Le créancier face au débiteur en difficulté
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Le créancier face au débiteur en difficulté
Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) La profession d’huissier de justice est naturellement concernée par le thème du colloque organisé par le comité de Verviers-Eupen du Forum financier belge. L’intervention portera sur : 1- La transparence patrimoniale -Accès aux informations -Les restrictions et les difficultés rencontrées 2Les préalables à la mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée ou quelles sont les étapes obligées qu’un justiciable doit franchir pour pouvoir contraindre un débiteur au paiement de sa dette 3Les mesures dites « conservatoires » ou comment un justiciable peut-il préserver ses droits sans avoir déjà en sa possession un titre exécutoire ? 4- Les mesures dites exécutoires Dans le texte qui suit, vous y trouverez également quelques commentaires sur la Loi du 19 octobre 2015, baptisée « loi Pot-pourri » Thierry Collard 1 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 1- La transparence patrimoniale Accès aux informations Typologie I - Informations relatives à la localisation du débiteur Personne physique - Les registres de la population et le registre des étrangers - Le registre national des personnes physiques Personne morale - Les greffes des tribunaux de commerce et le Moniteur belge - La Banque-carrefour des entreprises II - Informations relatives à la consistance active et passive du patrimoine du débiteur L’actif - Biens immobiliers - Biens mobiliers corporels - Biens mobiliers incorporels Le passif - Les registres de la conservation des hypothèques - Le registre des privilèges agricoles - La publicité des protêts - La publicité des défauts de paiement en matière de crédit - La publicité des créances du Trésor public - Le fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes I – Informations relatives à la localisation du débiteur Personne physique Nom et prénom Numéro de registre national Lieu et date de naissance Sexe Résidence principale Lieu et date de décès Les registres de la population Le registre national des et le registre des étrangers personnes physiques 2 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Profession Etat civil Composition du ménage Personne morale Les greffes des tribunaux de commerce et le Moniteur Belge Identité des fondateurs/associés Identité des administrateurs/ gérants Numéro d’entreprise Forme de la société et dénomination Objet social Siège social Montant du capital social Actes modificatifs La Banque-carrefour des entreprises II – Informations relatives à la consistance active et passive du patrimoine du débiteur L’actif Biens mobiliers corporels (meubles, véhicules,…) Registre des régimes matrimoniaux Registre de la Direction Immatriculation des Véhicules (DIV) Registre matricule des navires et des bateaux Registre matricule des aéronefs Registre des institutions de sécurité sociale (ONSS- Biens mobiliers incorporels (Salaires, allocations,…) Biens immobiliers 3 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) INASTI) Registre du cadastre Registre de la conservation des hypothèques Registre de l’enregistrement Le passif Engagement des Engagement des biens mobiliers biens mobiliers corporels incorporels Registre de la conservation des hypothèques Engagement des biens immobiliers Défaut de paiement Registre des privilèges agricoles Publicité des protêts Publicité des défauts de paiement en matière de crédit Notification fiscale Notification sociale Fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes (FCA) 4 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Les restrictions et les difficultés rencontrées I - Au niveau national Restrictions d’accès Les huissiers de justice chargés d’une procédure contre une personne déterminée peuvent s’informer de la situation patrimoniale du débiteur auprès des différentes banques de données auxquelles ceux-ci se sont vus reconnaître un accès. Cet accès est soit tout public soit réglementé (v° tableaux récapitulatifs ci-dessous). Dans l’hypothèse d’un accès réglementé, les huissiers de justice ne doivent pas recueillir une autorisation judiciaire préalable. Il leur suffit d’attester de leur qualité d’huissier et d’établir qu’ils ont été requis d’agir dans le cadre de l’exercice de leur fonction. L’accès octroyé peut être toutefois plus ou moins restrictif en fonction des banques de données que l’huissier de justice veut consulter : - - Certaines n’autorisent l’accès qu’à certains types d’informations bien définies ; là où d’autres autorisent un accès plus large voire complet (c’est-à-dire à l’ensemble des données qu’il contient) Certaines n’autorisent l’accès que sur production du titre exécutoire sur la base duquel l’huissier de justice instrumente ; là où d’autres n’exigent que la communication de la finalité avec laquelle il agit. Difficultés rencontrées Elles sont de trois ordres : - - L’actualisation des données dans les différents registres accuse parfois un certain retard. L’information recueillie n’est donc pas toujours la plus à jour qui soit. Certaines informations de nature patrimoniale (ex : le salaire, les montants disponibles sur un compte bancaire,…) ne peuvent être communiquées aux huissiers de justice qu’avec l’accord du débiteur à défaut d’une autorisation d’accès direct à cette information. Obtenir un accès direct à certaines banques de données ou à certaines informations n’est pas toujours aisé soit que les institutions concernées (ex : le secteur bancaire) s’y refusent ; soit que la Commission pour la protection de la vie privée refuse de donner une telle autorisation. 5 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) II - Au niveau transfrontalier Restrictions d’accès Trois possibilités s’offrent à l’huissier de justice belge qui souhaiterait pouvoir disposer d’informations de l’Etat étranger concernant le patrimoine ou la localisation du débiteur y résidant: - Soit il existe un accord entre la Belgique et l’Etat étranger concerné concernant l'échange d’un type précis de données à caractère personnel ; - Soit l’huissier de justice belge peut éventuellement directement avoir accès à certaines banques de données étrangères dès l’instant où celles-ci sont publiques ; - Soit l’huissier de justice peut prendre contact avec un agent d’exécution étranger pour le charger d’une enquête de solvabilité ; pour autant qu’une telle enquête relève de ces compétences au stade où en est la procédure. Difficultés rencontrées : - Connaissance limitée voire inexistante des banques de données disponibles auprès de l’Etat étranger concerné ; - Connaissance limitée voire inexistante des conditions d’accès à ces banques de données ; - Connaissance limitée voire inexistante quant à la possibilité de mandater un agent d’exécution de cet Etat afin de réaliser une enquête de solvabilité. 6 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 2- Les préalables à la mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée ou quelles sont les étapes obligées qu’un justiciable doit franchir pour pouvoir contraindre un débiteur au paiement de sa dette Si chaque état européen doit veiller à ce que tout justiciable bénéficie du « droit à un tribunal », il s’est avéré que ce droit serait particulièrement illusoire si aucune garantie ne pouvait être donnée que la décision obtenue puisse sortir effectivement ses effets. Le droit à l’exécution constitue donc le prolongement naturel du droit au juge. Le recours à des mesures d’exécution forcée, lorsqu’une personne ne se conforme pas à ses obligations, nécessite tout de même la réunion de certaines conditions préalables conformément au Code judiciaire belge (C. jud.): - disposer d’un titre qui soit exécutoire; qui ait fait l’objet d’une signification et pour lequel, en général, un commandement de payer a déjà été signifié ; et que, lorsque ce titre consacre une créance, celle-ci soit certaine, liquide et exigible. 1/ Un titre exécutoire Art.1494 (C.jud.). Il ne sera procédé à aucune saisie-exécution mobilière ou immobilière qu'en vertu d'un titre exécutoire (…) Un titre exécutoire est un acte qui peut être mis en œuvre, au besoin, en recourant à des mesures d’exécution forcée à l’encontre de la partie qui ne respecte pas ses obligations. Un tel titre peut se présenter sous différentes formes : - Une décision de justice; Un jugement d’accord ; Une sentence arbitrale ; Un acte notarié ; Ou encore un acte administratif auquel la loi aurait conféré force exécutoire. 7 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 2/ Un titre ayant fait l’objet d’une signification Art.1495 (C.jud.). Toute décision qui prononce une condamnation, ne peut être exécutée qu'après avoir été signifiée à la partie. Toute mesure d’exécution diligentée sur la base d’un titre exécutoire nécessite inévitablement que ce titre ait été préalablement signifié à la partie contre qui l’exécution est poursuivie, le but étant de porter avec certitude à la connaissance de cette partie la décision rendue à son encontre. À défaut de remplir ce préalable, l’ensemble de la procédure d’exécution serait frappée de nullité. Pour réaliser cette signification, il y a lieu de faire appel à un huissier de justice belge territorialement compétent. Cette obligation de signification n’est toutefois pas requise pour l’acte notarié dès l’instant où toutes les parties concernées sont supposées avoir signé cet acte et avoir, de ce fait, pris connaissance de son contenu. Cas particulier de la signification d’une décision de justice belge dans un autre état membre de l’Union Lorsque le destinataire d’une décision de justice réside dans un autre état membre, il y a lieu de procéder à la signification de celle-ci conformément au Règlement (CE) n° 1393/2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale. Cette règlementation propose différentes voies de signification. Celle offrant le plus de sécurité juridique est la suivante : le justiciable s’adresse à un huissier de justice belge (en tant qu’entité d’origine) pour lui demander de transmettre officiellement à son homologue étranger territorialement compétent (ayant la qualité d’entité requise) la décision de justice à signifier au débiteur, accompagnée des formulaires requis. L’entité requise devra alors procéder à la signification proprement dite de tous les documents transmis ; et ce, conformément au droit interne de l’Etat membre de résidence du débiteur. Cette entité veillera également à tenir informée l’entité d’origine de la réussite ou de l’échec de l’opération. 8 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 3/ Un titre pour lequel un commandement de payer a été signifié Art.1499 (C.jud.). Toute saisie-exécution mobilière est précédée d'un commandement au débiteur, fait au moins un jour avant la saisie et contenant, si le titre consiste en une décision judiciaire, la signification de celle-ci, si elle n'est pas encore intervenue. Art.1564 (C.jud.). La saisie-exécution immobilière est précédée d'un commandement, signifié par exploit à personne ou au domicile réel ou élu dans le titre de la créance Le commandement de payer est un exploit d’huissier par lequel le débiteur reçoit l’ordre de payer en vertu d’un titre exécutoire avec menace, à défaut de paiement volontaire, d’y être contraint par voie d’exécution forcée. Le commandement peut être signifié en même temps que le titre exécutoire et constitue, en tout état de cause, un préalable à toute saisie-exécution mobilière et immobilière, exception faite de la saisie-arrêt exécution. La signification de ce commandement revêt également son importance lorsqu’une mesure de saisie conservatoire (v° point II) a été réalisée. En effet, cette seule signification opérera la transformation de la saisie conservatoire en saisie exécutoire, dispensant ainsi la partie poursuivante de renouveler les formalités procédurales déjà remplies précédemment au stade conservatoire. 4/ Un titre portant sur une créance certaine, exigible et liquide Art.1494 (C.jud.). Il ne sera procédé à aucune saisie-exécution mobilière ou immobilière qu'en vertu d'un titre exécutoire et pour choses liquides et certaines La certitude Une créance certaine est celle qui, à la suite d'un examen sommaire, semble suffisamment fondée ou semble présenter des éléments suffisants de certitude pour autoriser ou maintenir une saisie conservatoire. 9 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Ainsi, une créance conditionnelle, éventuelle, ou même litigieuse (si la contestation ne paraît pas suffisamment sérieuse) peut servir de base à une saisie conservatoire. L'exigibilité Une créance est considérée comme exigible dès l’instant où le créancier peut en exiger le paiement immédiat. Le Code judiciaire belge prévoit toutefois une exception à ce principe pour les créances de revenus périodiques à échoir ; tel un loyer par exemple. La liquidité La créance est liquide lorsque son montant est déterminé ou déterminable. 3- Les mesures dites « conservatoires » ou comment un justiciable peut-il préserver ses droits sans avoir déjà en sa possession un titre exécutoire? et 4- Les mesures dites exécutoires Lorsqu’un créancier n’est pas encore en possession d’un titre exécutoire, ce dernier n’est pas pour autant démuni. La législation belge autorise, en effet, dans ce cas, de faire appel à un huissier de justice pour procéder à une mesure conservatoire prenant la forme d’une saisie. L’objectif d’une telle saisie est simple : empêcher le débiteur, durant un délai déterminé, de pouvoir disposer à sa guise des biens constituant son patrimoine. En d’autres termes, une telle mesure a pour effet de ménager une situation d’attente c’est-à-dire de garantir le maintien du patrimoine du débiteur en l’état, le temps pour le créancier d’obtenir un titre suffisant pour agir. Le recours au mécanisme de la saisie conservatoire nécessite que certaines conditions soient réunies. Ces conditions sont de deux natures différentes : de fond et de forme. 10 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 1/ Les conditions de fond Les conditions de fond sont au nombre de deux : la célérité et les qualités de la créance La célérité Art.1413 (C.jud.). Tout créancier peut, dans les cas qui requièrent célérité, demander (…) de saisir conservatoirement les biens saisissables qui appartiennent à son débiteur Cette exigence signifie que la saisie ne peut être pratiquée ou autorisée que dans les cas où, si elle ne l’était pas, le créancier pourrait craindre un préjudice. Autrement dit, l’attitude du débiteur ou sa situation patrimoniale doit laisser raisonnablement penser qu’à défaut de prendre une telle mesure de protection, le recouvrement futur de la créance sera mis en péril. La nécessité d’une saisie conservatoire sera donc examinée en considération de l’insolvabilité existante ou menaçante du débiteur. À titre d’exemples, les situations suivantes peuvent donner lieu à une telle mesure: - lorsque le débiteur se rend délibérément insolvable; - lorsque plusieurs éléments de fait démontrent que le débiteur se trouve dans une situation qui ne lui permet pas de faire face à ses engagements financiers; - Lorsqu’au vu des pièces du dossier, le juge est convaincu de la situation objectivement difficile du débiteur (difficultés de paiement récurrentes voire constantes, passivité du débiteur malgré les nombreux rappels de paiement,…). Il n'y a donc pas « célérité » lorsque le seul besoin d'argent du créancier motive sa demande. Les qualités de la créance Art.1415 (C.jud.). La saisie conservatoire ne peut être autorisée que pour une créance certaine et exigible, liquide ou susceptible d'une estimation provisoire. 11 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) La saisie conservatoire ne peut être autorisée que pour une créance certaine, exigible et liquide ou susceptible d'une estimation provisoire. Il est renvoyé aux développements du point I en ce qui concerne la portée de ces différentes exigences. 2/ Les conditions de forme Les conditions de forme requises se résument à l’obligation ou non de demander l’autorisation préalable du juge des saisies pour procéder à la mesure de saisie conservatoire. Saisie pratiquée avec autorisation du juge des saisies Dans la majorité des cas, la saisie doit être autorisée par le juge des saisies. Pour ce faire, le créancier doit introduire sa demande au moyen d’une requête unilatérale comportant certaines mentions, les unes étant relatives à la date à laquelle la requête est introduite, à l’identification des parties, ou encore à l’objet et aux motifs de la demande ; les autres étant en lien avec le type de saisie demandée. Toutes les pièces justificatives doivent également être jointes au dossier afin de permettre au juge de prendre une décision en toute connaissance de cause. Saisie pratiquée sans autorisation du juge des saisies Il existe néanmoins certaines hypothèses dans lesquelles le créancier peut directement mandater un huissier de justice pour pratiquer une saisie conservatoire sans autorisation préalable: - Lorsqu’il a déjà en sa possession un jugement belge, même non exécutoire par provision, ou une sentence arbitrale belge; - Lorsqu’il est en possession d’un jugement étranger ou d’une sentence arbitrale étrangère pour autant que l’une comme l’autre soient reconnues en droit belge conformément aux termes d’une convention conclue entre la Belgique et le pays d’où provient le jugement ou la sentence arbitrale; 12 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) - Lorsqu’il a déjà en sa possession un acte authentique (acte notarié), même non revêtu de la formule exécutoire, pour autant que cet acte renseigne clairement l'obligation pour le débiteur de payer une créance liquide; - En cas de saisie-gagerie (il s'agit de la saisie pour garantie de loyers ou fermages échus); - En cas de saisie-arrêt (que le créancier possède déjà un titre - jugement ou acte authentique - ou un simple titre privé. Par « titre privé », il faut comprendre « un écrit régulier dans la forme, opposable au débiteur et attestant de l’existence d'une créance certaine, exigible et liquide ». Il en est ainsi : - d’une lettre de change acceptée ou protestée, d’un chèque, d’un billet à ordre, d’un testament, d’une police d'assurance, d’un contrat, d’une facture 3/ Les grandes catégories de saisie conservatoire en droit belge En matière conservatoire, le créancier a le choix entre 5 types de saisie différents. Chacune d’entre elles à une durée de vie de trois ans renouvelable, sans compter les éventuelles causes de suspension. Le but poursuivi par ces mesures est essentiellement de rendre temporairement indisponible, pour le débiteur, les biens composant le patrimoine personnel de celui-ci. La saisie mobilière Cette saisie a pour objet les biens corporels dont le débiteur est propriétaire (meubles, véhicules,…). La saisie immobilière 13 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) La saisie immobilière a pour objet tous les immeubles par nature ou par destination du débiteur. Il en va de même du droit d'usufruit, d'emphytéose et de superficie appartenant au débiteur. Les droits d'usage et d'habitation ne peuvent, par contre, pas être saisis. La saisie-arrêt La saisie-arrêt est la procédure par laquelle le créancier saisit les sommes ou effets mobiliers (actions, valeur-titre,...) appartenant au débiteur et qui se trouvent dans les mains d'un tiers. Ce type de saisie diffère quelque peu des deux précédents dans la mesure où n’interviennent plus deux parties (créancier-débiteur) mais trois : le créancier saisissant, le débiteur saisi et le tiers saisi (c’est-à-dire le débiteur du saisi). La saisie-arrêt est par exemple typiquement utilisée pour saisir directement auprès de la banque les sommes déposées par le débiteur sur son compte bancaire ou pour saisir le salaire du débiteur directement entre les mains de son employeur. Les saisies conservatoires plus spécifiques Il existe trois autres saisies conservatoires mais qui, en raison de leurs spécificités, sont moins fréquemment mises en œuvre. Il s’agit de : La saisie-gagerie par le biais de laquelle le propriétaire ou le locataire d’un bien rural peut faire saisir les effets et les fruits qui garnissent le lieu et les terres loués en cas de loyer ou de fermage échus ; La saisie-revendication par laquelle s'exerce le droit de suite en matière mobilière. Elle a ainsi pour but d'assurer la conservation d'un bien meuble corporel, afin d'en obtenir la restitution dès qu'il aura été statué sur la propriété, la possession ou la détention. Cette saisie peut s’opérer en quelques mains que le bien se trouve. La saisie sur navires et bateaux (à titre informatif) La saisie de meubles incorporels La saisie de meubles incorporels (aussi appelée saisie-arrêt) est une procédure au moyen de laquelle il est possible pour un créancier d’appréhender les biens dématérialisés constituant le 14 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) patrimoine de son débiteur ; par opposition aux biens corporels qui eux peuvent faire l’objet d’une saisie mobilière classique. Par « biens dématérialisés », il y a lieu d’entendre tout élément de nature patrimoniale qui ne peut faire l’objet d’une appréhension physique. La saisie de biens incorporels se décline, par ailleurs, sous différentes formes dont les principales seront détaillées dans la présente fiche. En guise de remarque générale préalable, l’attention du lecteur est attirée sur le fait que seule la saisie-exécutoire de meubles incorporels sera prioritairement abordée en l’espèce. 1/ Les règles générales de la saisie-arrêt de droit commun A - Définition La saisie-arrêt vise à permettre à un créancier d’intercepter des sommes d’argent ou effets dus à son débiteur bien qu’ils se trouvent encore entre les mains d’un tiers (art. 1445 du Code judiciaire). Autrement dit, il s’agit de saisir des biens chez un tiers mais qui font bel et bien déjà partie du patrimoine du débiteur poursuivi dans la mesure où le tiers est lui-même le débiteur du débiteur. En d’autres mots, le saisi doit être débiteur du saisissant, et créancier du tiers-saisi. Ex : Saisie du salaire d’un employé (saisi) entre les mains de l’employeur de ce dernier (tierssaisi) au bénéfice du créancier (saisissant) Ex : Saisie auprès d’un organisme bancaire (tiers-saisi) de sommes d’argent que possède le débiteur sur un compte dont il est le titulaire (saisi) au bénéfice de son créancier (saisissant) B – Principe La saisie-arrêt exécution permet donc au créancier d'obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues en obligeant le tiers-saisi à vider ses mains, entre celles de l’huissier de justice instrumentant, dans la mesure de sa dette envers le saisi. La saisie-arrêt met ainsi en présence trois personnes : - Le créancier saisissant, celui qui pratique la saisie ; - Le saisi, créancier ou propriétaire des effets ou deniers, objets de la saisie ; - Le tiers-saisi, débiteur du saisi en mains duquel est pratiquée la saisie. 15 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Si la saisie de sommes d’argent constitue l’hypothèse la plus symptomatique de ce type de saisie (v° exemple au point A), elle ne s’y résume pas. Elle peut également s’appliquer à des biens incorporels appartenant au débiteur et se trouvant chez un tiers. Les effets de la saisie-arrêt seront toutefois différents selon qu’elle porte sur des créances ou sur des meubles corporels ou incorporels : dans le premier cas, elle aboutit au stade final à l’attribution au saisissant des sommes dont le saisi est créancier du tiers-saisi ; dans le second cas, elle aboutit à la vente des meubles du saisi se trouvant entre les mains du tiers-saisi et au payement du saisissant sur le produit de leur réalisation. Les articles 1409 à 1412 du Code judiciaire organisent tout de même l’insaisissabilité et l’incessibilité partielles ou totales de certains types de somme d’argent revenant au débiteur afin que celui-ci et sa famille conservent un minimum vital (ex : salaire, allocation, revenu complémentaire, indemnité,…). À titre purement anecdotique, signalons qu’une saisie-arrêt pratiquée par le saisissant entre ses propres mains n’est pas exclue de telle manière que la relation triangulaire (décrite ci-dessus) laisse la place à une relation où le saisissant endosse également la qualité de tiers-saisi. Remarquons, par ailleurs, qu’il y a lieu de distinguer, en l’espèce, deux types de créances différentes dans le cadre de la relation juridique unissant partie saisissante, partie débitrice et tiers-saisi : la créance existant entre le créancier et son débiteur (créance-cause) ainsi que celle existant entre le débiteur et le tiers-saisi (créance-objet). 1. La créance-objet La saisie-arrêt peut être réalisée sur des créances à terme, conditionnelles ou litigieuses appartenant au débiteur (art. 1446 et 1539, al. 2 du Code judiciaire). Il suffit donc que la créance existe au moins en germe au moment de la saisie au bénéfice du débiteur. 2. La créance-cause Cette mesure d’exécution doit par ailleurs se justifier au regard d’une créance existant dans le chef du saisissant. La question qui se pose ici est donc de déterminer en vertu de quelles créances peut-on saisir-arrêter. Il existe des conditions de fond et des conditions de forme pour lesquelles il est renvoyé à la fiche thématique n° 1 pour plus de détails. 16 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) C - Effet d’indisponibilité de toute saisie-arrêt L’effet immédiat de l’exploit de saisie-arrêt est de frapper d’indisponibilité les sommes et effets que le tiers-saisi doit au saisi et lui interdit tout payement (art. 1451 et art. 1540 du Code judiciaire). Ainsi, le tiers-saisi ne peut plus se libérer valablement entre les mains du saisi, ni même effectuer un paiement à un autre créancier du saisi. Il ne peut plus davantage compenser sa dette vis-à-vis du saisi avec une créance à charge de celui-ci. L’indisponibilité est totale, en ce sens qu’elle immobilise la totalité de la créance du saisi et ses accessoires (art. 1455 du Code judiciaire). Il ne peut y être dérogé que par voie de cantonnement (art. 1403 du Code judiciaire). D - Règles particulières à la saisie-arrêt conservatoire (articles 1445 à 1460 du Code judiciaire) En cas de saisie-arrêt conservatoire, celle-ci peut être pratiquée sans autorisation du juge, non seulement par le créancier muni d'un titre authentique mais encore sur la base d'un simple titre privé à ses risques et périls. Le titre doit consister dans un écrit qui doit être régulier dans la forme, opposable au saisi et faire preuve d'une créance, certaine, exigible et liquide. En l'absence de titre, la saisie doit être sollicitée par requête unilatérale, conformément aux articles 1417 et 1418 du Code judiciaire. Dans les huit jours de la réception par le tiers de l'acte contenant saisie-arrêt, celle-ci doit être dénoncée, à la requête du saisissant, au débiteur saisi, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par exploit d'huissier (article 1457 du Code judiciaire). La saisie-arrêt crée deux obligations pour le tiers-saisi (article 1451 du Code judiciaire et articles 1452 à 1455 du Code judiciaire). Il est renvoyé au point F, 4 ci-dessous pour plus de détails. Si le tiers saisi transgresse ces obligations, il peut être déclaré débiteur pur et simple, en tout ou en partie, des causes de la saisie (c'est-à-dire de la dette du débiteur) à la suite d'une action portée par le créancier devant le juge des saisies (article 1456 du Code judiciaire). 17 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) E - Règles particulières à la saisie-arrêt-exécution (articles 1539 à 1544 du Code judiciaire) Le créancier nanti d'un titre exécutoire peut faire procéder par exploit d'huissier à une saisiearrêt-exécution, entre les mains d'un tiers, sur les sommes et effets que celui-ci doit à son débiteur. 1. Enonciations de l’exploit de saisie L’exploit de saisie-arrêt-exécution doit contenir, outre les formalités communes à tous les exploits de saisie, la reproduction des articles 1452 à 1455 du Code judiciaire (au chapitre de la saisie-arrêt conservatoire) et de l’article 1543 du Code judiciaire (au chapitre de la saisie-arrêtexécution) ; et ce conformément à l’article 1539, al. 4 du Code judiciaire. Il y a lieu également de considérer par analogie que l’exploit de saisie-arrêt-exécution doit pareillement contenir l’avertissement au tiers-saisi d’avoir à se conformer à ces dispositions. Enfin, il est particulièrement intéressant de souligner que cet exploit ne donne pas lieu à la signification d’un commandement préalable comme c’est le cas habituellement pour toute saisie exécution. 2. Dénonciation de la saisie au débiteur saisi La saisie-arrêt-exécution doit être dénoncée dans les huit jours au débiteur saisi. Si ce délai n’est pas prescrit à peine de nullité, il conditionne néanmoins le bon déroulement de la mesure d’exécution. Suivant l’article 1539, alinéa 5, du Code judiciaire, cette dénonciation est faite uniquement par exploit d’huissier de justice et contient, en outre, à peine de nullité, le formulaire de déclaration d’enfant à charge, lorsque la saisie porte sur des revenus visés aux articles 1409, § 1 et 1bis, et 1410 du Code judiciaire. Le délai de huit jours n’est lui, par contre, pas prescrit à peine de nullité, la dénonciation tardive repoussant d’autant la prise de cours du délai de quinze jours pendant lequel le saisi peut s’opposer à la mesure d’exécution et partant le moment du dessaisissement (art. 1543, al. 1 du Code judiciaire). 18 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) La dénonciation de la saisie au débiteur saisi constitue donc un élément essentiel de la saisiearrêt-exécution : 1) Pour le tiers-saisi, dans la mesure où l’exploit de dénonciation doit lui être produit au moment du paiement afin qu’il puisse vérifier la régularité de la réclamation du créancier du débiteur saisi. 2) Pour le saisi, dès l’instant où la dénonciation ouvre, pour lui, le délai de quinze jours dont il dispose pour faire opposition et défendre ses droits (art. 1541 du Code judiciaire). 3) Pour le saisissant, afin de lui permettre d’obtenir du tiers-saisi la remise effective entre ses mains des sommes et effets saisis-arrêtés. En effet, aux termes de l’article 1543 du Code judiciaire, si le saisi laisse expirer le délai de quinze jours sans exercer de recours, le tiers-saisi est tenu de vider ses mains à concurrence du montant de la saisie. 3. De l’opposition du débiteur saisi L’article 1541 du Code judiciaire donne au débiteur saisi la faculté, dans les quinze jours de la dénonciation, de faire opposition à la saisie. Cette opposition se fait selon les règles ordinaires, par voie de citation, signifiée au saisissant, à la requête du saisi, devant le juge des saisies territorialement compétent à savoir celui du lieu du domicile du débiteur saisi ou celui du lieu d’exécution lorsque le débiteur est domicilié à l’étranger ou n’a pas de domicile connu en Belgique. À cette occasion, le débiteur peut faire valoir des moyens de forme ou de fond. L’exploit de citation est dénoncé au tiers-saisi par huissier de justice (article 1541 C.jud.). La double formalité de l’opposition et de la dénonciation au tiers-saisi peut être accomplie par un même exploit (art. 1541 du Code judiciaire) et ce, pour autant que le saisissant et le tierssaisi résident dans le même arrondissement judiciaire. Dans le cas contraire, deux exploits seront nécessaires pour l’accomplissement de cette double formalité. La décision rendue sur cette opposition est de même signifiée au tiers-saisi par la partie la plus diligente (art. 1541, al. 2 du Code judiciaire). Dans l’attente d’une décision du juge des saisies, l’obligation de paiement du tiers-saisi au saisissant est suspendue mais l’effet d’indisponibilité tout comme l’obligation de déclaration subsistent. 19 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) L’ordonnance rendue par le juge des saisies sur opposition tendant à la mainlevée d’une saisie-arrêt-exécution ne peut sortir d’effet qu’après avoir été signifiée par huissier de justice au tiers-saisi. 4. Détermination de l’obligation du tiers-saisi L’obligation du tiers-saisi est en principe, fixée par sa déclaration, laquelle sera faite suivant les règles et formes prescrites par le Code judiciaire. Le tiers-saisi ne doit, en effet, pas seulement conserver les avoirs saisis et ne faire aucun payement, l’article 1540 du Code judiciaire lui impose, en outre, de déclarer ce qu’il doit au saisi. De la même manière, il lui incombe d’indiquer au saisissant et au débiteur saisi, à leur demande, dans les mêmes formes, les sommes et effets qui viendraient accroître les avoirs existant lors de la première ou de la précédente déclaration (art. 1455 du Code judiciaire). Cette disposition a ainsi pour effet, jusqu’à la mainlevée de la saisie, de contraindre le tiers-saisi à signaler également les sommes qui viendraient à échoir postérieurement à sa déclaration, sans qu’une nouvelle saisie-arrêt ne soit nécessaire. Si la déclaration initiale doit être faite dans les quinze jours de la saisie-arrêt (art. 1452 du Code judiciaire), la loi n’a fixé aucun délai pour l’éventuelle déclaration complémentaire, celle-ci intervenant « à la demande » du saisissant ou du débiteur saisi. Selon l’article 1453 du Code judiciaire, cette déclaration doit être adressée respectivement au saisissant ou à l’huissier de justice qui a pratiqué la saisie, et au débiteur saisi, et ce sous pli recommandé à la poste ou remise contre récépissé. L’envoi par courrier simple n’est pas exclu mais pourrait mettre le tiers-saisi dans l’incapacité de prouver qu’il a bel et bien satisfait à ses obligations légales (conformément à l’article 1452 du Code judiciaire), avec pour effet qu’il pourrait être condamné débiteur pur et simple, en tout ou en partie des causes de la saisie en application de l’article 1546 du Code judiciaire. La copie des documents justificatifs sera annexée à la déclaration adressée par le tiers-saisi au saisissant ou à l’huissier instrumentant (art. 1453 du Code judiciaire). L’article 1452 du Code judiciaire précise les énonciations que doit contenir la déclaration du tiers-saisi et qui doivent permettre de donner un aperçu exact de la situation, la déclaration devant être une explication nette et sincère des rapports juridiques entre le saisi et le tiers-saisi. Deux cas peuvent se présenter : le tiers-saisi se reconnaît débiteur du saisi (a) ou il n’est pas ou n’est plus débiteur du saisi (b). 20 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) a) Le tiers-saisi se reconnaît débiteur Le tiers-saisi doit, dans ce cas, énoncer avec exactitude les causes et le montant de sa dette, la date d’exigibilité et, si nécessaire, ses modalités (art. 1452 du Code judiciaire). b) Le tiers-saisi n’est pas, ou n’est plus, débiteur du saisi Dans ce cas, la loi impose l’obligation pour le tiers-saisi d’affirmer qu’il n’est pas ou n’est plus débiteur du saisi (art. 1452, al. 2, 2° du Code judiciaire). Cette affirmation, malgré son caractère négatif, est de nature à épargner au saisissant des frais inutiles de procédure. Dans les deux cas ci-dessus envisagés, quelle que soit la teneur de la déclaration, le tiers-saisi doit, en outre, incorporer dans sa déclaration le relevé de toutes les saisies-arrêts qui auraient déjà été formées entre ses mains (art. 1452, al. 2, 3° du Code judiciaire). Cette obligation se justifie par le fait qu’il est de l’intérêt du saisissant d’être éclairé à cet égard de telle manière qu’il puisse vérifier les titres des autres créanciers et apprécier ses chances de paiement. Quant au frais de la déclaration, le Code judiciaire reconnaît au tiers-saisi, contraint d’avoir exposé certains frais à l’occasion de sa déclaration, le droit à une indemnisation (art. 1454 du Code judiciaire). Le tiers-saisi qui ne fait pas sa déclaration dans le délai légal ou qui fait une déclaration inexacte pourra être déclaré débiteur envers le saisissant en tout ou en partie des causes de la saisie, ainsi que des frais de celle-ci. Cette sanction est assimilée à une peine privative n’ayant aucun effet sur la validité de la saisie pratiquée. Cette sanction ne s’applique évidemment que du moment où le tiers-saisi avait connaissance ou devait avoir connaissance de l’acte contenant la saisie-arrêt, un tel agissement étant dès lors considéré comme une entrave à la procédure de saisie-arrêt entreprise par la partie saisissante. Il y a lieu de préciser que le tiers-débiteur des causes de la saisie peut invoquer, à l’égard du saisissant, les exceptions que le saisi pouvait opposer à celui-ci. Il peut ainsi s’agir d’exceptions de fond (ex. le saisi n’est pas ou n’est plus débiteur) et/ou de forme (ex. mainlevée de la saisiearrêt). Si la déclaration du tiers-saisi est contestée, son obligation est fixée par le juge compétent lequel vide le différend et, dans ce cas, détermine l’existence et le montant de la créance dont le tiers-saisi est tenu. 21 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 5. Dessaisissement entre les mains de l’huissier et effet à l’égard du saisi En cas de saisie-arrêt, le tiers-saisi doit se libérer entre les mains de l’huissier de justice instrumentant et non entre les mains du saisissant afin que l’officier ministériel diligente, le cas échéant, la procédure de répartition. Le débiteur saisi ne sera libéré envers le créancier saisissant que dans la mesure des versements reçus par celui-ci dans le cadre de la saisie-arrêt suivie de la procédure de distribution par contribution. Procéduralement parlant, il faut distinguer deux hypothèses : a) Le débiteur saisi n’a pas fait opposition Dès l’instant où la dénonciation de la saisie a été faite à la personne ou au domicile du saisi, deux jours au plus tôt après l’expiration du délai de quinze jours à dater de la dénonciation dont le saisi dispose pour exercer son recours, le tiers-saisi dont la dette est liquide et exigible est tenu, sur production de l’exploit de dénonciation et conformément à sa déclaration, de vider ses mains en celles de l’huissier instrumentant à concurrence du montant de la saisie (art. 1543 du Code judiciaire). Dans le cas contraire, le tiers-saisi n’est tenu de vider ses mains que pour autant que le créancier saisissant ait préalablement obtenu le visa du juge. Si le tiers-saisi ne respecte pas l’obligation de dessaisissement, il pourra y être contraint par le juge des saisies à la requête du saisissant (art. 1543, al. 1 du Code judiciaire). b) Le débiteur saisi a fait opposition L’obligation du tiers-saisi de vider ses mains est, en cas d’opposition du saisi, suspendue jusqu’à la signification au saisi de la décision qui a vidé l’opposition (art. 1543, al. 2 du Code judiciaire) « sauf l’effet des recours qui seraient formés contre cette décision ». Il en résulte que si la décision n’est pas déclarée exécutoire, l’appel sera également suspensif, selon les règles ordinaires. 22 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 6. Distribution par contribution La distribution par contribution régit la répartition du produit de la saisie-arrêt-exécution (art. 1627 et s. du Code judiciaire). Il faut entendre en l’espèce la répartition, entre tous les créanciers venant en concours, des fonds provenant de la vente des meubles incorporels saisis ou des sommes saisies. On ne peut donc imposer au tiers-saisi la tâche de la répartition qui appartient au seul huissier de justice. L’huissier de justice intégrera dans sa procédure de distribution par contribution tant les créanciers opposants que tous les créanciers du débiteur saisi. Depuis la loi du 29 mai 2000, l’article 1495, alinéa 2, du Code judiciaire dispose que lorsque la saisie est pratiquée en vue d’obtenir le paiement de termes échus d’une créance de revenus périodiques, la saisie peut aussi avoir lieu pour obtenir le payement des termes à échoir au fur et à mesure de leur échéance. D - Responsabilité du tiers-saisi à l’égard du saisissant À l’égard du saisissant, la responsabilité du tiers-saisi est engagée, de telle manière que le tierssaisi qui transgresse l’interdiction de se dessaisir des sommes en sa possession, s’expose à être déclaré débiteur pur et simple des causes de la saisie et condamné comme tel. Le tiers ne pourra donc passer outre à cette interdiction de se dessaisir tant qu’il ne lui aura pas été confirmé que mainlevée régulière de la saisie a été accordée. Le débiteur ne peut par conséquent pas lui reprocher le respect de cette obligation. E – Saisie-arrêt « commune » En cas de saisie-arrêt pratiquée par un huissier de justice pour le compte d’un créancier en tant que « premier saisissant », l’article 1543bis dans le Code judiciaire prévoit que le créancier opposant nanti d’un titre exécutoire peut, sommation préalablement faite au premier saisissant et sans former aucune demande en subrogation, faire procéder, par l’huissier de justice instrumentant, au dessaisissement du tiers saisi conformément à l’article 1543 du Code judiciaire. 23 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 2/ La délégation de sommes À côté de la saisie-arrêt de droit commun, le législateur a organisé une procédure particulière, la délégation de sommes, à laquelle les créanciers d’aliments peuvent avoir recours dans certaines circonstances (articles 221 du Code civil et 1280, alinéa 5, du Code judiciaire). La délégation de sommes peut être définie comme étant « l’autorisation judiciaire donnée au créancier d’aliments de percevoir directement, à l’exclusion du débiteur, dans les conditions et les limites que le jugement fixe, les revenus de celui-ci ou toute autre somme à lui due par un tiers ». Sa mise en œuvre se rapproche, somme toute, d’une saisie-arrêt simplifiée se réalisant par voie de notification, sans dénonciation au délégant, sans obligation pour le tiers délégué d’effectuer une déclaration de créance, et sans application à celui-ci des sanctions spéciales édictées par le Code judiciaire en cas de méconnaissance de ses obligations par le tiers-saisi 3/ La saisie-arrêt d’aliments Cette mesure d’exécution trouve à s’appliquer pour permettre le recouvrement des créances alimentaires impayées. Si la procédure de saisie-arrêt ne s’écarte pas, dans cette hypothèse, du régime procédural général, il est à noter que la qualité du saisissant est particulière. En effet, en tant que créancier d’aliments, il bénéficie d’une situation privilégiée lui octroyant le droit de saisir la totalité des sommes entre les mains du tiers-saisi sans aucune limite d’insaisissabilité ou d’incessibilité pour autant que ces sommes soient constitutives d’un salaire, d’un revenu de remplacement ou de certaines allocations (art. 1412 C.jud.). Il s’agit donc d’une exception au principe protecteur énoncé au point 1/, B. La situation privilégiée octroyée au créancier d’aliments n’opérant que dans ces circonstances, il subit, pour le surplus, la loi du concours comme créancier ordinaire aux côtés de tous les autres. 24 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 4/ La saisie-arrêt de valeurs mobilières Les valeurs mobilières (actions, obligations, parts sociales…) peuvent être appréhendées, en principe, par le créancier saisissant au moyen d’une saisie-arrêt entre les mains de la société. La réalisation de celle-ci est poursuivie comme en matière de saisie-exécution mobilière, c'est-àdire en appliquant les articles 1516 à 1528 du Code judiciaire. Faute d’une réglementation cohérente, il faut ici faire une distinction, suivant le type de société devant laquelle l’on peut se trouver lorsqu’on pratique la saisie-arrêt. À titre d’exemple, est détaillée ci-dessous la situation spécifique à une société privée à responsabilité limitée. L’article 232 du Code des sociétés stipule qu’« il peut exister dans les sociétés privées à responsabilité limitée des parts et des obligations. Ces titres sont nominatifs. Ils portent un numéro d’ordre ». L’article 233 du Code des sociétés ajoute qu’il est tenu au siège social un registre des parts et des obligations dont tout tiers intéressé peut prendre connaissance. Ces titres nominatifs peuvent être appréhendés sans aucun problème par une saisie-arrêt qui peut être soit conservatoire, soit exécutoire, et qui doit être pratiquée entre les mains de la société. Les problèmes surviennent lorsque le créancier saisissant veut passer à la vente forcée des parts sociales suite à une saisie-arrêt-exécution. En effet, les parts sont sujettes à des restrictions (légales ou statutaires) à la négociabilité Ces restrictions entraînent le risque de ne trouver aucun acquéreur ; elles constituent un véritable frein pour le créancier qui veut procéder à une saisie. Il est cependant admis que les clauses statutaires conformes au Code des sociétés doivent en principe être respectées, pour autant que l’incessibilité conventionnellement stipulée ne rende pas l’action nominative insaisissable. Le défaut de négociabilité pourrait, en effet, entraîner la dissolution de la société à la demande du poursuivant afin de pouvoir retrouver son dû. De la même manière, les titres dématérialisés sont également appréhendable au moyen d’une saisie-arrêt. 25 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Aux termes de l’article 468 du Code des sociétés, l’action dématérialisée est représentée par une inscription en compte au nom de son propriétaire ou de son détenteur auprès d’un teneur de comptes agréé par le Roi. Il s’agit d’un droit de copropriété de nature incorporelle qui s’exerce « au prorata des titres que le titulaire du compte détient sur la masse indivise ou l’universalité qui est constituée de toutes les inscriptions au nom de leur teneur de comptes auprès de l’organisme centralisateur ou d’autres teneurs de comptes et des droits qui y sont attachés ». L’article 472, dans son second alinéa, stipule que « sans préjudice de l’application de l’article 471, en cas de faillite du propriétaire des valeurs mobilières ou dans toute autre situation de concours, les créanciers du propriétaire des valeurs mobilières peuvent faire valoir leurs droits sur le solde disponible des valeurs mobilières inscrites en compte au nom et pour compte de leur débiteur, après déduction ou addition des titres qui, en vertu d’engagements conditionnels, d’engagements dont le montant est incertain ou d’engagements à terme, sont entrés, le cas échéant, dans une partie distincte de ce compte-titres, au jour de la faillite ou du concours, et dont l’inclusion dans le solde disponible est différée jusqu’à la réalisation de la condition, la détermination du montant ou l’échéance du terme ». Les saisies-arrêts effectuées entre les mains des teneurs de comptes agréés par les créanciers des détenteurs des titres dématérialisés sont ainsi parfaitement envisageables. 5/ La saisie-arrêt bancaire La saisie-arrêt d’un compte en banque est fréquemment mise en œuvre. Cette saisie est pratiquée sur tous les avoirs dont la banque est débitrice envers le débiteur et concerne tous les comptes bancaires ouverts à son nom. Tel est ainsi le cas pour un compte de dépôt ou un compte courant. Le fait que ledit compte appartienne à plusieurs titulaires ne constitue pas un obstacle à la saisie. Chaque créancier de chaque titulaire peut le saisir. L’entièreté du compte sera alors bloquée tant que le tiers-saisi ne connaît pas la quote-part de chacun des titulaires. Tel n’est par contre pas le cas d’une ouverture de crédit ou d’un compte d’épargne. 26 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) A - Etendue de la protection L’article 1411ter, § 1, du Code judiciaire stipule qu’en cas de saisie, les revenus provenant du travail ou d’autres activités ainsi que les revenus de remplacement versés sur le compte bancaire saisi bénéficient du régime protectionnel d’insaisissabilité partielle organisé par les article 1409, 1409bis et 1410 du Code judiciaire, durant une période de trente jours à dater de l’inscription de ces sommes au crédit du compte à vue. Afin d’identifier les revenus protégés, un système de traçabilité a été mis en place organisant ainsi un report d’insaisissabilité et d’incessibilité en cas de saisie d’un revenu protégé crédité sur un compte à vue ouvert auprès d’un organisme bancaire (financier). Les différents types de revenus doivent ainsi être assortis d’un code particulier lors de leur paiement sur le compte bancaire (salaire, allocations,…) afin qu’ils puissent être isolés des autres montants versés au crédit du compte à vue. Les autres montants versés sont, quant à eux, entièrement saisissables. Les codes à utiliser sont les suivants : /A/ revenus du travail et revenus d’autres natures (par ex. loyers) /B/revenus d’autres activités et revenus de remplacement partiellement saisissables (pensions alimentaires, pensions, allocations chômage, allocations FSE, allocations d’invalidité, de mutuelle, rentes pour accidents du travail et maladies professionnelles…) /C/ revenus de remplacement insaisissables et incessibles (allocations familiales, pensions d’orphelin, allocations au profit de personnes handicapées, aide sociale…) Il s’agit donc d’une obligation incombant au donneur d’ordre que d’attribuer, en regard des sommes qu’il verse, un code particulier, sous peine de sanctions pénales (amendes) en cas d’oubli ou de fraude. Le juge des saisies pourrait également être saisi, à ce titre, afin de déclarer l’intéressé débiteur, en tout ou en partie, des causes de la saisie ou de la cession, ainsi que des frais de celle-ci, sans préjudice des dommages et intérêts envers la partie s'il y a lieu. 27 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) B – Principes La protection d’insaisissabilité ou d’incessibilité partielle est d’application durant une période de trente jours à dater de l’inscription des sommes au crédit du compte. Toutefois, le calcul de la fraction insaisissable décroît par trentième selon le nombre de jours écoulés entre le jour de l’inscription des sommes en compte et celui de la saisie ou de la cession. Autrement dit, Le calcul de la partie du solde saisissable se fait au prorata des jours restants de la période de protection par rapport à la date de la saisie ou de la cession. La protection accordée est donc dégressive. À noter l’existence d’un régime spécifique si les sommes protégées font l’objet d’un versement global alors qu’elles se rapportent à une durée supérieure à un mois (p.ex. une indemnité compensatoire de préavis équivalente à 3 mois de rémunérations). Il va de soi que le créancier d’aliments bénéficie ici aussi (v° point 5/) d’un statut privilégié lui permettant de déroger au régime protectionnel applicable et ainsi de saisir la totalité du solde créditeur d’un compte à vue, à l’exception de certains montants spécifiques. Un système probatoire particulier a été mis en place par le législateur. Ainsi : - - Les montants versés par l’employeur du débiteur par la voie d’un virement ou d’un versement en espèces sur le compte à vue du débiteur sont, jusqu’à preuve du contraire, réputés partiellement insaisissables conformément au Code judiciaire belge (article 1409 § 1). Le débiteur peut prouver par toutes voies de droit que des montants insaisissables et incessibles en vertu des articles 1409, 1409 bis et 1410 ont été crédités sur un compte à vue qui a fait l'objet d'une saisie ou d'une cession. Bien évidemment, une telle saisie ne sort véritablement ses effets que pour autant que le compte en banque saisi présente un solde créditeur ; à défaut de quoi la saisie sera sans objet. C – Procédure En cas de saisie sur un compte à vue, l’établissement de crédit doit communiquer dans sa déclaration de tiers saisi une liste des montants munis d’un code crédités au cours de la période de 30 jours qui précède la date de la saisie. 28 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) L’article 1452 du Code judiciaire exprime d’ailleurs expressément cette obligation : « La déclaration doit énoncer avec exactitude tous les éléments utiles à la détermination des droits des parties et, selon le cas, spécialement : (…) 4° Le cas échéant, les montants munis d’un code qui ont été inscrits au crédit d’un compte à vue et la date de leur inscription s’ils l’ont été au cours des trente jours qui précèdent à la date de la saisie. ». L’article 1411 quater § 2 distingue selon que la saisie ou la cession intervient ou non par le biais d’un huissier de justice. Si tel est le cas, c’est l’huissier qui établit le décompte et qui, à peine de nullité de la saisie ou de la cession, envoie le décompte au débiteur par lettre recommandée à la poste avec accusé de réception dans les 8 jours de la notification de la déclaration du tiers saisi ou de celle que doit faire en ce cas le tiers cédé. Sous la menace des mêmes nullités, cet envoi recommandé au débiteur est accompagné d’un formulaire de réponse dont le Roi détermine le modèle. Ce formulaire doit faciliter la tâche du débiteur s’il entend contester le décompte qui lui est transmis. L’huissier doit également réserver une copie du décompte au tiers saisi / tiers cédé (l’établissement de crédit) par lettre recommandée avec accusé de réception dans le même délai de 8 jours. Cette obligation, elle aussi, est prescrite à peine de nullité de la saisie ou de la cession. Après réception de la copie par l’établissement de crédit, le débiteur peut disposer librement des montants insaisissables ou incessibles qui sont mentionnés dans le décompte. Si, au contraire, la saisie ou la cession n’est pas signifiée par un huissier, c’est le créancier (en cas de saisie fiscale en forme simplifiée ou lorsque la cession est mise en œuvre par le créancier lui-même) qui doit établir lui-même le décompte. Il procède de même en ce qui concerne son envoi au débiteur et à l’établissement de crédit. Les délais et les sanctions de ces formalités sont identiques. Il est également prévu qu’après réception de la copie par l’établissement de crédit, le débiteur peut disposer librement des montants insaisissables ou incessibles qui sont mentionnés dans le décompte. 29 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) D – Contestation Si le débiteur entend contester le calcul qui lui est transmis, il doit, à peine de déchéance, communiquer, au moyen du formulaire de réponse, ses observations à l’expéditeur du décompte (l’huissier ou le créancier). Il doit le faire, par lettre recommandée à la poste avec accusé de réception, dans les 8 jours à compter de la présentation à son domicile de la lettre recommandée (à la poste avec accusé de réception) contenant le décompte mis en cause. S’il y a contestation présentée en temps utile, l’huissier ou le créancier est alors tenu de déposer au greffe du tribunal de première instance (greffe des saisies) une copie du décompte et du formulaire de réponse standardisé avec les observations du débiteur. A peine de déchéance, ce dépôt doit être fait « dans les 5 jours à dater de la présentation, à l’adresse mentionnée sur le formulaire de réponse, de la lettre recommandée avec accusé de réception, contenant les observations du débiteur » (article 1411quater, § 5 du Code judiciaire). L’ordonnance rendue par le juge des saisies n’est susceptible ni d’opposition ni d’appel. E - L’obligation du tiers saisi ou tiers cédé de vider ses mains En cas de saisie-arrêt exécutoire, le tiers saisi doit respecter le délai prévu à l’article 1543 du Code judiciaire et donc, sauf opposition du débiteur saisi, vider ses mains entre celles de l’huissier instrumentant à l’expiration d’un délai de 17 jours à dater de la dénonciation de la saisie au débiteur pour autant que préalablement il ait reçu tant la copie de l’exploit de dénonciation que celle du décompte visé à l’article 1411 quater, § 2. SECTION II - COMPETENCE TERRITORIALE En vertu de l'article 633 du Code judiciaire, les demandes en matière de saisies conservatoires et de voies d'exécution sont exclusivement portées devant le juge du lieu de la saisie, à moins que la loi n'en dispose autrement. En matière de saisie-arrêt, il s’agit du juge des saisies du domicile du débiteur saisi. La saisie arrêt de droit commun La délégation de sommes La saisie arrêt d’aliments La saisie arrêt de valeurs mobilières La saisie arrêt bancaire 30 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) La saisie mobilière conservatoire et exécution Généralités se rapportant aux deux La saisie mobilière conservatoire La saisie exécution mobilière La saisie mobilière peut être classifiée de deux manières : - la saisie mobilière conservatoire et la saisie-exécution mobilière - la saisie des biens meubles corporels et la saisie des biens meubles incorporels 1. Biens meubles corporels A. LES BIENS Comme dans la plupart des Etats membres de l’Union européenne, le droit de saisie sur les biens meubles corporels n’est pas illimité. 1. Condition : propriété du débiteur L’unique condition pour pouvoir exproprier des biens afin de payer les créanciers, est que les biens doivent appartenir au débiteur. Article 2279 CC : la possession vaut titre Le législateur associe aux biens que le débiteur a en sa possession, une présomption de propriété. A cet égard, il faut attirer l’attention sur l’article 2279 du Code Civil : “En fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans, à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient.” Cela signifie que l’huissier de justice peut légalement présumer lors de sa visite au domicile du débiteur que celui-ci est propriétaire de tous les biens meubles qui se trouvent sur place. Aucune charge de la preuve du droit de propriété des biens trouvés sur place ne repose sur lui. Il peut dès lors procéder sans problèmes à la saisie. 31 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) La demande en revendication Si des biens appartenant à un tiers sont saisis, le législateur prévoit la possibilité de faire valoir ses droits. Si l’huissier de justice reprend dans son procès-verbal des biens dont le débiteur n’est pas propriétaire, le propriétaire effectif doit introduire une demande de revendication contre le saisissant. Cette demande sert à lever la saisie sur ses biens et à reconnaître ses droits de propriété, et doit être introduite par le biais d’une citation devant le juge des saisies. Au cours de cette procédure, le propriétaire effectif pourra démontrer sa propriété par le biais de tous les moyens de droit dont il dispose. Cette preuve peut par conséquent être fournie au moyen de photos et de factures, mais aussi par des témoins et des présomptions. Le juge statue en tenant compte de toutes les circonstances de fait. La procédure est régie par l’article 1514 du Code Judiciaire : Celui qui se prétend propriétaire de tout ou partie des objets saisis peut s'opposer à la vente par exploit signifié au saisissant, au débiteur saisi et à l'huissier de justice et contenant citation du saisissant et du débiteur saisi, avec énonciation dans l'exploit des preuves de propriété, à peine de nullité. La demande est suspensive de la poursuite (uniquement en ce qui concerne les biens revendiqués). Il y sera statué par le juge des saisies. Le greffier notifiera sous pli judiciaire aux éventuels autres saisissants, pour les mettre à la cause, une copie de la citation avec invitation à comparaître. Le jugement est réputé contradictoire à l'égard de toutes les parties. Le réclamant qui succombe est condamné, s'il y a lieu, aux dommages et intérêts du saisissant. L'huissier de justice auquel la revendication a été signifiée en informe, au plus tard le premier jour ouvrable suivant, le fichier des avis qui complète l'avis de saisie concerné en y mentionnant l'incident, l'identité de la partie revendiquante et, le cas échéant, celle de son conseil ainsi que le juge qui en est saisi. Le greffe de la juridiction saisie adresse au fichier des avis, au plus tard le premier jour ouvrable suivant sa prononciation, le dispositif de tout jugement ou arrêt statuant sur la demande afin que le fichier des avis indique sur l'avis de saisie concerné le sort réservé à l'action en revendication. 32 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Etant donné que l’huissier de justice est tenu in se de ne saisir aucun bien appartenant à des tiers, le débiteur peut présenter les preuves de propriété à l’huissier de justice au moment de la saisie. Si aucun doute n’est possible concernant le droit de propriété du tiers, l’huissier de justice ne reprendra pas le bien dans son procès-verbal. Une grande prudence est de mise étant donné le risque élevé de fraude. C’est pourquoi, l’huissier de justice n’acceptera pas simplement une facture au nom du tiers comme une preuve de propriété certaine. Cette pièce peut par contre être utilisée dans une éventuelle procédure en revendication. 2. Insaisissabilité des biens meubles Il existe plusieurs types de biens insaisissables qui profitent de cette exemption pour différents motifs. 2.1. Insaisissable par la loi Le Code Judiciaire prévoit dans son article 1408 une liste de biens insaisissables. § 1. Ne peuvent être saisis, outre les choses déclarées insaisissables par des lois particulières : 1° le coucher nécessaire du saisi et de sa famille, les vêtements et le linge indispensable à leur propre usage, ainsi que les meubles nécessaires pour les ranger, une machine à laver le linge et un fer à repasser, les appareils nécessaires au chauffage du logement familial, les tables et chaises permettant à la famille de prendre les repas en commun ainsi que la vaisselle et les ustensiles de ménage indispensables à la famille, un meuble pour ranger la vaisselle et les ustensiles de ménage, un appareil pour la préparation des repas chauds, un appareil pour la conservation des aliments, un appareil d'éclairage par chambre habitée, les objets nécessaires aux membres handicapés de la famille, les objets affectés à l'usage des enfants à charge qui habitent sous le même toit, les animaux de compagnie, les objets et produits nécessaires aux soins corporels et à l'entretien des locaux, les outils nécessaires à l'entretien du jardin, le tout à l'exclusion des meubles et objets de luxe; 2° les livres et autres objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation professionnelle du saisi ou des enfants à charge qui habitent sous le même toit; 3° si ce n'est pour le paiement de leur prix, les biens indispensables à la profession du saisi, jusqu'à la valeur de (2.500 EUR) au moment de la saisie, et au choix du saisi; 4° les objets servant à l'exercice du culte; 5° les aliments et combustibles nécessaires au saisi et à sa famille pendant un mois; 6° une vache, ou douze brebis ou chèvres au choix du saisi, ainsi qu'un porc et vingt-quatre animaux de basse-cour, avec la paille, le fourrage et le grain nécessaires pour la litière et la nourriture desdits animaux pendant un mois. Les biens insaisissables tels que définis à l'article 1408 du Code Judiciaire, sont dès lors principalement des biens de nature domestique, professionnelle, éducative ou religieuse. 33 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) L’insaisissabilité des biens précités résulte d‘un souci du législateur de procurer dans une certaine société la garantie d’une existence digne à la partie saisie et à sa famille, et d’en assurer la continuité. Il s’agit de la recherche d’un équilibre fondamentalement difficile, entre la solidarité familiale et les droits du créancier, qui peut de ce fait être lésé de façon disproportionnée. Les biens mentionnés ne bénéficient de l'insaisissabilité que dans la mesure où ils sont liés au lieu où la partie saisie habite ou travaille habituellement et dans la mesure où ils sont directement ou indirectement utiles à la solidarité familiale. Si les biens sont trouvés ailleurs, ils peuvent en principe être saisis de manière illimitée. Il est clair que la liste légale susmentionnée n’est pas concluante. La doctrine et la jurisprudence donnent souvent une interprétation divergente mais large à l’article 1408 C.Jud. Des questions sont ainsi souvent soulevées à propos du caractère luxueux de certains biens meubles. Les vêtements de luxe, comme par exemple un manteau de fourrure, sont bien saisissables. Etant donné qu’aucune exécution sur la personne n’est toutefois autorisée, l’huissier de justice ne peut pas procéder à la saisie des biens meubles que le débiteur porte sur lui. la procédure Si la partie saisie n'est pas d'accord avec la saisie de certains biens qui doivent selon lui être exclus conformément à l'article 1408 C. Jud., il peut transmettre ses remarques à l’huissier de justice au moment de la saisie et au plus tard dans les cinq jours qui suivent la signification de l’exploit de saisie. Le délai est prescrit sous peine de déchéance de sorte que toute demande introduite après ce délai, est déclarée irrecevable. L’huissier de justice doit ensuite reprendre ces remarques dans son procès-verbal de saisie. La procédure du paragraphe 3 de l’article 1408 C. Jud. doit, dans ce cas, être suivie. § 3. Les difficultés d'application de cet article sont tranchées par le juge des saisies sur la base du procès-verbal de saisie actant les observations formulées par le saisi à l'huissier, à peine de déchéance, soit au moment de la saisie, soit dans les cinq jours de la signification du premier acte de saisie. Sur le dépôt d'une copie du procès-verbal de saisie, effectué au greffe par l'huissier de justice ou par la partie la plus diligente, dans les quinze jours qui suivent la remise de la copie dudit procèsverbal ou, s'il échet, de la signification de la saisie au débiteur, le juge des saisies fixe jour et heure pour l'examen et le règlement des difficultés, le créancier et le débiteur préalablement entendus ou appelés. Le greffier convoque les parties et informe l'huissier de justice instrumentant. La procédure ne peut être poursuivie si le dépôt de la copie du procès-verbal prévu à l'alinéa précédent n'a pas été effectué. 34 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) La demande est suspensive de la poursuite mais les biens demeurent frappés de saisie jusqu'à ce qu'il ait été statué. Le juge des saisies statue toutes affaires cessantes, tant en présence qu'en l'absence des parties; son ordonnance n'est susceptible ni d'opposition ni d'appel; la procédure peut être reprise immédiatement. Il est évident que seules les contestations relatives à la saisissabilité des biens sont visées. 2.2. Insaisissables de par leur nature Les biens meubles sont parfois insaisissables de par leur nature et/ou leur attachement à la personne de la partie saisie. Peuvent par exemple être classés dans cette catégorie : - les lettres personnelles - les documents personnels et papiers d’identité (carte d’identité, carte de séjour, carte SIS, cartes de banque, …) De plus, les biens meubles qui ne peuvent en aucun cas être monnayés, sont également insaisissables : - le carnet de chèques - les produits médicaux - les chèques-repas Les ouvrages de littérature ou de musique, dans la mesure où ils n’ont pas été édités, ou les œuvres d’art inachevées, sont aussi considérées comme insaisissables. (J. CORBET, APR Auteursrecht, nr. 120.) 2.3. Biens indivis Si un certain bien meuble appartient au débiteur en copropriété, l’huissier de justice peut quand même procéder à la saisie. Il doit aussi introduire une demande de sortie d’indivision. Ce n’est qu’après la dite sortie d’indivision que l’exécution forcée peut se poursuivre. 2.4. Biens publics L’insaisissabilité des biens liés à un service public a été instaurée par la loi du 30 juin 1994 et exprimée dans l’article 1412bis du Code Judiciaire. 35 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Selon la Cour de Cassation, le principe général du droit relatif à la continuité des services publics veille à ce que les biens qui y sont liés ne puissent pas faire l’objet de mesures d’exécution forcée dans la mesure où le caractère permanent des organismes publics et leur fonctionnement doivent être assurés. L’insaisissabilité des biens meubles relevant de la propriété publique s’étend aux biens appartenant à l'Etat, aux Régions, aux Communautés, aux provinces, aux communes, aux organismes d'intérêt public et généralement à toutes personnes morales de droit public. Les exceptions à la règle générale précitée sont reprises aux paragraphes 2 et 3. Le gouvernement peut par ailleurs lui-même rédiger une liste des biens saisissables en faisant faire une déclaration à ce sujet par les organes compétents, et en déposant celle-ci au siège social conformément à l’article 42 du Code Judiciaire et selon les modalités établies par Arrêté Royal. L’huissier de justice peut cependant saisir les biens qui ne sont manifestement pas utiles au fonctionnement et à la continuité du service public. 2.5. Biens des Etats étrangers Les biens des autres Etats profitent en principe d’une immunité pour les mesures d’exécution forcée de droit belge. Cependant une telle exécution n’est possible qu’à des conditions très strictes. Le sujet étant hautement sensible, le législateur a récemment décidé par l’adoption de l’article 1412quinquies du Code Judiciaire de soumettre toute exécution de ce type à une autorisation préalable du juge des saisies. B. LES PROCEDURES DE SAISIE 1. Saisie mobilière conservatoire 1.1. Procédure Tout créancier en possession d’une créance certaine, liquide et exigible peut procéder à la saisie mobilière conservatoire de son débiteur si sa solvabilité est compromise. 36 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Conformément à l’article 1414 du Code Judiciaire, tout jugement tient lieu d'autorisation de saisir conservatoirement pour les condamnations prononcées, à moins que cela n’ait été exclu par le juge. Une mesure d'urgence nécessaire doit aussi être prouvée par le créancier qui soutient ainsi sa crainte de voir sa créance ne pas pouvoir être (complètement) remboursée. Bien que la saisie conservatoire n’aille évidemment pas aussi loin que l’exécution forcée, le créancier a quand même un moyen pour limiter la liberté de disposition de son débiteur sur sa propriété sans nécessairement devoir disposer d’un titre exécutoire. Le débiteur reste cependant titulaire de ses biens et la saisie conservatoire ne fournit en outre aucun privilège dans le chef du créancier saisissant. Cette mesure peut par contre soulager le créancier qui ne souhaite pas procéder immédiatement aux mesures onéreuses et radicales en matière d’exécution forcée. La procédure de la saisie conservatoire est régie par les articles 1422 et suivants du Code judiciaire : “Art. 1422. La requête tendant à saisir conservatoirement les biens meubles corporels et les fruits pendants par racine, contient, outre les mentions prévues à l'article 1026, l'indication : 1° du titre, des causes et du montant ou de l'évaluation de la créance; 2° des nom, prénom et domicile du débiteur.” Une saisie conservatoire implique dès lors toujours une ordonnance du juge des saisies, sauf dans le cas exceptionnel d’une saisie conservatoire entre les mains de tiers sur la base d’un acte authentique ou de pièces sous seing privé en vertu de l’article 1445 C. Jud. Le juge des saisies vérifiera par conséquent dans la plupart des cas si la créance du créancier possède toutes les qualités nécessaires pour autoriser la saisie. La procédure est introduite par requête unilatérale selon les règles de l’article 1025 et suivants du Code Judiciaire. Elle doit être signée par un avocat et contenir les mentions suivantes à peine de nullité : - Le jour, le mois et l’année ; Le nom, le prénom, la profession et le domicile du requérant et le cas échéant le nom, le prénom, le domicile et la qualité de ses représentants légaux ; L’objet et un résumé des motifs de la demande ; La désignation du juge qui doit en prendre connaissance ; La signature de l’avocat de la partie, sauf disposition contraire de la loi. 37 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Tous les éléments concrets qui appuient le caractère urgent de la mesure doivent également être repris dans la requête de sorte que le juge des saisies puisse statuer en connaissance de cause. Le juge du fond rend son ordonnance dans les 8 jours qui suivent le dépôt de la requête. La notification de l’ordonnance se fait par pli judiciaire dans les trois jours qui suivent le prononcé. 1.2. Recours Conformément à l’article 1419 C. Jud., un pourvoi est possible contre : - L'ordonnance accordant ou refusant l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire l'ordonnance accordant ou refusant la rétractation de cette autorisation Le saisissant peut, dans pareils cas, introduire un appel dans le mois qui suit la notification de la décision, alors que la partie saisie ou toute partie intéressée peut interjeter une tierce opposition par le biais d’une citation devant le juge qui a rendu la décision contestée. Si la saisie conservatoire est effectuée sans autorisation du juge des saisies, la partie saisie peut citer le saisissant devant le juge des saisies, aux fins de faire ordonner la mainlevée de la saisie conformément à l’article 1420 du Code Judiciaire. 1.3. Validité La saisie arrive en principe à échéance de plein droit trois ans après la date de l’ordonnance ou de l’exploit de saisie, mais elle peut être prolongée si le juge des saisies à des motifs fondés à cet effet. Le prolongement doit être demandé par requête unilatérale ; ceci est possible tant que le premier délai court. Le juge des saisies peut également explicitement limiter la durée de la saisie conservatoire dans son ordonnance, ou la soumettre à des conditions. Pour le prolongement, le créancier devra prouver que la condition du caractère urgent de la mesure est toujours remplie. L’huissier de justice doit introduire, dans les trois jours ouvrables qui suivent la saisie conservatoire, un avis de saisie dans le Fichier central des avis de saisie, de cession, de délégation et de règlement collectif de dettes (dénommé ci-après : Fichier central des avis). 38 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 1.4. Conversion de la saisie conservatoire en saisie-exécution L’article 1491 C. Jud. stipule : “Le jugement sur le fond de la demande constitue, le cas échéant, à concurrence des condamnations prononcées, le titre exécutoire qui, par sa seule signification, opère la transformation de la saisie conservatoire en saisie-exécution. Cette disposition ne porte pas préjudice à l'effet suspensif des recours et aux droits qui appartiennent au propriétaire en cas de saisie-revendication. Si la saisie fait l'objet d'une contestation portée devant le juge des saisies au moment de la signification de la décision définitive sur le fond du litige, la transformation de la saisie conservatoire en saisie-exécution n'a lieu que par la signification de la décision du juge des saisies qui reconnaît la régularité de la saisie.” A la suite de la conversion de la saisie conservatoire en saisie-exécution, aucune nouvelle saisie ne doit être effectuée dans le chef du débiteur, ce qui permet d’éviter de nouveaux frais. 2. Saisie-exécution mobilière Le créancier, en possession d’un titre exécutoire, peut procéder à l’exécution forcée des biens du débiteur de sorte que sa créance soit remboursée. Avant qu’un créancier puisse procéder à une saisie-exécution dans le cadre de l’exécution forcée, il a besoin d’un titre exécutoire dans lequel sa créance est formellement reconnue comme étant certaine, liquide et exigible. Il peut s’agir d’un prononcé judiciaire ou d’une contrainte, mais aussi d’un acte authentique, un jugement arbitral, une décision étrangère avec exequatur,… Le titre exécutoire est censé octroyer un titre pour la perception des frais d’exécution. 2.1. Le commandement La procédure de la saisie-exécution mobilière est contenue dans les articles 1499 et suivants du Code judiciaire. “Art. 1499. Toute saisie-exécution mobilière est précédée d'un commandement au débiteur, fait au moins un jour avant la saisie et contenant, si le titre consiste en une décision judiciaire, la signification de celle-ci, si elle n'est pas encore intervenue.” 39 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Une saisie-exécution mobilière est dès lors nécessairement précédée d'un commandement de payer. Si l’exécution par provision est reconnue par le juge au titre exécutoire sur la base de l’article 1398 du Code judiciaire, le commandement est généralement associé à la signification du jugement sous la forme d’une « signification avec commandement de payer ». Le commandement est valable dix ans. Le débiteur peut faire opposition au commandement, ce qui lui permet de faire valoir devant le juge des saisies ses griefs concernant d'éventuels vices de forme ou l'invalidité du titre. Aucun délai n’est lié à l’opposition et celle-ci n’a pas d’effet suspensif. 2.2. Saisie-exécution Saisie rendue commune ou saisie par récolement et extension Avant que l’huissier de justice ne procède à la saisie-exécution, il contrôlera l’existence d’autres saisies dans le Fichier Central des Avis. Dans ce cas, l’huissier de justice peut choisir de procéder au récolement ou à l’extension d’une saisie existante conformément à l’article 1524 C. Jud. au lieu de procéder à une nouvelle saisie. Cela permet d’éviter les frais élevés liés à une saisie. Les deux procédures peuvent être entreprises après la demande d’une copie conforme de la précédente saisie réalisée : “Art. 1524. Chaque créancier opposant et muni d'un titre exécutoire en vertu duquel commandement de payer a été signifié peut se faire remettre une copie certifiée d'une saisie pratiquée précédemment, non encore levée et non attaquée en droit, par l'entremise d'un huissier de justice qu'il désigne. Cette copie certifiée est délivrée par l'huissier de justice qui a pratiqué la saisie, conformément aux formalités énumérées ci-après. Le créancier visé à l'alinéa 1er peut procéder au récolement des meubles et effets sur la liste des biens saisis qui lui a été remise et saisir par extension les biens omis. Si la vente n'a pas lieu à la date fixée, le saisissant par récolement et extension peut, sans former aucune demande en subrogation, faire procéder à la vente par l'intermédiaire de l'huissier de justice qu'il a sollicité à cet effet. Le créancier visé à l'alinéa 1er peut aussi bien et sans autre action en subrogation, faire poursuivre l'exécution de son titre par l'intermédiaire d'un huissier de justice qu'il a désigné sur la base d'une copie certifiée de la saisie pratiquée précédemment, non encore levée et non attaquée en droit, par l'entremise d'un huissier de justice qu'il désigne, pour autant que cette saisie n'ait pas plus de trois ans. Le procès-verbal de saisie par récolement et extension est dénoncé au fichier des avis sous la forme d'un avis de saisie visé à l'article 1390, § 1er. La saisie et, le cas échéant, les saisies par récolement et extension portent leurs effets jusqu'au moment où mainlevée en aura été autorisée par tous les créanciers saisissants ou opposants sur 40 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) la base d'un titre exécutoire, en vertu duquel commandement de payer a déjà été signifié, sauf au juge à régler les contestations s'il échet. Le créancier visé à l'alinéa 3 doit, dans le premier acte de fixation du jour de vente, sur la base d'une copie certifiée de la saisie pratiquée antérieurement, communiquer clairement au débiteur, sous peine de nullité, que la poursuite se fait sur la base d'une saisie pratiquée antérieurement, non encore levée et non contestée en droit, et est tenu de signifier la copie certifiée qui lui a été remise à cet effet sous peine de nullité. Un délai d'au moins un mois doit s'écouler entre la signification de ce premier acte de fixation du jour de vente sur la base d'une copie certifiée d'une saisie signifiée antérieurement et la date de vente. L'huissier de justice instrumentant envoie dans ce cas sous sa propre responsabilité au fichier des avis, au plus tard trois jours ouvrables après la transaction, conformément à l'article 1390, § 1er, un avis de saisie rendu commun. Un tel avis de saisie mentionne, outre la date de la saisie précédente, l'identité du créancier saisissant précédant et l'identité de l'huissier de justice qui a pratiqué la saisie. Les huissiers de justice qui ont signifié la saisie sont obligés de tenir un registre avec suite de numéros où sont consignées les copies certifiées qu'ils délivrent aux créanciers visés à l'alinéa 3. Ces derniers ne peuvent utiliser cette copie certifiée qu'en application du titre pour lequel elle a été demandée ». La procédure de saisie ordinaire Il doit au moins s’écouler 1 jour entre la signification du commandement de payer et la saisie. Ce délai d’attente n’est pas prescrit à peine de nullité. L’huissier de justice viendra sur place avant la saisie et il se ménagera un accès à l’habitation. Si les occupants ne le laissent pas y accéder, il peut faire appel aux services d’un serrurier et de la force publique qui lui prête obligatoirement « main-forte » s’il s’attend à des difficultés. Les autorités requises n’ont pas de pouvoir d’appréciation. L’huissier de justice peut visiter toutes les pièces et prendre note des biens meubles qu’il observe simplement même sans entrer dans une pièce. Conformément à l’article 1501 C. Jud., l’huissier de justice doit, à peine de nullité de l’exploit de saisie, être assisté d'un témoin majeur. Le serrurier peut valablement intervenir en tant que témoin, ou un collaborateur de l’huissier de justice. La partie saisissante ne peut pas être présente pendant la saisie et elle ne peut pas être représentée. Etant donné que les créanciers du débiteur ont un droit d’appréhension sur ses biens, le lieu de la saisie n’est pas pertinent en soi. L’huissier de justice peut ainsi procéder sans problème à la saisie d’un véhicule sur la voie publique. 41 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) La saisie-exécution peut également se faire chez un tiers plutôt qu’au domicile du débiteur (indiqué dans le registre de population) – à distinguer de la saisie-arrêt, comme la saisie de biens incorporels, tels que des créances. Dans ce cadre, il peut être renvoyé à la fiche n° 4. Le créancier doit à cet effet introduire une requête afin d’obtenir l’autorisation du juge des saisies. L’huissier de justice note avec précision les biens meubles saisissables qu’il enregistre dans le procès-verbal de saisie. Le procès-verbal contient entre autres les mentions obligatoires en vertu des articles 43 et 1389 C. Jud. La saisie n’entraîne pas le déplacement des biens ni le transfert de propriété. Il peut sceller un coffre-fort loué si nécessaire. Les lieu, jour et heure de la vente sont indiqués dans le procèsverbal de saisie. “Art. 1512. Si la saisie est faite au domicile du débiteur saisi ou en sa présence, la copie du procès-verbal lui est laissée sur-le-champ, signée des personnes qui ont signé l'original; si le débiteur saisi est absent, copie est remise ou déposée conformément aux articles 35 et 38; la personne à qui l'huissier de justice a fait appel conformément à l'article 1504 vise le procèsverbal sans frais.) Si la saisie est faite hors du domicile et en l'absence du débiteur saisi, la copie du procès-verbal lui est signifiée; la saisie ne lui est opposable qu'à partir de cette signification, d'où court pareillement le délai pour la vente. De cette manière, il est garanti que le débiteur sera toujours informé de la saisie et des biens dont il ne pourra plus disposer librement et dont il n’a plus de droit sur les fruits. La partie saisie doit continuer à gérer les biens saisis en bon père de famille. Dans cette optique, les biens doivent être décrits de façon suffisamment détaillée (« précis et circonstancié ») dans le procèsverbal. Si l’huissier de justice ne trouve aucun bien sur le lieu de la saisie, ou s’il n’y trouve que des biens d'une valeur minime, il rédige un procès-verbal de carence, de sorte qu'il dispose toujours d’un rapport de ses devoirs. Le débiteur reçoit une copie du procès-verbal de saisie ou de carence. Un avis de saisie sera également transmis au Fichier Central des Avis dans les trois jours qui suivent la saisie. Un délai d’au moins un mois doit s’écouler après la signification du procès-verbal de saisie avant qu’il ne puisse y avoir une vente. 42 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) 2.3. Incidents Différents recours existent toujours pour toutes les parties intéressées, ceux-ci leur permettant de faire valoir leurs griefs pendant l’exécution. a) Opposition des autres créanciers Les autres créanciers peuvent faire opposition contre la remise du prix de vente, et ce conformément à l'article 1515 du Code Judiciaire. Le premier alinéa de l’article 1628 du Code Judiciaire stipule que : “Seules peuvent entrer en compte de répartition, en tout ou en partie, les créances non contestées ou établies par un titre même privé, à concurrence des sommes qui sont ainsi justifiées. Un créancier qui dispose ainsi d’une telle dette peut faire envoyer un avis d’opposition au Fichier Central des Avis par l’intermédiaire d’un huissier de justice. Par le biais de l’opposition, il fait valoir ses droits et il fait en sorte que sa créance soit prise en compte pour un dossier ou une saisie ultérieure et en cas de distribution par contribution. L’exécution acquiert ainsi un caractère collectif. b) Revendication La procédure de revendication qui peut être entreprise sur la base de l’article 1514 du Code judiciaire a déjà été exposée ci-dessus. c) Opposition auprès du juge des saisies L’article 1498 C. Jud. stipule ce qui suit : “En cas de difficulté d'exécution, toute partie intéressée peut se pourvoir devant le juge des saisies, sans cependant que l'exercice de cette action ait un effet suspensif. Le juge des saisies prononce, s'il y a lieu, la mainlevée de la saisie.” 43 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) La partie opposante doit introduire l’affaire auprès du juge des saisies par voie d’exploit de citation. Le juge des saisies peut ensuite statuer concernant : - - La légitimité de l’exécution : l’existence et l’exécution du titre exécutoire, la saisissabilité des biens, l’abus de saisie,…; La régularité de l'éviction : nullités dont la procédure serait entachée, notamment la nullité du commandement ou de la saisie à la suite par exemple du non-respect de prescriptions en termes de forme et de délai ; Les difficultés liées à la vente, comme par exemple le lieu et le moment de la vente, la publicité,… L’huissier de justice ne doit pas être impliqué dans la procédure, sauf si sa responsabilité est compromise. 2.4. La vente Un mois doit au moins s’écouler entre la signification du procès-verbal de saisie et la vente. Cette période peut aussi bien être au profit de la partie saisie que du créancier : le débiteur a ainsi une dernière opportunité de liquider sa dette avant l’expropriation effective et le créancier peut faire suffisamment de publicité avant la vente. a) La vente à l’amiable ou sous seing privé Depuis 1993, la partie saisie a la possibilité d’elle-même prendre l’initiative de vendre ses biens à l’amiable à la famille ou des amis et de payer ses créanciers avec le produit (article 1526bis C. Jud.). Il s’agit d’une forme d’humanisation du droit des saisies par laquelle le débiteur a la possibilité de faire acheter les biens saisis par la famille ou des amis de manière à limiter les frais. Il doit à cet effet introduire, dans les dix jours qui suivent la signification du procès-verbal de saisie, une requête à l’huissier de justice qui jugera si la proposition est satisfaisante. Ce délai est déterminé à peine de nullité. La proposition de la partie saisie n’est pas soumise à la moindre exigence de forme mais elle doit être suffisamment précise. L’huissier de justice peut refuser la proposition du débiteur saisi si le produit probable n’est pas en rapport avec l’ampleur de la dette. En cas de contestation relative à l’application de cette condition, le créancier peut toujours s’adresser au juge des saisies afin d’empêcher la vente publique. L’opposition n’est pas suspensive. Après l’acceptation de l’offre, le prix d’achat doit être payé dans les huit jours. 44 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) b) La vente judiciaire Dans les cas où une vente à l'amiable n'est pas réalisable et où la dette ne peut être payée par la partie saisie, le créancier peut faire procéder à la vente judiciaire. Le rôle de l’huissier de justice est établi par l’article 226 du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe : « Les meubles, marchandises, bois, fruits, récoltes et tous autres objets mobiliers corporels ne peuvent être vendus par adjudication publique qu'en présence et par le ministère d'un notaire ou d'un huissier de justice. Toutefois, l'Etat, les provinces, les communes et les établissements publics peuvent faire procéder par leurs agents à la vente publique des objets mobiliers leur appartenant. » L’huissier de justice s’est donc vu attribuer un rôle clé par le législateur dans le cadre de la coordination d’une vente publique de biens meubles. Le procès-verbal de saisie mentionne le jour, le lieu et l'heure de la vente. Si la vente doit se tenir un autre jour, la partie saisie doit en être informée par exploit d’huissier ou par lettre recommandée au moins quatre jours avant la vente. La vente publique des biens meubles est publiée au moins trois jours à l’avance sur le lieu de la vente par affichage. Le placard mentionne le lieu, le jour et l’heure de la vente et est également remis à la partie saisie. La vente est aussi annoncée dans la presse. Conformément à l’article 1522 du Code Judiciaire, la vente se tiendra dans une salle de vente située dans l’arrondissement du lieu de la saisie. L’article précité mentionne que la vente aura lieu à l’endroit où le marché (public) se tient en cas d’indisponibilité d’une salle de vente. L’adjudication des biens pendant la vente publique est diligentée par l'huissier de justice et se fait au plus offrant, contre paiement comptant. L’huissier de justice rédige un procès-verbal de vente dans lequel il mentionne si la partie saisie était présente ou non, les acheteurs, les prix d’achat et les biens vendus. L’huissier de justice perçoit les montants d’achat qui lui sont payés comptant et il en est personnellement responsable. La vente se poursuit jusqu’au moment où le produit est suffisant pour rembourser les créances du saisissant, ainsi que les créances des créanciers entrés en concours avec lui. 45 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Commentaires sur la Loi du 19 octobre 2015, baptisée « loi Pot-pourri » Cette loi modifie le droit de la procédure civile et porte des dispositions diverses en matière de justice, dite « loi Pot-pourri », elle a été publiée au MB le 22 octobre dernier. Cette Loi apporte des modifications substantielles à la procédure civile telle que nous la connaissions. Des commentaires seront uniquement formulés sur les modifications relatives à l’autorité de la chose jugée, aux voies de recours et à l’exécution par provision. En ce qui concerne la l’autorité de la chose jugée, l’article 23 du Code Judiciaire est modifié comme suit : « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet de la décision. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande repose sur la même cause, quel que soit le fondement juridique invoqué ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité » Cette modification est entrée en vigueur le 1er novembre 2015 et s’applique immédiatement à toutes les procédures en cours, en ce compris aux décisions prononcées antérieurement. L’autorité de la chose jugée fera désormais obstacle à la réitération d’une même demande soumise au juge sous l’angle d’un fondement juridique différent de celui qui a déjà été présenté et débattu par le juge. En d’autres termes, si auparavant, la réitération d’un procès était envisageable si les faits justifiant la demande étaient envisagées au regard d’une autre règle de droit, il y aura désormais autorité de la chose jugée pour une demande reposant sur les mêmes faits, quelle que doit leur qualification juridique potentielle. En ce qui concerne l’appel contre les jugements avant-dire droit, l’article 1050 du Code Judiciaire a été modifié comme suit : « En toutes matières, l’appel peut être formé dès la prononciation du jugement, même si celuici a été rendu par défaut. Contre une décision rendue sur la compétence ou, sauf si le juge en décide autrement, une décision avant dire droit, un appel ne peut être formé qu’avec l’appel contre le jugement définitif ». 46 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) Cette modification est entrée en vigueur le 1er novembre 2015 et s’applique immédiatement à toutes les procédures en cours. Cela signifie que depuis le 1er novembre 2015, l’appel d’un jugement avant-dire droit ne pourra être formé qu’au moment de l’appel contre le jugement définitif, comme c’était déjà le cas auparavant pour les jugements sur la compétence. Cette nouveauté concerne les décisions où le Juge ordonne une mesure préalable destinée soit à instruire la demande ou à régler un incident portant sur une telle mesure, soit à régler provisoirement la situation des parties (article 19, alinéa 3 du Code Judiciaire). Il est nécessaire d’attirer l’attention sur le fait qu’un jugement définitif au sens de cette disposition n’est pas nécessairement un jugement qui règle définitivement le litige quant au fond. Il s’agit d’une décision par laquelle le Juge vide sa saisine sur une question litigieuse, cette question ne pouvant ne porter que sur la procédure ou la recevabilité. En cas de jugement mixte, à savoir un jugement qui statue à la fois sur un élément de fond et une mesure avant-dire droit, il faut présumer que le droit d’appel est maintenu. En ce qui concerne l’exécution provisoire, les modifications suivantes ont été apportées au Code Judiciaire : « article 1397 : Sauf les exceptions prévues par la loi ou sauf si le juge en décide autrement moyennant une décision spécialement motivée et sans préjudice 1414, l’opposition formée contre les jugements définitifs en suspend l’exécution. Sauf les exceptions prévues par la loi ou sauf si le juge en décide autrement moyennant une décision spécialement motivée, sans préjudice de l’article 1414, les jugements définitifs sont exécutoires par provision nonobstant appel et sans garantie si le juge n’a pas ordonné qu’il en soit constitué une » « article 1398 : L'exécution provisoire du jugement n'a lieu qu'aux risques et périls de la partie qui la poursuit. Elle se poursuit sans garantie si le juge ne l'a pas ordonnée et sans préjudice des règles du cantonnement « article 1398/1 : par dérogation à l’article 1397 alinéa 1, et sauf dispositions spéciales, l’opposition contre le jugement définitif rendu par le tribunal de la famille n’en suspend pas l’exécution. Le juge siégeant au tribunal de la famille peut, moyennant une décision spécialement motivée, refuser l’exécution provisoire si une des parties le lui demande. » 47 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) « article 1399 : l’opposition et l’appel suspendent l’exécution : 1°-des jugements définitifs concernant l’état des personnes ; 2°- des jugements rendus par le juge du tribunal de la famille, siégeant dans le cadre de l’urgence réputée ou invoquée au sens de l’article 1253 ter/4, et qui concerne les litiges relatifs aux formalités relatives à la célébration du mariage, à la levée de la prohibition du mariage des mineurs et son autorisation. L’exécution provisoire de ces jugements ne peut être autorisées ». « article 1400 §1 : le juge peut subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie qu’il détermine et dont il fixe, s’il y a lieu, les modalités. §2 : la garantie est libérée de plein droit lorsque la partie condamnée a fait la consignation, conformément à l’article 1404 ». « article 1401 : si les premiers juges ont écarté l’exécution provisoire, celle-ci peut toujours être demandée lors de l’appel. » « article 1495 : toute décision qui prononce une condamnation, ne peut être exécutée qu’après avoir été signifiée à la partie. Sans préjudicie de la saisie conservatoire à l’article 1414, la condamnation au paiement d’une somme d’argent, qui fait l’objet d’une décision encore susceptible d’opposition, ne peut être exécutée avant l’échéance d’un mois suivant la signification de la décision, à moins que l’exécution provisoire de celle-ci n’ait été ordonnée. Ces dispositions sont prescrites à peine de nullité des actes d’exécution. » Ces modifications s’appliquent aux affaires introduites à partir du 01 er novembre 2015 et introduisent un revirement important. Les jugements sont en principe exécutoires dès leur prononcé, tout en tenant compte des formalités préalables à la poursuite de l’exécution forcée prescrites par la loi. Toutefois l’appel et l’opposition avaient auparavant, à partir du moment où ils étaient introduits, un effet suspensif du jugement attaqué, sauf si la loi ou le juge qui avait rendu la décision en autorisait l’exécution provisoire. Depuis le 1er novembre 2015, en ce qui concerne l’appel, le principe est renversé : sauf décision contraire spécialement motivée et les exceptions prévues par la loi, l’appel formé contre un jugement définitif n’en suspend plus la force exécutoire. Dès lors, toutes les décisions prises en premier ressort sont dorénavant exécutoires, à moins que le juge n’estime que la suspension doive être maintenue en raison de la nature du litige. L’intention du législateur étant d’éviter qu’une partie condamnée fasse appel d’un appel d’un jugement uniquement dans le but d’obtenir un sursis de paiement. Le principe de l’exécution provisoire diligentée aux risques et périls de celui qui la poursuit reste inchangé. Si une partie a procédé à l’exécution d’un jugement qui a « même partiellement » été réformé en appel, elle est tenue non seulement à la restitution de ce qu’elle a reçu, mais aussi à l’indemnisation d’un possible dommage que la partie adverse aurait subi à la suite de cette exécution – même si aucune faute n’a été commise. Tombent par exemple également sous ce 48 Forum Financier Belge (Verviers-Eupen) colloque du 18 février 2016 « Le créancier face au débiteur en difficulté » dossier se rapportant à l’intervention de Thierry COLLARD (RESALEX) principe les frais d’exécution et les intérêts échus après le paiement d’une obligation pécuniaire à la suite de l’exécution provisoire. En revanche, l’opposition formée contre un jugement par défaut définitif reste suspensive de sa force exécutoire, sauf dérogation légale ou décision spécialement motivée. Toutefois, l’opposition introduite contre les décisions rendues par le tribunal de la famille n’en suspendra pas l’exécution sauf si celui-ci en décide autrement à la demande d’une partie. Au nom de ma Chambre Nationale, que le Forum Financier Belge soit remercié pour son initiative et les membres de son comité de Verviers-Eupen pour nous avoir conviés à la tribune. Thierry Collard Huissier de Justice M. 0475/48 93 51 • T. 087/29 39 41 • F. 087/29 39 40 sprl collard thierry rue des Minières, 14 B-4800 Verviers 49