L`effet débutant - Starting Strength

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L`effet débutant - Starting Strength
Starting Strength
L’effet débutant
par
Mark Rippetoe
Nous avons un membre, au WFAC[1], qui a pris 25kg en 11 semaines. Je ne me fous pas
de vous. Zach Evetts est venu nous voir pour la première fois fin août 2009, et le 12 novembre de la
même année, quand je l’ai pesé et mesuré sa masse grasse, il avait gagné un total de 25kg de poids de
corps, dont un peu plus de 14kg de masse maigre. Cela revient à un gain de masse maigre de 1,3kg par
semaine, soit approximativement le taux de croissance qu’on peut rencontrer chez des jeunes animaux
de ferme. Les jeunes porcs grossissent à peu près autant, et pas mal de gens gagnent leur vie en élevant
des jeunes porcs.
Non, Zach n’a pas pris, et ne prend toujours pas, de stéroïdes ; en fait, c’est un étudiant
complètement fauché qui peut à peine se permettre ses 4 litres de lait par jour. Et oui, il a gagné presque
11kg de graisse, qui sont assez peu visibles, et qui pourront être perdus facilement si cela devient
problématique. L’important est que 60% de son gain de poids était du muscle, et qu’il est bien plus
facile pour un jeune homme athlétique de perdre de la graisse que de gagner du muscle, en tout cas ça
l’est quand on suit l’approche conventionnelle du modèle actuel du bodybuilding.
Son squat a progressé de 66kg x 5 x 3 à 145kg x 5 x 3 [2]durant le même laps de temps. C’est
un point extrêmement important, puisque c’est là que repose la raison de sa croissance. Zach est venu à
la salle trois fois par semaine, n’a raté aucune séance, et a ajouté d’abord 4,5kg à ses trois séries de travail
à chaque fois les deux premières semaines, et ensuite 2,2kg à chaque séance jusqu’à ce qu’il ralentisse
aux alentours de 143kg. Il a pris plus de 6000kcal par jour, en comptant les 4 litres de lait entier, en
récupérant ainsi de son entraînement, et en en laissant assez pour la croissance de ses muscles. Il a
donné à son corps une bonne raison de grossir, et il lui a donné les moyens de le faire. L’entraînement
a provoqué la croissance, et en retour la croissance a permis de prendre plus lourd aux entraînements.
La dernière fois que je l’ai vu, Zach pesait aux alentours de 100kg et squattait 152kg x 5 x 3.
Ce n’est pas un cas isolé, mais plutôt un exemple typique d’un bon programme, et d’un bon
programme bien suivi. Cliff Swanson, un garçon un peu plus vieux, a gagné 20kg en 12 semaines
à 27 ans, avec des gains comparables en terme de masse maigre et grasse. Aucun de ces deux jeunes
hommes ne se souciait particulièrement des gains de masse grasse, et tous les deux ont été satisfaits de
l’augmentation de leur force. Nous pouvons citer plusieurs autres personnes cette année ayant pris du
poids, des muscles et de la force de manière impressionnante, et ma salle travaille depuis longtemps
[1] NdT : Wichita Falls Athletic Club, la salle de Mark Rippetoe
[2] NdT : 3 séries de 5 répétitions
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avec de jeunes hommes qui sont devenus plus massifs et plus forts au début de leur entraînement.
En fait, ce que Zach a fait d’important, c’est qu’il a contredit ce que la plupart des professionnels ont
appris : le dogme selon lequel les premiers mois de progression en force sont principalement dus à
une meilleure efficacité neuromusculaire. C’est peut-être vrai de la plupart des gens qui suivent un
programme périodique « à l’efficacité prouvée », conçu par les spécialistes certifiés force et condition
physique de la NSCA [3], mais ce n’est pas vrai ici. Ce qui est important, c’est que, avec assez de repos
et un apport calorique et en protéines suffisant, cette progression peut être continuée sur plusieurs
mois, avec des résultants surprenants, tant au niveau de la masse musculaire que de la force.
Zach est un exemple frappant de ce qui peut arriver à un jeune adulte typique de 20 ans qui est
prêt à grossir. Bryan Fox, un autre de nos jeunes membres, est un exemple de ce qui peut arriver à un
jeune adulte doué génétiquement quand il commence une progression linéaire. Bryan a commencé le
programme le 12 août, il pesait 92kg et squattait 166kg x 5 x 3 en n’ayant jamais effectué une progression
linéaire de débutant. Aujourd’hui (le 29 décembre), il a squatté 234kg x 5 x 3, pour un poids de corps de
98kg (il prétend avoir perdu de la masse grasse, je ne l’ai pas mesuré). L’appellation « débutant », comme
nous l’avons déjà dit plusieurs fois, n’a strictement rien à voir avec votre niveau en force, c’est plutôt où
vous en êtes par rapport à la limite
de votre capacité d’adaptation
qui compte : voir Practical
Programming for Strength Training
(PPST2, The Aasgaard Company,
2009) pour plus d’informations.
Je dois au regard aiguisé de Justin
Lascek, mon associé au WFAC,
d’avoir remarqué que Bryan
pouvait encore bénéficier d’un
programme pour débutants ; ce
n’était pas évident pour un athlète
qui ne rentrait pas dans le moule
du débutant classique comme
Zach. Il est important de noter que
Bryan ne squattait que deux fois
par semaine durant sa progression
linéaire en force, alors qu’il avait
deux séances d’haltérophilie et
deux entraînements de foot US
par semaine en plus, ce qui n’est
pas une approche typique pour
un débutant, mais plutôt une
approche adaptée à sa volonté
d’être compétitif dans ces deux
Figure 1. Le taux de progression en force au cours d’une carrière. Notez la
sports, tout en tirant le maximum partie pentue, caractéristique de la période « débutant » ; ce sont les gains les
de son potentiel de force encore plus rapides qu’un athlète pourra rencontrer dans sa vie, quelle que soit la
inexploré.
qualité de son programme. Meilleur est le programme, meilleurs seront les
résultats
[3] NdT : National Strength and Conditioning Association, association mondiale de coach fitness et force, puissante aux USA
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Tous les jours sur mon forum, je lis des posts de gens qui prétendent avoir suivi mon programme,
mais qui se plaignent de ne pas avoir pris de poids ou de ne pas progresser en force. Voilà le truc : si au
bout de trois semaines (plus généralement deux), vous n’avez pas pris 4,5kg, je sais que vous ne suivez
pas le programme correctement, et c’est vrai pour tous les hommes de moins de 40 ans qui ne se sont
jamais entraînés avant. La raison pour laquelle c’est vrai est le phénomène appelé l’« effet débutant »
dans PPST2, et qui est étudié en profondeur dans ce livre.
L’effet débutant peut être défini simplement comme ce qui arrive quand une personne qui ne
s’est jamais entraînée auparavant commence à soulever des poids : il devient plus fort très rapidement
au début, et progresse de plus en plus lentement au fur et à mesure qu’il devient plus fort. Ce n’est
rien d’autre que le principe souvent observé des rendements décroissants, appliqué à la physiologie
adaptative. PPST2 décrit de manière détaillée la progression réelle pendant la phase « débutant », donc
je ne m’étendrai pas ici. Le but de cet article est d’explorer les implications du caractère systématique
de ce phénomène quand le programme d’entraînement le permet, et du fait que même si celui-ci ne le
permet pas, ce phénomène a toujours le potentiel de se produire.
La première chose dont nous devons nous occuper : la force est la base de toute capacité
athlétique. Si vous êtes un bon athlète, vous êtes plus fort qu’un athlète moins bon que vous. Si vous
voulez devenir un meilleur athlète, devenez plus fort. Si vous êtes déjà très fort, alors il y a de la place
dans votre entraînement pour développer d’autres aspects de la performance. Mais il y a une forte
probabilité que vous ne soyez pas fort à ce point, puisque la plupart des gens ne le sont pas. Vous pensez
peut-être être très fort, mais en réalité, vous savez que vous pouvez devenir plus fort, non ? Bien sûr
que oui. Vous avez peut-être convaincu tous les autres que vous êtes assez fort, peut-être en êtes-vous
convaincu vous-même. Cette attitude n’est pas constructive, puisque si vous pouvez devenir plus fort
il faut le faire, et peut-être que c’est le manque de force qui vous empêche d’atteindre le niveau de
performance que vous savez devoir atteindre. Si vous ne progressez plus, et que ça fait un moment que
c’est le cas, devenez plus fort et voyez ce qui se passe. Ca marche à chaque fois, et c’est pour ça que je
sais que c’est vrai.
Vous dites que vous êtes un coureur, et que vous n’avez pas besoin d’être fort. Devenez plus fort
et observez les effets sur vos chronos. Ou vous jouez au tennis ; devenez plus fort et regardez votre jeu
s’améliorer. Même dans les sports qui ne nécessitent pas a priori de la force, les athlètes les plus forts
sont meilleurs. Vous n’aimez peut-être pas ça parce que ça dévalue vos capacités chèrement acquises
grâce à votre précieuse Bosu-Ball et votre training fonctionnel, mais n’importe quel athlète qui suit
un programme simple de force avec une barre et des poids et qui s’améliore au squat, au développé
militaire ou au soulevé de terre deviendra meilleur dans son sport que si vous lui faites faire des
développés assis unilatéraux sur une Swiss Ball avec des haltères de 2kg.
Vous pouvez prendre de la force continuellement pendant des années, alors que vous ne
pourrez améliorer vos capacités neuro-musculaires que pendant beaucoup moins longtemps, parce
que l’adaptation nécessaire pour augmenter sa force implique plus que des adaptations neurales. Votre
système musculo-squelettique s’adapte joyeusement au stress pendant toute la vie de l’organisme. La
croissance musculaire ralentit au fur et à mesure que vous approchez de votre potentiel génétique, mais
la force peut continuer à se développer tout au long de votre vie si votre entraînement est orienté dans
ce sens. Ce phénomène peut expliquer la « force de papa », ainsi que le nombre de records Open battus
par des powerlifters vétérans. Il est de plus reconnu que la carrière d’un powerlifter est à son apogée
entre 35 et 40 ans, au bout de 15 à 20 ans de pratique.
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Etant donnée l’importance de la force, la manière la plus efficace de la développer est aussi la
manière la plus efficace pour améliorer la performance des athlètes les moins bons. Et, mathématiquement,
la manière la plus efficace pour augmenter n’importe quelle quantité dans le temps est d’augmenter de
manière incrémentielle cette quantité de façon soutenable, de manière à ce que l’augmentation puisse
se faire pendant le plus longtemps possible. Dans le cas de l’entraînement, incrémenter les charges à
chaque session donne les résultats les plus rapides. De manière évidente, cette incrémentation doit être
soutenable et permettre à l’augmentation des charges de continuer, et donc il faut que l’organisme ait
récupéré de la dernière augmentation et ait pu s’y adapter avant l’entraînement suivant, ce qui est à
la portée de n’importe quel débutant n’ayant jamais suivi d’entraînement sérieux, car il possède cette
capacité physiologique de récupération et d’adaptation. Mais, si cela est fait correctement, ce type
d’augmentation « linéaire » donne les meilleurs résultats en terme d’amélioration de la force, en le
moins de temps possible, et donc représente la manière la plus efficace pour améliorer la performance.
Quand une personne non entraînée commence un programme d’entraînement, elle devient
plus forte. Cela arrive à chaque fois, quel que soit le programme, parce que n’importe quel exercice
représentant un effort plus dur que ce à quoi on est habitué constitue un stimulus qui déclenchera
une adaptation. J’ai déjà dit qu’un débutant absolu pourra s’améliorer au développé-couché rien qu’en
faisant du vélo – pour un court laps de temps. Cela ne veut évidemment pas dire que, pour qui que ce
soit, faire du vélo est un programme valable pour s’améliorer au couché. Cela veut juste dire que pour
quelqu’un de complètement sédentaire qui ne fait jamais d’effort physique, le vélo sert de stimulus
déclenchant une adaptation. Un débutant réagit de la même manière à tous les simuli : il s’adapte.
Donc, pour ce même débutant, chaque entraînement peut être ce stimulus. Le problème avec le vélo de
notre athlète de couché débutant est que pédaler ne va rapidement plus représenter un stress systémique
suffisant pour stimuler une progression au couché, puisque cela ne produit pas un stress spécifique au
couché.
La différence entre un bon programme et un programme moins bon réside dans leur capacité à
stimuler une adaptation sur le long terme. Dit comme ça, ça paraît facile non ? Donc, par définition, un
programme qui inclut une augmentation dans un aspect quelconque du stress imposé à l’organisme est
efficace pour un débutant, et un programme qui ne le fait pas ne l’est pas, du moins pas autant. Encore
une fois, pour un débutant, n’importe quel programme est meilleur que s’asseoir sur ses fesses et ne pas
bouger, donc tous les programmes vont marcher, à des degrés divers. C’est pour ça que chacun pense
que son programme marche. Mais rien ne marche aussi bien qu’une augmentation mathématique,
adaptée au pratiquant, et systématique, d’un paramètre de charge, aussi longtemps qu’une adaptation
à cette augmentation continue à avoir lieu.
Et puisque la meilleure manière d’améliorer la performance d’un débutant est d’augmenter
sa force, un programme qui permet d’augmenter la force de tout le corps d’une manière linéaire est
le meilleur programme pour un athlète débutant s’il veut optimiser son temps d’entraînement pour
obtenir les meilleurs résultats dans le laps de temps le plus court possible. Des désaccords peuvent
exister sur les meilleurs exercices à utiliser dans ce programme, mais il apparaît évident qu’il ne peut
y avoir qu’une seule manière de les programmer efficacement pour un débutant : une augmentation
linéaire du stress produisant la force, aussi souvent que peut le permettre la récupération, produit une
augmentation linéaire de la force.
Le meilleur des cas, c’est Zach : il arrive maigre et faible, utilise de manière optimale son
potentiel pour s’entraîner et récupérer, et donc sa capacité pour grandir et devenir plus fort s’exprime à
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plein. Si Zach est le meilleur des cas, votre incrédulité devant son histoire (vous ne croyez pas vraiment
que ça s’est passé comme je l’ai dit, non ?) signifie que cela arrive assez peu souvent pour la norme ne
soit pas ce scénario du meilleur des cas, mais plutôt des cas un peu moins optimaux. Statistiquement,
je suppose que ça se tient. L’énorme majorité des programmes n’utilise pas l’effet débutant à son plein
potentiel. CrossFit est un exemple de méthode d’entraînement qui néglige le fait que la force augmente
rapidement quand on lui demande de le faire, et que tous les autres paramètres de la forme physique
augmentent en même temps que la force chez un débutant, homme ou femme. CrossFit marche très
bien puisque pour la plupart des gens c’est la première fois qu’ils essaient quelque chose qui est censé
être difficile, et qu’en plus leur première impression est très positive. P90X marche bien pour la même
raison, ainsi que HIT, Turbo-Jam, la première semaine d’entraînement de foot US, et plus généralement
une participation aux premières phases de n’importe quel sport demandant un minimum d’effort
physique. Un effort physique conséquent, quel qu’il soit, agit comme un stimulus déclenchant une
adaptation, jusqu’au moment où l’adaptation se réalise et que le programme ne réussit pas à produire
un stress supplémentaire.
Cet échec peut être inhérent au programme, comme l’entraînement Hammer Strength ou
Nautilus type HIT, qui épuise rapidement le potentiel d’une ou deux séries de 10 répétitions à l’échec sur
des machines mono-articulaires ou –musculaires à continuer à produire un stress systémique suffisant
pour produire une adaptation. Cela peut aussi être une conséquence de l’incapacité des programmeurs
à utiliser leurs outils correctement, puisque CrossFit par exemple utilise des mouvements utiles qui
affectent le corps de manière systématique.
Mais, dans la mesure où ces programmes fonctionnement, ils dépendent de l’effet débutant,
qu’il soit suffisamment exploité ou non, pour fournir ces résultats. Un entraînement difficile appliqué
à une personne inadaptée, fonctionnera pour un temps, que ce programme soit sensé sur le long terme
ou non. Si les exercices du programme sont bons, en ce sens qu’ils sont efficaces pour stimuler le
système et déclencher une adaptation qui rendra la personne plus forte et plus capable d’utiliser cette
force en sport ou au travail, alors l’adaptation pourra s’accumuler d’autant plus longtemps, même si
le programme est moins qu’optimal
dans son exploitation de l’effet
débutant.
J’ai lu, dans une publication
réelle, écrit par un universitaire
censément intelligent, l’affirmation
incroyablement ridicule que même
si une augmentation linéaire de la
force pouvait se produire, cela n’était
pas forcément la meilleure manière
de devenir fort. Bon sang, dans ce
cas, quelle est la meilleure manière ?
Prendre six mois pour atteindre un
niveau en force qu’un programme
construit et implémenté de manière
Figure 2. Zach Evetts avant
optimale vous donnerait en trois
(ci-dessus) Zach Evetts après (à
semaines ? Le temps est précieux, mes
droite)
amis, ne le gâchez pas parce que vous
ne le récupérerez jamais.
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