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Carcinome du plan glottique T1-T2
Société européenne de laryngologie*
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l existe plusieurs possibilités thérapeutiques devant un
carcinome épidermoïde T1-T2 du plan glottique. La
radiothérapie externe et la chirurgie partielle du larynx
sont les deux traitements de référence. La microchirurgie
laryngée prend une place croissante et ses limites n’ont pas
encore été évaluées. La place de la chimiothérapie reste discutée
dans ce type d’indication.
Le but du traitement est d’obtenir un bon contrôle local, avec
une préservation maximale de la fonction du larynx. Si plusieurs attitudes thérapeutiques sont possibles devant la même
lésion, certains critères doivent, au-delà des questions d’école,
faire choisir un schéma thérapeutique plutôt qu’un autre.
C’était le but de la réunion qui s’est tenue sous l’égide de la
Société européenne de laryngologie, sous la présidence du
Dr Luboinski (Villejuif).
Tableau I. Classification internationale des cancers du plan glottique.
T0
Absence de tumeur
Tis
Carcinome in situ
T1
Tumeur limitée aux cordes vocales, avec mobilité
normale (incluant l’atteinte de la commissure
antérieure ou postérieure)
Tumeur limitée à une corde vocale
Tumeur limitée atteignant les deux cordes vocales
T1a
T1b
T2
Tumeur limitée au larynx avec extension
supraglottique et/ou sous-glottique avec mobilité
normale ou diminuée
T3
Tumeur limitée au larynx avec fixation d’une ou
des deux cordes vocales
T4
Tumeur massive avec destruction du cartilage
thyroïde et/ou extension aux tissus périlaryngés
CLASSIFICATION TNM
La classification TNM (tableau I), comme toute classification,
s’avère imparfaite et ne permet pas une description et une classification exhaustives des lésions du plan glottique. Elle ne
tient par exemple pas compte de l’atteinte éventuelle de la
commissure antérieure. Une lésion bourgeonnante limitée du
tiers moyen de la corde vocale sera classée T1a, au même titre
qu’une lésion infiltrante atteignant la commissure antérieure.
La diminution de mobilité de la corde vocale n’est pas un facteur différenciant deux lésions T2. Une lésion atteignant le
ventricule avec mobilité de la corde vocale normale sera classée T2, et une lésion atteignant la corde vocale, le processus
vocal, l’aryténoïde, avec diminution de mobilité de la corde
vocale, le sera également. L’attitude thérapeutique ne sera pas
la même dans ces différents cas. Ces imprécisions contribuent
à rendre difficile l’interprétation des résultats publiés dans la
littérature.
RADIOTHÉRAPIE DANS LES T1-T2 DU PLAN GLOTTIQUE
(F. Eschwege)
La radiothérapie externe permet d’obtenir de bons résultats en
termes de contrôle local et de survie, ainsi qu’une bonne qualité
de voix. Dans les T1 du plan glottique, lorsque l’irradiation
des aires ganglionnaires n’est pas nécessaire, le volume traité
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est limité au larynx. Deux petits champs latéraux opposés de
5 x 5 cm sont utilisés. Cela correspond à un volume d’irradiation limité de 25 cm3. Dans les T2, les localisations métastatiques ganglionnaires infracliniques sont rares, mais les
champs d’irradiation comprennent le plus souvent les aires
ganglionnaires. En cas d’atteinte sus- et sous-glottique, les
limites inférieures ou supérieures sont modifiées et adaptées.
On réalise une irradiation de 65 Gy en 6,5 semaines dans les
T1, et de 70 Gy en 7 semaines dans les T2. De grands progrès
ont été faits dans la technique de réalisation de la radiothérapie
externe. Les mouvements du patient sont réduits au minimum.
Des champs obliques postérieurs et latéraux peuvent être utilisés. Les rayonnements employés actuellement en France sont
les photons de 6 Mev et le cobalt 60. Une modification de la
distribution de la dose est possible grâce à l’utilisation de
coins.
La réalisation de la radiothérapie externe implique de
connaître avec exactitude le volume tumoral. Le bilan initial
doit comprendre un examen endoscopique et un scanner du
larynx.
Les complications de la radiothérapie externe dans les T1-T2
sont très limitées. L’absence de régression tumorale à 40 Gy,
la poursuite de la consommation de tabac, les erreurs techniques lors des séances de radiothérapie sont très significativement liées à un mauvais pronostic. La diminution de mobilité
de la corde vocale avant le traitement est aussi un facteur pronostique péjoratif.
Les résultats obtenus par la radiothérapie externe ont été illustrés
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par la présentation d’une étude rétrospective de 197 cancers
T1a et T1b du plan glottique traités à l’Institut Gustave-Roussy
(P. Wibault). Le taux de contrôle local était de 85 % à 5 ans et
de 77 % à 10 ans. Une récidive locale a été observée dans
20 % des cas. La récidive locale, contrairement à ce qui est
observé dans les autres localisations des cancers des VADS,
peut survenir au-delà du délai habituel de deux ans. Un tiers
des récidives locales ont été observées après trois ans. Le rattrapage chirurgical a été possible dans la moitié des cas, le plus
souvent par laryngectomie totale et parfois par laryngectomie
partielle. En ajoutant les sauvetages aux chiffres précédents,
on obtient un taux de contrôle local de 90 % à 5 ans et de 86 %
à 10 ans. Les chiffres de survie globale sont de 77 % à 5 ans et
de 64 % à 10 ans.
Pour les lésions T2 avec diminution de mobilité de la corde
vocale, les résultats de la radiothérapie sont inférieurs à ceux
obtenus par la chirurgie partielle du larynx. La radiothérapie,
dans ces cas, ne doit pas être effectuée en première intention.
De même, il convient d’éviter la radiothérapie externe lorsque
le patient est jeune (moins de 30 ans), car le risque de cancer
radio-induit est alors important.
MICROCHIRURGIE LARYNGÉE ENDOSCOPIQUE
(M. Remacle)
L’épluchage de la corde vocale, ou cordectomie de type I, permet l’étude histologique de la muqueuse de surface de la corde
vocale. La cordectomie de type I réalise le traitement si le
résultat histologique confirme l’absence de transformation
néoplasique ou de signe de micro-invasion. En revanche, si le
résultat histologique montre l’existence d’une lésion néoplasique ou micro-invasive, un traitement complémentaire est
nécessaire. Les indications d’épluchage des cordes vocales
sont les laryngites chroniques hypertrophiques, hyperkératosiques.
La cordectomie de type II consiste en une résection de la
muqueuse et du muscle vocal. Elle est effectuée à partir de
l’apophyse vocale jusqu’à la commissure antérieure. Il peut
être nécessaire de réséquer partiellement ou en totalité la bande
ventriculaire afin d’exposer complètement la corde vocale.
L’indication est le cancer T1a limité au tiers moyen de la corde
vocale.
La cordectomie de type III est une cordectomie élargie. Elle
nécessite une exérèse complète de la bande ventriculaire
homolatérale afin d’exposer la corde vocale pour une résection
complète. Les limites de l’exérèse sont, en arrière, le processus
vocal, en avant, la commissure antérieure, latéralement, la face
interne de l’aile du cartilage thyroïde. En avant, il est important de sectionner le ligament vocal à son insertion sur le cartilage thyroïde. Les indications de la cordectomie de type III
sont les T1a confirmés histologiquement. L’extension tumorale
peut jouxter la commissure antérieure, mais ne doit pas
l’atteindre. La distance entre muqueuse et cartilage est de 2 à
3 mm au niveau de la commissure antérieure. Il n’y a pas de
périchondre interne pour limiter l’extension du cancer à travers
le cartilage thyroïde. Selon Remacle, une extension à la bande
ventriculaire ou à la sous-glotte peut être contrôlée par cette
technique.
La cordectomie de type IV est une cordectomie étendue à la
corde vocale controlatérale. La résection est effectuée dans le
plan du cartilage thyroïde sur la commissure antérieure. Pour
certains auteurs, cette intervention peut être réalisée dans les
T1b. Pour d’autres auteurs, les T1b ne sont pas une bonne indication étant donné la difficulté de la résection en sécurité de la
commissure antérieure.
CHIRURGIE PARTIELLE DU LARYNX
Selon B. Guerrier (Montpellier), l’atteinte de la commissure
antérieure est un facteur réduisant le taux de contrôle local par
radiothérapie exclusive dans les T1-T2 des cordes vocales. Il
ne faut pas effectuer une résection laser par voie endoscopique, car le contrôle de la marge d’exérèse de la commissure
antérieure est difficile. En cas d’atteinte de la commissure
antérieure, l’attitude thérapeutique de choix est donc, selon
B. Guerrier, la laryngectomie partielle avec crico-hyoïdo-épiglottopexie. Les résultats ont été analysés sur une série de
81 patients présentant un T1-T2 du plan glottique avec atteinte
de la commissure antérieure. Le taux de survie actuarielle était
de 95 % à 3 ans et de 90,8 % à 5 ans. Le taux de récidives
locales était de 7,4 %. La qualité vocale était jugée satisfaisante
sur des critères subjectifs dans 86 % des cas.
V. Grégoire (Bruxelles) a évalué le coût des divers traitements.
Le traitement par radiothérapie externe et le traitement par chirurgie endolaryngée ont un coût sensiblement identique ; le
traitement par chirurgie partielle a en revanche un coût deux
fois plus important.
CHIMIOTHÉRAPIE
La chimiothérapie exclusive est une méthode thérapeutique en
cours d’évaluation dans le traitement des carcinomes épidermoïdes T1-T3 N0 du plan glottique. D. Brasnu (Paris) a présenté une série portant sur 178 patients pris en charge pour un
T1-T3 N0 du plan glottique, à l’exclusion des T1a du tiers
moyen de la corde vocale. Cinquante-huit patients étaient en
réponse clinique complète après trois cures de chimiothérapie
par 5-FU-CDDP en perfusion continue sur 4 à 6 jours. Parmi
ces 58 patients, 21 ont bénéficié d’une chimiothérapie exclusive
avec 4 à 6 cures et 37 ont bénéficié d’un traitement conservateur conventionnel (35 traités par laryngectomie partielle, 2 par
radiothérapie). L’option de traitement par chimiothérapie
exclusive a été prise chez des patients professionnels de la
voix non randomisés. Le taux de survie était de 95 % à 5 ans
dans le groupe traité par chimiothérapie exclusive et de 86 % à
5 ans dans le groupe traité par chimiothérapie et chirurgie.
Sept échecs locaux sont survenus dans le groupe traité par chimiothérapie exclusive. Le taux de contrôle local était de
70,7 % à 5 ans dans le groupe traité par chimiothérapie exclusive, de 97 % dans le groupe traité par chimiothérapie et
chirurgie. Le rattrapage par chirurgie partielle, radiothérapie
ou chirurgie endoscopique a été possible pour les sept cas
ayant présenté une récidive locale. Il n’a pas été nécessaire de
réaliser une laryngectomie totale. Cette attitude a permis une
conservation de 100 % des larynx chez les patients en réponse
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Lors de la discussion, l’extrême rigueur ayant permis la sélection des patients traités par chimiothérapie exclusive et
l’importance de la surveillance stricte chez ces patients ont été
soulignées. L’accent a été mis sur le fait que cette méthode
reste à valider par des équipes chirurgicales connaissant bien la
spécialité et ayant les moyens de suivre correctement les
patients. En contrepartie, elle offre des possibilités intéressantes de préservation vocale. Le Dr Luboinski a souligné que
ces résultats étaient provocants et intéressants, mais qu’il ne
s’agissait pas d’une méthode à généraliser pour le moment.
CONCLUSION
Plus que de la classification TNM, les indications thérapeutiques dans les T1-T2 du plan glottique dépendent avant tout
de l’existence ou non d’une atteinte de la commissure antérieure,
de l’existence ou non d’une diminution de mobilité de la corde
vocale, et du caractère uni- ou bilatéral de l’atteinte du plan
glottique. L’existence d’une diminution de mobilité de la corde
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vocale doit faire préférer une laryngectomie partielle. En cas
d’atteinte de la commissure antérieure, le traitement par microchirurgie endolaryngée ne peut pas être réalisé en sécurité. Le
choix reste ouvert entre radiothérapie externe et chirurgie partielle. Lorsqu’il existe une atteinte des deux cordes vocales
sans atteinte de la commissure antérieure, les trois attitudes
thérapeutiques restent possibles.
Dans tous les cas, le choix du traitement sera adapté à chaque
patient plutôt qu’à chaque lésion. En effet, des critères tels que
l’âge, la profession, la poursuite ou non de la consommation
de tabac, l’état général et psychique du patient doivent rester
décisifs dans le choix du traitement.
Un espoir certain repose sur la chimiothérapie exclusive. Cette
méthode reste à valider. La sélection des patients susceptibles
de bénéficier de ce traitement devrait s’enrichir prochainement
des recherches en cours dans le domaine de la biologie moléculaire.
G. Monceaux,
hôpital Tenon, Paris
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