Inconfort urInaIre et cystIte de l`adolescente Comment traiter

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Inconfort urInaIre et cystIte de l`adolescente Comment traiter
UROLOGIE
Inconfort urinaire et cystite
de l’adolescente
Comment traiter ?
Moment charnière dans la vie des jeunes filles, l’adolescence doit être séparée
Dr Sophie Conquy,
en deux périodes distinctes concernant les troubles urinaires : avant et après
Praticien hospitalier, Service
d’Urologie, Hôpital Cochin, Paris
les premiers rapports sexuels et ceci quel que soit l’âge du premier rapport.
A
vant les rapports sexuels, les
troubles mictionnels des adolescentes s’apparentent à ceux de
l’enfant et sont le plus souvent dus soit
à des erreurs hygiéno-diététiques, soit
à une malformation congénitale. Après
les premiers rapports, ces troubles
s’apparentent à ceux de la femme sans
réelles particularités cliniques ni thérapeutiques par rapport à l’adulte.
L’adolescente vierge
L’infection urinaire est fréquente chez
l’enfant et en particulier chez la fille
(environ trois filles pour un garçon en
dehors de la période néonatale).
La symptomatologie clinique peut
d’emblée orienter vers le diagnostic de
cystite s’il existe une pollakiurie, des
urgenturies, une dysurie et des brûlures
mictionnelles. L’examen des urines à la
bandelette réactive confirme l’impression clinique en cas de positivité des
leucocytes et des nitrites avec une valeur prédictive négative de 97 %, mais
il doit être confirmé secondairement
par la réalisation d’un examen cytobactériologique des urines. Les bonnes
conditions de réalisation de cet examen
rendent sa fiabilité optimale : le recueil
des urines dans le récipient stérile doit
être obtenu en milieu de jet après une
toilette périnéale et les urines sont
analysées au plus vite (éventuellement
conservées quelques heures au réfrigérateur). Cela permet de différencier les
cystites des vulvovaginites, de prise en
charge différente, en particulier chez
les jeunes adolescentes.
Dans d’autres cas, le diagnostic doit être
fait sans symptomatologie évocatrice, à
l’occasion d’un épisode fébrile notamment, ce qui justifie la réalisation d’une
bandelette urinaire d’emblée pour éviter une errance diagnostique.
Dans près de la moitié des infections
urinaires à cet âge, on trouve un facteur déclenchant urologique (contrairement à l’âge adulte) et ceci justifie
la pratique d’une enquête étiologique
devant une infection urinaire de l’adolescente surtout si cette infection est
fébrile et si ce n’est pas le premier épisode.
Outre l’examen cytobactériologique
qui va révéler un germe provenant le
plus souvent de la flore digestive normale, le bilan doit comporter :
• une échographie rénale et vésicale
avec mesure du résidu postmictionnel :
cet examen peut révéler un calcul de
l’appareil urinaire (asymptomatique,
en particulier lorsqu’il est au pôle inférieur du rein, mais pouvant être à
l’origine d’infections), une dilatation
des cavités rénales, des cicatrices infectieuses parenchymateuses rénales ou
un résidu postmictionnel évocateur de
trouble mictionnel ;
• une urétrocystographie rétrograde
et mictionnelle si les infections sont
fébriles : cet examen, réalisé à distance
d’un épisode infectieux, est le seul à
même de confirmer un reflux vésicourétéral dont les conséquences à long
terme peuvent être sévères avec apparition d’une néphropathie ;
• le scanner et les examens isotopiques
ne sont réalisés que dans des cas particuliers comme les pyélonéphrites récidivantes ;
• l’étude de la miction par la réalisation
d’une simple débimétrie (Fig. 1 et 2) est
un examen anodin qui permet, s’il est
normal, d’éliminer un trouble de l’évacuation vésicale comme une dyssynergie vésicosphinctérienne. Cette anomalie ne peut être confirmée que par
la réalisation d’un bilan urodynamique
beaucoup plus morbide chez l’enfant.
Le traitement de ces infections peut
comporter différents volets selon les
cas :
• le traitement de l’épisode aigu repose
sur l’antibiothérapie la plus courte
possible pour éviter l’émergence de
germes résistants. On utilise souvent le
triméthoprime-sulfaméthoxazole ou le
céfixime (1, 2) ;
• lorsqu’il existe une symptomatologie
irritative indépendante de la cystite
(besoins impérieux voire fuites, énurésie), un traitement anticholinergique
est proposé (oxybutinine par exemple) ;
• lorsque les cystites sont récidivantes,
il convient d’insister sur les mesures
hygiéno-diététiques (boissons abondantes, mictions régulièrement réparties dans la journée, y compris à
l’école, lutte contre la constipation,
hygiène périnéale correcte uniquement à l’eau et au savon de Marseille)
(3), d’éradiquer les facteurs favorisants
(comme les calculs) et éventuellement
d’y adjoindre un traitement antibio-
Adolescence & Médecine • Novembre 2013 • numéro 613
UROLOGIE
Figure 1 - Débimétrie normale.
prophylactique, bien que les études
chez l’enfant soient peu nombreuses et
anciennes. Plus récemment, la cranberry
a montré une efficacité dans la prévention des récidives de cystite chez l’adolescente avec une diminution du risque
relatif de récidive atteignant 65 % selon
une étude récente (4, 5).
• en cas de pyélonéphrite, le traitement
est souvent débuté par voie parentérale
pendant 48 à 72 heures puis un relai per
os est instauré, la durée totale du traitement étant de 14 jours ;
• le traitement étiologique est entrepris
chaque fois que possible. S’il existe un
reflux, la prise en charge dépend de son
stade, car les reflux de faible sévérité
peuvent régresser spontanément après
désinfection urinaire prolongée tandis
que les reflux de stade avancé nécessitent
le plus souvent un traitement chirurgical.
L’adolescente ayant des
rapports sexuels
Traditionnellement appelées “cystites de
la lune de miel”, les infections urinaires
sont particulièrement fréquentes au
début de la vie sexuelle, qu’elles peuvent
grandement perturber en raison de leur
caractère récidivant.
Une récente enquête épidémiologique
finlandaise concernant plusieurs centaines de jeunes entre 4 et 26 ans a ainsi
montré que 10 % des filles entre 4 et
7 ans avaient eu au moins une infection
14
Figure 2 - Débimètre.
urinaire contre 52 % des jeunes femmes
entre 18 et 26 ans (6).
Cliniquement, ces cystites sont typiques
avec la triade classique de pollakiurie,
brûlures mictionnelles et urines troubles.
Une hématurie peut survenir sans traduire une gravité supplémentaire si elle
est strictement concomitante des autres
signes. Dans cette forme pure, il n’y a pas
de fièvre. L’examen clinique, habituellement normal, recherche une éventuelle
infection vaginale qui peut être associée
ou engendrer une erreur diagnostique
(7).
La bandelette urinaire est suffisante en
première intention s’il s’agit d’une cystite isolée typique et l’on propose alors
une antibiothérapie probabiliste la plus
courte possible. Le germe habituellement en cause est Escherichia coli, issu
de la flore intestinale normale. Compte
tenu du nombre significatif de germes
résistants à l’amoxicilline, le traitement
de choix actuellement est la fosfomycine
en prise unique.
Lorsque le tableau n’est pas aussi typique
ou s’il s’agit d’infections récidivantes (définies par au moins quatre crises par an),
il est nécessaire de réaliser, comme précédemment décrit, un bilan, qui comportera un examen cytobactériologique
des urines, une échographie rénale et
vésicale avec mesure du résidu postmictionnel et éventuellement une cystoscopie.
Outre le traitement de la crise aiguë et
les traitements étiologiques lorsqu’ils
sont possibles, la prise en charge repose
essentiellement sur les conseils hygiénodiététiques et éventuellement sur une
antibioprophylaxie :
• boissons abondantes (1,5 l/j) réparties
sur la journée ;
• mictions régulières, complètes et surtout postcoïtales ;
• éradication des troubles du transit intestinal ;
• respect de la flore vulvovaginale par une
hygiène douce avec toilette à l’eau et au
savon de Marseille ;
• prise préventive de cranberry (sous
réserve de l’absorption quotidienne de
36 mg de proanthocyanidine A, qui est la
substance active contenue dans le fruit
évitant l’adhésion de la bactérie à la paroi
vésicale) ;
• éventuellement traitement antibioprophylactique par fosfomycine
(1 sachet tous les 10 à 15 jours) ou par
une alternance mensuelle de différentes
molécules pour éviter l’apparition de résistance en l’absence de facteur déclenchant identifié ou enfin par la prise d’un
comprimé de quinolones de première
génération après les rapports sexuels s’ils
sont responsables des crises (8).
Il est nécessaire de revoir régulièrement
ces jeunes femmes pour éviter une automédication excessive dans la mesure
Adolescence & Médecine • Novembre 2013 • numéro 6
Inconfort urinaire et cystite de l’adolescente
où il peut persister une symptomatologie irritative alors même que les urines
sont redevenues stériles. Ces cystalgies
peuvent avoir un retentissement notable
sur la qualité de vie mais ne doivent pas
faire l’objet de la prise répétée d’antibiotiques compte tenu de l’émergence de
souches bactériennes multirésistantes. Il
en est de même des bactériuries asymptomatiques dont le traitement n’évite en
rien la survenue ultérieure de cystites
typiques (9).
En résumé
Les infections urinaires sont fréquentes
chez l’adolescente.
• Sans fièvre, elles seront confirmées par
la bandelette urinaire et/ou l’examen
cytobactériologique des urines.
• Avec fièvre, elles nécessitent un bilan
étiologique à la recherche d’une malformation de l’appareil urinaire.
• Le traitement repose sur les conseils hygiéno-diététiques et sur l’antibiothérapie
qui doit être courte et probabiliste, éven-
tuellement adaptée secondairement à
l’antibiogramme en cas de persistance
des symptômes.
• Le traitement étiologique est réalisé dès
que possible.
• Attention à ne pas confondre les cystites
avec les vulvovaginites ou les vessies irritables de prise en charge bien différente.
Mots-clés :
Cystite, Adolescente, Reflux vésicourétéral, Antibiothérapie
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