Le poiDS DeS motS - Etchemins en forme
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Le poiDS DeS motS - Etchemins en forme
Le poids des mots Le pouvoir d’agir ! Photo : Sylvain Lalande Chronique de Sylvie Bernier Sylvie Bernier Numéro 5 / Décembre 2013 En plongeon, l’image corporelle est extrêmement importante puisque, en plus de la qualité de la performance, l’apparence physique est constamment jugée, notée et commentée par les entraîneurs et commentateurs sportifs de la planète. J’ai parfois été témoin de commentaires désobligeants qui ont vraiment affecté des plongeuses. Les mots font mal et, malgré une plus grande sensibilisation aux conséquences de l’intimidation, cette attitude persiste encore aujourd’hui dans le milieu. Un esprit sain dans un corps sain J’ai toujours maintenu qu’il n’est pas nécessaire d’être mince pour être en santé. L’important, c’est de permettre à chacun, peu importe son gabarit, d’atteindre son plein potentiel de santé et de bien-être. Or, pour y arriver, il faut offrir aux garçons et aux filles, des activités physiques et sportives qui conviennent à tous les types d’intérêts et d’habiletés motrices et qui privilégient l’inclusion de tous les enfants. Quand on se sent compétent dans une activité physique ou un sport, on améliore son estime de soi et la confiance qui vient avec. C’est déjà un puissant antidote contre l’intimidation et la violence. Prendre conscience de notre influence sur les jeunes À l’évidence, nous ne sommes pas toujours conscients de l’influence que nous avons sur les jeunes. Et pourtant, les exemples ne manquent pas. Ce peut être par exemple un entraîneur qui pousse un jeune à perdre ou à gagner du poids pour avoir du succès dans un sport; une éducatrice en service de garde qui parle devant les enfants de sa diète restrictive et qui surveille la portion de dessert des enfants ou encore une école où l’on pèse et mesure les enfants afin de déterminer leur IMC (indice de masse corporelle).1 À la maison, mes parents ont toujours misé sur une saine alimentation et de saines habitudes de vie, sans qu’il ne soit jamais question d’image corporelle, de diète ou d’amaigrissement. J’ai reproduit la même chose avec mes trois filles. L’important, encore une fois, c’est de respecter la diversité corporelle de chacune et de viser le bien-être de l’esprit et du corps. Il me semble que ce soit possible aussi dans nos écoles. Qu’en pensez-vous? Sylvie Bernier BAA, MM Ambassadrice des saines habitudes de vie, Québec en Forme Présidente, Table intersectorielle permanente spécifique au mode de vie physiquement actif Engagée dans la promotion des saines habitudes de vie depuis près de 30 ans Médaillée d’or en plongeon aux Jeux olympiques de 1984 Pour twitter avec Sylvie : @BernierSylvie 1 Selon ÉquiLibre, 2012, et selon Québec en Forme, Planification stratégique 2011-2014. www.quebecenforme.org Intimidation : le poids des préjugés Vivre à l’ère du plus-que-parfait Des filles grandes et minces, des hommes musclés et bronzés, des cheveux bien coiffés, des sourires immaculés… voilà la façon dont sont le plus souvent représentés la femme et l’homme dans l’univers médiatique et publicitaire. Dans ce contexte de perfection absolue, il n’est pas toujours évident d’être pleinement satisfait de son propre corps. À l’adolescence, on n’échappe pas à cette pression sociale pour être mince et musclé. De surcroît, on vit dans un corps en constante transformation et on souhaite, plus que tout, être un peu comme tout le monde. Résultat, 50 % des jeunes du secondaire sont insatisfaits de leur silhouette. Poids et intimidation Animation d’un atelier sur le modèle unique de beauté par Catherine Desforges, nutritionniste animatrice pour ÉquiLibre, à la Polyvalente St-Jérôme (mars 2013). Un surnom donné au grand maigre, une bousculade envers la fille un peu ronde ou l’exclusion du plus petit du groupe. Banales, les moqueries sur le poids et l’apparence? Pas du tout. Lancés ou non dans le but de blesser, ces propos et gestes peuvent être destructeurs et miner l’estime de soi des jeunes. Lorsqu’ils sont répétés, comme dans une cour d’école ou sur le Web par exemple, on parle alors d’intimidation. Une question de préjugés? S’il est évident que la société n’encourage pas les actes d’intimidation en lien avec le poids, il est malheureusement vrai qu’elle véhicule des préjugés sur le poids. Par exemple, bon nombre d’individus croient à tort que la perte de poids n’est qu’une question de volonté, ou encore que les personnes minces sont nécessairement anorexiques. Par ailleurs, de nos jours, les commentaires sur le poids sont si fréquents et banalisés que ça envoie le message aux jeunes qu’il soit acceptable de se moquer de la silhouette ou de l’apparence d’une personne. Comment aider? Tout d’abord, on peut prendre un moment pour se questionner sur ses propres valeurs et croyances personnelles. En tant qu’intervenant, enseignant ou parent, nous jouons un rôle de modèle pour les jeunes, et il est bien possible que malgré nos bonnes intentions, on contribue à alimenter certains préjugés. Également, on peut inviter les jeunes à remettre en question le modèle unique de beauté en vogue dans la société en leur faisant prendre conscience qu’il est irréaliste. On peut aussi les aider à s’ouvrir à la différence et à apprécier la diversité corporelle. Dans ce contexte, les jeunes pourront davantage accepter le corps qu’ils ont et apprendre à reconnaître que la valeur d’une personne va bien au-delà de son poids. Ce sujet vous préoccupe? Votre école souhaite agir? L’organisme ÉquiLibre met à la disposition des jeunes, des intervenants et des parents une foule de ressources utiles sur la question de l’image corporelle. Pour les intervenants (www.equilibre.ca, section Intervenants et professionnels) •Service d’animation d’un atelier sur l’intimidation et l’apparence •Formation Intervenir sur le poids et l’image corporelle à l’adolescence •Programme Bien dans sa tête, bien dans sa peau Pour les parents et les intervenants (www.equilibre.ca et www.lepoidssanscommentaire.ca) •Information sur le poids et l’image corporelle à l’adolescence •La Semaine « Le poids? Sans commentaire! » du 10 au 14 novembre 2014 Pour les jeunes •Site Web www.derrierelemiroir.ca Anouk Senécal Dt.P. Chef de campagne, ÉquiLibre Vers une image corporelle juste et équilibrée Depuis maintenant quatre ans, Brigitte Camden est nutritionniste pour le Programme Jeunesse au CSSS de St-Jérôme. Il s’agit d’un nouveau poste au sein de cette équipe et le rôle de madame Camden consiste principalement à conseiller et accompagner les familles et les écoles de la région dans l’intégration de meilleures pratiques alimentaires. Ainsi, elle organise ou soutient diverses activités en alimentation et conseille et forme différents intervenants du milieu scolaire. Elle intervient entre autres à la polyvalente St-Jérôme; une école immense qui accueille plus de 2 287 élèves et qui compte 200 employés. La direction de cette polyvalente a décidé d’agir en regard de l’image corporelle en intégrant le programme Bien dans sa tête, bien dans sa peau dans son plan de réussite. « Cette école présente un beau défi du fait de sa taille. La direction a donc formé un comité jeunesse et un comité adulte auquel je participe et, tous ensemble, nous avons ciblé différentes activités pour arriver à rejoindre la totalité des élèves et du Lors du prix Image/In, une partie de comité jeunesse avec personnel », explique Brigitte Camden. Des la responsable du programme ainsi que Frédérique Dufort. conférences, telles que celle du comédien Martin Larocque sur l’intimidation, ont d’abord été présentées. Les titulaires de chaque classe ont aussi été sensibilisés au fait que 50 % des adolescents québécois sont insatisfaits de leur image corporelle et que ce pourcentage élevé découle souvent des perceptions et des canons de beauté véhiculés par le milieu. Les élèves ont également participé à une série de 12 ateliers visant à contrecarrer les mythes alimentaires tenaces. « Par exemple, la plupart des jeunes croient encore que le fait de manger du pain, des pommes de terre ou des pâtes fait engraisser. De plus, la plupart d’entre eux ne savent pas que 98 % des photographies de mode sont modifiées à l’ordinateur », raconte madame Camden. L’organisme ÉquiLibre fournit plusieurs outils au comité-école afin d’orienter les choix d’activités et les réflexions. Afin de stimuler les échanges, les élèves sont appelés à visiter le site Web de l’organisme au www.equilibre.ca ainsi que le site www.lepoidssanscommentaire.ca durant la semaine du même nom et la page Facebook Ce qu’il y a derrière le miroir qui les invite à remettre en question le modèle unique de beauté. « L’an dernier, nous avons participé à la Journée sans maquillage en fournissant des lingettes démaquillantes à l’entrée de l’école. Durant la journée, de petites capsules informatives ont été diffusées en classe. Cette année, nous souhaitons intégrer les garçons au projet en faisant une journée sans maquillage ni gel pour cheveux », ajoute Brigitte Camden. À la polyvalente St-Jérôme, des activités sportives moins traditionnelles comme le Zumba et le shaolin kung fu sont aussi proposées afin de favoriser le plaisir de bouger. Enfin, l’agenda scolaire contient plusieurs petites phrases portant sur les saines habitudes de vie et l’importance de bien s’alimenter. « Ce sont plein de petites choses que l’on additionne en cours d’année et qui finissent par avoir une véritable influence sur l’estime de soi des jeunes. Nous débuterons d’ailleurs l’évaluation de l’impact réel sur les élèves de toutes ces actions dans un futur rapproché, mais nos premiers indicateurs sont d’ores et déjà très encourageants », affirme la nutritionniste. Le sport pour devenir un acteur de la société Le sport, selon la façon dont il est abordé, peut être un outil d’inclusion sociale. Il développe un sentiment d’appartenance à un groupe, à une communauté, à une école. Il favorise le sentiment d’appartenance et aide à la réussite scolaire. Il invite à contribuer au projet collectif de société. Mais participer à un projet collectif de société sous-entend de le comprendre, d’y adhérer, de sentir que nous pouvons faire partie du groupe pour aider à l’atteinte des objectifs communs. Cela laisse supposer que nous avons la certitude en tant qu’individu de pouvoir apporter notre pierre à l’édifice et de mériter d’y contribuer. Et dans le cas où, comme membre de la communauté, nous avons le sentiment de ne pas avoir toutes les compétences, il est primordial d’être convaincu de pouvoir les acquérir. La fameuse confiance en soi! Quels sont alors les éléments clés permettant aux jeunes, plus précisément aux jeunes vulnérables1 de participer à un projet sportif2 dans lequel ils pourront y faire des transferts de connaissances et de compétences dans leur vie de tous les jours? Quels vont être les leviers pédagogiques qui pousseront le jeune à aller au bout de l’aventure? Les entrevues réalisées par l’équipe de recherche du département de sociologie de l’Université d’Ottawa faites auprès d’une centaine de jeunes dans le cadre de la modélisation du programme sportif Alter-Action de DesÉquilibres3 font émerger plusieurs leviers pédagogiques à considérer dans notre intervention auprès des jeunes. En voici deux parmi d’autres. Le sport, outil de développement humain et métaphore de la vie Il s’agit d’approcher le sport comme un outil de développement humain sur les plans physique, psychologique et social et non comme un outil de performance et de comparaison! La mise en valeur de la performance et les comparaisons avec les autres membres du groupe sont des facteurs d’exclusion, tandis que l’émulation et l’entraide seront des facteurs d’inclusion. Il s’agit d’amener le jeune à penser : « Je réussis parce que nous sommes plusieurs ». Cette aventure humaine sportive et collective doit être l’occasion pour le jeune de vivre des situations dans lesquelles il pourra faire des parallèles dans la « vraie vie » en liant l’expérience vécue sur le terrain à une situation de la vie de tous les jours. Par exemple, en mettant en place un projet sportif qui nécessite un effort soutenu jusqu’à la réalisation finale et l’adhésion à l’esprit d’équipe. En effet, un projet de trois mois avec plusieurs entrainements par semaine et des fins de semaine monopolisés amène exactement les mêmes défis de persévérance et d’intégration au groupe, à l’équipe, que ceux rencontrés dans l’école ou dans la vie active. Favoriser la mixité sociale Favoriser la mixité sociale doit être une priorité. Cela induit de mettre ensemble des personnes d’origines diverses, aux capacités différentes. Cela veut dire mélanger ceux qui réussissent à l’école avec ceux qui préfèreront le travail manuel, les favorisés économiques avec ceux en situation de pauvreté… Cette mixité évite la stigmatisation. Elle amène des rencontres improbables, des jeunes qui a priori 1 2 3 « Jeunes vulnérables », ou « Jeunes à risque » dans le cadre de cet article signifie que les jeunes sont dans des contextes psychologique, social et économique difficiles. Ces contextes favorisent l’émergence de problèmes tels que la santé mentale, la toxicomanie, le décrochage scolaire, la violence… qui peuvent les amener dans des situations de marginalisation. Par projet sportif, l’auteur sous-entend la mise en place d’une activité sportive récurrente avec un objectif final. Exemple, s’entrainer 2 fois/semaine pendant 3 mois pour faire une expédition de marche de 4 jours en autonomie complète dans les Laurentides. Pour plus d’information sur le programme Alter-Action : www.desequilibres.org Ce qu’en disent les jeunes « Plutôt que de se dire : ‘’Ah, c’est Stéphanie celle qui boit’’, les gens disent : ‘’c’est Stéphanie, celle qui a couru avec les autres le projet de malade’’ », « Ces projets me donne l’impression d’être plus moi et d’exister par rapport aux regards des autres » . – Stéphanie, 17 ans Je traversais la porte, pis le monde venait me saluer, rapidement, comme ça là. (…) Maintenant, on ne se lâche plus. On est vraiment des amis. Sans le projet, je ne les aurais pas connus tout ce monde là. Pis là, c’est bizarre, on est tout le temps ensemble. (…) J’ai des amis de longue date, mais avec eux, ça s’est soudé rapidement … Ça a été plus rapide, comme si ça faisait 5 ans que je les connaissais. – Alexander 15 ans Les pratiques et la course m’ont permis de découvrir les gens... la première fois tu les vois tels qu’ils sont en apparence puis là, pendant que tu t’entraînes avec eux et que tu fais la course, tu peux voir à l’intérieur d’eux ! – Julie 16 ans Au lieu d’être sur l’ordi, tu es avec du monde. Pis, c’est bon pour le social. Pis, ça… ça te permet d’avoir des amis. (…) Ça m’a fait connaître d’autre monde que je ne connaissais pas. Après le projet, je leur parlais plus à l’école. – Jonathan 14 ans n’ont rien à faire ensemble. Elle leur fait vivre une aventure où chacun peut apporter sa contribution et où sans l’autre, le projet ne peut aboutir. Je pense à Maléa, immense, en surpoids, qui court très, très, très lentement, mais qui par son courage nous stimulait les uns les autres. Je pense à Brigitte qui, incapable d’attraper un ballon nous bluffait par son obstination à essayer de le faire… Remises dans un contexte de groupe, ces faiblesses avouées et assumées se convertissent en force : le courage pour l’une, la détermination pour l’autre deviennent des leviers de motivation pour les autres membres de l’équipe. Tous ensemble pour aller plus loin et former un tout complémentaire pour ne faire plus qu’un : « Tu as le courage, j’ai les jambes. Tu as la détermination, j’ai l’endurance. Nous pouvons courir 500 km ensemble ». Finalement, opter, à l’école pour des projets où les jeunes se rencontrent quel que soit leur milieu d’origine est une façon de les préparer à la vie en société. Il est indéniable, selon mon expérience après plusieurs années de pratique sur le terrain, que cette mixité est un des éléments les plus importants pour développer le sentiment d’appartenance à un milieu où la population est variée (comme une école par exemple). Elle est un des facteurs déterminant de la réussite ou non de ces projets sportifs en regard de jeunes dits vulnérables. Luc Parlavecchio Fondateur DesÉquilibres Directeur des programmes Luc Parlavecchio est entrepreneur social et fondateur de DesÉquilibres un organisme qui utilise le sport comme outil de développement psychosocial et d’engagement social notamment auprès des jeunes âgés de 15 à 25 ans rencontrant des difficultés. L’importance de l’engagement moteur Depuis maintenant plus de dix ans, le Regroupement local de partenaires Vita Sources a décidé de faire du développement moteur chez les enfants de 0 à 6 ans son cheval de bataille. D’abord actif dans les CPE de la région d’Asbestos, le Regroupement est également présent dans les milieux scolaires. « Pour nous, c’était la meilleure façon de rejoindre tous les enfants. Il était primordial de créer un équilibre le plus tôt possible dans la vie des jeunes afin de développer leur motricité, mais aussi de rehausser leur confiance en soi et leur estime personnelle », affirme Éric Dion, coordonnateur de l’organisme. Pour ce faire, Vita Sources offre des animations trois fois par semaine dans chacune des écoles de la MRC. « Au début, notre intervenant animait deux périodes sur trois alors que le titulaire animait la troisième période. Maintenant, les titulaires sont mieux outillés et ils animent deux des trois périodes », raconte monsieur Dion. Les activités proposées sont adaptées selon les besoins des écoles afin de développer toutes les sphères psychomotrices des enfants. Tout naturellement, le Regroupement Vita Sources s’est allié la commission scolaire des Sommets afin de l’aider à sensibiliser les directions d’écoles à l’importance de l’engagement moteur. Outre les suivis avec les directions d’écoles, la commission scolaire assure aussi le lien avec les enseignants, libère des locaux pour permettre aux activités d’avoir lieu et collabore à l’élaboration des formations. « C’est un partenaire précieux qui a une véritable influence dans le milieu scolaire et qui s’assure que le transfert des compétences se fasse de façon optimale », ajoute Éric Dion. Lors de chaque animation, une fiche est remise à l’élève afin qu’il la transmette à ses parents pour ainsi poursuivre son apprentissage à la maison. Vita Sources propose également des activités parents-enfants de concert avec le milieu municipal et les maisons des familles. Pour en connaître davantage sur les outils proposés et les activités offertes, nous vous invitons à consulter la page Facebook de l’organisme. Le développement moteur au quotidien L’école primaire de la Passerelle à Asbestos est soutenue par le Regroupement local de partenaires Vita Sources qui l’accompagne dans le développement moteur des enfants de maternelle. Sa directrice Chantal Landry croit en l’importance de l’engagement moteur dès le plus jeune âge : « La pratique d’activités psychomotrices a une grande influence dans plusieurs sphères de la vie de l’enfant. Par exemple, elle facilite la préhension du crayon, favorise une meilleure posture en classe et permet aux élèves de reproduire certains jeux dans la cour d’école et donc, d’être plus actifs et structurés ». Vita Sources offre des animations trois fois par semaine dans les classes de maternelle de cette école. « Au début, les enseignants n’intervenaient pas, ils laissaient l’animateur s’occuper de toutes les activités avec les enfants. Au fil des semaines, les titulaires se sont davantage impliqués en classe et ils prennent maintenant en charge les sessions, seuls ou avec l’aide de l’animateur Vita Sources », raconte Chantal Landry. Quoi qu’il en soit, l’objectif principal demeure : transmettre le plaisir de bouger aux enfants. Jean-Éric Guillemette est titulaire d’éducation physique à l’école de la Passerelle et il a pu constater les bénéfices du développement psychomoteur précoce chez les enfants : « Les enfants qui ont suivi ce programme arrivent en 1ère année avec une longueur d’avance. Ils sont meilleurs pour manipuler le ballon et ils intègrent les activités proposées plus rapidement. Cela nous permet de pousser encore plus loin et d’accélérer le processus de développement du jeu », explique-t-il. L’équipe-école a remarqué une diminution des conflits dans la cour et une meilleure concentration en classe pour l’ensemble des enfants et plus particulièrement pour ceux qui avaient des difficultés motrices. De plus, les activités apprises en maternelle se poursuivent tout naturellement en 1ère année que ce soit dans la cour, dans le gymnase ou en parascolaire. « En 2012, l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle a révélé que nos élèves étaient beaucoup moins vulnérables que la moyenne des autres enfants de la MRC en ce qui a trait à l’activité physique et au bien-être. Pour nous, il s’agit d’une validation du processus dans lequel nous nous sommes engagés et une motivation à poursuivre nos efforts dans ce sens », ajoute Chantal Landry. Je suis capable! Comment le développement de la motricité chez l’enfant contribue à son parcours scolaire et son intégration sociale. Qui ne se souvient pas d’avoir été choisi premier ou encore dernier dans la formation des équipes au ballon chasseur lors de la récréation. Pour l’un, ça va de soi, il est le meilleur. Pour l’autre, pas de surprise, c’est aussi normal, il est toujours choisi dernier. Même si tous ne le vivront pas de la même manière, n’y accorderont pas la même importance, reste que pour certains, cet épisode est une autre preuve de leur incompétence, une source de dérision. Il nous est plutôt facile de faire le lien entre notre niveau d’habiletés et le sentiment de compétence, d’efficacité personnelle et d’estime de soi, que l’on peut ressentir. D’ailleurs, c’est bien documenté, le manque d’habiletés est un facteur d’abandon de la pratique d’activité physique contribuant à une perte de plaisir et d’intérêt. C’est par le mouvement et les expériences motrices que l’enfant développe les habiletés motrices fondamentales lui permettant d’affiner le contrôle qu’il exerce sur son corps, d’explorer les divers aspects de son environnement et de s’y adapter. Mais les spécialistes reconnaissent aujourd’hui l’importance du développement de la motricité chez l’enfant pour plusieurs autres raisons qui vont bien au-delà de la dimension physique et des murs du gymnase. Ses impacts sont en effet aussi perceptibles sur ses autres capacités : affective par l’autonomie, la confiance que le contrôle de sa motricité lui confère, cognitive par l’exploration et l’adaptation à l’environnement que sa motricité lui permet, sociale et langagière par le jeu avec ses pairs et amis. À cet effet, le développement moteur joue un rôle important d’intégration sociale puisque l’enfant qui possède un savoir-faire moteur est un partenaire de jeu recherché. En somme, il contribue chez l’enfant à l’élaboration d’une image positive de soi, à son intégration dans le groupe et l’aide à s’investir dans les apprentissages. Plusieurs composantes du développement moteur sont également considérées comme des prérequis importants aux apprentissages scolaires alors que l’enfant dont la motricité n’a pas atteint un état satisfaisant de développement est susceptible de vivre des difficultés d’apprentissage dès ses premières années de scolarisation. La période de 2 à 9 ans est identifiée comme « charnière » pour le développement de la motricité. L‘enfant d’âge préscolaire a un besoin de bouger et une grande curiosité. Il montre une faible capacité de concentration, il change constamment d’activité. Sa pensée est intuitive, concrète, pratique, étroitement liée aux expériences personnelles. Elle se développe sous l’influence des jeux, des actions motrices, par l’expérience du mouvement en général. Vers 7 ans, l’enfant s’engage volontiers dans des formes de comportements plus spécialisés ou techniques. Il interagit davantage avec ses pairs et son engagement sera d’autant plus réussi s’il se sent en maîtrise, en contrôle. Reste que pas besoin d’être un spécialiste pour développer la motricité de l’enfant. De la classe au service de garde en passant par la cour et le gymnase, c’est créer quotidiennement un milieu permettant aux enfants de bouger, essayer, expérimenter, vivre afin d’apprendre constamment la réalité, bref, un véritable laboratoire d’exploration. C’est aller jouer dehors, lui proposer des défis à sa portée, lui permettre de se dépenser pour mieux s’« énergiser », grandir, se développer normalement et être prêt à apprendre. Enfin, développer ses habiletés motrices c’est lui donner les préalables essentiels à son développement global et à sa réussite éducative l’aidant à bâtir son estime de soi dans les différentes sphères de sa vie facilitant du coup son intégration sociale. Des passions qui mobilisent Lors de son entrée en fonction à titre de directeur de l’école primaire Terre-des-Jeunes en 2010, Frédérick Urpesz constate que tous les professeurs offrent des périodes de récupération à leurs élèves. Le nouveau venu propose alors aux enseignants de remplacer certaines périodes de récupération par des activités parascolaires. « Ils ont tous refusé. Ils ne voulaient pas brimer les élèves qui avaient besoin de récupération et ils croyaient également que ces périodes étaient obligatoires selon leur convention collective », se souvient Frédérick Urpesz. Le directeur décide alors de prêcher par l’exemple en coachant l’équipe de basketball. Après six mois, trois enseignants acceptent son offre et font l’expérience du parascolaire. Cette nouvelle façon de faire connaît un franc succès et en 2011-2012, 20 activités sont proposées de la maternelle à la 6e année. Les activités parascolaires se pratiquent avant ou après les heures de classe et sont intégrées à la tâche des enseignants. Bien entendu, les périodes de récupération sont toujours disponibles, et ce, pour chacune des disciplines. Les activités offertes sont choisies en fonction des passions de l’équipe-école. « Par exemple, cette année, notre secrétaire enseigne le kick boxing alors que le technicien informatique donne le cours de hockey cosom », raconte Frédérick Urpesz. La quasi-totalité des enfants sont inscrits à l’une ou l’autre des activités parascolaires. Moins chères que les activités proposées au privé ou par la ville, les activités offertes par l’école primaire sont diffusées aux parents à chaque début d’année scolaire. « Au-delà des considérations monétaires, je crois que la grande richesse de notre offre de service est que ce sont les membres du personnel qui donnent les cours. Cela renforce le sentiment d’appartenance à l’école et favorise un climat harmonieux », explique le directeur. Les élèves peuvent choisir parmi une panoplie d’activités allant du Zumba à la chasse au trésor en passant par le soccer et le badminton. L’école fait également une place à la saine alimentation avec le cours Comme un chef qui permet aux enfants de 5e et 6e année de découvrir le plaisir de bien s’alimenter en cuisinant. Avec tous ces choix, le gymnase de l’école fonctionne à pleine capacité et est occupé cinq soirs et quatre matins par semaine. « Les professeurs, les élèves et leurs parents ont tous constaté les bénéfices que peut apporter la pratique hebdomadaire de ces activités. Maintenant que cette façon de faire est intégrée et supportée par l’ensemble des membres de l’équipe-école, je crois que les enseignants continueront de revendiquer ce choix dans le futur », conclut fièrement monsieur Urpesz. Des rénovations appétissantes! Dominic Blanchette est à la barre de l’école secondaire CalixaLavallée depuis quatre ans. Cette école accueille 1 500 élèves et est située dans un milieu défavorisé de Montréal à proximité de commerces de restauration rapide. Lors de l’arrivée du nouveau directeur en 2009, une réflexion est entamée par le comité responsable des saines habitudes alimentaires et de l’image corporelle. « Nous cherchions comment favoriser l’utilisation de la cafétéria par les jeunes, se rappelle Dominic Blanchette. Nous voulions que les élèves qui ne dînent pas à la maison aient accès à des aliments sains et à un menu équilibré et validé par une nutritionniste au lieu de se retrouver à la pizzéria du coin ». Les réflexions portent fruit et le comité recommande d’entreprendre des rénovations majeures dans la cafétéria afin de la rendre plus conviviale et d’en faire un milieu où les jeunes se sentent bien. Une cure de jeunesse incluant la réfection des planchers, la peinture, le remplacement des longues tables par des tables rondes favorisant les échanges et l’ajout d’écrans vidéo est au menu pour l’été 2013. « Nous avons pris un peu de retard, car nous ne pouvons effectuer ces travaux majeurs que durant l’été, mais nous croyons fermement que lorsque les changements seront complétés, c’est toute l’école qui sera gagnante. Nous avons d’ailleurs constaté les effets bénéfiques liés à des rénovations d’envergure avec notre bibliothèque. Depuis son réaménagement, l’achalandage a grimpé de 50 % », ajoute le directeur. Depuis le début des travaux, un comptoir à sandwich semblable à ceux disponibles chez Subway a été aménagé afin de compléter l’offre alimentaire. De plus, le plan d’action en matière de saines habitudes de vie comprend aussi des activités thématiques favorisant la découverte de nouveaux aliments. « Cette année, nous bénéficierons d’un partenariat avec La Tablée des chefs qui dispensera des cours de cuisine dans les classes. Ces cours seront financés par les marchands Métro et nous croyons qu’ils permettront d’aller encore plus loin dans l’apprentissage de saines habitudes alimentaires », termine Dominic Blanchette. Aperçu de la cafétéria avant les rénovations. Avec qui as-tu mangé ce midi? La recherche Ados 12-14, visait à mieux comprendre le « comment » et le « pourquoi » des pratiques alimentaires et d’activités physiques des adolescents. Des entrevues individuelles semi-directives ont été menées au Québec auprès de 50 adolescents de 12 à 14 ans, dont 28 garçons et 22 filles. Les jeunes nous ont décrit comment se déroule la période du repas de midi, le lieu du repas et avec qui ils mangent. Ils ont révélé que le repas à l’école est un espace où s’expriment des dynamiques sociales, reflets d’une intégration scolaire plus ou moins réussie. Ainsi, puisque c’est en particulier le midi que les jeunes se retrouvent entre eux, ceux dont le réseau social est fort seront plus à l’aise dans ce contexte et ce repas à la cafétéria sera l’occasion de manger en compagnie d’un ou plusieurs amis avec qui il partage des intérêts. Mais pour ceux dont le réseau social est faible, ce repas les expose à diverses formes de vexation ou de rejet. Le défi pour l’ensemble des jeunes interviewés, est donc de ne pas se retrouver à manger seul à l’école. Si nécessaire, le jeune cherchera plutôt des voies d’évitement, comme se réfugier au restaurant-minute ou sortir de l’école et consommer son repas en marchant, plutôt que d’être vu à manger seul à la cafétéria. Plusieurs récits des adolescents présentent des indices d’un malaise latent autour de l’heure du midi à l’école. Si des jeunes sont victimes de stigmatisation lors du repas, cela tient à des représentations et des dynamique sociales indépendantes du repas, mais susceptibles de se manifester à la cafétéria scolaire. Par exemple, si des jeunes sont généralement stigmatisés ou rejetés en raison de leur surplus de poids, il y a de fortes chances pour que des manifestations de cette stigmatisation surviennent dans le contexte de la cafétéria. Selon les explications avancées par les adolescents, ceux susceptibles d’être stigmatisés doivent faire en sorte de ne pas fournir aux autres un prétexte pouvant alimenter la stigmatisation. À l’heure du repas à l’école primaire, au-delà de ce que contient son assiette, l’enfant a besoin qu’on entretienne une relation constructive avec lui. Oui, l’éducateur doit maîtriser les messages à livrer …sans oublier qu’il est d’abord un modèle bien plus par son attitude et par ses gestes que par ses connaissances. Le cadre scolaire est favorable lorsqu’il permet aux éducateurs de faire place à l’éveil sensoriel, à la convivialité, à l’accueil de la gourmandise occasionnelle, au respect de la satiété…bref, à tous les plaisirs de bien manger! Chez l’adolescent, l’adulte est moins présent à l’heure du repas mais l’organisation des lieux a une influence non négligeable. Offrir un menu sain et un endroit attrayant qui respecte les différents profils - les adolescents ne forment pas une clientèle homogène! – permet à ses jeunes citoyens en devenir de cultiver le goût de bien manger. Au fait, mangeriez-vous seul assis à une grande table au restaurant... Nicole Michaud, conseillère en alimentation, Québec en Forme Quant à ceux dont le réseau social est fort, il peut arriver que cela leur permette de témoigner une certaine empathie envers ceux qui éprouvent plus de difficulté à s’intégrer. Certains réseaux de jeunes seront plus ouverts que d’autres à accueillir les laissés pour compte. Certains élèves qui fréquentent la cafétéria sont alors dépendants du bon vouloir de groupes constitués, quant à la possibilité de trouver une place pour manger avec d’autres sans se sentir « de trop ». Ces résultats méritent définitivement l’attention des parents et des intervenants en milieu scolaire. Notons aussi que les adolescents ont certainement la capacité de s’opposer à la discrimination et de favoriser l’inclusion. Gardons tous en mémoire cette question bien simple: Avec qui as-tu mangé ce midi? Marie Marquis PhD, Professeure titulaire, Département de nutrition, Université de Montréal. [email protected] Données colligées dans le cadre d’une recherche financée par le Fonds de recherche du QuébecSociété et Culture.