Commentaire du film en français

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Commentaire du film en français
L’ART BAROQUE PORTUGAIS
Architecture et décor
commentaire du film
Introduction
Baroque portugais : ce style est resté longtemps méconnu, trop
évident, utilitaire, collant aux mœurs, de sa naissance au milieu
du xviie siècle jusqu’à ses témoignages tardifs au xxe siècle.
Ces lieux sont tous marqués par le baroque : monuments ambitieux,
un peu froids ; ouvrages quotidiens, joyeux et simples ; passé et
présent familiers, sans démesure, ancrés aux mentalités.
Rencontre intéressante : aux origines du mot, se trouve le portugais barroco qui désignait une perle irrégulière, brillant d’un
éclat particulier ; pierre attirante, comme le style lui-même.
La société baroque : repères
Cette société est attachée au monde et aux sciences mais l'esprit
baroque, s'il continue de s'adresser à Dieu, le fait au travers de
l'émotion, de la passion qui l'opposent à l'austérité de l'église
réformée.
C’est le temps du faste et de la grandeur royale.
Le théâtre et l’opéra triomphent dans la représentation des
passions et de l’illusion.
L’espace est organisé comme un décor.
En voici un témoignage : la bibliothèque de l’université de
Coimbra, offrande dorée où le bois imite le marbre, temple de la
science où se mêlent des images religieuses et morales, des motifs
chinois, l’allégorie des arts mécaniques et un portrait triomphal
du roi Dom João v. Une église militante veut reconquérir les
âmes ; ce mouvement social s’appuie sur l’architecture religieuse
et son décor pour enseigner et convaincre dans un langage à la
fois savant et populaire.
Le style baroque, réaliste ou fantastique, exprime cette époque
tendue, son mouvement : les statues s’envolent, les murs
ondulent, les plafonds s’ouvrent sur le ciel, la joie éclate, la
mort surgit…
Le style baroque
Héritier des styles passés, surtout de celui de la Renaissance, il
naît à Rome vers la fin du xvie siècle, puis gagne l’Europe. En
étranger, il pénètre au Portugal à partir de 1650 environ : les Portugais se l’approprient en le modifiant, en font un style national
et populaire, encore présent dans tous les paysages.
Quatre composantes de l’architecture vont nous permettre de
l’analyser : la structure, les proportions, la place dans le décor
et l’espace.
La structure
L’utilité d’une construction est exprimée par son plan, son
élévation, les solutions apportées aux problèmes de poids ou de
poussée des matériaux.
Voici la maquette d’une ville romaine antique du Portugal :
au centre de la place, un temple cubique. Quatre murs et des
colonnes portent un plafond horizontal et un toit à deux pentes
qui composent en façade un fronton triangulaire. Simplicité des
principes : le vertical porte l’horizontal.
Mais les colonnes donnent aussi un agrément au temple : elles le
décorent ; elles sont à la fois structure et décor : c’est la définition
d’une architecture classique.
Un exemple baroque à présent ; au milieu de la façade nous
retrouvons le schéma du temple romain : deux étages de colonnes
soutiennent le fronton. Logique classique ? Non, illusion baroque :
de côté nous voyons que les colonnes du rez-de-chaussée sont
situées en avant de l’ouvrage, qu’elles ne portent pas l’étage
supérieur. Elles sont un décor.
Autres éléments de structure : la voûte et la coupole. Elles posent des problèmes de poussée oblique sur les murs de soutien,
résolus par l’ajout de piliers : les contreforts. Comme au Moyen âge, voûtes et coupoles sont combinées
dans des églises en forme de croix, à la façade encadrée de
clochers.
Quelques exemples portugais : de voûtes… ; de coupoles.
L’église des Clérigos de Porto offre un rare exemple de coupole
ovale au Portugal ; ses murs extérieurs apparaissent sans
contreforts : ils sont noyés dans un double mur où courent des
galeries.
églises en croix à coupole à la croisée.
Parmi les innombrables églises à clochers, le Bom Jesus de
Matosinhos : on y retrouve le motif du temple romain, comme
principe d’organisation.
D’autres monuments…
Bien souvent les églises, fonds populaire du baroque, sont d’une
structure très simple : une salle rectangulaire entourée de chapelles,
un chœur, un plafond en bois – volonté de construire à moindre
frais, qui correspond aussi à un goût du pays – ainsi la période
précédente est celle du style chão, humble.
Exemples du style militaire, des églises de monastères aux
façades sobres.
Cette tradition continue aux temps baroques : mais alors le décor
habille les murs.
Les proportions
Elles règlent les dimensions des différentes parties de la
construction par rapport à l’ensemble, selon des principes
géométriques. Sur cette façade, la proportion est donnée par un
tracé régulateur fondé sur un module, unité de mesure répétée :
ici, le carré de base de la grille. Les cercles inscrits définissent
les emplacements des fenêtres et des niches, l’arc de cercle de
la fenêtre du fronton se superpose au cercle central : il révèle le
schéma régulateur.
Le décor
Il est très utilisé aux temps baroques ; il permet d’enseigner et
témoigne du foisonnement de la vie, dans son mouvement vers
le sacré. Il est plus ou moins intégré à l’architecture, la souligne,
la déforme ou la masque.
Proche de la structure dans les colonnades, les portails projetés
en avant, les pilastres, piliers plats collés aux murs qui rythment
les façades en liaison avec le plan interne du bâtiment, les niches
qui creusent les murs, les courbes des frontons.
Décor de sculpture : représentation humaine (le baroque sensuel
incarne les idées dans des figures) ; motifs abstraits où dominent
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courbes et rondeurs (blasons, volutes, guirlandes, pots-à-feu*,
feuillages, algues ou coquillages).
Décor de couleurs : opposition de tons entre la pierre sombre et
la chaux blanche, qui allège, donne du relief et de la fantaisie.
Décors d’azulejos* : utilisés en trompe-l’œil, en bandes dessinées, créateurs de mondes imaginaires.
Décors mixtes : azulejos au bas des murs et bois doré en hauteur,
alliance de l’eau et du feu. Contraste de goût oriental d’où naît
une lumière magique.
Décor de bois doré, la talha dourada, grande spécialité portugaise. Appliquée dans des endroits clés, elle “ baroquise ” des
intérieurs classiques : encadrement, chaires, stalles, buffets
d’orgues et surtout retables, éléments majeurs des églises.
La place dans l'espace
C’est l’affirmation de la fonction sociale de l’architecture, très
sensible à l’époque baroque. Ainsi l’Adro da Sé à Viseu, la
Misericórdia y occupe un côté de la place. Aimable, elle capte
l’attention ; elle figure un théâtre spirituel, avec sa scène esplanade, son escalier, sa façade-décor tournée vers l’extérieur,
garnie de fenêtres et de balcons où apparaissent les prêtres qui
invitent les fidèles à l’intérieur du sanctuaire.
Autour du Bom Jesus da Cruz de Barcelos s’organise l’urbanisme
extérieur ; il met en valeur sa forme circulaire.
La nature appartient au baroque : elle est organisée dans les jardins,
raccourci de l’univers selon la morale chrétienne ; ici, le décor de
statues développe un dialogue entre la Bible, le monde spirituel,
les continents, l’histoire nationale, au milieu d’un quadrillage de
plantes et de fontaines.
L’aboutissement de l’organisation de l’espace est le sanctuaire de
pélerinage : il unit architecture, décor et nature dans un ensemble
universel, socialement efficace.
L’apogée du baroque portugais
Les ambitions royales
L’ambition des rois du Portugal et surtout de Dom João v, (17071750) est de donner un grand style au pays : le style européen,
au service de la royauté et de la religion. Déjà en 1690, un grand
architecte portugais, João Antunes, construit l’église Santa
Engrácia, dans un style romain, massif, sur plan carré, à coupole.
Il édifie aussi à Barcelos, dans le Nord, le Bom Jesus da Cruz,
plus intime, plus proche des humbles, au plan rond, parcouru
de couloirs internes.
Dom João v bénéficie des arrivées d’or et de diamants du Brésil ; il fait appel à des artistes étrangers pour exécuter son programme. Parmi eux, Ludwig ou Ludovice, architecte de Mafra,
monastère royal, éclectique, qui contient quelques agencements
de goût portugais.
L’autre palais de Dom João v, les Necessidades, à Lisbonne
juxtapose de même le monastère et la résidence royale dans un
style plus national. Les successeurs de Dom João v font construire
le palais de Queluz de 1747 à 1804, dernière vague à l’influence
classique et rocaille française.
Le baroque du Nord
Là, se fait la rencontre de la foi populaire et des programmes
architecturaux, de la chapelle de campagne aux édifices
grandioses.
à Porto, travaille l’italien Nasoni, un des grands créateurs du
style portugais par ses œuvres et son influence :
– les Clérigos, combinaison d’une église, d’un secrétariat, d’une
infirmerie, d’une tour-sculpture, reliés par des galeries internes.
La façade rappelle les décors de théâtre ;
– le Solar de Mateus, l’un des plus beaux du Portugal, est attribué
à ses élèves.
à Braga, se trouve le plus important sanctuaire de pèlerinage,
le Bom Jesus do Monte. à partir du thème du chemin de croix,
il organise la procession : au centre du dispositif, l’escalier des
cinq sens ; les fontaines représentent la vue, l’ouïe, l’odorat,
le goût et le toucher. Y sont associées des images bibliques,
morales ou animales. Par exemple pour la vue, l’aigle à la vue
perçante, le soleil, et des personnages visionnaires (l’homme
avisé, les prophètes Moïse et Jérémie). Les sens, dans le mouvement de montée, mènent à Dieu, mais ils sont aussi trompeurs
et conduisent au péché ; alors, dans le mouvement de descente,
ils sont purifiés par l’eau, symbole du sang du Christ s’écoulant
par la fontaine des cinq plaies.
Le grand architecte de Braga est André Soares da Silva. Ses
œuvres principales :
– casa da Câmara (1753) ;
– casa do Raio (1754) ;
– Marie-Madeleine de Falperra (1755) : cette église de pèlerinage est peut-être le monument le plus original du baroque
portugais. Son tracé régulateur dessine un losange divisé en neuf
: il quadrille les points essentiels de la façade, en particulier
le cœur de la Madeleine qui irradie à son tour (clin d’œil au
spectateur : les points blancs des tours sont des points-clés).
Ils désignent deux angles du losange constructif. La décoration
rocaille fait corps avec la structure ;
– église des Congregados (1761) : la façade, au puissant élan
vertical, combine, dans sa partie supérieure, les mouvements
contraires de l'architecture dans un ensemble de lignes
ondulantes.
L’or
La synthèse suprême est celle de l’or. Matière divine, mythique,
elle permet à un style qui veut contenir l’univers entier d’en
unifier tous les contraires dans sa splendeur colorée.
Conclusion
Pour garder vivante une société aristocratique et mythique, les
rois du Portugal ont largement utilisé l’or du Brésil à la décoration
des églises et des palais, attitude qu’ils croyaient efficace pour
gouverner et satisfaire aux aspirations de leur peuple.
1755 : le tremblement de terre de Lisbonne. Pombal, le ministre
éclairé, fait reconstruire la Baixa dans un style sobre qui renoue
avec le vieux classicisme.
Même si le baroque n’a pas terminé son cycle, le Portugal entame
sa rude marche vers la modernité.
* Voir le lexique page 2 du document de présentation.
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