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n°234 20/04/04 A 10:21 Page 6 C T U A L I T É Carcinome du plan glottique T1-T2 Société européenne de laryngologie* I l existe plusieurs possibilités thérapeutiques devant un carcinome épidermoïde T1-T2 du plan glottique. La radiothérapie externe et la chirurgie partielle du larynx sont les deux traitements de référence. La microchirurgie laryngée prend une place croissante et ses limites n’ont pas encore été évaluées. La place de la chimiothérapie reste discutée dans ce type d’indication. Le but du traitement est d’obtenir un bon contrôle local, avec une préservation maximale de la fonction du larynx. Si plusieurs attitudes thérapeutiques sont possibles devant la même lésion, certains critères doivent, au-delà des questions d’école, faire choisir un schéma thérapeutique plutôt qu’un autre. C’était le but de la réunion qui s’est tenue sous l’égide de la Société européenne de laryngologie, sous la présidence du Dr Luboinski (Villejuif). Tableau I. Classification internationale des cancers du plan glottique. T0 Absence de tumeur Tis Carcinome in situ T1 Tumeur limitée aux cordes vocales, avec mobilité normale (incluant l’atteinte de la commissure antérieure ou postérieure) Tumeur limitée à une corde vocale Tumeur limitée atteignant les deux cordes vocales T1a T1b T2 Tumeur limitée au larynx avec extension supraglottique et/ou sous-glottique avec mobilité normale ou diminuée T3 Tumeur limitée au larynx avec fixation d’une ou des deux cordes vocales T4 Tumeur massive avec destruction du cartilage thyroïde et/ou extension aux tissus périlaryngés CLASSIFICATION TNM La classification TNM (tableau I), comme toute classification, s’avère imparfaite et ne permet pas une description et une classification exhaustives des lésions du plan glottique. Elle ne tient par exemple pas compte de l’atteinte éventuelle de la commissure antérieure. Une lésion bourgeonnante limitée du tiers moyen de la corde vocale sera classée T1a, au même titre qu’une lésion infiltrante atteignant la commissure antérieure. La diminution de mobilité de la corde vocale n’est pas un facteur différenciant deux lésions T2. Une lésion atteignant le ventricule avec mobilité de la corde vocale normale sera classée T2, et une lésion atteignant la corde vocale, le processus vocal, l’aryténoïde, avec diminution de mobilité de la corde vocale, le sera également. L’attitude thérapeutique ne sera pas la même dans ces différents cas. Ces imprécisions contribuent à rendre difficile l’interprétation des résultats publiés dans la littérature. RADIOTHÉRAPIE DANS LES T1-T2 DU PLAN GLOTTIQUE (F. Eschwege) La radiothérapie externe permet d’obtenir de bons résultats en termes de contrôle local et de survie, ainsi qu’une bonne qualité de voix. Dans les T1 du plan glottique, lorsque l’irradiation des aires ganglionnaires n’est pas nécessaire, le volume traité * 16 octobre 1997, Paris 6 est limité au larynx. Deux petits champs latéraux opposés de 5 x 5 cm sont utilisés. Cela correspond à un volume d’irradiation limité de 25 cm3. Dans les T2, les localisations métastatiques ganglionnaires infracliniques sont rares, mais les champs d’irradiation comprennent le plus souvent les aires ganglionnaires. En cas d’atteinte sus- et sous-glottique, les limites inférieures ou supérieures sont modifiées et adaptées. On réalise une irradiation de 65 Gy en 6,5 semaines dans les T1, et de 70 Gy en 7 semaines dans les T2. De grands progrès ont été faits dans la technique de réalisation de la radiothérapie externe. Les mouvements du patient sont réduits au minimum. Des champs obliques postérieurs et latéraux peuvent être utilisés. Les rayonnements employés actuellement en France sont les photons de 6 Mev et le cobalt 60. Une modification de la distribution de la dose est possible grâce à l’utilisation de coins. La réalisation de la radiothérapie externe implique de connaître avec exactitude le volume tumoral. Le bilan initial doit comprendre un examen endoscopique et un scanner du larynx. Les complications de la radiothérapie externe dans les T1-T2 sont très limitées. L’absence de régression tumorale à 40 Gy, la poursuite de la consommation de tabac, les erreurs techniques lors des séances de radiothérapie sont très significativement liées à un mauvais pronostic. La diminution de mobilité de la corde vocale avant le traitement est aussi un facteur pronostique péjoratif. Les résultats obtenus par la radiothérapie externe ont été illustrés La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 234 - juin 1998 n°234 20/04/04 10:21 Page 7 par la présentation d’une étude rétrospective de 197 cancers T1a et T1b du plan glottique traités à l’Institut Gustave-Roussy (P. Wibault). Le taux de contrôle local était de 85 % à 5 ans et de 77 % à 10 ans. Une récidive locale a été observée dans 20 % des cas. La récidive locale, contrairement à ce qui est observé dans les autres localisations des cancers des VADS, peut survenir au-delà du délai habituel de deux ans. Un tiers des récidives locales ont été observées après trois ans. Le rattrapage chirurgical a été possible dans la moitié des cas, le plus souvent par laryngectomie totale et parfois par laryngectomie partielle. En ajoutant les sauvetages aux chiffres précédents, on obtient un taux de contrôle local de 90 % à 5 ans et de 86 % à 10 ans. Les chiffres de survie globale sont de 77 % à 5 ans et de 64 % à 10 ans. Pour les lésions T2 avec diminution de mobilité de la corde vocale, les résultats de la radiothérapie sont inférieurs à ceux obtenus par la chirurgie partielle du larynx. La radiothérapie, dans ces cas, ne doit pas être effectuée en première intention. De même, il convient d’éviter la radiothérapie externe lorsque le patient est jeune (moins de 30 ans), car le risque de cancer radio-induit est alors important. MICROCHIRURGIE LARYNGÉE ENDOSCOPIQUE (M. Remacle) L’épluchage de la corde vocale, ou cordectomie de type I, permet l’étude histologique de la muqueuse de surface de la corde vocale. La cordectomie de type I réalise le traitement si le résultat histologique confirme l’absence de transformation néoplasique ou de signe de micro-invasion. En revanche, si le résultat histologique montre l’existence d’une lésion néoplasique ou micro-invasive, un traitement complémentaire est nécessaire. Les indications d’épluchage des cordes vocales sont les laryngites chroniques hypertrophiques, hyperkératosiques. La cordectomie de type II consiste en une résection de la muqueuse et du muscle vocal. Elle est effectuée à partir de l’apophyse vocale jusqu’à la commissure antérieure. Il peut être nécessaire de réséquer partiellement ou en totalité la bande ventriculaire afin d’exposer complètement la corde vocale. L’indication est le cancer T1a limité au tiers moyen de la corde vocale. La cordectomie de type III est une cordectomie élargie. Elle nécessite une exérèse complète de la bande ventriculaire homolatérale afin d’exposer la corde vocale pour une résection complète. Les limites de l’exérèse sont, en arrière, le processus vocal, en avant, la commissure antérieure, latéralement, la face interne de l’aile du cartilage thyroïde. En avant, il est important de sectionner le ligament vocal à son insertion sur le cartilage thyroïde. Les indications de la cordectomie de type III sont les T1a confirmés histologiquement. L’extension tumorale peut jouxter la commissure antérieure, mais ne doit pas l’atteindre. La distance entre muqueuse et cartilage est de 2 à 3 mm au niveau de la commissure antérieure. Il n’y a pas de périchondre interne pour limiter l’extension du cancer à travers le cartilage thyroïde. Selon Remacle, une extension à la bande ventriculaire ou à la sous-glotte peut être contrôlée par cette technique. La cordectomie de type IV est une cordectomie étendue à la corde vocale controlatérale. La résection est effectuée dans le plan du cartilage thyroïde sur la commissure antérieure. Pour certains auteurs, cette intervention peut être réalisée dans les T1b. Pour d’autres auteurs, les T1b ne sont pas une bonne indication étant donné la difficulté de la résection en sécurité de la commissure antérieure. CHIRURGIE PARTIELLE DU LARYNX Selon B. Guerrier (Montpellier), l’atteinte de la commissure antérieure est un facteur réduisant le taux de contrôle local par radiothérapie exclusive dans les T1-T2 des cordes vocales. Il ne faut pas effectuer une résection laser par voie endoscopique, car le contrôle de la marge d’exérèse de la commissure antérieure est difficile. En cas d’atteinte de la commissure antérieure, l’attitude thérapeutique de choix est donc, selon B. Guerrier, la laryngectomie partielle avec crico-hyoïdo-épiglottopexie. Les résultats ont été analysés sur une série de 81 patients présentant un T1-T2 du plan glottique avec atteinte de la commissure antérieure. Le taux de survie actuarielle était de 95 % à 3 ans et de 90,8 % à 5 ans. Le taux de récidives locales était de 7,4 %. La qualité vocale était jugée satisfaisante sur des critères subjectifs dans 86 % des cas. V. Grégoire (Bruxelles) a évalué le coût des divers traitements. Le traitement par radiothérapie externe et le traitement par chirurgie endolaryngée ont un coût sensiblement identique ; le traitement par chirurgie partielle a en revanche un coût deux fois plus important. CHIMIOTHÉRAPIE La chimiothérapie exclusive est une méthode thérapeutique en cours d’évaluation dans le traitement des carcinomes épidermoïdes T1-T3 N0 du plan glottique. D. Brasnu (Paris) a présenté une série portant sur 178 patients pris en charge pour un T1-T3 N0 du plan glottique, à l’exclusion des T1a du tiers moyen de la corde vocale. Cinquante-huit patients étaient en réponse clinique complète après trois cures de chimiothérapie par 5-FU-CDDP en perfusion continue sur 4 à 6 jours. Parmi ces 58 patients, 21 ont bénéficié d’une chimiothérapie exclusive avec 4 à 6 cures et 37 ont bénéficié d’un traitement conservateur conventionnel (35 traités par laryngectomie partielle, 2 par radiothérapie). L’option de traitement par chimiothérapie exclusive a été prise chez des patients professionnels de la voix non randomisés. Le taux de survie était de 95 % à 5 ans dans le groupe traité par chimiothérapie exclusive et de 86 % à 5 ans dans le groupe traité par chimiothérapie et chirurgie. Sept échecs locaux sont survenus dans le groupe traité par chimiothérapie exclusive. Le taux de contrôle local était de 70,7 % à 5 ans dans le groupe traité par chimiothérapie exclusive, de 97 % dans le groupe traité par chimiothérapie et chirurgie. Le rattrapage par chirurgie partielle, radiothérapie ou chirurgie endoscopique a été possible pour les sept cas ayant présenté une récidive locale. Il n’a pas été nécessaire de réaliser une laryngectomie totale. Cette attitude a permis une conservation de 100 % des larynx chez les patients en réponse La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 234 - juin 1998 7 n°234 20/04/04 A 10:21 C Page 8 T U A L I T clinique complète. Lors de la discussion, l’extrême rigueur ayant permis la sélection des patients traités par chimiothérapie exclusive et l’importance de la surveillance stricte chez ces patients ont été soulignées. L’accent a été mis sur le fait que cette méthode reste à valider par des équipes chirurgicales connaissant bien la spécialité et ayant les moyens de suivre correctement les patients. En contrepartie, elle offre des possibilités intéressantes de préservation vocale. Le Dr Luboinski a souligné que ces résultats étaient provocants et intéressants, mais qu’il ne s’agissait pas d’une méthode à généraliser pour le moment. CONCLUSION Plus que de la classification TNM, les indications thérapeutiques dans les T1-T2 du plan glottique dépendent avant tout de l’existence ou non d’une atteinte de la commissure antérieure, de l’existence ou non d’une diminution de mobilité de la corde vocale, et du caractère uni- ou bilatéral de l’atteinte du plan glottique. L’existence d’une diminution de mobilité de la corde 8 É vocale doit faire préférer une laryngectomie partielle. En cas d’atteinte de la commissure antérieure, le traitement par microchirurgie endolaryngée ne peut pas être réalisé en sécurité. Le choix reste ouvert entre radiothérapie externe et chirurgie partielle. Lorsqu’il existe une atteinte des deux cordes vocales sans atteinte de la commissure antérieure, les trois attitudes thérapeutiques restent possibles. Dans tous les cas, le choix du traitement sera adapté à chaque patient plutôt qu’à chaque lésion. En effet, des critères tels que l’âge, la profession, la poursuite ou non de la consommation de tabac, l’état général et psychique du patient doivent rester décisifs dans le choix du traitement. Un espoir certain repose sur la chimiothérapie exclusive. Cette méthode reste à valider. La sélection des patients susceptibles de bénéficier de ce traitement devrait s’enrichir prochainement des recherches en cours dans le domaine de la biologie moléculaire. G. Monceaux, hôpital Tenon, Paris La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 234 - juin 1998