Un Serial Killer tue un enfant toutes les 30 secondes : Paludisme

Transcription

Un Serial Killer tue un enfant toutes les 30 secondes : Paludisme
Dossier de presse
25 avril 2004 : Journée Africaine de lutte contre le Paludisme
Un Serial Killer tue un enfant
toutes les 30 secondes :
Paludisme, aidez-nous à le neutraliser
Le paludisme est une maladie évitable et guérissable
qui fait environ 2 millions de victimes chaque année
Avril 2004
Informations Presse :
Action contre la Faim : Anne Degroux, 01 43 35 88 42, [email protected]
Cécile Join-Lambert, 01 43 35 88 43, [email protected]
Permanence WE et jours fériés : 06 70 01 58 34 / 06 70 01 58 43
Plan France : Jean-Claude Fortot, 01 44 89 90 90, [email protected]
Ketchum : Jean-Claude Roux, 01 53 32 55 72, [email protected]
1
Sommaire
Introduction ………………………………………………………………………………. p. 3
Quelle mobilisation internationale ? …………………………………………………… p. 4
Le défi actuel
Trois problèmes majeurs à résoudre pour endiguer le paludisme
- la difficulté d’accès aux traitements efficaces et à un coût abordable
- l’absence de vaccins
- le faible accès à la prévention
Action contre la Faim et Plan France demandent conjointement à la Communauté
Internationale…
Le paludisme ……………………………………………………………………………. p. 7
Qu’est-ce que le paludisme ?
Les modes de transmission
Une maladie a-priori anodine aux conséquences graves
Le diagnostic
Le cycle de développement du paludisme dans l’organisme
Etat des lieux ……………………………………………………………………………. p. 9
Le paludisme en chiffres
Répartition géographique
L’Afrique, continent ravagé par le paludisme
Les plus vulnérables : les enfants et les femmes enceintes
Prévention et traitements ……………………………………………………………… p.12
La prévention
- Vaccination ?
- La prophylaxie
Traitements
Comment faire face à la pharmacorésistance ?
- Artémisinine et combinaison thérapeutique : l’avenir pour le traitement du
paludisme
- Changement des protocoles nationaux
- Des diagnostics encore largement imprécis
Des acteurs de terrain : Action contre la Faim et Plan France …………………… p. 15
Action contre la Faim
Plan France
2
Introduction
Action contre la Faim et Plan France ont décidé de communiquer
ensemble sur le paludisme car cette maladie provoque le décès de trop
nombreux enfants de moins de 5 ans, aggrave la malnutrition et entrave
les projets de développement mis en œuvre.
Les équipes de terrain d’Action contre la Faim et de Plan France luttent
au quotidien contre ce drame.
Ensemble, nous avons l’ambition d’informer l’opinion publique sur cette
maladie évitable et guérissable. Elle mobilise peu la communauté
internationale. Et nous en sommes les témoins !
Il faut dire que, contrairement au SIDA par exemple, le paludisme touche
peu les occidentaux hormis quelques voyageurs imprudents.
Lutter contre ce fléau et alerter l’opinion publique est bien du ressort de
nos associations. Notre mobilisation commune est un cri d’alarme contre
un serial killer qui décime les populations sans grand risque d’être
arrêté !
3
Quelle mobilisation internationale ?
Le défi actuel
On assiste à une augmentation dramatique du nombre de cas de paludisme et
de décès dus à la maladie ces dernières décennies : le nombre de cas est
aujourd'hui 4 fois plus élevé que dans les années 70 et la mortalité a été
multipliée par 3 dans les hôpitaux africains sur la même période.
Trois problèmes majeurs à résoudre pour endiguer le
paludisme
1. la difficulté d’accès aux traitements efficaces et à un coût abordable
Î
une mise en vente des nouveaux traitements par les laboratoires à
un prix raisonnable
Les nouveaux traitements, nécessaires dans les zones de résistance du
parasite, coûtent beaucoup plus cher que les anciens traitements. De
nombreux pays en voie de développement ne disposent pas d’un budget
suffisant, ni les malades de ressources, pour se procurer les nouveaux
traitements préconisés, d’où la nécessité qu’ils soient fournis à un prix
abordable.
De plus, les polythérapies doivent être adaptées à une prise
médicamenteuse facile : comprimés uniques… afin d’en faciliter
l’administration.
Î
la mise en place par les Etats concernés par le paludisme de
nouveaux protocoles au travers de systèmes de santé adéquats
Face à la pharmacorésistance, l’ensemble des Etats concernés doivent
réformer leur politique nationale pour la mise en place de nouveaux
protocoles thérapeutiques. De plus, pour que le paludisme recule, les pays
doivent œuvrer de manière déterminée à la mise en place de systèmes de
santé adéquats (de l’approvisionnement à l’infrastructure de proximité,
ainsi que du personnel qualifié).
Î
des fonds alloués nécessaires pour que cela soit réalisable
Bien que les fonds internationaux consacrés à la lutte contre le paludisme1
augmentent, cela reste insuffisant par rapport aux sommes qui sont
nécessaires pour l’accès à des traitements efficaces. Il serait nécessaire
que la communauté internationale débloque rapidement d’importantes
ressources pour faciliter l’accès aux traitements efficaces pour les
personnes les plus exposées au paludisme.
De plus, une mobilisation internationale s’impose pour demander la mise à
disposition des traitements adaptés à un prix abordable aux laboratoires.
A
f Au moins la moitié des habitants des régions les plus pauvres de l’Afrique n’ont pas
r accès aux médicaments essentiels, y compris aux antipaludiques, à cause de
i l’inadéquation des systèmes de santé.
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1
Notamment le Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme.
4
L’éloignement des établissements de santé, les problèmes de stocks de
médicaments et le manque d’argent pour payer les services sont les raisons les plus
souvent invoquées pour ne pas se rendre dans les établissements de santé
publique. Le traitement antipaludique n’est gratuit que dans cinq pays : Afrique du
Sud, Botswana, Djibouti, Namibie et Swaziland ; c'est pourquoi il reste une lourde
charge financière pour les ménages.
2. l’absence de vaccins
Î
une nécessaire implication accrue de la R&D dans la mise au point
d’un vaccin anti-paludique…
Actuellement, la recherche pour un vaccin antipaludique est peu
fructueuse. On peut s’interroger sur l’existence d’une volonté affirmée dans
ce domaine, la recherche apparaissant comme essentiellement tournée
vers les nouveaux traitements.
Î
…impliquant des fonds internationaux plus conséquents
Ainsi, des fonds complémentaires sont nécessaires pour mener des
recherches de grande ampleur afin de trouver un vaccin qui puisse être
mis à la disposition du plus grand nombre pour éradiquer la maladie.
3. le faible accès à la prévention
Î
peu de connaissances de la population sur la maladie, les modes
de transmission et la prévention
Aujourd’hui, le frein majeur à la prévention est le faible niveau d’information
des populations quant à cette maladie. Il peut être levé par des
programmes d’éducation à la santé adaptés aux contextes locaux.
A
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e
Au Mali, par exemple, une bonne partie de la population continue de
penser que le paludisme est non seulement transmis par le moustique
mais également par certains aliments2. Dans un certain nombre de pays,
les populations attribuent également le paludisme à des phénomènes
naturels (pluies…) ou surnaturels.
Î
peu d’accès aux moustiquaires
Les populations des pays les plus touchés par le paludisme ont un accès
restreint aux moustiquaires, élément essentiel de la prévention car elles
protègent les populations -en particulier les enfants les plus vulnérables-.
2
Etude menée avec l’USAID en janvier / février 2002.
5
” Action contre la Faim – Timor Oriental
Action contre la Faim et Plan France demandent conjointement à la
Communauté Internationale :
Î de se mobiliser directement en augmentant sa contribution financière : afin
de soutenir la recherche de nouveaux vaccins et traitements, l’approvisionnement en
médicaments des populations concernées et des programmes de prévention
adaptés,
Î de permettre un accès universel aux nouveaux traitements du paludisme
- à un prix abordable - et aux biens nécessaires à sa prévention tels les
moustiquaires imprégnées d’insecticide,
Î de soutenir le développement de politiques de santé adaptées pour
permettre une prise en charge efficace du paludisme et, de manière générale, un
accès à des soins de qualité pour tous,
Î de créer une Journée Mondiale de Lutte contre le Paludisme afin
d’encourager une mobilisation et des initiatives dans tous les continents et pas
seulement en Afrique.
Pour leur part, les Etats concernés doivent s’engager dans une mobilisation
accrue contre la paludisme pour leurs populations tant par l’application des
nouveaux protocoles nationaux au travers de systèmes de santé adaptés que par
des mesures d’assainissement (entretien des mares et plans d’eau, comblement
des marécages…).
6
Le paludisme
Qu'est-ce que le paludisme ?
Le paludisme est la plus importante et la plus répandue des maladies parasitaires
tropicales.
A l'origine, on pensait que cette maladie provenait des zones marécageuses, d'où le
nom de paludisme dérivé du mot ancien ‘palud’ signifiant marais. En 1880, les
scientifiques ont découvert la véritable cause du paludisme : un parasite
unicellulaire microscopique, le plasmodium.
Les modes de transmission
Le parasite est le plus souvent transmis par les piqûres nocturnes d'un
moustique : l’Anophèle femelle, qui a besoin de sang pour nourrir ses œufs.
La contamination de la mère au fœtus est également possible, bien que rare, ainsi
que lors d'une greffe ou d'une transfusion sanguine.
Une maladie a-priori anodine aux conséquences graves
Les 4 espèces de parasites spécifiquement humains, dont la pathogénie et
l'évolution sont différentes (plasmodium vivax, plasmodium malariae, plasmodium
ovale et plasmodium falciparum) entraînent des symptômes de type grippal (accès
de fièvre, céphalées…) ainsi que des troubles digestifs et l’augmentation du volume
de la rate.
Le parasite plasmodium falciparum, le plus pathogène, est le seul à pouvoir
entraîner la mort du patient en contaminant et détruisant les globules rouges
(anémie) et en obstruant les capillaires qui véhiculent le sang jusqu'aux organes
vitaux et notamment au cerveau (paludisme cérébral). Ces atteintes cérébrales
peuvent entraîner un coma mortel, en particulier chez les jeunes enfants vivant en
zone d'endémie.
Cette forme de paludisme est très répandue en Afrique subsaharienne où le taux
de mortalité est extrêmement élevé. Des signes inquiétants témoignent de
l'extension de cette forme de paludisme à de nouvelles régions et de sa
résurgence dans des zones où il avait été éliminé.
Après une période d’incubation de 7 à 21 jours environ, les premiers symptômes
apparaissent (fièvre modérée, troubles digestifs). Progressivement, la maladie
évolue en poussées de fièvre composées de 3 phases : des frissons pendant
plusieurs heures, suivis de bouffées de chaleur pendant 3 ou 4 heures (température
s'élevant à plus de 40°C, entraînant notamment des maux de tête), puis des sueurs
qui annoncent la fin de l'accès palustre.
Cependant, les symptômes sont généralement moins nets dans un accès dû à
plasmodium falciparum.
La maladie peut dans certains cas évoluer favorablement de manière spontanée
avec, progressivement, l'espacement et l'atténuation des accès de fièvre.
Plus fréquemment, et tout particulièrement chez les jeunes enfants vivant en
zone d'endémie, l'évolution peut entraîner diverses complications dont la plus
grave est l'atteinte cérébrale (le neuropaludisme est un coma qui, sans traitement
précoce, devient mortel). Cette dernière est toujours dû à plasmodium falciparum et
7
atteint en priorité les sujets fragiles c’est-à-dire les enfants de 3 mois à 5 ans et
les femmes enceintes.
Le diagnostic
Le diagnostic de la maladie est facile à réaliser : un examen en laboratoire d'une
seule goutte de sang suffit. Depuis quelques années, un test encore plus simple,
appelé "paracheck", permet de confirmer ou d'infirmer l'infection en quelques minutes
sans avoir recours à un laboratoire.
Le cycle de développement du paludisme dans l’organisme
Lors d’une piqûre de moustique, des centaines de parasites sont injectés dans le
sang. Dans l'organisme humain, les plasmodium gagnent le foie où ils commencent à
se multiplier intensément, puis les parasites passent dans le sang, début d’un cycle
de multiplication dans les globules rouges.
Les agents parasitaires, les plasmodium, se développent et se reproduisent par
multiplication asexuée à l'intérieur des globules rouges qui, en éclatant, entraînent la
contamination d'autres globules rouges. Les parasites évoluent rapidement de façon
synchrone, si bien que les globules rouges parasités éclatent en même temps
libérant ainsi les parasites qu'ils contenaient.
Après plusieurs cycles de démultiplication dans le sang humain, les plasmodium
peuvent donner naissance à des formes sexuées. En aspirant des micro-quantités de
sang humain contaminé, les moustiques-vecteurs multiplient dans leur estomac le
parasite pour donner naissance à des formes infectantes de la maladie. Celles-ci
sont alors transmises à un autre sujet à l'occasion d'un nouveau repas de sang. Et
ainsi de suite.
8
Etat des lieux
Le paludisme en chiffres3
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Le paludisme tue entre 1 et 2,5 millions de personnes par an.
Le paludisme tue 1 enfant toutes les 30 secondes et plus de 700.000
enfants de moins de cinq ans succomberont cette année. Chaque fois que
vous prononcez le mot "paludisme", 10 enfants contractent la maladie.
Le paludisme est la 4ème cause de mortalité chez l'enfant… devant le sida.
Chaque année, près de 300 millions de personnes sont à un stade avancé de
paludisme.
Les bébés nés de mères atteintes de paludisme souffrent plus souvent
d'insuffisance pondérale, premier facteur de risque de décès dans les
premiers mois de la vie. Ceux qui survivent présentent des risques de retard
de développement.
40% de la population mondiale vit dans des zones impaludées.
9 cas de paludisme sur 10 surviennent en Afrique subsaharienne.
Répartition géographique
Globalement, le paludisme sévit dans les diverses zones intertropicales, à
l'exception des zones désertiques ou de hautes montagnes. De plus, en dehors des
facteurs géographiques ou climatiques, la fréquence de la maladie est
essentiellement liée à la présence de moustiques vecteurs. Du fait des variations
tant au niveau du parasite que du moustique vecteur, l’intensité de l’affection varie
sur la planète. Leurs caractéristiques expliquent la fréquence et l'intensité du
paludisme en Afrique intertropicale et dans certaines zones du bassin amazonien.
En revanche, l'intensité de la transmission est moins importante dans d'autres zones
intertropicales et notamment en Asie du sud-est.
Légende : les zones foncées correspondent aux zones impaludées.
Source : Association Club Palu
Les carences des systèmes de santé, les résistances aux traitements, les
mouvements de population, la dégradation de l'hygiène publique, les changements
climatiques et les activités de développement incontrôlées contribuent à la
progression du paludisme.
3
Sources OMS.
9
En France, chaque année plus de 5 000 cas de paludisme sont importés par
voyageurs ayant séjourné en zone d'endémie et qui n'ont, le plus souvent,
aucune précaution particulière. Plusieurs centaines de ces malades présentent
formes graves, génératrices de diverses séquelles. On déplore annuellement
moyenne de 20 décès consécutifs à ces paludismes importés.
des
pris
des
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L’Afrique, continent ravagé par le paludisme4
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-
Environ 90% des décès liés au paludisme surviennent en Afrique.
Plus de 75% des victimes sont des enfants de moins de 5 ans : 1 décès d’enfant
sur 5 décès est imputable au paludisme.
Le paludisme représente 10% de la charge totale de morbidité du continent.
Le paludisme engloutit 40% des dépenses de santé publique, représente entre 30
et 50% des admissions dans les hôpitaux et de pas moins de 50% des
consultations externes dans les zones de forte transmission.
Plus de 12 milliards de dollars de perte annuelle de PIB sont dus au paludisme en
Afrique : la maladie fait sérieusement obstacle au développement économique et
social.
Pourquoi le paludisme affecte-t-il particulièrement l'Afrique ?
Î
La plupart des cas en Afrique subsaharienne sont dus à plasmodium falciparum,
la forme la plus grave et mortelle de la maladie.
Î
Pour cette raison notamment, la résistance aux médicaments antipaludiques
est de plus en plus fréquente.
Î
De nombreux pays d'Afrique sont en outre privés des infrastructures et des
ressources nécessaires pour organiser une prise en charge du paludisme,
de la prévention au traitement.
Î
A cela s’ajoute un certain nombre de facteurs aggravants : pauvreté répandue,
troubles civils…, qui expliquent que la mortalité provoquée par le paludisme
continue à progresser en Afrique.
En Afrique aujourd'hui, le paludisme est à la fois une maladie de la pauvreté et
une cause de pauvreté. Le paludisme affecte aussi directement les ressources
humaines en Afrique. Outre les vies perdues et la baisse de productivité due à la
maladie et aux décès prématurés, le paludisme entrave également la scolarité des
enfants et le développement social en raison de l'absentéisme et des atteintes
neurologiques permanentes et autres conséquences des accès graves de cette
maladie.
Les plus vulnérables : les enfants et les femmes enceintes
- chez l’enfant
Plus de 40 % des enfants de la planète vivent dans des pays où le paludisme est
endémique, et cette maladie tue 1 enfant toutes les 30 secondes. Ainsi, plus de
700.000 enfants de moins de cinq ans succomberont inutilement cette année encore.
Les graves conséquences du paludisme sur le développement et la santé de
l’enfant sont souvent sous-estimées et ne sont pas correctement prises en charge.
L’anémie, l’insuffisance pondérale à la naissance, l’épilepsie et les problèmes
4
Source : Rapport sur le paludisme en Afrique 2003, OMS / UNICEF, 2003.
10
neurologiques, conséquences fréquentes du paludisme, compromettent la santé et
le développement de plusieurs millions d’enfants dans les pays tropicaux.
Pourtant, l’impact du paludisme sur les enfants pourrait être atténué au niveau
mondial en intervenant avec des moyens dont nous disposons déjà.
Le paludisme pendant la grossesse se solde par une insuffisance pondérale à la
naissance et des accouchements avant terme, deux problèmes associés à un
risque accru de décès néonatal et de retard du développement cognitif. Dans de
nombreux pays en développement, les soins administrés aux bébés nés avec un
petit poids sont insuffisants, et l’hypoglycémie (problème courant chez ces bébés)
peut provoquer des lésions cérébrales si elle n’est pas traitée.
Dans des zones de transmission élevée et modérée (stable) du paludisme, le
paludisme serait responsable de 8 à 14 % de tous les cas de faible poids de
naissance et de 3 à 8 % de tous les décès de nourrissons.
Près de 7 % des enfants qui survivent à un paludisme cérébral souffrent de
problèmes neurologiques pendant le reste de leur vie : faiblesse, cécité, troubles
de l’élocution et épilepsie, compromettant leurs chances de mener plus tard une vie
autonome. Par ailleurs, certains enfants qui semblaient remis sur le plan
neurologique d’un paludisme cérébral souffrent de problèmes cognitifs graves
(troubles de l’attention, difficultés à entreprendre des tâches, troubles de l’élocution
et du langage).
Bien que d'autres facteurs (carences nutritionnelles, VIH…) prédisposent les enfants
à l’anémie, les recherches indiquent que, dans les pays où le paludisme est
endémique, il est l’un des facteurs les plus importants. Selon les estimations,
l’anémie pernicieuse due au paludisme provoque entre 190 000 et 974 000 décès
d’enfants de moins de 5 ans par an.
- chez la femme enceinte
Dans la plupart des zones d’endémie, les femmes enceintes représentent le principal
groupe d’adultes exposé à la maladie du fait de la diminution de leurs défenses
immunitaires et leur risque accru d’anémie. Chaque année, on recense environ 30
millions de grossesses chez des femmes vivant dans des régions impaludées
d’Afrique.
La mortalité maternelle peut découler soit directement du paludisme (forme grave),
soit indirectement d’une grave anémie liée au paludisme. En outre, l’infection
palustre peut entraîner d’autres conséquences : avortement spontané, décès
néonatal…
Ainsi, dans des zones de transmission faible du paludisme où il n’y a pas
d’acquisition d’immunité, les femmes enceintes risquent 2 ou 3 fois plus de
développer une maladie grave découlant de l’infection palustre que les femmes
adultes non enceintes vivant dans la même zone. Et dans des zones de transmission
élevée et modérée du paludisme, le paludisme serait responsable de 10 000
décès maternels par an.
Malgré le tribut que prélève le paludisme chez les femmes enceintes et leurs enfants,
ce problème est encore relativement négligé, sachant que moins de 5 % des femmes
enceintes ont accès à des interventions efficaces.
Le paludisme survient le plus souvent sur fond de malnutrition chronique, et frappe
les populations affaiblies par la pénurie alimentaire.
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Prévention et traitements
Prévention
Vaccination ?
Différents essais de vaccinations sont conduits dans plusieurs laboratoires
spécialisés. Ces recherches sont difficiles et, à plusieurs reprises, des résultats
préliminaires qui semblaient prometteurs n'ont pas été confirmés. En théorie, il
apparaît possible de trouver un ou plusieurs vaccins contre le paludisme.
Cependant, personne ne peut dire sérieusement quand des vaccins seront
disponibles; seule certitude, rien ne sera accessible avant mais au moins 10 ans.
Quelles seront leur efficacité et la durée de la protection qu'ils entraîneront ? De plus,
quelle serait la capacité à rendre disponibles ces vaccins pour tous, tant sur le plan
de l’approvisionnement que financièrement ?
La prophylaxie
La prévention du paludisme repose sur deux types de mesures :
- La prise préventive du traitement, ou chimioprophylaxie, ne concerne en pratique
que les expatriés ou les voyageurs. Le type de chimioprophylaxie est lié à
l'existence locale de résistances aux divers antipaludiques ainsi qu’à la durée,
conditions du séjour, âge des patients (un grand nombre d'antipaludiques sont contre
indiqués chez les jeunes enfants), l'existence d'une grossesse éventuelle, etc. Cette
prescription médicamenteuse relève donc d'une consultation personnalisée, par des
médecins spécialistes, et exclut toute " formule passe partout ". Il faut souligner que
la chimioprophylaxie, quelle qu'elle soit, n'assure pas une protection infaillible contre
le paludisme.
La prophylaxie non seulement à cause de son coût mais essentiellement comptetenu de l’impossibilité de prendre un traitement préventif à vie concerne uniquement
les personnes résidant pour une courte période dans les zones impaludées.
- Un ensemble de précautions visant à limiter les risques de transmission consiste
essentiellement en la protection contre les piqûres d'anophèles infectants. Comme
ces insectes sont essentiellement nocturnes, cette protection fait appel à différents
répulsifs, à l'utilisation de plaquettes insecticides à combustion lente ou, surtout, à
l'utilisation de moustiquaires qui doivent être imprégnées d'insecticides. Cette
dernière mesure est, à bien des égards, l'une des plus efficaces. L’ensemble de ces
mesures nécessite en parallèle un travail d’éducation à la santé pour sensibiliser la
population à ces mesures préventives.
” Action contre la Faim – Timor Oriental
12
La prévention consiste également à lutter contre les anophèles vecteurs en agissant
contre les larves par des projets d’assainissement : comblement des marais, des
mares, drainage des plans d’eau avec assèchement et mise en culture, pulvérisation
de produits larvicides, lutte biologique avec des poissons qui mangent les larves ou
contre les adultes par pulvérisation d’insecticides, débroussaillements.
Traitements
Le traitement du paludisme fait appel à différents médicaments : les
antipaludiques,
qui
possèdent
des
mécanismes
d'action
différents.
Malheureusement, au fil des années et en partie à cause d'une mauvaise utilisation
des médicaments sur le terrain, des résistances aux antipaludiques sont
apparues rendant inefficaces certains traitements et augmentant la mortalité.
De nouveaux traitements efficaces ont été mis au point mais ne sont pas encore
largement distribués et restent en général peu abordables.
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La chloroquine, le moins cher et le plus largement disponible des médicaments
antipaludiques, a ainsi perdu son efficacité clinique dans la plus grande partie de
l’Afrique, avec pour conséquence une augmentation de mortalité. La résistance à
plasmodium falciparum aux autres médicaments les plus abordables, commence
aussi à poser problème dans l’est et dans le sud de l’Afrique.
De plus, la résistance à la sulfadoxine-pyrimethamine (Fansidar), souvent considérée
comme le premier substitut à la chloroquine progresse également en Afrique
orientale et australe.
Cette évolution oblige de nombreux pays à modifier leur politique thérapeutique et à
utiliser des médicaments plus chers, y compris des associations médicamenteuses,
dont on espère qu'ils ralentiront l'apparition d'une résistance.
Comment faire face à la pharmacorésistance ?
L'un des principaux problèmes que pose la lutte antipaludique en Afrique est la
pharmacorésistance.
Artémisinine et combinaison thérapeutique : l’avenir pour le traitement
du paludisme
L’utilisation récente de dérivés d’artémisinine (une plante médicinale chinoise) en
association avec une seconde molécule permet de renforcer l’efficacité clinique du
traitement et semble prévenir l’apparition de résistances chez le parasite.
Cette association de produits aux modes d’action différents présente de réels
avantages : elle réduit la durée des symptômes et la transmission en cas d’épidémie
de paludisme…
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L'établissement en 1998 du partenariat mondial Faire reculer le paludisme (FRP) a
incité les dirigeants africains à prendre davantage de mesures contre le paludisme.
Deux ans plus tard, les chefs d'Etat africains et leurs représentants réunis à Abuja
s’engageaient à réduire de moitié avant 2010 la charge de morbidité et de mortalité
due au paludisme, par le biais d’une stratégie concertée de lutte antipaludique dans
toute l'Afrique. Depuis lors, des mesures ont été prises : une vingtaine de pays a
abaissé ou supprimé les taxes et droits de douane sur les moustiquaires imprégnées
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d’insecticide afin de les rendre abordables ; plus de la moitié des pays d’Afrique où le
paludisme est endémique se sont dotés de « plans stratégiques de pays »5.
Cependant, il apparaît que seulement 20% des fonds nécessaires à la réalisation de
cet engagement seront disponibles dans les pays concernés, nécessitant la
mobilisation de ressources complémentaires (bailleurs de fonds, plans d'allégement
de la dette, Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme,
etc.).
- Changement des protocoles nationaux
Ainsi, chaque pays doit définir le traitement prioritaire à utiliser et modifier ses
protocoles nationaux de manière adéquate. Cependant, l’importance variable de la
pharmacorésistance suivant les zones dans un même pays rend difficile cette
réforme.
De plus, sa mise en place engendre des coûts considérables : des sommes
importantes doivent être injectées afin de financer l’achat des médicaments
nécessaires, l’approvisionnement et la formation des personnels soignants à
l’utilisation de ces nouveaux traitements.
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La pharmacorésistance a incité plusieurs pays d’Afrique orientale, australe et
centrale à revoir leurs directives thérapeutiques, en moyenne ces pays ont mis 18
mois pour passer d’un consensus à une mise en œuvre complète de la politique.
Ce délai a été en partie consacré à l’obtention d’un soutien politique et financier, à la
formation des prestataires de soins de santé et à la sensibilisation de la population,
cette dernière étant indispensable au succès de la nouvelle politique.
- Des diagnostics encore largement imprécis
A l’heure actuelle, les diagnostics sont encore trop souvent réalisés sur la base
d’interprétation de symptômes peu spécifiques (syndrome grippal, troubles
digestifs…) entraînant des erreurs de diagnostic. Ce manque de précision a pour
conséquence la mise sous traitement de personnes non impaludées, ce qui renforce
les résistances aux traitements.
Afin d’éviter ce problème, les diagnostics devraient être systématiquement
établis sur la base d’examen de sang (laboratoire ou tests de détection rapide).
5
Accès au traitement / promotion des moustiquaires imprégnées d'insecticide et amélioration de la lutte
antivectorielle / prévention et traitement du paludisme chez les femmes enceintes / amélioration de la prévention
des épidémies de paludisme et du paludisme dans les situations d'urgence complexes.
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Des acteurs de terrain :
Action contre la Faim & Plan France
Action contre la Faim
Maladie de la pauvreté, le paludisme touche les populations les plus vulnérables et
notamment les populations atteintes de malnutrition sévère et particulièrement
exposées à la maladie du fait du déficit immunitaire qui accompagne leur état
nutritionnel.
Action contre la Faim est donc engagée dans la lutte contre la maladie, tant sur le
plan de la prévention que sur le plan de l'accès aux traitements, au travers des
programmes menés dans ses pays d'intervention.
Prévention
- Sessions d'éducation à la santé :
Durant leur séjour dans un centre nutritionnel ou dans un centre médical, les familles
des bénéficiaires suivent des sessions d'éducation à la santé où leur sont expliqués
les modes de transmission de la maladie, comment s'en protéger et en reconnaître
les signes précoces.
Les distributions alimentaires auprès des populations constituent également une
occasion de sensibiliser les populations en organisant ces sessions d'éducation.
De plus, dans les zones où Action contre la Faim soutient des programmes, des
équipes de visiteurs à domicile passent dans les villages pour informer les
populations sur la maladie et les moyens de s’en protéger.
- Distribution de moustiquaires :
Action contre la Faim met en place, au sein de ses différents centres, des
distributions de moustiquaires, éléments essentiels de la prévention du paludisme et
bon relais aux sessions d’éducation à la santé.
Ces distributions permettent de réduire l'exposition des patients au risque d'infection
lorsqu'ils quittent le centre.
- Programmes eau et assainissement :
Action contre la Faim intègre la lutte contre les moustiques-vecteurs dans ses
sessions de promotion à l'hygiène visant à faire prendre conscience aux populations
de la nécessité d'entretenir les plans d'eau et d'éviter que des mares se forment aux
alentours des habitations.
De plus, Action contre la Faim met en place des programmes d’eau et
assainissement afin de réduire les risques de stagnation de l'eau (comblement des
marais, des mares, drainage des points d’eau,…)
Accès aux traitements
Face au problème grandissant des résistances au traitement, Action contre la Faim a
introduit la combinaison thérapeutique à base d’artémisinine dans ses protocoles de
traitement du paludisme dans les zones de résistance, ainsi que la confirmation
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systématique des cas de paludisme par un examen de laboratoire (ou test de
détection rapide). Ces nouveaux traitements sont introduits progressivement en
fonction des contraintes du pays d’intervention et de la situation. Action contre la
Faim s’associe par ailleurs aux autres ONG pour faire pression sur les
gouvernements qui tardent à introduire ces nouveaux traitements dans leur politique
nationale.
- Dans les centres de nutrition thérapeutiques :
Dans ces centres où nos équipes prennent en charge les enfants atteints de
malnutrition sévère, un traitement systématique contre le paludisme est administré
pour éviter son développement et ses complications particulièrement graves dans le
contexte de malnutrition.
- Dans les centres médicaux :
En Afrique et en Asie, dans les centres médicaux qu'Action contre la Faim soutient,
le paludisme est l'une des principales causes de consultation. Les patients de nos
centres reçoivent un examen clinique : si le paludisme est évoqué et le diagnostic
confirmé par un laboratoire soutenu par Action contre la Faim, un traitement adapté
est alors fourni aux malades. Chaque année, des dizaines de milliers de cas sont
ainsi traités.
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Plan France
Organisation non gouvernementale humanitaire et internationale, libre de toute
affiliation politique ou religieuse, consultant auprès du Conseil Economique et Social
des Nations-Unies, Plan travaille aujourd’hui dans 45 pays dans le monde.
L’ensemble des programmes de Plan prend en compte la lutte contre la paludisme et
sur les 1.3 million d’enfants parrainés, 800 000 enfants bénéficient déjà de 400 000
moustiquaires. Plan France a déjà financé 20 000 moustiquaires au Sénégal, Mali,
Niger, Népal, etc. qui bénéficient à 40 000 enfants.
Une moustiquaire revient à environ 7,5 euros et leur attribution est indispensable si
l’on veut réduire le nombre de décès chez les enfants de moins de 5 ans.
Sensibilisation des populations mal informées
Le travail de Plan consiste à faire connaître l’origine du paludisme, d’une part, et à
encourager les populations à utiliser des moustiquaires toute l’année (et pas
seulement en période de pluie) d’autre part.
Pour se faire, tout au long de l’année, Plan met en place des « séances
théâtrales interactives » avec des acteurs issus des communautés. Lors de ces
séances, un moustique géant attaque deux enfants, l’un n’a pas de moustiquaire
alors que l’autre en a une. En même temps que se déroulent ces séances, un acteur
revêt l’habit d’une figure traditionnelle et pose des questions à l’assistance.
L’attribution d’une moustiquaire demande également une sensibilisation en amont. Il
s’agit de faire prendre conscience aux familles du problème du paludisme chez les
jeunes enfants à travers des séances théâtrales, des réunions de groupes avec les
mères de famille, des démonstrations diverses mais surtout de leur apprendre la
manipulation du produit qui permet de ré-imprégner les moustiquaires. Plan forme
également des groupes communautaires aux méthodes de ré-imprégnation.
” Plan France
Assainissement du cadre de vie
L’environnement est un facteur fondamental dans la propagation du paludisme. Plan
mène un travail de sensibilisation aux questions d’hygiène et de propreté. Il faut par
exemple faire prendre conscience aux populations de l’importance d’entretenir les
mares et autres plans d’eau, mais aussi qu’il faut éviter que des mares se forment
autour des maisons…
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Prise en charge précoce et efficace des malades
Il est important de diagnostiquer la maladie rapidement pour pouvoir la traiter
efficacement. Pour cela, au Mali, Plan équipe les centres de santé, les renforce en
formant du personnel. L’ONG veille aussi à ce que le personnel de santé garde un
bon niveau de connaissances. Plan a également mis en place un programme de
prise en charge intégrée qui consiste à prendre en charge de façon globale les
problèmes sanitaires de l’enfant.
En 2001, au Mali, Plan a formé 4 médecins, 9 infirmières communautaires, 10
formateurs nationaux et environ 50 agents de santé travaillant pour des ONG locales.
L’exemple du Niger
Au Niger, où Plan est présent depuis 1998, plus de 850 000 cas de paludisme sont
déclarés chaque année. Par conséquent, la lutte contre le paludisme constitue une
priorité pour Plan dans ce pays. Ainsi, Plan s’est fixé comme objectif que 80% des
ménages des communautés bénéficiaires du programme de lutte soit doté d’au
moins 2 moustiquaires imprégnées.
Dosso est la région la plus pauvre du Niger, c’est ici que Plan a mis en place un
réseau de 16 « cases de santé » qui sont gérées par les communautés et par un
agent communautaire volontaire, formé préalablement par Plan.
Depuis juin 2002, Plan mène une campagne de sensibilisation. La distribution de
moustiquaires a, quant à elle, débuté il y a 4 ans. Chaque moustiquaire est vendue
0,30 euros qui vont servir à financer les cases de santé. A chaque fois que Plan
« vend » une moustiquaire, un contrat est passé avec la famille qui s’engage alors à
ne pas revendre la moustiquaire. Le comité local villageois veille à ce que cet
engagement soit respecté. Vendre les moustiquaires à un prix dérisoire et passer un
contrat moral avec les familles permet de les responsabiliser.
Ainsi, Plan :
- développe un partenariat avec les communautés bénéficiaires et les services
de santé de la région de Dosso ;
- vulgarise les moustiquaires imprégnées ;
- intègre le programme de lutte aux activités scolaires (par la formation des
enseignants, des comités scolaires) et aux activités hydrauliques (avec le
développement des thèmes "hygiène" et "assainissements des milieux") ;
- développe les capacités des communautés à mener les activités
d’imprégnation par elles-mêmes ;
- met en place un système continu d’imprégnation des moustiquaires dans les
communautés.
Concernant la prise en charge des malades, le Niger est privilégié puisque les
traitements à base de Chloroquine fonctionnent toujours. De plus, ces traitements
sont financièrement accessibles. Enfin dans la région de Dosso, il existe 3 centres de
santé intégrés, mais seulement 30% de la population de cette région y a accès.
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