L`inaccompli en wolof - DDL

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L`inaccompli en wolof - DDL
L’inacco mpli en wolof
Sylvie VOISIN 1
1. Introduction
Les analyses présentées ici sont liées à l’examen de marques de TAM en wolof.
Le système de conjugaison de cette langue a déjà fait l’objet de nombreuses
études : Sauvageot 1965, Church 1981, Diallo 1981, et plus récemment Robert
1991. Au fil du temps, ces différents auteurs ont montré que les indices de sujet
sont amalgamés avec différentes marques de TAM, y compris des marques
discursives telles que l’emphase. Synchroniquement, il est impossible de dégager
des formes de base pour les indices de sujet et de les dissocier des marques de
TAM. Ainsi, on présente traditionnellement le système des conjugaisons de cette
langue comme composé de 10 paradigmes (cf. annexe 1). À ces paradigmes
s’ajoutent des marques non amalgamées comme les morphèmes du passé woon ~ oon, du passé habituel waan ~ -aan et de l’inaccompli di ~ -y.
Nous voudrions revenir ici sur le statut de ce dernier morphème. Son
comportement dans le système de conjugaison conduit les descriptions à le
séparer en deux marques : un morphème aspectuel (di et –y) et un composant de
certains paradigmes de conjugaison (d- et di)2. Dans cet article, nous voudrions
montrer que les différentes variantes et les différents positionnements qui sont à
l’origine de cette distinction sont les indices du statut d’auxiliaire du morphème
di de l’inaccompli.
Cette analyse a certes pour conséquence de complexifier la présentation de la
conjugaison, mais cela a l’avantage d’éclaircir les différents positionnements des
indices de sujet et d’objet dans certains paradigmes. Nous espérons qu’à terme,
les analyses menées ici aboutiront à un éclaircissement du système de
conjugaison du wolof et apporteront des indices supplémentaires sur les
procédés de grammaticalisation qui en sont à l’origine.
Cette analyse est organisée de la façon suivante. Nous commençons par
présenter les caractéristiques de l’inaccompli (2.). Ensuite, après avoir défini la
notion d’auxiliaire, nous montrons que l’inaccompli d’après ses comportements
peut être rattaché à cette dernière catégorie (3.). Enfin, nous étendons notre
analyse en émettant des hypothèses sur son origine (5.).
1 Nous voudrions remercier ici Alice Vittrant et Momar Cissé qui ont bien voulu
participer à la relecture de ce travail et qui ont contribué par leurs remarques à sa
réalisation.
2
Cette dichotomie des formes transparaît dans Sauvageot (1965) et est clairement
annoncée dans Robert (1991) et Perrin (2005)
2
L’INACCOMPLI EN WOLOF
2. La marque de l’inaccompli di
Les notions de TAM sont souvent assez délicates à manipuler, d’une part parce
qu’il n’y a pas forcément de consensus entre la terminologie utilisée et, d’autre
part parce que les langues encodent ces notions de différentes façons.
Si malgré les différentes fonctions que peut recouvrir le morphème di en
wolof, cette marque est identifiée comme inaccompli, c’est parce que les autres
valeurs qui lui sont attribuées sont à inférer de l’interaction entre di et d’autres
éléments de la proposition et non d’une marque aspectuelle différente.
Ainsi, en wolof, le morphème di a une valeur générique d’inaccompli, il
présente le procès comme non achevé au point de référence temporelle. Par
conséquent, selon le point de référence, cette marque aspectuelle sera liée aux
temps présent ou passé, et son interaction avec l’aspect lexical du verbe et les
autres marques de TAM pourra renvoyer à des valeurs telles que : progressif,
habituel et futur. On voit bien, ainsi, que la marque di recouvre les différents
champs que donne Comrie (1976) à l’aspect « imperfective »3.
imperfective
habitual
continuous
non progressive
progressive
Figure 5.1. Classification of aspectual oppositions (Comrie 1976: 25)
Afin de ne pas compliquer cette présentation, les interactions qui sont à
l’origine des différentes valeurs de di ne seront abordées que si cela sert à
l’analyse. Pour une présentation plus complète et détaillée de ces phénomènes,
nous renvoyons à Robert (1991), et pour les interactions entre les TAM de deux
propositions à Perrin (2005).
2.1. Compatibilité de l’inaccompli avec les autres marques de
TAM
La répartition des marques de TAM en wolof est traditionnellement présentée
de la façon suivante. Les paradigmes sont composés d’indices de sujet et de
marques modales. Les marques aspectuelles sont di et sa variante –y pour
l’inaccompli, l’absence de marque (Ø) renvoie à l’aspect accompli. La marque de
l’inaccompli est décrite comme incompatible avec certains paradigmes de
conjugaison, et selon les paradigmes son positionnement est différent.
3 À la différence de la terminologie anglophone, nous utilisons le terme « d’inaccompli »
pour l’aspect grammatical et le terme « d’imperfectif » pour l’aspect lexical.
L’INACCOMPLI EN WOLOF
3
En effet, l’observation de la compatibilité entre les variantes de l’inaccompli et
les différents paradigmes de conjugaison permet de dégager les trois
configurations suivantes.
2.1.1. Configurations multiples : le Narratif
Deux configurations sont associées au paradigme du Narratif selon le type de
propositions :
sVo4 - dans les propositions indépendantes, les complétives et les
subordonnées d’aboutissement introduites par ba (jusqu’à) ;
1S
2S
3S
ma lekk ko
nga lekk ko
mu lekk ko
1P
2P
3P
nu lekk ko
ngeen lekk ko
ñu lekk ko
Tableau 1 - Le narratif dans les propositions indépendantes et certaines subordonnées
soV - dans les autres subordonnées.
1S
2S
3S
…ma ko lekk
…nga ko lekk
…mu ko lekk
1P
2P
3P
…nu ko lekk
…ngeen ko lekk
…ñu ko lekk
Tableau 2 - Le narratif dans les autres propositions subordonnées
Tandis que la deuxième configuration (soV) est toujours compatible avec
l’inaccompli, la première configuration (sVo) n’existe pas à l’inaccompli, ou plus
exactement dans ces propositions, l’inaccompli modifie obligatoirement le
positionnement des indices sujet et objet, l’ordre sVo passe à : s di o V.
Dans l’exemple (1), bëgg « vouloir » régit la complétive (parataxe) au narratif
mu àtte leen. La position des clitiques sujet et objet est celle attendue : le clitique
sujet précède le verbe lexical et le clitique objet lui est postposé (sVo). Dans
l’exemple (2), le même verbe bëgg régit la complétive à l’inaccompli ma di ko uuf.
On peut voir que le positionnement des clitiques sujet et objet est différent. Ces
indices sont tous préposés au verbe uuf « prendre sur les genoux ». Ils encadrent
non plus le verbe lexical, mais la marque de l’inaccompli di.
(1)
(2)
Dañu bëgg
mu
EV3P
N3S
vouloir
Dafa bëgg
EV3S vouloir
4
àtte
leen
séparer O3P5
« Ils veulent qu’il les sépare »
ma di
ko uuf
« Il veut que je le prenne souvent sur mes genoux »
N1S INACC O3S prendre.sur.les.genoux
Les minuscules renvoient aux marques d’accord et non aux syntagmes. Pour des raisons
de clarté dans la présentation des différents paradigmes, nous utiliserons toujours pour
la marque objet la forme ko « objet de 3e personne du singulier » et le verbe lekk
« manger ».
5
La liste des abréviations pour les exemples wolof se trouve à la page 20.
4
L’INACCOMPLI EN WOLOF
La différence d’ordre du Narratif selon le type de proposition est neutralisée à
l’inaccompli. L’uniformisation de l’ordre des clitiques au Narratif inaccompli est
également attestée avec la variante –y. Cependant, la position des variantes de
l’inaccompli n’est pas identique. La forme autonome di se place entre l’indice
sujet et l’indice objet (cf.(2)), tandis que la variante clitique –y se place après
l’indice objet, et ce quel que soit le type de proposition (complétive (3),
indépendante (4), et subordonnée temporelle (5)).
(3)
(4)
(5)
Dama bëgg
nga ko=y
EV1S
N2S
vouloir
Nga ko=y
« Tu le regardes »
xool
N2S
O3S=INACC regarder
Bu
ma
TEMP N1S
« Je veux que tu l’écoutes souvent »
dëglu
O3S=INACC écouter
ko=y
gis,
O3S=INACC voir
dinaa wax ak moom
FUT1S
parler avec PRO3S
« Si jamais je le vois, je parle avec lui »
La différence de positionnement est à rapprocher du statut clitique de -y.
Certains clitiques ont parfois des propriétés que l’on ne retrouve pas forcément
pour leur correspondant autonome. Cette particularité est bien illustrée, par
exemple, avec les déterminants du Kwakw’ala (Anderson, 1992 et 2000). Ce type
de clitique, parfois désigné sous le terme special clitic6, est défini de la façon
suivante : éléments prosodiquement dépendants d'un mot-hôte qui apparaissent
comme variantes de formes libres autonomes. Ils partagent, avec ces variantes
autonomes, le sens et peuvent avoir une phonologie similaire, mais leur
distribution syntaxique est différente (Miller et Monachesi, 2003).
Ce point est à notre avis déterminant pour les autres types de configurations.
Il est également important de noter que le narratif est souvent considéré comme
montrant les formes d’indices de sujet les plus simples, c'est-à-dire les formes de
base à partir desquelles les autres paradigmes auraient été construits.
Il s’agit pour nous d’une première piste mettant en évidence le comportement
d’auxiliaire pour l’inaccompli avec la montée des clitiques sujet et objet dans sa
forme autonome di (s di o V), comme dans sa forme clitique, puisque là aussi les
indices de sujet et d’objet n’entourent plus le verbe lexical, mais servent de mothôte pour l’enclitique =y (so=y V).
2.1.2. Configuration soV : la variante –y
Seule la variante clitique –y est compatible avec les paradigmes où les clitiques
sujet et objet sont préposés au verbe lexical : Emphatique du Verbe (6),
Emphatique du Sujet (7), Emphatique du Complément (8), Présentatif et Obligatif
(10)7.
6
Terme introduit par Zwicky (1977).
Il manque ici les paradigmes du Futur et du Négatif Emphatique. Leur configuration
plus complexe sera détaillée en 2.1.3.
7
L’INACCOMPLI EN WOLOF
(6) a.
Dafa ko=y
EV3S
5
« Le soleil va le flétrir »
lax-al
O3S=INACC ê.flétri-CAUS
b. *Dafa ko di laxal ou *Dafa di ko laxal
(7) a.
Lii
moo ko=y
PRO3S
ES3S
« Ç’est ça qui le prouve »
firndeel
O3S=INACC prouver
b. *Lii moo ko di firndeel
(8) a.
« C’est lui que je tuerai pour toi »
Moom laa
la=y
PRO3S
O2S=INACC tuer-APPL
ES1S
rey-al
b. *Moom laa la di reyal
(9) a.
Yaa ngi
ma=y
Prés2S
O1S=INACC blesser
« Tu me blesses ! »
gaañ !
b. *Yaa ngi ma di gaañ !
(10)
Nanga=y
am
OBL2S=INACC avoir
fit-u
jëf « Il vous faudra souvent avoir le courage d’agir »
courage-CONN
acte
b. *Nanga di am fitu jëf
La position de =y est conforme à ce que nous avons vu précédemment pour le
Narratif. Les indices de sujet et objet précèdent le clitique de l’inaccompli, de la
même façon qu’ils précèdent le lexème verbal dans les constructions à l’accompli
(Dafa ko laxal vs. Dafa ko=y laxal). Cependant, avec ces paradigmes, l’enclitique peut
être considéré comme un simple morphème de TAM qui se place après le clitique
objet. En effet, le déplacement des marques de sujet et d’objet est ici moins
évident. Il nous faudra donc prouver que la variante =y présente également des
caractéristiques d’auxiliaire, et tenter de comprendre pourquoi les paradigmes
présentés dans cette section ne sont pas compatibles avec la variante autonome
di.
2.1.3. Troisième type de configuration : les amalgames
Avec les deux paradigmes restants : Parfait et Négatif, le cas est plus complexe. De
part leur valeur, l’inaccompli est incompatible avec ces paradigmes. Le Parfait (ou
perfect) est lié à l’expression d’un état résultant au procès et le Négatif indique la
négation de l’accomplissement du procès. Dans ces conjugaisons, les marques
sont suffixées ou postposées à la base verbale.
(11)
Lekk
na ko
manger
P3S O3S
« Il l’a mangé »
b. *di lekk na ko / *lekk na ko=y
(12)
Lekk-uma
ko
manger-NEG1S
O3S
b. *di leek-uma ko / lekk-uma ko=y
« Je ne l’ai pas mangé »
6
L’INACCOMPLI EN WOLOF
Cependant, le déplacement des clitiques sujet et objet sur la forme autonome
di est possible. On peut remarquer dans ces déplacements que l’ordre entre la
base verbale et les clitiques se retrouve à l’identique lorsque ces clitiques sont liés
à l’inaccompli. Avec le Narratif, les clitiques entourent la base verbale comme ils
entourent di. Avec les conjugaisons préposées à la base verbale, ces marques sont
également préposées à la variante =y. Et dans ce troisième type de configuration,
les marques d’accord sont postposées à l’inaccompli di, comme au lexème verbal
au Parfait et au Négatif.
Parfait : V-so —> di-so V
Négatif : V-so —> di-so V
Ces structures, composées de di et des paradigmes du Parfait et du Négatif,
renvoient respectivement aux paradigmes du Futur et du Négatif Emphatique. Ils
sont posés comme figés dans la plupart des présentations du wolof,
essentiellement parce que l’analyse de leur composition ne tient plus en
synchronie.
En effet, le résultat de la suffixation sur di des marques du Négatif, lui-même
composé de la négation -ul et des marques de sujet du Narratif, n’est pas toujours
conforme. Dans le paradigme du Négatif Emphatique (cf. Tableau 3 - Le Négatif
Tableau 4), la marque de la négation –ul ~ –u est systématiquement présente. La
variante –oo pour la 2S se retrouve dans de nombreux autres contextes ; on peut
la définir comme une forme clitique qui ne répond à aucune règle phonologique
connue dans la langue.
1 lekkuma ko
2 lekkuloo ko
3 lekku ko
lekkunu ko
lekkuleen ko
lekkuñu ko
Tableau 3 - Le Négatif
1 d-uma ko lekk d-unu ko lekk
2 d-oo ko lekk
d-ungeen ko lekk
3 d-u ko lekk
d-uñu ko lekk
Tableau 4 – Le Négatif Emphatique
Par contre, le wolof acceptant la longueur vocalique, il est difficile d’expliquer
la disparition du –i de la marque de l’inaccompli. C’est pourquoi certaines
descriptions proposent une variante d- dans ce paradigme, et n’identifient pas ce
morphème comme la marque de l’inaccompli. La disparition de la forme mu pour
la 3S8 et les divergences pour les indices de sujet des 2e personnes du pluriel –
Nég2P lekkuleen vs. NE2P dungeen lekk – n’ont pour l’instant fait l’objet d’aucune
explication.
8
On pourrait retenir l’explication de Church (1981) pour les différences de formes entre
le Parfait et l’obligatif. Ces deux paradigmes sont à considérer comme totalement
identiques dans leur formation d’origine, avec seulement des positions différentes par
rapport au verbe. La chute de certains éléments au Parfait, qui reste à l’Obligatif, serait
due à la position de l’accent sur le mot verbal. Le wolof n’est pas une langue tonale, il a
un accent dit de mot ou de groupe qui tombe sur la première syllabe. Cet accent
expliquerait la persistance de la marque na à l’Obligatif ná-nga=dem que l’on ne retrouve
pas dans le Parfait dém=(na-)nga.
L’INACCOMPLI EN WOLOF
7
Le paradigme du futur pose moins de problèmes, il y a une transparence
parfaite de la suffixation des marques du Parfait sur di (cf. Tableau 5 - Le Parfait
Tableau 6 - Le Futur).
1
2
3
1
2
3
lekk naa ko lekk nanu ko
lekk nga ko lekk ngeen ko
lekk na ko lekk nañu ko
di-naa ko lekk
di-nga ko lekk
di-na ko lekk
Tableau 5 - Le Parfait
di-nanu ko lekk
di-ngeen ko lekk
di-nañu ko lekk
Tableau 6 - Le Futur
Les raisons qui conduisent à poser ces paradigmes comme figés en synchronie
tiennent, d’une part au fait que la suffixation des marques de TAM n’est pas
toujours transparente et que d’autre part ces nouveaux paradigmes sont euxmêmes compatibles avec la variante clitique =y de l’inaccompli (cf. (13) et (14)).
(13)
Dina=y
nekk
ci
kër
FUT3S=INACC se.trouver prép.loc.
(14)
[…]duma=y
bëgg=a
gi
« Il lui arrive d’être à la maison »
maison DEF
gallaxndiku « […], je n’aime pas me rincer la bouche »
NE1S=INACC vouloir=ASP rincer.la.bouche
On comprend alors que les descriptions du wolof dissocient les formes di ~ den deux morphèmes distincts. L’un sert à la construction du Futur et du Négatif
Emphatique et présente les alternances di ~ d- ; l’autre marque l’inaccompli et
présente les alternances di ~ =y. Comme dans Robert (1991) où di (~ =y) est
identifiée comme marque de l’inaccompli, et di (~ d-) comme centre de
prédication sans valeur d’inaccompli9.
Les différences de compatibilité entre les paradigmes et les différentes
variantes associées à ces formes tendraient à confirmer une telle distinction.
Nous voudrions, cependant, montrer que l’intégration de la marque de
l’inaccompli dans la catégorie des auxiliaires permet, à la fois, de décrire les
différences de compatibilité avec les paradigmes de conjugaison, et d’expliquer la
présence de deux marques d’inaccompli dans les formes sur-composées du Futur
et du Négatif Emphatique à l’inaccompli (cf. (13) et (14) ci-dessus).
2.2. Une tentative d’explication
En 2.1.1, nous avons vu que seul le paradigme du Narratif est compatible avec
les deux formes de l’inaccompli. Il a été noté que ce paradigme est souvent
considéré comme le plus simple : les marques de sujet ne sont pas amalgamées à
des marques de TAM et on les retrouve en partie dans la formation d’autres
paradigmes (cf. par exemple le cas du Négatif emphatique). Le déplacement des
9
D’après Robert (1991: 271), dans le ‘futur de certitude’, formée par la marque di suffixée
des marques du Parfait, la marque di ~ d- encode « non pas l’inachèvement du procès (di ~ –
y), car celui-ci est saisi dans sa globalité et n’est pas enclenché, mais au contraire le
hiatus, la différence entre T2 (moment de réalisation du procès) et T0 (moment
d’énonciation). Nous poserons donc, pour l’instant que c’est là le rôle du morphème di. »
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L’INACCOMPLI EN WOLOF
indices sujet et objet autour de di tend à confirmer que ce dernier présente un
fonctionnement identique au lexème verbal, puisqu’il accepte les mêmes
marques : ma di ko lekk « Je suis en train de le manger / Je le mange » comparé à
ma lekk ko « Je l’ai mangé ».
Sur le même principe, la construction du Futur et du Négatif Emphatique peut
être expliquée par la montée des indices sujet et objet sur la marque de
l’inaccompli di : lekk-naa ko « Je l’ai mangé » comparé à di-naa ko lekk « Je le
mangerai » et lekk-uma ko «Je ne l’ai pas mangé » comparé à d-uma ko lekk « Je ne
le mangerai pas / je n’ai pas l’habitude d’en manger ».
Les autres paradigmes, eux, ne sont compatibles qu’avec la variante clitique =y.
Or, ces paradigmes sont également ceux où les indices sujet et objet sont préposés
au lexème verbal. On peut alors considérer que cette position particulière et la
complexité de leur forme sont les indices que ces formes sont déjà complexes.
Autrement dit, dans ces conjugaisons, le déplacement des clitiques sujet et objet a
déjà eu lieu, sur un autre élément que celui de l’inaccompli.
On peut alors émettre une hypothèse phonologique pour expliquer le fait que
la variante autonome di n’est pas acceptée avec ces formes complexes. Notons
que l’orthographe de cette langue masque le fait que la plupart des marques de
conjugaison sont des affixes ou du moins des clitiques. Autrement dit, l’ensemble
des marques qui précèdent la variante clitique =y forme un tout phonologique où
la variante autonome di ne peut trouver place.
En effet, avec le Narratif, l’ordre des éléments est : s V o ou s AUX o V. Il s’agit
de la seule conjugaison où les marques d’accord sujet ont un fonctionnement
proche d’un pronom10 ; ces marques sont celles qui n’ont pas encore un vrai
comportement de clitique. Ce qui explique que l’on puisse trouver la forme
autonome avec le Narratif, aussi bien que sa variante clitique.
L’utilisation de l’inaccompli avec les marques du Parfait et du Négatif fait
apparaître la variante d-, car dans ce cas particulier, l’inaccompli sert de support
à la suffixation des marques de ces paradigmes.
La complexité des formes des autres paradigmes montre qu’un déplacement
des clitiques a déjà eu lieu. Ils ont tous la configuration soV, dans laquelle s est le
résultat de la fusion de l’indice sujet et d’une marque de TAM, donc déjà sAUXoV.
L’ajout d’une valeur d’inaccompli dans cette configuration est alors possible, mais
uniquement avec la variante clitique, dont la position reste stable, postposée au
clitique objet s-AUX o=y V.
Cette hypothèse permet d’expliquer les restrictions des formes de l’inaccompli
avec les différentes conjugaisons. L’auxiliaire de l’inaccompli di a une variante d10
Le narratif est un des paradigmes de conjugaison pour lequel le constituant sujet plein
de 3ème personne ne peut se cumuler avec les marques de conjugaison. Les clitiques sujet
et objet dans ces propositions ont la même position syntaxique que les syntagmes qu’ils
remplacent (Mamadou lekk ceeb. “Mamadou mange le riz.” Mu lekk ko. “Il le mange.”)
L’INACCOMPLI EN WOLOF
9
lorsqu’il est support de suffixation. La variante clitique =y est en variation libre
avec di au Narratif ou constitue la seule forme possible pour l’inaccompli lorsque
la position d’auxiliaire est déjà remplie.
Bien évidemment, cette explication se base uniquement sur les propriétés
morphosyntaxiques de l’inaccompli et des marques de conjugaison, elle laisse de
côté les valeurs aspecto-modales propres à chacune des formes et celles qui se
dégagent de ces formations. Cette hypothèse pour être validée demandera un
examen attentif de ces valeurs. Même si nous n’entrons pas ici dans le détail des
valeurs aspecto-modales de ces formes, certaines remarques peuvent être
formulées.
Dans les travaux précédents, la séparation entre di ~ -y marque d’inaccompli et
di ~ d- centre de prédication (copule) sans valeur d’inaccompli est essentiellement
basée sur les deux points suivants :
1) l’absence de la valeur d’inaccompli, dans son sens restreint de procès en
cours de réalisation, dans les paradigmes de conjugaison où di ~ d- sert à la
formation des marques de TAM, et
2) le problème que pose le double marquage inaccompli dans ces
conjugaisons
En ce qui concerne l’absence de la valeur d’inaccompli dans son sens restreint
dans les paradigmes du Futur et du Négatif Emphatique, il ne faut pas oublier que
ces paradigmes sont surcomposés. Les valeurs de ‘futur de certitude’11 et de
‘négation de l’habitude’ véhiculées par les deux paradigmes composés de
l’inaccompli et du Parfait ou du Négatif, respectivement, peuvent alors être vues
comme un résultat, tout à fait probable, de l’interaction entre les marques
aspecto-modales amalgamées aux indices de sujet et l’inaccompli. On pourrait
alors objecter que le Négatif et le Parfait ont des affinités très nettes avec la
valeur d’accompli, mais il serait faux pour autant de considérer ces marques
comme étant des marques l’accompli et par conséquent incompatible avec
l’inaccompli. Le Parfait encode la concomitance (Cohen, 1989), c’est-à-dire un
procès qui se trouve à proximité du moment de référence, soit parce l’état
résultant est toujours pertinent au moment de référence, soit parce qu’il se
déroule au moment de référence. De la même façon, le Négatif est également en
rapport avec la notion de concomitance. Il s’agit de la « négation de
l’accomplissement du procès au moment d’énonciation » (Robert : 1991), que l’on
pourrait reformuler par la négation de l’état résultant du procès au moment de
référence. Ces valeurs de concomitance et de négation de la concomitance sont
par ailleurs compatibles avec l’inaccompli et construisent en wolof le Futur,
désigné parfois par prospectif (inaccompli et concomitant) et Négatif Emphatique
(inaccompli et négation de la concomitance)
11
Santos (1981: 286) indique également que ce paradigme a également une valeur
d’habitude. Dinaa bey gerte “Je cultive des arachides (habituellement).
10
L’INACCOMPLI EN WOLOF
L’intégration de di comme auxiliaire implique également que les conjugaisons
formées à l’aide de cet élément ne soient pas des conjugaisons simples, mais
conduisent à des formes verbales analytiques dans lesquelles le verbe lexical est
régi par l’auxiliaire. Or, dans de nombreuses langues, les verbes auxiliés peuvent
prendre des marques de TAM. Par conséquent, il n’y aurait pas une redondance
de marque, mais des distinctions aspectuelles entre des constructions où seul
l’auxiliaire est marqué à l’inaccompli et des constructions où l’auxiliaire et
l’auxilié sont marqués par l’inaccompli.
Cette hypothèse s’appuie essentiellement sur le fait que les paradigmes qui
acceptent uniquement la variante clitique sont construits à l’aide d’une marque
de TAM, qui a dû avoir à un moment donné une fonction d’auxiliaire12, et de
marques d’accord sujet. Or les paradigmes, où la marque de TAM montre le mieux
cette fonction d’auxiliaire, sont justement le Négatif Emphatique et le Futur. Il
semble même que conserver en synchronie cette fonction d’auxiliaire pour di
permet de lever les derniers obstacles d’analyse de ces paradigmes. Dans cette
perspective, le lexème verbal (l’auxilié) est à la forme infinitive et peut également
prendre une marque aspectuelle, de la même façon que cela a été décrit pour
d’autres types de prédication complexe en wolof (Voisin, 2006). Dans la section
suivante, en effet, nous montrons que le morphème de l’inaccompli présente
plusieurs comportements qui permettent de l’intégrer dans la catégorie des
auxiliaires.
3.
L’inaccompli comme auxiliaire
3.1. La notion d’auxiliaire
Pour la définition de la notion d’auxiliaire, nous nous baserons sur Creissels
(2006). Cette définition part du principe que les auxiliaires se rencontrent
uniquement dans la formation des formes verbales analytiques. L’auxiliaire
présente « les caractéristiques morphologiques d’une forme verbale simple
indépendante », cependant, il « ne manifeste aucune propriété prédicative
d’assignation de rôles sémantiques à des arguments, seul intervenant à ce niveau
l’auxilié » (2006 :161). À l’inverse d’autres définitions sur l’auxiliaire, cet auteur
ne prend pas en compte des critères syntaxiques. Adoptant une visée dynamique
de la grammaticalisation, le critère d’insertion d’éléments entre l’auxiliaire et
l’auxilié est un critère qui permet de mettre en évidence le passage de l’auxiliaire,
en tant qu’élément autonome partageant les caractéristiques morphologiques du
verbe, à celui de morphème grammatical (clitique ou affixe) entrant dans la
catégorie des marques de TAM.
3.2. Forme verbale analytique et montée des c litiques
L’hypothèse formulée dans la section précédente s’appuie sur le fait que les
différences de formes de l’inaccompli s’expliquent par sa position dans le
12
Cf. la chaîne “verb-to-aspect” de Heine (1993).
L’INACCOMPLI EN WOLOF
11
complexe verbal. Il s’agit dans tous les cas d’un auxiliaire. Ses variantes
dépendent de la position des clitiques sujet et objet.
Envisager l’inaccompli di comme un auxiliaire implique que les constructions
dans lesquelles il intervient soient de type analytique et par conséquent que le
verbe lexical présente une forme non finie. Jusqu’à présent, si l’insertion de
l’inaccompli a eu comme effet un déplacement des clitiques, nous n’avons
remarqué aucune morphologie additionnelle sur le lexème verbal. Les seules
conséquences de l’ajout de l’inaccompli dans le syntagme verbal ont, au
contraire, montré que le verbe lexical perdait ses capacités de porter une partie
de la morphologie verbale. Ces caractéristiques renvoient à ce que nous avons
décrit dans un article ultérieur sur les formes verbales non finies dans les
constructions à prédication complexe (Voisin, 2006). Sur cette base, nous avons
pu définir l’infinitif du wolof comme une base verbale nue acceptant des marques
aspectuelles.
Dans ces constructions, l’inaccompli di commute avec ø ou a (cf. soog en (15),
(16) et (17)). La position de di et a est toujours au plus près du verbe auxilié.
(15)
Xaar-al
ba
attendre-IMP2S SUBab.
mu
géex,
nga soog
N3P
faire.son.rot N2S
ko=o13 tër-al
venir.de O3S=ASP se.coucher-CAUS
« Attends qu’il fasse son rot avant de le faire coucher »
(16)
(17)
Mu ngi
soog
di
Prés3S
venir.de
INACC venir
Danga ko=y
EV2S
ñëw
lott-al
O3S=INACC ê.épuisé-CAUS
Tokyo.« Il vient à Tokyo pour la première fois »
Tokyo
sog
Ø génn-e
venir.de ø
sortir-CAUS
« Il faut épuiser ses forces avant de sortir »
À la différence des auxiliaires des prédications complexes présentées dans
Voisin 2006, l’auxiliaire di n’a plus aucun fonctionnement en tant que verbe
lexical, son origine est même difficilement retraçable.
3.3. Compatibilité entre l’inaccompli et la morphologie verbale
Nous avons vu que l’inaccompli est compatible avec les marques aspectomodales qui forment les différents paradigmes de conjugaison (2.1). Dans cette
section, nous montrons que l’inaccompli peut également recevoir les marques
temporelles de passé. En wolof, le passé est marqué soit par woon ~ -oon ‘passé
déterminé’, soit par waan ~ -aan ‘passé indéterminé ou habituel’.
Dans les configurations vues en 2.1.1 et 2.1.2, l’ajout du passé à ces
constructions à l’inaccompli montre que :
1) le morphème du passé se suffixe sur l’inaccompli et non sur la base lexicale ;
2) le morphème de l’inaccompli a une variante d- ;
3) sa position dans le complexe verbal est celle de la variante clitique =y et non
celle de di.
13
Par d’assimilation, la marque aspectuelle =a prend ici la forme =o.
12
L’INACCOMPLI EN WOLOF
Configuration 1 : le Narratif
Il a été mis en évidence que l’inaccompli avec le Narratif uniformise les
constructions, la structure verbale est : s di o V, avec la variante autonome et s o=y
V, avec la variante clitique.
Le morphème du passé se place à la fin du groupe de clitiques qui précède le
lexème verbal. Cette suffixation du passé fait apparaître la variante d- de
l’inaccompli (comparer (18) à (19)).
(18)
[…]soo
ko=y
« […] si tu le suis »
topp
HYP.N2S O3S=INACC suivre
(19)
[…]soo
HYP.N2S
(20)
ko
d-oon
O3S
INACC-PASSE suivre
Ma ko d-oon
« […] si tu le suivais »
topp
« Je le débouchais… »
fattarñi…
N1S O3S INACC-PASSE déboucher
Configuration 2 : soV et la variante =y
Les paradigmes complexes n’acceptent pas la variante autonome di et l’ordre
des éléments avec la variante clitique est systématiquement : s o=y V. Cependant,
l’ajout du passé rend compatible l’utilisation de la marque di ~ d- avec ces
paradigmes14. La structure a la même forme que celle décrite pour le Narratif : s o
d-oon V.
Emphatique du verbe
(21) Dama ko doon
diiju, mu mer
EV1S
Emphatique du sujet
(22) Moo la d-oon
tette
ES3S
« Je le singeais, il s’est fâché »
O3S INACC-PASSE singer N3S se.fâcher
« C’est lui qui guidait tes pas »
O2S INACC-PASSE guider
Emphatique du complément
Ca
suba sa lanu ko
(23)
prép.loc.
demain DEF EC1P
O3S
« C’est le lendemain que nous l’attendions, […] »
doon
xaar, […]
INACC-PASSE attendre
Présentatif
(24)
Mu ngi ko
d-oon
Pres3S
INACC-PASSE guetter
O3S
tëru
« Il le guettait »
Configuration 3 : les amalgames
Les suffixes du Négatif et du Parfait sont postposés à la variante autonome de
l’inaccompli et forment les paradigmes du Futur et du Négatif Emphatique : d(i)-so
V. Seul le passé indéterminé/habituel –aan ~ waan est accepté dans ces
formations. L’ajout de cette marque montre que :
1) le morphème du passé se suffixe sur l’inaccompli et non sur la base lexicale ;
2) le morphème de l’inaccompli présente la même variante d- ;
14
Exception faite de l’Obligatif qui n’est pas compatible avec le passé.
L’INACCOMPLI EN WOLOF
13
3) sa position dans le complexe verbal reste la même ;
4) comme pour les verbes lexicaux au Parfait et au passé déterminé (cf. gis-oon na
ko), le suffixe du passé indéterminé précède les clitiques sujet et objet ;
(25)
Sama yaay d-aan
POSS1S mère
na ma ñaw-al
INACC-PASSE P3S O1S coudre-APPL
yére ndëll
habit
molleton
« Ma mère me cousait des habits en molleton »
(26)
Xanaa d-aa-wuloo
INTER
ko nàmp-al ? « Est-ce que tu ne l’allaitais pas ? »
INACC-PASSE-NEG2S O3S têter-CAUS
Ainsi, dans toutes les configurations, l’ajout du passé ne modifie pas les
structures à l’inaccompli.
s di o V
Configuration 1
so d-oon V
so=y V
Configuration 2
so=y V
so d-oon V
Configuration 3
d-so(=y) V
d-aan so V
La suffixation du passé à l’inaccompli met en évidence une alternance =y ~ ddans une même position (configuration 1 & 2), ce qui tend à confirmer que les
différences de formes ne sont pas dues à des morphèmes différents15. Ceci
confirme le fait que l’inaccompli a des variantes différentes selon qu’il termine le
groupe =y ou sert de support à la suffixation d-.
3.4. Utilisation de l’inaccompli comme c opule
Le wolof est souvent décrit comme une langue sans copule, dans le sens où
aucune forme ne se retrouve de façon systématique dans les différentes
opérations reconnues aux copules16.
De tous les paradigmes de conjugaison reconnus, seuls le Narratif et le Parfait
ne sont pas utilisés dans ces types de constructions. Les autres paradigmes sont
spécialisés dans une opération en lien direct avec leur signification aspectomodale : l’Emphatique du Sujet dans l’identification et la catégorisation (27), le
Présentatif dans la localisation (28) et l’Emphatique du Complément dans la
caractérisation (29).
(27)
(28)
Maa=y
buur
ES1S=INACC
roi
(29)
là-bas
Taabal-u bant la
table-CONN bois
15
« Ils sont là-bas »
Ñu nga fa
Prés3P
« C’est moi le roi / c’est moi qui suis roi »
« C’est une table en bois »
EC3S
Nous aurions également pu montrer que l’inaccompli est compatible avec le négatif –ul,
de la même façon que pour le passé, et que le complexe di-ul-oon est également possible.
16
Les opérations traditionnellement associées aux copules ou aux constructions à
prédication non verbale sont l’identification, la catégorisation, la caractérisation et la
localisation d’un référent. (Cf. Creissels, 2006 : Chapitre 20)
14
L’INACCOMPLI EN WOLOF
À ces quatre opérations s’ajoutent deux autres constructions. L’Emphatique du
Verbe a une valeur de caractérisation, mais uniquement dans le cadre d’une
explication de situation (30).
(30)
Dama=y
naar
rekk,
moo
tax
mu
suufeel ma
ES1S=INACC
maure
seul.
ES3S
causer
N3S
mépriser
O1S
« C’est que je suis maure, c’est pourquoi il me méprise »
Le Négatif Emphatique est spécialisé dans la négation de l’identification (31).
(31)
« Tu n’es pas mon père »
Doo sama baay
EN2S
POSS1S père
Ces constructions nécessitent la marque de l’inaccompli17, qui peut être
identifiée comme copule. Ce qui ne fait que renforcer son statut d’auxiliaire. Dans
ces mêmes constructions, c’est également l’inaccompli qui porte le suffixe du
passé, tandis que dans les constructions sans di, le passé apparaît dans sa forme
autonome woon.
(32)
(33)
d-oon
ES3S
INACC-PASSE premier.ministre
Mu ngi fi
Prés3S
(34)
« c’est lui qui était Premier ministre »
Moo
farba
« Il était là il y a un instant »
woon léegi
loc. PASSE instant
Buur bu
aaytal
roi
ê.méchant EC3S PASSE
JONC
la
« c’était un méchant roi »
woon
Les propositions impersonnelles d’indentification sont également construites
à l’aide de di.
(35)
mu=y
ñett-i
far-i
xuuge !
« C’était trois amants bossus ! »
N3S=INACC trois-CONN amant-CONN bossu
(36)
Dafa di
tasee-guloo
ak
gaynde
EV3S
rencontrer-NEG2S
avec
lion
INACC
« Le fait est que tu n’as pas encore rencontré un lion »
En conséquence, l’inaccompli di accepte une partie de la morphologie verbale,
il est utilisé dans certaines constructions comme copule. Les clitiques de sujet et
d’objet lui sont syntaxiquement reliés, mais il ne leur attribue aucun rôle
sémantique. Tous ces éléments montrent que l’inaccompli présente des
comportements typiques d’un auxiliaire. Les différentes variantes qui lui sont
associées constituent les signes de sa grammaticalisation. Elles ont la
particularité d’avoir deux formes, =y lorsque la variante termine le groupe, dlorsqu’elle sert de support à la suffixation, pour les marques de passé –oon ou –
aan, comme pour les indices de sujet des paradigmes de Parfait et de Négatif.
Dans la section suivante, nous allons voir que même si cette analyse
complexifie la présentation traditionnelle des paradigmes de conjugaison en
wolof, elle rend la comparaison avec d’autres langues atlantiques plus évidente,
et offre des pistes prometteuses pour la comparaison.
17
Les exceptions sont la localisation (Présentatif) et de la caractérisation (Emphatique du
Complément).
L’INACCOMPLI EN WOLOF
4.
15
L’inaccompli dans d’autres langues atlantiques
Dans les autres langues atlantiques, l’inaccompli ou le progressif se construit
également dans une structure où le verbe lexical est à l’infinitif, que l’infinitif ait
une marque particulière (diola et peul) ou n’ait aucune marque apparente (palor).
Diola-fogny (Sapir, 1965 : 101)
(37)
injɛ
di
S1S
LOC parler.INF
« Je parle / je suis en train de parler »
kansankɛn
Peul, variété du Fouta-Djalon (Labatut, 1982 : 380)
(38)
me ɗe
nyaam-de
S1S DUR
manger-INF 18
« Je mange »
Si toutes les variétés de peul ont des formes d’infinitif, toutes n’ont pas cette
structure. Elle est uniquement décrite pour le Fouta Djalon.
Palor (d’Alton, 1987)
(39)
gumuʔ na
tik
hyène
cuisiner cuisiner-EA19
DUR
tik-o
« La hyène fait la cuisine »
Dans certaines de ces langues, comme en wolof, la marque de l’inaccompli s’est
amalgamée avec les indices de sujet.
En peul, une des série d’indices de sujet s’analyse comme la fusion d’une série
simple et de la marque durative ɗo(n). Son identification dans les formes
pronominales peut poser quelques difficultés selon les dialectes, par la supplétion
à certaines personnes de la marque e du concomitatif. (Labatut, 1982 : 214).
Parlers occidentaux
singulier
pluriel
m
1 mi-ɗ ɔ, mi-ɗa, bo-ɗ ɔ
e-min; (hiɗ en Guinée)
2 a-ɗa, a-ɗɔ (=Mali); (hiÎa
ɔ-don
Guinée)
3 ɔ-mo, ɔ-mbo ; (himo Guinée) e-∫ɛ; (hi∫E Guinée)
1
2
3
Parlers orientaux
singulier
pluriel
mi-ɗ ɔ, mi-ɗɔn
e-min, i-men, min-ɗ on
e-ɗa, i-ɗa, a-ɗon
ɔ-ɗon, i-ɗon, ɔn-ɗ on
i-mo, e -don, ɔ-ɗon
e-ɓɛ, i-ɓɛ, ɓɛ-ɗ on
Tableau 7 - Indices sujet et duratif20 dans les différents dialectes peuls21
18
S1S = marque d’accord sujet de 1e personne du singulier; DUR = marque aspectuelle du
duratif; INF = infinitif.
19
DUR = aspect duratif ; EA = modalité état acquis.
20
Les variations dialectales du duratif sont en forme autonome : ɗo dans le Gombé et
états haoussas ; ne au Dinguiray ; no au Fouta Djalon ; na ~ ina ~ nanaa au Sénégal et ana
~ ani au Mali
16
L’INACCOMPLI EN WOLOF
En palor (d’Alton, 1987), les indices sujet simples (série I) s’amalgament avec la
marque du duratif na et forment un nouveau paradigme (série II). On trouve
également, dans cette langue, un amalgame entre deux marques de TAM ʔe
(présentatif= ʔe … ɗa / ɗaa (forme emphatique)) avec le duratif (présentatif
duratif) qui forment respectivement la série III.
Par conséquent, de la même façon qu’en wolof, les langues atlatniques qui sont
décrites avec des paradigmes de conjugaison amalgamés montrent à l’origine des
constructions AUX V. Dans certaines langues atlantiques, ce type de construction
est même la forme (analytique) synchronique pour l’expression de l’inaccompli.
Étant donné que les auxiliaires ont le plus souvent pour origine un élément
verbal, nous allons dans la section suivante émettre une hypothèse sur l’origine
de cette marque. La présentation des différents processus de grammaticalisation
de l’inaccompli dans les langues va nous donner des informations sur les
structures dans lesquelles tend à se développer ce type d’aspect.
5.
La grammaticalisation de l’inaccompli
Les processus de grammaticalisation qui sont à l’origine de l’émergence d’un
inaccompli sont souvent présentés comme universels.
Les travaux respectifs de Comrie (1976) et de Bybee et al. (1994) tendent à
montrer que le sens premier d’un inaccompli doit être de type progressif. Ce
morphème ne devait s’appliquer qu’aux seuls verbes dynamiques. Autrement dit,
dans les processus de grammaticalisation le progressif serait le sens premier, à
partir duquel l’évolution des constructions pourrait aboutir aux autres sens liés à
la notion d’inaccompli (imperfective), jusqu’à avoir dans certaines langues un
sens très général d’inaccompli ou de présent22. Par exemple, les marqueurs
progressifs ont évolué en inaccompli en yoruba et turc (Comrie 1976) et en
présent dans les dialectes chamus du maa.
En yoruba, la structure locative qui exprime le progressif et l’inaccompli est
également utilisée par certains locuteurs pour l’habituel (Comrie, 1976 : 101)
(40)
ó
´n
s̥is̥é
S3S
dans
travailler 23
« Il est en train de travailler »
L’objectif de cette section n’est pas de remonter des différentes valeurs du
progressif allant à celles attestées en synchronie en wolof. Nous nous attacherons
plus aux constructions et aux éléments qu’elles nécessitent dans l’expression
d’un sens très général d’inaccompli.
na ~ ana au Burkina (Labatut, 1982 : 205, note 1)
D’après les données de Labatut (1982) et Labouret (1952).
22
Dans la conception de Bybee & al. (1994 : 126), le présent recouvre différents types de
situations imperfectives ayant le moment d’énonciation comme point de référence.
23
S3S = marque d’accord sujet de 3e personne du singulier
21
L’INACCOMPLI EN WOLOF
17
En ce qui concerne les sources possibles pour ce type de marqueur, les travaux
sur la grammaticalisation montrent un certain consensus sur le sémantisme
d’origine des sources. Pour Bybee et al. (1994 : 131), tous les progressifs dérivent
de constructions dans lesquelles les processus de grammaticalisation « involving
a stative auxiliary always derives from a construction which originally included
an element with locative meaning. Or, stated another way, aside form movement
sources, reduplications, and constructions with verbs meaning ‘to keep on’, all
progressives derive from locative constructions. ».
Différentes sources locatives sont à l’origine de la grammaticalisation d’un
progressif. La notion de localisation peut être exprimée soit par un verbe locatif
(aller, venir, marcher + loc. en tok pisin), soit par une adposition locative (dans,
sur, à…). Cette universalité vient renforcer les données de Heine, Claudi et
Hünnemeyer (1991) sur les langues africaines, où des sources locatives sont
également désignées pour l’émergence d’une marque de progressif.
Les langues atlantiques vues dans la section précédente confirment également
cette hypothèse. En diola-fogny, Blansitt (1975 : 17) propose comme source du
progressif la marque locative di. Sapir (1965) indique que « a noun or a pronoun,
plus di, plus an infinitive placed as a verb complement, forms a progressive. »
Sapir (1965 : 112 & 101)
(41) ni-juk-ɔ
di
24
(42)
S3S-voir-O3S
kalibisak
LOC
injɛ
di
S1S
LOC parler.INF
« Je l’ai vu dans la pièce »
pièce
« Je parle / je suis en train de parler »
kansankɛn
En diola-banjal, le locatif et l’inaccompli présentent la même forme ni
(Bassène, 2006). En palor, la marque du duratif est en isomorphie totale avec la
postposition signifiant ‘dans’ (43).
(43)
mI
xelte
ri
laasa
na
S1S
laisser
O3S
chambre
LOC25
« Je l’ai laissé dans la chambre »
Dans les différentes variétés de peul, Labatut (1982) indique que le duratif ɗo(n)
est issu du démonstratif locatif signifiant « ici ».
Malgré ces pistes, l’origine de la marque de l’inaccompli di en wolof reste
difficile à reconstruire. Il existe à l’heure actuelle une seule préposition locative
en wolof. Les valeurs locatives « sur, dans, vers… » sont toutes regroupées sous la
préposition ci. Les verbes locatifs de déplacement sont dem « aller, partir », ñëw
« venir », dox « marcher » et les verbes locatifs statifs sont nekk « être quelque
part, se trouver », des « rester » et toog « rester, s’asseoir ».
24
S1S = marque d’accord sujet de 1e personne du singulier; LOC = marque locative; INF =
infinitif.
25
S1S= accord sujet 1e personne du singulier; O3S = accord objet 3e personne du
singulier; LOc= post-position locative.
18
L’INACCOMPLI EN WOLOF
Certains de ces éléments sont proches de l’inaccompli, les sources verbales
possibles sont des et dem, la préposition locative montre une voyelle identique,
mais aucun de ces éléments n’est synchroniquement une source frappante.
Heine (1997) indique que plus que la source même du morphème, la
construction dans laquelle cette source entre permet de comprendre dans quel
type d’aspect se dirige la grammaticalisation. Il envisage la problématique sous
un angle quelque peu différent. Il s’agit pour lui de montrer que les constructions
de possession peuvent être à l’origine de marques aspectuelles. Ainsi, la structure
prédicative de possession « X a Y » peut être une étape intermédiaire entre le
schéma locatif et l’aspect. Mais surtout, il montre qu’il n’y a pas de corrélation
immédiate entre le type de schéma source et la notion aspectuelle concernée. Il
renvoie à l’opposition de grammaticalisation aspectuelle entre les langues indoeuropéennes où la possession conduit à l’émergence de l’aspect accompli (cf.
français (44)) et les langues africaines où les structures de possession conduisent
à l’émergence de l’aspect inaccompli.
(44)
J’ai un livre
«XaY»
J’ai travaillé.
Le type d’aspect obtenu à la fin du processus de grammaticalisation n’est donc
pas lié à la structure de l’expression de la possession, ni au schéma source
(localisation ou accompagnement, par exemple). L’élément qui semble le
déclencheur du type d’aspect obtenu est la morphologie du verbe.
“If the main verb is presented as a time-stable or static concept, typically
encoded by means of a participial morphology, the grammatical category
involved is that of a perfective/resultative. Conversely, if the verb is dynamic,
referring to events rather than states and being marked by infinitival or
gerundival morphology, the resulting categories are likely to denote progressive
and related notions.” (Heine, 1997: 197)
Ceci permet de confirmer que quelle que soit la source de di, la structure
d’origine correspond bien à celle que nous avons décrite comme étant toujours
active dans cette langue, à savoir que di fonctionne comme un auxiliaire et que le
verbe lexical est à l’infinitif. Il serait tentant de calquer les constructions des
autres langues atlantiques sur celles du wolof et de conclure que dans cette
dernière, de la même façon que dans les autres langues atlantiques, le morphème
de l’inaccompli di provient d’une préposition locative. Mais on sait également que
si les processus de grammaticalisation sont considérés comme universels, cela ne
signifie pas que toutes les langues ont une origine identique pour des marques
particulières, ni que toutes les langues d’une même famille ont suivi les mêmes
processus. D’autres recherches doivent être menées en wolof pour parvenir, un
jour, à une réponse sur l’origine de cette marque.
L’INACCOMPLI EN WOLOF
6.
19
Conclusion
La problématique de départ était de confirmer ou d’infirmer la dissociation
faite dans les descriptions du wolof de la forme di. L’analyse de la répartition de
ses variantes et des différentes positions qu’elles peuvent prendre dans le
syntagme verbal conduit plutôt à considérer le morphème de l’inaccompli
comme un auxiliaire. En effet, nous sommes parvenue à montrer que les
variantes répondent à des contextes particuliers ; la forme di renvoie à la forme
autonome : la variante =y est utilisée en fin de groupe de clitiques ; enfin, la
variante d- sert de support à la suffixation. Les positions différentes de ces variantes
proviennent de la montée des clitiques sur cet élément. Cette analyse de di
comme auxiliaire de l’inaccompli est renforcée par le fait qu’il accepte d’autres
éléments de la morphologie verbale ; la compatibilité avec le passé à été montré
ici ; et qu’il fonctionne comme copule.
Ces conclusions conduisent à revoir le groupe verbal, puisque le statut
d’auxiliaire de l’inaccompli tend à analyser le groupe verbal comme analytique,
ce qui a forcément des répercussions sur le statut du verbe lexical. Or les
propriétés du verbe lexical dans ces constructions, à savoir l’absence de clitiques
sujet et objet, l’absence de morphologie de passé, permettent de l’identifier
comme un verbe à l’infinitif. Ce qui semble en accord avec la théorie de
grammaticalisation développée par Heine.
Les théories de grammaticalisation s’accordent sur une origine locative pour
l’inaccompli. Cependant, la grammaticalisation de cet élément en auxiliaire
aspectuel en wolof semble avoir modifié sa forme. Même si dans les autres
langues atlantiques, les structures du type : préposition locative et verbe lexical
à l’infinitif forment le progressif, il est difficile, dans l’état actuel des
connaissances du wolof de rapprocher di de la préposition locative ci ou des
verbes locatifs des et dem.
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7.
Abréviations des exemples wolof
APPL=Applicatif; ASP=Marque aspectuelle; CAUS=causatif; CONN=morphème
génitival; DEF=Défini singulier; EC1S=Emphatique du complément personne et
nombre; ES1S=Emphatique du sujet personne et nombre; FUT1S =Futur personne
et nombre; HYP=Subordonnant hypothétique; IMP2S= Impératif 2e personne du
singulier; INACC=Inaccompli; INTER=Interrogatif; JONC=morphème de
construction adjectivale; loc.=clitique locatif; N1S =Narratif personne et nombre;
NE1S = Négatif Emphatique personne et nombre; NEG1S = Négatif personne et
nombre; O1S, =clitique objet personne et nombre; OBL1S =Obligatif personne et
nombre; P1S =Parfait personne et nombre; Prés1S = Présentatif personne et
nombre; POSS1S =Possessif personne et nombre; PRO1S =Pronom personne et
nombre; SUBab.= subordonnant d’aboutissement; TEMP=Subordonnant temporel.
8.
Annexe – Les paradigmes de c onjugaison du wolof
Les indices sujet et objet (ko ) en gras dans ces tableaux fonctionnent pour tous les
nominaux, quelle que soit leur classe nominale.
1S
2S
3S
1P
2P
3P
ma lekk ko
nga lekk ko
mu lekk ko
nu lekk ko
ngeen lekk ko
ñu lekk ko
Tableau 1a : Le narratif dans les propositions
indépendantes et certaines subordonnées
1S
2S
3S
1P
2P
3P
ma ko lekk
nga ko lekk
mu ko lekk
nu ko lekk
ngeen ko lekk
ñu ko lekk
Tableau 1b : Le narratif dans
certaines propositions subordonnées
1S
2S
3S
1P
2P
3P
dama ko lekk
danga ko lekk
dafa ko lekk
danu ko lekk
dangeen ko lekk
dañu ko lekk
Tableau 2 : L'Emphatique du verbe
1S
2S
3S
1P
2P
3P
maa ko lekk
yaa ko lekk
moo ko lekk
noo ko lekk
yeena ko lekk
ñoo ko lekk
Tableau 3 : L'Emphatique du sujet
1S
2S
3S
1P
2P
3P
li laa ko lekk
li nga ko lekk
li la ko lekk
li lanu ko lekk
li ngeen ko lekk
li lañu ko lekk
Tableau 4 : L'Emphatique du complément
1S
2S
3S
1P
2P
3P
maa ngi ko lekk
yaa ngi ko lekk
mu ngi ko lekk
nu ngi ko lekk
yeena ngi ko lekk
ñu ngi ko lekk
Tableau 5 : Le Présentatif
1S
2S
3S
1P
2P
3P
naa ko lekk
nanga ko lekk
na ko lekk
nanu ko lekk
nangenn ko lekk
nañu ko lekk
Tableau 6 : L'obligatif
1S
2S
3S
1P
2P
3P
lekk naa ko
lekk nga ko
lekk na ko
lekk nanu ko
lekk ngeen ko
lekk nañu ko
Tableau 7 : Le Parfait
1S
2S
3S
1P
2P
3P
lekkuma ko
lekkuloo ko
lekkul ko
lekkunu ko
lekkuleen ko
lekkuñu ko
Tableau 8 : Le Négatif
1S
2S
3S
1P
2P
3P
duma ko lekk
doo ko lekk
du ko lekk
dunu ko lekk
dungeen ko lekk
duñu ko lekk
Tableau 9 : Le Négatif emphatique
1S
2S
3S
1P
2P
3P
dinaa ko lekk
dinga ko lekk
dina ko lekk
dinanu ko lekk
dingeen ko lekk
dinañu ko lekk
Tableau 10 : Le Futur