Mon coMing out - Krzysztof Charamsa
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Mon coMing out - Krzysztof Charamsa
société témoignage À 44 ans, le professeur de théologie a tout abandonné pour emménager dans la capitale catalane avec son compagnon. Il y a un an, ce monseigneur du Vatican rendait publique son homosexualité. Démis de ses fonctions, l’ancien prêtre raconte sa nouvelle vie à Barcelone et dénonce l’homophobie qui règne dans l’Église. C’est à Rome le 3 octobre 2015 (ici avec son compagnon Eduard) qu’il avait annoncé son homosexualité lors d’une conférence de presse. Krzysztof Charamsa Mon coming out ? Une obligation morale’’ S on sourire est aussi radieux que le soleil de Barcelone, si beau en cette matinée d’octobre. Krzysztof Charamsa converse avec ferveur et sans tabou. Le 3 octobre 2015, Mgr Charamsa a fait son coming out. Il enseignait dans deux universités pontificales du Vatican et était membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi, « l’Inquisition » selon l’intéressé. À la veille du synode sur la famille, le religieux polonais est apparu lors d’une conférence de presse avec Eduard, son compagnon catalan. Le Saint-Siège l’a immédiatement démis de ses fonctions. Il fut ensuite suspendu par l’évêché polonais. Un an plus tard, il ne peut plus exercer comme prêtre mais va « benissimo ». Un cri du cœur en italien pour ce polyglotte, qui a vécu à Rome pendant dix-sept ans. « Mon coming out n’était pas qu’une libération personnelle. En tant que prêtre et en tant que croyant, c’était une obligation morale », insiste l’élégant quadra installé sur la terrasse de l’hôtel Colon, face à la cathédrale du quartier gothique de Barcelone. Le professeur de théologie a tout abandonné pour emménager dans la capitale catalane avec son compagnon. « Ici, je vis comme au paradis… et en free lance, puisque j’ai perdu mon travail », raconte-t-il. Écrivain, il est l’auteur de La Prima Pietra*. Activiste, l’homme de 44 ans milite pour la cause LGBT. « Je reçois des messages du monde entier. Hier, j’ai répondu à un formidable mail d’un prêtre, amoureux N° 2048 - 35 afp Par Anastasia svoboda. Photos : Catalina Martin-Chico pour VSD Le vrai lobby, mondial, c’est le Vatican. Ce catholicisme fermé et ignorant est aussi dangereux que le terrorisme. Il tue non pas physiquement mais psychologiquement” d’un autre prêtre, paralysé par la peur. » Cette peur, Charamsa la connaît intimement. Ce croyant a découvert son homosexualité à l’adolescence. « L’Église la présente comme une pathologie et une idéologie contre l’humanité. Et c’était en moi. J’ai vécu la majeure partie de ma vie dans une sorte de cauchemar intérieur. » Désormais, il n’a de cesse de dénoncer l’homophobie et la « persécution » dont les gays sont victimes dans l’Église catholique. Une instruction approuvée par Benoît XVI en 2005 interdit aux homosexuels d’être ordonnés prêtres. Ceux qui le sont déjà ne doivent pas rendre publique leur orientation sexuelle. « L’Église a exclu une partie de l’humanité sur ce principe. Pourtant, au Vatican, beaucoup sont homos ou en couple. Et les diocèses protègent leur double vie. » Dans ses Mémoires publiés en juillet, Benoît XVI évoque même l’existence d’un lobby gay dans la cité vaticane. « C’est ridicule, réagit Krzysztof Charamsa. C’est surtout un moyen de stigmatiser un peu plus les homosexuels. Le vrai lobby, mondial, c’est le Vatican. “Les signaux du pape François n’étaient que de la communication” Ce catholicisme fermé et ignorant est aussi dangereux que le terrorisme. Il tue non pas physiquement mais psychologiquement. » De sa décennie passée au sein des institutions vaticanes, il se souvient amèrement de la méconnaissance de ses collègues des sciences humaines sur l’orientation sexuelle, des moqueries sur les croyants transgenres, des études prônant une ouverture des mœurs atterrissant directement à la poubelle. Autant de conséquences des relations rétrogrades de l’Église à la sexualité, obsédée par la procréation mais défendant l’abstinence. « Ce sont eux qui réduisent l’amour à ce qui se passe dans un lit ! Et un curé qui se masturbe tous les jours est supposé chaste ? » s’insurge-t-il. Au début du pontificat du pape François, Krzysztof Charamsa avait espéré que les lignes bougeraient. « Si une personne est gay […], qui suis-je pour la juger ? » avait ainsi déclaré le Saint-Père durant l’été 2013. Mais, trois ans plus tard, les portes ont été refermées par celui qui qualifiait par exemple, début octobre, la théorie du genre de « colonisation idéologique ». « Ses signaux n’étaient 36 - N° 2048 Bien qu’il ne puisse plus porter le col romain, ce nouvel activiste de la cause LGBT vit « comme une nouvelle forme de prêtrise ». que de la communication. Même victime de la désinformation et de l’ignorance de ses conseillers, un leader mondial ne peut pas parler ainsi. Il est revenu à une dialectique du passé, développée par Jean-Paul II et Benoît XVI. » En bon chrétien, Charamsa a foi… en l’humanité. « Ma religion, celle de l’amour, de l’Évangile, est arrivée à une sorte de perversion, d’insensibilité. L’Église catholique, qui se comporte comme une secte, réalise qu’elle doit mener une grande réforme mais a peur de se confronter à la modernité. Nous vivons l’ultime phase d’un régime mental. J’ai l’espoir que la situation évoluera grâce à la société. Comme la découverte de l’évolution nous a obligés à réécrire notre pensée de la création. » Qu’en pense sa famille, très pratiquante, restée en Pologne ? « Mes proches ne savaient rien de mon homosexualité et ils m’ont formidablement soutenu, décrit-il, après un silence. Maintenant ma mère est militante ! Ce qu’ils vivent en Pologne est indescriptible. Après mon coming out, les médias ont martelé des mensonges pendant un mois : “Comment ce pervers a-t-il pu faire ça à sa mère ?” Ma famille a beaucoup souffert. Bien plus que moi. » Originaire de Gdynia, sur la Baltique, l’ex-prélat se désespère de la « dic- tature quasi confessionnelle » qu’est devenue son pays dominé par le parti nationaliste Droit et justice. Un pays qui l’empêche d’épouser l’homme qui l’aime. Le mariage entre deux personnes de même sexe est légal en Espagne depuis 2005. Mais impossible de faire parvenir de Pologne les documents d’état civil nécessaires à l’union des deux hommes. C’est pourtant grâce à son conjoint que Krzysztof Charamsa a trouvé la paix. « Dieu m’a aidé en me faisant rencontrer l’amour, admet-il, préférant toutefois taire la date de sa rencontre avec Eduard. J’aime dire que ça fait suffisamment longtemps pour savoir que nous voulons passer notre vie ensemble, lâche-t-il en souriant malicieusement. Mais que c’est assez récent pour que personne ne puisse me reprocher d’avoir vécu en hypocrite. » Depuis, il a découvert tout ce que « l’existence a à offrir ». Dans sa nouvelle vie, il est « comme en exil. Mais je me sens plus catholique qu’avant. Je vis comme une nouvelle forme de prêtrise », résume-t-il alors que retentissent les cloches de la cathédrale. L’écho A. S. de son passé. (*) En italien, éd. Rizzoli, et en portugais, éd. Editorial Planeta.