organisation qui
finançait des journaux d’expression à destination des GI opposés à la guerre.
Bibliographie sélective
Solliciter et recueillir des réponses, les mettre en forme et les
diffuser, le modus operandi de Siegelaub devient celui d’un
bibliographe. Sara Martinetti retrace comment il va chercher
l’information de première main, lui donne forme, la répertorie, la
classe, la catégorise, l’accompagne éventuellement d’un texte
de présentation, l’édite et enfin, la diffuse. L’intérêt de l’exposition
est de montrer le type d’information concernée. De par sa nature
en nette opposition avec les idéologies dominantes, elle a peu
de chances de circuler et Siegelaub cherche donc à en faciliter la dissémination. C’est vrai de l’engagement auprès des GI
américains, d’une histoire transdisciplinaire du textile qui reste à
écrire, des théories sur la communication inspirées du marxisme
et des concepts forgés par les artistes d’avant-garde. Œuvres
intangibles ou invisibles, formulées sur des bouts de papier, des
notes d’intention ou des dessins préparatoires, elles lui sont,
pour la plupart, simplement adressées par télex ou courrier.
Siegelaub s’est consacré à établir ce qu’on appelle des sources
tertiaires (on appelle ainsi les listes de références bibliographiques) alors même qu’il avait insisté sur la notion de “primary
information” concernant ses publications faites à New York.
S’il a collectionné des œuvres conceptuelles et des textiles,
il a aussi surtout dressé des listes qui permettent d’orienter le
lecteur vers des constellations d’idées, des groupes d’œuvres
ou des collections de livres qui risquent, sans le patient travail du bibliographe, d’être perdus. Au tournant des années
1970, il était courant de trouver dans les protocoles de l’art
conceptuel l’établissement de listes et d’index – Six Years: The
Dematerialization of the Art Object from 1966 to 1972 est une
bibliographie ; le catalogue-classeur avec onglets alphabétiques
de Quand les attitudes deviennent forme est un index –, mais
leurs auteurs respectifs, Lucy Lippard et Harald Szeemann, ne
vont pas investir ce protocole comme le fera Seth Siegelaub.
Le film The Causality of Hesitance de Mario Garcia Torres est
projeté dans une salle attenante. Un performer commence,
en s’adressant à une assistance hors-champ, par relater un
projet de recherche sur le temps, un projet avorté. Sur une
scène obscure, pendant qu’il parle, s’interrompt, fredonne une
ritournelle ou reprend les errances de son discours ponctuées
d’hésitations, la caméra qui le filme fait de même : plans flous,
gros plans, plans rapprochés ou plans vides dirigés vers l’obscurité derrière lui. Torres questionne la puissance de l’hésitation
lorsque celle-ci se glisse entre l’intention et l’aboutissement de
l’action visée. On est au cœur de ce qui a intéressé Siegelaub
vers la fin de sa vie : les théories sur le temps et la causalité en
physique, son projet d’une bibliothèque et d’une base de données de références sur le sujet, un projet non terminé justement,
le champ de connaissances qu’il voulait rendre accessible étant
en pleine expansion, comme l’univers. Dans l’exposition, toute
baignée de lumière, des projets de publications non réalisés sont
exposés. Dans l’ombre de la petite salle de projection, l’incarnation de l’hésitation par cet acteur ainsi que les méandres d’une
possible pensée du doute ouvrent la compréhension de cette
exposition à toutes les irrésolutions du parcours intellectuel de
Seth Siegelaub. Son scepticisme vis-à-vis du confort intellectuel
et sa défiance des fonctionnements bien huilés des différents
contextes traversés l’ont conduit régulièrement à remettre en
question ses investigations et les différents chantiers dans lesquels il s’investissait. Il lui arrivait alors de passer à autre chose.
Vue de l'exposition
Seth Siegelaub: Beyond Conceptual Art
© Gert Jan van Rooij, Amsterdam
SETH SIEGELAUB:
BEYOND CONCEPTUAL ART
SOUS COMMISSARIAT DE LÉONTINE
COELEWIJ ET SARA MARTINETTI
STEDELIJK MUSEUM
10 MUSEUMPLEIN
NL- 1071 DJ AMSTERDAMPOSTBUS
WWW.STEDELIJK.NL
JUSQU’AU 17.04.16
SETH SIEGELAUB
5-31JANUARY, 1969 –
20-24 APRIL, 2016
BUREAU DES RÉALITÉS ART BRUSSELS CURATOR RUN SPACE
& NON PROFIT SECTION
TOUR & TAXIS
86 C AVENUE DU PORT
1000 BRUXELLES
WWW.ARTBRUSSELS.COM
DU 20 AU 24.04.16
PROJET ARTICULÉ AU DÉPART DE
L’EMBLÉMATIQUE JANUARY 5-31 DE
SIEGELAUB.
LORS D’ART BRUSSELS 2016, UNE
NOUVELLE PUBLICATION DU MÊME
FORMAT ET DE LA MÊME STRUCTURE
QUE LE CATALOGUE-EXPOSITION DE
SIEGELAUB SERA PRÉSENTÉE EN
REGARD DE L’ÉDITION ORIGINALE ET
RASSEMBLERA LES CONTRIBUTIONS
D’UNE NOUVELLE GÉNÉRATION
D’ARTISTES QUI ONT EXPOSÉ AU
BUREAU DES RÉALITÉS (ZIN TAYLOR,
BENJAMIN SEROR, MEGGY RUSTAMOVA,
JUAN PABLO PLAZAS & MARIANNE
BERENHAUT, ROSA AIELLO, ERWAN
MAHÉO).
Fabien Pinaroli
(Article réalisé à partir d’une
série d’entretiens avec Sara
Martinetti).
ExtraMuros
Seth Siegelaub
In Situ
Projection du film de Laurie Charles,
Love of Matter, avec les musiciens
de France Frite. © photo: Kristien Daem
Nous sommes en 1616 dans la petite ville
de Boom en Flandre-Orientale alors sous
occupation espagnole. Chacun s’affaire à
préparer la kermesse annuelle lorsqu’on annonce que des troupes de l’occupant veulent
y passer la nuit. Les notables ont encore
en mémoire les pillages provoqués par les
Espagnols quelques décennies plus tôt, ils
prennent peur et le bourgmestre décide
de se faire passer pour mort. Son épouse,
Cornélia, prend le pouvoir avec les autres
femmes de la ville et celles-ci accueillent les
Espagnols qui vont faire bonne chère, profiter de la boisson et de leur hospitalité sans
causer le moindre trouble. Le lendemain
matin, les soldats s’en vont et les hommes
retrouvent leur rôle. Tel est le propos de
La Kermesse héroïque, un film de Jacques
Feyder sur un scénario de Charles Spaak
réalisé en 1935. Ses auteurs le présentaient
comme une farce héroïco-comique et c’est
ainsi qu’il fut reçu par le public. Cependant,
en Flandre, il fut remis en cause à la fois par
l’Église qui le jugeait immoral et par le mouvement flamand qui y voyait une allusion aux
faits de collaboration pendant la Première
Guerre mondiale et, par là même, une injure
au peuple flamand. La Kermesse héroïque a
inspiré Alberto Garcia del Castillo et Louise
Osieka pour le festival qu’ils ont organisé du
13 au 15 janvier dernier au Beursschouwburg
et au Midpoint, au cœur de Bruxelles. C’est
aussi le titre qu’ils ont choisi de lui donner.
Le festival s’inscrit dans le cadre de l’EUROPALIA
RESIDENCY AWARD, une nouvelle initiative d’Europalia consistant à sélectionner deux jeunes curateurs
pour concevoir une exposition associant des artistes
vivant à Bruxelles. Cette année, le pays invité est la
Turquie et artistes et curateurs ont résidé séparément à Istanbul pendant un mois. Alberto Garcia del
Castillo et Louise Osieka, sélectionnés pour cette
première édition, ont d’emblée été mal à l’aise avec
une demande qu’ils jugeaient “colonialiste”. Ils ont
donc proposé une réponse critique à la proposition :
interroger la structure et le projet même d’Europalia.
Pour Alberto Garcia del Castillo, “le néocolonialisme
lié à l’eurocentrisme est une vision culturelle qui a
été construite à cause du colonialisme et qui a produit une division de la culture : notre culture et celle
de l’autre que des artistes voyageurs ou aventuriers
peuvent nous amener”. Opter pour un festival plutôt
que pour une exposition relevait de la même attitude
critique : pas de vernissage avec sa foule d’invités
mais une série d’événements touchant différents
publics, tous articulés autour d’un tronc commun
“féministe et non dominant qui multiplie les approches” résume le curateur. En choisissant les lieux
de ce festival, ils s’inscrivaient clairement au centre
de Bruxelles, une ville “qui passe la moitié de sa vie
en kermesses”, plaisante Alberto Garcia del Castillo.
Le Beursschouwburg, dont ils prennent en compte
Europalia Residency Award
La Kermesse héroïque
EUROPALIA RESIDENCY
AWARD
LA KERMESSE HÉROÏQUE
SOUS COMMISSARIAT D’ALBERTO
GARCIA DEL CASTILLO ET DE LOUISE
OSIEKA
LAURIE CHARLES ET MARNIE SLATER
AVEC OLIVIA DUNBAR
ET STEEV LEMERCIER
BEURSSCHOUWBURG ET MIDPOINT
(BRUXELLES)
DU 13 AU 15.01.16
KERMESSE
HÉROÏQUE
l’histoire - un café et une salle des fêtes construits
en 1885, convertis en théâtre à l’italienne avant de
devenir le lieu artistique multidisciplinaire qu’il est
aujourd’hui. Quant au bar Midpoint, ouvert en 2011,
il est devenu un lieu privilégié pour les artistes qui y
réalisent des interventions singulières, y organisent
des fêtes, des anniversaires, etc. Ses propriétaires,
d’origine turque, constituent le seul lien honnête que
les curateurs pouvaient entretenir avec la Turquie :
une relation réelle, sans invention ni paternalisme.
Le festival a duré trois jours. Il a débuté par la présentation d’un livre consacré aux histoire(s) du Midpoint.
Édité par Théophile’s Papers, il dresse un portrait à
plusieurs voix - Fatma Arar, la patronne du bar, des
acteurs du monde de l’art passant par Bruxelles ou
habitués du centre ville - de ce lieu atypique et du
quartier où il est implanté. La projection du nouveau
film de Laurie Charles, Love of Matter, s’est déroulée,
quant à elle, au Beursschouwburg, accompagnée
en live par le groupe de musique France Frites. Le
film mêle des séquences mises en scène et des
images enregistrées dans différents musées d’histoire naturelle. La nature y apparait empreinte d’une
inquiétante étrangeté, très différente de la création
du monde relatée dans la Genèse ou des rêveries
des Romantiques. De l’origine - les poissons - à aujourd’hui - les déchets industriels - en passant par
des discussions sur la recherche de solutions pour
In Situ
EDITION:
Midpoint, avec Fatma Arar, Nick Bastis,
Carles Kongos, Gro Gravas, Jean-Paul
Jacquet, Lars Laumann, Stefanie Snoeck,
Harald Thys et Margot Vanheusden, édité
par Laurie Charles, Alberto Garcia del
Castillo, Louise Osieka et Marnie Slater,
Brussels Théophile’s Paper, Europalia
Residency Award.
la survie humaine, il rejoue l’histoire de notre planète
et se conclut sur une proposition plus nihiliste que
pessimiste. Enfin, la performance de Marnie Slater,
By Written I Mean Made, présentée le lendemain,
relevait davantage du théâtre : une scénographie,
quatre actrices, un texte. Ce dernier est certainement l’élément le plus intéressant du projet car
élaboré à partir d’un recueil de documents (lettres,
coupures de presse, notes, etc) de Claude Cahun
(née Lucy Schwob) et de Marcel Moore (née Suzanne
Malherbe) conservés à l’Archive de Jersey. Ce matériel prend la forme de dialogues qui, comme les noms
des deux amant(e)s et leurs rôles (elles étaient aussi
demi-sœurs), se démultiplient dans un jeu à quatre
voix. Le festival s’est clôturé au Midpoint par un concert
de Steev Lemercier et un DJ set d’Olivia Dunbar.
Les deux principaux événements du festival appartiennent plus au domaine du “work in progress”
qu’à celui de l’œuvre achevée et maîtrisée. Peutêtre s’agit-il d’une volonté de renverser les attentes
(comme cela se passe dans La Kermesse héroïque ) ? Les œuvres privilégient le narratif, qui est
dans l’air du temps, et nous n’y avons pas trouvé la
parole iconoclaste revendiquée par les curateurs sur
la question du colonialisme culturel. Nous aurions
préféré qu’ils se confrontent à la réalité politique
de la Turquie actuelle (y compris celle qui existe à
Bruxelles) plutôt que de s’enfermer dans un petit
monde de l’art, qu’ils remettent en cause le fonctionnement de l’Europe, qu’ils s’intéressent à ce qui
se joue aujourd’hui à ses frontières (et singulièrement
en Turquie) plutôt que de tracer symboliquement les
limites qui vont de la Bourse au Canal en passant
par la rue Dansaert et la rue de Flandre. En fin de
compte, le festival rejoint le film de Feyder : le renversement du pouvoir est une farce et une fête avant
que la vie ne reprenne son cours habituel.
Colette Dubois
M 68 / 26
Intra
Muros
Le Musée d’Ixelles accueille la cinéaste AGNÈS
VARDA dans ses murs. Ce n’est pas que de la
sorte il opère seulement au niveau des projets
qu’anime depuis longtemps son invitée, et qui
sont une multiplication de ses expériences
dans le domaine du film mais sous la forme de
contrariétés voulues, délibérément consenties, recherchées même. En fait le musée
rouvre à Varda un accès à l’enfance, puisque
c’est à Ixelles qu’elle vécut autrefois avec sa
famille, à tout le moins durant les années désormais lointaines qui précédèrent l’exil forcé,
dû au second conflit mondial.
PLAINPIED
AVEC
LA
TERRE
Agnès Varda,
Patate Coeurs # 8, photographie, 2002
© Agnès Varda
AGNÈS VARDA,
PATATES & COMPAGNIE
MUSÉE D’IXELLES
71 RUE JEAN VAN VOLSEM
1050 BRUXELLES
WWW.MUSEEDIXELLES.IRISNET.BE
DU 25.02 AU 29.05.16
Le penchant à retrouver des chemins intimes plutôt qu’à s’y
perdre, une des caractéristiques les plus marquées de l’œuvre,
prend des points de sa méditation dans ce rapprochement entre
passé et présent, qu’il reconfigure de manière singulièrement
expressive. Se préparant à revenir vers Ixelles, Varda, qui une
fois encore refuse de penser qu’une expérience artistique ne
trouve de sens qu’à se désigner elle-même pour fin, s’est attachée à faire un pas, mais pas n’importe lequel, en direction des
étangs qui sont ici, en pleine ville, l’occasion à la fois d’une promenade et d’une rêverie. Une des installations qu’elle souhaite
offrir à la découverte, projet et matériau unis à raison de l’attrait
exercé par l’eau sur chaque esprit, agrège plusieurs aspects de
ces étangs, situant ceux-ci au plan d’une réinvention plastique. Il
y a, de ce point de vue, un rendez-vous qui aura été pris avec la
mémoire, évidemment ; ou peut-être plus, mais cela à condition
d’annexer la formule de Bachelard disant que si l’on imagine un
monde, il est probable que l’on fasse plutôt acte de se souvenir.
Varda, alors jeune et faisant escale à Paris, après la guerre, et
pour une courte saison croyait-elle naïvement, s’était donné
à tâche d’aller écouter le philosophe au savoir tourné vers les
M 68 / 27
IntraMuros
principes organisateurs de la conscience que sont le feu, l’air,
la terre et l’eau.
A ceux qui jugent que créer des installations représente un saut
qui met le cinéma, tout le cinéma, à distance, les travaux de
Varda apportent un démenti, et d’ailleurs loin s’en faut que les
pouvoirs de l’écriture cinématographique prise dans son dessin global aient atteint leurs propres limites – qu’ils aient eu à
subir les effets de l’affaiblissement, de l’enlaidissement que la
grosse industrie et la banalisation du goût infligent à la plupart
des médias de nos jours, pour ne pas dire à tous. La rupture
dans la conception du cinéma ne date pas d’hier. Sa relation
avec les arts de l’espace, per aspera ad astra, frappe surtout
par l’introduction simultanée, de côté et d’autre, sans qu’aucune
concurrence ne les désoblige ni n’enlève quelque chose de
leurs propriétés particulières, d’un objectif spéculatif et qu’ils
échangent, qu’ils se partagent.
Il est un travail naguère proposé par la cinéaste qui, incontestablement, “met le sens dans le cadre”. Le public ne le verra pas
au musée d’Ixelles, mais il compte, il compte même beaucoup,
parce qu’il résume la promesse inhérente aux installations vidéo
qui y sont rassemblées : et cela aussi parce qu’il dévoile la fissuration symbolique à l’origine de toute démarche cherchant à
approfondir, pour le transcender, le rapport au langage, que ce
dernier soit verbal ou iconique, peu importe. Ce travail, intitulé
Cabane de cinéma, résulte de l’alignement sur les sections d’un
grand volume habitable de bobines de pellicule tout en long,
déployant ainsi le souvenir de prises de vue sur une tombée de
transparents qui détiennent la ressource de s’éparpiller dans
le reflet. C’est en tentant de s’expliquer sur la nature de ce travail que Varda a eu, comme si elle s’était trouvée malgré elle
face à de l’inconnu, ou comme s’il s’agissait de révéler ce que
l’ajustement d’une approche à son apparent contraire contient
d’identité commune, le souci d’émettre la définition suivante :
“Qu’est-ce que le cinéma ? de la lumière qui arrive quelque part
et qui est retenue par des images plus ou moins sombres ou
colorées.”
Cette nouvelle exposition a une dette envers la photographie, envers Homère, envers la puissance du regard quand
il s’empresse de considérer de combien de formes baroques
disposent de simples “patates”, partout accumulées devant le
visiteur. Le débat qui prendrait cours, s’il était besoin, attiserait de vieux motifs de critique vis-à-vis des choix et bonheurs
prétendus auxquels se rattachent les artistes contemporains,
car de ces fruits de la terre on a connu des représentations
en peinture jadis aussi convaincantes que celles dépistant les
lignes d’un paysage ou d’un corps en majesté ou en souffrance.
Seulement la différence réside dans l’enchantement à laisser
paraître les choses au travers de l’ordre qu’elles incarnent
en tant que telles, hors représentation : un ordre inaperçu et
qui se dévisage comme un chaos, alors que l’ordre induit par
l’intelligence humaine rejaillit soit de la nécessité de conquérir
les choses, soit de s’en abstraire tout en leur portant un coup
fatal. De ces tubercules, Varda, dans ses vidéos ou ses photos,
adopte, à l’inverse, la matière poudreuse et délicate, on dirait
presque le drapé. Peut-être est-ce dans un élan paradoxal.
Peut-être est-ce dans le but de ne jamais au fond vouloir comparer le cliché obtenu à ces manifestations minimales de l’être.
Et, peut-être plus encore, afin de signifier par là qu’il est risqué,
voire trompeur, d’établir une adéquation, ainsi que jadis codifiée
par la métaphysique des images, entre réel et semblant, entre
fascination exercée par les formes de la vie et leur recensement.
Déchiffrer le monde, mais admettre qu’il demeure inassimilable
au moindre technème, relève après tout de la méthode du cinématographe. L’essentiel de la poétique de Varda tient ainsi en
un écart entre deux pôles : n’avoir rien à démontrer et se fier aux
forces unifiantes gisant en soi : ce que son film Ulysse prouve
à sa façon, dans ses péripéties d’affects où ciel, terre et océan
s’entr’appellent.
Aldo Guillaume Turin
Agnès Varda
Pauline M’Barek,
Semiophores, 2013
Vidéo, HD, n&bl, 14´28 min, son.
Courtesy l’artiste & Thomas Rehbein Gallery
L’image qui vient est celle qui explore les horschamps, les non-dits, afin de nous interroger
sur sa capacité à générer une réflexion qui
se prolonge dans l’esprit du spectateur. Elle
invite ce dernier à déplacer son regard vers
les dispositifs médiatiques, muséologiques,
physiques, qui sont à l’œuvre dès qu’une création se trouve exposée. L’absence du sujet, sa
décomposition, sa multiplication ou son déplacement sont ainsi différents processus par
lesquels l’œuvre se dérobe à une appréhension immédiate, laissant l’impression d’être
quelque chose de non clôturé, en proie à une
perpétuelle recherche de sa propre extériorité.
L’IMAGE
QUI
VIENT
D’emblée l’œuvre d’Oriol Vilanova Sin perder quasi nada (Quasi
sans rien perdre) prend un parti iconoclaste afin de souligner le
contexte politique de l’Espagne des années 1960. Les secrets
qui entourent la période franquiste sont évoqués par l’artiste
sous couvert d’association avec la promotion touristique du
pays à la même période. Dans leur présentoir, des cartes postales datant de cette époque sont disposées mais non accessibles à notre vue car soigneusement conservées dans des
enveloppes sur lesquelles est imprimé un slogan nous promettant “de magnifiques vues en couleur et bromure de toute la
péninsule”. La substitution de l’image par une phrase promotionnelle exacerbe sa manipulation en se focalisant sur le dispositif
qui la conditionne. Chez Léa Mayer, cette manipulation passe
par l’isolement d’un signe et sa réappropriation par le dessin et
l’aquarelle. A partir de photographies trouvées, l’artiste joue sur
le phénomène de la paramnésie, la sensation d’avoir déjà vu ou
vécu une situation. Chacune des photographies exposées est
assortie d’un élément graphique qui en est extrait et mis en évidence par sa reproduction à plus grande échelle dans l’espace
d’exposition. La capacité d’observation du spectateur est ainsi
sollicitée de façon ludique, rendant l’image dynamique par détournement de l’événement qu’elle couvrait au profit d’un détail
graphique, qui ramène la photographie à sa plus pure plasticité.
C’est le phénomène de perception physique de l’image qui est
en jeu dans l’installation vidéo proposée par Cédric Noël. Un
voyage dans Norah regarde fixement un mur blanc dont les
bords échappent à son champ de vision retranscrit au moyen
du récit les différentes étapes de la constitution d’une image
depuis la composition physique de l’objet regardé jusqu’à la
formation d’une pensée dans le cerveau. Présenté comme une
fiction, ce voyage détaille en fait avec une précision scientifique
l’élaboration de la vision, rendant tangible les éléments immatériaux ou quasi imperceptibles qui constituent l’image pensée.
Inspirée de situations dont l’artiste a été témoin au laboratoire
des sciences cognitives de l’ULB, cette installation joue aussi de
la confusion entre l’espace blanc de la galerie et celui du laboratoire pour nous placer au centre d’une expérience de prise de
conscience de ce qui se produit lorsque nous regardons. Saisir
l’image de façon analytique apparaît comme une manière de se
détourner de son sujet pour mieux comprendre les mécanismes
de la pensée en action. Les visages photographiés par Chantal
Maes ne font pas l’objet d’une telle analyse mais sont saisis dans
une attitude qui reflète leur pensée, leur intériorité à l’instant de
la prise de vue. Jamais leur regard ne croise l’objectif, ils sont
Marco De Sanctis,
Marine #2, 2015
© Marco De Sanctis
L’image qui vient
IntraMuros
M 68 / 28
tout entier voués à une attention dont le motif nous échappe et
nous conduit irrémédiablement hors du cadre. Dans ces œuvres
il y a finalement une certaine pudeur et une certaine humilité,
la volonté de ne pas imposer à l’autre son propre point de vue.
S’immiscant dans la quasi-totalité du parcours de l’exposition,
Mirror Maze démultiplie notre regard sur l’œuvre en se jouant
des différents modes de perception que nous en avons. Yves
Lecomte commence par concevoir une sculpture abstraite, à
partir d’un objet usuel banal, mais dont la forme présente un
intérêt esthétique. Par dédoublement de l’objet selon le principe
du miroir, l’artiste annihile sa fonction au profit d’une recherche
formelle qui en fait une œuvre d’art. Photographiée et encadrée,
elle engendre une nouvelle œuvre, qui elle-même photographiée et encadrée constitue une œuvre à part entière. Notre
appréhension de la sculpture initiale se fait ainsi en fonction
de la distance creusée par les intermédiaires médiatiques qui
s’intercalent entre le regardeur et l’objet. Cette multiplication
des visions d’une même œuvre met en évidence par l’absurde
un processus de création enfermant l’œuvre sur elle-même,
ironisant sur les tautologies auxquelles ont pu conduire certaines approches analytiques de l’œuvre. Sa finalité muséale
est évoquée dans l’imposant socle conçu pour que la sculpture
puisse tout juste s’y nicher, mais celui-ci n’est pas utilisé pour
présenter l’œuvre. Il vient s’ajouter à la suite des possibles présentations de celle-ci, tout en induisant l’idée que la sculpture y
trouve son origine autant que sa destination, réactivant ainsi de
façon constante le cycle de sa vie médiatique.
La disparition de l’objet/sujet est utilisée par Pauline M’Barek,
dans l’optique de mettre également en évidence l’importance
du dispositif muséographique sur notre perception de l’œuvre.
Ainsi Showcase fait apparaître sur les murs de l’espace d’exposition une vitrine de musée dont on reconnaît la forme dans des
ombres projetées grâce à un jeu de lumière finement dirigé. La
théâtralisation du dispositif qui en résulte marque la subjectivité de son approche, critique qui se retrouve dans la vidéo
Sémiophores. Filmant en gros plan des mains gantées de blanc
manipulant un objet invisible car noirci dans l’image, l’artiste
nous laisse le soin d’imaginer cet objet, en faisant appel à notre
culture muséale. C’est aussi à travers un exercice de reconstitution d’une mémoire collective liée à l’histoire de l’art que l’on
appréhende la série Drapery de Sophie Langhor. Froissant et
photographiant les pages de papier glacé des publicités pour
des vêtements haut de gamme, l’artiste les hisse au rang des
peintures qui ont marqué l’histoire de l’art par leur maîtrise du
rendu des tissus. La focalisation de Sophie Langhor sur le détail
d’une main qui semble agripper tant le vêtement que la surface
de l’œuvre renforce l’idée d’une interaction physique du modèle
photographié avec le médium. La mise à distance de la photographie publicitaire par la prise de vue de l’artiste et la qualité
du grain de l’image qui en résulte entretiennent le doute quant
à la nature picturale ou numérique de la source, à sa datation,
à sa valeur historique.
L’effet d’ellipse fonde également le ressort des Marines de
Marco De Sanctis. L’intervention de l’artiste sur l’œuvre est
ici directe et irrémédiable, dans la mesure où il efface l’image
peinte par prélèvement de la couche picturale. Seul subsiste un
fragment qui nous rappelle le sujet de la toile, la mer suffisant
elle-même à se remémorer tout un genre pictural. Les toiles
dé-peintes de Marco De Sanctis font écho dans l’exposition
à la projection de diapositives constituant le Bateau-Tableau
de Marcel Broodthaers. L’intérêt de l’artiste se porte ici sur
une marine du XIXe siècle qu’il fait décrocher de sa cimaise
et dont il ôte le cadre afin de la mettre à nu par une analyse
méthodique de sa constitution physique, au moyen du médium
photographique. Chaque diapositive nous fait voir une partie du
tableau, qu’il s’agisse de la toile peinte ou du cadre, des clous
qui la maintiennent. Dispatcher l’œuvre en fragments permet
de reconstituer la méthode scientifique de son analyse muséologique, mais établit aussi une possibilité de rendre visible le
M 68 / 29
Sophie Langohr,
Image Hugo Boss de la série Drapery,
2013 - 2014
© Sophie Langohr / Courtesy Galerie Nadja Vilenne
L’IMAGE QUI VIENT
SOUS COMMISSARIAT DE LAURENT COURTENS
ET CATHERINE HENKINET
L’ISELP
31 BOULEVARD DE WATERLOO
1000 BRUXELLES
WWW.ISELP.BE
JUSQU’AU 19.03.16
processus de lecture qui suit le déplacement de notre regard
sur la surface peinte. La progression temporelle de la projection
amène à déployer l’œuvre dans le temps, induisant la possibilité
de construire une suite narrative, qui se heurte constamment à
l’objectivité des pures caractéristiques physiques du tableau.
L’exposition questionne ainsi en permanence le regard que
nous portons aux œuvres, et l’influence que le contexte culturel
exerce sur ce même regard. Les commissaires nous montrent
qu’être dans la retenue permet non seulement d’éviter certains
clichés, mais laisse surtout à l’image la distance nécessaire à
son déroulement dans l’esprit du spectateur, là où finalement,
elle se constitue.
Laurence Pen
Oriol Vilanova,
Sin perder quasi nada, 2015.
Courtesy l’artiste et Parra & Romero
IntraMuros
L’image qui vient
La réception des œuvres d’art actuel échappe
aux raccourcis normatifs. La production artistique qui nous est contemporaine sollicite
tous les organes perceptifs, un esprit critique
et analytique, un savoir à géométrie variable
ainsi qu’une importante ouverture d’esprit. La
diversité des expériences proposées ne permet pas de prévoir les comportements et les
interprétations provoqués. Qui plus est, elle
confronte à de continuelles réévaluations de la
définition et de la fonction des œuvres. Ce caractère imprévisible contribue simultanément
à la richesse et à la difficulté entraînées par la
création et la réception des œuvres actuelles.
Septembre Tiberghien présente les fondements de
sa recherche sur le processus de création d’œuvres
actuelles dans le contexte de son plus récent projet curatorial : Le geste de l’admoniteur. Elle y développe une stratégie novatrice qui tire profit des
deux espaces de l’Archiraar Gallery, qu’elle articule
ensemble tout en les maintenant autonomes. Le
premier espace – cube blanc – contient des œuvres
produites par huit artistes représentés par la galerie
ou invités pour l’occasion, tandis que le deuxième
espace – cube noir – contient des documents liés
à chacune des œuvres. Aucun de ces documents
n’a le statut d’œuvre d’art, il s’agit exclusivement
de notes d’intentions, de descriptifs ou d’esquisses
d’artistes. Présentés comme l’“inconscient” ou le
“double négatif” des créations artistiques auxquelles
ils se rapportent, ces documents accrochés suivant
une séquence similaire à leurs référents permettent
aux publics de confirmer ou d’approfondir leur compréhension de ce qu’ils ont perçu dans le cube blanc.
De manière fortuite et sans occuper un espace particulièrement significatif, l’œuvre de Marie Lelouche
intitulée Degré 360 synthétise les bases du projet.
L’installation présente le recto de trois pages de
papier journal imprimées recto-verso, possiblement
plus révélatrices que les cinq autres feuillets avec lesquels elles forment un tout. ° 0 présente la maquette
d’une œuvre à réaliser et la commissaire révèle volontiers que le célèbre essai Degré zéro de l’écriture,
publié par Roland Barthes en 1947, est reproduit sur
son verso; il s’agit du préambule d’une œuvre collaborative entre Lelouche et Tiberghien. ° 90 reproduit
une correspondance échangée entre les deux jeunes
femmes discutant du sens et du titre d’une œuvre en
cours dont on découvre les contextes de production
et de diffusion. ° 315 reproduit une autre correspondance où l’on saisit davantage la nature de l’intervention : ce qui a été produit par Lelouche durant
sa résidence au Jardin des cinq sens et des formes
primaires (Aix-en-Provence) a ici moins d’importance
que la collaboration, la réflexion et les huit pages de
papier journal consignant leurs discussions qui font
véritablement œuvre. La curatrice l’affirme clairement
sur ce troisième feuillet : “L’œuvre aurait pu ne jamais
exister, être absolument fictive, une pure chimère,
cela n’aurait fait aucune différence. […] C’est la stimulation intellectuelle suscitée par ce chassé-croisé
qui m’intéressait, pas la finalité plastique de l’œuvre.”
La curatrice emprunte le statut d’auteur de Lelouche
à l’issue de cette œuvre collaborative. Ce déplacement fait écho à l’autorité auctoriale qui lui est dispensée par le rôle qu’elle adopte au sein du projet.
Le geste de l’admoniteur
LE GESTE
DE L’ADMONITEUR
SOUS COMMISSARIAT DE SEPTEMBRE
TIBERGHIEN, AVEC MARC BUCHY,
FALCONE, TAKAHIRO KUDO, MARIE
LELOUCHE, CAROLINE LE MÉHAUTÉ,
SYLVIO MARCHAND, ROMAN MORICEAU
ET GILLES RIBERO
ARCHIRAAR GALLERY
31A (WHITE CUBE) ET 35A (BLACK
CUBE) RUE DE LA TULIPE
1050 BRUXELLES
HTTP://ARCHIRAAR.COM
JUSQU’AU 5.03.16
Marie Lelouche, en collaboration avec
Septembre Tiberghien, Degré 360, 2015. Photo : Gilles Ribero
Une édition proposant une autre perspective sur les œuvres de l'exposition est
disponible à l'Archiraar Gallery.
LE
CURATEUR
ADMONITEUR
Au même titre que les peintres de la Renaissance
recourant à des stratagèmes formels pour pointer
ce qui mérite attention dans leurs compositions,
Tiberghien se fait admonitrice pour pointer des
œuvres actuelles, une mise en espace réfléchie et
des conceptions de l’art et de l’exposition pointues.
Au passage, elle fait fi d’une approche ‘émotionnaliste’ pour se positionner dans un axe de recherche,
d’étude et de critique. Face à cette mise en espace,
impossible d’oublier que la production d’expositions,
tout comme celle d’œuvres d’art, fait l’objet de nombreux programmes d’études supérieures et s’inscrit
dans un milieu professionnel spécialisé. Le geste
de l’admoniteur pourrait donc évoquer l’ensemble
d’actions réalisées par la curatrice, et l’exposition en
tant que telle, la quintessence du rôle du curateur.
À juste titre, la curatrice englobe dans son projet sur
le processus de création quatre œuvres qui interpellent principalement la vue. Recourant à la citation
artistique, louis √13 de Sylvio Marchand rappelle l’importance de l’esthétique et du faire dans la tradition
artistique, et Untruth de Falcone souligne la relation
complexe qui unit l’acuité visuelle et les croyances.
D’une manière plus conceptuelle, Lumière close de
Marc Buchy pointe la mince frontière qui distingue
les actes de voir, d’imaginer et de se remémorer,
tandis que Les veilles 008 (Pierre) de Gilles Ribero
révèle le potentiel d’expressivité d’un visage face à un
signal visuel intense et inattendu. En contre-partie,
les œuvres de Caroline Le Méhauté, Takahiro Kudo
et Roman Moriceau engagent davantage l’ouïe, le
IntraMuros
toucher et l’odorat des visiteurs. Le geste de l’admoniteur procède ainsi à un véritable déverrouillage de
l’esprit et des sens en sollicitant la réflexion et proposant diverses expériences sensorielles ; elle est susceptible d’atteindre un large éventail de sensibilités.
Affirmant que les artistes sont les plus habilités à
communiquer le sens de leurs œuvres, Le geste
de l’admoniteur soulève la question de l’intentionnalité de l’artiste et semble ouvrir un vieux débat
sur la notion d’auteur examinée en profondeur par
Barthes, Foucault, Compagnon, etc. Que le sens
de l’œuvre traduise littéralement les intentions de
l’artiste ou que l’œuvre acquiert son indépendance,
cette intervention curatoriale en deux volets traduit
surtout une préoccupation envers le savoir rattaché
à l’art et l’expérience de réception. Invitant à aller
à l’encontre d’une certaine paresse intellectuelle,
le cube noir représente un véritable dispositif de
médiation qui permet de prendre connaissance des
intentions à l’origine des œuvres. Les visiteurs bénéficient de clés d’interprétation de première source
pour appuyer leur expérience de réception. La curatrice abandonne ainsi toute allégeance théorique au
profit d’une approche pédagogique du médium de
l’exposition.
Les pratiques artistique et curatoriale, de même
que la relation aux œuvres et aux expositions, représentent d’importants espaces de liberté. Force
est d’admettre que la curatrice les a très finement
investis avant d’y inviter les publics.
Mélanie Rainville
M 68 / 30
A
FORMAL
MODEL /
AN
INHIBITION
SHOW
Regarde, la jachère.
Ce souvenir, c’est celui d’une
saucière ?
Pas du tout, c’est une chaise.
Mais elle est rose.
Je ne crois pas, non.
Vous êtes comme l’azure,
délavé : négatif.
C’est un point de vue.
Joseph Pellerin,
Dentelles [extrait], 1913.
Koenraad Dedobbeleer,
dessin, 2015,
crédit photo : Courtesy de Koenraad Dedobbeleer
& Galerie Micheline Szwajcer
KOENRAAD
DEDOBBELEER
A FORMAL MODEL /
AN INHIBITION SHOW
GALERIE MICHELINE SZWAJCER
67 RUE DE LA RÉGENCE
1000 BRUXELLES
WWW.GMS.BE
JUSQU’AU 5.03.16
1 Albert Camus, L’homme révolté, Paris,
Gallimard, 1972, p. 332.
Camus écrivait : “le formalisme peut parvenir
à se vider de plus en plus de contenu réel,
mais une limite l’attend toujours... Le vrai formalisme est silence”1. Qui ne prendrait pas
suffisamment le temps d’apprécier l’œuvre de
KOENRAAD DEDOBBELEER pourrait croire au
formalisme en découvrant l’exposition A formal model, présentée à la galerie Micheline
Szwajcer cet hiver. Mais ce titre, une fois complet, est autrement nuancé : A formal model /
An inhibition show.
Comme toujours, la façon dont l’artiste titre ses œuvres ou expositions révèle un trait d’humour ou d’ironie : autant d’aphorismes
absurdes qui évoquent – voire singent – des considérations
esthétiques sur l’art et la culture, sans vraiment éclairer la proposition artistique.
Dénonçant le réflexe ou la nécessité du commentaire, cette
démarche qui consiste en une association fortuite entre titre (des
M 68 / 31
IntraMuros
fragments de texte empruntés à ses lectures) et œuvre amène
un brin de dérision, une fois dépassée l’apparente radicalité
formelle de l’ensemble exposé.
Pour autant, il s’agit bien d’un exercice formel auquel se livre ici
Dedobbeleer (°1975) qui investigue, reprend, décline la forme
du cercle et de la sphère, au fil des pièces. Ses sculptures fonctionnent le plus souvent comme des volumes-simulacres rappelant des objets fonctionnels, domestiques, mais leur déplacement dans le contexte de l’exposition les libère de leur fonction
d’usage. À la jonction de la sculpture et du design, l’œuvre s’offre
à l’interprétation dans une ambiguïté déstabilisante. Les déplacement et détournement “donnent lieu” à des structures qui
organisent l’espace par une approche sensible des formes,
engageant une réflexion sur leur histoire, leurs conditions de
production économiques et industrielles (le choix et la présence
de chaises Thonet, pionnier du design industriel, n’a en cela
rien d’anodin).
Ces formes, issues de la sphère domestique, gardent la mesure
du cadre duquel elles ont été extraites. Les dimensions de l’espace où elles sont conceptualisées influent sur la proportion des
œuvres, autant que le lieu qui les accueille. Car l’artiste manifeste un intérêt systématique pour le contexte d’exposition. La
conception des pièces, leur choix et leur agencement répond à
l’histoire et au potentiel spatial de l’architecture qu’elles habitent.
Ici c’est l’impression du living room qui domine ; une mesure,
une échelle qu’a tenu à respecter l’artiste. Cette manière d’habiter l’espace d’objets non fonctionnels mais identifiables dans
une sorte d’anamnèse est une belle manière de déjouer la perception trop moderniste d’un espace d’exposition prétendument
neutre. L’œuvre de Dedobbeleer, contextuelle, décontractée
(presque “amusée”), n’est définitivement pas formaliste – “formel
n’est pas formaliste” nuance-t-il.
Outre les pièces sculpturales, mais aussi sérigraphiques, l’exposition dévoile une série photographique, projetée, reproduisant,
à un an d’intervalle, une même situation, un même lieu, à savoir
l’atelier de l’artiste (une attention est portée à la table de cuisine, par exemple). Dedobbeleer affectionne la photographie,
un champ de recherche pour lui récent et qui, par l’usage d’un
procédé manuel et technique, celui de la chambre photographique, confère à la démarche un aspect d’un autre temps.
Récemment, chez (SIC), l’artiste avait déjà exposé deux séries
figurant des ateliers, lieux de travail autant que de vie, offertes
en une subtile allégorie de la sculpture. En documentant pour
les dévoiler ces espaces, il témoigne encore de son intérêt et de
sa sensibilité pour la question architecturale. Celle-ci se trouve
d’ailleurs au cœur du fanzine UP dont il est le co-fondateur. Ce
projet qui lie l’architecture à sa photographie atteste d’un autre
champ de prédilection : l’édition. Le livre d’artiste est un médium
qui se prête particulièrement à cette approche visuelle, mêlant
citations d’objets, éléments architecturaux et sculpturaux, en un
système par lequel les formes se répondent, s’imbriquent, par
affinité ou différence, similitude ou frottement. Une fois encore
l’enjeu dépasse la seule obsession formelle : par un jeu de références et autant de suggestions allégoriques, ces propositions
mettent en perspective les forces historiques et institutionnelles
qui déterminent la production et la réception de l’art.
La vingtaine de pièces qui constituent le “modèle formel” de
cet “inhibition show” rend compte d’une capacité à transfigurer
l’ordinaire et ses objets, à détacher ceux-ci de leur place, de leur
définition, pour produire une perturbation, un tressaillement, une
occasion d’attention. C’est en cela que Koenraad Dedobbeleer
convoque notre regard, cette attention particulière qui dans
son exercice parvient à isoler les détails, objets, choses, de
leur propre cadre, pour les métamorphoser et les inscrire, avec
ironie parfois, dans un contexte autre, où se raconte l’histoire
des formes. Une histoire décomplexée, sans gravité, drôle, peutêtre, nous confie-t-il, car si l’art peut être sérieux, il ne doit pas
l’être trop.
Sébastien Biset
Koenraad Dedobbeleer
Édith Dekyndt,
Laboratory 02
Courtesy de l'artiste
ÉDITH
DEKYNDT
RÉTROSPECTIVE
ET PERSPECTIVES
Édith Dekyndt,
Laboratory 01 (réplique), 1995-2005
rideau de coton imprégné de café par capillarité,
650 x 1500 cm.
1 Édith Dekyndt, Théorème des foudres, sous
commissariat d'Anne Pontegnie, Le Consortium
de Dijon du 31.10.15 au 24.01.16
Édith Dekyndt
La première grande rétrospective d’ÉDITH
DEKYNDT a lieu au Consortium de Dijon1 et
au Wiels à Bruxelles. Le terme “rétrospective”
semble pourtant mal choisi pour une artiste
dont le travail affirme sa continuité tout en se
renouvelant à chaque exposition. Il faudrait à
tout le moins y joindre le mot “perspectives”.
Les deux expositions se composent essentiellement de pièces récentes, la plupart réalisées
in situ en prenant en compte la spécificité du
lieu géographique dans laquelle ces centres
d’art sont installés. Imperceptiblement, tant
elles participent des mêmes préoccupations et
du même langage, des pièces plus anciennes
viennent s’y ajouter dans une nouvelle interprétation.
IntraMuros
Temps : Durée
J’ai sous les yeux un livret retrouvé dans ma bibliothèque. Sur
la couverture un peu ternie dans les angles, on peut lire “Édith
Dekyndt” et “Galerie l’Escaut 1995”. Les 32 pages qui suivent se
composent essentiellement d’images souvent accompagnées
de quelques indications laconiques - “Août, encre noire gelée,
tissu rose” ou encore “Novembre, tissu bleu, café”. Quatre titres
découpent l’ensemble : Les Ames, Les Délices, Les Humeurs
et Les Souillures. Ce livret rend compte de l’invitation qu’Olivier
Bastin avait faite à Édith Dekyndt (°1960) d’occuper la galerie l’Escaut entre le mois d’août et le mois de novembre 1995.
Pendant ce temps et sans visée préconçue, elle s’est attachée
à multiplier les ébauches et à explorer “de multiples possibles”,
comme elle l’écrit dans le petit texte de présentation. Beaucoup
de ces expériences s’inscrivaient dans l’éphémère - il s’agit
d’imprégnation, de congélation, de dessiccation, de fonte, de
bouillonnement ou encore de coulures. Certaines ont été filmées
à la manière des films scientifiques - une image toutes les 30 secondes - créant par là ce que l’artiste définit comme “une durée
hors du temps réel”. Cette première série de mises à l’épreuve,
d’observations et d’ouvertures vers quelque chose que l’on a
l’habitude de classer dans l’imperceptible (parce qu’on a décidé
qu’il n’y avait là rien à voir) utilisait principalement des éléments
“domestiques” tant dans ses matériaux (lait, encre, citron, tissu)
que dans ses outils (congélateur, frigo, bouilloire électrique). Les
œuvres réinterprétées dans les deux expositions viennent de
cette occupation de la galerie et, si vingt années les séparent
d’aujourd’hui, cette durée se retrouve dans toutes les pièces
présentées au Consortium et au Wiels, mais il s’agit ici d’une
“durée pure”, ainsi que la définit Bergson : “la forme que prend
la succession de nos états de conscience quand notre moi se
laisse vivre, quand il s’abstient d’établir une séparation entre
l’état présent et les états antérieurs. Il n’a pas besoin, pour cela,
de s’absorber tout entier dans la sensation ou l’idée qui passe,
car alors, au contraire, il cesserait de durer. Il n’a pas besoin non
plus d’oublier les états antérieurs : il suffit qu’en se rappelant ces
états, il ne les juxtapose pas à l’état actuel comme un point à un
autre point, mais les organise avec lui, comme il arrive quand
nous nous rappelons, fondues pour ainsi dire ensemble, les
notes d’une mélodie”.
Espace : Campagne
Je regarde les photographies que j’ai prises au Consortium de
Dijon : beaucoup de tableaux que l’inattention pourrait classer
dans la catégorie un peu fourre-tout des monochromes. Mais
si je me souviens du face à face avec l’œuvre, je remarque leur
surface craquelée, leur couleur indéfinissable entre rouge et
noir, parfois verte ou d’un blanc chaud. Une série intitulée Berlin
Spring pieces est faite de matières singulières : vin et céramique,
caséine et oxyde de cuivre, sang et vapeurs d’ammoniaque,
tartre de vin. Une autre, Strange Fruits, est faite de laque de
sang, on trouve encore de la moisissure de vin sur velours tendu,
des toiles déterrées au bout de plusieurs mois, de la terre crue
sur de la toile de jute. Il ne s’agit pas de nouvelles “recettes” de
peinture que l’on pourrait ajouter au Libro dell’Arte de Cennino
Cennini, il s’agit de laisser agir les matières, de leur permettre
de trouver une forme (qui sera cependant arrêtée et fixée à un
certain moment). Pour Édith Dekyndt, “à part les vidéos et les
dessins, les autres objets sont de l’ordre de l’art vivant. Toutes
ces choses, tous ces objets sont un peu comme des acteurs.
Ce sont des actants, des choses qui vont agir et le résultat est
toujours imprévisible”.
Si je reviens sur les matières qui couvrent les toiles - de la caséine, du vin, du sang, des étoffes exhumées -, j’y trouve autant
d’éléments qui se rattachent à la terre, à la ruralité bourguignonne. C’est encore le cas de Théorème des Foudres, l’œuvre
qui donne son titre à l’exposition et se compose de trois boîtes
de Petri, trois petits récipients circulaires destinés à la culture
des micro-organismes, placées sur des rétroprojecteurs. L’une
M 68 / 32
contient une cristallographie sensible de sang, l’autre de vin
et la troisième de terre. Les images projetées sur les murs ne
ressemblent à rien que nous connaissions. Dans la dernière salle
de l’exposition, un ballon doré, Gold Globe danse lentement
devant une vidéo projetée en grand format, The drowned and
the saved, un gros plan d’un fumier fumant qui relève autant
du rapport à la terre du paysan que du rapport à la Terre de
l’humanité aujourd’hui.
L’exposition du Consortium décline ainsi trois éléments : la terre,
le sang/vin (le rouge) et l’or que l’on retrouve encore déposé sur
une couverture rouge suspendue au plafond. Elle évoque le
polyptyque de Rogier van der Weyden - une œuvre qui avait fasciné l’artiste enfant - que l’on peut voir aux Hospices de Beaune,
non loin de Dijon.
Brassage d’espace et de temps : Ville
Je regarde la projection géante d’un drapeau singulier qui parait
fait de franges. Il flotte sur fond de ciel gris. Ombre indigène,
l’œuvre qui donne son titre à l’exposition du Wiels, a été réalisée
à la Martinique. Édith Dekyndt m’explique que l’image a été
filmée au dessus des rochers de la côte du Diamant, à l’endroit
même où pendant la nuit du 8 au 9 avril 1830, un bateau de
trafic d’esclaves qui transportait une centaine d’Africains s’est
échoué. Le philosophe et poète Édouard Glissant est inhumé
tout près de là. Ce fait rejoint l’intérêt de l’artiste pour ces zones
frontières de l’Europe où des gens meurent tous les jours parce
qu’ils doivent quitter leur pays. Le drapeau n’est pas fait de
franges, mais de cheveux. “Dans les anciennes colonies françaises, il n’y a pas d’artisanat ce qui semble être une volonté
politique. C’est vrai que les dictatures aussi suppriment l’artisanat. Pour préparer le Carnaval, les hommes et les femmes
fabriquent leur costume pendant toute l’année et à cet effet, il
y a beaucoup de boutiques de faux cheveux. Ce sont les seuls
endroits où il y a une vraie vie” dit-elle. Le mot indigène renvoie
aussi à un moment de son enfance. Dans les bandes dessinées
qu’elle lisait alors, lorsque le héros se rendait dans un pays lointain et utilisait ce mot pour parler des habitants du lieu que le
scénario décrivait comme des “sauvages”. Les boucheries affichaient “viande indigène”... Vendait-on de la chair humaine dans
ces boucheries ? L’indigène que l’enfant pensait être l’autre,
était lui-même.
Pour l’exposition du Wiels, aux trois éléments ruraux et bourguignons répondent trois éléments urbains : la poussière, les
levures et le cuivre. Édith Dekyndt a conçu toute l’exposition en
relation avec Bruxelles et la Belgique. La plupart des pièces y ont
été réalisées et concernent la singularité du pays et de la ville :
une question de dissémination et de brassage, de passé colonial, de gestion de l’espace urbain. Le Wiels occupe les locaux
d’une ancienne brasserie où le cuivre, matériau des cuves à
bière, trouve un écho significatif dans l’exploitation coloniale du
Congo. Dans une pièce de l’exposition, The Deodants 02, une
toile tendue sur un châssis dans laquelle l’artiste a déposé du
cuivre et du chlorure de calcium. Ce dernier absorbe l’humidité
ambiante qui passe par le cuivre et s’écoule lentement sur la
paroi. Les bières typiquement bruxelloises fabriquées à base de
Lambic, comme la Gueuze ou le Faro sont des bières à fermentation spontanées qu’elles doivent à des levures sauvages, le
Brettanomyces bruxellensis et le Brettanomyces lambicus. Ces
levures sexuées se disséminent dans l’air et nous les respirons
sans les voir. On les retrouve ici dans plusieurs œuvres : des
tapis imprégnés de moisissures et une série de tableaux-objets
dont le volume a été produit par une pâte à pain occupée à lever.
La relation aux activités domestiques tient ici une place importante. Elle va se manifester aussi par une série de tapis ; ils ne
sont pas seulement imprégnés de ferments sauvages, certains
sont imprégnés de plusieurs couches de sel, un d’entre eux
est brûlé... Pour concevoir ces tapis, les designers d’Ikea se
sont inspirés de motifs ethniques ramenés de leurs voyages.
Fabriqués en grandes séries, ils ne sont pas de grande qua-
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ÉDITH DEKYNDT
OMBRE INDIGÈNE
SOUS COMMISSARIAT
DE DIRK SNAUWAERT
WIELS
354 AVENUE VAN VOLXEM
1190 BRUXELLES
WWW.WIELS.ORG
JUSQU’AU 24.04.16
UNE PUBLICATION CONÇUE PAR
CASIER / FIEUWS ACCOMPAGNE
L’EXPOSITION, CO-PUBLIÉE PAR WIELS,
LE CONSORTIUM DE DIJON ET LES
PRESSES DU RÉEL.
lité et il n’est pas rare d’en retrouver sur les trottoirs bruxellois
lorsqu’ils ne satisfont plus leurs propriétaires. En choisissant ce
support dont elle va faire disparaitre le motif sous les matières
agissantes dont elle les recouvre, l’artiste leur donne un nouveau
statut : ils sont accrochés aux murs, à la verticale, comme on
le faisait dans les châteaux il y a quelques siècles et comme
certains collectionneurs de tapis précieux le font encore. L’objet
de consommation recouvert de moisissures devient tapisserie.
Un autre tapis singulier se trouve sur le sol : il est constitué des
poussières que le Wiels a accumulées pendant une année en
prévision de cette exposition. La poussière se constitue principalement de poils, de cheveux et de peau, “même dans un
bâtiment industriel” précise Dekyndt. Son intérêt pour la poussière vient de L’élevage de poussières de Duchamp, mais relève
aussi ici d’un intérêt pour l’humain qui rejoint son désir d’aborder
quelque chose d’anthropologique dans l’exposition. Cela passe
par le regard que l’artiste porte sur la ville et ses habitants, cela
passe aussi par les levures qui produisent pain et bière - des
aliments de base -, cela passe encore par l’utilisation de vitrines
qui ressemblent à celles des musées ethnographiques.
Les œuvres se distribuent dans l’espace avec une grande
évidence. La vidéo La femme de Loth (Project for the Dead
Sea) nous plonge dans un univers de bleus et de verts incroyables. Nous observons avec curiosité cet objet de tissu
se mouvoir lentement dans l’eau d’un aquarium et cet autre
sécher à côté (A Portrait of Things-réplique) ou, avec un émerveillement toujours renouvelé, la membrane d’eau savonneuse
entre deux mains. Derrière cette grande tranquillité et bien que
l’artiste se défende de produire un discours politique, c’est de
Gaïa dont elle nous parle. Les mêmes motifs diaprés que ceux
du savon flottent sur l’eau d’un canal de Brooklyn (Gowanus),
ce sont des taches de pétrole, le néon de Kin Night témoigne
aussi de précarité de la distribution de l’électricité au Congo et
l’ordonnancement des Blood Drawings ne laisse pas oublier
qu’il s’agit là de sang.
Édith Dekyndt, A PORTRAIT...
Portrait of Things (réplique), 1995-2015
objet en tissu immergé dans l’eau d’un aquarium,
dimensions variables.
Colette Dubois
IntraMuros
Édith Dekyndt
ALEKSANDRA CHAUSHOVA
ABOLITION DE LA FIN
DES CHOSES
CENTRALE/LAB
16 PLACE SAINTE CATHERINE
1000 BRUXELLES
WWW.CENTRALE-ART.BE
JUSQU’AU 28.02.16
CHAUSHOVA.BLOGSPOT.COM
ALEKSANDRA CHAUSHOVA recourt au dessin, à l’illustration, à l’écriture et à la peinture
pour explorer notre rapport à l’histoire. Elle
scrute des documents d’archive à la recherche
de symboles qui génèrent, incarnent et disséminent des idéologies politiques, puis les
intègre au sein de récits fictionnels. Intéressée
davantage aux mécanismes articulant les idéologies qu’aux idéologies en tant que telles, elle
développe un univers iconographique qui s’apparente parfois à celui de la fable. Semblables
à des euphémismes, ses œuvres deviennent
alors des figures de style qui adoucissent des
sujets aussi lourds que les régimes totalitaristes et leurs effets collatéraux néfastes.
EXPOSITION
PERFORMATIVE
POUR
PUBLIC ENGAGÉ
Étude de cas sous forme d’exposition, Abolition de la
fin des choses est intimement liée à l’histoire du mausolée érigé en plein cœur de Sofia afin de conserver
et exposer le corps de Georgi Dimitrov, fondateur du
régime communiste en Bulgarie. Ce projet a mené
Aleksandra Chaushova (Sofia 1985 ; vite et travaille à
Bruxelles) à examiner et photographier les plans du
bâtiment lors d’une visite des archives générales de
Sofia. Ces plans révèlent une architecture conçue
pour magnifier la figure de Dimitrov : un couloir d’entrée labyrinthique et concentrique, une exposition
ostentatoire du corps, une plate-forme surélevée servant de tribune publique. Cette mise en scène célébratoire, politique et propagandiste observée dans
l’histoire de la Bulgarie a donné lieu chez l’artiste à
l’écriture d’une pièce de théâtre potentielle.
Des brochures sont disponibles au centre d’une salle
de la Centrale/lab. Beiges et vertes en référence à
la gamme chromatique des documents d’archive
consultés par l’artiste à Sofia, elles permettent aux
visiteurs de lire à leur aise ce qui ne sera jamais lu
et joué par des acteurs. Le texte qui y est imprimé
stipule que la peur de la mort a une pléiade d’effets
négatifs sur la vie de l’être humain et, conséquemment, propose la vie éternelle afin d’apaiser son existence. “[…] le Gouvernement luttera avec fermeté et
sans relâche pour dompter la décrépitude et pour
abolir la fin des choses”1, affirme le personnage du
Porte-parole officiel, en guise d’introduction. Ce texte
réfère à l’histoire de Dimitrov et du mausolée, mais
propose moins une leçon d’histoire qu’il ne sollicite
une réflexion sur notre propre rapport à la mort. Il
suggère une narration, mais trahit son allégeance
brechtienne en rompant souvent le récit linéaire et
réaliste. Absurde par moments, il force le lecteur à
prendre du recul et à porter un regard critique sur
le sujet de sa lecture. Cet inévitable effet de distan-
Aleksandra Chaushova
ciation annule toute possibilité d’identification aux
personnages ; le visiteur-lecteur est constamment
ramené dans son présent, à son questionnement
philosophique.
Par contre, son imaginaire pourra rejouer la pièce à
l’infini puisqu’il peut en conserver le livret. L’artiste a
ainsi donné le ton de son projet, possiblement ancré
dans la mémoire des visiteurs d’Abolition de la fin des
choses, mais surtout performatif. Elle oblige le visiteur à s’engager dans son expérience de réception
et à devenir lecteur pour faire lien entre les dessins
accrochés aux murs. Le texte en mains, le visiteurlecteur saisit que les plans du mausolée présentent
le décor de la scène. L’Architecte l’annonce : “C’est
un édifice organisé autour d’un corps. Le corps
Aleksandra Chaushova,
Annulment of the End of Things, Projet pour
costume (Le Corps), 2015.
exposé forme le cœur du bâtiment.”2 Il saisit également que les patrons des costumes devraient
donner forme aux habits portés par les acteurs
absents. Ironiquement, ce même Architecte devrait
porter une veste aux manches si longues qu’elles
sont enroulées et attachées autour de son corps,
rendant ses bras inutilisables et faisant échec à
toute entreprise de construction, selon Projet pour
costume (L’architecte). Ces Projets pour costumes
affichent de nombreuses annotations sur la couleur
et la nature des matériaux devant être utilisés pour
leur confection. “Mask resembling a taxidermal jay’s
head (synthetic fibers)”, est-il même possible de lire
sur le dessin Projet pour costume (Le passant). Il
ne s’agit d’ailleurs pas du seul costume agrémenté
d’une composante animalière. Créature hybride
qui rapproche ces dessins de l’univers de la fable,
l’Amoureux est également dépeint avec une queue
de plumes d’une longueur de 2,5 mètres, attachée
à la taille. En sollicitant nos facultés de lecteur et
d’inventeur, l’artiste partage son statut d’auteur et
rappelle que les expositions sont performatives au
sens où l’entendait John L. Austin dans sa théorie
des actes de langage 3 : elles induisent des comportements et provoquent des actions lorsqu’elles sont
investies par les publics.
Narratrice et metteuse en scène, Chaushova propose un jeu de la représentation. Abolition de la fin
des choses est un espace transitionnel qui se joue de
la vérité. Les plans qu’elle expose sont bel et bien les
plans d’architecte qu’elle a photographiés à Sofia, en
témoigne la couleur changeante et les plis du papier
archivé. Les dessins de costumes sont réalisés sur
un papier semblable, mais l’esthétique de l’artiste y
est tout à fait reconnaissable. Complètement planes,
leurs supports consistent en des photographies
de papiers altérés par le temps. Ainsi Chaushova
recourt-elle au trompe-l’œil pour brouiller la limite
départageant l’histoire et la fiction ainsi que le document d’archive et l’œuvre, ce qui rend l’auteur des
dessins exposés difficile à identifier. Dans le même
ordre d’idées, la limite entre l’esquisse et l’œuvre se
trouve également troublée puisque le potentiel de la
pièce de théâtre ne s’incarne jamais dans la réalité.
Abolition de la fin des choses est pourtant une installation autonome et aboutie. Production multidisciplinaire par excellence, elle recèle de références historiques qui contribuent à l’inscrire dans une longue
tradition artistique. Elle évoque notamment le surréalisme des célèbres costumes de théâtre de Picasso
ainsi que le concept d’œuvre d’art totale du début du
XXe siècle, de même que les œuvres conceptuelles
des années 1970 qui transmettaient exclusivement
des instructions à lire. Finalement, Chaushova aligne
le fond et la forme de ses recherches pour faire écho
à la théâtralité comme condition d’émergence de
l’idéologie. Qui plus est, la dimension narrative qu’elle
a intégrée dans son installation active le désir d’éternité qui se cache derrière toute idéologie, et probablement derrière toute création artistique.
Mélanie Rainville
1 Aleksandra Chaushova, Abolition de la fin des choses, brochure faisant partie de
l’exposition éponyme, 2015. 2 Idem. 3 John L. Austin, Quand dire, c’est faire, Paris,
Éditions du Seuil, 203 pages.
IntraMuros
M 68 / 34
“[...] pour qu’il y ait de l’hospitalité il faut qu’il
y ait une porte. Mais s’il y a une porte il n’y a
plus d’hospitalité. Il n’y a pas de maison hospitalière. Il n’y a pas de maison sans porte et
sans fenêtre.”2
La pierre est sans monde3
Housewarming4 est une fable contemporaine chantée en vers;
l’histoire d’une immigration à l’envers, “du plein vers le vide, de
l’excès vers le manque”5, dans laquelle EFFI & AMIR occupent
les espaces en creux d’une série de maisons désertées en
Albanie, à demi construites par ceux qui ont quitté leur pays,
témoignages paysagers d’une migration en cours ou avortée.
Le film explore, dans la temporalité suspendue de ces bâtiments
toujours déjà à l’état de ruines, les potentialités offertes par le
mythe d’une hospitalité inversée, ceci afin de mieux sonder les
“écarts différentiels” par lesquels toute identité se construit.
Récit
Effi & Amir ont collecté les réactions verbales des Albanais
à leur intention d’immigrer en Albanie 6 . Ces interviews
ont donné naissance à un poème épique composé par
l’auteur albanais Krenar Zejno, poème qui dans le film est
à la fois chanté en iso-polyphonie albanaise 7, joué par
des quidams et transcrit à l’écran en langue anglaise.
Le scénario part du conte de Boucle d’Or : Effi & Amir, chutant
dans un paysage verdoyant, explorent une sorte de maison
fantasmée, investissant tour à tour une chaise, une table, un lit
quasi invisibles pour finalement disparaître. A la différence de la
fillette qui, en usurpant, recherche le juste milieu dans le plein,
Effi & Amir sont “à la recherche du manque”, “affamés de faim”8,
dans une volonté de rien 9 qui semble aboutir au “pur se reposer”, au “pur ne-plus-rien-vouloir”, à “la pure évaporation dans la
non-participation”10. La disparition finale de ces nomades intrusifs nous laisse toutefois sans explication – tout comme la fuite
de Boucle d’Or est une conclusion déceptive, à l’opposé de la
tradition épique, notamment homérique. D’Homère cependant,
Housewarming se fait aussi l’écho, puisqu’il investit la tradition
albanaise du poème épique qui, bien que située géographiquement à la périphérie de l’Europe, plonge ses racines au cœur de
la tradition grecque11. L’un des enjeux centraux de L’Odyssée
n’est-il d’ailleurs pas la mise à l’épreuve de toute hospitalité ?
Le film comme un jeu de négociation constante, avec des propos recueillis par les artistes dans une langue inconnue, puis traduits, frictions qui se manifestent dans le film par les voix que l’on
entend en langue albanaise et leur traduction transcrite à l’écran
- une manière d’habiter l’autre. Derrida ne se plaisait-il pas de
rappeler la phrase de Lévinas : “Le langage est hospitalité” ; la
langue étant “de manière innée ce qui se partage et se divise
d’elle-même, ce qui engendre la division”12 ? Ce jeu se voit redoublé par l’alternance du chœur tel un commentaire d’images
muettes avec les monologues joués sous forme d’adresses à Effi
& Amir auxquelles les artistes demeurent silencieux.
Housewarming est aussi un essai, déployé sous forme d’une
série de tableaux, “radical dans sa non-radicalité, de par son
refus de se réduire à un principe, dans son accent mis sur le
partiel à l’encontre du tout, dans son caractère fragmentaire”13.
Paysage
Housewarming, c’est l’exploration d’un paysage de béton
qui vient buter contre la tradition romantique, dans une sorte
de temps suspendu (ou qui s’amoncelle). Effi & Amir accompagnent le regard du spectateur dans ce “panorama zéro” où les
“constructions ne tombent pas en ruines après leur construction
mais plutôt s’élèvent en ruines avant même d’être construites.”14
Non seulement le “spectateur cinématique est rendu pensif par
l’apparition à l’écran de l’image fixe”15, mais les déplacements,
les postures et les gestes contribuent à révéler le paysage à
l’entour. Le spectateur accompagne la caméra filmant Effi &
Amir qui arpentent le paysage en direction d’une maison dont ils
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LES ÉCARTS
DIFFÉRENTIELS
1
Effi & Amir,
Housewarming, 2016, film still
© Effi & Amir
gravissent les escaliers, plaçant leurs pas dans les empreintes
laissées dans le béton. Effi & Amir brouillent les frontières entre
dedans et dehors par une série de tableaux, non sans évoquer
en rémanence des peintures de Millet ou de Magritte, voire
certaines œuvres de Robert Smithson ou encore du Land Art.
“C’est ainsi que nous voyons le monde, nous le voyons à l’extérieur de nous-mêmes et cependant nous n’en avons qu’une
représentation en nous”, écrivit Magritte16. Ils prennent place sur
des chaises et à des tables invisibles, observant le paysage au
travers du cadre constitué par les ossatures des maisons, dans
une posture qui semble faire fi, par leur silence, des apostrophes
verbales des Albanais tout comme, par leurs regards détournés
et leurs postures contemplatives absorbées, de l’existence du
spectateur17. Ailleurs la caméra, qui prend vie par le son et les
effets de surexposition introduit à la fois une distance vis-à-vis
de l’image filmée tout en rendant explicite la prise en compte
du spectateur du film. Un autre jeu de dissonances s’instaure
entre le regard de la caméra et ces maisons, devenus outils de
perception, les deux conjugués donnant naissance, par des
aplats d’ombre et de lumière, à un paysage en deux dimensions.
Chant
La vibration du chant iso-polyphonique18, bien qu’il ne nous
soit pas familier, habite l’espace et s’immisce jusque dans notre
corps. Et “comme le corps, le paysage est une chose que l’on
habite sans en être différent : nous sommes dedans, et nous
sommes le paysage.”19 Ici, nous sommes le paysage autant
que le chant : “[...] la présence sonore est un ‘en même temps’
essentiellement mobile, vibrant de l’aller-retour entre la source
et l’oreille, à travers l’espace ouvert [...]. Cette présence [...] se
renvoie à soi, elle se rencontre ou, mieux, elle se fait contre soi,
à son encontre et tout contre.”20 Aux voix des solistes répond
la communauté du chœur. La vibration du chant, “écart tremblant”21, vient perturber toute logique binaire. Il y a le silence
d’Effi & Amir, mais aussi le silence - ou plutôt les sons imperceptibles - du paysage, rendus avec d’autant plus d’acuité
qu’ils vibrent en contrepoint du chant. “Le ‘silence’ en effet doit
ici s’entendre non pas comme une privation mais comme une
disposition de résonance : [...] comme dans une condition de
silence parfait on entend résonner son propre corps, son souffle,
son cœur et toute sa caverne retentissante.”22...
Dans L’écart et l’entre, François Jullien substitue au concept
de différence celui d’écart, celui-ci “ne relevant pas de l’établissement d’une distinction, mais procédant d’une distance
[...]. Le propre de l’écart [...] c’est qu’il [...] met en tension ce
qu’il a séparé.”23 L’écart, concept heuristique et aventureux,
est sondé par Effi & Amir dans le geste, dans le regard, dans la
voix, au sein d’un paysage d’ombre et de lumière habité d’échos
vibrants : “jusqu’où peuvent aller – se déployer – les écarts entre
les cultures comme entre les pensées, nous donnant encore
ainsi à voyager ?”24
HOUSEWARMING (2016)
UN FILM DE EFFI WEISS
ET AMIR BORENSTEIN En collaboration
avec Ilir Kaso, BE/AL, 2016, 33’30
langue AL / sous-titres EN/FR
Produit par La chose à trois jambes
asbl-vzw (BE), coproduit par CBA (BE)
and ORAFILM (AL). Avec le soutien du
Centre du cinéma et de l’audiovisuel de
la Fédération Wallonie-Bruxelles, Vlaams
Audiovisuel Fonds, Ostrovsky Family Fund,
ARGOS - Centre for Art & Media.
PREMIÈRE LE 25.02.16 À 20H30
BEURSSCHOUWBURG
20-28 RUE AUGUSTE ORTS
1000 BRUXELLES
WWW.BEURSSCHOUWBURG.BE
WWW.EFFIANDAMIR.NET
Florence Cheval
1 Claude Lévi-Strauss cité par Chantal Mouffe,
Agonistics : Thinking the world politically, Verso,
2013, p. 40-42. 2 Jacques Derrida, Hostipitalité,
Pera, Peras, Poros, Istanbul, 1998, p. 39. 3 Martin
Heidegger, Die Grundbegriffe der Metaphysik, Welt
– Endlichkeit – Einsamkeit, Klostermann, 1983, p.
289. 4 “Housewarming” signifie en anglais “pendaison de crémaillère”. Cette pratique consistait
originellement à réchauffer une nouvelle maison :
les invités apportaient du bois de chauffage
comme présent. 5 Effi & Amir, Housewarming,
2016. 6 Depuis le cœur de l’Europe, soit à
rebours des pratiques actuelles. 7 Une forme
de musique populaire traditionnelle albanaise,
reconnue chef-d’œuvre du patrimoine oral et
immatériel de l’humanité en 2005 par l’Unesco,
en voie de disparition aujourd’hui. 8 Effi & Amir,
Housewarming, 2016. 9 La volonté ayant horreur
du vide, nous dit Heidegger, celle-ci préfère encore
vouloir le rien plutôt que de ne rien vouloir. Voir
Heidegger, Nietzsche, T. II, Gallimard, 1971, p.
215. 10 Heidegger, Nietzsche, T.I, p. 106. 11 Voir
notamment les écrits de l’auteur albanais Ismaïl
Kadaré. 12 Ginette Michaud, Seuils et délimitations
de l’hospitalité derridienne, in Lise Gauvin (ed.), Le
Dire de L’Hospitalité, 2004, p. 41. 13 T. W. Adorno,
The Essay as Form, in New German Critique, No.
32, 1984, pp. 151-171. 14 Robert Smithson,
The Monuments of Passaic, in Jack Flam (ed.),
Robert Smithson: The Collected writings, Berkeley,
University of California Press, 1996, p. 72. 15
David Campany, The Cinematic, Whitechapel &
The MIT Press, 2007, p. 12. 16 René Magritte,
La ligne de vie II, 1940, cité par Annette BéguinVerbrugge, Images en texte, images du texte,
Septentrion, 2006, p. 226. 17 Voir Michael Fried,
La place du spectateur. Esthétique et origines de la
peinture moderne, Gallimard, 1990. 18 Ensemble
Çipini, Vlora. 19 James Elkins, Landscape Theory,
Routledge, 2008, p. 69. 20 Jean-Luc Nancy, À
l’écoute, Galilée, 2002, p. 36-37. 21 Jean-Luc
Nancy, op. cit., p. 15. 22 Jean-Luc Nancy, op.
cit., p. 44, note 1 : “Dans la caverne de Platon, il
n’y a pas que les ombres des objets promenés au
dehors : il y a aussi l’écho des voix des porteurs,
détail que l’on oublie le plus souvent tant il est
vite délaissé par Platon lui-même au profit exclusif du schème visuel et lumineux.” 23 François
Jullien, L’écart et l’entre. Ou comment penser
l’altérité, FMSH-WP-2012-03, février 2012, p. 7.
24 François Jullien, L’écart et l’entre, op. cit., p. 8.
IntraMuros
Effi & Amir
Vue d’ensemble de l’exposition
d’Aline Bouvy, Urine Mates, 2016.
Courtesy galerie Baronian, Bruxelles.
© photo : Isabelle Arthuis
DE
L’ART,
DE L’INTIME
ET DU
POLITIQUE
Aline Bouvy, Entropy Reloaded :
Props for a Future Blockbuster (chair),
(lamp), 2016
Métal, plâtre, urine / Urine Mate III, 2016
Linoléum naturel sur bois, impression jet d’encre sur
papier archive, 230 cm x 190 cm.
Courtesy galerie Baronian, Bruxelles.
© photo : Isabelle Arthuis
Aline Bouvy
On connaît certes en anglais les flatmates, ou,
en néerlandais, les echgenoten, klasgenoten,
landgenoten et autres partijgenoten, mais
c’est sous un néologisme anglais (emprunté à
un titre des Sleaford Mods), non dénué d’humour et d’un brin de provocation, qu’ALINE
BOUVY nous convie à sa première exposition
solo en galerie bruxelloise, depuis l’éclatement
du tandem créatif qu’elle a formé pendant une
quinzaine d’années avec John Gillis, aka Jakup
Auce.
Depuis cette séparation artistique1, après
Politics of Intimacy, son très beau début solo
en tant qu’Aline Bouvy chez Nosbaum Reding
à Luxembourg, Aline a enchaîné les projets
d’expositions collectives ou monographiques.
Parmi les derniers, citons son projet à ExoExo,
Paris: Sorry I Slept with your Dog.
IntraMuros
Autant de titres toujours un rien provocateurs où se font d’emblée pressentir la fascination d’Aline pour la sphère “intime” mais
aussi les renversements et autres détournements de perspectives, hiérarchies (sociales, de genre, de pouvoirs), iconographies, souvent activés et mis en œuvre par les décloisonnements disciplinaires, stylistiques et de techniques qui animent
et traversent son travail de part en part et en constituent l’épine
dorsale.
L’espace de la galerie Baronian se retrouve investi avec une
grande efficacité pour devenir le lieu d’une contemplation esthétique intime et polysensorielle.
Sept grands panneaux scandent de façon rythmée le parcours du regard dans l’espace de la galerie. Ces panneaux
présentent tous un fond de compositions abstraites, tour à tour
géométriques ou plus organiques, résultant de l’imbrication
mosaïquée de découpes de linoléums mouchetés noirs, gris,
beiges évoquant la pierre. S’y enchâssent, à la façon de trésors
secrets et précieux, de somptueux tirages photographiques au
bucolisme néo-trash et intimiste, ou encore une composition
plus graphique, ainsi que deux autres photographies en noir et
blanc, plus abstraites et géométriques, d’inspiration vaguement
moderniste. Toutes en vérité explicitent à leur façon le titre de
l’exposition.
Dans les tirages photographiques figuratifs et organiques, ce
sont des motifs de fleurs séchées et autres plantes de terrains
vagues qui captent l’attention au premier plan. Magnifiées par
leur traitement précis et frontal, elles rappellent les planches
d’un Karl Blossfeldt.
Des nus masculins, out of focus et comme relégués à l’état de
motifs décoratifs pictorialistes, occupent eux l’arrière-plan de
ces tirages.
D’emblée, Aline Bouvy opère par là même une double, voire une
triple subversion de la tradition codifiée qui a régi la représentation du nu dans l’art occidental des Temps modernes.
Outre le fait que ce nu ”objectifié” est masculin au lieu d’être
féminin, il se retrouve “trivialisé” par le moment et l’iconograhie
posturale spécifique que l’artiste a déterminés.
S’y ajoute également la relégation de l’élément humain à l’état
de motif de fond et décoratif, alors que la nature morte végétale
ou florale (d’ailleurs elle aussi, on l’a vu, assez triviale) reçoit
l’attention et le soin du traitement d’avant-plan. Le fait qu’il ne
s’agisse pas de délicates essences florales cultivées mais bien
de ces espèces robustes et souvent épineuses que l’on qualifie
généralement de mauvaises herbes, des espèces qui résistent
en quelque sorte à l’homme et survivent dans les espaces inter-
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ALINE BOUVY
URINE MATES
GALERIE BARONIAN
2 RUE ISIDORE VERHEYDEN
1050 BRUXELLES
WWW.ALBERTBARONIAN.COM
JUSQU’AU 27.02.16
HTTP://ALINEBOUVY.INFO/
stitiels de notre civilisation, rajoute du piquant à cette inversion
de perspective 2.
Soulignons néanmoins que le traitement pictorialiste et comme
légèrement flouté du motif subversif, allié à la précision décalée
du motif naturaliste, confèrent à l’ensemble une remarquable
élégance et un indéniable potentiel de transmutation esthétique
de la réalité.
A un autre degré, la mise en abyme du renversement des hiérarchies classiques se poursuit par le simple fait que ces compositions photographiques viennent comme se greffer au sein de
leur encadrement compositionnel abstrait en linoléum.
Çà et là des rehauts, ajouts et incursions picturaux ou sculpturaux contribuent encore à multiplier les registres et langages esthétiques au sein de chaque composition. Tout se passe comme
si, faisant feu de tous bois, technique ou support, Aline Bouvy
oblitérait toute forme de cloisonnement et de hiérarchie disciplinaire et esthétique (entre abstraction et figuration, typologie
iconographique, traitement créatif ou intervention processuelle
de l’artiste au sein de l’artefact), en les intégrant et les reliant les
uns aux autres.
Cette cohabitation indifférenciée, ce continuum discursif et
esthétique de registres divers se poursuivent naturellement à
l’échelle de l’ensemble de l’exposition.
En l’occurrence, les énigmatiques panneaux trouvent un contrepoint décalé et malicieux dans de hauts-reliefs en Jesmonite,
à leur tour comme enchâssés ou fondus dans les murs de la
galerie (ou pour l’un deux au sein de l’un des panneaux réalisés
en collaboration avec Alexandre De Menditte), et qui figurent des
représentations toutes en sympathique naïveté du meilleur ami
de l’homme (ou de la femme).
La rupture de ton se poursuit donc: ces effigies grandeur nature
de chiens ignorent ou observent du coin de l’œil les visiteurs,
tout en vaquant à leurs diverses occupations: l’un fait la garde,
tel autre dort lové en rond, deux autres s’accouplent,tandis que
l’un lève la patte pour devenir en quelque sorte le premier piss
mate des nus masculins des panneaux.
A l’instar des plantes, ces chiens, qui sont bien plus des chiens
de rue que des chiens de salon, injectent avec humour dans le
dispositif de l’exposition l’élément naturel résilient et résistant à
toute forme de formatage et de contrôle.
Les deux tirages photographiques aux motifs abstraits figurent
d’énigmatiques masques stylisés, évoquant d’élégantes sculptures, et assurent le lien et la transition avec les sculptures mobilières qui se situent dans le project space de la galerie, qui se
voit de ce fait comme transmué en boudoir moderniste. Flirtant
avec une sorte de voyeurisme de bon ton, ce mobilier ou, plutôt,
ces squelettes d’éléments fonctionnels (une ossature de fauteuil
Corbusier et une lampe de Prouvé entièrement refaçonnées
par l’artiste, comme à émerger d’une sorte d’archéologie postindustrielle) semblent inviter le visiteur à la contemplation intime
du dernier des panneaux de linoleum.
Cette invitation reste virtuelle, car l’assise du fauteuil, constituée
d’une galette sculpturale d’un blanc laiteux légèrement coloré,
visiblement du même matériau que l’ampoule de la lampe et
que les formes des deux compositions “abstraites”, reste très
inconfortable.
Mais ce n’est pas tout: avec plus de mystère et moins d’ostentation qu’un Manzoni, ces formes donnent en réalité aux narines
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averties la mesure de l’implication d’Aline Bouvy dans l’articulation différenciée et la matérialisation du concept quelque peu
provocateur du titre de l’exposition.
La morale de l’histoire et du pun linguistique (qui n’est pas aussi
trivial qu’il n’y paraît de prime abord) pourrait être que si nous
nous reconnaissons volontiers comme étant les landgenoten,
echtgenoten, klasgenoten ou éventuellement les partijgenoten
de nos semblables, il serait égalitairement tout aussi utile, vital
et libératoire d’intégrer le fait qu’au-delà de tous les clivages
sociaux, de genres et de classes, nous sommes tous également (humains mais pas seulement!) des compagnons d’un
autre genre.
Au-delà, sous le couvert de son apparente légèreté et désinvolture de ton, l’exposition convoque, l’on s’en rend compte, de
multiples pistes de réflexion. Questionnant, à sa façon et avec
son vocabulaire, les formes consacrées de représentation et de
symbolisation de pouvoirs et structures établis, elle s’attelle autant à la question du genre (dans son acception anglo–saxonne
(gender)) qu’à celles des genres et des registres esthétiques,
non sans nous inviter à une réflexion plus générale, voire écologique et métaphysique, sur la question du déchet, du rebut, des
laissés-pour-compte de nos sociétés formatées et sur celle du
rapport, qui ne peut qu’être reformulé d’urgence, de l’homme,
de l’humanité, à la nature et à l’univers. Tout irait mieux en effet
si, comme Aline nous y invite, l’on s’acceptait et se reconnaissait
tous comme des urine mates.
Au final, la réussite de cette exposition tient à celle de l’efficacité
avec laquelle une pratique libre (et désinhibée, précise, détachée
et non littérale) de son/ses vocabulaire(s) plastique(s) permet de
transmuer avec élégance n’importe quelle trivialité, sans pour
autant renoncer à l’humour mais aussi à l’engagement, à la profondeur, à la radicalité de son discours.
Un art “politique” comme on les aime, indirect, médiatisé et
profondément humain.
Aline Bouvy,
Strategy of Non-Communication V, 2016
Jesmonite, fibre de verre, 59 cm x 87cm x 13 cm.
Courtesy galerie Baronian, Bruxelles.
© photo : Isabelle Arthuis
Emmanuel Lambion
Aline Bouvy, Urine Mate VI, 2016
Linoléum naturel sur bois, impression jet d’encre sur
papier archive, 230 cm x 190 cm.
Courtesy galerie Baronian, Bruxelles.
© photo : Isabelle Arthuis
1 Il est toujours remarquable de souligner le fait
qu’une séparation n’est pas l’autre et que celle-ci
semble avoir été séminale pour chacun des deux
membres de l’ex-tandem créatif Bouvy/Gillis,
tant se sont reprécisées et reconfigurées des
personnalités artistiques distinctes, originales,
où l’on reconnaît néanmoins un continuum de
préoccupations esthétiques.
2 Dans les faits, l’on semble renouer avec les
conventions qui régissaient l’émergence des
genres mineurs (paysages, natures mortes de
fleurs, banketjes) à la fin du XVI e et au début du
XVII e siècle: une scène d’histoire, mythologique
ou sacrée, occupait en effet l’arrière-plan des
compositions, leur conférant ainsi une sorte de
légitimité détournée.
IntraMuros
Aline Bouvy
ÉLODIE HUET /
GUILLAUME BARONNET
LET’S MAKE POTENTIALLY
CROWD SURFING
POSSIBLE MAISON D’ART ACTUEL
DES CHARTREUX / MAAC
26-28 RUE DES CHARTREUX
1000 BRUXELLES
WWW.MAAC.BE
WWW.BRUCITY.BE
DU 19.02.16 AU 19.03.16
WWW.ELODIEHUET.COM
Élodie Huet,
Double Face, 2013
Rubans adhésifs
Dimensions variables (200 x 110 cm)
Vue de l'exposition Force majeure
Tetem, Enschede (NL)
La Maison d’Art Actuel des Chartreux (MAAC)
accueille les travaux récents d’ÉLODIE HUET
et de GUILLAUME BARONNET. Intitulée Let’s
make potentially crowd surfing possible, cette
confrontation qui n’émane pas d’une décision
des principaux intéressés mais d’un hasard
de calendrier augure toutefois, et par-delà les
dissemblances, de belles connexités dans la
définition d’une poétique de l’objet.
LE PARTI
PRIS DES
CHOSES
1 Après avoir invité Élodie Huet en 2010 pour
une résidence de six mois dans l’un de ses ateliers, la MAAC a soutenu sa candidature pour une
résidence Cheval Noir d’une durée de trois mois.
En 2003, la Communauté française a vendu
les anciennes brasseries Hallemans au Fonds
du Logement, pour une somme symbolique. En
échange, le Fonds du Logement s’engagea à
transformer la friche en logements pour artistes.
L’immeuble situé au 17 rue du Cheval Noir
(Molenbeek-Saint-Jean), inauguré en automne
2011, compte 31 logements d’artistes. La
Fédération Wallonie-Bruxelles qui dispose d’un
de ces logements y organise des résidences
d’artistes.
2 Assertion ironique prononcée par Nils Frahm
lors d’un concert, alors qu’il est plus qu’improbable que le public se livre à la pratique du crowd
surfing à l’écoute de sa musique électronique.
3 Guillaume Baronnet est le cofondateur de la
maison d’édition/label “Les Anges Noirs de l’Utopie” (Music Curating, Indie Editions and Cosmic
Adventures). http://lesangesnoirsdelutopie.org
Après sa formation aux Beaux-Arts de Paris, Élodie Huet
(°1973, Bourges ; actuellement en résidence à Bruxelles) développe quelque temps un travail qui, par le biais de la photo et de
la vidéo, porte sur la persistance rétinienne. Initiée en 2007, la
série Permanent vacation marque un tournant décisif qui définit les bases de la démarche actuelle. Si ces monochromes
tiennent encore de l’image bidimensionnelle, ils amorcent
l’usage de matières ordinaires et la réitération quasi obsessionnelle d’une forme et d’un geste. Juxtaposition de milliers de
confettis, fastidieusement triés par couleurs puis fixés à jamais
dans l’immobilité, l’œuvre contredit la nature festive et volatile
du matériau dont elle est le fruit. Cette série qui compte actuellement six tableaux monochromatiques est amenée à être
complétée, sachant qu’un paquet de confettis contient une cinquantaine de coloris. Peu après, la pièce Genèse (2008) franchit
le pas de la tridimensionnalité et induit l’idée d’œuvre dispersée :
5 000 badges contiennent l’intégralité du Nouveau Testament
dont le texte, illisible dans sa dissémination, s’ouvre à une infinité
de nouvelles interprétations. Depuis quelques années, Élodie
Huet recourt essentiellement à des éléments usuels, issus du
quotidien (gommes, rubans adhésifs, papiers peints), qu’elle
manipule en vue de les “faire parler” et qu’elle démultiplie à l’envi
pour engendrer une autre réalité. Chaque matériau (ou objet)
est traité comme un fragment qui – par accumulation, superposition, prolifération –, forme un nouveau tout, appréhendable
indépendamment de ce dont il est constitué. Aussi le travail
évolue-t-il vers une dimension installative par une adaptation à
l’espace environnant avec des œuvres qui jouent de la variabilité
de leurs formes et de leurs dimensions. Nous citerons Flyers
wall (2010-2013), stratification de cartons d’expositions (classés
par couleurs) dont la configuration contingente s’adapte au lieu
d’exposition, tout comme celle de In Fine (2013), installation
modulaire et changeante constituée de 1 500 volumes de 288
Élodie Huet /
Guillaume Baronnet
IntraMuros
“Le meilleur parti à prendre
est de considérer toute chose
comme inconnue”.
Francis Ponge
pages qui, assemblés, recomposent l’image de la Voie lactée
dans sa totalité. Si l’édition existe en tant que telle et se consulte
de façon linéaire, l’installation repousse les limites de l’objet livre
et interroge le visible. À l’heure de l’écriture de ces lignes, Élodie
Huet prépare l’exposition à la MAAC qui ponctue la fin de sa
résidence “Cheval Noir”1 au cours de laquelle elle approfondit
ses recherches sur la prolifération d’objets familiers détournés.
Plusieurs pièces récentes questionnent la nature et la fonction
d’éléments de décoration, à l’exemple de Stuck (2015), rosace
destinée à habiller le plafond d’un intérieur cossu dont le motif
sculpté se répand en une tache informe et imprévue, ou d’Aménagements intérieurs (2015), œuvre composée de crémaillères
et de consoles métalliques qui, privées de toute fonctionnalité,
révèlent leur propre réalité. Proposé par Élodie Huet, le titre Let’s
make potentially crowd surfing possible2 fait écho à sa pratique
de mise en lumière d’objets humbles, ainsi révélés, “portés aux
nues”, idéalisés. Guillaume Baronnet (°1982, Poitiers ; vit et
travaille à Bruxelles) développe un travail nettement plus difficile
à circonscrire, tant il se caractérise par l’éclatement et l’hybridité
(formelle, technique, matérielle). Formé en peinture à La Cambre,
le jeune artiste navigue entre vidéo, sculpture ou installation,
auxquelles se greffent différents projets sonores et musicaux3.
Voyages et promenades, sources littéraires ou scientifiques,
anecdotes saugrenues ou analogies formelles fortuites nourrissent une pratique conçue comme une poétique du quotidien
et de la simplicité. Dans ses développements récents, le travail
de Guillaume Baronnet s’oriente plus spécifiquement vers la
question de l’objet. Ses recherches actuelles se nourrissent du
concept d’ “hyperobjet” développé par le philosophe américain
Timothy Norton (dans le sillage de l’Ontologie Orientée Objet
impulsée par Graham Harman), selon lequel les objets existent
en soi, en dehors de la saisie qu’en fait l’esprit humain. Ou encore celui d’ “hyperréalité” de Jean Baudrillard où l’objet, toujours plus vite consommé, se vide de son sens et se voit frappé
d’obsolescence. Ce qui intéresse Guillaume Baronnet, c’est ce
qui intervient après cette diminution de la valeur d’usage et la
possibilité d’offrir une vie alternative et une nouvelle utilité à ce
qui est périmé. Ce recyclage s’opère par une transformation de
la matérialité de l’objet : un processus de recouvrement (layering)
le dote d’une seconde peau qui modifie totalement la perception
du volume traité. Tandis que la viscosité de la résine liquéfie les
formes et confère aux choses un aspect neuf et brillant, la feuille
d’or ou d’argent leur apporte une patine évocatrice d’ancienneté
et de légitimité. Ainsi Élodie Huet et Guillaume Baronnet renouvellent-ils la pratique du readymade assisté en des œuvres qui,
malgré leurs disparités (conceptuelles, processuelles, formelles)
définissent les contours d’une poétique de l’objet. À l’instar d’un
Francis Ponge qui, dans Le Parti pris de choses, révèle la beauté
d’un cageot ou d’une éponge par le biais des mots, ils insufflent
à des objets a priori dénués d’intérêt une nouvelle existence qui
renouvelle notre perception du monde.
Sandra Caltagirone
Guillaume Baronnet,
Larsen Circle
7 mégaphones et 6 piquets de tente,
dimensions variables
M 68 / 38
Sarah & Charles,
Film still A day will come my future will be
your past, 2015
UNE
INCROYABLE
VÉRITÉ
Pensée tel un cheminement immersif, l’exposition de Sarah &
Charles (°1981/°1979) démarre au rez-de-chaussée de la structure par un jeu de renvois indiciels qui empruntent aux univers
filmique et scénique. Autant de propositions qui questionnent
l’artifice et l’illusion comme métaphore du “théâtre de la vie”.
Persona ne désignait-t-il pas le masque de l’acteur, le personnage ou le rôle et, plus tard pour Jung, l’instance psychique
d’adaptation, le masque que tout individu porte pour répondre
aux exigences de la vie en société ? Entre scène et coulisses,
se déplie alors un espace où l’on découvre que dévoiler les
coulisses revient à proposer aux spectateurs un monde infini de
résonances imaginaires. Nodale, la vidéo Plot pool (2015) propose une narration hors du sujet propre du film, lequel démontre
le processus de recherche des artistes pour Props For drama :
Plot Hole (2013), une installation multi-channel sur trois écrans
figurant plusieurs prises d’une même scène par deux personnages joués par un unique acteur et égrenant par là même une
mise en abyme de la recherche de l’image idéale. Déconstruit
et troublé, ce making of, rendu ici muet, est fictionnalisé par un
habile jeu de montage et l’ajout de sous-titres narrant un tout
autre récit, la trame d’une scène de crime. Scandant l’ensemble
de la galerie, la série des Sounds forme une collection d'évocations sonores. Par les mots et la couleur en association intuitive,
le spectateur agissant expérimente ses propres réminiscences,
chaque son devenant espace de projection. Le dispositif accueille encore des déclinaisons d’un autre motif récurrent du
vocabulaire des artistes, les pièces de décor grandeur nature
inspirées des maisons de maîtres dans lesquelles ils ont vécu.
Elles définissent une narration d’objets de plus en plus abstractisés, introduisant un nouveau rapport au réel qui n’est pas sans
convoquer une fibre surréaliste que les artistes affectionnent
tout particulièrement. Mis en totale disponibilité à l’égard du
signe, le spectateur attentif perçoit au travers des tableaux de
briques blanches, la volonté de Sarah & Charles de briser “Le
quatrième mur”1. Inventé par l'encyclopédiste Denis Diderot, qui
fut aussi dramaturge, ce mur imaginaire, parcourant le devant
d’une scène de théâtre, est une frontière entre la fiction qui se
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Sous le titre An Unbelievable Truth, le duo d’artistes bruxellois SARAH & CHARLES déploie
à Netwerk, avec une intelligence renouvelée,
un univers référencé se jouant des paradoxes
nourris par les entrecroisements féconds de
la réalité et de la fiction et, tout autant, interroge de manière magistrale la nature linéaire
du temps en une contradiction intrigante et
stimulante.
produit sur scène et le public. Ce vocable se répand dans le
monde du théâtre au XIXème siècle avec l’avènement du courant
réaliste, faisant de ce mur imaginaire une convention interdisant de le briser sous peine de casser le réalisme de la pièce.
Littéralement fissuré dans le dispositif de l’exposition, celui-ci
nous rappelle que derrière la réalité, il n’y a rien, rien qu’un faux
semblant, pose la question d’une réalité comme produit d’une
gigantesque fonction génératrice d’illusions touchant les univers
de la conscience et favorisant peut-être l’émergence de réalités
alternatives.
A l’évocation du potentiel métaphorique du cinéma pour aborder
notre réalité filante, l’étage engage le spectateur au cœur même
du nouveau projet cinématographique des artistes. Sous le titre
paradoxal et contradictoire A day will come my future will be your
past, Sarah & Charles propose une immersion troublante dans
un temps distendu au travers de trois contextes singuliers et
contrapunctiques. L’un prend pour cadre un parc artificiel, l’autre
une grotte naturelle où le temps s’égraine au goutte à goutte, le
troisième, enfin, appréhende un studio d’enregistrement. Trois
temporalités s’y distinguent au travers de trois genres narratifs
qui s’entremêlent. La fiction prend pour cadre enchanteur le
Bois de la Cambre et met en présence deux jeunes filles archétypales à la séduction manifeste évoquant leur futur au passé
de manière peu naturelle ou bien encore, parlent de leur futur
dans le temps présent. Le making of a pour cadre le studio où
s’enregistre l’incrustation des voix des jeunes filles. Le documentaire suit, pour sa part, deux spéléologues dans la grotte et
fait le récit de leur découverte d’une sculpture unique qui aura
mystérieusement disparu dès après leur visite. Complexe et
passionnant, le film, conçu en rupture de narration, se nourrit de
la thèse portée par la mécanique quantique quant à la possibilité
de temps superposés, possibilité magistralement évoquée par la
clôture du film baignée d’une bande son proprement électrisante
laquelle évoque le trou de ver qui doit permettre de se déplacer
d’un endroit à un autre, comme un raccourci, mais aussi d’un
temps à un autre, que ce soit vers le passé ou vers le futur….
SARAH & CHARLES
AN UNBELIEVABLE TRUTH
NETWERK
15 HOUTKAAI, 9300 ALOST
WWW.NETWERK-ART.BE
JUSQU’AU 6.03.16
A VENIR :
D+T PROJECT
4 RUE DU BOSQUET
1060 BRUXELLES
WWW.DT-PROJECT.COM
DU 14.05 AU 09.07.16
CINNNAMON GALLERY (ROTTERDAM):
WWW.CINNNAMON.COM
OCTOBRE 2016
A DAY WILL COME MY
FUTURE WILL BE YOUR
PAST
Single channel video projection, Full HD,
color, son stereo - Durée: 24 minutes, 15
seconds - Aspect Ratio: 2.35 1
Écriture et réalisation : Sarah & Charlles co-écrit avec Benjamin Deboosere
Avec Bettee Molnar, Stine Sampers,
Elsa May Averill, Bryana Fritz, Damien
Chapelle, Emeline Depas, Arthur Egloff,
Caroline Daish and Duby
Directeur de la photographie: Hans
Bruch jr. - Musique originale de Lieven
Dousselaere - Musique performée par
Kinderlandkoor Kortrijk - Edité par Gert
van Berckelaer - Son édité par foley
recording & mix: Matthias Hillegeer Post-production des images: Mikros
Image Brussels - produit par O.C.A.M. and
Untitled Production - co-produit par The
Flander Audiovisual Fond (VAF) Netwerk/
centrum for contemporary art, arts center
Buda, arts center Vooruit
Pascale Viscardy
1 En cinéma, on parle de “briser le quatrième mur”
lorsqu’un personnage s’adresse directement – les
yeux dans les yeux – au spectateur
IntraMuros
Sarah & Charles
Hub Livre, Praça Roosevelt, São Paulo
collectif composé de : Alzira Incendiária,
Augusto Aneas, Marina Brito, Nina
Liesenberg, Paloma Klisys et Serguei Dias
© Hub Livre
“Dès lors que nous nous sommes trouvés réunis à une même table, nous avons tenu à le rester. Par volonté de savoir et de partager. Nous
avons alors travaillé à produire entre nous une
situation pédagogique par le biais de lectures
collectives. (…) au commencement, il n’y eut
pas seulement un passage au photocopieur,
mais bien plutôt à travers le dialogue : dans le
vif de l’oralité, comme trace et cartographie,
d’un territoire à l’autre. Expérience d’une mise
en commun de l’écoute qui est le commencement de l’expérience de la radio.”
LA
COMMUNAUTÉ
DES RADIOPHONIES
Radio Temporaire, Août 20011
Auto-constituée en groupe de travail, la 9ème session de l’Ecole
du Magasin à Grenoble débute en 1999. Ses six membres se
réunissent pour mener à bien une réflexion autour de la nature
du discours dans l’art contemporain. Elle est envisagée comme
lieu de partage d’un savoir fortement emprunt des Cultural studies et plus particulièrement des lectures de Stuart Hall, figure
centrale de cette discipline, alors mal connu dans le monde
francophone.
Hall participe à plusieurs de ces moments d’échanges. Et de ce
format pédagogique se dessinent et s’émancipent peu à peu
une forme autant qu’un fond. En cours d’année, un programme
d’invitations très articulé émerge incluant notamment H.Farocki,
R.Green, I.Julian, ou encore H.Steyerl...
Partager ce contenu s’impose alors comme une évidence et,
avec lui, la constitution éphémère d’une communauté d’écoute
dépassant les murs du centre d’art. C’est ainsi que le projet
curatorial Radio temporaire s’est constitué puis - dans la continuité de ses transmissions voguant sur les ondes - un catalogue
composé de quelques retranscriptions a pu voir le jour en 2001.
Pour les commissaires de ce projet collaboratif structuré par
étapes, ce décalage temporel fut volontaire, sinon nécessaire,
pour accorder un espace en marge de l’hégémonie télévisuelle,
Radiophonies
IntraMuros
Take you there radio,
session 24 de l'Ecole du Magasin
© Estelle Nabeyrat
M 68 / 40
comme l’évoque encore Hall, figure tutélaire de ce projet, dans
son texte “The world with Itself”. Pour contrer les logiques systémiques, pas question de céder à la tyrannie événementielle
que s’imposent les médias. La matière radiophonique devait
s’adapter au rythme du contenu à produire. Faire ce pas de
côté pour distiller des niches de réflexion critiques, et mettre à
l’ouvrage toute la rhétorique du projet.
“Nous aurons (…) conçu la radio comme support d’ ‘un savoir’
qui interroge la façon d’exposer et de se projeter dans le monde
contemporain, en préservant la liberté du retrait, tout en restant
lisible”.
Radio temporaire constituait un espace politique : investi d’un
contenu libre d’expression. A l’image de ces radios amateurs
qui émettent à de courtes distances, il s’agissait d’atteindre une
audience de proximité dépassant les limites symboliques du
cercle de l’art. Dès lors, ces communautés d’écoutes n’étaient
pas pensées comme des espaces d’exclusivité sociale. La programmation exigeante restait inclusive plutôt qu’exclusive, en
créant des zones de partage déhiérarchisées.
Expérimentale à certains égards, Radio temporaire diffusera par
ailleurs quelques joyaux des avant-gardes qui se sont exercées
au support radiophonique, parmi lesquels Pour en finir avec le
jugement de dieu d’Artaud, enregistré en 1947.
On sait qu’une ébauche historiographique de ces travaux
d’avant-garde fut rédigée en 1994 dans l’ouvrage Wireless imagination – sound, radio and the avant-garde édité par D.Kahn et
G. Whitehead. De Roussel à Cage, en passant par Khlebnikov,
le livre regroupe plusieurs essais s’appuyant sur les œuvres
radiophoniques séminales. On sait qu’à partir de cette quantité
d’enregistrements, hybrides autant qu’étranges, des contextes
de diffusion se multiplient et se précisent. Pour autant l’histoire
de ces structures (émissions radiophoniques, fréquences, plateformes internet ...) reste à écrire et, avec elle, ce que Radio
temporaire avait pressenti, à savoir la réécriture d’une histoire
consciemment délinéarisée.
Projet singulier s’il en est, Radio temporaire illustre bien le potentiel des glissements sémantiques que l’expérience et le support
radiophonique autorisent. Lui succédant, d’autres plateformes
radiophoniques et artistiques laissent transparaître cette même
intention : pratiquer une pensée décolonialisée.
C’est en effet le projet du collectif sud-africain Chimurenga et de
l’une de ses entités : la Pan African Space Station (PASS). Créé
en 2002 par Ntone Edjabe et installé à Cape Town, Chimurenga
accompagne et diffuse du contenu culturel et politique produit
exclusivement en Afrique et/ou par des ressortissants africains.
Il emprunte des formats et des médiums aussi divers que ceux
de la revue, de la librairie, de l’exposition et de la radio.
“Dans la logique de la transmission orale qui prévaut dans de
nombreux pays de culture africaine, PASS s’est imposé à nous.”.
Accessible depuis une plateforme internet, l’objectif de PASS est
de mettre à disposition un contenu réflexif ouvert à tous, accessible au-delà des limites géographiques de l’Afrique du Sud.
C’est un projet transnational visant à créer un espace d’attention
sur l’ensemble du continent africain et plus largement. Avantage
et inconvénient des plateformes internet en comparaison avec
la diffusion FM : le spectre de l’audience est plus vaste mais
aussi moins caractérisé. PASS revisite l’histoire et les traditions
d’Afrique dans une perspective d’autodétermination et de réévaluation contemporaine. Dans la logique des modes de transmission ancestraux, l’oralité est l’outil souverain de Chimurenga.
Invité par le réseau art contemporain (comme récemment
à Showroom, Londres ainsi qu’au festival Performa de New
York), Chimurenga investit des espaces d’exposition en tissant
des points de connexion entre les cultures d’Afrique et leurs
occurrences locales (magasin de disques ou d’objets importés, restauration, musiciens etc...). A ces occasions - en plus
d’invitations faites à des artistes plasticiens d’origines africaines
diverses - le studio d’enregistrement s’est déployé, il devient un
espace ouvert au public. De fait, l’auditoire habituellement silen-
M 68 / 41
Pan African Space station, collectif
Chimurenga
conférence de Néo Muyanga dans le cadre
de Performa, NYC
© Estelle Nabeyrat
cieux qui assiste aux conférences et concerts in situ devient une
communauté participative. Interactions, débats... PASS rend
visible des occurrences discursives et, à travers elles, la multitude des cultures d’Afrique.
Ces mêmes mouvements d’incursion sont depuis 10 ans
le leitmotiv de Mobile-radio, un projet mené par les artistes
S.Washington et K.Aufermann.
Expansif et prospectif, Mobile-radio s’adapte et s’intègre à chacun des nouveaux contextes. Toujours en recherche de nouvelles matières sonores et de créations liées à la transmission, il
met en partage le travail de professionnels et d’amateurs.
“Nous voulions savoir ce qu’il se passe lorsque l’on sort la radio
de son studio d’enregistrement”. Lieu source, Mobile-radio
se branche sur les FM locales et rend audibles les potentiels
sonores de l’espace qu’elle occupe provisoirement comme ce
fut le cas lors de la 30 ème biennale de São Paulo. Pendant 3
mois, un programme d’artistes et d’auteurs invités fut diffusé en
continu sur une antenne créée pour l’occasion. Il fut le refuge
immatériel d’un projet parallèle et d’envergure similaire à celui
de la biennale. Un rapport d’échelle qui ne manqua pas de créer
des émules.
“Il nous fallait un lieu de discussion qui, à partir d’une problématique locale, pouvait regrouper d’autres engagements. Que ce
lieu rassemble et informe. Qu’il soit en tout point opposé à des
modes d’oppression qui s’exercent ouvertement ou de manière
insidieuse dans tout le Brésil”. Collectif organisé autour de la
défense de parc Augusta au centre de São Paulo, Hub Livre2 est
une unité radiophonique construite sur un vélo. Au gré des occupations militantes qui se tiennent sur les zones de spéculations
immobilières et de leurs chantiers, au gré des déplacements
imposés par la police, Hub Livre circule dans la centro. C’est un
lieu d’expression libre qui s’exerce dans l’espace public pauliste
et dont les artistes font usage pour faire connaître la menace
répressive qui se manifeste vis-à-vis de leur activité lorsque
celle ci se manifeste en dehors des institutions et cadres privés.
“Nous constations le peu de paroles accordé aux artistes. Un rééquilibrage nous semblait nécessaire”. Associé à Simon Nicaise
autour de l’Unité Duuu* (plateforme radiophonique initiée à Paris
et bientôt résidente à Gennevilliers), l’artiste Simon Ripoll-Hurier
s’intéresse aux phénomènes des plateformes qui répondent à
une nécessité d’autogestion pour palier le manque de structures
existantes. Elles répondent à un besoin d’indépendance et à
des modes de production en lien avec la musique, le langage,
le texte et d’autres formes sonores plus hybrides souffrant d’un
déficit d’écoute et d’attention. Cette communauté sensible peut
être entendue comme une réponse métaphorique à la dislocation en marche entre le monde artistique et ses structures de
diffusion (voir le projet de la 24ème session de l’Ecole du magasin
Take you there radio). Elle investit une zone de partage expansive
et dématérialisée, libre et libérée des restrictions politiques et
économiques.
Estelle Nabeyrat
IntraMuros
1 Radio Temporaire, un projet de la 9 ème session
de l'Ecole du Magasin, composée de Zeigam
Azizov, Sylvie Desroches, Dean Inkster, Adrian
Laubscher, Alejandra Riera et Caecilia Tripp.
C'est aussi le titre d'une publication faisant suite
au projet radiophonique et éditée par Le Cnac
Magasin en 2001
2 Hub Livre est un collectif à dimension variable
initié par Alzira Incendiária, Augusto Aneas,
Marina Brito, Nina Liesenberg, Paloma Klisys et
Serguei Dias.
LES ENTRETIENS AUDIO AVEC LES
DIFFÉRENTES PLATEFORMES CITÉES
QUI ONT PERMIS LA PRÉPARATION DE
CET ARTICLE SONT ACCESSIBLES EN
LIGNE SUR HTTP://DUUURADIO.FR/
Radiophonies
Contre toute attente, l’exposition que le
Mac’s consacre à JACQUES CHARLIER en ce
début d’année, n’a rien d’une rétrospective.
Au contraire, l’artiste y montre ses peintures
les plus récentes - abstraites ou figuratives -,
déclinant un panel de styles pour, finalement,
mettre en exergue le seul qu’il ait envie de
défendre : un style de vie.
UNE
QUESTION
DE
STYLE
Jacques Charlier (°1939) compte parmi les artistes dont l’œuvre,
déjà, s’inscrit au sein d’une histoire de l’art en Belgique. Au
nombre de ses pratiques, il faut citer l’installation, la vidéo, la
photographie, la peinture ou la caricature ; sans oublier la musique1, l’écriture 2 et le reportage sur l’art3. Quoiqu’il fasse, ce
touche-à-tout agit avec une même virtuosité. Ici, Denis Gielen
- le nouveau directeur du Mac’s qui est aussi le commissaire
de l’exposition - lui a proposé de n’y montrer que de la peinture. Enthousiasmé par le projet, l’artiste a décidé de lui donner
pour titre Peinture pour tous !, un écho ironique à “la Manif pour
tous”4. Car l’exposition “se veut complètement à contre-courant de ce qui se fait aujourd’hui : on ne fait plus de peinture et
quand on en montre, on le fait avec beaucoup de culpabilité”
explique-t-il. Charlier se concentre donc sur un unique médium,
mais il le fait à sa manière : en faisant coexister différents styles
de peintures, au point que le spectateur pourrait avoir l’impression d’avoir à faire à plusieurs artistes, il rend compte par là de
son rapport au monde (et aussi au monde de l’art). Comme
dans un juke-box, on découvre dans chaque style des indices,
des clichés, des effets dont l’origine se trouve dans la peinture
moderne, les médias, la publicité ou les cartoons.
Depuis ses débuts, et quel que soit le médium utilisé, Jacques
Charlier pratique une forme de “parodie-critique”. Il examine le
monde qui l’entoure : celui de l’art (des Photographies de vernissage à ses récents dessins sur toile) et celui du travail (des
Paysages Professionnels en 1970 à sa série Office Paintings de
2011). Il capte l’air du temps du happening du groupe Total’s
dans une manifestation anti-nucléaire en 1967 aux médias dont
il use et abuse et qui forment la toile de fond de sa pratique
actuelle. Si son observation du monde est toujours critique et
ironique, elle est souvent sarcastique, voire caustique. Elle prend
les formes de la mise en scène, du simulacre ou de la satire.
Un style de vie
Pour Peinture pour tous !, puisque le Mac’s est un musée, l’exposition se veut “muséale” et se découpe en plusieurs sections
parmi lesquelles on peut citer celles des peintures “fractales”,
des peintures “italiennes” où encore des peintures “cannibales”.
Les sections abstraites empruntent à l’expressionnisme, au géométrisme ou à l’art optique, quant aux figuratives, elles trouvent
leur source principale dans la bande dessinée ; cette diversité
de styles correspond à l’attitude que Jacques Charlier adopte
vis-à-vis du monde de l’art. Il cite volontiers une phrase de
Warhol - “ How can we determine a style to be better than the
next? We should be able to be abstract when we feel like it, or
pop, or realist, without having a sense of loss.” - en précisant
Jacques Charlier
Jacques Charlier,
Fractale, 2012
250x120 cm, Acrylique sur toile
photo Laurence Charlier
que c’est ce qu’il a toujours fait, cherchant pour chaque idée
le médium et la manière de faire qui conviennent particulièrement. Or le marché de l’art attend de chaque artiste un style
reconnaissable. En cela, il rejoint Benjamin Buchloh pour qui
le style est “l’équivalent idéologique de la marchandise : son
échangeabilité universelle, sa libre disponibilité, dénotant un
moment historique de fermeture et de stase. Lorsque la seule
option encore ouverte au discours esthétique est le maintien
de son propre système de distribution et la circulation de ses
formes commercialisables, il n’est pas surprenant que toutes
les ‘audace(s) soi(en)t devenue(s) convention(s)”5. Pour Charlier,
multiplier les styles équivaut à n’en adopter aucun et à affirmer
sa vision désabusée de l’art actuel : la confusion entre la valeur
marchande et la valeur esthétique débouche sur une idolâtrie qui
fait de l’art la religion du siècle, l’ultime croyance car, précise-t-il,
“c’est le seul objet qui ressuscite”. Tout cela est une question de
perspective : dans le cadre de l’exposition au Mac’s, l’artiste a
fait fabriquer une “chambre d’Ames”6. Cette construction produit une illusion d’optique totale et devient la métaphore de l’état
de l’art : suivant la position de celui qui se trouve à l’intérieur, il
apparaît grand ou petit à celui qui, à l’extérieur, l’observe à partir
d’un trou ménagé dans la paroi.
La diversité des médiums, la multiplication des styles à l’intérieur
de chacun d’eux relèvent d’une volonté de l’artiste de mettre les
idées en formes. “Il n’y a pas de style dans la manière de faire,
mais il y a un style de pensée et de réaction. Un style devient
un emprisonnement, lorsqu’il est répétitif et qu’il ne permet pas
d’en sortir. Ma manière de réagir par rapport à l’art est la même
que je peigne, que j’écrive ou que je fasse une chansonnette.
Mais ça, c’est une manière de vivre, c’est un style de vie”, dit-il.
Colette Dubois
IntraMuros
M 68 / 42
JACQUES CHARLIER
PEINTURE POUR TOUS !
MAC’S
82 RUE SAINTE-LOUISE
7301 HORNU
WWW.MAC-S.BE
MA.- DI. DE 10H À 18H
DU 28.02 AU 22.05.16
1 Qu’il s’agisse de “musique régressive”, de
“chansons tristes” ou du groupe Terril.
2 Souvent sous un nom d’emprunt, le plus
célèbre étant Sergio Bonati.
3 Avec la diffusion sur le web de CLArtvision en
collaboration avec Ute Willaert
4 Du nom du collectif d’associations françaises
qui s’opposaient au mariage homosexuel.
5 Benjamin Buchloh, “Figures d’autorité, chiffres
de régression”, 1982, p. 69.
6 Ce module a été conçu par Hermann von
Helmholtz (1821-1894), physiologiste et
physicien allemand, il a été construit par
l’ophtalmologiste américain Adelbert Ames
(1880-1955).
Alain
géronneZ,
hélas
de A à Z
Tous les matins de beau temps je me réveille
face à une tache de soleil filtrée par la persienne et zébrant l’œuvre d’Alain Géronnez
que j’ai accrochée au-dessus de la bibliothèque
dans la chambre à coucher. C’est un diptyque
composé de deux photos carrées montées
sur métal. Leur sujet est Citroën — pas la DS,
qu’Alain considérait comme une des plus belles
sculptures du XXe siècle — non, la Traction.
Dans la photo de gauche, une Traction grise
vue en plongée est garée sur un sol jonché
de pétales roses. Les cerisiers du Japon de
Boitsfort, peut-être ? Dans celle de droite deux
Dinky Toys jouent à faire sérieux, une Traction
grise en plan, une noire de profil. Tous les matins cette œuvre espiègle me mettait de bonne
humeur, jusqu’à ce triste jour de novembre où
Alain nous a quittés. Je me réveille encore avec
les trois Citroën, mais le cœur gros : j’ai perdu
un ami. Les pétales roses m’aident à faire mon
deuil : ils ne se faneront jamais.
En 1997, j’ai voulu accompagner mon ami dans
son entreprise unique en son genre d’une sorte
de rétrospective autocritique par un texte
somme toute assez louche, puisqu’il convient
de le lire en louchant, un œil dans le rouge, un
oeil dans le vert, intitulé “Portrait de l’artiste
en anaglyphe”. Je souhaite aujourd’hui l’offrir
aux lecteurs de l’art même, en hommage à mon
ami Alain géronneZ — ainsi qu’il avait coutume
d’écrire son nom, sans se douter que la fin de
l’alphabet était si proche.
Portrait de l’artiste en anaglyphe
Voici qu’un artiste pas trop bien servi par le système
met en scène sa rétrospective dans un livre sans
complaisance ni falbalas inutiles. S’il est vrai qu’on
n’est jamais si bien servi que par soi-même, il est plus
rare qu’on soit aussi honnêtement servi qu’ici. En dixhuit expositions de groupe ou solo, Alain Géronnez
fait le bilan de seize ans de carrière de jeune artiste,
sans cacher par moments sa frustration, sans enjoliver les faits, sans taire les échecs, mais aussi, sans
dévier d’un pouce de l’idée tôt acquise qu’il vaut
mieux être radical. Les compromis à la belge sont
toujours mauvais, dit-il. Le pays devrait en savoir
quelque chose à l’heure qu’il est.
Il a fait ses études aux beaux jours de l’art conceptuel
et du premier choc pétrolier, et le catalogue qu’il publie aujourd’hui (ou est-ce un livre d’artiste ?) a cette
M 68 / 43
qualité documentaire que nous admirions dans les
travaux de Vito Acconci, Dennis Oppenheim ou Jan
Dibbets à l’époque. Il n’a pas de permis de conduire,
se ballade dans Bruxelles juché sur un solide vélo
de l’armée suisse, et refuse de prendre l’Eurostar
pour se rendre à Londres parce que le parcours du
TGV en Ardèche saccage la vallée du Rhône. On
peut le croire quand il dit vouloir faire quelque chose
pour l’écologie de la peinture. Cela s’appelle avoir
une éthique de vie en accord avec ses opinions, ou
encore, être entier.
Il déclare avec candeur, parlant de ses débuts : “à
l’époque je n’étais encore qu’une fraction”, et décrit
l’une de ses pièces, ambitieusement intitulée La
modernité, comme un “fragment d’autoportrait.”
Il a beau être entier il est artiste, et quand on est
artiste on se dédouble, on se diffracte, on se résout
à donner de soi un portrait en anaglyphe, une loupiotte rouge pour “l’homme qui souffre”, un feu-follet
vert pour “l’artiste qui crée”, à moins que ce ne soit
l’inverse. (L’allusion est à la Pharmacie de Marcel
Duchamp, voire à celles de Géronnez, de même
qu’aux mots que ce cher Marcel avait volés readymade à T.S. Eliot.) Et pour le voir entier et en relief, ce
portrait en fragments, il faut avoir comme l’artiste un
œil dans le rouge des lunettes anaglyphes et l’autre
dans le vert, un œil sur le monde de l’art et l’autre
sur le monde tout court, et une oreille dans les deux
mondes attentive aux idéologies et aux politiques qui
prétendent faire loi. On entend alors l’artiste chuchoter, pudique, qu’à un moment donné il lui est devenu
difficile de continuer à considérer l’art comme un
pur jeu autoréférentiel, “même si l’art seul me fait
supporter l’humain.”
Le moment en question est celui de la fin de la période 50/04, quand pour faire double jeu du jeu autoréférentiel, les artistes étaient deux. C’est un secret
militaire, dit Géronnez, que Bruxelles soit plantée sur
la carte par 50 ° de latitude nord et 04 ° de longitude
est, ce qui donne à penser que les militaires sont
des polichinelles et qu’en matière de politique le
couple Alain Géronnez - Paul Van Ré, c’était un peu
Quick et Flupke. Vous savourerez leur humour de
sales gosses en lisant ce que Géronnez raconte de
Floor Flex. La pièce avait tout pour séduire un galeriste huppé de la place bruxelloise par sa référence
(pour ne pas dire sa révérence) à une pièce très semblable de Victor Burgin. Ce que le galeriste n’avait
pas prévu, mais qu’il ne tarda sans doute pas à
comprendre, c’est le grain de sable politique dans la
machine bien huilée des autoréférences. Aujourd’hui
Flupke, séparé de Quick, se permet de mettre les
points sur les “i” : “Toute cette blancheur servait-elle à
blanchir l’argent de l’art ?” On dit des choses comme
ça, innocemment, et on en reste “jeune artiste” toute
sa vie. Comme quoi être entier, cela se paie.
N’allez pas croire que Géronnez est un puriste, un
Saint-Just de l’art droit. Il n’y a pas plus duplice que
lui, il biaise sans arrêt et vous réserve toujours un
chien de sa chienne. Mais très gentiment, comme
quand il vous fait jouer au jeu de la modernité, qu’il
vous piège et puis qu’il tire avec élégance son
épingle du jeu en prétendant qu’il en a fait écrire
les règles par un écrivain public. Au passage il vous
aura enjoint de mettre vos jugements de critique
d’art sur la sellette et il aura rappelé au public qui
saura l’entendre que, tout jeu de société que l’art
contemporain soit devenu, son enjeu n’en est pas
moins qu’il continue à relever du domaine public.
IntraMuros
Un autre jour, ayant repéré sur la carte de la région
Rhénanie-Westphalie une zone vierge que le plan
de secteur avait épargnée, il eut “l’idée cynique” de
proposer qu’on y implante un parc d’attractions, au
grand dam des Grünen. Après quoi il viendra vous
dire que c’est sa manière “d’introduire un peu de
verdeur dans le propos plastique.” Du vert Géronnez
(prononcez “Géronèse”), pour sûr. Méfiez-vous, cet
artiste-là est trop honnête pour être poli.
Il parle volontiers de peinture, il s’y réfère souvent,
il la commente parfois, il se fait du souci pour elle
mais il n’en fait pas. Il dit avoir des patiences plus
picturales, plus végétales qu’humaines, et déclare
en bon écologiste ne pas savoir qui, des plantes ou
de la peinture, est menacée de disparaître en premier. Il parle de North comme de la plus picturale de
ses expositions — et c’est assurément la plus verte
—, mais l’exposition ne contenait que des photos.
A coup sûr, là est son plus grand talent : Géronnez
est un superbe photographe. Sa Démission photographique dans les rues de Bruxelles est digne
d’un flâneur — mais non baudelairien — animé d’une
tendresse cruelle pour sa ville. Chaque époque a
ses correspondances, et celles que traque Géronnez
sont toujours formelles avant d’être littéraires et subtilement politiques avant d’être poétiques. L’attention
va simultanément aux quatre coins de la surface
saisie par son viseur. Le résultat est du meilleur
Friedlander qui aurait pris une leçon de simplicité
dans les photos d’architecture de Dan Graham.
Peintre qui photographie, photographe qui “installe”, artiste d’installations qui fait à l’occasion une
performance, performer qui tâte du CD-rom, Alain
Géronnez bouge. Où qu’il soit il est toujours d’une
curieuse façon in situ, et d’une tout aussi curieuse
façon ailleurs. Il fréquente l’œuvre des autres assidûment et prend plaisir à y circuler (comme sur les
tables de son Retardt Shop), avec une fausse modestie d’éternel étudiant et un sens des affinités électives qui lui sert surtout à se démarquer. L’ironie est
légère, mais elle est là. Ses expos sont toujours des
réponses aux sollicitations du moment et toujours
aussi un grand palimpseste où il recycle d’anciens
travaux. Chacune de ses pièces est un mille-feuilles
d’autobiographie discrète qui demande des exégètes
patients prêts à crocheter l’un après l’autre les tiroirs
à secret de l’œuvre. On peut préférer, si on n’a pas la
patience, humer le parfum d’enfance qui s’en dégage
et y trouver tout son plaisir.
Il dit : “Je me suis toujours imaginé artiste”, mais
comme il est né dans un monde qui n’a pas de définition de l’artiste, pour dénicher la sienne il faut faire un
effort. Je dirais : un artiste c’est quelqu’un qui vend
la peau de l’ours avant de l’avoir tué mais qui, plus
souvent qu’à son tour, s’identifie à l’ours. (Regardez
ce qu’il fait du Dénicheur d’oursons de Frémiet.) Avec
beaucoup de chance on en devient riche et l’ours
conserve son pelage. Avec un peu de malchance on
reste un écorché qui a du mal à nouer les deux bouts.
Rien n’est jamais joué, il faut en prendre son parti.
Bonne chance mon cher Alain. Il y a peu d’artistes en
Belgique et ailleurs qui ont su refuser les compromis
à la belge avec autant de lucidité et d’humour que
toi. Pense à la Fontaine de jouvence de Cranach.
Si ton livre d’artiste si diablement honnête (ou estce un catalogue ?) trouve ses lecteurs attentifs, une
seconde carrière de jeune artiste t’attend. Je te la
souhaite, et plus encore.
© Thierry de Duve, avril 1997
Alain Géronnez
Prix
Organisée cette année au Musée des BeauxArts de Charleroi, l’édition 2015 du Prix du
Hainaut des Arts plastiques1 a consacré le
travail de CLAIRE DUCÈNE, actuellement en
dernière année de peinture à l’Académie des
Beaux-Arts de Bruxelles. Exploitant l’imagerie d’un univers familial qu’elle assombrit et
trouble, l’artiste cherche à impliquer le spectateur dans une installation intimiste où l’accumulation d’objets et d’images forme un monde
cloîtré tout en clair-obscur.
Claire Ducène, Tableau vivant,
Vidéo, 12'59, 2014
CHAMBRE
CLOSE
Claire Ducène,
Cadres , extrait vidéo, 4'35,
incrustations de multiples vidéos, 2015
LE PRIX DU HAINAUT DES ARTS
PLASTIQUES PRIT PLACE AU MUSÉE
DES BEAUX-ARTS DE CHARLEROI
DU 3 AU 25.10.15
WWW.ARTSPLASTIQUESHAINAUT.
TUMBLR.COM
WWW.CLAIREDUCENE.BE
Claire Ducène
Placée au cœur de la collection permanente du Musée, à deux
pas de récentes et fort belles acquisitions (une grande toile de
Xavier Noiret-Thomé et deux peintures de Bénédicte Henderick)
l’installation de Claire Ducène se loge dans une black box transformée pour l’occasion en alcôve réunissant tous les éléments
de l’univers bourgeois. Table de salle à manger, guéridon ouvragé, bibliothèque, peintures à l’huile, lueur éthérée d’une lampe
de table en cristal…Patrimoine déployant un éthos indissociable
d’une biographie familiale dont les motifs se voient mis en abîme
et où le classicisme se dispute à l’étrangeté ouateuse d’un intérieur précieux mais trop confiné.
A cette accumulation d’objets répond l’amoncèlement des
images, tapissant telles des fenêtres ou des cadres les murs
de la pièce. En mouvement ou non, celles-ci explorent une
psyché où la mémoire se conjugue à la disparition. Ces compositions en noir et blanc oscillent entre réalisme et brouillages
fantasmagoriques. Les collages numériques, réalisés à partir
de peintures, de photographies et de projections de diapositives forment des palimpsestes entremêlant figures humaines
et paysages striés d’ombres, d’effets de matière et de grain.
Offrant une brèche à l’intemporalité cérémonieuse que semble
revendiquer chaque élément du décor, ces images n’en constituent pas moins leur prolongement. Réalisés à partir d’archives
familiales, ces montages photographiques amplifient le dédale
perceptif de l’ensemble tout en en multipliant les effets de miroir
et les fausses issues.
Prix
Cette sensation d’englobement est encore accentuée par les vidéos. L’une d’elles met en scène l’artiste dans un espace où l’on
retrouve le mobilier présent dans l’installation. Ce lieu est filmé
au rythme de la nuit et du jour, clos sur lui-même. Les subtiles
transformations visibles au gré de fondus enchaînés (la lampe
s’est déplacée, un fauteuil bergère disparaît pour réapparaître
ensuite) n’épuisent jamais la pesanteur du temps et des choses.
Au contraire, ces variations semblent en accentuer l’indifférente
et immuable force. Cet espace-temps, proprement circulaire,
voit déambuler l’artiste ou son double fantomatique. Entre errance et repli, ces personnages offrent un léger bégaiement à
la reconfiguration impassible du même, offrant à ce tableau le
fragile flux du vivant.
Si cette installation veut, aux dires de l’artiste, être liée au souvenir et à la mémoire, rien n’interdit d’y voir aussi une forme de
terreur soft où les êtres, attachés au fil du temps et des choses,
faisant littéralement partie des meubles, œuvrent à l’édification
d’un petit royaume empesé et sans issue. L’étrangeté qui se
dégage de l’ensemble est liée à la reproduction et à la mise
en abîme d’une œuvre qui, loin de cultiver un quelconque ego,
le dissout plutôt dans l’éthos aliénant de sa condition. Point
d’altérité ici, même en vœu, dirait-on.
Faisant écho à ce travail, la série de dessins aquarellés Espaces
intérieurs se compose d’espaces déclinés verticalement, collés les uns aux autres et pourtant dissociés par de subtils jeux
d’aplats et de perspectives. Salon et chambre à coucher, rampe
d’escalier, statues antiques et bibliothèques rythment une architecture surréaliste et édifiante, sans trouée elle aussi. De lourds
rideaux masquent les fenêtres. Des personnages, enfin, moins
détaillés que le drapé des statues qui parfois occupent leur
couche. De Chirico plus que Magritte, hormis peut-être trois
nuages gris surplombant une chambre dont le lit suggère un
autel. Quant au trait, il est de velours.
Le travail de Claire Ducène cultive l’ambivalence. La saveur
douce-amère de l’ensemble est-elle seulement affaire de nostalgie ? Il serait heureux d’en douter. Au spectateur de s’identifier
ou non à cet univers, au risque de s’y complaire ou de passer à
côté de son potentiel critique. Fût-il tapi dans l’ombre, encore en
gestation, entre le boudoir et la splendeur fanée du grand salon.
Benoît Dusart
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WTS#8
DEUX
ARTISTES
PRIMÉS
Marion Fabien, intervention dans l’espace
urbain de Namur, 2015
Courtesy de l’artiste
JULIEN SAUDUBRAY, PRIX WTS ET
FUGITIF SERA ACCUEILLI EN RÉSIDENCE À FUGITIF, LEIPZIG POUR DEUX
MOIS EN 2016.
A ÉTÉ ACCOMPAGNÉ PAR L’H DU SIÈGE
ET LA GALERIE ROBESPIERRE.
Le mois dernier se clôturait la 8ème édition de
Watch this Space, biennale de la jeune création du réseau eurorégional d’art contemporain
50°nord1, qui avait pour thème si bien nommé
“Résistance !”. A l’occasion du séminaire de
finissage organisé les 28 et 29 janvier, deux
artistes se sont vus décernés un prix récompensant leur travail exposé en France et en
Belgique : Julien Saudubray pour le prix WTS
en collaboration avec Fugitif (Leipzig) et Marion
Fabien pour le prix Sofam, deux français basés
à Bruxelles témoignant de l’attractivité de la
capitale belge pour les jeunes artistes.
Dans son dictionnaire philosophique 2 , ComteSponville écrit : “la résistance est une force, en tant
qu’elle s’oppose à une autre. C’est l’état naturel du
conatus : tout être s’efforce de persévérer dans son
être, et s’oppose par là, autant qu’il peut, à ceux qui
le pressent, l’agressent ou le menacent. Ainsi la résistance d’un corps, contre un autre qui l’écrase. D’un
organisme, contre les microbes. De la vie, contre la
mort. D’un homme libre, contre les tyrans”. La résistance s’envisage alors comme une réaction plutôt
qu’une action - géopolitique, historique, physique,
psychanalytique - tant extérieure qu’intérieure, ayant
en synonymes la puissance et la désobéissance,
l’endurance ou la solidité. En séduisant le jury des
prix, les démarches artistiques de Julien Saudubray
(né en 1985) et de Marion Fabien (née en 1984) ont
répondu d’une manière ou d’une autre à cette complexité d’interprétations qui englobe en plus celle de
la plasticité inhérente à la création.
“Il y a certainement dans mon travail quelque chose
qui sous-tend l’ensemble, un certain rapport de
force entre les choses, une agressivité permanente
du monde que j’essaye de traduire. D’ailleurs, il ne
s’agit que de ça, un affrontement entre soi et son
travail, soi et les autres, il faut trouver une brèche
dans laquelle se lover 3”, c’est en ces termes que
Julien Saudubray, diplômé de l’école nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2012, définit son
travail pictural, en particulier celui qu’il a présenté
à Grande-Synthe dans le cadre de la biennale. Ce
travail qui rassemble de nouvelles œuvres est le fruit
d’une longue résidence, que l’artiste a réalisé grâce
à la collaboration de deux structures du réseau qui
ont souhaité travailler de concert pour accompagner l’artiste : l’H du Siège et la galerie Robespierre4.
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STAND UP FOR SOMETHING
#ÇA COMMENCE
TOUJOURS PAR UNE
BONNE CHANSON
EXPOSITION DU 20.11 AU 17.12.2015
HTTP://JULIENSAUDUBRAY.
TUMBLR.COM/
MARION FABIEN, PRIX SOFAM
BÉNÉFICIERA DE CONSEILS JURIDIQUES
SUR LES DROITS D’AUTEURS.
A ÉTÉ ACCOMPAGNÉE PAR LIEUXCOMMUNS.
EN PIÈCES
EXPOSITION DU 20.11.2015
AU 20.01.2016
HTTP://MARIONFABIEN.COM/
Stand up for saisir le réel something # ça commence
toujours par une bonne chanson, titre de l’exposition,
sonne tel un hymne patriotique mêlée d’une pointe
d’humour. La convocation affichée d’un vocabulaire
relevant du militaire et de l’armement - blason, filet de
camouflage, médailles, figures d’homme politique,
etc – se donne à voir comme paroxysme de l’autorité,
forme aboutie de la hiérarchie, tant celle qui est habituellement perçue par la société que dans l’histoire
de la peinture. En effet, c’est à une forme renouvelée de peinture d’histoire que nous propose Julien
Saudubray, ce genre majeur qu’il s’agit de disloquer,
de s’opposer, d’analyser, de déconstruire, de résister. D’où probablement la présence de dispositifs relevant du laboratoire, qui serait cette possible brèche
dans laquelle se lover. Table d’opération, paillasse de
laborantin, mallette en bois - pour lesquelles l’artiste
use pour la première fois du néon - accueillent les
expérimentations en cours : superposition de papiers
divers, test de couleurs et de matières, assemblage
de matériaux variés, rebus et objets trouvés rigoureusement disposés sont comme autant d’échantillons
soudainement réunis, en attente de l’expérience. Où
est-ce plutôt l’objet qui est ici analysé, objet que la
peinture vient transmuer en le ramenant dans son
giron car “la peinture c’est ça, ça se colle à tout,
ça change de forme mais c’est toujours saisir le
réel dont il s’agit5”, la peinture alchimique donc, qui
change l’objet en peinture et non l’inverse. Peinturepalpable érigée en peinture-étendards et vice-versa,
telle serait la méthode. Et la série des peintures-drapeaux aux motifs puisés dans le packaging de boîtes
de médicaments, dernières productions en date de
l’artiste, vient en ce sens clôturer le propos et par
là, l’exposition.
Prix
Diplômée de La Cambre-atelier sculpture en 2010,
Marion Fabien poursuit son apprentissage par celui
de la céramique qu’elle expose désormais aux côtés
de médiums tels que la photographie, l’édition, la
vidéo. Choisie par Lieux-Communs 6, espace d’art
contemporain à Namur, son projet s’est développé
en deux temps rendant compte de sa démarche
artistique. D’abord, un projet dans la ville de Namur,
ou plutôt un projet pour et avec la ville de Namur, ses
habitants, son espace urbain mis en question par
le filtre de l’artiste. Car Marion Fabien positionne le
dehors comme “point de départ de [son] travail. [Elle]
commence par observer, marcher, dialoguer… sortir de l’atelier 7". Ainsi, l’artiste s’est intéressée à des
zones particulières, en transit, à l’instar des bancs
publics qui recevaient temporairement des coussins
de porcelaine comme pour signifier la frontière infime
entre espace public et espace intime, entre espace
réel et espace projeté. Rendre domestique l’espace
commun, par l’usage d’une forme certaine de poésie de la création qui s’immisce dans les interstices
de l’habiter collectif, aiguiser le regard sur le banal
pour le réincarner, telle pourrait être l’une des approches de Marion Fabien. La rencontre parachève
sa démarche, en effet sa lecture de l’espace ne se
conçoit pas sans la parole de l’autre, de l’habitant,
de l’usager car l’artiste “ne dissocie pas ce qui se
réfère à l’art et ce qui se réfère à la vie […], tant est
forte la symbiose entre ces deux dimensions8”. Ainsi,
l’artiste collecte et agit - interventions, ajouts, déplacements, rencontres – comme autant de présentations de l’espace identifié, qu’elle décidera ensuite de
re-présenter dans un contexte d’exposition sous la
forme de documents, d’archives, d’objets. C’est ce
qui constitue le second temps du travail. Dans la maison bourgeoise de Lieux-Communs, sur les hauteurs
de Namur, En pièces réunit les travaux récents et des
réalisations antérieures, en particulier le travail d’éditions témoignant de projets à Bruxelles, à Tourcoing.
Des photographies et textes au mur rendent compte
de l’intervention des coussins sur les bancs tandis
que des images prises dans un chantier de construction sont transformées en sculptures de céramique
posées tels des objets de collection fragiles sur une
haute table. La mémoire des projets se retrouve au
cœur de l’intime.
Alice Cornier
1 Pour toute information : www.50degresnord.net 2 André Comte-Sponville, Dictionnaire
philosophique, collection Quadrige, PUF, Paris, 2013 3 Texte de présentation de son
exposition à la galerie Robespierre de Grande Synthe 4 L’H du Siège à Valenciennes :
www.hdusiege.org. La Galerie Robespierre à Grande-Synthe : www.ville-grande-synthe.
fr/galerie/ 5 Julien Saududray : juliensaudubray.tumblr.com/textes 6 Lieux-Communs à
Namur : www.lieuxcommunsnamur.com 7 Marion Fabien, texte de présentation de son
travail : marionfabien.com 8 Op. cit.
Julien Saudubray, vue partielle de l'exposition,
au premier plan : PTSD, 2015
Courtesy de l'artiste
Watch this space
Installée en plein centre de la capitale belge
depuis 2013, la Fondation Laurent Moonens,
au rayonnement encore discret, mérite de se
faire connaître. Reconnue comme Fondation
d’utilité publique depuis le 18 avril 2013, elle
est une initiative personnelle de Philippe
Moonens, fils de Laurent Moonens (Bruxelles
1911- Saint-Jeannet (Alpes maritimes) 1991),
artiste peintre belge en vogue dans les années 401. C’est en 1948 que le Ministère des
Colonies lui octroie une bourse d’étude et
l’envoie au Congo belge avec pour mission la
promotion de l’art européen dans la colonie et
le rapprochement artistique entre Belges et
autochtones. Trois années plus tard, il crée à
Elisabethville l’Académie Officielle des BeauxArts d’Elisabethville, actuel Institut des BeauxArts de Lubumbashi2. Dans le respect des traditions locales, L. Moonens y développe une
pédagogie nouvelle qui se défend de dispenser
un enseignement classique “à l’européenne”
et dans laquelle la sensibilité et la création
personnelle des élèves sont mises à l’honneur.
C’est dans cette optique et dans un souci de continuité que la
Fondation Laurent Moonens définit ses postulats. Ses hypothèses de départ sont, d’une part, la conservation, la mise en
valeur de l’œuvre ayant trait à l’artiste Laurent Moonens par un
travail d’archivage et de documentation accessible au grand
public et, d’autre part, la poursuite de son œuvre pédagogique
en facilitant l’exercice de leur vocation à des artistes, via la création du “Prix Laurent MOONENS”.
FONDATION
MOONENS
UNE OPPORTUNITÉ
POUR LES JEUNES DIPLÔMÉS
DE LA CAPITALE BELGE
Sarah Caillard,
L’Attendue, béton, 2014.
© photo : Michaël De Plaen. Collection privée
Partant du constat que l’année suivant la fin des études est
capitale dans le devenir de l’artiste, auquel s’ajoute le problème
récurrent de l’atelier - espace indispensable à la réflexion et à la
création-, ce concours s’adresse spécialement aux étudiants
de dernière année de Master des 5 Ecoles Supérieures des
Arts de la Région de Bruxelles Capitale (ENSAV La Cambre,
ERG, Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, ESA SaintLuc, Sint-Lukas) en mettant à leur disposition depuis maintenant
2 ans, 4 espaces de travail accessibles en permanence pour
une période de 9 mois. En plus de cet apport logistique, des
visites d’ateliers ainsi que des rencontres avec des professionnels du milieu sont ponctuellement organisées. Ces actions
permettent aux jeunes artistes de se confronter à un regard critique autre que scolaire, mais aussi à rentabiliser et à capitaliser
les rencontres et les contacts qui se créent durant la résidence,
comme ce fut le cas notamment avec Léa Belooussovitch 3,
lauréate 2014, qui exposa en novembre 2015 à la Galerie Nadine
Feront ou encore Sarah Caillard4 en novembre 2015 également
chez Island et actuellement au sein du group show Balls &
Glory dédié à la jeune création à la galerie Rodolphe Janssen.
En endossant ce rôle d’intermédiaire entre le monde étudiant
et le milieu professionnel, la Fondation se positionne comme
un tremplin permettant à la jeune création d’évoluer dans de
bonnes conditions et de se faire une place sur la scène artistique
contemporaine belge.
Tout comme ses intentions, le déroulement du concours est
évident et s’articule en deux phases : l’étudiant remet un dossier
de candidature présentant sa démarche et ses intentions artistiques aux membres du jury de la Fondation constitué dans son
ensemble d’artistes, de galeristes, de collectionneurs ainsi que
de représentants d’institutions artistiques belges. Une première
sélection s’opère. Les étudiants concernés transmettent ensuite
les informations relatives à leur jury de fin d’année (date, lieu,..)
ainsi que des visuels clairs et précis des œuvres qui y seront
présentées. S’il y a lieu, et s’il en a l’occasion, le jury assiste aux
présentations. A la suite d’une délibération finale, 4 des lauréats
sélectionnés au premier tour se voient attribuer la résidence,
qui se finalise par la présentation des travaux réalisés au cours
de celle-ci 5.
Parallèlement au “Prix Laurent MOONENS”, la Fondation a
souhaité utiliser sa structure bruxelloise en organisant les
“Lubumbashi Sessions 2015”, appel à projet ouvert aux artistes
de Lubumbashi. Ces sessions permettront à deux artistes
congolais sélectionnés sur base d’un jury d’occuper les espaces
de la Fondation durant les mois de juillet et aout 2016 6.
Encore en devenir, la fondation Moonens peut déjà se vanter
d’avoir su s’entourer, en l’espace de deux ans, d’un réseau d’acteurs incontournables de la scène artistique contemporaine
bruxelloise, d’avoir défini des valeurs et des buts à poursuivre
et de les avoir respectés, mais surtout d’avoir pris sous son aile
de jeunes artistes encore en phase d’apprentissage et de leur
avoir fait confiance. Une première à Bruxelles.
Coline Franceschetto
Fondation Moonens
FONDATION LAURENT
MOONENS
50 RUE PHILIPPE DE CHAMPAGNE
1000 BRUXELLES
L’APPEL À CANDIDATURE POUR
L’ÉDITION 2017 DU “PRIX LAURENT
MOONENS” SERA LANCÉ FINFÉVRIER/DÉBUT MARS 2016.
POUR PLUS DE DÉTAILS VEUILLEZ
CONSULTER : HTTP://MOONENS.
COM/FOUNDATION/AGENDA.HTM
VISITE DES ATELIERS :
HTTP://MOONENS.COM/
FOUNDATION/VISITE%20
ATELIERS%202015.HTM
HTTP://MOONENS.COM
1 Pour une biographie détaillée du peintre :
www.moonens.com
2 Voir page facebook de l’Institut des BeauxArts de Lubumbashi : https://www.facebook.
com/Institut-des-Beaux-Arts-Lubumbashi211937712297631/?fref=ts
3 http://www.leabelooussovitch.com
4 http://sarahcaillard.tumblr.com – L’exposition
Balls & Glory est visible jusqu’au 13.02.16
5 Pour les modalités et conditions de participation au “Prix Laurent Moonens” :
http://moonens.com/Foundation/Prix%20
Laurent%20Moonens.htm
6 Les résultats de cette première édition du “Prix
Laurent Moonens-Lubumbashi Session 2015
“sont consultables à l’adresse :
http://moonens.com/Foundation/Prix%20
Laurent%20Moonens/Lubumbashi%202015/
Selection%202015.htm
Léa Belooussovitch,
Venezuela - crayons de couleur sur
feutre, 110x180 cm, 2015.
© photo : Léa Belooussovitch. Collection privée
Prix
M 68 / 46
La question du "beau livre" passionne chaque
année les concours de plus de trente pays
depuis le Concours des plus beaux livres
suisses instauré en 1943 par le typographe
Jan Tschichold dans l’ambition de promouvoir
l’art du livre helvétique. Le Prix Fernand Baudin
s’inscrit dans cette longue lignée de concours
institués, défendant, sur les territoires bruxellois et wallon, un certain état des lieux du
livre belge sur une année de production. La
sélection s’effectue par un jury international,
différent chaque année et libre d’établir luimême les règles du débat. S’y distinguent les
livres singuliers répondant ou questionnant
les exigences actuelles, autant éditoriales
que conceptuelles, autant graphiques que
techniques. Une exposition et un catalogue
ponctuent chaque édition et sont chacun une
nouvelle réflexion sur le livre. L’initiative vient
de designers graphiques et d’enseignants qui
estiment, à juste titre, nécessaire d’apporter
aux métiers du livre la reconnaissance qu’ils
n’ont pas. Une initiative louable qui a son lot de
succès et de débats passionnants, mais aussi
de critiques et de remises en question. WWW.PRIXFERNANDBAUDINPRIJS
.BE
Jury de la dernière édition
du Prix Fernand Baudin - Point Culture 26/5/2015
Photographie: Emmanuel De Meulemeester.
DES
LIVRES
ET
DES
PRIX
  Début décembre 2015, l’assemblée générale du prix a ouvert
un dernier instant de débat. Tandis que le concours suisse,
dont il s’est inspiré, continue de rencontrer un succès remarquable, le Prix Fernand Baudin peine à trouver son public malgré sept éditions. Il souffre d’aides financières insuffisantes,
et par conséquent d’un manque de moyens et de personnel
pour accomplir le travail que demande une telle organisation.
Le concours est trop peu connu et n’arrive pas à s’étendre audelà de la Wallonie pour atteindre la place de prix national qu’il
convoite. Les acteurs du livre belge semblent peu s’y intéresser,
la liste des participants, et donc celle des lauréats, fait souvent
apparaître les mêmes noms. Aussi, sur les tables d’exposition
se côtoient beaucoup de livres d’art, livres d’artistes ou livres d’architecture, et trop peu de romans, bandes dessinées, livres
d’apprentissage et autres ouvrages d’utilité. Il n’est pas certain
que la notion de "beau livre" soit évidente pour tous, ni que le
dessein du prix soit clair. La problématique semble profonde.
Au-delà des manques dans l’organisation, elle touche à l’identité
même du Prix, et finalement à celle de tous les Prix. Des Prix
pour quoi, des Prix pour qui ? Le design graphique en Suisse est notoirement installé, largement exposé et reconnu. Les écoles d’art sont réputées
internationalement, la production livresque et les budgets qui
lui sont accordés sont importants. Les graphistes et éditeurs
belges ne disposent pas des mêmes moyens techniques et
M 68 / 47
Prix
financiers, et sans doute n’ont-ils simplement pas la même
culture, pas le même goût pour la chose du livre, et donc pas
la même exigence, ni le même intérêt pour les concours. La
Belgique a bien sûr vu naître des ouvrages remarquables, mais
leur nombre est faible comparé à celui de ses proches voisins.
Et si les contextes sont différents, peut-être faudrait-il adopter
une approche différente. Tout un chacun est familier avec l’idée de voir un contenu primé,
mais il en va différemment pour les matières du livre, sa structure, sa typographie, son papier, son impression, sa reliure,
qui restent des choses abstraites, encore difficiles d’accès,
des choses de connaisseurs. Tout un travail de communication est nécessaire. L’intérêt de ces concours ne réside pas
dans l’exposition de lauréats, mais dans la richesse du débat
qui a mené à leur sélection. Pourtant les expositions, autant
suisses qu’hollandaises ou belges, ne disent rien sur les livres
primés, sur leurs qualités ou sur leurs manques. Parfois, mais
trop succinctement, ce sont les catalogues qui jouent ce rôle
de transmission. L’importance donnée au concours, à la remise
de prix et à l’exposition, éloigne les Prix de leur raison d’être. Le principe de concours instaure à lui seul les notions de
compétition, de hiérarchie, de gagnants, de perdants. Mais la
matière du livre est-elle propre à la compétition ? Il n’y a pas,
dans la conception de livres et plus globalement dans le design
graphique, une approche meilleure qu’une autre. Il y a seulement des sensibilités et des chemins différents. La forme du
concours est certainement attrayante pour le grand public et
amène une certaine valorisation aux lauréats, mais un livre ne
devrait-il pas être gratifié pour lui-même et non en comparaison
avec d’autres ? Les critiques les plus virulentes que subissent ces concours se
portent sur l’objectivité et sur l’impartialité. Les jurés semblent
sélectionner davantage des livres d’art que tout autre ouvrage.
Ceci pourrait s’expliquer par le fait qu’ils appartiennent tous
à une culture de l’image et de l’art, mais aussi du fait que les
critères recherchés, conceptualité, rigueur, expérimentation,
tiennent de cette même culture et ne sont finalement possibles
que dans son domaine. Les produits commerciaux (entendons
par là les livres conçus pour un public large) répondent, quant
à eux, à d’autres besoins, à une autre intelligence. Un concours
possédant les critères d’une culture peut-il honorer autre chose
que les produits de cette culture? Il faut admettre aussi qu’aucune institution de ce type ne peut
réellement faire preuve d’une totale objectivité si elle sélectionne
tout ou partie du jury et qu’elle s’autorise elle-même à participer. Indéniablement un jury est choisi parce qu’il regarde dans
la même direction que ceux-là même qui le choisissent. Il y a
bien un parti pris, une vision. Convoiter une position nationale,
c’est encore revendiquer une objectivité pourtant impossible.
Quelle serait la position d’une institution qui prétendrait être la
seule à pouvoir discerner le bon du mauvais dans la production
nationale ? Faut-il chercher à être la voix d’une nation ou sa
propre voix ? Chaque Prix a une certaine vision du livre, d’autres
existent, et c’est tant mieux. Le Prix Fernand Baudin est une initiative absolument nécessaire
tant il est fondamental de parler des métiers de la création, de
leur importance, de leur action, de leurs possibilités, tant il faut
toujours apprendre des pratiques, partager, s’ouvrir, communiquer. S’il fallait que le Prix trouve une renaissance, ce serait
peut-être dans un retour à son ‘essentiel’, à l’ambition première
de promotion de l’objet-livre et des métiers qui le font, hors du
principe de concours et dans l’acceptation entière d’une subjectivité. Un piste est apportée par le projet The missing years
of the most beautiful Swiss books qui a proposé à plusieurs
personnalités de sélectionner chacune un ensemble d’ouvrages,
selon leurs propres critères de choix et sans concertation en
jury. Le résultat met en avant la critique passionnée et la singularité des pensées. Benoît Brunel
Prix Fernand Baudin
“Je n’oublierai jamais ma première rencontre
avec Gombrowicz ; j’ai rarement ressenti le
choc d’une telle reconnaissance”.1 Dans une
longue interview, le peintre gantois Michael
Borremans avoue sa fascination pour l’ensemble de l’œuvre de l’écrivain polonais,
même si son attention s’attarde plus spécifiquement sur Cosmos, publié en 1965. Le
jeune cinéaste bruxellois RUBEN DESIERE,
au travers de son film de fin d’étude au KASK
de Gand, tourné durant l’hiver 2013, semble
se reconnaître lui aussi dans ce texte énigmatique, sinon du moins y trouver les clés
d’une expérience filmique nouvelle. Comme
Borremans le souligne encore, “c’est un tout
petit cosmos dans lequel un ensemble d’éléments ont été forcés de se rencontrer”.2 Très
loin de l’adaptation d’Andrzej Zulawski sortie
cette année, le film de Desiere met librement
en scène l’enquête absurde de Gombrowicz
avec l’aide de Roms slovaques habitant dans
l’espace clos de l’église du Gesù (l’un des plus
grands squats d’Europe sis dans un ancien
couvent bruxellois) juste avant leur expulsion,
où il force la fiction à se heurter au réel. Ou
peut-être est-ce le contraire.
Ruben Desiere,
stills du film Kosmos, 2014
© Ruben Desiere
RUBEN DESIERE
KOSMOS
DOCUMENTAIRE, HDV,
COULEUR, 1:00:47, BELGIQUE, 2014
GRAND PRIX DU JURY POUR LA
COMPÉTITION BELGE LORS DU DERNIER
FESTIVAL FILMER À TOUT PRIX EN
NOVEMBRE 2015
SÉLECTIONNÉ AU 25 FPS FESTIVAL
DE ZAGREB/INTERNATIONAL
EXPERIMENTAL FILM AND VIDEO
FESTIVAL (WWW.25FPS.HR)
DU 24 AU 27.09.16
1 “Michaël Borremans over ‘Kosmos’ van
Witold Gombrowicz”, en ligne sur (http://www.
gaeaschoeters.be/krant/michael-borremansover-kosmos-van-witold-gombrowicz/)
2 Idem
3 Witold Gombrowicz, Cosmos, Paris: Denoël,
collection Folio, 1965 (1966 pour la traduction
française), p.15.
4 Cette similitude est par ailleurs soulignée par
Léo Dupont dans sa critique du film (http://
www.cinergie.be/webzine/kosmos_de_ruben_desiere)
5 Gombrowicz, op.cit., p.56.
6 Gombrowicz, op.cit. p.209.
7 “Michaël Borremans over ‘Kosmos’ van Witold
Gombrowicz”, op.cit.
8 Comme ceci était déjà le cas du film de Yaël
André, “Quand je serai dictateur” absurde
Magritte du “Meilleur documentaire” (et non du
Meilleur film) en 2015.
Ruben Desiere
KOSMOS
ONTOLOGIE
D’UNE
NOUVELLE
CONSTELLATION
“C’était un moineau. Un moineau à l’extrémité d’un fil de fer.
Pendu. Avec sa petite tête inclinée et son petit bec ouvert. Il
pendait à un mince fil de fer accroché à une branche. Bizarre”.3
Dans le récit de Gombrowicz, deux jeunes gens parcourent la
solitude de la campagne, se heurtant à une série de découvertes
macabres (un moineau, un chat, un pendu) qui suscitent chez
eux une série de réflexions, s’étendant de traits d’humour à
des états paranoïaques. Apparemment loin de la littéralité de
ce cadre initial, Desiere travaille sur l’immixtion de ces indices
macabres, points nodaux et possibles déclencheurs narratifs,
dans le parcours de ses personnages, le jeune Kevin Mročet
sa famille, mais aussi le nouveau venu Mižu Balász. Etranges
mais au combien frappants, ces signes imposent, au travers de
longs plans fixes, leur rythme comme une respiration retenue
au milieu de gros plans de visages, de mains, de situations du
quotidien et de l’attente. La façon dont Desiere accompagne
de sa caméra les protagonistes rappelle sensiblement celle des
déambulations de Gus Van Sant dans les couloirs d’un lycée
dans Elephant.4 Mais au-delà de l’écho stylistique évoqué, c’est
l’idée du lieu comme labyrinthe, voire la référence à Dédale et au
Minotaure qui s’impose; ce n’est pas un hasard si Kevin scrute la
cartographie des lieux pour comprendre d’où vient la potentielle
menace. Mais c’est également l’approche de la catastrophe qui
est pressentie. Dans cette exploration des clairs-obscurs qui
font apparaître ou disparaître les choses, les indices sont ceux
d’une mise à mort, d’une expulsion imminente, d’un effacement
–celui de la vie du Gesù.
“En tout cas, la réalité environnante était désormais comme
contaminée par cette possibilité de significations multiples et
cela me détournait, cela me détournait sans arrêt de tout le
reste, et n’était-il pas comique qu’un simple bout de bois pût à
ce point m’émouvoir ?”.5 Ces éléments d’une construction et de
récits apparents ne font que se heurter de façon systématique à
celle d’une réalité bien tangible. La force du film réside dans
ses interstices, dans la confusion des signes, parfois contradictoires, qui nous font osciller entre une confrontation souvent
simultanée à la fiction et au réel. Cette double articulation pose
une question fondamentale de la pratique documentaire ; celle
du positionnement vis-à-vis de celui ou celle que l’on filme.
Prix
Desiere cherche ici la juste distance, celle qui établit la place du
réalisateur et celle du sujet filmé, celle qui peut emmener avec
elle, dans une force peu commune, tous les sujets (devant et
derrière la caméra) vers la création. Il propose ici un autre statut
à ce sujet vivant et pensant, en dépassant les variations de la
‘caméra participante’ (terme de Luc De Heusch désignant l’implication et la dénonciation sociale de la captation), réinventant
l’interventionnisme ou plus exactement la pratique intersubjective dont le but est avant de tout de briser les barrières séparant
le sujet qui étudie du sujet étudié.
“Je regardai aux alentours. Quel spectacle ! (…) Et les constellations, invraisemblables, artificielles, inventées, obsessions
d’un ciel lumineux !”6 Fort de ce nouveau positionnement, de ce
regard porté ensemble, le film refuse de se laisser catégoriser ; il
fait exploser le mur qui nous place, tantôt du côté des habitants,
tantôt dans un regard distancié sur leur réalité. Le spectateur
accompagne aussi la création, témoin pourtant moins actif que
les personnages ; notre regard s’adapte, accepte l’absence des
regards-caméra ou même du dispositif lui-même (à l’exception
de la caméra-surveillance qui enregistre l’évolution de l’assaut
policier), accepte les conjonctions entre la situation réelle et les
embardées fictionnelles. Les significations se multiplient, se
plient à l’absurde et glissent vers un autre monde ; aux indices
morbides mis en scène se succèdent les rumeurs d’expulsion ;
le moineau pendu à son fil rejoint les images d’une porte violemment défoncée par les policiers. Une fois en dehors des murs et
du Dédale, la caméra capte le regard éveillé du jeune Kevin qui
scrute les visages comme s’il était le seul protagoniste de cette
situation insolite. Au-delà de la construction, consciente, visible,
de cette matière en travail, entre le texte et le spontané, c’est
le choc émotionnel de ces entrelacs que retient le spectateur.
Le livre de Gombrowicz, serait, selon Michaël Borremans, une
question mais également une “métaphore de la recherche par
les hommes d’un cadre, d’une explication, aussi absurde que
cela peut être”.7 On cherche en vain dans Kosmos des liens,
des connections, tout comme les personnages qui mènent
l’enquête, sans oser se laisser convaincre d’une logique de
l’aléatoire. On finit par céder, l’absurde étant la seule explication à cette situation insensée. Tributaire de la Wild Card du VAF
en 2014 et Grand Prix du jury pour la compétition belge lors du
dernier Festival Filmer à tout Prix en Novembre 2015, le film
de Desiere permet de dépasser toute question de catégorisation 8 voire même de la condamner ; diamant noir et unique, il
démontre brillamment que le cinéma du réel ne peut être que la
somme des formes possibles qu’il se doit de ne jamais cesser
d’explorer.
Muriel Andrin, Université Libre de Bruxelles
M 68 / 48
SOPHIE BRUNEAU
LA CORDE DU DIABLE
DEVIL’S ROPE
BELGIQUE, FRANCE, 2014, 88 MIN,
VO STF - PRIX DU JURY POUR LA
COMPÉTITION BELGE DU FESTIVAL
FILMER À TOUT PRIX 2015 - LE FILM EST
REPRIS DANS LA LISTE DES MAGRITTE
DU MEILLEUR DOCUMENTAIRE.
IL SERA PROJETÉ
AU CENTRE WALLONIE-BRUXELLES
À PARIS
LE 8.02.16 À 20H
À POINTCULTURE, LOUVAIN-LA-NEUVE
LE 19.02.16 À 18H
À L’IBAFF FILM FESTIVAL À MURCIA (E)
DU 1ER AU 12.03.16
LA SORTIE DU DVD EST ANNONCÉE
AU PRINTEMPS 2016.
En 2001, Sigalit Landau mettait en scène
Barbed Hula, une vidéo-performance d’une
minute et 48 secondes dans laquelle, sur une
plage, le corps nu d’une femme sans tête fait
du hula hoop avec un cerceau en fil de fer barbelé. Au-delà de la peau mise à vif par les picots, la question de la frontière y était centrale
de par le lieu choisi, le film ayant été “réalisé
à l’aube sur une plage au Sud de Tel Aviv, où
pêcheurs et personnes âgées venant de faire
de l’exercice commencent la journée. Cette
plage est la seule frontière calme et naturelle
d’Israël”.1
COMME
UNE CICATRICE
DANS
LE PAYSAGE
En 2014 dans La corde du diable (Prix du jury pour la
Compétition belge du Festival Filmer à tout prix 2015), SOPHIE
BRUNEAU (°1967) choisit de revenir de façon minutieuse aux
origines et aux enjeux fluctuants ou paradoxaux de cet étrange
objet qu’est le fil barbelé. Elle se penche néanmoins sur les
mêmes questions de territoire, de frontière et de violence sousjacentes, se cristallisant autour de ce fil qui a participé à forger
le mythe d’une nation.
Le voyage entrepris par Bruneau2 tient d’une appropriation lente
et progressive d’un objet paradoxal : un fil (ce qui tisse des liens,
attache, unit, relie dans une continuité) dont les fonctions originelles auraient été détournées par son association au ‘barbelé’
(du fer affublé de picots qui coupe, tranche, attaque). Au départ
de plans fixes qui travaillent d’emblée l’imaginaire américain et
sa violence intrinsèque, cette véritable conquête suit le trajet sinueux de l’objet. Evoquée en ouverture par une peinture symbolique (de John Gast, intitulée American Progress peinte en 1872
et qui montre un ange féminin guidant les colons), la conquête
prend ensuite corps dans les longs travellings qui glissent vers
l’Ouest mythique et traversent sans les nommer les paysages
de l’Arizona, du Colorado, Missouri, Nebraska, de l’Oklahoma,
du Texas ou encore du Nouveau-Mexique. Le long des champs,
M 68 / 49
Sophie Bruneau
La Corde du diable
Devil’s Rope, 2014
1 Sigalit Landau, “Barbed Hula”, catalogue
d’exposition Elles@Pompidou, p.69.
2 Licenciée en Sciences sociales, diplômée
d’études en Anthropologie sociale et ethnologie,
Sophie Bruneau est déjà l’auteure d’autres documentaires dont Arbres (2002) et Ils ne mourraient
pas tous mais tous étaient frappés (2006) avec
Marc-Antoine Roudil.
3 Sophie Ristelhueber interviewée dans Le
Monde, 27-28 Septembre 1992, repris dans
Marc Tamisier, Sur la photographie contemporaine (2007), Paris : L’Harmattan.
4 Laura Mulvey, Death 24x a Second: Stillness
and the Moving Image, London: Reaktion
Books, 2005.
5 Chantal Akerman – Autoportrait en cinéaste,
Paris: Centre Pompidou/Cahiers du cinéma,
2004, p.93
Prix
du bétail rassemblé sur des centaines d’hectares, une prison où
l’on distingue de loin les habits oranges des détenus, des paysages où la clôture en fil barbelé est le dénominateur commun et
s’inscrit perpétuellement dans l’avant-plan, barrière inéluctable
entre notre regard et le reste du monde. Emblème de “territoires
cicatrisés” (“là où une frontière volontaire a été créée” selon la
photographe Sophie Ristelhueber), l’objet est surexposé puis se
fond progressivement dans le paysage, jusqu’à frôler l’invisible.3
En réalité, au fur et à mesure du développement du film, cette
ligne artificielle devient effectivement fantomatique; c’est la disparition oxymorique du mur infranchissable entre le Mexique et
les Etats-Unis où le paysage lui-même est devenu fil barbelé – un
mur invisible, mais mortel, fruit de l’imagination cruelle et sans
cesse renouvelée des hommes ; entre l’exploitant qui explique
son invention du ‘fil rasoir’ créé pour entraver et arracher les
peaux, et les migrants disparus qui ne laissent derrière eux que
des objets témoins de récits fragmentés, enfermés dans des
sacs en plastique et que tente de déchiffrer une anthropologue
pour leur redonner un visage, il n’y a qu’un pas, deux faces
d’une même pièce. Le fil barbelé devient ici la trace de toutes
les frontières à franchir dans un pays où protectionnisme et
modes d’attaque se confondent, où les territoires ont déjà été
distribués et condamnent à priori ceux qui veulent s’y aventurer
sans y être formellement invités.
Malgré la présence physique du fil, Bruneau choisit de ne pas
montrer de corps marqués ou mutilés, de bêtes entravées, se
heurtant à cette frontière minutieusement tendue d’une cartographie incarnée. Le fil barbelé est ainsi montré dans son usage
quotidien, mais aussi pétrifié en morceaux réduits dans les vitrines en bois exposées par un collectionneur, ou encore défini
dans les différentes éditions d’un livre, rédigé par un homme qui
se sert des dessins de sa femme pour illustrer toutes ses variations. Car, étrangement, photographier les fils ne “permet pas de
rendre les ombres” comme le dit ce spécialiste. Pourtant, il s’agit
bien ici de mettre à jour les zones d’ombres de ce fil tendu qui,
au lieu de lier les choses et de les protéger, délimite et accroche,
partage les territoires et les hommes comme une cicatrice qui
balafre le paysage. Cette difficulté de la représentation habite
littéralement le film de Bruneau. La réalisatrice parvient à transformer l’objet visuellement presque insignifiant, afin d’envisager
toute sa puissance d’évocation. Le rythme temporel qui structure l’œuvre est défini au travers d’une longue bande reliée par
des piquets à intervalles réguliers ; fil et film se rejoignent ici
métaphoriquement, dans l’idée de “la mort, 24x par seconde”
émise par la théoricienne Laura Mulvey.4
La durée des plans, fixes ou en mouvement, la frontalité des personnes ou encore la question des frontières, ne peut que faire
penser au cinéma de Chantal Akerman. Dans un texte écrit pour
défendre De l’autre côté qui n’est encore à l’époque qu’un projet,
elle explique sa volonté de laisser son sujet s’exprimer dans
toute sa complexité : “quelque chose qui devrait alors entrer en
résonnance avec ce qui est là, le plus souvent enfoui, mais bien
là, chez l’autre, le spectateur. Si je me laissais aller, je resterais
là avec cet homme qui regarde par un petit trou de l’autre côté
de la frontière. Et cette frontière-là, ce mur, ces barbelés en
rappelleraient bien d’autres”.5 Poursuivant ce travail d’évocation,
Bruneau achève finalement son film en reprenant la pulsation
du travelling ; elle traverse des paysages grandioses peuplés
d’éoliennes géantes et de trains, puis s’engage dans un champ
dévasté où le tonnerre gronde. Fascinante beauté de ce paysage
sauvage et infini, dévasté par une tornade, où seul le fil barbelé,
ininterrompu, semble subsister. Bruneau clôture ainsi son film
sur un dernier travelling qui semble avoir franchi toute frontière
humaine et terrestre s’ouvrant sur les abîmes béants de l’enfer.
C’est ici que le mouvement ne peut que s’arrêter car il ne reste
plus rien à montrer que la nuit noire d’une terre cicatrisée où
retentit, dans notre esprit, le claquement sinistre d’un lasso tenu
non par un adolescent mais par le diable lui-même.
Muriel Andrin, Université Libre de Bruxelles
Sophie Bruneau
Ariane Loze, MÔWN (Movies on my own),
La Chute, 13’50’’ HD Vidéo, projection
sonore, 2015
ART’
CONTEST
2015
Créé en 2005 à l’initiative de Valérie Boucher,
soutenu par la Fondation Boghossian et parrainé par Hans Op de Beeck, Art’Contest se
veut un concours exigeant ayant pour vocation d’offrir un cadre aux “artistes émergents”,
pour la plupart déjà bien intégrés dans le circuit national voire international. La dizaine de
travaux sélectionnés en cette 10ème édition1
forme une exposition intéressante mais sans
risque. On retrouve ici de belles – et parfois
assez impressionnantes – propositions plastiques, parfaitement calibrées aux prescrits
d’accrochage et d’exposition actuels. Ainsi
nombre d’œuvres pourraient à première vue
trouver place dans n’importe quelles foires et
biennales du moment. On peut s’en féliciter…
ou regretter cette maîtrise trompeuse qui souvent affaiblit la portée des enjeux visés. ART’CONTEST 2015
LE PREMIER PRIX – PRIX DE LA
FONDATION BOGHOSSIAN – A
ÉTÉ REMIS À ORIOL VILANOVA. IL
COMPREND UNE SOMME DE 9000e
AINSI QU’UNE EXPOSITION AU MUSÉE
D’IXELLES EN 2016.
LE DEUXIÈME PRIX, D’UN MONTANT DE
6000e, TOUJOURS SOUTENU PAR LA
FONDATION BOGHOSSIAN, EST REVENU
À REIN DUFAIT TANDIS QUE LE PRIX DE
LA SABAM (3000e) A ÉTÉ ATTRIBUÉ À
ARIANE LOZE.
WWW.ARTCONTEST.BE
ART’CONTEST 2015 PRIT PLACE À
L’ESPACE DE MARKTEN (BRUXELLES),
DU 13.11 AU 13.12.15
Art'Contest
L’on regrette, par exemple, que Pieter De Clercq ne soit pas
plus outrageant que drôle ; que la “perversité” et la “tension
psychologique” qu’il appelle de ses vœux se résument finalement à de petites saynètes tragi-comiques qui invitent plus au
sourire qu’au trouble. Son installation, terrain de jeu régressif où
se mêlent spanking et confettis, se fait finalement la vitrine bien
sage d’une irrévérence primesautière sans cesse convoquée
mais jamais atteinte. Même effet chez Nicolas Bourthoumieux
ou Christian Bors & Marius Ritiu, qui dans des registres forts
différents, peinent à impliquer l’investissement du spectateur.
L’efficacité toute théâtrale de leur installation noie paradoxalement une bonne partie de la noirceur sensuelle du premier ou
du potentiel satirique des seconds. On ne retrouve pas non
plus chez le collectif Void (Arnaud Eeckhout et Mauro Vitturini)
cet attrait revendiqué pour le vide et l’immatérialité : “espace
propice à exprimer la réalité de façon sauvage et spontanée”.
La sculpture prend ici le pas sur le son. C’est avec peine que
celui, si fragile, d’une goutte d’eau s’écrasant sur une plaque de
cuisson électrique, s’émancipe d’un dispositif séduisant mais
trop millimétré.
Côté peinture, bien représentée, Sarah De Vos et Clara Fanise
exploitent et détournent, avec un certain bonheur, les limites
Prix
de la figuration. La toile s’assume comme outil de résistance à
l’emprise d’une réalité trop souvent réduite en sa quotidienne et
numérique appréhension. Plus narrative et romantique, MarieLouise Wasiela idéalise avec sobriété une nature émancipée
de l’emprise humaine et suggérée par une palette et un travail de
composition plus convaincant lorsqu’il lorgne vers l’abstraction.
Les amateurs les plus exigeants chercheront néanmoins en vain
la petite épine insolente chahutant un savoir-faire trop indexé à
l’air du temps.
Le premier prix fut cette année alloué à Oriol Vilanova. Des
centaines de cartes postales de coucher de soleil tapissent
de façon hyper ordonnée deux larges murs. Un léger dégradé
rythme cet accrochage à la fois clinique et hypnotisant. La
luxuriance des ciels et des plages, la profondeur des horizons,
trouvent en cette accumulation l’essence sucrée d’images parfaitement lisses et effroyablement opérantes. Mais a-t-on besoin
de cette pièce lorsqu’on connait l’œuvre d’Hans-Peter Feldman,
le Sunrise & Sunset at Praiano de Sol LeWitt, l’Atlas de Richter
ou A Certain Form of Hell d’Ed Ruscha, jouant plus intensément
sur la nature et les possibilités offertes par de tels clichés ?
La bonne surprise vient plutôt des deux autres lauréats, Rein
Dufait et Ariane Loze, à contre-courant des impasses trop
ouvertement référentielles (mais le savent-ils ?) et/ou souvent
esthétisantes des artistes précités. Il est heureux en tout cas que
la candeur libératrice de Dufait et la fraîcheur offerte par Loze
puissent être ici reconnues et récompensées. Sans prétention
hormis le fait de faire, de se confronter avec toute l’ouverture
nécessaire aux désirs de construire des objets ou des situations
dégagées des “formats de foire” que s’impose –sans même
qu’on ait à lui demander– une bonne partie de la “jeune création”.
Trop à l’étroit dans son atelier, Rein Dufait s’est mesuré à une
plage d’Ostende. Les fragiles sculptures qu’il présente sont la
reproduction à l’échelle de monticules réalisés à partir de sable
et de matériaux transparents. Au-delà du clin d’œil à Brancusi
(les tours) et à Carl Andre (une sculpture plate réalisée à partir
d’une feuille autocollante maculée de grains de sable et posée à
même le sol), l’on trouve ici une réelle appropriation de la matière
et de l’espace. A ce sujet, l’on préfère les vidéos réalisées in
situ, assez héroïques, montrant l’artiste se débattre contre les
rigueurs du vent, du soleil et de l’eau. Un geste donc, dont la
sculpture se fait l’indice éphémère et finalement inouï.
Ariane Loze s’inscrit dans une pratique très classiquement
cinématographique. La série de films réunis sous le titre de
MÔWN (Movies on my own) cultive une douce étrangeté mâtinée
d’éclats tragi-comiques aux relents kafkaïens. Assumant tous
les métiers du cinéma et jouant tous les rôles, l’artiste parvient
à créer un univers cohérent faisant oublier l’aspect performance
de ses réalisations. Lumières naturelles et décors léchés, sens
du rythme, propos archétypaux mais parfaitement investis, le
tout est servi par un visage capable d’exprimer d’un coup de cils
le déracinement volontaire, la conformité la plus assurée ou un
sadisme joyeusement déluré. Avec Dufait donc, un petit moment
de grâce - dont on attend fébrilement les suites, si possible aussi
justes et libérées des formats par trop intégrés.
Benoît Dusart
M 68 / 50
“Photographier : saisir et enregistrer un fragment de réel, de temps et d’espace.
Poser des choix (sujet, moment, lumière, cadrage…) face à ce qui nous est offert.
La photographie fait croire à un rapport direct
au réel : on ne voit en fait qu’un fragment, qu’un
détail 1 du flux visuel qu’on a coutume d’appeler réalité et qui est plus ou moins transformé
par l’acte photographique.”
IDENTIFICATION
D’UN
RÊVE
Nicolas Leroy,
Eaux-de-mer, Suède, 2010
Nicolas Leroy,
Terra Incognita, Belgique, 2015
Tirage digital couleur aux pigments, 180x140cm
Vidéo couleur, 25'
FIN 2015, NICOLAS LEROY A ÉTÉ
LAURÉAT DU PRIX JEUNES ARTISTES
ATTRIBUÉ PAR LE PARLEMENT DE LA
FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES.
CE PRIX EST DÉCERNÉ TOUS LES
QUATRE ANS DANS LA CATÉGORIE
“PHOTOGRAPHIE, IMAGE IMPRIMÉE,
ART NUMÉRIQUE”
WWW.NICOLASLEROY.EU
1 cf. Rosalind Krauss, Le photographique, Pour
une théorie des écarts, Paris, éditions Macula,
1990, p. 9.
Cependant tous les photographes ne s’adonnent pas à ce type
de prélèvement magnifique. Il en est d’autres qui, à l’inverse,
sont en attente d’une image qui viendrait au-devant d’eux,
comme à la rencontre de leurs désirs et de leurs rêves, image
presque miraculeuse que l’artiste va s’attacher à capter et
rendre, en utilisant tous les moyens à sa disposition. Format,
cadrage, lumière, contraste : tout va être mis en œuvre pour
traduire au mieux cette vision immanente qui correspond à la
recherche profonde de l’artiste.
Parmi ceux qui avancent et sont à l’affût de cette part d’intériorité qui va se révéler dans le réel, figure NICOLAS LEROY (né à
Saint-Denis de La Réunion en 1977 ; vit et travaille à Bruxelles),
artiste ayant recours à la photographie, à la vidéo et à l’installation. Chaque œuvre nous demande un autre type de regard,
d’attention, selon que l’auteur se mette en scène dans la nature
ou qu’il nous la montre tel un diamant brut, aux éclats magnifiques mais aussi dans son mystère inaccessible.
Son œuvre photographique s’élabore au fil de ses déambulations dans la nature. Les images idéales et les icônes qui lui
sont apparues en rêve l’accompagnent dans ses pérégrinations,
ses découvertes. Et toujours se présente à lui un équivalent
de ce qu’il a en tête. Toujours le réel répond à ses attentes.
Photographier revient alors à reconnaître l’arbre, l’eau ou le
paysage qui s’offre à lui, lors d’un rendez-vous dont il ne doute
jamais.
M 68 / 51
Prix
Le paysage ou plus souvent la nature en ses éléments rebelles
nous invitent moins à la contemplation - comme face à un paysage classique ou idyllique - qu’à une plongée, une immersion,
un passage dans un autre monde, fascinés que nous sommes
par les matières, la force des éléments, le mystère de ce qui
s’élabore loin de nous dans une indépendance farouche. Nous
sommes happés par l’élément aquatique, récurrent dans son
œuvre, qu’il s’agisse d’eaux dormantes jouant les miroirs ou
de vues de mers qui nous fascinent par leur bleu foncé somptueux autant que par la lumière qui suit les irisations de l’eau.
Plongée certes mais en l’occurrence, non pas une descente
vertigineuse, ni une chute sans fin. Non, la surface est très présente : surface de l’eau, surface du tissu, surface fermée sous
l’opacité des éclats de verre, réseau végétal inextricable. Nous
sommes confrontés à une limite visuelle qui empêche le regard
de la traverser pour ensuite descendre dans les profondeurs.
Pourtant cette surface impénétrable nous happe d’autant plus
sûrement que le cadrage nous fait percevoir un hors champ très
sensible, prépondérant. Cette notion de hors champ s’impose
dans de nombreuses images, y compris dans certaines vidéos
dont l’action, parfois infime ou lente dans son apparition, nous
laisse dans l’interrogation quant à son origine, voire dans le
trouble car la narration laisse bien souvent la place à l’observation presque impuissante face à l’énergie des éléments. La terre
roulée par le vent comme par un courant tellurique, les variations
lumineuses sur l’eau, la fluctuation des choses dites stables – le
sol ondulant comme une mer, une mer aux allures de nuages...
–, tout évoque un animisme qui fait de l’artiste un intermédiaire,
aux limites du chamanisme (un statut subtilement perceptible
dans ses vidéos), qui entre en communication avec la nature
et lui fait prendre des allures de personnage à part entière. Les
arbres, pierres et végétaux semblent posséder une vie propre,
en connivence avec le photographe.
Et c’est bien l’énergie des lieux et la force des éléments qui sont
les fils rouges de la démarche multiforme de Nicolas Leroy, seul
dans la nature mais nous entraînant dans un voyage surprenant
et ambigu à travers un espace de sensualité, entre imaginaire,
animisme et potentiel méditatif, dans le silence de la simplicité.
Anne Wauters
Nicolas Leroy
Sébastien Reuzé,
Xoulpe, extrait du portfolio "Relire le
monde, relier les gens", impression
risographie, 30 x 40 cm, 2015.
Éditions
© La Lettre volée
RELIRE
LE MONDE,
RELIER
LES GENS La Lettre volée, c’est le titre d’une nouvelle
d’Edgar Allan Poe, parue en 1844. Depuis
1989, c’est aussi le nom d’une maison d’édition
d’art et d’essai, sise à Bruxelles, qui fait désormais autorité dans les champs de la création et
de la pensée. Pour célébrer ses vingt-cinq ans
d’activité, La Lettre volée marque le coup avec
l’édition d’un abécédaire illustré intitulé Relire
le monde, relier les gens. Ce jubilé offre l’occasion de raconter l’histoire d’un éditeur à part.
RELIRE LE MONDE,
RELIER LES GENS.
PORTFOLIO IMPRIMÉ EN RISOGRAPHIE
CHEZ ROSI, À BRUXELLES, SUR PAPIER
MUNKEN LYNX 180 G, 30 X 40 CM,
EN 50 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS
ET SIGNÉS, DONT 25 RÉSERVÉS
AUX ARTISTES. L’ENSEMBLE DES 25
PLANCHES ET DU SOMMAIRE EST
PRÉSENTÉ ET VENDU DANS UN BOÎTIER
LAQUÉ BLANC QUI SERT AUSSI DE
CADRE. 1200 Euros
Axel Claes, Patrick Corillon, Jocelyne
Coster, Pascal Courcelles, Damien De
Lepeleire, Natalia de Mello, Guido Lu,
Thomas Israël, Anne Penders, Evelyn
Fischer, Agnès Geoffray, Alain Géronnez,
Myriam Hornard, Djos Janssens, Marin
Kasimir, Anne Lefebvre, Cécile Massart,
Michel Moers, Xavier Noiret- Thomé,
Jean-François Pirson, Sébastien Reuzé,
Laurence Skivée, Robert Suermondt,
Walter Swennen, Daniel Walravens.
À l’automne 1989, Daniel Vander Gucht (alors doctorant en sociologie), Pierre-Yves Soucy (poète et essayiste) et Louis Jacob
(professeur de sociologie) fondent les éditions de La Lettre volée
à Bruxelles, dans le cadre de l’a.s.b.l. Ante Post. Sans connaissance particulière du secteur éditorial, mais armés d’une solide
motivation, d’une passion commune pour la pensée et la création, et munis d’un ordinateur Mac SE, ils se lancent dans l’aventure afin d’offrir à des auteurs francophones (belges, suisses, canadiens, français) l’opportunité d’être publiés, dans un contexte
où l’édition d’art souffre d’un manque patent. La mèche prend et
des textes d’auteurs de qualité viennent alimenter un catalogue
qui élargit rapidement le spectre de ses publications. D’emblée,
diverses collections et revues établissent des ponts entre les
champs des sciences humaines, de l’esthétique, de l’architecture, des arts visuels et plastiques. Définie dès les premiers
temps, la politique éditoriale de La Lettre volée demeure inchangée et se fonde sur trois éléments. Primo, la volonté d’offrir à un
large public une réflexion sur les enjeux éthiques et esthétiques
de la société et de la culture contemporaines. Postulat essentiel, le dialogue alimenté entre pensée spéculative et création
permet d’appréhender les phénomènes sociaux et artistiques
du temps dans leur globalité. Deuxio, l’option internationale qui
préside au choix des œuvres publiées répond au procès même
de la pensée et émane du refus d’enfermer les auteurs dans
des ghettos, fussent-ils intellectuels ou culturels. Tertio, le souci
du beau-livre qui conjugue le plaisir de la main, de l’œil et de
l’esprit, en présentant au lecteur des textes de qualité avec une
présentation soignée, tant du point de vue de la typographie
que du graphisme ou du choix des papiers.
Si La Lettre volée bénéficie désormais du concours du Service
des Arts Plastiques et du Service des Lettres de la Fédération
Wallonie-Bruxelles, ses dix premières années d’existence
sont marquées par l’absence totale de soutien institutionnel.
Toutefois, la présence d’auteurs d’envergure tels que Gaston
Fernández Carrera, Hal Foster ou Paul Ardenne dans le catalogue favorise un bon accueil international (notamment français)
qui permet à la petite structure de fonctionner en toute autonomie. Par ailleurs, aucun salaire n’est ponctionné (puisque
Daniel Vander Gucht, Pierre-Yves Soucy et Louis Jacob mènent
de front leur carrière professionnelle), et le Mac SE est un petit
sésame qui assure quelque temps une source de revenus supplémentaires en proposant un service prépresse à d’autres
éditeurs qui, pour la plupart, fonctionnent encore comme au
19ème siècle. Après vingt-cinq années d’activité, La Lettre volée
reste une petite structure, mais elle fait à présent autorité en
matière de poésie et d’esthétique, de livres d’art et de livres
d’artistes. Aussi sa taille modeste lui offre-t-elle davantage de
flexibilité et de liberté (par exemple dans le choix d’ouvrages
qui mèneraient de plus grands éditeurs à leur perte), ainsi que
la possibilité d’établir des rapports personnalisés avec les auteurs et les artistes publiés. Chaque livre est le fruit d’un désir,
d’un dialogue, d’une aventure humaine. En 1999, pour fêter ses
dix ans d’existence, La Lettre volée éditait un portfolio intitulé
Lire les gens, lire le monde. Aujourd’hui, pour célébrer le jubilé
charnière de ses vingt-cinq bougies, elle remet le couvert avec
la publication d’un abécédaire illustré, tout simplement intitulé
Relire le monde, relier les gens. Un cadre blanc (qui sert aussi
de boîtier en forme de plumier) rassemble des œuvres originales
produites par vingt-cinq artistes qui ont collaboré avec La Lettre
volée ces dix dernières années. Pour l’occasion, chacun a choisi
une lettre de l’alphabet et traduit plastiquement un mot y afférent
(français, anglais, latin ou inventé), en se pliant à la technique
de la risographie, sous la supervision d’Axel Claes, partenaire
privilégié de cette aventure. Le résultat est sémillant, tout à la
fois hétéroclite et cohérent. Dans la page de titre du portfolio, les
vocables sélectionnés par les artistes se détachent en orangé,
intégrés dans un texte qui n’est autre que le début de La Lettre
volée, nouvelle d’Edgar Allan Poe. Et, puisque l’alphabet se
compose de vingt-six lettres, l’une d’entre elles s’est forcément
dérobée de cet abécédaire particulier…
Sandra Caltagirone
Agnes Geoffray,
Suspens, extrait du portfolio "Relire
le monde, relier les gens", impression
risographie, 30 x 40 cm, 2015.
© La Lettre volée.
146 avenue Coghen - 1180 Bruxelles - [email protected]
Portfolio imprimé en risographie chez Rosi à Bruxelles sur du papier Munken Lynx 180 g, 30 x 40 cm,
en 50 exemplaires, tous numérotés et signés, dont 25 exemplaires réservés aux artistes. L’ensemble des vingtcinq planches et du sommaire est présenté et vendu dans un boitier laqué blanc qui sert aussi de cadre.
En souscription à 900 € jusqu’au 17 janvier 2016. 1 200 € après cette date.
La Lettre volée
Éditions
M 68 / 52
Que te dire ? Il y a toujours de la prétention, de l’orgueil
dans un livre. Comme dans les œuvres, souvent. Elles
trônent. Elles s’exhibent. Peut-être qu’il y a aussi, parfois, dans les livres, comme dans les œuvres, de la
timidité. Il y a donc ici réuni une vingtaine de textes.
Ils concernent des artistes d’aujourd’hui.
Alors vite : j’ai appris qu’un objet, qu’une œuvre
n’était, parfois, qu’un moment, qu’une ponctuation,
d’une phrase, d’un mouvement plus vaste. C’est sans
doute évident, encore faut-il en produire l’éclat.
Chaque œuvre est un échec.
J’ai finalement appris qu’il pouvait y avoir de la grâce
dans l’échec. Ce livre n’est ni savant ni universitaire.
Les œuvres ne sont pas là pour être expliquées, commentées, elles sont là pour tenir debout.
Pertes inespérées (apportées par le vent) 1. Encore autre
chose, peut-être.
M. A.
L’Écart et l’Accolade
L'Écart et l'Accolade titre avec justesse le
beau recueil édité chez (SIC) de vingt-deux
textes signés par Michel Assenmaker, parus,
entre 1987 et 2011, en diverses publications,
catalogues d’exposition, revues, ouvrages,
monographies, mais aussi d’inédits dont deux
conférences. Cette sélection de textes, aux
formes et formats variés, procède du choix
concerté de leur auteur et de la plateforme
éditoriale de ne retenir que ceux inspirés d’un
rapport de proximité immédiate à l’œuvre et à
son exposition. De livrer quelque chose de nécessairement singulier chez Assenmaker dans
sa confrontation aux œuvres, dans sa mise en
jeu face à leur avènement et dans leur réception, de saisir ce mouvement de déplacement
qu’elles suscitent sous sa plume et dans son
adresse au lecteur.
Michel Assenmaker
(SIC)
M 68 / 53
L’Écart
et l’Accolade
(SIC)
18 euros
Ce faisant, l’ouvrage livre aussi, et ce n’est pas la
moindre de ses qualités, un portrait en creux de son
auteur qui, à l’instar du protagoniste de son récent
Poser, roman (2014), se définirait davantage dans les
entrecroisements de la création que n’affirme une
position, si ce n’est celle, aujourd’hui conquise, de
relever librement des champs contigus de l’édition,
du commissariat d’exposition et, plus que jamais,
de la production littéraire et visuelle1. A la lecture
des écrits ici rassemblés qui, précédés d’une courte
introduction à leur contexte de parution, jalonnent
par ordre chronologique près de vingt-cinq ans d’un
rapport de proximité aux œuvres, se dessine une trajectoire critique qui progressivement se déleste des
références théoriques à ses pairs pour amorcer puis
confirmer son enjeu littéraire. Le langage, dans sa
matérialité même, entre en dialogue avec l’œuvre qui
lui fait face et à laquelle il se mesure. “Je pense que
c’est en se confrontant à d’autres matériaux, montés
d’une certaine manière, que l’on peut commencer
à monter son propre langage en miroir, en opposition ou en amour”, confie Assenmaker2 . Ce travail
d’ajustement du langage au plus près de l’expérience
esthétique traverse l’ensemble du recueil et emprunte
au fil des pages une diversité de traitements, comme
autant d’exercices de style en adéquation avec la diversité des sujets abordés et en résonance avec leur
nature. De Glen Gould à Didier Vermeiren, de Stanley
Brouwn à Anselmo, de Bernd Lohaus à Pascal
Convert ou Michael Asher, artiste conceptuel ayant
posé l’expérience du sujet au cœur même de sa
pratique de l’exposition, de Lisbonne et Pékin dans
les superbes “Carrés d’amour”, en adresse à Olivier
Foulon et dont le motif est inspiré des pages tramées
de ses carnets de notes, en passant par le cinéma de
Marguerite Duras, ces objets textuels revendiquent,
tel qu’énoncé dans “Critique et subjectivité” (1998),
la part hautement subjective de leur auteur face à
l’exercice de la critique. S’y référant alors à Blanchot,
Michel
Assenmaker
Michel Assenmacker énonce : “(…) un pas de critique
est l’indication d’un manque d’appui, un faux pas.
Un quasi trébuchement. Ce manque de maîtrise de
la bonne marche permet peut-être au travail critique
de rester transparent, de laisser l’œuvre être telle. Il y
a là, pour moi, la nécessité critique d’une ignorance
radicale face à l’œuvre. Ce qui implique que je ne
parle qu’en mon nom et non au nom d’une époque,
d’un collectif, d’un avenir” 3.
En ce sens, L’Écart et l’Accolade, qui emprunte son
titre au texte de catalogue qu’Assenmaker consacre
“après coup” à l’exposition de John Murphy à la Villa
Arson de Nice (décembre 1997), texte erratique s’il en
est qui, littéralement, chorégraphie son déplacement,
sa progression dans l’espace, la mise à l’épreuve de
sa propre ex-position, pourrait-on avancer, offre
autant d’écrits, à la fois proches et divers, poétiques
souvent, qui nourrissent et prolongent son expérience subjective de nombre de références, précises
et circonstanciées, à la théorie et à l’histoire de l’art,
à la philosophie et à la littérature, à la psychanalyse
aussi4. Car, au fur et à mesure de la lecture, transparaît dans l’écriture quelque chose du travail analytique
non comme modèle, mais comme outil qui libère,
donne l’impulsion, l’audace, de faire lien, de “relier les
choses et construire sur cela même quelque chose
qui apprend, un peu à ton insu” précise-t-il5.
Ainsi, l’accolade, qui est aussi signe typographique
et musical, en ce qu’elle “réunit sans fusion” et
“désigne une communauté de sens en n’effaçant
pas le singulier”, dit-elle, “dans la proximité de l’embrassement, dans la distance du geste officiel”, du
rapport de l’auteur à l’œuvre d’art dans l’exercice
même du travail d’écriture qui justifie et soutient son
regard 6. L’écart, quant à lui, vient signifier la mise en
tension de ce/ceux qu’il tient à distance, la fragilité
tout autant, voire le danger d’une forme de mise à nu
dans la réception et l’échange. Il y a, de fait, quelque
chose qui procède de l’extime au sens lacanien du
Éditions
terme dans ce recueil dont l’introduction à “L’Éloge
du sujet”, titre repris d’une œuvre et d’une exposition
éponyme de Broodthaers, citant Gérard Wajcman :
“nous n’avons pas d’autre intériorité que le monde”,
pourrait, à elle seule, en donner la tonalité7.
La diversité des sujets, des formes et des formats ne
dément toutefois pas une certaine familiarité parmi
les œuvres retenues. Ainsi, le texte sur Sherrie Levine
intitulé “D’après Sherrie Levine, la répétition ?” (1996),
conduit par la méthode analytique de l’association
libre, s’attache-t-il sur le mode d’une méditation
annotée à cerner au départ de l’œuvre de l’artiste
appropriationniste ce qui relève de la répétition et
de la reprise, de la reproduction et de l’altération,
questions centrales à la post-modernité. L’ombre de
Flaubert, d’Un cœur simple, repris par Levine, et de
Bouvard et Pécuchet, sorte de dissertation philosophique au départ de la notion de copie, plane sur ce
voyage à travers l’histoire et la théorie de l’art qui dessine un musée imaginaire fait de correspondances et
de reprises, de Raphaël à Manet, d’un sarcophage
romain à Rubens.
Mais, au-delà, la figure de l’accolade et les parentés
qu’elle convoque en son espace ouvert et amical
imprègnent le recueil qui, de Flaubert à Levine, mais
aussi de Broodthaers à Mesmaeker et Foulon en
passant par Murphy, tisse bel et bien un espace commun d’affinités langagières, un “laboratoire linguistique de la liaison et de la déliaison des mots et des
choses”, pourrait-on emprunter à l’auteur qualifiant
l’œuvre de Broodthaers 8. A moins qu’Assenmacker
ne propose, à l’instar de son essai “L’Éloge du sujet”
qui réunit les “disjecta membra” de la modernité
que sont précisément Broodthaers et Picasso, un
exercice de conciliation sur le mode d’une exposition
fictive de deux œuvres qui ne seraient inconciliables
qu’en apparence. “Dès l’abord, un hiatus temporel.
Puis, un hiatus de pensée, de projet et d’attitude.
Ces hiatus, au sens strict : occasions d’une exposition. L’exposition comme hiatus, comme ouverture,
comme fente, comme espace entre deux choses,
ou encore comme lacune. Tous sens étymologiques
d’hiatus. Et l’espace lacunaire me semble être un
enjeu des deux pratiques”, argumente-t-il dans un
texte et une mise en page 9 qui ne sont pas, dans ce
qu’ils mettent en place, sans rappeler cet espace
poétique du paradoxe forgé en 2005 par Cantos au
Casino Luxembourg10.
Dans le texte qui clôt le recueil et est, à ce jour, le dernier texte de Michel Assenmaker sur l’art contemporain, l’auteur fait l’expérience, émancipatrice, d’écrire
sur le seul souvenir qu’il garde d’une exposition, restée confidentielle et non documentée, de Jacqueline
Mesmaeker à Maubeuge. Aucunes références, cette
fois, ni thèse, juste une cantate de Bach et “la lumière
du jour joyeux” pour horizon11.
Christine Jamart
1 Michel Assenmaker est commissaire d’expositions, critique d’art, écrivain, rédacteur
avec Olivier Foulon de la revue Copie de voyage. Il fut professeur à l’Erg, à La Cambre
et à l’Institut Saint-Luc à Bruxelles. Il vit et travaille à Rome, collaborant, entre autres
projets, avec Céline Willame, artiste. 2 Conversation avec l’auteur, Bruxelles, le 10.01.16
3 In Michel Assenmaker, L’Écart et l’Accolade, (SIC), Bruxelles 2015, Collection Vase,
pp 154-155 4 R. Krauss, Y.-A. Bois, B.H.D. Buchloh, H. Damisch, W. Benjamin, R.
Barthes, G. Agamben, J. Derrida, A. Badiou, J.-L. Nancy, G. Didi-Huberman, G. Bataille,
J. Lacan et tant d’autres. 5 Conversation avec l’auteur, Bruxelles, le 10.01.16 6 Michel
Assenmaker, op. cit., p. 115 7 op. cit., p. 228 8 op. cit., p. 254 9 op. cit., p. 233 10
“Quel en est le thème, se demande-t-on ? Cantos dit le chant, le chant dit la voix, la voix
dit la polyphonie. Le chant n’est pas la chanson. Le chant est poésie. Dans la poésie il
y a des images et des abstractions. La poésie est l’articulation de ce paradoxe. Cantos
vise cela aussi. Mais chant c’est aussi le bord d’un objet. Cantos sera donc peut-être
aussi des objets posés sur chant : pour dire toute la fragilité de l’art, aujourd’hui.”, Michel
Assenmaker, in Cantos, cat. expo., Casino Luxembourg, 2005 11 op.cit., p. 273
(SIC)
ŒUVRER
À
PLUSIEURS
La question des pratiques artistiques collectives et collaboratives jouit d’une importante
actualité depuis une vingtaine d’années dans
le champ de la création contemporaine, depuis
que Nicolas Bourriaud a regroupé des artistes
de sa génération sous l’étiquette néo-néoavant-gardiste de l’esthétique relationnelle,
depuis que le paradigme de la création et du
commissariat en réseau s’est proposé, porté
par les développements d’Internet, et depuis
que la figure de l’artiste comme entrepreneur
ou, plus récemment, co-worker1, interroge de
nouvelles conditions de production, diffusion
et reconnaissance de l’art.
VÉRONIQUE GOUDINOUX,
ŒUVRER À PLUSIEURS.
REGROUPEMENTS ET
COLLABORATIONS ENTRE
ARTISTES
VILLENEUVE D’ASCQ,
PRESSES UNIVERSITAIRES DU
SEPTENTRION, 2015, 22 EUROS.
Par ailleurs, on constate que pointe un nombre croissant de
duos et de collectifs d’artistes œuvrant collégialement de façon
permanente ou ponctuelle, depuis les pionniers Fischli et Weiss
jusqu’à la coopérative Société Réaliste, tandis qu’un nombre
également croissant d’artistes individuels emploient des assistants formant des studios parfois conséquents (de Jeff Koons à
Xavier Veilhan en passant par Olafur Eliasson) mais signent toujours seuls leurs productions. Enfin, on observe que des artistes
peuvent créer des contre-institutions fictives (notamment celles
que Gregory Sholette regroupe sous la notion de mock-institutions2), développer des programmes communs de recherche et
de création de façon relativement autonome ou adossés à des
institutions (écoles d’art et universités), en association avec des
théoriciens et des curateurs, ou encore privilégier des collaborations expérimentales et interdisciplinaires avec des artistes et
des chercheurs d’autres champs.
Tout ceci constitue à son tour un complexe et vaste champ de
recherche investi par des historiens et théoriciens de l’art, dont
Véronique Goudinoux, professeure à l’Université de Lille, qui
depuis le début des années 2000 a produit un certain nombre
d’articles pour des revues scientifiques et des ouvrages collectifs concernant les enjeux esthétiques, économiques et idéologiques des pratiques collectives contemporaines 3. Ce n’est
toutefois pas aux pratiques actuelles qu’est consacré son premier livre, Œuvrer à plusieurs. Regroupements et collaborations
entre artistes, lequel se présente comme une synthèse préalable sur les regroupements et collaborations d’artistes depuis
la Renaissance jusqu’au milieu du XXème siècle. L’entreprise est
vaste, passionnante et périlleuse sur un plan méthodologique4.
Passionnante, car cette étude permet de réviser des notions et
des pratiques telles l’académie, l’école, la confrérie, la société,
l’association, la coopérative, la communauté et le mouvement,
leurs motivations, déploiements, retraits et retours, leurs implications esthétiques, sociales, économiques, idéologiques et
politiques. Si l’on apprécie les études consacrées aux confréries nazaréennes et préraphaélites, aux villages et colonies
d’artistes, aux sociétés et communautés d’artistes aux XIXème
et débuts du XXème siècles en Europe occidentale, le livre pâtit
d’un manque de parti pris méthodologique précis et radical, en
raison d’une certaine dispersion des informations, des problématiques et des enjeux, chapitre après chapitre. Plutôt qu’un
Presses Universitaires
du Septentrion
chapitrage par période historique, une approche typologique
des modes de regroupements et de collaborations aurait sans
doute apporté plus de clarté et de cohérence au propos, tout
en pointant les évolutions, déplacements et réformes des types
de regroupements et de collaborations au cours des décennies
et des contextes.
Surtout, il est étonnant et ennuyeux qu’un type important de
regroupement soit évincé, celui du parti esthétique et politique
d’avant-garde, porté par un manifeste propagé par des œuvres,
des expositions et des ambassadeurs, et ce malgré la présence
en couverture du livre de Véronique Goudinoux d’une photographie d’un rassemblement d’artistes progressistes à Weimar
en 1922. Lors de celui-ci, les positions collectivistes/communistes/constructivistes et individualistes/anarchistes/dadaïstes
n’étaient pas parvenues à la définition d’un programme commun
qui aurait permis la création d’une “organisation internationale
des créateurs d’esprit révolutionnaire” (motion de Lajos Kassák
et László Moholy-Nagy), ou du moins d’une “solidarité internationale progressiste” (conclusions de Theo van Doesburg,
Hans Richter et El Lissitzky), car “même les groupes les plus
à gauche se divisent et expriment des opinions divergentes”5.
Malgré son intérêt et ses chapitres consacrés à des mouvements de réforme de la vie, Œuvrer à plusieurs pose donc un
autre problème que celui de la méthodologie, son exclusion de
la dimension partisane et internationaliste des avant-gardes historiques et, par-là même, une certaine dépolitisation des enjeux
idéologiques des regroupements d’artistes.
Tristan Trémeau
Éditions
M 68 / 54
1 cf. Co-workers. Le réseau comme artiste,
MAMVP et Bétonsalon, Paris, 2015-2016.
2 Gregory Sholette, Dark Matter. Art and Politics
in the Age of Entreprise Culture (Londres, Pluto
Press, 2010).
3 http://ceac.recherche.univ-lille3.fr/index.
php?page=veronique-goudinoux
4 Ce livre, qui fait suite à l’obtention d’une
habilitation à diriger des recherches (HDR) sous
la direction de Jean-Marc Poinsot, sera suivi,
comme annoncé dans l’introduction, d’un autre,
consacré à l’art contemporain.
5 Les minutes du congrès ont paru dans Stephen
Bann, The Tradition of Constructivism, Londres,
Thames & Hudson, 1974, pp.58-69.
RÉALITÉS
DU
COMMISSARIAT
D’EXPOSITION
En premier lieu, l’ouvrage précise donc les “conditions” à travers
une approche sociologique menée par Laurent Jeanpierre et
Isabelle Mayaud qui décortique dans les faits et ressentis des
acteurs eux-mêmes1 l’influence déterminante de l’idéalisation
sur la pratique. Si elle ne révèle que peu d’informations nouvelles
— tout comme l’ensemble de la publication —, cette étude
a le mérite non négligeable d’énoncer clairement une réalité
complexe ayant pour toile de fond une quête de légitimité et de
reconnaissance sociale, différenciée selon trois profils mouvants : commissaires indépendants, artistes commissaires et
commissaires institutionnels. À partir de là peut se greffer une
appréhension prospective de ce qui motive le caractère “hypothétique” de l’indépendance et son influence sur le système
de création et de monstration contemporain. Les qualités et
compétences théoriques, relationnelles et artistiques revendiquées par les différents types de commissaires ainsi posées,
chaque texte suivant va insister en filigrane sur le besoin impérieux d’inventer et de penser de nouveaux modes et processus
curatoriaux. Dans l’ordre :
Manuel Segade part du champ général de l’art contemporain pour faire un constat désabusé de la crise de légitimité
qui pousse ses acteurs à se constituer en “communauté
d’urgence” : “Le contemporain est une série désarticulée et
ahurie de corps malades située au centre de l’institution art2.”
Christian Besson s’attache aux expositions comme objets
de récits : “Chaque narrateur est porteur d’un point de vue 3.”
Beatrice von Bismarck écrit : “la pratique curatoriale se définit
en ce qu’elle crée des rapports4.” Pedro Neves Marques pour
lequel la curation est le synonyme du Web 2.0 et se référant au
concept de Maria Lind postule : “Ouvert le curatorial est une
position à occuper, une praxis ; mais c’est aussi un espace de
possible échappant au contrôle 5”. Pablo Lafuente affirme la
multiplicité des compétences utiles pour développer un projet
et conclut qu’“il n’y a pas d’autres choix […] que d’inventer de
nouveaux chemins, de continuellement concevoir des positions et de nouveaux modes de contributions6.” Stewart Martin
revisite Marx et Schiller : “En tant que tel, l’art devient le lieu
d’une critique immanente de l’éducation esthétique, une éducation esthétique contre l’éducation esthétique. Ce qui serait
une leçon d’émancipation7.” Et enfin Sophia Krzys Acord scrute
les collaborations conflictuelles existant entre conservateurs et
M 68 / 55
Original dans son approche par rapport à l’ensemble exponentiel des ouvrages consacrés
au commissariat d’exposition ces dernières
années, Réalités du commissariat d’exposition pose comme question centrale à la réunion des textes qui le constitue “les conditions
d’une hypothétique indépendance” des commissaires d’exposition. Vaste question, s’il en
est, qui, dans son énoncé même, renvoie au
fait qu’une “indépendance” ne peut être pensée et n’existe, en première instance, qu’en
lien avec un réseau de dépendances qui, en
dernière instance, la rend impossible. Ce
postulat (l’interrelation entre indépendance
et dépendance) constitue dès lors le principe
de démonstration de l’ouvrage dont le squelette interne est rigoureusement cadencé
par un entrelacs d’approches, de réflexions
et de points de vue introduits brièvement par
des extraits des tables rondes organisées par
C-E-A (Commissaires d’exposition associés)
à la Fondation d’entreprise Ricard en 2011 et
au Palais de Tokyo en 2013. Cette structure
rythmée qui réunit des analyses hybrides permet non seulement d’aborder la question selon
différents prismes, mais elle colle pour ainsi
dire à la peau de son sujet dans le sens où,
tout en introduisant et dynamisant le débat,
elle reproduit l’hétérogénéité sociale et professionnelle, théorique et appliquée, qui prévaut
à toute activité curatoriale.
commissaires, observant que celles-ci s’avèrent phagocytantes
pour l’expression créatrice du public.
Qu’ils évoquent explicitement ou non la pratique du curateur,
tous insistent ainsi sur la nécessité de repenser le “devenir”
ouvert de cette pratique. Mobilité, motricité, réseau, connectivité, navigation, débats, collaboration, etc. semblent constituer
le berceau dans lequel est né (et l’environnement dans lequel
grandit) le curateur. Par conséquent, à l’ère d’internet et d’une
nouvelle approche des savoirs 8, il est grand temps, semblet-il, que ce dernier s’émancipe de sa quête de légitimité et de
reconnaissance pour faire de ces composantes le cœur de
sa pratique et inventer par là même de nouvelles figures. Bien
que peu d’auteurs émettent des propositions précises sur les
formes alternatives possibles que pourrait prendre l’exercice du
commissariat à l’avenir, il s’avère néanmoins que son impulsion
véritable est de l’ordre de l’action et que c’est bien dans un
espace-temps performatif qu’il peut avoir lieu. Ainsi, plus encore
que de constater les “conditions d’une hypothétique indépendance” du commissaire, Réalités du commissariat d’exposition
réfléchit à travers sa structure rhizomique la dynamique des processus curatoriaux d’aujourd’hui, entre détermination multiple
et indétermination expérimentale, ainsi que les changements
de paradigmes qui lui sont liés. En cela, cet ouvrage collectif
contribue fondamentalement à faire avancer le débat.
RÉALITÉS
DU COMMISSARIAT
D’EXPOSITION
DIRIGÉ PAR DAMIEN AIRAULT
AVEC LA COLLABORATION D’ESTELLE
NABEYRAT POUR L’ASSOCIATION
C-E-A, BROCHÉ, 107 PAGES,
15,5 X 24 CM, 17 EUROS, COÉDITION :
BEAUX-ARTS DE PARIS ET LE CENTRE
NATIONAL DES ARTS PLASTIQUES,
ISBN 978-2-84056-442-3,
DIFFUSION : FLAMMARION DIFFUSION
Maïté Vissault
1 Sollicitée par C-E-A, cette étude se base sur
une enquête réalisée en 2008-2009 à laquelle
ont répondu 800 personnes et sur une série
d’entretiens menés jusqu’en 2012.
2 Damien Airault (dir.) pour C-E-A, Réalités du
commissariat d’exposition, Paris, coédité par les
Beaux-Arts de Paris et le Centre national des arts
plastiques, 2015, p. 38.
3 Ibid., p. 50.
4 Ibid., p. 55.
5 Ibid., p. 67.
6 Ibid., p. 80.
7 Ibid. p. 88.
8 Nicolas Bourriaud, Ibid., p. 65.
Éditions
Beaux-Arts de Paris/CNAP
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“Déserts a l’observation pour point
central, le corps pour objet, le désir
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naturellement que l’exposition débordera dans les rues de Bruxelles.”
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• Fred Jannin, Trop de tout
Sous commissariat de JC De la Royère
“Auteur de la série Germain et nous
dans le magazine Spirou, il est perçu
comme un témoin privilégié de la jeunesse des années 80.”
Jusqu’au 6.03.16
• Jean-Pol, Le plaisir en mouvement
Sous commissariat de Kurt Morissens
“Jean-Pol a déjà une œuvre considérable derrière lui quand il prend les
rênes de la série Sammy, créée par
Berck et Cauvin dans le magazine
Spirou. Son dessin tout en rondeur et
vitalité va y faire merveille et lui apporter la notoriété internationale que son
talent méritait.”
Jusqu’au 29.05.16
• Frank Pé
“Maître de la couleur directe et
illustrateur hors pair, Frank Pé, qui
signe de son seul prénom, marie avec
bonheur l’émotion et la représentation de la nature dans Broussaille et
Zoo. Aujourd’hui, tout en poursuivant
la réalisation de bandes dessinées,
il se consacre à des activités très
diversifiées comme la sculpture ou la
réalisation de fresques.”
Du 22.03 au 4.09.16
CENTRE DU FILM SUR L’ART
19 F AVENUE DES ARTS, 1000 BRUXELLES
T +32 (0) 2 217 28 92
WWW.CENTREDUFILMSURLART.COM
• Projection de Niki de Saint Phalle,
un rêve d’architecte, d’Anne Julien
et Louise Faure (52’ – 2014)
Le 4.02.16 à 11h30, 12h30, 13h30, 14h30,
• Atomik Bazar
dans le cadre des Midis du Cinéma
“Un tank envahit l’espace d’exposition,
(Auditorium B du Musée d’Art Ancien,
des affiches à slogan sont placardées
3 rue de la Régence, 1000 Bruxelles)
sur les murs. Dans ce joyeux bazar,
– Projection de Mauvaises herbes de
c’est l’artiste suisse François Burland
Caroline Vercruysse, Catherine Wielant
qui prend le contrôle avec une exposi(50’ – 2013)
tion riche en couleurs. Créateur hybride
Le 5.02.16 à 12h30, (dans le cadre de Doc
et autodidacte, Burland produit des
sur le pouce (Point Culture Bruxelles,
jouets bricolés et des représentations
145 rue Royale, 1000 Bruxelles)
affichistes qu’il décline sous forme de
– Projection de Le Cirque de Calder,
séries. Tantôt provocantes, drôles,
de Carlos Vilardebo (19’ – 1961) et
absurdes ou polémiques, ses œuvres
de Roland Roure, constructeur de
312 RUE HAUTE, 1000 BRUXELLES
T/F +32 (0) 2 533 94 90
[email protected]
WWW.ARTETMARGES.BE
steppes et des villes d’Estonie des
machines ludiques, un film de Deidi von
images vibrantes et poétiques, non pas
Schaewen, François Vie (27’ – 1983)
la chronique d’un voyage, mais l’expéLe 16.02.16 à 12h30, dans le cadre des
rience multipliée de la photographie
Mardis de l’Art (La Vénerie – Espace
dans l’entre-deux des regards et des
Delvaux, 3 rue Gratès, 1170 Bruxelles )
lieux. Si voyage il y a, c’est celui qui va
– Projection de Daniel Buren, de
parmi des présences, retenues par la
Camille Guichard (53’ – 2002)
grâce et la nudité de photographier.
Le 17.02.16 à 12h30 & 18h, dans le cadre
En parallèle à l’exposition paraît, aux
de CINEMUSEE (Grand Curtius, 86-88
éditions Impressions Nouvelles, un
Féronstrée, 4000 Liège)
livre sur le travail réalisé par Alexandre
– Projection de La Saga Maeght, pour
Christiaens en résidence en Estonie
l’amour de l’Art, de Valérie Esposito
entre 2012 et 2015. Les textes écrits
et Cyril de Turckheim (52’ – 2007)
Paul Kuimet,
par Carl Havelange ne commentent
Le 18.02.16 à 11h30, 12h30, 13h30,
Late Afternoon#1,
pas les images, mais les accomcolour transparency in lightbox, 110 × 128 cm.
14h30,dans le cadre des Midis du Cinéma
Résidence d’artiste à Bruxelles-Contretype, 2014-2016.
pagnent, empruntant eux aussi des
(Auditorium B du Musée d’Art Ancien)
chemins vagabonds où se donnent
– Projection de Rodin, la passion du
librement à voir et à penser la force vive
corps, de Dominik Rimbault (45’ – 2009)
des images.”
Le 3.03.16 à 2016 à 11h30, 12h30,
– Projection de Addicted to every pos- • Paul Kuimet, Résidence d’artiste
13h30, 14h30, dans le cadre des Midis
sibility, de Moon Blaisse (56’ – 2014)
à Bruxelles-Contretype, 2014
du Cinéma (Auditorium B du Musée d’Art
Le 19.04.16 à 12h30, dans le cadre des
“Cette exposition reprend des thèmes
Ancien)
Mardis de l’Art (La Vénerie – Espace
que j’ai déjà traités auparavant dans
– Projection de Les fois du rois, de
Delvaux)
mon corpus artistique, à savoir la
Richard Olivier (57’ – 1993)
– Projection de Sophie Calle – Sans
dichotomie entre ce qui relève de l’inné
Le 4.03.16 à 12h30, dans le cadre de Doc
titre, de Victoria Clay Mendoza
et de l’acquis, la description de “nonsur le pouce (Point Culture Bruxelles)
(52’ – 2012)
lieux” modernes, reflets des idéaux
– Projection de Coco Exquis, de Yoann
modernistes mais qui ont été corromLe 20.04.16l à 12h30 & 18h, dans le cadre
Stehr et Stephan Dubrana (10’ – 2014)
pus par l’environnement du monde
de CINEMUSEE (Grand Curtius)
& de Rebecca Horn de Heinz Peter
des affaires d’une part et d’autre part
– Projection de Le musée juif de Berlin
Schwerfel (44’ – 1993)
ceux qui portaient la croyance dans
de Richard Copans et Stan Neumann
Le 8.03.16 à 12h30, dans le cadre des
le progrès de la technologie moderne
(27’ – 2002) – sous réserve
Mardis de l’Art (La Vénerie)
pendant la période de la guerre froide,
Le 22.04.16 à 12h30, dans le cadre des
– Projection de Contact : Boltanski
mais qui étaient et sont toujours
Midis de l'Art (Cinéma Plaza Art)
d’Alain Fleisher (13’ – 2002) et de La
conscients de leur nature dystropique.”
danse des ombres de Simone Mohr
ESPACE PHOTOGRAPHIQUE
• Beata Szparagowska, Entre chien
(46’ – 1989)
CONTRETYPE
et loup
Le 16.03.16 à 12h30 et 18h, dans le cadre
4 A CITÉ FONTAINAS
“C’est la nuit, il est une heure ou deux
de CINEMUSEE (Grand Curtius)
1060 BRUXELLES
heures du matin. Il n’y a pas très long- Projection de Pierre Bonnard, les
T +32 (0) 2 538 42 20
temps que le soleil est passé sous la
[email protected]
couleurs de l’intime, de Bruno Ulmer
WWW.CONTRETYPE.ORG
ligne d’horizon et bientôt il réapparaîtra.
(53’ – 2015)
C’est la nuit, mais il ne fait pas noir.
Le 17.03.16 à 11h30, 12h30, 13h30,
• Impressions japonaises
Tout est reflets de bleus et de verts.
14h30, dans le cadre des Midis du
Jean-Paul Brohez, Sélim Christiaens,
Tout baigne dans une pénombre dont
Cinéma (Auditorium B du Musée d’Art
Bernd Kleinheisterkamp, Frédéric
la lumière n’est ni celle de la nuit précéAncien)
Materne, Michel Mazzoni, Satoru
dente, ni de la suivante. Dans sa durée
– Projection de Bill Viola – Expérience
Toma et Kumi Oguro
prolongée, dans sa lenteur, l’entre
de l’infini de Jean-Paul Fargier
“En 2016 sont célébrés les 150 ans de
chien et loup de la nature finlandaise
(2013 – 55’)
l’établissement des relations diplomam’offre un espace à habiter, à explorer,
tiques entre le Japon et la Belgique.
Le 18.03.16 à 12h30, dans le cadre des
à mon rythme. Je suis presque seule.
C’est dans ce cadre que Contretype
Midis de l’Art (Cinéma Plaza Art, 12 rue
Autour de moi tout vit au ralenti, au
propose, en co-production avec
de Nimy, 7000 Mons)
bord du monde du sommeil. Devant
Wallonie-Bruxelles International (WBI),
– Projection de Lucien Hervé, photogmes yeux, les contours s’estompent,
une exposition réunissant 7 artistes
raphe malgré lui, de Gerrit Messiaen
les formes s’obscurcissent, le visible se
photographes belges et japonais vivant
(52’ – 2012)
dilue dans le sombre.”
tous
en
Belgique.
La
plupart
d’entre
Le 24.03.16 à 11h30, 12h30, 13h30,
Du 13.04 au 5.06.16 (vernissage le
eux
nous
offrent
un
regard
personnel
14h30, dans le cadre des Midis du
12.04.16)
sur la vie et la culture japonaises, au
Cinéma (Auditorium B du Musée d’Art
travers de leur perception de l’intime ou
Ancien)
iMAL
de magnifiques paysages.”
– Projection de La légende du silex
CENTER FOR DIGITAL CULTURES AND TECHNOLOGY
Jusqu’au 27.03.16
- Robert Garcet, de Clovis Prévost
30 QUAI DES CHARBONNAGES, 1080 BRUXELLES
(41’ – 1993)
T +32 (0) 2 410 30 93 – WWW.IMAL.ORG
• Alexandre Christiaens, Résidence
Le 1.04.16 à 12h30, dans le cadre de Doc
d’artiste en Estonie, 2012-2015
•E
uropean Urban Media Network
sur le pouce (Point Culture Bruxelles)
“Depuis plusieurs années, Alexandre
for Connecting Cities 2016
Christiaens ramène des forêts, des
“Dans la continuité du Media Facades
Festival Europe (2010), Connecting
Cities est un projet européen urbain
numérique qui relie 22 partenaires
de différentes villes européennes,
à travers des écrans urbains situés
dans l’espace public et des écrans
mobiles (tablettes, smartphones…).
Ce réseau vise à créer une infrastructure connectée d’écrans urbains
sur lesquels on peut faire circuler des
contenus artistiques et sociaux. Le
projet européen Connecting Cities se
terminera en 2016 et l’événement de
clôture aura lieu à iMAL en présence de
tous les partenaires.”
Du 10 au 13.03.16
Causerie par RED/Laboratoire
Pédagogique
Le 25.02 de 18h30 à 20h
Conférence de Denis Laoureux
Reproduire, c’est encore produire.
Broodthaers et la réplique des images
Le 3.03 de 18h30 à 20h
Finissage - Chambre d’écoute par
RED/Laboratoire Pédagogique
Le 19.03 de 18h30 à 21h
– Dès janvier, l’entrée de L’iselp se mue
pour une année en un dispositif d’exposition créé par l’artiste et scénographe
Richard Venlet. Faisant communiquer le
boulevard de Waterloo avec l’accueil de
l’institut, il transforme le passage en un
white cube. Chaque mois, deux œuvres
y seront présentées par un curateur. Pas
de discours, pas d’accompagnement,
juste deux œuvres. Quel est leur espace
commun ? Quel dialogue entretiennentelles ? Y a-t-il entre elles une zone de
convergence ou d’opposition ?
Sorte d’exposition minimale et silencieuse, Double Room est un exercice du
regard personnel.
Episode 1 :
Pieter Vermeersch - Denicolai
& Provoost
Jusqu’au 13.02.16
Episode 2 :
Carte blanche aux étudiants du
MASDEX (Master en design d’exposition, Arts2, Mons)
Du 22.02 au 26.03.16
M 68/ 57
• Félix Luque et Iñigo Bilbao,
Memory Lane
“Ce projet aborde la thématique de la
mémoire sous un nouvel angle, par la
capture en 3D des lieux où se situent
les souvenirs d’enfance des deux artistes en Espagne. Utilisant un scanner
laser topographique haut de gamme
permettant d’acquérir une image 3D
à 360 degrés extrêmement détaillée
de tout un site, Félix développe une
nouvelle cinématographie par le cheminement d’une caméra au travers de cet
immense masse de données. La vidéo
qui en résulte est une des composantes de l’installation Memory Lane
dont les autres parties ré-interprétent
physiquement ces lieux de mémoire
au travers d’éléments scannés des
paysages puis sculptés robotiquement
• Emilie Danchin, Magnolia/La
et mis littéralement en lévitation.”
Chambre Claire
Du 20.04 au 22.05.16 (vernissage le
“La série Magnolia est le fruit d’un
20.04.16)
travail de photographie thérapeutique,
de mise en scène et de performance
INSTITUT SUPÉRIEUR POUR
de soi : des hommes sont appelés à
L’ETUDE DU LANGAGE PLASTIQUE/
formuler dans le cadre leur rapport
L’ISELP
à la féminité. Le résultat est d’une
31 BOULEVARD DE WATERLOO, 1000 BRUXELLES
simplicité lumineuse. Émotionnellement
T +32 (0) 2 504 80 70 – WWW.ISELP.BE
fortes, les images sont également
+ EXPOSITIONS
d’une grande rigueur et d’une grande
sobriété. Emilie Danchin réussit cet
• Bateau Tableau. L’image qui vient
exercice de style : matérialiser des
Sous Commissariat de Catherine
questionnements psychiques—ici,
Henkinet et Laurent Courtens
qu’y a-t-il d’elle en moi ?—sous forme
Avec Marcel Broodthaers (BE),
d’images tout en les inscrivant dans la
Laurent Grasso (FR), Sophie Langohr
tradition photographique subjective.
(BE), Yves Lecomte (BE), Chantal
Parallèlement à un accrochage de la
Maes (BE), Léa Mayer (FR), Pauline
série Magnolia, le dispositif appelé La
M’Barek (DE), Cédric Noël (FR), Oriol
chambre claire se propose comme
Vilanova (ES), Marco de Sanctis (IT)…
un territoire d’investigation psychique
Jusqu’au 26.03.16 (voir “intramuros“)
et un studio de photographie. Les
+ AUTOUR DE L’EXPOSITION modèles sont appelés à y explorer leur
imaginaire autant qu’à constituer les
Visites guidées gratuites
composants de leur propre portrait.
Les Jeudis 18, 25.02 et le 3.03 de 17h30
Magnolia / La chambre claire est tout
à 18h30
autant une exposition qu’un espace
Conversation entre Christophe Veys et
d’exploration et de constitution de
Oriol Vilanova, Dimanche
l’image.”
Le 18.02 de 18h30 à 20h
Jusqu’au 13.02.16
• Je ne vois de mon avenir que
+ AUTOUR DE L’EXPOSITION le mur de ma cuisine au papier
Cycle de conférences sur la portée
peint défraîchi par les sœurs H et
imaginaire, la puissance projective et le
Maxime Bodson
potentiel cathartique de la photographie.
Le 9.03 de 18h30 à 20h
Les 4 et 11.02 de 18H30 à 20h
• Cécile Ibarra, Reprise
“Au cours de sa résidence à L’iselp,
Cécile Ibarra propose de poursuivre
sa quête autour d’un assemblage de
signes composites en développant une
installation vidéo et un travail d’édition.
Si le premier médium implique une
hétérogénéité, elle envisage le second
comme un outil de navigation, qui
entraine une réflexion sur la substitution
d’un médium par un autre. Ici, il s’agit
d’un film de science-fiction avorté,
qui prendra la forme d’un livre, où
se mêlent textes, notes et images. À
travers la représentation d’un territoire
mental et exotique, elle interroge les
effets de ce dispositif immersif sur l’état
émotionnel du spectateur.”
Du 22.02 au 17.03.16
• La jeune scène espagnole par
Christophe Veys
Le 15.03 de 18h30 à 20h
• Karen Knorr par Danielle
Leenaerts
Le 17.03 de 16h à 17h30
• Aby Warburg par Maud Hagelstein
Le 22.03 de 18h30 à 20h
• De quelques vides par Sarah
Demonte
Le 24.03 de 16h à 17h30
+ LIRE À TABLE
+ CONFÉRENCES/BALISES
• Walter Benjamin, L’œuvre d’art
à l’époque de sa reproductibilité technique par Pauline
Hatzigeorgiou
Le 18.02 de 12h30 à 13h30
• Jacques Lacan par Yves
Depelsenaire
Le 4.02 de 16h à 17h30
• Beatriz Colomina. Cernés par les
images par Florence Cheval
Le 3.03 de 12h30 à 13h30
• Orlan par Marie Noppe
Le 18.02 de 16h à 17h30
+ AUTOUR DU FILM D'ARTISTE
• L’Archival Turn par Sandrine Colard
Le 16.02 de 18h30 à 20h
• Psycho, entre film et art contemporain – trafic d’influences par
Muriel Andrin
Le 23.02 de 18h30 à 20h
• La Figuration narrative par
Delphine Florence
Le 25.02 de 16h à 17h30
+ RED/LABORATOIRE PÉDAGOGIQUE/
CAUSERIE/CHAMBRE D'ÉCOUTE
Le 25.02 de 18H30 à 20h
• Marcel Proust par Gilles Remy
Le 1.03 de 18h30 à 20h
Conversation/apéritive : Amélie
Bouvier, Others May Follow (Prix
Hors d’œuvre 2015)
Le 2.03 de 18h30 à 20h
• B.M.P.T. par Marine Lagasse
Le 3.03 de 16h à 17H30
• Eduardo Kac par Jacques André
Le 8.03 de 18h30 à 20h
• Johan Muyle par Nancy Cassieles
Le 10.03 de 16h à 17h30
• Carte blanche à Eléonore
Saintagnan et Grégoire Motte
Présentation de leur dernier court
métrage Les Bêtes sauvages (2015) et
de Lettre de la Sierra Morena/Lettre
d’un cinéaste Jacques Rozier (1983)
Le 16.03 de 18h30 à 20h
+ CONFÉRENCE PERFORMÉE
• Jean-Philippe Convert, Comment
raconter les cactus ?
Le 17.02 de 18h30 à 20h
+ CYCLE DE CONFÉRENCES
•R
encontre avec Ludovic Balland,
Typography Cabinet
Le 10.03.16, 20h
•D
idier Semin, Marcel Duchamp
et le dessin d’humour
Le 12.04.16, 20h
•C
ircuits fermés : des origines de
l’art vidéo aux dispositifs numériques par Catherine Mayeur,
historienne de l’art
Le 20.02, de 10h30 à 12h30
•L
’art de l’assemblage par Eva
Prouteau, critique d’art indépendante et conférencière au Musée
des Beaux-arts de Nantes
Le 12.03.16 de 10h30 à 12h30 Palais des Beaux-Arts, 23 rue Ravenstein
1000 Bruxelles
LE BOTANIQUE
CENTRE CULTUREL DE LA FÉDÉRATION WALLONIEBRUXELLES
236 RUE ROYALE, 1210 BRUXELLES
T +32 (0) 2 226 12 57
[email protected]
WWW.BOTANIQUE.BE
•V
incent Glowinski, Mater Museum
“L’exposition se propose d’explorer les
liens filiaux qui unissent l’artiste à sa
mère à travers sculptures et dessins.
Tout droit sorties de son imaginaire,
ses créatures énigmatiques viennent
hanter l’espace d’exposition à la façon
d’un étrange Musée des sciences
naturelles.”
Du 25.02 au 17.04.16
•V
incent Chenut, Panser
Du 25.02 au 27.03 (Galerie)
MAISON D’ART ACTUEL
DES CHATREUX/MAAC
26/28 RUE DES CHARTREUX, 1000 BRUXELLES
T/F +32 (0) 2 513 14 69 – [email protected]
WWW.MAAC.BE
• Les abstractions en Belgique.
•E
lodie Huet et Guillaume Baronnet
Eveils, Déclins et Renaissances par
Du 19.02.16 au 26.03.16 (vernissage le
Anthony Spiegeler
18.02) (voir “Intramuros“)
Les 22,29.02 et les 7 et 14.03 de 18h30
à 20h
• La sculpture sociale….Now ? par
Maïté Vissault
Les 10, 17, 24.03 de 18h30 à 20h
JAP/JEUNESSE ET ARTS
PLASTIQUES
10 RUE ROYALE, 1000 BRUXELLES
T +32 (0) 2 507 82 85
[email protected] – WWW.JAP.BE
• Rencontre avec Ivan Argote,
artiste
Le 18.02.16, 20h MAISON DES ARTS
DE SCHAERBEEK
147 CHAUSSÉE DE HAECHT, 1030 BRUXELLES
T +32 (0) 2 240 34 99 – WWW.1030CULTURE.BE
•C
ollectif VOID (Arnaud Eeckout
et Mauro Vitturini)
“Tout comme l’onde sonore, leur médium de prédilection, les installations
de VOID s’inscrivent dans le temps et
un espace donnés. Elles se dévoilent
selon la résonance des lieux qu’elles
habitent.”
Du 19.03 au 30.04.16
Pauline Beugnies,
Un arbre aux messages révolutionnaires sur la place Tahrir,
quelques jours avant les premières élections législatives
suite au départ d’Hosni
Moubarak. Le 18 novembre
2011 © Pauline Beugnies
Uchronies porte un nouveau regard sur
l’art et l’état du monde.”
Du 27.02 au 29.05.16 (vernissage le
26.02)
MUSÉE DE LA PHOTOGRAPHIE/
CENTRE D’ART CONTEMPORAIN
DE LA FÉDÉRATION WALLONIEBRUXELLES
11 AVENUE PAUL PASTUR, 6032 CHARLEROI
T +32 (0) 71 43 58 10 – WWW.MUSEEPHOTO.BE
M 68 / 58
• Commandes photographiques
du groupe Lhoist
Roy Arden, Bernd & Hilla Becher,
Elliott Erwitt, Rodney Graham, Jan
Henle et Josef Koudelka
OFFICE D’ART CONTEMPORAIN
105 RUE DE LAEKEN, 1000 BRUXELLES
T +32 (0) 499 26 80 01
[email protected]
WWW.OFFICEDARTCONTEMPORAIN.COM
• Mikko Paakkola, Ivre d’horizon
Du 18.02 au 16.04.16
WIELS
Agendas etc
354 AVENUE VAN VOLXEM
1190 BRUXELLES
T +32 (0) 2 340 00 50 – WWW.WIELS.ORG
• Edith Dekyndt, Ombre indigène
Sous commissariat de Dirk Snauwaert
Du 5.02 au 24.04.16 (voir “Intramuros“)
(Une publication conçue par Casier/
Fieuws accompagnera l’exposition,
co-éditée par WIELS/Le Consortium,
Dijon/Les Presses du Réel)
Meessen suivant la logique phonétique
des langues créoles, renvoie à un texte
fondateur de l’Internationale situationniste Formulaire pour un urbanisme nouveau (1954). L’idée même de l’île offre la
possibilité d’une aventure, proposant à
la fois une séparation du monde et une
possible re-création de celui-ci.” Du 19.02 au 24.04.16
BPS22
ESPACE DE CRÉATION
CONTEMPORAINE
SITE DE L’UNIVERSITÉ DU TRAVAIL
22 BOULEVARD SOLVAY, 6000 CHARLEROI
T +32 (0) 71 27 29 71
[email protected]
WWW.BPS22.HAINAUT.BE
• Pauline Beugnies, Génération
Tahrir
• f&d cartier/Françoise et Daniel
Cartier, Wait and see
• Galerie du Soir : Justine Montagner
• Boîte noire : Sandrine Lopez,
Moshé
“Moshé est un traité qui tient à la
fois de la confession négative et de
l’essai conjectural. Son propos, s’il en
est un manifeste, est une invitation à
considérer ce qui a force improbable
d’opposition au néant absolu ou à ce
cauchemar répété que nous appelons
l’Histoire. La position d’une main grêle,
la courbe de paupières ridées, le profil
de tel être singulier que nous montre
Sandrine Lopez sont rien moins que
dérisoires. Car ce n’est pas Moshé
qu’ils nous dévoilent, mais elle-même
et nous-mêmes, corps et âme.”
Jusqu’au 22.05.16
• Vidéo Spot. Résonance au festival
KICKS!
• Vincent Meessen : “Sire, je suis de
“En guise d’amorce à l’année consal’ôtre pays”
crée aux Collections de la Province
Sous commissariat de Caroline
de Hainaut et du BPS22, le Musée
Dumalin
présente une sélection de vidéos
“Dans son exposition au WIELS, Vincent
permettant de découvrir un échantillon
IKOB/MUSÉE D’ART
Meessen propose une remise en espace
de ce patrimoine. Le BPS22 s’associe
CONTEMPORAIN
de One.Two.Three, le dispositif filmique,
à la cinquième édition du Festival
12 B ROTENBERG, 4700 EUPEN
musical et performatif créé pour le
KICKS! – Regard(s) sur la jeunesse,
T/F+32 (0) 87 56 01 10
Pavillon belge de la dernière Biennale
en proposant plusieurs vidéos de ses
[email protected] – WWW.IKOB.BE
de Venise. One.Two.Three interroge
Collections dont un focus sur la vidéo
•
MUSEUM
= K (x+y)
l’écriture de l’histoire de la dernière
d’Emmanuel Van der Auwera, A certain
D
avant-garde internationale de la
amount of clarity (2014).”
Haider Jabbar, Jonathan Meese,
modernité, qui bouscula de façon si
Du 02.02.au 24.02.16
Hiwa K, Ronny Delrue, Kati Heck,
radicale la conception des rapports
Sven’t Jolle, Guillaume Bijl, Merlin
• UCHRONIES (Collections de la
entre art, politique et vie quotidienne. À
Spie, Adrien Tirtiaux, Johan Van
Province de Hainaut et du BPS22)
travers la collaboration avec de jeunes
Geluwe, Jacques Charlier, Johan
Sous commissariat de Nancy Casielles
musiciennes kinoises, c’est aussi la
Tahon, Luc Tuymans, François
“Dans la fiction littéraire ou cinématorumba comme forme transculturelle qui
Morellet, Yves Zurstrassen, Michaël
graphique, l’uchronie est un genre qui
sert de véhicule à une méditation sur
Borremans, Irmel Kamp, Jeanrepose sur le principe de la réécriture
l’émancipation, projet fondamentalement
Pierre Bredo, Horst Keining, Norbert
de l’Histoire à partir de la modification
irrésolu et condamné à la reprise. Le titre
Huppertz, Ton Slits, Barbara Schulte
d’un élément du passé.Pour cette
de l’exposition relie One.Two.Three à une
Kellinghaus, Koen Vanmechelen,
exposition, l’idée est de proposer une
recherche récente présentée pour la
Marcel Berlanger, Eric Peters,
histoire de l’art “modifiée”, en articulant
première fois au WIELS. Elle prend pour
Paul Schwer, Romain Van Wissen,
les œuvres anciennes, modernes et
point de départ le projet avorté de l’InterEmmanuel Van der Auwera.
contemporaines des Collections de la
nationale situationniste de construire une
“Partant d’une formule mathématique,
Province de Hainaut et du BPS22. En
ville expérimentale sur une île inhabitée
cette exposition analyse la simplicité
associant le passé et le présent, les
au large de l’Italie. La phrase “Sire,
d’une définition qui, au travers d’une
créations locales et internationales,
je suis de l’autre pays”, adaptée par
sélection d’œuvres exposées, quesCENTRE DE LA GRAVURE
tionne le terme de relativité. Jan Hoet
ET DE L’IMAGE IMPRIMÉE
10 RUE DES AMOURS, 7100 LA LOUVIÈRE
l’aurait formulé à sa manière: “Qui boxe
T +32 (0) 64 27 87 27
avec qui ou contre qui ?” Qu’est-ce
[email protected]
qu’un musée, quel art y a sa place et
WWW.CENTREDELAGRAVURE.BE
que peut-on attendre ? Pas de réponse
• Illustre ! Lorsque les œuvres se
nécessaire à cette question, car cette
racontent
dernière vise l’insécurité, la base incon“Il était une fois une exposition qui
tournable pour rendre possible tout
comme un livre ouvert déverse les
processus créatif. Ainsi, une insécurité
extraits d’un conte imaginaire dans les
institutionnelle crée de l’espace pour
salles du musée. Les œuvres proposées
des décisions individuelles—de l’artiste,
recomposent une société onirique
du directeur du musée tout comme
dans laquelle les normes s’inversent.
des visiteurs eux-mêmes. Grâce à une
L’expression de l’imaginaire y fleurit et
mise en dialogue osée des œuvres,
avec lui son lot de mythes et de fables
l’exposition met à l’épreuve l’acceptadont les histoires invraisemblables nous
tion individuelle et collective.”
troublent pour mieux nous interroger.”
(Exposition réalisée en collaboration
(Exposition réalisée en collaboration
avec Philippe Van Cauteren, Directeur
avec la Province de Hainaut)
du SMAK)
Jusqu’au 3.04.15
•L
es éditions Tandem. De la gravure
au livre
CENTRE WALLON D’ART CONTEMDu 12.03 au 24.07.16 (vernissage le 11.03)
PORAIN/LA CHÂTAIGNERAIE
19 CHAUSSÉE DE RAMIOUL, 4400 FLÉMALLE
[email protected] – WWW.CWAC.BE
• De l’Ecole Supérieure des Arts
de la Ville de Liège (ESAVL) à la
Châtaigneraie
“L’exposition propose de découvrir une
dizaine d’artistes sortis de l’ESAVL en
2014 et 2015.“
Du 6.02 au 20.03.16
• Jean Janssis
“Photographe spécialiste de la gomme
bichromatée (procédé photographique
datant du 19ème siècle), Jean Janssis
est également professeur à l’Institut
Supérieur Saint-Luc de Liège. Il nous
propose une sélection de travaux
passés mais aussi ses recherches
nouvelles. Il se propose d’inviter à ses
côtés une série de photographes avec
lesquels il se sent en affinités.”
Du 26.03 au 15.05.16 (vernissage
le 25.03)
GALERIE DÉTOUR
166 AVENUE JEAN MATERNE, 5100 JAMBES
T +32 (0) 81 24 64 43
[email protected]
WWW.GALERIEDETOUR.BE
• Emmanuel Kervyn
Jusqu’au 13.02.16
MAC’S
MUSÉE DES ARTS CONTEMPORAINS
DE LA FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES
82 RUE SAINTE-LOUISE, 7301 HORNU
T +32 (0) 65 65 21 21 – WWW.MAC-S.BE
• Jacques Charlier, Peintures pour
tous
Du 28.02 au 22.05.2016 (voir “intramuros“)
CENTRE CULTUREL DE MARCHIN
4 PLACE DE GRAND-MARCHIN, 4570 MARCHIN
T +32 (0) 85 41 35 38
•S
ophie Legros, Sheila De La Cal
Perez et Evelyn Vanoverbeke (peinture, dessin, sculpture)
Du 7.02 au 6.03.16
•S
ylvie Canonne, Florence Cats,
Sophie Depoortere, Loïc Desroeux,
Carmine De Swerts, Anne Marie
Finné, Claire Lavendhomme,
Henriette Michaux, Elodie
Moreau, Florence Paulus, Romain
Vingerhoets (dessin)
Du 13.03 au 10.04.16
•E
mmanuel Dundic et Sven
Verhaeghe (peinture, dessin,
sculpture)
Du 24.04 au 22.05.16
WCC-BF/WORLD CRAFT COUNCIL
SITE DES ANCIENS ABATTOIRS
17/02 RUE DE LA TROUILLE, 7000 MONS
[email protected]
WWW.WCC-BF.ORG
• La vitrine des créateurs
“La vitrine des créateurs présente en
permanence les créations les plus
récentes de ses membres. Depuis
janvier 2016, cette vitrine met l’accent
sur les trois artistes retenus par le jury
annuel de sélection en novembre 2015 :
Philippe Brodzki, Catherine Delbruyère
et Olga Mathey. Les œuvres proposées
dans cet espace se renouvellent au
rythme des expositions temporaires
pour promouvoir les dernières créations des artistes membres et offrir une
variété de découvertes aux visiteurs.”
Février/mars/avril 2016
de la collection commandés par SMart • Carte blanche à Caméra Etc./Ping.
Pong#24
à Benoit Piret.
“Une soirée musiques live – cinéma
“Organisée depuis 2008 autour des
d’animation spécialement concoctée
“Portraits d’artistes”, compris dans tous
pour l’occasion par l’équipe de Camera
les sens du terme, la collection rassemble un panorama d’œuvres belges
etc. Basé à Liège, Camera etc. est un
et internationales dans lesquelles les
atelier de production où enfants, jeunes
artistes, depuis les années 60 jusqu’à
et adultes réalisent des films d’animation de manière collective, avec l’aide
aujourd’hui, construisent une image
de professionnels.”
d’eux-mêmes. L’exposition revisitera la
collection à travers un double regard :
Le 13.04.16 à 19h
intérieur et extérieur.“
Du 5.02 au 16.04.16
MUSÉE ROYAL DE MARIEMONT
100 CHAUSSÉE DE MARIEMONT
M 68 / 59
sons anatomiques sulfureuses, la poupée est devenue l’une des obsessions
des artistes qui la vouent à toutes les
métamorphoses. De détournements
surréalistes en étendard féministe,
elle incarne des préoccupations très
actuelles. Comme si ces jeux de poupées, tenus d’emblée pour inoffensifs,
permettaient d’aborder quelques-uns
des grands interdits de notre temps.”
Edition d’un catalogue (Textes de
Michel Manson, historien, Véronique
Bergen, philosophe, et Isabelle de
Longrée)
Du 19.03 au 26.06.16 (vernissage le
18.03)
•S
tripburger – Attention Work !
“Stripburger est un fanzine slovène
né dans la célèbre zone alternative
Metelkova en plein cœur de la capitale
slovène, Ljubljana. C’est en 1992 que
leur premier numéro a été publié, sur
le simple constat de l’absence d’un
magazine de bande dessinée contemporaine en Slovénie. En raison de la
petite production locale et des affinités
exploratoires du collectif, le magazine
publiait autant de BD étrangères que
d’artistes locaux. Un mélange de
styles, d’influences et de récits qui
reste l’une des caractéristiques les plus
intéressantes de leur ligne éditoriale.
Stripburger déploie également une
grande énergie à publier des éditions
MAISON DE LA CULTURE
spéciales dont Stripburek, anthologie
DE TOURNAI
BD DES FRÈRES RIMBAUT, 7500 TOURNAI
de la bande dessinée d’Europe cenT +32 (0) 69 25 30 80
trale et orientale. C’est ainsi qu’inspiré
[email protected]
par la situation sociale et l’évolution de
WWW.MAISONCULTURETOURNAI.COM
la valeur travail, Stripburger a publié
• Alain Ceysens. 50 ans : étapes d’un
Workburger international Comics
parcours-Focus : outils d’artistes
Anthology, qui met en avant les œuvres
et d’artisans
d’artistes de réputation mondiale
“Dans cette exposition, j’ai voulu mettre
dans le milieu de la bande dessinée
l’accent sur un travail en cours : photoalternative. L’exposition présente une
graphier des outils. Les outils, dans leur
réflexion multiforme de cette relation
matière, gardent les traces de la main
antagoniste, alimentée par la tension
de l’homme qui les a manipulés. La
persistante entre la valeur et l’évaluaphotographie est particulièrement bien
tion du travail.“
adaptée a rendre compte du temps
Du 18.03 au 30.04.16
et du labeur qui s’est inscrit dans ces
outils. Dans ma manière de les photoTAMAT/CENTRE D’ART
graphier, je me mets dans la tradition
CONTEMPORAIN DU TEXTILE
photographique de Karl Blossfeldt et
DE LA FÉDÉRATION WALLONIEWalker Evans.“
BRUXELLES
9 PLACE REINE ASTRID, 7500 TOURNAI
Jusqu’au 21.02.16
• Aurélien Débat
7140 MORLANWELZ
T +32 (0) 64 21 21 93
“L’artiste français Aurélien Débat
[email protected]
travaille dans le champ très diversifié
WWW.MUSEE-MARIEMONT.BEI
de la littérature jeunesse et graphique.
Anne-Sophie Guillet,
S’intégrant aux différents domaines
Sans titre,
• Un esprit japonais. Gisbert
2013
que sont l’illustration, la communicaCombaz, la céramique japonaise et
tion visuelle, le design et l’architecla création belge
LES DRAPIERS
ture, Débat met en œuvre une foule
Sous commissariat de Catherine
68 RUE HORS-CHÂTEAU, 4000 LIÈGE
d’images imprimées, de volumes,
Noppe et Ludovic Recchia
T +32 (0) 4 22 37 53
d’objets et de jeux. L’ensemble pré“L’année 2016 s’ouvrira sur une
WWW.LESDRAPIERS.BE
senté comporte deux facettes : d’une
exposition temporaire consacrée à la
• Alice Leens, Théorie des Cordes
part, le projet Tamponville, réalisé
céramique japonaise de la période Edo
“Alice Leens élabore un vocabulaire
en collaboration avec un architecte,
(1603 –1868) telle qu’elle apparaît dans
plastique pour faire de la base textile
propose une série d’éléments urbains à
la collection personnelle de l’artiste
une unité de géométrie appliquée. De
tamponner, sorte d’alphabet graphique
belge Gisbert Combaz (1869 –1941).
la formule originelle naît la chair. La
qui permet de construire des villes
En effet, non moins de quarante-sept
ligne pure se détache du plan et
réelles ou imaginaires ; le second proœuvres ayant appartenu à ce peintre et
devient sculpture, tressée, entrelajet, Cabanes, interactif lui aussi, offre
affichiste “fin de siècle”, qui fut aussi un
cée, la surface gagne en épaisseur
au visiteur de se créer un refuge avec
orientaliste reconnu, de même qu’un
et devient architecture. Le textile est
des boîtes en carton sérigraphiées
enseignant dévoué et passionné, se
définitivement un langage plastique
mises à sa disposition.”
trouvent aujourd’hui à Mariemont et
et sémantique. Une autre partie du
seront alors dévoilées pour la première
Du 23.04 au 22.05.16
travail d’Alice Leens, en écho avec la
fois. Parmi elles, des objets décoratifs
première, consiste en un archivage de • Anne-Sophie Guillet, Inner Self
(okimono) comme on les aimait au
“Anne-Sophie Guillet explore, à
documents sur une manufacture de
19ème siècle, des ustensiles destinés
travers une série de portraits troubles
fil fantaisie et d’évocations résiduelles
au cabinet du calligraphe, quelques
et pénétrants, l’énigme de l’identité
reconstituées. Des sculptures de fils,
• Trajectoires parallèles
vases, des bouteilles à saké et, bien
quand elle se percute à une indécision
évoquant les bobines, échos plastiques
Sous commissariat de Bruno Gerard et
entendu, des céramiques utilisées pour
de genre. En face-à-face, avec
d’une absence, l’inventaire de modèles
Jacky Legge
la cérémonie du thé.”
nuance, distance et respect, elle
de fils, interrogent la mémoire du fil et
“Montrer c’est mettre en lumière !
Jusqu’au 10.04.16
élabore la singularité de ses modèles,
ses liens avec notre histoire.“ Lumière éblouissante, alors qu’auchacun
seul
face
à
cette
caractérisjourd’hui quelques groupes de
Jusqu’au 12.03.16
MAISON DE LA CULTURE
tique commune qui les rassemble, un
personnes tentent de commercialiser
DE LA PROVINCE DE NAMUR
mot de 3 lettres : “qui ?”
cet art (souvent considéré comme brut)
LES CHIROUX
14 B AVENUE GOLENVAUX, 5000 NAMUR
8 PLACE DES CARMES, 4000 LIÈGE
T +32 (0) 81 77 73
Du 4.02 au 10.04.16, Galerie Satellite,
à outrance et ainsi monopoliser ces
T +32 (0) 4 223 19 60 – [email protected]
WWW.PROVINCE.NAMUR.BE
Cinéma Churchill, 20 rue du Mouton blanc
travaux pour quelques investisseurs, il
WWW.CHIROUX.BE
à 4000 Liège
reste des îlots non pas de résistance
• Pop impact/Woman artists
• De profil et de face : la collection
mais d’indifférence à toute cette gestiE. Axel, M. Bastin, P. Boty, M.
• USSR 1926 par We Stood Like
SMart ‘Portraits d’Artistes’
culation monétaire. Toutes ces œuvres
Canneel, N. de Saint Phalle, S. Fleury,
Kings/Ping.Pong #23
Sous le commissariat de Judith
sélectionnées sont intenses, bouleJ. Haworth, A. Szapocznikow
“Le nouveau projet de We Stood Like
Verhoeven (conservatrice de la
versantes, elles remettent en question
Kings, USSR 1926, est consacré à l’un • Louis-Marie Londot
collection) et Anne-Françoise Lesuisse
nos notions académiques du “beau”
des premiers films du réalisateur russe
Jusqu’au 14.02.16
(coordinatrice du secteur arts plaset plus encore le regard que nous
Dziga Vertov, La Sixième Partie du
tiques aux Chiroux). Avec (sous réserve
pourrions porter sur la société. Sans
monde, qui narre un voyage à travers
• Poupées et tabous, le double jeu
de confirmation) : Hélène Amouzou,
faire de politique, elles changent notre
l’union soviétique au début du siècle
des artistes contemporains
Stephan Balleux, Fred Bervoets,
regard stéréotypé sur la différence,
passé. Témoignage de “ciné-vérité /
Sous commissariat d’Isabelle de
Thomas Chable, Daniel Chust Peters,
ces rencontres nous rapprochent de
ciné-œil” cher à Vertov, le film est perLongrée
Teun Hocks, Jacques Lennep, Emilio
l’être humain et nous questionnent sur
cuté par les compositions sonores de
Arman, Alice Anderson, Hans
López-Menchero, Frank Maieu,
nous-mêmes.“
We Stood Like Kings, entre harmonie
Bellmer, Pierre Molinier, Pascal
Jean-Pierre Marquet, Michaël
Du 27.02 au 10.04.16
et contrastes.”
Bernier, Pascale Marthine Tayou,
Matthys, Johan Muyle, Fabrice
Cindy Sherman…
Le
17.02.16
à
19h
Neaud, Jean-Pierre Ransonnet ainsi
“Depuis Hans Bellmer et ses déclinaiqu’une sélection de portraits d’artistes
T +32 (0) 69 23 42 85
[email protected] – WWW.TAMAT.BE
•P
ortes ouvertes des ateliers de
recherches (Boursiers du TAMAT)
Le 5.04.16
•C
ollections permanentes
Jusqu’en juillet 2016
KOMPLOT
NOUVELLE ADRESSE :
90 CHAUSSÉE DE FOREST, 1060 BRUXELLES
WWW.KMPLT.BE
• Marie-Fleur Lefebvre
Jusqu’au 20.02.16
• Alex Morrison
Du 27.02 au 26.03.16
• Régis Jocteur Monrozier
Du 2 au 23.04.16
PRIX
& APPEL
Agendas etc
Prix Médiatine
Le Prix Médiatine s’adresse à des artistes de 18 à 40 ans, quels que soient
leur parcours artistique et leur technique. Reflet de la recherche plastique
contemporaine, ce concours fait appel
aux jeunes plasticiens souhaitant dynamiser la création actuelle et confronter
leur réflexion au regard d’un jury
professionnel. Sept prix récompenseront les lauréats dont les œuvres seront
exposées, ainsi que celles des artistes
sélectionnés, lors d’une exposition à
La Médiatine qui aura lieu du 11.03 au
10.04.16. Un catalogue sera également
publié à cette occasion.
> Les candidats auront entre 18 et 40 ans
et résideront en Belgique depuis au moins
un an. Ils apporteront 3 œuvres, un cv
et un dossier de présentation de format
A4. Ils s’inscriront avant le 12.02.16
sur l’adresse : www.docs.google.com/
forms/d/1wC5I7fWRLUGet8-vnKJiQcCV3hOj5cOE1spHoJudNeo/viewform?c=0&w=1
et s’acquitteront d’un droit d’inscription de
10 euros à payer sur place lors du dépôt des
œuvres.
Renseignements : T +32 (0) 2 761 60 15
M 68/ 60
Bourse de recherche en reliure
de création
L’Atelier du Livre de Mariemont poursuit
sa mission, initiée en 2010, destinée à
susciter l’innovation dans le domaine
de la reliure d’art. L’action consiste à
octroyer tous les 3 ans une bourse
destinée à encourager la recherche
en reliure de création. Il s’agit de
développer, dans les techniques,
fonctions et concepts liés à l’art de la
reliure, une recherche novatrice inscrite
dans une démarche esthétique. Cette
recherche doit inclure la conceptualisation et la réalisation matérielle du projet.
Le concours est ouvert à tous les
ressortissants de l’Union européenne
(et Confédération suisse), diplômés
ou autodidactes. Le dossier de
candidature à remettre au plus tard le
1.05.16 doit contenir : un cv qui précise
les cycles d’études terminés ou en
cours, les expositions, les concours…
une documentation sur les réalisations
et/ou le travail déjà effectué ; un programme de recherche motivé exposant
clairement le projet et sa mise en
œuvre. Celui-ci doit être accompagné
d’une maquette. Le dossier sera rédigé
en français et n’excédera pas 10 pages
de format A4. L’évaluation des dossiers
et la sélection du candidat boursier
seront effectuées par un jury international composé de relieurs professionnels
et de spécialistes de la reliure. La
durée de la recherche a été fixée du
1.09 au 31.12.17. Tous les 4 mois, le
chercheur devra présenter au comité
d’accompagnement un rapport écrit
et toute trace matérielle de l’évolution
de ses recherches. Ces rencontres
s’effectueront au Musée royal de
Mariemont (Belgique). Le montant de
la bourse porté à 8.000 euros payables
en 4 versements inclut tous les frais liés
à la recherche (matériel, fournitures,
déplacements). Le boursier s’engage
à rendre publics les résultats de sa
recherche. Des moyens de diffusion
(rencontre, publication, exposition…)
seront mis en place en partenariat avec
l’Atelier du Livre.
> Le dossier de candidature est à envoyer
au secrétariat de l’Atelier pour 1.05.16 au
plus tard. À l’adresse : Atelier du Livre de
Mariemont, c/o Musée royal de Mariemont,
100 Chaussée de Mariemont, 7140
Morlanwelz – Belgique. Renseignements :
T +32 (0) 64 27 37 00
[email protected]
Sites en Ligne
Sites en Ligne est un symposium de
sculptures et installations en milieu
naturel se déroulant tous les deux ans
dans le bois de Ligne à Silly (B).Cette
9ème édition prendra place du 22 au
28.08.16. Une trentaine d’artistes ou
collectifs, toutes formations, nationalités et expériences confondues, sont
invités, sur sélection de leur dossier, à
réaliser leur projet dans une des deux
disciplines proposées, l’installation et
la taille de tronc. Les réalisations finales
font l’objet d’une exposition le weekend qui clôture la semaine de création
et se voient attribuer, le cas échéant,
trois prix d’une valeur de 1.250 euros
chacun en fin d’exposition.
> Les dossiers de candidature doivent être
remis au plus tard le 31.03.16 à l’adresse :
Asbl Sites en Ligne, 49, rue des Vignes,
1020 Bruxelles, Belgique ou par email à
[email protected]. Les dossiers de candidatures comprendront un cv, au moins trois
photos de travaux les plus récents, un explicatif écrit du projet, au moins trois croquis explicites du projet à réaliser, une description des
matériaux utilisés, le formulaire d’inscription
complété et signé. Pour plus d’informations ou
pour télécharger le formulaire d’inscription,
il convient de consulter le site internet
www.sitesenligne.be d'envoyer un mail à
[email protected] ou de contacter Rosalie
Stevens au T +32 (0) 489 866 796
Hors d’œuvre
L’iselp lance la sixième édition du
concours Hors d’œuvre, pour la
conception et la réalisation d’une œuvre
originale s’intégrant pour une année
dans son espace de restauration, Le
Café de L’iselp. Le travail se conçoit
comme une installation in situ ouverte
à tout médium. Le concours s’adresse
à tout créateur, sans limite d'âge,
de nationalité belge ou résidant en
Belgique. Le lauréat désigné par un jury,
dispose d’un montant de 2.500 euros.
L’inauguration officielle de l’œuvre aura
lieu au mois de septembre 2016.
> La date limite de dépôt des dossiers a été
fixée au 25.04.16. Renseignements :
www.iselp.be
Festival du Film Sur L’art
Comme chaque année, L’iselp et le
Centre du Film sur l’Art lancent un
appel à documentaires pour le Festival
du Film sur l’Art. Les films doivent
répondre à trois critères : être réalisés
en 2015 ou 2016, avoir l’art pour sujet
et un lien avec la Belgique. Le festival
présentera les films sélectionnés à
l’automne 2016. Une bourse d'écriture
pour jeunes auteurs est aussi proposée.
> La date limite d’envoi des films a été fixée
au 11.07.16. Renseignements :
www.iselp.be
Exposition ETE 2016 Les Moyens
du Bord, Morlaix (Nord Finistère)
Depuis 1998, l'association Les Moyens
du Bord anime un projet lié à l'art
contemporain sur le territoire du Pays de
Morlaix. Elle met en place une programmation artistique dont les dimensions
peuvent toucher aux questions
sociales, environnementales ou encore
éducatives. L'association souhaite par
un projet artistique investir le champ
de la citoyenneté et s'interroger sur les
nouveaux lieux d'expérimentation de
la démocratie. Ce projet aura comme
point d'ancrage une exposition aux
Moyens du Bord, à la Manufacture des
tabacs, du 18 juin au 18 septembre
2016. L'association dispose d'un budget
artistique de 3000 euros qui devra
être réparti en fonction des différents
projets (pièces existantes ou à créer,
durée du temps de la production, pièce
évolutive ...).
> Chaque artiste souhaitant participer
devra faire parvenir par mail : [email protected] ou par courrier
(Les Moyens du Bord, Manufacture des
Tabacs - 41, quai de Léon, Cour des artistes
- FR–29600 Morlaix) un dossier avant le
15.02.16. Renseignements : les Moyens
du Bord, Manufacture des Tabacs, cour des
artistes, 41, quai du Léon, F-29600 Morlaix T +33 (0) 2 98 88 25 62
[email protected]
RÉSULTATS
Bob361,
Gate 15,
© Bob361 Architecten
d’art, Fédération Wallonie Bruxelles,
Patricia Domingues, lauréate du Prix
Jeune Talent, Tiphaine Lemonnier,
lauréate du Prix Mons 2015.
Les lauréats de l’Académie royale de
Belgique sont désormais connus pour
l’année 2015 : • Le Prix de Concours annuel en
Création artistique – Peinture a été
décerné à Julien Saudubray.
• Le Prix de Concours annuel en
Création artistique – Image imprimée a
été octroyé à Charlotte Flamand.
• Le Prix Jos Albert de Peinture a été
octroyé à Pierre Maurcot.
• Le Prix Emma du Cayla-Martin de
peinture a été décerné à Léopoldine
Roux.
• Le Prix Marcel Hastir du portrait
sculpté a été décerné à Flore de
Mailllard.
• Le Prix Laure Verijdt – Céramique
d’art a été octroyé à Sofi Van
Saltbommel. Le jury a aussi octroyé
une mention à Caroline Andrin.
• Le Prix Paul Bonduelle – Architecture
a été octroyé à Jean Magerand.
• Le Prix Jean De Ligne – Architecture
et Urbanisme a été décerné à Martin
Gillot.
• La Bourse de la Fondation Laure et
Julien Vanhove-Vonnêche d’aide à la
formation en restauration architecturale
a été décernée à Pieter-Jan Debuyst.
• Le Prix Arthur Merghelynck – Histoire
de l’Art en Belgique a été octroyé à
Michèle Goslar.
Les lauréats du Prix des arts européens des arts appliqués sont Monika
Patuzsinska, lauréate du Prix Maître
Elsy Haddad,
Bogota, 2013,
photo argentique noir et blanc.
Les bourses de l’association de mécénat privé SPES viennent d’être remises
à Babette Goossens et à Jacqueline
Hock pour les matières qui nous
concernent, peinture pour la première,
création textile pour la seconde. Les
candidatures pour les bourses (3
bourses de 10.000 euros chacune)
sont à introduire avant le 31.05.16.
Le Prix de la Fondation Boghossian
pour le domaine de la peinture a été
décerné à Hala Azzeddine, pour le
champ du design, le prix est revenu à
Rami Dallé et pour la photographie, à
Elsy Haddad.
Le Prix Louis Schmidt consacré
à l’image imprimée a été décerné
à Patrick van Roy.
Gate 15 (logement et centre communautaire pour étudiants à Anvers) de
Bob361 gagne le Prix belge pour l'architecture 2015 (Lauréat Cat. 3 – Non
Résidentiel Public). Trois autres projets
ont remporté également un prix :
Office Kgdvs pour La Bibliothèque de
Faculté, Gand (Lauréat Cat. 1 – Petites
Interventions), Ono Architectuur pour
Trois Maisons Passives, Borgerhout
(Lauréat Cat. 2 – Habitat Groupé), Hub
pour Le Siège Social Iok, Geel (Lauréat
Cat. 4 – Non Résidentiel Privé)
BIBLIO
M 68 / 61
YELLOW NOW*
15, RUE FRANÇOIS GILON, 4367 CRISNÉE
WWW.YELLOWNOW.BE
• Corinne Maury et Sylvie Rollet, Béla Tarr.
De la colère au tourment,
coll. “Côté cinéma”, 176 p., 23,5 x 16,5 cm, 25 euros,
ISBN : 9782873403737
Agendas etc
“Béla Tarr déclarait en 1987 : “Je déteste les
histoires, puisque les histoires font croire qu’il
s’est passé quelque chose. Or il ne se passe
rien : on fuit une situation pour une autre. De
nos jours, il n’y a que des situations, toutes
les histoires sont dépassées. Il ne reste que
le temps. La seule chose qui soit réelle, c’est
probablement le temps.” Ces propos, qui sont
programmatiques de l’œuvre du cinéaste,
éclairent ce qui l’a amené—à l’orée des années
80—à abandonner l’approche sociocritique
qui fondait ses premiers films dont les histoires
humaines étaient tissées des espoirs déçus
du communisme. Avec la Trilogie démoniaque
(Damnation, Sátántangó, Les Harmonies
Werckmeister), Béla Tarr entame une collaboration avec le romancier László Krasznahorkai. Il
ne cessera, dès lors, de filmer les laissés-pourcompte qui parcourent les plaines boueuses de
la Hongrie postcommuniste et s’égarent dans
des bars vétustes, manipulés par de petits
escrocs. Il élit un formalisme cinématographique strict et singulier : pellicule noir et blanc,
travellings latéraux, longs plans au steadycam
accompagnant ceux qui errent, filoutent, épient
ou, simplement, attendent. Enfermés dans des
situations de désintégration de plus en plus
radicales, hommes et animaux ont surtout pour
lien la pluie, le vent et la boue qui rythment le
quotidien. De la colère et de la révolte des premiers films aux œuvres récentes empreintes de
désillusion, cet ouvrage propose de questionner l’œuvre d’un cinéaste majeur et pourtant
trop méconnu. Une œuvre où se manifeste,
dans un formalisme radical à la beauté noire,
le déclin inflexible des existences et le passage
implacable du temps.”
• Guy Jungblut/Yellow – Jacques Piraprez/
Nutan, Irlande 66/69,
coll. “Côté photos/Les carnets”, 256 p., 17 x 12 cm, 20
euros, ISBN : 9782873403843
“Deux jeunes photographes belges originaires
de Verviers, l'un à l'été 1966, l'autre en 1969,
partent en Irlande pour mener à bien leur travail
de fin d'études en photographie. Quand le
premier, Guy Jungblut (alias Yellow), arrive
à Dublin, il découvre une ville à peu près
conforme à celle que James Joyce a souhaité
préserver dans Ulysse. Le second, Jacques
Piraprez (alias Nutan), sur ses traces, documente lui aussi l'Irlande de la fin des années
60. Leurs photographies en noir et blanc,
indistinctement présentées, montrent une
Irlande, et plus particulièrement sa capitale,
Dublin, cinquante ans après l'Insurrection de
1916—celle qu'on désigne encore sous le
nom de “Pâques sanglantes”—, encore bien
à l'écart du mode de vie du continent, et du
swinging London des Beatles ou des Rolling
Stones. Dans des portraits méticuleusement
construits, on voit et on peut presque sentir
le monde des miséreux du Dublin des années
60 : les femmes, regard aigu et dents serrées,
déterminées, avec leurs cabas, leurs bas
en accordéon et leurs châles ; les hommes
absorbés dans la lecture des journaux et
les buveurs au regard vague dans les vieux
pubs ; les musiciens irlandais autour du pub
O’Donoghue ; les poivrots qui dorment à
la dure dans les cours des immeubles en
exhibant leurs dents cassées ; le bétail dont
les flancs portent la marque de la Couronne
—“Roastbeef pour la vieille Angleterre”—,
que l’on mène sur North Circular Road, vers
le cargo Slieve Bawn…” (mis en vente le
15.04.16)
• Le Monde de Jia Zhang-Ke par JeanMichel Frodon,
coll. “Côté cinéma”, 216 p., 23,5 x 16,5 cm, 28 euros,
ISBN : 9782873403744
“Un long entretien mené avec le réalisateur
sur les lieux de son enfance, ses lieux de travail et de tournage ; un texte historique établissant la place de Jia Zhang-Ke dans le cinéma
chinois et dans le cinéma actuel ; une notice
critique consacrée à chacun de ses films,
longs et courts métrages ; des entretiens avec
ses principaux collaborateurs et des textes
de Jia inédits hors de Chine font de ce livre le
premier ouvrage offrant une visibilité et une
compréhension exhaustive de l’œuvre de ce
cinéaste, et de son importance majeure.”
EDITIONS TANDEM*
42 PLACE D’HYMIÉE, 6280 GERPINNES
[email protected]
• Dans la tourmente des mots,
coll. “Histoire(s) en images”, images de Danièle Nihoul,
22 p. en couleurs,11 x 13 cm, reliées à la manière
japonaise, tirage à 30 exemplaires.
• N° 84, Nicolas Vadot – Vincent Baudoux,
coll. “Conversation avec…”, 108 p., 20 ill., 18 x 11,5
cm, broché, ISBN : 9782873491239
• N° 85, Jean-François Octave – Nancy
Casielles,
coll. “Conversation avec…”,78 p., 32 ill. , Coédition avec le BPS22, 18 x 11,5 cm, broché, ISBN :
9782873491239
• Ève Calingaert, Conversation entre la
main gauche et la main droite. Propos
d’encre,
coll. “Alentours”, 78 p., 2 illustrations, 20,5 x 11,5 cm
• Traces, textes inédits de Dominique
Sintobin, accompagnés de 12 interventions graphiques de Bob Verschueren,
coll. “Textes & Images”, 28,5 x 19 cm, sous étui, toile de
lin, de Véronique Van Mol, 14 doubles pages non reliées,
typographie en caractères mobiles, plomb, tirage 30
exemplaires et 5 exemplaires marqués D.S., B.V, G.B.,
HC I et HC II, Papier BFK Rives 250 g.
ARP2*
39/2 AVENUE WINSTON CHURCHILL, 1180 BRUXELLES
WWW.ARPEDITIONS.ORG
• Home Street Home, préface de Luc
Schuiten, essai d’Antonio Guzman, photographies d'André, Cop, Alves, Jésus,
Dennis, Sarah, Ongong, Pathe,
96 p., 19 x 24 cm, 25 euros, ISBN : 9782930115382
“L'ouvrage Home Street Home donne la parole,
par l'image, à des habitants de la rue. Au croisement de diverses approches ces images, aux
intentions multiples, donnent à voir le rapport
que leurs auteurs entretiennent à la ville, à la
rue. Photographies comme document, comme
expérience plastique, comme reportage, elles
sont toutes le truchement d'un regard qui
questionne notre rapport à l'altérité, à la civilité
et nous invitent, loin de toute injonction morale,
à recomposer le nôtre.”
ESPERLUÈTE ÉDITIONS*
9 RUE DE NOVILLE, 5310 NOVILLE-SUR-MEHAIGNE
WWW.ESPERLUETE.BE
• Denis Grégoire, Reliure à la ligne “A la
ligne” Binding. La portée invisible/The
invisible stave,
96 p., 16,5 x 23 cm, F/A, imprimé en offset, reliure fil de
lin, 25 euros, ISBN : 9782359840636, en coédition avec
l’asbl atelier du livre (Mariemont)
“Cet ouvrage présente les résultats des
recherches développées par Denis Grégoire,
relieur et designer du livre, dans le cadre de la
deuxième bourse de recherche en reliure de
création (2013-2014) octroyée par l’Atelier du
Livre de Mariemont. Sélectionné pour un projet
autour d’une couture avec fil de nylon sur une
couverture souple, le lauréat a mis au point “la
reliure à la ligne”, une nouvelle technique de
reliure esthétique, rapide, innovante et réversible, offrant une ouverture optimale du livre et
une grande liberté de création. L’intérêt de la
publication est d’offrir un manuel clair et précis
incluant l’utilisation de logiciels de dessin, de
mise en page et de machines à découpes.”
• Mes Pénélopes, texte de Carol Vanni,
peintures de Véronique Decoster,
104 p., 11 x 19 cm, 16 euros
“Dans ce récit mosaïque, chaque Pénélope
égrène un moment de vie. Elles disent je et
déclinent leur âge. Elles sont femmes pour
la plupart, mais pas toujours, elles sont ce
qui nous rattache à la vie : les temps simples,
les joies intenses, les peines, les doutes, les
changements de cap… Ces moments, Carol
Vanni nous les livre dans une langue issue de
son expérience de l’oralité et du mouvement.
Le long polissement de ce texte, induit par une
attention particulière au temps, offre une simplicité de façade qui touche au cœur. Véronique
Decoster lui répond en puisant dans une série
intitulée Intervalle comprenant déjà plus d’une
centaine de peintures, où elle rassemble des
images quotidiennes sorties d’albums de
famille.”
• L'odeur de la viande, texte de Gregory
Forstner,
80 p., 14 x 20 cm, 16 euros
“Gregory Forstner peint comme il écrit, comme
il nage, comme il aime, comme il vit : entièrement, sans compromis. Dans cet ensemble
de textes qu’il a sous-titré portrait de l’artiste
en jeune homme, il donne à voir l’origine de sa
peinture et sa mythologie personnelle. Marqué
par une hérédité complexe, par la mer et par
la puissance des images, il choisit la peinture,
dont la force est de polariser l’attention de
manière durable. Avec ce récit, il offre à la fois
une introduction à son travail et une réflexion
sur ses préoccupations de peintre.”
JEUNESSE ET ARTS PLASTIQUES/JAP*
23 RUE RAVENSTEIN, 1000 BRUXELLES
WWW.JAP.BE
• Gianni Motti, Motti di Spirito,
7 cartes postales collées sur passe-partout, édition tirée
à 61 exemplaires, 220 euros
“Gianni Motti enverra à l’acquéreur une carte
(issue de ce jeu de 7) signée et numérotée qui
devra être collée à l’emplacement prévu à cet
effet.”
KOMPLOT
WWW.KMPLT.BE
• The Cure, introduction de Sonia
Dermience,
Avec les écrivains et contributeurs : Felicia
Atkinson (Fr), Anna Barham (Uk), Bruce
Bégout (Fr), Kasper Bosmans (Be),
Michelangelo Corsaro (It), Park C. Myers
(Us), Audrey Cottin (Fr), Laura Herman
(Be), Erika Hock (Kg), Katerina Kana (Gr),
Marie-Fleur Lefèbvre (Fr), Zoë Paul (Uk),
Emmanuelle Quertain (Be), Marthe Ramm
Fortun (No), Alex Reynolds (Uk), Julia Spínola
(Es), Cléo Totti (Be), Pieter Vermeulen (Be),
Catherine Vertige (Be),
192 p., 72 ill. n/b et couleurs, 15 euros
“Ce livre intitulé The Cure est édité par les trois
curateurs, Benjamin Jaubert, Sofie Van Loo et
Stefaan Willems qui ont programmé l'année
2015 à Komplot. Ce livre est le résultat d'une
collaboration divisée en trois chapitres : The
Is No Cure, The Rape - Stiff Hip Gait - The
Catwalk et Passion and Romance. Ce livre est
l'affirmation de trois différentes subjectivités à
travers leurs choix et thématiques. Les designers de Überknackig ont réuni les contribu-
tions d'artistes, penseurs et poètes invités par
les curateurs, sous forme de guide spirituel
comme celui que l'on peut trouver dans le tiroir
d'une chambre d'hôtel et qui vous guide tout au
long de la nuit...” S.D.
ACADÉMIE ROYALE DES BEAUX-ARTS
DE BRUXELLES/ARBA
144 RUE DU MIDI, 1000 BRUXELLES
WWW.ARBA-ESA.BE
• Document, fiction et droit en art contemporain, sld de Jean Arnaud et Bruno
Goosse,
360 p., 16,5 x 23 cm, 28 euros, ISBN : 9791032000342
M 68/ 62
“Le geste artistique consistant à transposer
un document et sa valeur testimoniale de
son lieu naturel—celui de l’information et de
la vérification—dans le champ de l’art, est
fréquent dans l’art moderne et contemporain ;
il conserve néanmoins à chaque fois quelque
chose de sa radicalité initiale, qui mérite
d’être interrogée afin d’en déplier les effets
sans cesse renouvelés. L’équivalence entre
geste documentaire et geste artistique, que
de nombreux artistes affirment aujourd’hui
dans leur travail, conduit-elle—par la porosité
ainsi créée et par la mise en question générale
des catégories—, à la grande indistinction
qu’affectionne le système médiatique et spectaculaire ? S’agit-il plutôt d’un déplacement de
la manière dont faits et fictions se distinguent ?
Ces questions font écho à la technique de la
fiction juridique inventée par le droit romain,
qui nous propose une manière d’envisager
la critique de la hiérarchie commune en
permettant “dans les faits” qu’une fiction
devienne réalité. La stabilité du partage ainsi
révoquée, il s’agit maintenant, par différents
dispositifs plastiques, d’expérimenter la fiction
avec les faits et les faits avec la fiction, comme
il s’agit d’expérimenter l’art avec le monde.
C’est en croisant des approches artistiques,
critiques, philosophiques et juridiques, que
cet ouvrage analyse ces effets tant au niveau
de l’art lui-même, que des reconfigurations
de savoirs qu’il produit, et de notre rapport au
réel. Avec des textes de Michel Guérin, Pascal
Turlan, Kader Attia, Katrin Gattinger, Jean-Luc
Lioult, Danièle Méaux, Julien Cabay, Christine
Buignet, Pierre Baumann, Agence, Sylvie
Coëllier, Denis Briand, Christine Esclapez, Éts.
Decoux, Thomas Golsenne, Michael Murtaugh
et Nicolas Malevé, Nathalie Desmet, Claire
Garnier, Guillaume Désanges, Pascale
Borrel, Éric Valette, Carine et Élisabeth Krecké,
Franck Leibovici, Anne Penders, Susana Dobal,
et Maria Palacios-Cruz.”
HERMAN BYRD
• Revue Art, enseignement & médiation,
Enjeux et pratiques des arts plastiques,
introduction de Dirk Dehouck, textes
de Christian Ruby, Alain Kerlan, RED/
Laboratoire pédagogique, Julie Praet
&Vincent Mathyn, Bertrand-André Gaillot,
Sandrine Morsillo, Didier Decoux, Anne
Dejaifve, Marie-José Muller-Llorca,
[email protected]
WWW.WELCOMETOLESALON.BE
• Herman Byrd, Le Morning, coordonné par
Sébastien Reuzé,
132 p., photocopies n/b sur papier Evercopy Plus
Recycled 80g, 29,7 x 42 cm, 20 euros
“Morning est un journal photocopié A3 imprimé
en n/b qui a été publié cinq jours par semaine,
du 21 juin au 25 septembre 2015, et distribué
tous les jours au Le Night, un bar du centreville de Bazouges-la-Pérouse, un village de
Bretagne. Morning combine les dernières nouvelles avec les œuvres de l’artiste, des textes,
de la publicité locale, etc. Morning est un projet
d’Herman Byrd, avatar créé par des artistes
(Erwan Mahéo, Sébastien Reuzé, et Margaux
Schwartz), basés à Bruxelles.”
128 p., 16,5 x 23 cm, 10 euros
“La revue Art, enseignement & médiation a
pour ambition de donner une visibilité aux
questionnements qui relèvent de la transmission tant du côté des pratiques d’enseignement
de l’art en Europe que du côté des pratiques
artistiques qui expérimentent et interrogent
l’acte pédagogique. Conjointement la revue entend développer une réflexion sur les pratiques
de la médiation au sein des institutions et des
médias. L’attention ainsi portée aux dispositifs
opérant dans le champ de la transmission et
des pratiques artistiques et pédagogiques
explique la volonté de faire place à des contributions porteuses d’interrogations situées dans
une pratique effective. Dans cette perspective,
la revue fait place à des contributions d’auteurs
et de praticiens du domaine de l’enseignement
des arts, d’artistes, de chercheurs universitaires, des professionnels du monde de l’art,
etc.”
EDITIONS FOURRE-TOUT
43 RUE FOND-PIRETTE, B-4000 LIÈGE
WWW.PIERREHEBBELINCK.NET/FOURRETOUT
• Bojana au cube, texte de Nicolas
Depoutot, Pierre Hebbelinck, Luca Ortelli,
146 p. en photocopies noir et blanc, agrafées sur
carton., 29 x 7 x 1 cm, 200g, 35 euros, ISBN :
9782930525143
“Ce livre est le second opus de la collection INTRAMUROS. Si le premier titre de la
collection était le numéro de projet 296 et avait
été fabriqué sur la photocopieuse de l’atelier
d’architecture, ce nouveau titre Bojana au Cube
l’a été sur les presses de l’Ecole Nationale
d’Architecture de Strasbourg, avec l’aide
précieuse des étudiants sous la direction de
Nicolas Depoutot. Il représente la prolongation
éditoriale du processus pédagogique élaboré
lors d’une année académique au cours de
• Herman Byrd, WAVE IX.,
42 x 29,7 cm, photocopie A3 recto-verso noir et blanc.
“WAVE IX est un journal éclectique, dont
chaque numéro concernera un seul sujet.”
Le journal a été lancé chez Island le 28.01.2016
(www.island.be), il paraîtra à dates variables.
Ed. Herman Byrd
laquelle des centaines de maquettes au format
10*10 cm ont été produites. Remplissant
complètement le format de la collection (un
tiers d’A4 en paysage), les photographies de
ces volumes constituent le catalogue exhaustif
de ce travail forcené, accompagnées d’une
retranscription de la conférence Le chemin
fascinant et mystérieux, enseigner et apprendre
le projet, de Luca Ortelli.”
GEVAERT EDITIONS
10 RUE DU CHAPEAU, 1070 BRUSSELS
WWW.GEVAERTEDITION.BE
• Raphaël Van Lerberghe, Les premiers
hautbois sont les mieux payés,
24 dessins au crayon noir sur papier guards and bounded, 84,5 x 60,5 cm, édition limitée à 5 exemplaires,
signés et numérotés par l’artiste.
PIERRE TOBY
WWW.PIERRETOBY.COM
Ed. Pierre Toby
• Pierre Toby, Déplacements-movings,
textes de Victor Hugo Riego et Christian
Debuyst,
48 p., 32 visuels couleurs, 29 x 22,5 cm, F/A, tirage
offset, édité à 500 exemplaires à compte d’auteur (avec
le soutien d’Eté 78), 20 euros, ISBN : 9789090294735
“On peut facilement comprendre dans ses installations et dans ses superpositions de verres
où il emprisonne ou non de la couleur, voire de
la lumière, pourquoi il isole ces formes dans un
lieu. Pour mieux comprendre le phénomène de
la violence, il l’isole pour qu’il irradie d’autant
plus, ou il l’étouffe pour mieux nous indiquer sa
persistance.” Victor Hugo Riego
ROSSICONTEMPORARY
RIVOLI BUILDING, GROUND FLOOR #17,
690 CHAUSSÉE DE WATERLOO, 1180 BRUXELLES
WWW.ROSSICONTEMPOORARY.BE
• Manon Bara, T-shirt drawings,
16 p., 34,5 x 24,5 cm, édité à 100 exemplaires dont
certains signés, 10 euros
livre contenant les reproductions de 9 dessins
pour t-shirts de Manon Bara. Au milieu de la
publication est glissée une enveloppe contenant une photo couleur. Couverture coloriée à
la main par l’artiste,
MOREPUBLISHERS
144 BOULEVARD ADOLPHE MAX, 1000 BRUXELLES
WWW.MOREPUBLISHERS.BE
• Tris Vonna-Michell, Scores (Japan),
coll. “Hors série #60”, 19 c-prints, 10 x 15 cm chacun,
montés sur papier Héritage Photocraft, 350 gr, 192,5 x
25 cm, plié en 17,5 x 25 cm, édition limitée à 12 exemplaires (+5EA), signés et numérotés, 500 euros
• Jakob Kolding, We all feel better in the
dark,
coll. “Hors série #62”, impression sérigraphique deux
passages, image: 70,8 x 49, 7 cm, papier : 81 x 60
cm, édition limitée à 25 exemplaires (+5 EA), signés et
numérotés, 190 euros
• Guillaume Bijl, fragment uit’65 belangrijke
en minder belanggrijke foto’s van de 2e
helft van de 20e eeuw,
coll. “Hors série #64”, set de deux photographies encadrées, photo : 12,6 x 18 cm chacune, encadrement : 30 x
40 cm chacun, édition limitée à 20 exemplaires (+5EA),
signés et numérotés, 500 euros
• Raphaël Van Lerberghe, cravate,
coll. “Hors série #63”, carton arrière d’un encadrement
de photo modifié, 21 x 42 x 0,7 cm, édition limitée à 20
exemplaires (+3EA), signés et numérotés, 60 euros
• Sylvie Fleury, Life Can Get Heavy Mascara
Shouldn’t,
coll. “Sunday #37”, 3 impressions offset couleur imprimées sur multi-offset, 120 gr, A1 (84 x 59,4 cm) pliées
en A4 (21 x 29,7 cm), édition limitée à 100 exemplaires
(+7EA), signés et numérotés, 70 euros
ANNICK BLAVIER
WWW.ANNICK-BLAVIER.ORG
• Edition régulière de cartes postales de
collages d’Annick Blavier qui renvoient
à certains collages originaux et grands
tirages aux pigments de l’artiste.
MANUEL LAUTI ÉDITEUR
42 GROTTEWINKELLAAN, 1853 STROMBEEK -BEVER
[email protected]
• Manuel Lauti, Pages inattendues,
128 p., 16 x 22 cm, avec couverture souple sur
papier couché mat 170 gr., F/A/NL, 20 euros , ISBN :
9782805202797
Agendas etc
“C’est avec un regard tendre et amusé que
Manuel Lauti a capturé portraits et instants fugaces de lecture. Il est parti à la rencontre des
gens, à qui il propose un moment de partage,
et suggère à chacun de lui souffler un passage
apprécié de sa lecture ; un reflet de soi-même
qu’il met en résonance avec le portrait. En
parallèle, il surprend la lecture au détour des
rues, où l’inattendu se manifeste comme au
tournant d’une page. Manuel Lauti exprime par
son travail une constante préoccupation pour
l’homme et tout ce que suggèrent ses attitudes
et ses comportements.”
GALLERY EVA STEYNEN.DEVIATION (S)
28 ZURENBORGSTRAA, 2018 ANTWERPEN
WWW.DEVIATIONS.EVASTEYNEN.BE
• Fred Michiels, Too Much Feels Very Good,
essai d’introduction de Grete Simkuté
et Eva Steynen, illustré par Michel
Vaerewijck et Thierry Jorissen,
108 p., 21 x 15 cm, 50 euros
M 68/ 63
MER. PAPER KUNSTHALLE
29 MOLENAARSSTRAAT
9000 GHENT, BELGIUM
WWW.MERPAPERKUNSTHALLE.ORG
• Jasper Rigole, Addenda,
7 livres, 28+32+144+60+40+40+176 p., 16,5 x 11,5
cm, 30 euros, ISBN : 9789492321015
“Addenda est le titre d'une série de publications, qui reflète la pratique que Jasper Rigole
(°1980) a développée durant les dix dernières
années. L'artiste se manifeste comme collectionneur, artiste, archiviste, chercheur, fondateur et employé du fictif Institut international
pour la conservation, l'archivage et la diffusion
d'autres souvenirs du peuple (IICADOM). Ces
sept publications peuvent être considérées
comme un addendum à la pratique de l'artiste
ainsi qu'à chaque publication en tant que telle.
Toutefois, cette déclaration pourrait également
être inversée, le travail lui-même fonctionnerait
comme un addendum à la publication. Centrale
dans le livre de Rigole est l'œuvre 81 choses
que je pensais que je l'avais oublié, dans Rigole
recherche la qualité mnémonique de 81 objets
stockés dans son atelier et comment ceux-ci
fonctionnent dans la pratique de l'artiste.” En
co-production avec KASK, Jubilé, Z33
et Brakke Grond.
• Anne Heyvaert, Plis Pages,
48 p., 26 x 17,5 cm, dos carré cousu collé, offset noir
& blanc, édité à 600 exemplaires, 14 euros, ISBN :
9782914291750
Ed. Incertain Sens
HATJE CANTZ VERLAG
32 ZEPPELINSTRASSE , D-73760 OSTFILDERN WWW.HATJECANTZ.DE
• David Claerbout, Drawings and Studies,
168 p., 24,9 x 30 cm, 40 euros, ISBN : 9783775740265
“David Claerbout est connu pour enquêter
sur l’impact conceptuel du passage du temps
à travers son utilisation de la vidéo et de la
photographie numérique. Son travail interroge
habilement des images fixes pour suggérer un
niveau surnaturel de l’existence, quelque chose
qui pourrait faire référence à un lieu ou un
événement spécifique, mais la chronologie de
ce qui est n’est pas claire, oscille entre passé
et présent. Son œuvre se caractérise par une
attention méticuleuse aux détails de la production, soigneusement créés, souvent sur une
période de plusieurs années. Avec chacun de
ses projets, Claerbout crée un petit nombre de
dessins qui l’aident à réfléchir et à comprendre
ses concepts de manière plus approfondie.”
LES PETITS MATINS
31 RUE FAIDHERBE, F–75011 PARIS
WWW.LESPETITSMATINS.FR
• Sarah Bahr, Embacle,
coll. “Les grands soirs”, 208 p. , 13 x 20 cm, 12 euros,
ISBN : 978363831958
“Une succession de voix et de prénoms
rapporte des événements et des sensations
drôles, absurdes ou quotidiens en un théâtre
de paroles contemporain. L’oralisation du texte
suscite dans Embâcle sa propre mise en scène.
Ici, entre affect et distance, se fabrique un
paysage humain, irruptif, loin de toute tentative
de lissage consensuel. Le livre est accompagné d’une postface de Louis-Jean Teitelbaum,
chercheur et concepteur d’interfaces, et d’un
contrepoint de Marie-France et Patricia Martin,
performeuses.”
ONOMATO EDITION SINE
WWW.ONOMATO.DE
• Chantal Vey, contro-corrente #1. Journal
de voyage, Italie,
186 p., 12,5x19,5 cm, 13 euros, ISBN : 9783944891811
“Inspirée par La longue route de sable, qui
décrit un voyage réalisé par Pier Paolo Pasolini
en 1959, Chantal Vey a suivi cet itinéraire à
contre-courant, en commençant par Trieste
et la région de son enfance. Enrichie du texte
pasolinien, du littoral… En suivant la route et
les rencontres fortuites, Chantal Vey revit les
situations décrites par Pasolini et les interprète
en tant qu’artiste et femme d’aujourd’hui ;
toujours très proche des êtres, comme aimait le
faire Pasolini.”
LES ÉDITIONS INCERTAIN SENS
39 LA BAUDUINAIS, F-35580 SAINT-SENOUX
WWW.INCERTAIN-SENS.ORG
• Les Éditions du Nouveau Remorqueur,
catalogue raisonné, préface de Leszek
Brogowski et notices d’ Aurélie Noury,
200 p., 22,5 x 18,5 cm, dos carré cousu collé, impression quadrichromie,. 27 euros, ISBN : 9782914291637
“Après le catalogue raisonné du Remorqueur
(1976 – 2003), publié en 2003 par le Centre des
livres d’artistes à Saint-Yrieix-la-Perche, les
Éditions Incertain Sens offrent aux lecteurs le
catalogue raisonné du Nouveau Remorqueur.
D’apparence minimaliste (idées simples, formes
élémentaires, réalisations modestes, allures
sobres, etc.), l’œuvre de Bernard Villers est
d’une grande complexité, cultivée et sensible.
Cultivée, car travaillée de manière plus ou
moins invisible par un dialogue avec le langage,
la littérature, la philosophie… ; sensible, car
cherchant ses inspirations dans divers aspects
banals, marginaux ou imperceptibles des
expériences quotidiennes. Autant ses premiers
livres étaient davantage “picturaux”—parfois
des livres-en-tant-qu’objets—autant ceux
que publie Le Nouveau Remorqueur, plus
“conceptuels” que les autres, tiennent compte
du livre comme objet anthropologique : pages
pliées comme support imprimé d’un texte et/
ou de formes plastiques/typographiques,
livres faciles à faire circuler dans l’espace
social et accessibles à toutes les bourses. Il se
reconnaît alors davantage dans l’idée générale
du livre. Toujours est-il que si Bernard Villers
se revendique peintre, tout en étant éditeur de
ses livres, la “matière” de sa peinture s’étend
bien au-delà des formes et des couleurs que
le peintre manie traditionnellement, impliquant
le papier (avec ses qualités sensibles), le pli
(comme opération plastique), l’écriture (comme
objet d’un jeu), la littérature (comme interlocuteur livresque), voire la philosophie (comme
inspiration); et cette énumération n’est sans
doute pas exhaustive.”
“À la manière d’un flip book, Anne Heyvaert
présente, sur chaque page de ce livre, le dessin
d’une feuille pliée en deux s’ouvrant progressivement jusqu’à se refermer : trompe-l’œil d’un
geste que le lecteur accomplit réellement en
tournant les pages du livre qu’il tient entre ses
mains. ‘L’accomplissement du livre est marqué
par le pli : si vous prenez une feuille et la pliez
en deux, ce simple geste génère, sans que
vous n’ayez rien ajouté à la forme première,
plate, simple et inerte, une forme profonde,
complexe et mouvante.’” Michel Melot, Ainsi
pense le pli.
OPTICAL SOUND
WWW.OPTICAL-SOUND.COM
• Collectif opticalsound, numéro trois,
avec Valérie Caradec, Alexandre Castant,
François Coadou, Isabelle de Maison
Rouge, Économie solidaire de l’art,
Ewen Chardronnet, Clément Chéroux,
Julie Crenn, François Deck, Yann
Dumoget, Vincent Epplay, Jean-Baptiste
Farkas, Philippe Franck, Jill Gasparina,
John Giorno, Guy-Marc Hinant, Raphaële
Jeune, Nathalie Leleu, Justin Lieberman,
Arnaud Maguet, Matthieu Martin,
Joachim Montessuis, Olivier Mosset,
Julien Péluchon, Jérôme Poret,
Lee Ranaldo, Alexandre Roccuzzo,
Mabel Tapia, Penelope Umbrico,
couverture cartonnée avec rabat, 256 p., monochrome
violet , 17,5 x 24 x 2 cm, 1000 exemplaires, 15 euros
(version numérique, 4,99 euros)
“Un numéro trois et toujours des pratiques
“frontières” de l’art contemporain. Au sommaire : François Coadou pour la seconde partie
de son article sur le dépassement de l’art chez
Guy Debord, Mabel Tapia et les noms de l’art,
Raphaële Jeune et François Deck, Nathalie
Leleu : des habitués qui depuis maintenant trois
ans et 5 numéros (0, hors série “Manifeste”, 1,
2, et ce n°3) cartographient un territoire de l’art
en extension et en rupture. Pour la première
fois de la fiction avec un extrait du roman
Kendokei de Julien Péluchon. Des textes et
des entretiens glanés ou inédits. Une présence
sonore amplifiée : Vincent Epplay, Joachim
Montessuis, le label Sub Rosa, Jérôme Poret.
Une discussion autour de la musique entamée
en 2009 avec Jean-Baptiste Farkas. Des
figures tutélaires : Elaine Sturtevant, John
Giorno & Lee Ranaldo, Olivier Mosset, etc. De
la photographie aussi avec Penelope Umbrico
et Mathieu Martin. Des rencontres : Ewen
Chardronnet et Justin Lieberman. Un sommaire
kaléïdoscopique avec le même plaisir de
partager des parcours et des engagements
exemplaires dans un contexte de l’art en pleine
mutation.”
EXTRA
MUROS
“L’installation de LAb(au) est située au
sein de la gare centrale et mythique
de King’s Cross jusqu’au Canal
Regent. Utilisant des détecteurs infrarouges pour capturer le flot invisible
d’informations qui nous entoure via les
téléphones portables, les radios et voitures, Binary Waves les transforme en
une présentation unique de lumières,
sons et couleurs.”
PIERRE TOBY
YOUNÈS BABA-ALI
Résidence artistique et participation
au projet d’exposition Ponts Grand
Maghreb
LE 18, RIAD CULTUREL PLURIDISCIPLINAIRE
18 DERB EL FERRANE, RIAD LAAROUSS, MÉDINA
40000 MARRAKECH, MAROC
WWW.LE18.WEEBLY.COM
En parallèle à la 6ème édition de la
Biennale de Marrakech
Du 25.01 au 29.02 au 6.03 2016 (*) M 65 / 64
In RECTO/VERSO
ISABEL BARAONA
ONT EXPOSÉ:
FONDAZIONE PRADA
2 LARGO ISARCO
I‐20135 MILAN
HÉLOÏSE BERNS
Du 6.12.15 au 7.02.16
FUNDAÇÃO D. LUÍS I
CENTRO CULTURAL DE CASCAIS
AV. REI HUMBERTO II DE ITÁLIA
PT‐CASCAIS 2750-800
Le temps de l’instant
GALERIE/LIBRAIRIE LES INSOLITES
28 RUE KHALID IBN OUALID
TANGER, MAROC
WWW.LESINSOLITESTANGER.COM
Du 4 au 17.12.15 (*)
LISE DUCLAUX
Agendas etc
Le temps c’est quand même
de l’espace
Exposition éparpillée au collège
Maxime Deyts de Bailleul
16 RUE JEAN MOULIN
F-59270 BAILLEUL
Du 11 au 18.12.15
PIERRE-JEAN GILOUX
Projection de Metabolism
Dans le cadre des Rencontres internationales à Paris
GAÎTÉ LYRIQUE / AUDITORIUM
3 BIS RUE PAPIN
F-75003 PARIS
WWW.ART-ACTION.ORG
Le 16.01.16
AURÉLIE GRAVELAT
CHANTAL VEY
Contro-corrente #1
GALERIE ONOMATO
97 BIRKENSTRASSE
D‐40233 DÜSSELDORF
WWW.ONOMATO.DE
Du 27.11 au 6.12.15
Friendly Faces
Avec les œuvres de : Charlotte
Beaudry, Martin Belou, JeanBaptiste Bernadet, Sébastien Bonin,
Aline Bouvy, Patrick Carpentier,
Joachim Coucke, Eric Croes, Claire
Decet, Samuel François, Valérian
Goalec, Stephan Goldrajch, Brice
Guilbert, Egon van Herreweghe,
Benjamin Hugard, Martin Laborde,
Jacques Lizene, Julien Meert,
Justin Morin, Benoit Platéus, Robert
Suermondt, David de Tscharner, Jos
de Gruyter & Harald Thys
JOHANNES VOGT GALLERY
526W 26TH STREET, SUITE 205
NEW YORK, NY 10001, USA
WWW.JOHANNESVOGT.NYC
D’une feuille de schiste
Du 19.11 au 19.12.15
2 ANGLES
11 RUE SCHNETZ
F-61100 FLERS
WWW.2ANGLES.ORG
JEAN-BAPTISTE BERNADET
& BENOIT PLATÉUS
Du 28.11.15 au 16.01.16
ALMINE RECH GALLERY LONDON
11 SAVILE ROW, MAYFAIR
UK‐W1S3PG LONDON
WWW.ALMINERECH.COM
LAB(AU)
Exposition individuelle
THE BERMONDSEY PROJECT SPACE
183-185 BERMONDSEY STREET
UK‐SE1 3UW
WWW.BERMONDSEYPROJECT.COM
A l’invitation de la Galerie Mayor
Du 13 au 31.01.16
Participation au Festival Lumière avec
l’installation BinaryWaves
KINGS CROSS, LONDRES
WWW.LUMIERE-FESTIVAL.COM
Du 14 au 17.01.16 (*)
Sea Level
Du 7 au 23.01.16
EXPOSENT :
ÉLODIE ANTOINE
In Sexisme
Exposition collective avec Zoulikha
Bouabdellah, Cindy Sherman et Kiki
Smith
GALERIE MATHIAS COULLAUD 12 RUE DE PICARDIE
F‐75003 PARIS
WWW.MATHIAS-COULLAUD.COM
Jusqu’au 27.02.16
Jusqu’au 26.02.16
THOMAS BERNARDET
Document de travail
Sous commissariat d’Enis Vardar
GALERIE ONOMATO
BIRKENSTRASSE 97
D-40233 DÜSSELDORF
WWW.ONOMATO.DE
WWW.DUESSELDORFPHOTOWEEKEND.DE
Du 12 au 21.02.16
PASCAL BERNIER
In The Value of Food
Sous commissariat de Kirby Gookin et
Robin Kahn
CATHEDRAL ST JOHN THE DIVINE
1047 AMSTERDAM AVENUE AT 112TH STREET
NEW YORK, NY 10025, USA
WWW.STJOHNDIVINE.ORG
Jusqu’au 3.04.16
CÉCILE BERTRAND
& CLAIRE LAVENDHOMME
Participation à la Foire internationale
des Arts appliqués et du Design
Handwerk & Design
A l’invitation du WCC
WILLY-BRANDT-ALLEE 1
D-81829 MUNICH
WWW.IHM-HANDWERK-DESIGN.COM
Du 24.02 au 1er.03.16 (*)
FRANÇOIS CURLET
Frozen Feng Shui
AIR DE PARIS
32 RUE LOUISE WEISS
F-75013 PARIS
WWW.AIRDEPARIS.COM
&
GALERIE MEHDI CHOUAKRI
117 INVALIDENSTRASSE
D-10115 BERLIN
WWW.MEHDI-CHOUAKRI.COM
Jusqu’au 27.02.16
Chantal Vey,
Contro-corrente #1,
vue de l’exposition Galerie Onomato, Düsseldorf, 2015.
Courtesy de l’artiste © Chantal Vey
DELPHINE DEGUISLAGE
In Et quelque(s) espacement(s)
Avec Emilie Duserre, Alexis Judic,
Sophie Kitching, Lucie Le Bouder,
Quentin Lefranc, Juliette Mogenet,
Patrick Tournebœuf
GALERIE MELANIE RIO
56 RUE DE LA FONTAINE AU ROI
F-75011 PARIS
WWW.RGALERIE.COM
Jusqu’au 27.02.16
AGNÈS GEOFFRAY
In A quoi tient la beauté des
étreintes
FRAC AUVERGNE
6 RUE DU TERRAIL
F-63000 CLERMONT-FERRAND
WWW.FRAC-AUVERGNE.FR
Jusqu’au 27.03.16
MAUD FAIVRE
(membre du collectif La Grotte)
Exposition Rivages
LUMIÈRE D’ENCRE
GALERIE ATELIER
47 RUE RÉPUBLIQUE
F-66400 CÉRET
WWW.LUMIEREDENCRE.FR
Janvier 2016
Présentation à la Capelleta à Céret en
juin 2016 de l’exposition Céret, une
géographie, projet photographique réalisé dans le cadre d’une résidence en
trois temps à Céret, de novembre 2015
à mai 2016, à l’invitation de l’association Lumière d’encre. Cette exposition
sera également présentée au Château
royal de Collioure.Présentation du travail artistique au Musée d’art moderne
de Céret, aux festivals Regards et Sèt’à
voir à Sète, ainsi qu’auprès de classes
et structures culturelles du LanguedocRoussillon (*)
LAURE FÔRET
In Dessin quotidien #1
LA MANICLE/SATELLITE BRINDEAU
56 RUE GUSTAVE BRINDEAU
F-76600 LE HAVRE
WWW.LAMANICLE.COM
Jusqu’au 26.02.16
MICHEL FRANÇOIS
In TELE-Gen. The language of
television as reflected in art
1964–2015
KUNSTMUSEUM LIECHTENSTEIN
32 STÄDTLE, POSTFACH 370
9490 VADUZ
LIECHTENSTEIN
Du 19.02 au 16.05.16
GAUTHIER HUBERT
In Personal Space
Avec Jockum Nordström et Chantal
Joffe
THE NATIONAL GALLERY OF ICELAND
FRIKIRKJUVEDI 7
101 REYKJAVÍK, ISLANDE
WWW.LISTASAFN.IS
Jusqu’au 1er.05.16
SANDRA ISSA
Résidence de création artistique
KLAUSTRID ARTIST-IN-RESIDENCE PROGRAM
GUNNARSSTOFNUN
SKRIDUKLAUSTUR
IS-701 EGILSSTADIR, ISLANDE
WWW.SKRIDUKLAUSTUR.IS
Du 1er au 31.03.16 (*) ANN VERONICA JANSSENS
Solo show
NASHER SCULPTURE CENTER
2001 FLORA STREET
DALLAS, TEXAS 75201, USA
WWW.NASHERSCULPTURECENTER.ORG
Jusqu’au 17.04.16
HAMEDINE KANE
(*) Avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International (WBI)
Résidence artistique au riad culturel
pluridisciplinaire Le 18, à Marrakech,
dans le cadre du projet collectif Ponts
Grand Maghreb, plateforme naissante
entre 5 pays du Maghreb ou environs
(Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et
Tunisie), dont la finalité est de créer des
ponts de réflexion et d’échanges au
sein de ces pays et des pays du Nord.
Cette initiative sera lancée durant la
biennale de Marrakech. Hamedine
Kane y développera le projet vidéo
habiter le monde autour de la thématique des migrants
LE 18, RIAD CULTUREL PLURIDISCIPLINAIRE
18 DERB EL FERRANE, RIAD LAAROUSS, MÉDINA
40000 MARRAKECH, MAROC
WWW.LE18.WEEBLY.COM Jusqu’au 4.03.16 (*)
THÉRÈSE LEBRUN
In Métamorphose du Kaolin
GALERIE TERRA VIVA
14 RUE DE LA FONTAINE
F-30700 ST QUENTIN LA POTERIE
WWW.GALERIE-TERRAVIVA.COM
Du 20.03 au 2.06.16 (*) XAVIER MARY
In The Green Ray
Sous commissariat d’Andrew Hunt
GALERIE WILKINSON
50-58 VYNER STREET
UK-LONDRES E2 9DQ
WWW.WILKINSONGALLERY.COM
Du 27.02 au 10.04.16 (*) JEAN-PIERRE MULLER
Exposition personnelle
CENTRE D’ART WHITEBOX
329 BROOME ST #1
NEW YORK, NY 10002, USA
WWW.WHITEBOXNYC.ORG
M 64 / 65
Du 29.02 au 27.03.16 (*) Les deux projets présentés, ColorBox
et Red Show in A sont le développement du projet global 7X7 (7 sculptures
sonores interactives) présenté en
création au Summerhall dans le cadre
du Festival d’Edimbourg en 2012. Dans le cadre de l’Armory Arts Week
L.E.S. (Lower East Side art district)
WWW.THEARMORYSHOW.COM
PETKO OGNYANOV
Résidence de création artistique pour
y développer le projet The Palindrome
Effect, travail de synthèse sur les liens
de symétrie au sein d’une composition.
SEMA – SEOUL MUSEUM OF ART
SÉOUL, CORÉE DU SUD
WWW.SEMANANJI.SEOUL.GO.KR
Du 11.04 au 30.06.16 (*) ANNA RAIMONDO
Tous belges !
Sous commissariat de Caroline Bissière
& Jean-Paul Blanchet, avec Eglantine
Bélêtre
Avec : Ruud Van Moorleghem, Jan
Fabre, Jan Cock, Maarten Vanden
Eynde, Filip Gilissen, Kelly Schacht,
Emmanuel Van Der Auwera, Thomas
Lerooy, Tinus Vermeersch, Geert
Goiris, Helmut Stallaerts, Pascal
Bernier, Sophie Langohr, Benjamin
Monti, Honoré d’O, Elodie Antoine,
Cris Brodahl, Harold Ancart, Jos
de Gruyter & Harald Thys, David
Claerbout…
Résidence artistique à Marrakech, à
l’invitation de Le Cube, Independent
Art Room
2 RUE BENZERTE
RABAT, MAROC
WWW.LECUBE-ART.COM
Dans le cadre d’une carte blanche
pour le projet La Serre, projet collectif
proposé pour le off de la Biennale de
Marrakech en partenariat avec les espaces indépendants Le 18 (Marrakech)
et Saout Radio (Bruxelles-Casablanca)
Du 3 au 29.02.16 (*)
JONATHAN SULLAM
In Only lovers
Sous commissariat de Timothée
Chaillou
Élodie Antoine,
Feutresable,
2015, acrylique, feutre, 26 x 17 x 20cm. Courtesy Aeroplastics
LE CŒUR
83 RUE DE TURENNE
F-75003 PARIS
WWW.LECOEUR-PARIS.COM
MOSSO ASBL
Jusqu’au 21.02.16
FREDERIC THIRY
Tout en papier
MILLEGALERIE
103 HUEWELERSTROOSS
L-8521 BECKERICH
WWW.DMILLEN.LU
Jusqu’au 14.02.16
PAULINE TONGLET
In Ongoing h/Histories, exposition
sur la thématique de la mémoire
collective
STUDIO GALLERY
U. 35 ROTTENBILLER
1077 BUDAPEST, HONGRIE
WWW.STUDIO.C3.HU
Du 9 au 25.03.16 (*) MICHAEL VERLINDEN
Installation Cubix
In Biennale d’Arts numériques
Oddstream Festival
23 RIDDERSTRAAT
NL-6511 TM NIMÈGUE
WWW.ODDSTREAM.NL
Du 18 au 28.03.16 (*) FABIENNE WITHOFS
Participation à l’International Ceramics
Art Symposium
JILIN, CHINE
Du 10 au 20.08.16 (*)
AURÉLIE GRAVELAT,
JOËLLE TUERLINCKX
& PETER DOWNSBROUGH
In This Outsideness ESPACE ART & ESSAI
PLACE DU RECTEUR HENRI LE MOAL
F-35000 RENNES
WWW.ESPACEARTETESSAI.COM
Jusqu’au 10.03.16
Résidence artistique au lieu de création
contemporaine Unik, à Abomey (à 150
km de Cotonou, Bénin) pour une durée
de 3 semaines (février/mars 2016),
dans le cadre du projet Dokountin#3.
Roberta Gigante, Anna Raimondo,
Younes Baba-Ali, Camila De Sousa,
Francesca Masoero et Estelle
Lecaille (Mosso asbl) participeront à
ce projet de recherche sur le statut
des femmes béninoises vu à travers
le prisme de la figure mythique de
la Mami Wata, en questionnant les
relations affectives et sociales entre
hommes et femmes dans une société
urbaine africaine post-coloniale.
Résidence artistique d’Estelle Lecaille,
Francesca Masoero et Roberta
Gigante
LE 18, RIAD CULTUREL PLURIDISCIPLINAIRE
18 DERB EL FERRANE, RIAD LAAROUSS, MÉDINA
40000 MARRAKECH, MAROC
WWW.LE18.WEEBLY.COM
En parallèle à la 6ème édition de la
Biennale de Marrakech
Du 22.02 au 6.03.16
WWW.MOSSO-BRUSSELS.COM (*)
BRUXELLES à l’infini Photographies de la Collection
Contretype
Photographies d’Isabelle Arthuis
(France), Hicham Benohoud (Maroc),
Marie-Noëlle Boutin (France), Elina
Brotherus (Finlande), Sébastien
Camboulive (France), André Cepeda
(Portugal), Daniel Desmedt (Belgique),
Sári Ember (Hongrie), J.H. Engström
(Suède), Ieva Epnere (Lettonie),
François Goffin (Belgique), Michael
Goldgruber (Autriche), Istvan Halas
(Hongrie), Enikö Hangay (Hongrie),
Isabelle Hayeur (Québec), Philippe
CENTRE D’ART CONTEMPORAIN MEYMAC
RUE DU BÛCHER
F-19250 MEYMAC
WWW.CACMEYMAC.COM
Herbet (Belgique), Barbara & Michael
Leisgen (Allemagne), Chantal
Maes (Belgique), Angel Marcos
(Espagne), Vicente De Mello (Brésil),
Alain Paiement (Canada), Barbora
Pivonkovà (Tchéquie), Bernard Plossu
(France), Sébastien Reuzé (France),
Satoru Toma (Japon), Erika Vancouver
(Belgique), Andreas Weinand
(Allemagne), Kim Zwarts (Pays-Bas).
Sous commissariat de Danielle
Leenaerts, membre du Comité de
Direction artistique de Contretype.
CENTRE WALLONIE-BRUXELLES
SALLE D’EXPOSITION
127-129 RUE SAINT-MARTIN
F-75004 PARIS
“L’exposition BRUXELLES à
l’infini – Photographies de la Collection
Contretype présente une sélection d’œuvres de 29 photographes
internationaux, d’horizons divers,
provenant de la collection Contretype,
réalisées dans le cadre de résidences
à Bruxelles. Une invitation à découvrir
une collection qui dessine un portrait
de la création photographique contemporaine, à travers le regard singulier
d’artistes qui ont exprimé ce que la ville
leur inspirait mais aussi quelle part de
leur propre univers pouvait s’y projeter.”
Jusqu’au 24.04.16
Jarre – Giarra – Giara – Garra –
Jarra – Jarron – Djarra
Cinq artistes rêvent la jarre à huile en
papier, ardoise, fil de fer, plumes, etc.
Cécile Massart, Arlette Vermeiren,
Isa Barbier, Lucia Sammarco, Anne
Jones
MUSÉE L’OLIVIER
ROUTE DE FORCALQUIER
F-04130 VOLX
Une organisation d’Artgo & cie
Dès le 15.04.16 (*) Du 20.03 au 19.06.16
L’exposition s’intègre dans un festival
pluridisciplinaire, Les Printemps de
Haute Corrèze, consacré cette année à
la Belgique dans toutes ses dimensions
historiques, culturelles ou culinaires.
Academia Belgica de Rome
Jean-François Spricigo est l’artiste
sélectionné dans le cadre d’une
résidence de création artistique à
l’Academia Belgica à Rome, de février à
juin 2016. L’Academia Belgica à Rome
a proposé un partenariat avec la FWB
et la Communauté flamande pour qu’un
artiste de chaque communauté bénéficie, en alternance, d’une résidence
de création artistique de 5 mois en
ses murs. Les frais inhérents à cette
résidence sont supportés par les communautés, une bourse de 1000 euros/
mois + 500 euros (frais de déplacements internationaux), soit 5500 euros,
étant octroyée à l’artiste sélectionné.
INFOS : WWW.WBI.BE/FR/NEWS/NEWS-ITEM/RESIDER-5-MOIS-LACADEMIA-BELGICA-ROME
THIERRY VAN HASSELT (FRÉMOK)
& MARCEL SCHMITZ (LA S GRAND
ATELIER)
Vivre à Fran Disco
FONDATION VASARELY
1 AVENUE MARCEL PAGNOL
F-13090 AIX-EN-PROVENCE
WWW.FONDATIONVASARELY.FR
Dans le cadre des Rencontres du 9ème
Art d’Aix en Provence
Du 1er.04 au 20.05.16 (*)
(*) Avec le soutien de WBI (WallonieBruxelles International)
INTRA
MUROS
Les dates, voire les événements ici annoncés,
peuvent être modifiés. l’art même invite donc le lecteur
à les vérifier auprès des organisateurs aux numéros de
téléphone et sites web renseignés.
GÉRALD DEDEREN
GALERIE FRANCIS CARRETTE
690 CHAUSSÉE DE WATERLOO, RIVOLI BUILDING
1180 BRUXELLES
(ENTRÉE RUE DE PRAETERE, ESPACE 21)
T +32 (0) 476 672 029
WWW.FRANCISCARRETTE.COM
Dès le 12.03.16
THIERRY FALISSE
Orbis Factor
M 68 / 66
JACQUES ANDRÉ
Bullet Holes
Sous commissariat d’Emmanuel
Lambion
HOOPSTREET WINDOW
109 RUE SAINT-GEORGES
1050 BRUXELLES
T +32 (0) 2 511 05 55
WWW.HOPSTREET.BE
Jusqu’au 5.03.16
LAURETTE ATRUX-TALLAU
La Traversée
Agendas etc
ETÉ 78
78 RUE DE L’ETÉ
1050 BRUXELLES
WWW.ETE78.COM
Visites sur rdv via : [email protected]
Vernissage le samedi 20 février de 18h
à 21h
Du 20.02 au 27.03.16
“Pendant 5 semaines nous accueillons
une installation réalisée spécialement
pour l’espace par Laurette Atrux-Tallau.
Une installation spatiale s’étirant sur
toute la longueur de l’espace, une
traversée de la rue au jardin, attirante
et périlleuse à la fois. Une occupation
totale de l’espace nous permettant de
percevoir celui-ci avec un regard nouveau, inquiet ou pas.”
MARTIN BELOU
Ex-voto
Une proposition d’Hekla
SPACE COLLECTION
116 EN FÉRONSTRÉE
4000 LIÈGE
T +32 (0) 485 56 63 90
WWW.SPACE-COLLECTION.ORG
Je-ve de 15h à 17h30 ou sur rdv
Jusqu’au 26.03.16
LUCILLE BERTRAND
No Man is an Island
GALERIE KEITELMAN
44 RUE VAN EYCK
1000 BRUXELLES
T +32 (0) 2 511 35 80
WWW.KEITELMANGALLERY.COM
Ma.-sa. de 12h à 18h
Du 19.02 au 9.04.16
YOKO UHODA GALLERY
25 RUE FORGEUR
4000 LIÈGE
T +32 (0) 478 91 05 53
WWW.YOKO-UHODA-GALLERY.COM
Ma.-sa. de 12h à 18h ; di. de 10h à 14h
Du 19.02 au 20.03.16
ERIC GEERDENS
Portraits et un peu de tout (dessins)
OFFICE DU TOURISME DE LÉGLISE
46 RUE DE LUXEMBOURG
6860 LÉGLISE
T +32 (0) 63 57 23 52
Ma. de 9h à 12h, ve. de 9h à 12h & de 13h
à 17h, sa. de 9h à 12h & de 13h à 17h
Jusqu’au 27.02.16
ALAIN GÉRONNEZ
Entre Chambre et Muse
ESPACE CULTUREL DES ABBATOIRS
18 TRAVERSE DES MUSES (ENTRÉE PAR LA RUE
PIRET-PAUCHET)
5000 NAMUR
T +32 (0) 81 25 04 03
WWW.CENTRECULTURELDENAMUR.BE
Du 4.03 au 3.04.16
BABETTE GOOSSENS
Hiatus bégaiements
ESPACE BLANCHE
3 RUE MARCHÉ AU CHARBON
1000 BRUXELLES
T +32 (0) 2 510 01 41
[email protected]
Tous les jours, de 14 à 18h
Présence de l’artiste les sa.-di. et jours
fériés
Du 5.03 au 2.04.16
MANUEL LAUTI
Pages inattendues (photographies)
THÉÂTRE MARNI 25 RUE DE VERGNIES
1050 BRUXELLES
Exposition visible les soirs de représentations
Du 17.02 au 29.03.16
Vernissage et dédicace du livre Pages
inattendues (128 pages avec couverture
souple sur papier couché mat 170 gr.,
16 x 22 cm, textes FR / NL / ANG. Prix :
20 euros TTC, ISBN 978-2-8052-0279-7)
le 24.02 à 18h30
“C’est avec un regard tendre et amusé
que Manuel Lauti a capturé portraits
et instants fugaces de lecture. Il est
parti à la rencontre des gens, à qui il
propose un moment de partage, et
suggère à chacun de lui souffler un
passage apprécié de sa lecture ; un
reflet de soi-même qu’il met en résonance avec le portrait. En parallèle, il
surprend la lecture au détour des rues,
où l’inattendu se manifeste comme
au tournant d’une page. Manuel Lauti
exprime par son travail une constante
préoccupation pour l’homme et tout
ce que suggèrent ses attitudes et ses
comportements.”
ALICE LEENS
Le fil, unité de géométrie appliquée Recherches textiles et installation
LES DRAPIERS
68 RUE HORS-CHÂTEAU
4000 LIÈGE
T +32 (0) 4 222 37 53
WWW.LESDRAPIERS.BE
Je.-au sa. de 14h à 18h et sur rdv
Jusqu’au 12.03.16
“Textile designer diplômée avec une
mention “coup de cœur” de La Cambre
(Bruxelles) en 2015, Alice Leens
(sélectionnée pour le prix du Hainaut
2015) poursuit son travail expérimental,
commencé il y a 3 ans, autour du fil.
Pour Alice Leens, le textile se révèle
clairement être un langage plastique et
sémantique.”
CAPITAINE LONCHAMPS
L’enfant de Chinon
Quatrième volet de notre cycle d’expositions individuelles Septième Ciel
& Pablo Méndez
Réveille ta rêverie
VITRINE JEUNE ARTISTE
LES BRASSEURS
26/28 RUE DU PONT
4000 LIÈGE
WWW.LESBRASSEURS.ORG
Me.-sa. de 14h à 18h
Jusqu’au 26.03.16
ERWAN MAHÉO
Wave IX (avec Sébastien Reuzé)
ISLAND
54 RUE VAN EYCK
1000 BRUXELLES
WWW.ISLANDISLAND.BE
Jusqu’au 27.02.16
Chantal Talbot,
Nuages,
techniques mixtes sur bois, 80 x 103 cm, 2015
PETKO OGNYANOV
Survival protocol
10-12
12 RUE DE LA GRANDE ILE
1000 BRUXELLES
WWW.10-12.BE
Jusqu’au 27.02.16
Unexpected rituals
MUSUMECI CONTEMPORARY
22 RUE DES CHEVALIERS
1050 BRUXELLES
Du 1.08 au 30.09.16
SOPHIE PATRY
Autoportraits
Une organisation de l’asbl LieuxCommuns
GALERIE SHORT CUTS
2 RUE SIMON MARTIN 5020 CHAMPION
WWW.GALERIESHORTCUTS.COM
Sa. de 13h à 18h
Jusqu’au 4.03.16
OLIVIER PÉ
Désirs
GRAND CURTIUS
136 EN FÉRONSTRÉE
4000 LIÈGE
Me.-lu. de 10h à 18h
Jusqu’au 6.03.16
Aussi : Corps du désir / conférence
Le jeudi 11.02 à 20h, auditorium du
musée Curtius
Intervenants : Raphaël Denys, Nunzio
D’Annibale, Sarah Guilleux
“Une sorte de mise à nu sous les traits
d’un ensemble de dessins, encres et
peintures présentés en un parcours qui
se déploie comme les pages et chapitres d’un même livre. Un livre ouvert,
au bord de la nuit, sur les signes
bruissant du corps amoureux. Pas de
parole tonitruante, mais une invitation
au rapprochement, au chuchotement
et à l’intimité du regard.”
CHANTAL TALBOT
Bleu Mer
Jusqu’au 13.02.16
NATHALIE DELASALLE
Sculptures
GABRIEL BELGEONNE
Peintures
GALERIE FAIDER
12 RUE FAIDER
1060 BRUXELLES
T +32 (0) 2 538 71 18
WWW.GALERIEFAIDER.BE
Du 19.02 au 19.03.16
“Chantal Talbot nous invite au voyage.
Voyage dans cet imaginaire collectif qui
commence au bord de la mer du Nord,
les pieds dans l’eau, à l’heure où la lumière s’estompe, le regard fixé sur l’horizon. Il n’y a plus que cela qui compte.
Il faut attendre. Attendre que l’œil
s’aiguise pour voir le plus loin possible,
voir ce qu’il y a au‐delà. On embarque.
Le brouhaha de la terre n’est plus qu’un
souvenir lointain. La mer suffit. L’artiste
superpose, mélange, accumule les
bleus, les gris, les noirs, les blancs en
couches successives, tantôt opaques,
tantôt transparentes. Elle efface, ponce,
lave à grandes eaux—eau comme fin,
eau comme moyen—jusqu’à libérer la
matière sous‐jacente qui, sous l’éclat
d’un vernis généreux, semble surgir des
profondeurs océanes (…).” Alan Speller
et Julie Wasseige
“(…) Son ancrage aussi profond que
définitif dans sa campagne natale
avec ses perpétuels commencements et renouveaux, ses alternances
incessantes d’ombre et de lumière est
pour beaucoup dans ce langage direct
et économe, exigent et ouvert, rude
et tendre à la fois. De ces champs et
de leur terre ancestrale, il retient les
couleurs sombres, les bistres, sépias et
autres, en nous renvoyant à toute leur
magie agreste d’évasion et de recueillement, à leur silence et à leurs énergies
vitales conjuguées parfois aux forces
naturelles soudainement libérées (…).”
René Léonard
GAUTHIER HUBERT
& GUDNY ROSA INGIMARSDOTTIR
CAMILLE DE TAEYE
GUILLEMETTE COUTELLIER
& MARIO GIGLI
Me revoilà !
Peintures & estampes
LE SALON D’ART
81 RUE HÔTEL DES MONNAIES
1060 BRUXELLES
Ma.-ve. de 14h à 18h30, sa. de 9h à 12h
et de 14h à 18h
Jusqu’au 5.03.16
LIONEL VINCHE
Il était une fois…
ESPACE B
33A HAUTE RUE
1473 GLABAIS
T +32 (0) 67 79 08 11
WWW.ESPACEB.BE
Sa.-di. de 14h à 18h ou sur rdv
Jusqu’au 13.03.16
In De stille dimensie Avec Fik Van Gestel, Anne-Mie Van
Kerkhoven, Katrien Vermeire,…
Sous commissariat de Filip Luyckx KUL LEUVEN - LAW FACULTY LIBRARY
41 TIENSESTRAAT
3000 LOUVAIN
Jusqu’au 28.02.16
In “notre ami Yves” Avec Yves Lecomte
AKA events
Dans le programme VIP d’Art Brussels
2016
Du 14 au 30.04.16 L’Autre
GALERIE D’YS
84 RUE DE L’ARBRE BÉNIT
1050 BRUXELLES
T+32 (0) 499 22 57 66
WWW.GALERIEDYS.COM
Je.-sa. de 14h à 18h, di. de 13h à 15h,
ou sur rdv
Jusqu’au 28.02.16
DANY DANINO & CYRIL BIHAIN
Densité organique
GALERIE STÉPHANIE JAAX
4 RUE JOSEPH STALLAERT
1050 BRUXELLES
T +32 (0) 851 12 68
Je.-di. de 14h à 18h
Du 20.02 au 26.03.16
XAVIER AL CHARIF, HUBERT
BOUTTIAU, FRED COLLIN, JÉRÔME
CONSIDÉRANT, SÉBASTIEN
LAURENT, ANNE LIEBHABERG,
MONA MARCHETTI, VINCENT
SOLHEID ET LE COLLECTIF DE
L’ATELIER 17 DE CLAIRVAL
Tout n’est peut-être pas réglé ECRIN, CENTRE CULTUREL D’EGHEZÉE
5 RUE DE LA GARE
5310 EGHEZÉE
T +32 (0) 81 51 06 31
WWW.ECRIN.BE
Tous les jours de 11h à 18h
Nocturnes jusqu’à 20h : samedi 20.2,
samedi 5.03, mercredi 9.03, samedi
12.03, lundi 14.03, mercredi 16.03,
vendredi 18.03.16
Du 13.02 au 20.03.16
“Tout n’est peut-être pas réglé est une
exposition pour tous. Elle présente des
créations de neuf d’artistes contemporains, qui sont autant d’incitations,
ludiques ou poétiques, à questionner
notre société et son évolution. Leur
propos s’articule entre l’humain—son
libre arbitre, ses valeurs, son bon sens,
sa liberté d’expression, sa capacité
à vivre ensemble, sa créativité—et
les règles, règlements, règlementations, lois… qui codifient, régissent,
organisent, autorisent, interdisent,
définissent nos comportements.”
DANIEL FAUVILLE, MICHEL
JAMSIN, JACQUES JAUNIAUX
Folie passagère
GALERIE DES COLLINES
79 RUE DU MOULIN
5680 VAUCELLES
T +32 (0) 496 95 24 13 WWW.GALERIEDESCOLLINESHUBERT.COM
Lionel Vinche,
Alice sous un grand chapeau,
2015
Lionel Vinche,
Chat Botté,
2015
Guillemette Coutellier,
Le Tank,
36 x 36 cm, techniques mixtes sur papier, 2015
Sa.-di. de 14 h à 17h et sur rdv
Jusqu’au 10.04.16
LAURA LAFON & MARTIN GALLONE
M 68/ 67
You Could Even Die For Not Being
a Real Couple
“C’est quoi l’amour ? Avec cette
question simple, naïve, Laura Lafon a
voyagé dans les montagnes sèches
du Kurdistan turc. Tout le monde aime
parler d’amour, mais qui peut vraiment
le vivre librement ? Sur son chemin,
un amant régulier. Pas un couple,
non, mais une certaine harmonie,
une même passion photographique.
Rapidement ils se trouvent confrontés
aux interdits culturels, l’espace public,
le mélange des genres, les traditions
assommantes. Et puis cette question
qui revient sans cesse : pourquoi
n’êtes-vous pas mariés ? Une adrénaline les prend, ils se mettent alors en
scène, utilisent leur propre corps pour
mettre à jour ces différences, recréent
les situations interdites, dangereuses.
C’est un conte qui dépasse le documentaire, un conte absurde qui révèle
l’amour au Kurdistan, pays qui se bat
même pour exister.”
COLINE SAUVAND
& LAURENT TOULOUSE
Carnet d’Istanbul
“Été 2014 : Coline Sauvand et Laurent
Toulouse sont envoyés à Istanbul par
une société secrète aux pouvoirs infinis. Ils doivent y produire un carnet de
voyage sous peine de mort “par décoloration de l’âme”, procédé occulte
appris il y a deux-mille ans d’Azrael luimême. Les deux artistes ne se laissent
pas intimider et profitent de l’occasion
pour prendre des vacances aux frais
de la princesse. Mal leur en prit ! À leur
retour ils sont enlevés, roués de coups,
puis forcés d’écrire et dessiner. N’ayant
qu’un souvenir très vague de leur
séjour à cause d’un usage enthousiaste
de drogues mystérieuses, ils livrent une
vision d’Istanbul déformée par le délire
et l’imagination.”
CENTRE CULTUREL JACQUES FRANCK
94 CHAUSSÉE DE WATERLOO
1060 BRUXELLES
WWW.LEJACQUESFRANCK.BE
T +32 (0) 2 538 90 20
Ma.-ve. de 11h à18h30, sa. de 14h à
18h30, di. de 14h à 17h & 19h à 22h30
Jusqu’au 6.03.16
La Collection du MADmusée vue
par Alain Platel, Choregraphe
THÉÂTRE DE LIÈGE
16 PLACE DU 20 AOÛT
4000 LIÈGE
T +32 (0)4 222 32 95
Ma.-sa. de 12h à 18h et di., jours fériés et
soirs de représentation
Jusqu’au 5.03.16
“Fondateur de la compagnie Les
Ballets C de la B, Alain Platel s’intéresse depuis ses débuts à l’univers
sensoriel et émotionnel des personnes
handicapées et des malades mentaux.
C’est pourquoi il a répondu avec enthousiasme à l’invitation du MADmusée
à poser son regard sur la collection.
Son choix s’est essentiellement
orienté vers des portraits présentés
en dialogue avec une œuvre de son
amie Berlinde De Bruyckere (B). Artiste
plasticienne de renommée internationale, elle aborde de manière singulière
le corps humain et ses fragilités. Cette
exposition s’inscrit dans le cadre du
festival Pays de Danses.”
M 68 / 68
MARC BOULET & LIN YU (FR),
WILLIAM S. BURROUGHS (EU),
N+N CORSINO (FR), WIM DELVOYE
(BEL), PASCAL DOMBIS (FR),
PHILIPPE GRONON (FR), BRYON
GYSIN (EU), FRITZ KAHN (AU),
EVI KELLER (DE), NAM JUNE
PAIK (KO), JEAN PERDRIZET
(FR), LUBOŠ PLNÝ (REPUBL.
TCH), WESLEY MEURIS (BEL),
ROMAN OPALKA (FR), ORLAN
(FR), TOMAS SARACENO (ARG.),
HENRI UGHETTO (FR), PHILIPPE
VANDENBERG (BEL), JOACHIM VAN
DEN HURK (NL) & PEDRO RIVERO
J. (ES), ALEX VERHAEST (BEL),
THOMAS ZIPP (DE)
Connected
Sous commissariat de Patrick Amine
et Carine Fol
CENTRALE FOR CONTEMPORARY ART
44 PLACE SAINTE CATHERINE
1000 BRUXELLES
WWW.CENTRALE.BE
Agendas etc
Du 24.03 au 28.08.16
“Organisée dans le cadre du dixième
anniversaire de la CENTRALE, cette
exposition souligne l’identité originelle
du lieu (ancienne centrale électrique)
à travers des œuvres et créations de
plus de vingt artistes belges et internationaux. Mission de la CENTRALE
– mini historique et avec le soutien de
l’Echevinat de la Culture de la Ville de
Bruxelles, le projet Connected met
en relation des œuvres qui, de leur
création à leur réception, impliquent
un lien tant physique que psychique.
L’ensemble des œuvres proposent
une interactivité avec le public à partir
de visions singulières et psychédéliques du corps, la notion du “hors-je”,
des expériences et des perceptions
virtuelles… Les résonances du mot
Connected s’étendent sur plusieurs
modes. Le mot indique notamment
l’idée d’être “relié” à une source,
d’être impliqué, non seulement par les
dispositifs électroniques mais aussi par
la relation aux nouveaux développements des processus technologiques.
Certains artistes conviés inventent
de nouveaux territoires entre réel et
virtuel liés aux transformations de
l’ère numérique : images en 3D, des
installations qui intègrent le corps et
son déplacement dans une autre temporalité. Connected révèle le rapport
que les artistes entretiennent avec les
matériaux, le Temps, l’existence, les
différents ancrages dans la vie quotidienne et sociale, en laissant la place à
la réflexion philosophique et au sens de
la création artistique.” KASPER BOSMANS
Cintamani Weavings
Jusqu’au 28.02.16
“Kasper Bosmans présente pour la
première fois une série de tapisseries
inspirées de la tradition ottomane
comportant le motif Cintamani (trois
sphères qui forment un triangle
surplombant deux lignes ondulantes).
Ces broderies furent réalisées à partir
d’une reproduction de tapisseries de
la collection du Metropolitan Museum
de New York selon la technique du
Rhadi Phaki par des ouvriers népalais
bouddhistes. Par cette relecture d’un
motif ancestral empreint de valeur
spirituelle, l’artiste souligne la perte de
signification des symboles à travers le
temps et les cultures.”
DANY DANINO
Du 23.03 au 30.05.16
“Ce virtuose du dessin s’est inspiré de la thématique de l’exposition
CONNECTED pour la réalisation d’une
fresque originale : corps humains
flottant dans l’espace, animaux
qui semblent sortis de la géhenne
mythique,… sont autant d’anatomies
qui soulignent l’énigme de l’existence
et l’intensité du drame humain. La
connexion entre l’art et la vie, entre
l’homme et l’univers s’expriment par
le mouvement vertigineux qui rythme
l’œuvre.”
CENTRALE.BOX
44 PLACE SAINTE CATHERINE
1000 BRUXELLES
ALEKSANDRA CHAUSHOVA
Annulment of the End of Things
Jusqu’au 28.02.16
NIELS POIZ
Yes Yes Oui Oui Si Si It’s Okay
That’s Alright
Du 24.03 au 5.06.16
“Niels Poiz joue avec le langage en le
décontextualisant. Les textes publicitaires, pédagogiques, commerciaux,
chansons de musique pop, pièces de
théâtre… acquièrent ainsi une dimension abstraite. Le spectateur est invité
à réinventer sa propre histoire à partir
de dispositifs dans l’espace (affiches,
vidéos, photographie, livres, objets).
Pour le CENTRALE.lab, Poiz a conçu
une exposition en trois parties autour
de l’analyse phonétique des sons et
des rythmes de la musique pop.”
CENTRALE LAB
16 PLACE SAINTE CATHERINE
1000 BRUXELLES
10 X 10
Cent livres. Une bibliothèque
provisoire & arbitraire.
Selon une proposition artistique de
Thorsten Baensch et Didier Decoux
ECOLE DES ARTS DE BRAINE-L’ALLEUD
47 RUE DU CHÂTEAU
1420 BRAINE-L’ALLEUD
T +32 (0) 2 384 61 03
Ma.-ve. de 14h à 19h, sa. de 10 à 13h
Fermée le 18.03, du 28.03 au 11.04 et du
4 au 9.05
Du 26.02 au 21.05.16
“Thorsten Baensch et Didier Decoux,
artistes, enseignants et éditeurs
(respectivement sous le label Bartleby
and Co. et Éts. Decoux) conçoivent et
mettent en place pour l’École des Arts
de Braine l’Alleud une exposition intitulée 10 x 10 (dix fois dix) qui rassemble
100 livres choisis par 10 amoureux du
livre. Cent livres choisis par :
1. Anne Goy, designer du livre et du
papier
2. Harrisson/Joël Vermot, designer
graphique
3. Jan De Meester, imprimeur
4. Renate Mergemeier, relieuse
5. Thorsten Baensch, éditeur
6. Joëlle Verboomen & Gaëlle Clark,
bibliothécaires-médiatrices pour la
Collection de Livres d’Artistes des
bibliothèques de Watermael-Boitsfort
7. Sofiane Laghouati, conservateur au
Musée royal de Mariemont
8. Pierre Leguillon, artiste
9. Michel Baudson & Carine Bienfait,
lecteurs-collectionneurs
10. Didier Decoux, professeur de
dessin
L’exposition 10 x 10 participe de cet
esprit d’échanges. Elle croise différents
points de vue sur les livres, de leur
conception à leur fabrication, de leur
distribution à leur conservation, de
leur lecture à leur interprétation. Elle
résulte de la rencontre de dix amateurs
ou praticiens de l’art du livre et du livre
d’artiste qui ont chacun sélectionné dix
livres. Il y a une designer du papier, un
graphiste, un imprimeur, une relieuse,
un éditeur, un duo de bibliothécairesanimatrices, un artiste, un conservateur, un couple de lecteurs-collectionneurs et un professeur de dessin.
Leurs choix sont subjectifs, justifiés
par leurs goûts, par leurs histoires ou
intérêts personnels dans une relation
complice, sensible, voire passionnelle
aux livres. L’exposition réunit des
publications artistiques, littéraires,
théoriques, scientifiques, techniques…,
des éditions courantes et singulières, anciennes et contemporaines,
originales et fac-similées, de poche et
de collection, emblématiques et margi-
nales…, toutes apparentées par leurs
propriétaires à des intrigues livresques
et artistiques au sens large. Il y a des
dictionnaires, des abécédaires, des
livres d’artistes, toutes sortes de récits,
des traités, essais ou manuels, des
albums, des atlas, des catalogues, des
journaux… Les réunir, ce n’est pas seulement les disposer les uns à côté des
autres, mais c’est, comme pour toute
bibliothèque, les organiser, assurer
des connexions, provoquer parfois des
voisinages improbables, accélérer des
circulations, favoriser la polysémie.
AUTOUR DE L’EXPOSITION
Un cycle de conférences/rencontres
Auditoire de l’Ecole des Arts
Mercredi 24.02.16 à 19h
“Présentation/conférence de
presse du projet d’exposition
10 X 10”
Thorsten Baensch et Didier Decoux
présentent leur projet d’exposition et
répondent aux questions.
Me. 9.03.16 à 19h
Conférence de Sofiane Laghouati.
“Des livres pour se dire: de l’art
de (se) raconter des histoires.”
L’idée sous-jacente est la suivante:
demander à quelqu’un d’effectuer un
choix de livres à présenter, c’est nécessairement lui demander de raconter
une histoire en filigrane. Ce peut être
son histoire comme l’image qu’il veut
donner de lui… Les livres nous disentils quelque chose de leur propriétaire ?
Que nous révèle la sélection 10 X 10 ?
Entre hypothèses et affabulations,
allons à la découverte de ses lecteurs
et “amateurs professionnels” de livres.
Me. 23.03.16 - Me. 13.04.16 - Me.
27.04.16 à 19h
Trois temps de rencontres au cours
desquelles ceux qui ont choisi les livres
de l’exposition présentent et commentent leur sélection et dialoguent
avec le public.
Deux workshops
Workshop reliure animé par Élise Van
Rechem.
Workshop fabrication de livres animé
par Thorsten Baensch.
Edition d’un catalogue
Quinconce
Une organisation du Centre culturel
régional du Centre
T +32 (0) 064 21 51 21
Jusqu’au 13.03.16
“Quatorze membres de l’association
ont répondu à l’appel pour l’exposition “Quinconce, œuvres récentes »
programmée au musée Ianchelevici du
30 janvier au 13 mars 2016 : le graveur
Pol Authom conduit son stylet et révèle
son savoir-faire pour imposer sa vision
personnelle du monde aux frontières
du réel ; Bernard Bacq surprend dans
l’exploration des techniques et n’hésite
pas à jouer de la provocation ou à user
des moyens traditionnels pour apurer
ses angoisses; le photographe Alain
Breyer fige les instants dans l’attente
d’événements qui bousculent le traintrain quotidien et, avec tendresse,
il révèle l’humain dérisoire ; Claude
Foubert, voyageur lyrique à la palette
subtile, capte les lumières de la vie et de
la nature pour traduire ses perceptions
poétiques ; Véronique Hoet balade
des états d’âme parfois figés dans
des angoisses de mort pour s’ébrouer
bientôt avec de jolis clins d’œil à la vie;
quant à Jacques Iezzi, c’est l’artisan de
la matière qui mène sa céramique dans
l’opposition entre la rudesse de la pierre
réfractaire et la fragilité de la porcelaine
aux formes géométriques qui alternent
angles et rondeurs ; Claire Kirkpatrick
a trouvé dans les combats de catcheurs
un nouveau ferment créateur. Elle cerne
leurs pugilats dramatisés avec humour ;
Jean-Pol Lété joue du crayon, de la
plume ou de l’aquarelle pour capter
le saugrenu des situations de vie qui
échappent souvent à nos regards blasés de quotidien ; André Navez projette
de la matière arrachée à la terre et révèle
des formes minimalistes aux couleurs
minérales dans un dénuement qui
cache une relation dure à l’existence ;
Daniel Pelletti, travailleur méticuleux,
sublime les paysages hennuyers dans
une explosion chromatique qui donne
un autre sens à la souffrance des
terrils ; Serge Poliart scrute les arrières
cours des maisons miséreuses pour
dénoncer les cruautés cachées derrière
des façades illusoires où s’égare
parfois un gille éméché ; Jacques
Pyfferoen assemble des matériaux
surprenants pour occuper l’espace de
volumes burlesques, étranges, presque
fantastiques ; Pierre Staquet traduit
ses désespérances, son mal-être, dans
des formes tragiques à peine adoucies
par un rire qui reste caustique, un
ricanement aux limites du sanglot ; enfin,
Fredy Taminiaux agresse la froideur
des blocs de pierres ou de marbre
pour leur donner des formes sensuelles
tantôt lisses pour susciter le désir de
caresse, tantôt bouchardées pour
protéger des affres de l’existence…
Ce paysage artistique, cohérent dans
sa variété, s’est construit au gré des
rencontres, des affinités, pour que perdure la tradition plastique foisonnante à
La Louvière depuis le début du XXème
siècle.” Christine Béchet, juin 2015
M 68/ 69
Paysages subjectifs
Avec : Cécile Beau, Marcel Berlanger,
Dominique Collignon, Aurore Dal
Mas, Bean Finneram, Agnès His,
Akira Kugimachi, Jean-Paul Laixhay,
Jacky Lecouturier, Thomas Tronel
Gauthier, Jean-Marie Mahieu, Pieter
vermeersch et Marthe Wéry
“La représentation du paysage a de
tout temps préoccupé les artistes.
Elle demeure une source de questionnements pour les plasticiens
actuels, peintres, photographes voire
céramistes ou même sculpteurs. Le
paysage, ce fragment de nature constitué par notre regard, offre sans cesse
de nouvelles perspectives de figuration,
d’évocation et de transposition. La
perception de l’espace, obéissant à
des regards et à des codes culturels
changeant selon les époques diffèrent
toutefois radicalement entre Orient et
Occident. Même si depuis plus d’un
siècle, la représentation occidentale,
fondée sur des règles géométriques
strictes su s’ouvrir à une esthétique
moins linéaire, ses évocations de
nature excluent le plus souvent les liens
entre le cosmique, le minéral, le végétal
et l’humain. L’exposition s’intéresse
aux aspects mouvants du paysage.
Lumière, vent, eau,… éléments
sensoriels qui mettent l’homme en
rapport avec le monde extérieur par
l’intermédiaire de ses perceptions. Les
artistes invités établissent diverses
relations à l’espace. Ils envisagent
essentiellement la notion de territoire
ou de paysage comme appropriation
mentale d’un lieu, dans laquelle la figuration importe moins que l’expérience
sensorielle provoquée. Qu’il s’agisse de
réflexions chromatiques, en des procédés gestuels ou monochromiques,
d’installations spatiales, de rendus
photographiques ou de phénomènes
acoustiques, les plasticiens permettent
au spectateur de ressentir l’environnement en ses perspectives mouvantes
les plus infimes. Parallèlement, Terre
paysage proposée par le Centre
Kéramis, Centre de la céramique
de la Fédération Wallonie Bruxelles,
établi à La Louvière, envisage l’idée
du paysage en céramique depuis ses
représentations classiques du XIXème
et XXème siècles jusqu’aux installations
contemporaines qui en suggèrent des
éléments (avec : Clémentine Dupré
et Anthoni Girardi, Jean Girel, Bean
Finneram, Brigitte Marionneau, Anne et
Patrick Poirier,… )
Du 26.03 au 5.06.16
MUSÉE IANCHELEVICI
21 PLACE COMMUNALE
7100 LA LOUVIÈRE
T +32 (0) 64 28.25.30
WWW.IANCHELEVICI.BE
Ma.-ve. de 11h à 17h, sa. de 14h à 18h
Dedicated to Jan Hoet
Au départ des collections du S.M.A.K.
(Gand) et de l’ikob (Eupen)
En collaboration avec Philippe Van
Cauteren, conservateur du S.M.A.K.
Avec les œuvres de : Haider Jabbar,
Jonathan Meese, Hiwa K, Ronny
Delrue, Kati Heck, Sven’t Jolle,
Guillaume Bijl, Merlin Spie, Adrien
Tirtiaux, Johan Van Geluwe, Jacques
Charlier, Johan Tahon, Luc Tuymans,
François Morellet, Yves Zurstrassen,
Michaël Borremans, Irmel Kamp,
Jean-Pierre Bredo, Horst Keining,
Norbert Huppertz, Ton Slits,
Barbara Schulte Kellinghaus, Koen
Vanmechelen, Marcel Berlanger, Eric
Peters, Paul Schwer, Romain Van
Wissen, Emmanuel Van der Auwera,
Delphine Deguislage, etc…
IKOB
12B ROTENBERG
4700 EUPEN
T +32 (0)87 56 01 10
WWW.IKOB.BE
Jusqu’au 3.04.16
Créations belges
Group Show
Bruno Timmermans, Antoine Rose,
NOIR, Damien Gernay, Valentin van
der Meulen
MAZEL GALERIE
22 RUE CAPITAINE CRESPEL
1050 BRUXELLES
WWW.MAZELGALERIE.COM
Jusqu’au 9.04.16
“Après Made in Brussels en 2014, la
Mazel Galerie réitère avec “Créations
belges” réunissant des artistes belges
de la galerie et (ou) vivant en Belgique.
L’exposition collective est pluridisciplinaire rassemblant différents médium :
la photographie (Antoine Rose et
Bruno Timmermans), le dessin (NOIR
et Valentin van der Meulen) ainsi que le
design (Damien Gernay).”
RAFFAELLA CRISPINO
Tokyo-San Francisco
SUPER DAKOTA
45 RUE DE WASHINGTON
1050 BRUXELLES
WWW.SUPERDAKOTA.COM
Ma.-sa. de 11h à 18h
Du 4.03 au 9.04.16
ERIC DEPREZ, FABIENNE
BEYAERT, JULIEN COLLINS,
ALICE PICHAULT, BARRY LYNCH,
PHILIPPE RION, CLAUDE VAN DE
VOORDE, JONATHAN LUTHEN,
DENIS VERKEYN, SOPHIE LEGROS,
FANNY HEBES, JEREMY BUNTINX,
JULIENNE OWANGO, BENJAMIN
SEEL, GAËTANO MINEO, LYDIE
SAUBLENS, CARMELO VITA,
ANDRÉ DELALLEAU, HÉLÈNE
TOUSSAINT, JOACHIM, GEOFFREY
WYZEN, KARIM BEN MOUSSA,
JEAN-PIERRE COLLIN, NANCY
DEMEESTERE, FRANCOISE HARDY,
PASCAL VARINI
Dialogue. Episode 1
GRAND CURTIUS
Lu.-di. de 10h à 18h, fermé le ma.
Jusqu’au
La peau, variation sur un thème
imposé
CENTRE CULTUREL DE CHÊNÉE
1/3 RUE DE L’EGLISE
4020 CHÊNÉE
T +32 (0) 4 365 11 16
WWW.CHENEECULTURE.BE
Jusqu’au 28.02.16
“Cette exposition collective donne
à voir les créations de plusieurs
artistes dont, entre autres, Colette
Schenk, Samuel D’Ippolito, “ Eszter
K” , Benoit Moureau, Laure Forêt et
Kim Jeounghee. Le thème est imposé
un peu à la manière d’un concours
musical. Ainsi chaque artiste proposera
une variation en utilisant ses matériaux
de prédilection et sans perdre de vue
sa recherche personnelle.”
Corps à Corps
Avec des œuvres de : Mylène
Besson, Eddie Bonesire, Isabelle
Bonte-Hessed, Darcy Boris, Joëlle
Bosmans, Gladys Bregeon, Jacques
Cassiman, Martine Cecchetto Soro,
Alain Ceysen, Pauline Cliquet,
France Dubois, Giuliano Gavioli,
Véronique Goossens, Kenneth Hope,
Bernard Labrique, Charles Lemaire,
Christophe Louergli & Alexis Sondag,
Martine Souren et Raoul Ubac
CHAPELLE DE BOONDAEL
10 SQUARE DU VIEUX TILLEUL
1050 BRUXELLES
Je.-di. de 14h à 19h
Jusqu’au 21.02.16
Brussels I Love You
Parcours d’art contemporain
Pour sa première édition, BILY compte
une quinzaine d’espaces participants
dans les communes d’Ixelles et SaintGilles
Ouverture du parcours :
HANGAR H18
18 PLACE DU CHÂTELAIN
1050 BRUXELLES
WWW.BRUSSELSILOVEYOU.COM
Avec une exposition de Lola Meotti
Du 13 au 27.02.16
GALERIES :
ARCHIRAAR
31A RUE DE LA TULIPE
1050 BRUSSELS
WWW.ARCHIRAAR.COM
FEIZI GALLERY
8B RUE DE L’ABBAYE
1050 BRUSSELS
WWW.GALLERY-FEIZI.COM
NADINE FERONT
32 RUE SAINT-GEORGES
1050 BRUSSELS
WWW.NADINEFERONT.COM
FELIX FRACHON
5 RUE SAINT-GEORGES
1050 BRUSSELS
WWW.FELIXFRACHON.COM
STEPHANIE JAAX
4 RUE JOSEPH STALLAERT
1050 BRUSSELS
WWW.GALERIE-STEPHANIE-JAAX.COM
KEITELMAN GALLERY
44 RUE VAN EYCK
1000 BRUSSELS
WWW.KEITELMANGALLERY.COM
LA GALERIE PARTICULIERE
14 PLACE DU CHÂTELAIN
1050 BRUSSELS
WWW.LAGALERIEPARTICULIERE.COM
PASCAL POLAR GALLERY
108 CHAUSSÉE DE CHARLEROI
1060 BRUSSELS
WWW.PASCALPOLAR.BE
CHABAH YELMANI GALLERY
293 CHAUSSÉE DE BOONDAEL
1050 BRUSSELS
WWW.YELMANIGALLERY.COM
MAZEL GALERIE
22 RUE CAPITAINE CRESPEL
1050 BRUSSELS
WWW.MAZELGALERIE.COM
ALERNATIVE SPACES
HIDDEN & FORESEEN
64 RUE DE NAMUR
1000 BRUSSELS
WWW.THEFORESEENPROJECT.COM
WWW.FACEBOOK.COM/HIDDEN
ISLAND
54 RUE VAN EYCK
1000 BRUSSELS
WWW.ISLANDISLAND.BE
NUMERO 13
13 RUE ANTOINE LABARRE
1050 BRUSSELSS
WWW.FACEBOOK.COM/NUMERO-13
ODRADEK
35 RUE AMÉRICAINE
1050 BRUSSELS
WWW.ODRADEKRESIDENCE.BE
PING PONG GALLERY
74 RUE SAINT-GEORGES
1050 BRUSSELS
WWW.ARTPINGPONG.COM
BOOKSHOP
PEINTURE FRAICHE
10 RUE DU TABELLION
1050 BRUSSELS
WWW.PEINTURE-FRAICHE.BE
Les Formes du Texte
“En guise d’introduction à l’ouverture
prochaine de l’Atelier des écritures
contemporaines, La Cambre vous
convie à un cycle de quatre leçons
inaugurales sous forme de conversation autour de la notion de texte dans
la création contemporaine. Une grande
partie de l’histoire de l’art comme de
la littérature peut s’écrire sous l’angle
des rapports entre les artistes et les
écrivains. Où en sommes-nous avec
cette histoire ? Aujourd’hui, le travail
des auteurs comme des artistes,
qu’il prenne la forme de la recherche
théorique ou plastique, cinématographique ou littéraire, paraît relancer les
dés à nouveau frais. Et si au cœur de
cette relance, entre savoir et fiction,
mise en récit de soi et du monde, se
logeait l’idée du texte comme pivot de
la création ? Des réécritures du passé à
l’anticipation du futur, en passant par le
déchiffrement du présent, les régimes
de narration et, singulièrement, du
texte n’ont sans doute jamais été aussi
foisonnants. Etat des lieux des formes
et des pratiques en compagnie de huit
personnalités dont les œuvres et le
parcours ont nourri, au premier chef, la
conception du nouvel Atelier.”
Les formes du texte
Quatre leçons inaugurales sous forme
de conversation En introduction à l’Atelier des écritures
contemporaines
Une initiative de Gilles Collard, philosophe, directeur du magazine Pylône
Le 17 février à 18h :
Gérard Berréby et Guy-Marc Hinant,
Des avant-gardes à la fiction contemporaine
Le 2 mars à 18h :
Francesco Masci et Vincent Dieutre,
Culture de l’image et image de la
culture
Le 27 avril à 18h :
Mathias Énard et Vincent Meessen,
Des récits désenfouis
En octobre (à préciser) :
Camille de Toledo et Kader Attia,
Vertige et narration des savoirs
21 ABBAYE DE LA CAMBRE
1000 BRUXELLES
AUDITOIRE LÉON STYNEN
ENTRÉE LIBRE
M 66 / 64
26
Kermesse Héroïque
44
Claire Ducène
Chambre close
45
Julien Saudubray/Marion Fabien
WTS#8, deux artistes primés
46
Fondation Moonens
Une opportunité pour les jeunes
diplômés de la capitale belge
47
Prix Fernand Baudin
Des livres et des Prix
48
Ruben Desiere
Kosmos. Ontologie
d’une nouvelle constellation
PRIX
56 / 63
AGENDA ETC….
52
La Lettre volée
Relire le monde, relier les gens
53
(sic)
Michel Assenmaker,
L’Écart et l’Accolade
54
Presses Universitaires du Septentrion
Véronique Goudinoux,
Œuvrer à plusieurs
55
Co-éd. Beaux-Arts de Paris/CNAP
Réalités du commissariat
d’exposition
ÉDITIONS
49
Sophie Bruneau
Devil’s Rope. Comme
une cicatrice dans le paysage
50
Art’contest 2015
51
Nicolas Leroy
Identification d’un rêve
FÉDÉRATION
WALLONIE-BRUXELLES
Administration Générale
de la Culture
Service Général de la Création Artistique
Service des Arts plastiques
44, Boulevard Léopold II
B-1080 Bruxelles
T +32 (0)2 413 26 81/85
F +32 (0)2 413 20 07
www.cfwb.be/lartmeme
IN SITU
20
Lubumbashi :
une biennale magique ancrée
dans une réalité complexe
22
Cosa mentale
Figure de la pensée
24
Seth Siegelaub
L’instance de l’écrit
EXTRA MUROS
3
Suspended Spaces
Inachever, et après
6
Filip De Boeck et Sammy Baloji
L’anthropologue
et le photographe
8
Tirana (Cartes et paysages)
Connaissance par les sols
10
Machines de guerre urbaines
12
metroZones
Mapping along
the refugee complex
14
Assemble
Déterritorialiser l’art
15
antiAtlas des frontières
Coder et décoder les frontières
à l’aube du 21e siècle
16
Artistes et architectures.
Dimensions variables
Observer, inventorier,
critiquer : La relation
de l’artiste à l’architecture
18
A la carte !
DOSSIER :
SUJET (&) TERRITOIRE
27
Agnès Varda
Plain-pied avec la terre
28
L’image qui vient
30
Le geste de l’admoniteur
Le curateur admoniteur
31
Koenraad Dedobbeleer
A formal model/An inhibition show
32
Edith Dekyndt
Rétrospective et perspectives
34
Aleksandra Chaushova
Exposition performative
pour public engagé
35
Effi & Emir
Les écarts différentiels
36
Aline Bouvy
De l’art, de l’intime
et du politique
38
Elodie Huet/Guillaume Baronnet
Le parti pris des choses
39
Sarah & Charles
Une incroyable vérité
40
La communauté
des radiophonies
42
Jacques Charlier
Une question de style
43
Alain géronneZ
Hélas de A à Z
INTRA MUROS
L’ART MÊME Trimestriel
#68
Février-Avril 2016
Gratuit
5600 exemplaires
RD
Autorisation de fermeture
Bruxelles X - 1/487
Dépôt Bruxelles X