Sécuriser la chaîne du froid : éléments de preuve à l`appui

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Sécuriser la chaîne du froid : éléments de preuve à l`appui
Sécuriser la chaîne du froid
Éléments
de preuve
à l’appui
Déjà effective pour le médicament, la maîtrise de la chaîne du froid
jusqu’à l’officine, et même au-delà, est en cours de normalisation.
Quels enjeux pour les pharmaciens ? Premiers éléments de réponse.
2
008, l’année du froid ! Un
événement marqué par le
centenaire de l’Association
française du froid (AFF).
Une belle occasion de faire le point
sur l’état de la R&D dans le froid et
notamment pour la filière pharmaceutique. C’est pourquoi Pharmaceutiques, en partenariat avec Sofrigam,
spécialiste de l’emballage réfrigérant, a
tenu une table ronde en mai dernier
sur le thème : « Distribution pharmaceutique, comment préserver la qualité dans la chaîne du froid ? » L’enjeu
est d’importance, car une nouvelle
génération de produits pharmaceutiques de plus en plus techniques et à
forte valeur ajoutée pour des thérapies
ciblées comme le cancer, des nouveaux
vaccins, des médicaments issus des
biotechnologies, des anti-diabétiques
et de nombreux dérivés du sang, voit
le jour. « Il y a une scission très nette
depuis cinq ans entre les médicaments
chimiques et les biomédicaments, fabriqués à partir d’organismes vivants,
dont près de la moitié doivent être
conservés sous chaîne du froid », assure Gilles Labranque, pdg de Sofrigam.
Autre tendance : la sortie de la réserve
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PHARMACEUTIQUES - JUIN/JUILLET 2008
hospitalière de bon nombre de protéines, qui seront dorénavant disponibles
à la pharmacie de quartier, implique
des solutions techniques isothermes
adaptées à la vie de tous les jours.
lage isotherme résulte d’une réflexion
globale et d’un cahier des charges bien
précis. »
Alors qu’un guide du froid destiné
à l’officine est à l’étude, l’heure est
donc à la mise en lumière des zones
Le froid est une contrainte
de risques dans un souci de sécurité
« Or, le respect de la chaîne du froid sanitaire. Une démarche qui implipermet le contrôle des produits et… que l’ensemble des intervenants de la
minimise les pertes ! Elle devient de chaîne logistique des médicaments :
plus en plus indispensable
du laboratoire décideur, avec son
pour le circuit pharmafournisseur d’emballage et
ceutique, explique Vinde transport, jusqu’aux
cent Boudy, qui a codifférents partenaires
présidé avec Laurent
de la distribution que
Mettre en lumière sont les dépositaires
Lucas, la rédaction
de l’ouvrage colet les répartiteurs,
les zones
lectif « Guide prasans oublier les pharde risques
tique de la chaîne
maciens d’officine et
du froid des médicales patients... « Tous les
ments » paru en mars
acteurs sont concernés
dernier. Une « véritable
et sensibilisés à un besoin
boîte à outils » en matière
accru de communication tout
de gestion du froid, à laquelle a
au long de la chaîne », insiste Jeanparticipé Sofrigam, et qui constitue Luc Delmas, président du conseil cenune première en Europe. « Le froid est tral de la section C de l’Ordre. « Avec
souvent perçu comme une contrainte un monopole pharmaceutique et des
de la part des entreprises, commente acteurs bien identifiés, le système
Gilles Labranque. Nous voulions en français est relativement bien organisé
fait montrer que le choix d’un embal- pour minimiser les ruptures de chaîne,
Prestataires Industrie
nière criminelle. » Un doute supplémentaire s’impose au travers de ce
raisonnement poussé à l’extrême,
où la gestion de la complexité
des échanges appelle de nouvelles solutions de fiabilisation des réseaux export et
d’inviolabilité des emballages.
Une maîtrise
obligatoire
LE RENFORCEMENT DES
CONTRÔLES S’IMPOSE COMME
UNE NÉCESSITÉ.
ajoute Gilles Labranque. C’est à l’international que les choses se compliquent
alors que les différences de température
sont énormes et les partenaires moins
fiables. » Avec en filigrane le risque de
la contrefaçon, alerte Jean-Luc Delmas.
« Toute rupture de chaîne du froid peut
entraîner une modification de la composition du produit qui, in fine, aboutit
au même résultat que si le médicament
avait réellement été contrefait de ma-
En tant que maillon
stratégique, les distributeurs sont sans
conteste les derniers
garants de la qualité
des produits le long de
la chaîne. Chez Depolabo, qui gère 20 % du
marché de la distribution
en France, les choses sont
claires. « La maîtrise de la
chaîne du froid est obligatoire »,
explique Laurent Verney, son pdg.
A réception des produits, il n’y a pas de
transit de palettes sur place et le monitoring des températures est précis en
chambre froide. « En cas de doute, le
pharmacien responsable du laboratoire référencé est appelé et nous statuons
ensemble sur la procédure à adopter »,
poursuit-il. Une organisation qui
semble sûre et bien rôdée. Il faut dire
que Depolabo ne gère pas moins de
20 000 commandes préparées sous
chaînes du froid chaque mois, au travers de 7 000 livraisons par transport
frigorifique et 13 000 emballages iso-
Un cadre réglementaire précis
Pour la première fois, la France dispose de son « guide pratique pour la
chaîne du froid du médicament », un ouvrage collectif réalisé par une
commission mixte SFSTP/AFF sous la présidence de Laurent Lucas et
Vincent Boudy. L’obligation de résultats dans la conservation des produits thermosensibles est définie dans le Code de la santé publique (version en vigueur au 14/05/2008). D’autres référentiels tels que les Bonnes
pratiques de fabrication (BPF), de distribution (BPD) et de pharmacie
hospitalière (BPPH) rappellent les modalités pour le respect des procédures de conservation lors de la production, la distribution et le stockage
des médicaments thermosensibles. Les dispositifs intègrent le contrôle,
les enregistrements de température et le suivi des mesures par des systèmes informatisés. Des informations qui sont reprises dans le dossier
d’AMM des spécialités. De plus, l’environnement climatique est encadré par les normes NF X15-140 de 2002 sur la caractérisation et vérification des enceintes climatiques, et plus récemment, NF S99-700
d’octobre 2007, portant sur « une méthode de qualification des performances thermiques, pour les emballages isothermes et réfrigérants ».
thermes par envois express. Côté acheminement jusqu’à l’officine, les caisses
réfrigérées et les pochettes isothermes
évitent le choc thermique. « En pratique, certains fabricants commencent à
utiliser des mouchards pour savoir s’il
y a eu congélation du produit, mais il
n’existe pas encore de traceur intégral
du couple temps/température utilisé aujourd’hui de manière systématique », précise Laurent Verney.
Eléments de preuve
Tout le monde étant d’accord sur
la nécessité d’un renforcement de
contrôle, et spécialement à l’officine,
reste à savoir sous quelle forme cela va
se faire. « Les traceurs et indicateurs
de température ne remplacent pas la
norme », affirme Gilles Labranque,
qui planche déjà sur la rédaction d’un
second guide de la chaîne du froid
« plus techniquement avancé que le
précédent » à paraître en 2010. Et les
pistes de réflexion ne manquent pas :
la recherche d’éléments de preuve simples et acceptables en cas de contestation, de nouveaux tests scientifiques
pour qualifier les emballages réfrigérants, leur recyclage et réutilisation,
l’instauration d’un marquage unique
par la couleur sur les boites, un cycle
spécial de formation à destination des
pharmaciens d’officine... « Il n’existe
pas aujourd’hui de système parfait,
mais les volontés sont fortes pour faire
évoluer les choses », répète Jean-Luc
Delmas, qui rejoint Guillaume Rambaud, responsable projet chez Schering-Plough, autour d’une démarche
plus fine et raisonnable de la chaîne
du froid. Il est vrai que bon nombre
de médicaments thermosensibles peuvent supporter une température ambiante pendant quelques heures. C’est
ainsi le cas du vaccin BCG aujourd’hui
conservé entre + 2°C et + 8°C. L’idée
avancée par Jean-Luc Delmas en faveur d’un élargissement des plages de
température, et au-delà d’une « élasticité de température » en fonction de
la nature des médicaments, a fait résonance le 22 mai dernier. Il n’y aurait
alors plus « une » mais « des » chaînes du froid avec des contrôles moins
lourds et coûteux à mettre en oeuvre.
D’où l’importance de disposer des
bons outils et le plus vite possible ! n
Marion Vernet
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