Le bouleversement du paysage satellitaire français par la fusion
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Le bouleversement du paysage satellitaire français par la fusion
1 INSTITUT DE RECHERCHE ET D'ETUDES EN DROIT DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION LE BOULEVERSEMENT DU PAYSAGE SATELLITAIRE FRANÇAIS PAR LA FUSION TPS-CANALSAT Chronique Télévision réalisée par Caroline BOSCHER 10 décembre 2006 Master Recherche « Droit des médias » Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille Aix-en-Provence 2006-2007 Université Paul Cézanne U III 2 Le bouleversement du paysage satellitaire français par la fusion TPS-CanalSat C ’est une page de l’histoire du paysage audiovisuel français qui se tourne 1. Il y a pratiquement un an aujourd’hui que le groupe Vivendi annonçait le rachat de TPS, principal concurrent de son groupe satellitaire CanalSat, anciennement Canal Satellite. Les deux bouquets satellitaires vont fêter leurs dix années d’existence au sein du PAF le 17 décembre prochain. Ces dix années auront été marquées par une rivalité exacerbée mais malheureusement TPS ne fera plus front au groupe notamment suite à l’attribution de l’exclusivité de la Ligue 1 de football à Canal Plus pour la saison 20062007. TPS a été fondée en 1996 pour permettre à tous les téléspectateurs d’accéder à la richesse de la télévision numérique, avec une offre de cinéma événementielle et exclusive, et une offre tout compris accessible à tous. La France représentait en effet un potentiel unique en Europe, la plupart des foyers ne recevant que quatre à six chaînes hertziennes. C’est à partir de cette analyse que les actionnaires de TPS s’étaient donnés les moyens de donner une impulsion nouvelle au marché pour le plus grand bénéfice de tous. Le 17 décembre 1996, ils lançaient TPS, une offre de télévision simple, globale et complète, pour toutes les envies 2. Suite à la fusion, la France détiendra une seule plateforme satellitaire de télévision payante tout comme ses voisins européens. En effet, la Grande-Bretagne avec BSkyB, l’Allemagne avec Premiere, l’Espagne avec Digital Plus et l’Italie avec Sky Italia avaient depuis longtemps opté pour une seule et unique plateforme satellitaire. Ce rapprochement n’est cependant pas anodin. Les raisons adoptées par les deux groupes sont de contrer les ambitions des groupes télécoms et des fournisseurs d’accès Internet dans l’univers des contenus audiovisuels. En effet, les deux protagonistes ainsi que les opérateurs du câble n’auront plus la possibilité de jouer sur la concurrence CanalSat contre TPS afin d’obtenir de meilleures conditions commerciales dans la distribution de 1 2 http://video.noosblog.fr, article du 11 décembre 2005 http://www.tps.fr 3 leurs contenus. De même, le développement constant de la TNT (Télévision Numérique Terrestre) sur le territoire national fait craindre au groupe TPS-CanalSat une perte d’abonnés 3. C’est pourquoi leur alliance devient une solution avantageuse. Vivendi Universal, via le Groupe Canal Plus, détiendra le contrôle exclusif du nouvel ensemble. Vivendi est un acteur majeur et mondial des médias et des télécommunications. Des groupes tels que Universal Music Group (musique), Vivendi Universal Games (jeux vidéos), Groupe Canal + (télévision et cinéma) ainsi que SFR et Maroc Télécom ne passent pas inaperçus au sein du paysage médiatique. D’autant plus que Vivendi Universal détient 20 % de NBC Universal, un géant mondial des médias qui produit des films et des émissions de télévision, diffuse des chaînes de télévision et exploite des parcs à thèmes 4. Le groupe Lagardère détiendra également une part importante du « gâteau ». Lagardère SCA est un leader dans le secteur des médias par l’édition de livres et de presse, la distribution de presse et de produits culturels ainsi qu’une présence au sein du PAF. Le groupe TPS-CanalSat sera ainsi détenu par le Groupe Canal Plus à 65 %, le groupe Lagardère à 20 %, par TF1 à 9,9 % et par M6 à 5,1 % 5. Ce nouvel ensemble constitue un acteur français de l’audiovisuel de premier plan, en mesure d’affronter la concurrence des grands groupes médias étrangers et des opérateurs du câble et de l’Internet. La fusion contribuera à dynamiser et à élargir le marché français de la télévision en proposant aux consommateurs une offre plus riche, diversifiée et attractive. Le nom qui a temporairement été donné au groupe est Canal + France. Canal + France sera constitué de l’ensemble des chaînes de TPS et de CanalSat à savoir CanalSat à 100 %, Canal +, TPS, Multithématiques, MédiaOverseas, Sport+, Canal+ Active et Kiosque. De même, Arnaud Lagardère, TF1 et M6 se sont assurés que certaines de leurs chaînes ne seraient pas supprimées suite à la fusion. Arnaud Lagardère a obtenu de sécuriser la présence des chaînes MCM, Mezzo, Gulli, Tiji, Canal J, Filles TV et la chaîne Météo. TF1 a adopté le même processus pour LCI, Eurosport et TV Breizh et M6 s’est assurée de la pérennité de Teva et de Paris Première. 3 Dépêche Associated Press du 11 décembre 2005 http://www.vivendi.com : pour plus de renseignements sur le groupe 5 Communiqué de presse intégral du Projet d’accord Lagardère – Vivendi Universal – Groupe Canal+ du 17 février 2006 4 4 En cette fin d’année 2006, les autorités de régulation française s’en sont données à cœur joie en donnant leurs avis sur cette fusion 6. Reste maintenant à adopter un véritable cadre juridique sur le fonctionnement de la future unique plateforme satellitaire française. Il est effectivement nécessaire de comprendre les enjeux d’une telle fusion. Chaque partie, que ce soit le groupe TPS-CanalSat ou les autorités de régulation, a pris des directives qu’elle se doit de respecter ( I ). Cependant, cette fusion va engendrer des conséquences remarquables sur le paysage audiovisuel français qu’il est utile de souligner ( II ). I- Les principales directives de la fusion Les différentes autorités de régulation françaises ont chacune émis des avis sur la fusion TPS-CanalSat 7. Elles se doivent de faire respecter les enjeux d’une telle fusion notamment en matière de concurrence et de régulation au sein du PAF ( A ). Suite à ces avis, le Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a astreint le nouveau groupe à établir cinquante-neuf engagements qu’il aura l’obligation de respecter ( B ). A- Les avis des différentes autorités de régulation françaises sur la fusion TPS-CanalSat La fusion a engendré quatre types d’avis des autorités de régulation françaises. Il s’agit de l’avis du Conseil de la concurrence, de l’avis du CSA, de l’avis de l’ARCEP et de l’avis du ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie sous l’égide de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ( DGCCRF ). La notification de la création de la société Canal + France, qui regroupera toutes les activités du groupe Canal Plus et de TPS dans la télévision payante en France, a été faite 6 Avis du CSA relatif à la demande d’avis du Conseil de la concurrence portant sur la prise de contrôle exclusif de TPS et Canal Satellite par Vivendi Universal/Groupe Canal+, 23 mai 2006. Avis n° 06-A-13 du Conseil de la concurrence relatif à l’acquisition des sociétés TPS et Canal Satellite par Vivendi Universal et Groupe Canal +, 13 juillet 2006. Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, 15 septembre 2006, n° 7 bis. 7 Op. cit. 5 par dépôt de dossier le 13 avril 2006. Le premier protocole d’accord a été signé le 6 janvier 2006 entre Vivendi Universal, d’une part, et TF1 et M6, d’autre part. D’autres accords ont été conclus le 14 mars 2006 entre Vivendi Universal et Lagardère. Le Ministre a réalisé une instruction grâce à un test de marché adressé aux différents opérateurs intervenants dans le secteur de la télévision. Aux termes de l’instruction, l’autorité a estimé que la fusion était de nature à porter atteinte à la concurrence. Le Ministre a saisi pour avis le Conseil de la concurrence le 14 avril 2006. Le Conseil a saisi pour avis le CSA et l’ARCEP qui ont remis leur avis le 23 mai 2006. Le Conseil de la concurrence a rendu son avis le 13 juillet 2006. Le groupe Canal + France a transmis au Ministre une première liste d’engagements 8 le 28 juillet 2006, qui a fait l’objet d’un test de marché et a été modifiée et déposée sous une nouvelle version le 10 août 2006. Le 24 août 2006, la version définitive a été transmise au Ministre et elle comporte cinquante-neuf engagements 9. L’avis du CSA est très intéressant car l’organe est en constante relation avec le Conseil de la concurrence qui le consulte fréquemment. Le CSA a remis son avis au Conseil de la concurrence en date du 23 mai 2006. L’organe de régulation a entendu le groupe Canal Plus et le groupe Vivendi Universal à huis clos lors d’une Assemblée plénière du Conseil du 19 avril 2006. Les deux groupes sont venus lui exposer les raisons du rapprochement entre les deux entités afin de les placer sous le contrôle exclusif de Vivendi Universal/Groupe Canal +. Le CSA a rappelé dans son avis « la délimitation des marchés et la position de l’entité fusionnée sur ces marchés » ainsi que les « propositions d’obligation susceptibles de lui être imposées afin de satisfaire les objectifs de pluralisme du CSA ». Selon le CSA, la fusion représente des avantages pour le consommateur. En effet, celui-ci disposera d’une seule plateforme satellitaire, et non plus de deux. Cette fusion représente aussi des avantages pour le secteur de la télévision payante qui pourra bénéficier de nombreuses alliances 10. 8 En vertu de l’article L. 430-7.2 du Code de commerce Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, 15 septembre 2006, n° 7 bis. 10 Avis du CSA relatif à la demande d’avis du Conseil de la concurrence portant sur la prise de contrôle exclusif de TPS et Canal Satellite par Vivendi Universal/Groupe Canal+, 23 mai 2006. 9 6 B- Les cinquante-neuf engagements pris par les deux groupes Les deux groupes satellitaires TPS et CanalSat se sont jurés de respecter cinquanteneuf engagements 11 afin que le processus de fusion se déroule au mieux. Pour les besoins des présents engagements, les entités concernées sont : les Parties 12, Vivendi 13, le Groupe Canal Plus 14, la Nouvelle Entité 15 et StudioCanal 16. • L’accès aux droits Il concerne les droits cinématographiques, les droits relatifs aux séries américaines à succès et les droits sportifs. Pour les droits cinématographiques, la Nouvelle Entité devra mettre en place des contrats cadre. Le contrat cadre est un accord pluriannuel de films cinématographiques non préalablement désignés à la signature de l’accord, portant sur l’acquisition de droits de diffusion pour la télévision payante ou de droits d’exploitation PPV ou VOD 17. Ces contrats s’appliqueront aux films américains 18 et français 19 récents, qui seront des films disponibles pour un premier cycle d’exploitation à compter de l’ouverture de la fenêtre d’exploitation concernée 20 et jusqu’à leur qualification en films de catalogue 21. Ceci se fera en vertu des accords négociés entre les diffuseurs et les ayants droit 22. Pour les contrats futurs relatifs aux séries américaines à succès, la Nouvelle Entité est tenue de négocier les droits pour chaque fenêtre de diffusion pour une durée maximale de 12 mois, soit au total une durée maximale de 36 mois pour trois fenêtres de diffusion 23. 11 Affaire n° C-2006-2 TPS-CanalSatellite/Vivendi-Groupe Canal Plus Il s’agit de Vivendi et du Groupe Canal Plus 13 Vivendi désigne la société Vivendi et ses filiales et sous-filiales actuelles et futures contrôlées exclusivement 14 Groupe Canal + désigne la société Groupe Canal + et ses filiales et sous-filiales actuelles et futures contrôlées exclusivement 15 La Nouvelle Entité désigne la société CANAL + France et ses filiales et sous-filiales actuelles et futures contrôlées exclusivement 16 StudioCanal désigne la société StudioCanal et ses filiales et sous-filiales actuelles et futures contrôlées exclusivement 17 Le contrat cadre concerne les engagements 1 à 9 de l’affaire 18 Engagements 1 à 4 19 Engagements 5 à 9 20 VOD, PPV, 1ère fenêtre et 2ème fenêtre pour les droits de diffusion télévisuels 21 Deuxième cycle d’exploitation 22 Engagements 10 à 12 : on entend par films de catalogues, pour les besoins du présent engagement, les films cinématographiques de catalogue tels que définis dans l’accord interprofessionnel sur le cinéma à la demande du 20 décembre 2005 ayant fait l’objet d’une sortie nationale en salles en France depuis plus de 36 mois 23 Engagement 13 12 7 Pour les droits sportifs, les contrats futurs devront se limiter avec les détenteurs de droits à trois ans et la résiliation sera plus libre 24. • La mise à disposition de chaînes Elle doit être effective en métropole à tous les distributeurs 25 , satellite, ADSL, câble, TNT, ainsi qu’à tous les distributeurs hors TNT et câblo-opérateurs 26 . Pour ces derniers, les chaînes mises à disposition seront la chaîne premium TPS Star, trois chaînes cinéma 27 , la chaîne de sport généraliste Sport + et deux chaînes jeunesse 28. Ces chaînes pourront être mises à disposition aux distributeurs tiers déclarés au CSA, dans des conditions de transparence, d’objectivité et de non discrimination 29, par une formalisation des modalités de mise à disposition des chaînes 30. De même, les chaînes des actionnaires minoritaires de la Nouvelle Entité devront obtenir le renouvellement de leur contrat avec les distributeurs tiers. La reprise de TF1 et de M6 par ces distributeurs devra se faire sans obstacles 31. Pour les câblo-opérateurs, leurs contrats avec la Nouvelle Entité devront être maintenus en l’état et ils pourront être reconduits par la suite 32 . Quant aux distributeurs TNT, toute distribution exclusive des chaînes éditées par les actionnaires devra être exclue 33 . Dans les DOM, les parties s’engagent à reconduire les contrats entre TPS et Parabole Réunion ainsi qu’entre TPS et l’opérateur WSG-MTVC 34 . Ces chaînes ne devront pas faire l’objet de discriminations, notamment entre les différentes plateformes de la Nouvelle Entité et des tiers 35. 24 Engagement 14 : offrir aux détenteurs de droits la faculté de résilier le contrat unilatéralement et sans pénalités à l’expiration d’une durée de trois ans 25 Engagements 18 à 20 26 Engagements 21 à 29 27 Une chaîne de cinéma populaire (Cinéstar), une chaîne de cinéma découverte (Cinéculte) et une chaîne de cinéma classique (Cinétoile) 28 Piwi et Télétoon 29 Engagements 23, 24 et 25 30 Engagement 26 : mise en place d’une grille ou d’un catalogue des conditions d’accès aux chaînes par des distributeurs indépendants 31 Engagements 27, 28 et 29 32 Engagements 30 et 31 33 Engagements 32 et 33 : à l’exclusion de Canal Plus et de ses déclinaisons qui sont, à ce jour, Canal + Sport et Canal + Cinéma 34 Engagements 34 et 35 : obligation de proposer une chaîne d’une attractivité équivalente dans l’hypothèse où l’une des chaînes concernées par le présent engagement ne serait pas conservée par la Nouvelle Entité 35 Les raisons principales sont les avancées technologiques, notamment avec la Haute Définition 8 • La reprise des chaînes indépendantes 36 La reprise des chaînes indépendantes doit être garantie pour des raisons de proportion minimale 37, pour faire droit aux demandes raisonnables de reprise 38 ainsi qu’à la reprise d’une chaîne indépendante de la TNT 39 au sein de l’offre payante de la Nouvelle Entité. La distribution de ces chaînes devra se faire dans des conditions de transparence, d’objectivité et de non discrimination 40. Certaines dispositions sont également à respecter en matière de distribution de chaînes tierces, d’offres commerciales, de diffusion technique par satellite et de publicité 41. Un mandataire indépendant nommé par les parties et agréé par le ministre de l’Economie des Finances et de l’Industrie sera chargé du suivi des engagements pris et de leur bonne mise en œuvre 42. Une séparation comptable de la Nouvelle Entité sera effective afin de permettre au mandataire de contrôler de manière adéquate le respect des engagements 43 . Les engagements sont souscrits pour une durée de six ans maximum 44 , excepté pour la VOD et la mise à disposition de chaînes par la Nouvelle Entité dont les engagements seront de cinq ans maximum. Ces engagements peuvent être contrôlés à tout moment par le ministre de l’Economie des Finances et de l’Industrie 45. En cas d’évolution structurelle de la Nouvelle Entité, les parties pourront soumettre au Ministre un rapport démontrant cette évolution dans le but d’obtenir une levée totale ou partielle des engagements pris. Il reviendra ensuite au Ministre de donner suite à cette demande ou non. Tous ces engagements ont été pris par Vivendi et le Groupe Canal Plus pour une durée maximale de six ans, exception faite des engagements sur les mises à disposition de chaînes et sur la VOD qui ne peuvent excéder cinq ans. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la décision du Ministre va permettre la réalisation d’un projet industriel qui 36 Les chaînes indépendantes sont des chaînes de télévision conventionnées par le CSA en langue française (hors services interactifs, téléachat et radios) qui ne sont pas contrôlées directement ou indirectement, d’une part, par les sociétés actionnaires de la Nouvelle Entité détenant au moins 5 % de son capital ou, d’autre part, par les sociétés liées à la Nouvelle Entité par des contrats cadre 37 Engagement 37 38 Engagement 38 39 Engagement 39 40 Engagements 40 à 42 41 Engagements 43 à 52 42 Engagements 53 et 54 43 Engagement 55 : isolement des coûts de la Nouvelle Entité par le groupe Canal Plus 44 Engagement 56 : les engagements commencent à courir, au plus tard, quatre-vingt-dix jours après la date de réalisation de l’opération 45 Engagement 57 : une clause de rendez-vous sera mise en œuvre à la suite d’une période de 18 mois pour les engagements relatifs à la VOD 9 conforte le développement en cours du Groupe Canal Plus, tout en contribuant à l’essor du secteur audiovisuel et de la télévision payante en France. II- Des conséquences importantes sur le paysage audiovisuel français Suite à l’opération de fusion, rien ne devait changer. Cependant, cette fusion ne va pas faire que des heureux. Certaines chaînes indépendantes, détenteurs de droits et producteurs vont être les principaux perdants du processus ( A ). Quant aux nouvelles technologies de l’information et de la communication ( NTIC ), ils pourraient bien tirer avantage de ce mariage ( B ). A- Les perdants de la fusion TPS-CanalSat Avant la fusion de leurs deux entités, TPS et CanalSat se livraient une bataille commerciale sans merci dans le but de conquérir de nouveaux abonnés et des exclusivités sportives et cinématographiques. La bataille commerciale terminée suite au mariage, les éditeurs de chaînes, les producteurs, les détenteurs de droits et les opérateurs de satellite pourraient être les grands perdants de la partie 46. Certaines chaînes vont en effet disparaître. Cela ne fait nul doute. Si des chaînes comme LCI, Eurosport, Paris Première ou Teva ne sont pas menacées, certaines chaînes comme Tiji et Piwi pour la jeunesse ou encore Planète et Odyssée pour la découverte font office de doublons. Les chaînes choisies n’ont pas encore été déterminées mais cela n’empêche nullement la pression que le nouveau groupe fait peser sur les chaînes indépendantes, à savoir une baisse de rémunération. Les deux bouquets préfèrent privilégier les chaînes qui leur appartiennent. Afin de pouvoir boucler leur budget, ces chaînes indépendantes cherchent de nouveaux moyens comme par exemple les paris sur les chevaux pour la chaîne Equidia. Les producteurs de films, de fictions télé ou de documentaires risquent d’être également fragilisés par la suppression des chaînes de cinéma et de découverte en doublon. 46 www.lexpansion.com, édition du 22 février 2006 10 Cela réduira les fenêtres de diffusion ainsi que les achats pour les années à venir. La création d’un guichet unique fait craindre aux producteurs français une baisse réelle des budgets alloués au financement du cinéma. De plus, en cas de désaccord ou de refus, la marge de manœuvre des producteurs se réduit considérablement car il ne leur sera plus possible de faire jouer la concurrence sur le bouquet voisin. La Ligue de football professionnel pourrait bien être la grande perdante de cette fusion. Il se pourrait que d’ici fin 2007, elle doive trouver un autre diffuseur. En effet, après avoir fait monter les enchères jusqu’à 600 millions d’euros pour l’exclusivité des droits télévisuels 2005-2008 de la Ligue 1, le nouvel ensemble ne remettra plus une telle somme en jeu. Les clubs risquent alors d’avoir du mal à boucler leur budget car ils étaient préalablement financés à hauteur de 60 % par les droits télévisuels. La seule solution est donc de trouver un autre diffuseur capable de renchérir. De même, les majors américaines du cinéma telles la MGM, Paramount, Warner Bros pour TPS ou encore Universal, DreamWorks, 20th Century Fox et Sony-Columbia pour Canal Plus, devront baisser leurs tarifs afin de les aligner sur ceux des autres bouquets européens. Pour Eutelsat, la fusion risque de lui faire perdre l’un de ses plus gros clients. TPS représente pour l’opérateur de satellites près de 2,7 % de son chiffre d’affaires avec la location de six transpondeurs pour 20 millions d’euros. Eutelsat craint alors le basculement de l’ensemble des abonnés de TPS sur Astra, le satellite utilisé par CanalSat. Cette situation aura le mérite d’arranger fortement les chaînes présentes sur les deux bouquets comme Teva, qui devait verser jusqu’à présent environ 400 000 euros par an à chaque satellite. Par contre, l’opération présente un coût élevé : près de 150 € pour réorienter chaque antenne TPS vers Astra sans compter le remplacement des décodeurs. Le patron d’Eutelsat y voit néanmoins une solution avantageuse par le maintien des deux satellites et l’équipement d’antennes à double tête pour les nouveaux abonnés. Canal Plus devra cependant investir pour le bon déroulement de l’opération et il n’est pas évident qu’il se montre coopérant. Pour les consommateurs, leur perte s’exprimera vis-à-vis des avantages dont ils pouvaient avoir droit jusqu’à présent. Les deux bouquets n’hésitaient pas à multiplier les 11 offres promotionnelles pour attirer et gagner des clients 47 . Lorsque la fusion sera réellement effective, ces avantages pourraient totalement disparaître. De même, les employés de TPS s’inquiètent pour leur emploi mais les chaînes TF1 et M6 parient fortement sur le développement du marché de la télévision à péage d’ici cinq ans 48. B- Une future alliance avec les NTIC Afin que le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie accepte l’acquisition de TPS, Canal Plus a concédé aux opérateurs télécoms la permission de proposer plus de chaînes dans leurs offres ADSL. La concurrence sur le marché de la télévision payante est ainsi préservée car l’évolution certaine du secteur des opérateurs télécoms n’est pas négligeable. Certains engagements pris par le nouveau groupe ont été pris suite aux pressions des opérateurs télécoms qui désirent être considérés en tant que distributeurs à part entière de contenus audiovisuels. Les opérateurs de communication électronique sont particulièrement visés. Dans le domaine de la vidéo à la demande ( VOD ), Canal Plus « renonce à exploiter les droits VOD en exclusivité ». D’autres acteurs, comme les opérateurs télécoms, pourront alors obtenir des accords pour diffuser des films 49. Canal Plus a également accepté de mettre à disposition des distributeurs sept nouvelles chaînes hors bouquet : TPS Star, les trois chaînes cinéma Cinétoile, CinéStar et CinéCulte, Sport +, Piwi et Teletoon. Canal Plus a en effet refusé de démanteler « Canal Plus le Bouquet » 50. Les chaînes TF1 et M6 pourront être intégrées dans des bouquets concurrents. Cette opération avantage grandement les abonnés du fournisseur d’accès Free qui ne pouvaient recevoir jusqu’alors ces chaînes qu’au moyen du tuner TNT intégré à la Freebox. En autorisant la fusion, le gouvernement reconnaît le poids actuel et futur des FAI ( fournisseurs d’accès internet ) sur le marché de l’audiovisuel. Les cinquante-neuf 47 www.linternaute.com, article édité en décembre 2005 20 minutes, édition du 4 décembre 2006 49 www.zdnet.fr, édition du 1 septembre 2006 50 www.lexpansion.com, édition du 31 août 2006 48 12 engagements imposés au nouvel ensemble devraient permettre aux opérateurs de concurrencer les acteurs déjà établis. Cette alliance est cependant loin d’atteindre les objectifs énoncés. Canal + France renégocie les contrats d’exclusivité des chaînes arrivant à terme afin de priver les bouquets ADSL d’un maximum de chaînes et par conséquent d’évincer la concurrence 51 . Teva et Paris Première sont concernées en première ligne car CanalSat aurait signé un accord avec ces chaînes afin qu’elles ne soient pas reprises dans les bouquets TV des FAI. Cette décision concernera uniquement les nouveaux entrants de la télévision par ADSL comme Club Internet ou Darty 52. De même, plusieurs chaînes du groupe TF1 ont signé un contrat d’exclusivité avec CanalSat. Les chaînes Eurosport, LCI, TV Breizh, TF6, Série Club, ne pourront pas intégrer Freebox TV. La nouvelle entité semble déjà violer la condition 29 des engagements qu’elle a pris 53 . Néanmoins, TF1, TMC, Tfou, Jet et Odyssée, autres chaînes du groupe TF1, pourront être accessibles sur le fournisseur d’accès 54. La fusion ne représente donc pas un enrichissement assuré des bouquets TV des fournisseurs d’accès. La fusion TPS-CanalSat sera rebaptisée sous le nom de Canal + France. La nouvelle entité présente des avantages mais aussi des inconvénients. Cette fusion sera réellement effective au mois de janvier 2007 et le CSA ( Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ) devra décider du cadre juridique applicable à la seule plateforme satellitaire française. Cet alignement sur les autres pays européens permettra peut-être au CSA de lui simplifier son rôle de gardien et de gendarme des contenus audiovisuels si un seul satellite, Eutelsat ou Astra, est choisi pour la diffusion. Dans le cas contraire, le processus permettra notamment un allègement des règles de concurrence. Chaque nouvel abonné n’aura plus le dilemme de devoir choisir entre le bouquet satellite TPS et le bouquet CanalSat et obtiendra un large choix en matière de contenus audiovisuels. Cependant, la TNT et la télévision du futur ne pourraient-elles pas porter préjudice à cette nouvelle entité ? Les années à venir répondront à cette question. 51 www.universfreebox.fr, édition du 12 octobre 2006 www.universfreebox.fr, édition du 23 octobre 2006 53 Engagement 29 : « Ne pas exiger de droits exclusifs : lors de la négociation de contrats avec d’éventuelles nouvelles chaînes des actionnaires minoritaires de la Nouvelle Entité et lors de l’éventuel renouvellement, postérieurement à la mise en œuvre des accords notifiés, de contrats conclus avec les chaînes existantes des actionnaires minoritaires de la Nouvelle Entité » 54 www.universfreebox.fr, édition du 24 octobre 2006 52