Une surveillance active est l`approche privilégiée pour le cancer

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Une surveillance active est l`approche privilégiée pour le cancer
VOLUME 5 . NUMÉRO 5 . NOV/DÉC 2013
Journal of Clinical Oncology
COMMENTAIRES ET CONTROVERSES
Une surveillance active est l’approche privilégiée
pour le cancer testiculaire au stade clinique I
Craig R. Nichols, Centre médical Virginia Mason, Seattle, État de Washington, États-Unis
Bruce Roth, École de médecine de l’Université Washington, St Louis, Missouri, États-Unis
Peter Albers, Hôpital universitaire Heinrich-Heine, Université de Düsseldorf, Düsseldorf, Allemagne
Lawrence H. Einhorn et Richard Foster, Centre anticancéreux Melvin and Bren Simon, École de médecine de l’Université de l’Indiana,
Indianapolis, Indiana, États-Unis
Siamak Daneshmand, Centre anticancéreux général Norris, Université de Californie du Sud, Los Angeles, Californie, États-Unis
Michael Jewett et Padraig Warde, Hôpital Princess Margaret, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
Christopher J. Sweeney et Clair Beard, Institut du cancer Dana-Farber, Hôpital Brigham et des Femmes, Boston, Massachusetts, États-Unis
Tom Powles, Institut du cancer Bart de l’Hôpital St Bartholomew, Université Queen Mary de Londres, Londres, Royaume-Uni
Scott Tyldesley et Alan So, Agence du cancer de Colombie britannique – Centre anticancéreux de Vancouver, Université de Colombie
britannique, Vancouver, Colombie britannique, Canada
Christopher Porter et Semra Olgac, Centre médical Virginia Mason, Seattle, État de Washington, États-Unis
Karim Fizazi, Institut Gustave Roussy, Université de Paris Sud, Paris, France
Brandon Hayes-Lattin, Institut du cancer Knight, Université de la santé et des sciences de l’Oregon, Portland, Oregon, Etats-Unis
Peter Grimison, Hôpital royal Prince Alfred, Centre anticancéreux de Sydney, Université de Sydney, Sydney, Nouvelle-Galles du Sud, Australie
Guy Toner, Centre anticancéreux Peter MacCallum, Université de Melbourne, Melbourne, Victoria, Australie
Richard Cathomas, Hôpital cantonal des Grisons, Chur, Suisse
Carsten Bokemeyer, Centre médical universitaire Eppendorf, Université de Hambourg, Hambourg, Allemagne
Christian Kollmannsberger, Agence du cancer de Colombie britannique – Centre anticancéreux de Vancouver, Université de Colombie
britannique, Vancouver, Colombie britannique, Canada
Introduction
Un simple énoncé de la question suffit pour affermir la prise
de décision et orienter la prise en charge dans le contexte le plus
fréquent du cancer du testicule1. Le cancer testiculaire au stade
clinique I est de loin le plus répandu lors de la consultation initiale et il représente environ 75 % des 8 500 nouveaux patients
auxquels est diagnostiqué un cancer du testicule aux États-Unis
chaque année. En 2012, nous avons eu la preuve qu’en dépit d’essais convaincants réalisés par des groupes coopératifs, de rapports
émanant d’institutions et d’une abondance de recommandations
et de principes directeurs, les options thérapeutiques pour le cancer
testiculaire au stade clinique I étaient souvent mal comprises ou
mises en œuvre, notamment en ce qui concerne la surveillance
active, qui se révélait sous-utilisée2,3.
Un certain nombre de traitements adjuvants destinés aux
tumeurs au stade clinique I, séminomateuses pures et non séminomateuses, ont été mis au point et affinés, ce qui s’est traduit par
une faible incidence de récidive tumorale et un taux de guérison
global de près de 100 %. Des programmes de traitements adjuvants
précoces ont vu le jour à un moment où on ne disposait pas de traitement systémique efficace. Malheureusement, les complications
tardives de ces traitements adjuvants sont maintenant évidentes.
Toutes les approches permettant un taux de guérison de près de
100 %, les effets indésirables tardifs, les préférences du patient et
la consommation des ressources sont les facteurs qui doivent régir
les décisions de prise en charge du cancer testiculaire au stade
clinique I4-6.
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Il est temps de souligner et d’appuyer l’évolution importante
de l’approche du cancer testiculaire au stade clinique I, qui s’éloigne du temps où l’attitude était d’intervenir et comprenait chirurgie majeure, radiothérapie ou chimiothérapie de courte durée mais
à pleine dose. Au cours des 20 dernières années, des stratégies de
surveillance active en milieu hospitalier et dans la population générale ont été validées comme étant sûres et efficaces tant pour les
tumeurs séminomateuses pures que pour les tumeurs non séminomateuses de stade clinique I 7-10. Le nombre d’examens d’imagerie
caractérisant cette approche a pu être réduit en toute sécurité. Ces
dix dernières années, les recommandations internationales ont
commencé à inclure la surveillance active comme option thérapeutique standard, et c’est désormais souvent l’approche privilégiée
chez la plupart des patients porteurs d’une tumeur séminomateuse
ou non séminomateuse de stade clinique I11-14.
Principes de la prise en charge du cancer testiculaire
au stade clinique I
Un examen anatomopathologique exact, un bilan d’extension et la
détermination du risque sont essentiels pour éviter un traitement excessif
ou au contraire insuffisant. De nombreuses recommandations et la
plupart des experts préconisent que les spécimens prélevés soient
examinés attentivement par des experts en anatomie pathologique
de l’appareil génito-urinaire11-13. Dans les tumeurs non séminomateuses, l’affectation à un niveau de risque repose sur la présence
ou l’absence d’une invasion lymphovasculaire (ILV). Une ILV est
difficile à détecter ; la constance dans la préparation des spécimens
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Commentaires et controverses
et la mise en évidence d’une ILV nécessite de l’expérience. Le cancer
testiculaire au stade clinique I (T1-4, N0, M0) est défini par une
tumeur localisée au testicule sans signe clinique, sérologique ou
radiographique d’extension régionale ou de dissémination. Conséquence peut-être de la crainte peu réaliste d’une dissémination
« explosive », les professionnels de santé cherchent souvent à établir le stade du cancer et à instaurer le traitement rapidement après
l’orchidectomie, sans laisser le temps aux marqueurs mesurés avant
orchidectomie de se stabiliser après la chirurgie ou sans réellement
caractériser les ganglions lymphatiques rétropéritonéaux limites
après orchidectomie. De nombreux groupes comme le SWENOTECA (Swedish and Norwegian Testicular Cancer Project) recommandent que le stade clinique soit confirmé ou infirmé 6 à 8 semaines
après orchidectomie en cas de suspicion de cancer testiculaire
au stade clinique I, une mesure des marqueurs sériques et une
tomodensitométrie (TDM) abdomino-pelvienne étant de nouveau
réalisées10,15. La réalisation d’une tomographie par émission de
positons (TEP) seule ou couplée à une TDM (TEP-TDM) n’a aucun
intérêt dans l’établissement du stade des tumeurs germinales du
testicule. Il convient également de noter que de nombreux patients
pour lesquels sont mises en évidence des anomalies radiographiques de faible volume (c’est-à-dire une tumeur au stade clinique
IIA) ne présentent pas en fait d’extension régionale16.
Concernant les séminomes au stade clinique I, la survenue
d’une récidive après la réalisation satisfaisante d’une orchidectomie par voie inguinale est faible (généralement 5 à 15 %). Les
facteurs de risque cliniques de récidive ne sont pas complètement
confirmés. L’association d’une taille tumorale supérieure à 4 cm et
de l’envahissement du rete testis précédemment décrite comme
facteur de risque élevé de récidive n’a pas été validée17,18. En général,
il est difficile de définir de manière fiable un groupe de patients
porteurs d’un séminome au stade clinique I ayant un risque de
récidive bien au-delà de 15 à 20 %, et les patients présentant de
nombreuses caractéristiques laissant présumer un risque élevé sont
peu fréquents.
Pour ce qui est des tumeurs non séminomateuses au stade clinique I, la plupart des centres de soins ayant un volume d’activité
important (centres spécialisés) et la majeure partie des recommandations se fondent sur la présence ou l’absence d’ILV pour définir
les risques élevé (50 %) ou faible (15 %) de récidive après orchidectomie. D’autres facteurs cliniques tels que la prédominance de
cellules embryonnaires n’apportent pas d’éléments pronostiques
supplémentaires à l’ILV.
L’ère du curage ganglionnaire rétropéritonéal pratiqué d’emblée dans
la prise en charge d’une tumeur non séminomateuse au stade clinique I
est révolue. Pendant des décennies, la prise en charge habituelle
d’une tumeur non séminomateuse au stade clinique I incluait un
curage ganglionnaire rétropéritonéal (CGR) pratiqué d’emblée. Une
telle approche, lorsqu’elle est utilisée dans un établissement à fort
volume d’activité, présente des avantages à la fois diagnostiques et
thérapeutiques. Le stade du rétropéritoine est précisé par examen
anatomopathologique, et il est peu fréquent que survienne ensuite
une récidive rétropéritonéale lorsque le CGR a été pratiqué par un
spécialiste. La récidive sous forme de dissémination concerne 5 à
10 % des patients atteints d’une tumeur de stade I pathologique et
15 à 30 % de ceux dont la tumeur est de stade II pathologique19.
Cependant, au minimum 70 % des patients au stade clinique I
font l’objet d’un traitement excessif. Les résultats obtenus dans des
centres de soins spécialisés, à fort volume d’activité, n’ont pas été
retrouvés dans les services d’urologie d’établissements locaux19.
Un consensus rassemblant un nombre particulièrement imporwww.jco.org
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tant d’experts suggère que le CGR soit réalisé dans des centres à
fort volume d’activité, rendant ainsi difficilement la réalisation
d’emblée d’un CGR comme stratégie de prise en charge. En tant
que stratégie de prise en charge privilégiée, le CGR pratiqué d’emblée a d’ailleurs disparu des recommandations et des principes
directeurs.
La durée idéale d’une chimiothérapie adjuvante par BEP dans les
tumeurs non séminomateuses au stade clinique I est inconnue. Une
chimiothérapie adjuvante de courte durée reposant sur un protocole BEP (cisplatine, étoposide, bléomycine) à dose standard a été
mise au point comme option thérapeutique pour les tumeurs non
séminomateuses au stade clinique I, notamment chez les patients
présentant un risque élevé de récidive. Un protocole BEP standard,
à raison d’un ou deux cycles, réduit de plus 90 % le risque de
récidive chez ceux dont la tumeur est occulte. De nouveau, l’inconvénient est que le traitement soit excessif chez 50 à 85 % des
patients) et que l’ensemble des patients soient exposés aux effets
indésirables à court terme et à long terme d’une chimiothérapie.
Les études évaluant un cycle unique de chimiothérapie adjuvante
ont rapporté des réductions variables des récidives et ne disposent
pas de la puissance suffisante lorsqu’il s’agit des effets observés
chez les patients présentant une ILV15,19. Deux cycles de BEP semblent réduire le risque de récidive à 1 à 2 %, mais à la condition
d’administrer la dose complète et de réaliser la durée quasi-totale
de la chimiothérapie en situation adjuvante. Un essai randomisé
comparant un cycle de BEP adjuvant contre deux cycles du même
protocole a récemment été abandonné en raison de la lenteur
du recrutement. La plupart des experts partisans d’un protocole
BEP adjuvant préconisent un cycle unique de traitement. Même
les ardents défenseurs d’une chimiothérapie adjuvante pour les
tumeurs non séminomateuses au stade clinique I limitent cette
recommandation aux patients à haut risque (à savoir ceux présentant une ILV) ; aucune des recommandations principales ne donnent la préférence à la chimiothérapie adjuvante pour les patients
à faible risque (absence d’ILV).
La radiothérapie adjuvante effectuée en routine dans le séminome
au stade clinique I n’est plus d’actualité. La radiothérapie rétropéritonéale adjuvante a constitué la prise en charge standard du séminome au stade clinique I pendant des dizaines d’années. Les recherches cliniques ont permis de réduire la taille du champ irradié et
la dose utilisée, et la radiothérapie adjuvante moderne ne porte
que sur le champ rétropéritonéal, à une dose totale de 20 à 25 Gy.
L’irradiation permet d’empêcher toute récidive dans la région du
péritoine et d’éliminer la nécessité d’une TDM abdominale de suivi
après traitement, et ce de manière fiable. Globalement, la radiothérapie adjuvante diminue les récidives de deux tiers, de 15 à 5 %.
Les facteurs pronostiques cliniques n’ont pas permis de définir un
groupe à haut risque pour lequel les traitements préventifs soient
plus pertinents. Une radiothérapie adjuvante a pour inconvénient
d’entraîner un traitement largement excessif et d’avoir un impact
en termes de survie compte tenu du risque plus élevé de seconds
cancers, de complications vasculaires et de troubles digestifs4,6,20,21.
Les recommandations actuelles reflètent cette réalité et la radiothérapie adjuvante en tant qu’option thérapeutique privilégiée a été
éliminée de presque toutes les recommandations.
L’efficacité, la durée idéale ou les effets indésirables tardifs d’un
traitement adjuvant par le carboplatine ne sont pas connus. En situation adjuvante, le carboplatine a été promu traitement actif bénin
comme alternative thérapeutique à une radiothérapie abdominale
adjuvante. Une dose unique de carboplatine (AUC 7) administrée
comme traitement adjuvant pour les séminomes au stade clinique I
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Nichols et coll
Tableau 1. Comparaison des options thérapeutiques pour le cancer testiculaire au stade clinique I
Traitement
Nombre
de récidives
(pour 100
patients)
Traitement
complet (pour
100 patients)
Tumeur séminomateuse au stade clinique I
SA
15 Cycles de
radiothérapie : 5 à 10 ;
nombre total de cycles
de chimiothérapie :
15 à 30*
TDM de suivi
(pour 100 patients)
Nombre de
Réduction
patients à
globale des
Survie
récidives avec traiter pour
prévenir une spécifique
traitement
récidive globale (%)
actif (%)
400 à 500 (TDM
(TDM abdominale
seulement avec
TDM pelvienne
limitée)
S/O
S/O
99 à 100 La SA est l’option de prise en
charge privilégiée dans toutes
les recommandations : Canada,
Europe, EUA, NCCN
100 à 200 (TDM
pelvienne limitée)
66
10
99 à 100 La radiothérapie adjuvante n’est
pas l’approche privilégiée
(Canada, Europe, NCCN, EUA) ou
n’est pas recommandée (EUA)
66
10
99 à 100 Canada : le carboplatine n’est pas
l’approche privilégiée ; Europe,
NCCN, EUA : carboplatine en
traitement adjuvant et option
équivalente à une SA uniquement
en cas de risque plus élevé
S/O
S/O
99 à 100 Absence d’ILV : toutes les
recommandations privilégient la SA ;
présence d’ILV : la SA est privilégiée
(Canada), un protocole BEP adjuvant
et la SA sont considérés être des
options équivalentes (Europe, EUA),
ou la SA, le CGR réalisé par un
spécialiste et un protocole BEP
adjuvant sont considérés être
des options équivalentes (NCCN)
Radiothérapie
adjuvante
5
Cycles de radiothérapie :
100 ; nombre total
de cycles de
chimiothérapie : 15
Carboplatine adjuvant
(un ou deux cycles)
5
Nombre total de cycles de 200 à 300 (TDM
chimiothérapie : 115 à 215 abdominale seulement
avec TDM pelvienne limitée)
Tumeur non séminomateuse au stade clinique I
SA
25 Nombre total de cycles de 300 à 500 (TDM abdominale
à 30 chimiothérapie : 75 à 90 ; seulement avec TDM
interventions chirurgicales pelvienne limitée)
après chimiothérapie :
5 à 10
Protocole BEP
AGR réalisé d’emblée
par spécialiste
2 à 4 Nombre total de cycles de 100 à 200 (TDM abdominale > 90
chimiothérapie : 110 à 210 ; seulement avec TDM
interventions chirurgicales pelvienne limitée)
après chimiothérapie : 3
15
Recommandations /Consensus
Nombre total de CGR
100 à 200 (TDM abdominale
réalisés d’emblée : 100 ;
seulement avec TDM
Nombre total de cycles de pelvienne limitée)
chimiothérapie : 45
50
Absence
99 à 100
d’ILV : 7 ;
Présence d’ILV : 2
Absence
d’ILV : 14 ;
Présence
d’ILV : 4
La SA est privilégiée (Canada),
2 cycles de BEP sont privilégiés
avec la SA comme option alternative
(EUA, Europe), autorisation du CGR,
de la chimiothérapie adjuvante ou
de la SA (NCCN)
99 à 100 Aucune recommandation ne
mentionne le CGR pratiqué d’emblée
comme option privilégiée ; Canada,
Europe et EUA ne recommandent
pas le CGR pratiqué d’emblée
Abréviations : SA, surveillance active ; BEP, bléomycine, étoposide, cisplatine ; TDM, tomodensitométrie ; EUA, European Urology Association ; ILV, invasion
lymphovasculaire ; S/O, sans objet ; NCCN, National Comprehensive Cancer Network ; CGR, curage ganglionnaire rétropéritonéal.
* Sur la base de 5 à 10 récidives traitées par radiothérapie et de 5 à 10 récidives traitées par chimiothérapie à raison de trois cycles d’un protocole BEP.
Les schémas de suivi et le nombre de tomodensitométries ont été définis à partir des recommandations publiées12,27.
semble entraîner une réduction du risque de récidive comparable
à celle obtenue par radiothérapie adjuvante, de 15 % avec une surveillance active à 5 % avec un traitement adjuvant22.
Toutefois, on ne dispose pas encore des résultats à long terme
concernant l’issue du traitement, la réduction réelle en matière
de secondes tumeurs primitives et le détail des effets indésirables tardifs du carboplatine administré seul. Chez les patients porteurs d’un séminome au stade clinique I présentant de multiples
caractéristiques susceptibles d’indiquer un risque élevé, certains
investigateurs expérimentés recommandent l’administration de
deux cycles de carboplatine23. Ce qui est clair c’est que l’abdomen
représente le principal site de récidive (75 %) et que des examens
d’imagerie abdominale réguliers sont par conséquent nécessaires.
Un traitement excessif et l’éventualité d’effets indésirables tardifs
du traitement sont d’autres inconvénients. Ici encore, la plupart
des recommandations préconisent une surveillance active comme
prise en charge privilégiée des séminomes au stade clinique I. Certaines recommandations font mention d’un traitement adjuvant
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par le carboplatine pendant un à deux cycles et d’une surveillance
active comme options équivalentes pour les patients présentant des
caractéristiques laissant présumer un risque élevé (par exemple, la
taille importante de la tumeur primitive et l’existence d’un envahissement du rete testis) malgré l’absence de validation des facteurs de
risque ou de tableaux détaillés des effets indésirables tardifs.
La surveillance active comme prise en charge privilégiée du cancer testiculaire au stade clinique I. L’expérience acquise sur plus de
20 années a permis de définir la surveillance active comme étant
une approche efficace du cancer testiculaire au stade clinique I24.
Le taux global de guérison reste près des 100 %, et le traitement
actif est évité à 70 à 75 % de l’ensemble des patients atteints
d’une tumeur non séminomateuse au stade clinique I et à 85 %
des patients porteurs d’un séminome au stade clinique I. La surveillance active a montré qu’elle constituait une option thérapeutique sans danger et efficace pour le cancer testiculaire au stade
clinique I, y compris les tumeurs non séminomateuses au stade
clinique I à haut risque7-10,15,25. Les inquiétudes initiales relatives
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Commentaires et controverses
à l’intensité et à la durée des protocoles d’imagerie proposés et à
leur caractère judicieux chez des patients jugés non coopératifs ont
été grandement modérées par l’introduction de protocoles d’imagerie plus modestes et des essais cliniques démontrant des résultats impressionnants avec seulement deux TDM abdominales de
suivi12,26,27. En outre, compte tenu de la réussite incomplète obtenue
avec les traitements adjuvants actifs dans la prévention des récidives, il est nécessaire d’effectuer des examens TDM réguliers chez
les patients recevant une chimiothérapie adjuvante (abdomen)
et une imagerie pelvienne limitée (radiothérapie, chimiothérapie
adjuvante et CGR pratiqué d’emblée). En population générale, une
surveillance active des patients atteints d’un cancer testiculaire au
stade clinique I réduit le nombre total de cycles de chimiothérapie,
d’interventions chirurgicales ou de séances de radiothérapie nécessaires à la prise en charge de cette maladie, comparativement à une
radiothérapie adjuvante, un CGR ou la plupart des approches en
chimiothérapie (Tableau 1). L’ensemble des examens d’imagerie
réalisés en tenant compte des principes et des recommandations
actuelles n’est pas considérablement augmenté si l’on considère la
nécessité d’examens d’imagerie réguliers chez les patients faisant
l’objet d’un traitement adjuvant interventionnel.
Recommandations actuelles relatives au cancer testiculaire au
stade clinique I. Comme indiqué au tableau 1, les recommandations actuelles préconisent une surveillance active comme prise
en charge privilégiée pour les tumeurs séminomateuses et non
séminomateuses au stade clinique I à faible risque et comme l’une
des prises en charge possibles pour celles, moins fréquentes, à haut
risque. Aujourd’hui, le défi à relever est de diffuser ces recommandations et de les faire appliquer. Selon des données récentes,
les oncologues s’écarteraient énormément des recommandations
existantes dans le cancer du testicule, à tel point souvent que cela
aurait pour conséquence d’augmenter l’incidence des récidives et
de la mortalité2,3,28. Beard et coll3 rapportent que 65 % des radiothérapeutes oncologues américains ne mentionnent pas la surveillance
active comme option possible pour les séminomes au stade clinique
I et sous-estiment les effets indésirables tardifs de la radiothérapie
en termes de risque de second cancer et d’affection vasculaire.
L’examen des recommandations et des approches institutionnelles ou nationales actuelles révèle que les principales différences
et controverses tournent autour de l’utilisation d’un cycle unique d’un protocole standard adjuvant de BEP dans les tumeurs
non séminomateuses à haut risque (présence d’une ILV). Dans ce
contexte, l’étude approfondie de la question par des experts s’est
traduite par la préconisation d’approches en population générale
consistant à administrer un seul cycle de BEP adjuvant, l’argument
étant que bien que cela signifie un traitement excessif pour la
moitié de la population, une telle stratégie permet de diminuer le
nombre de patients nécessitant un traitement complet. D’autres
chercheurs soutiennent que toute chimiothérapie s’accompagne
d’un risque possible d’effets indésirables importants, à court terme
comme à long terme, et que seuls doivent être traités les patients
pour lesquels le besoin d’une chimiothérapie a été démontré.
Les différences en matière de consommation des ressources tout
comme de toxicité au niveau de la population générale entre ces
deux stratégies de prise en charge des tumeurs non séminomateuses au stade clinique I à haut risque sont faibles. Les données dont
nous disposons ne sont pas suffisamment détaillées pour apporter un éclairage sur ce sujet complexe. Des différences culturelles
semblent motiver l’adoption d’un protocole adjuvant reposant sur
un cycle unique de BEP dans certains pays où une prise en charge
centralisée et régionale par des spécialistes est courante.
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Discussion
Souhaitant fournir un cadre de réflexion utile pour la prise en
charge du cancer testiculaire au stade clinique I, nous proposons :
Une stadification précise. La préparation des spécimens et leur
interprétation sont délicates pour ces tumeurs qui restent rares, les
erreurs ayant des conséquences cliniques importantes. Dans le cancer du testicule à un stade précoce, le stade clinique ne doit pas être
déterminé à la suite immédiate de l’orchidectomie et les décisions
thérapeutiques ne doivent pas être prises tant que le statut sérologique n’est pas clairement défini après respect du délai nécessaire
à son établissement. Il faut également tenir compte du fait que,
souvent, la présence de petites anomalies ganglionnaires à la TDM
ne signifie pas obligatoirement que la tumeur est évolutive.
Un recours parcimonieux aux examens d’imagerie. Les nouveaux
protocoles d’imagerie semblent sans danger et efficaces et ils sont
de plus courte durée. Les recommandations sont de plus en plus
axées sur la réalisation d’au total trois à cinq TDM sur 3 à 5 ans. Ces
recommandations limitent ou excluent la pratique des TDM pelviennes et de l’imagerie thoracique. Des techniques faisant appel à
une exposition plus faible aux rayonnements permettent d’obtenir
des images de grande qualité du rétropéritoine. De telles techniques
sont utilisées dans les établissements à fort volume d’activité. Des
examens d’imagerie ne comportant pas d’exposition aux rayonnements et envisagés comme solutions alternatives sont en cours
d’étude, notamment l’échographie abdominale et l’imagerie par
résonnance magnétique.
Un traitement au plus juste. Les traitements adjuvants, comprenant le CGR pratiqué d’emblée en établissement à fort volume
d’activité, un protocole BEP adjuvant chez les patients atteints de
tumeurs non séminomateuses à haut risque ou encore le carboplatine ou la radiothérapie adjuvante dans le cas de séminomes,
peuvent constituer l’approche privilégiée pour un patient donné.
Le patient doit se voir informé, de manière objective, de toutes
les options thérapeutiques possibles. Cependant, en Amérique du
Nord, nous pensons qu’il convient d’encourager la plupart des
patients porteurs d’un cancer testiculaire au stade clinique I à opter
d’emblée pour une prise en charge reposant sur une surveillance
active. Les résultats cliniques obtenus après avoir adopté une politique générale de surveillance active pour le cancer testiculaire au
stade I ne sont pas de moindre intérêt que ceux obtenus avec des
stratégies de prise en charge faisant appel à des traitements adjuvants. En outre, une surveillance active diminue les effets indésirables liés au traitement, réduit la consommation des ressources et
améliore la qualité de la survie.
DIVULGATION D’ÉVENTUELS CONFLITS D’INTÉRÊT PAR L’AUTEUR
Bien que tous les auteurs aient complété la déclaration de conflits
d’intérêts, le ou les auteur(s) suivant(s) a (ont) indiqué un intérêt
financier ou autre en relation avec le sujet traité dans cet article.
Les relations marquées d’un « U » sont celles pour lesquelles aucune
indemnisation n’a été reçue, celles marquées d’un « C » ont été
indemnisées. Pour une description détaillée des catégories de conflits
d’intérêts ou pour plus de détails sur la politique de l’ASCO en matière
de conflits d’intérêts, veuillez consulter « Author Disclosure
Declaration » et la rubrique « Disclosures of Potential Conflicts
of Interest » dans « Information for Contributors ».
Emploi ou poste de chef : Aucun. Consultant ou fonction
consultative : Aucun. Détention d’actions : Lawrence H.
Einhorn, Amgen, Biogen Idec. Honoraires : Aucun. Fondation
de recherche : Aucun. Témoignage d’expert: Aucun.
Autre rémunération : Aucun.
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Nichols et coll
contributions des auteurs
Support administratif : Craig R. Nichols, Christian Kollmannsberger
Rédaction du manuscrit : tous les auteurs
Approbation finale du manuscrit : tous les auteurs
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DOI: 10.1200/JCO.2012.47.6010 ; publié en ligne avant impression sur le site
www.jco.org le 3 septembre 2013.
Traduit de l’anglais par RWS Group – Rédacteur-réviseur : Dr Stéphane Oudard
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of
Clinical Oncology
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