Laure m`a autorisé à parler - Strasbourg Eaux

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Laure m`a autorisé à parler - Strasbourg Eaux
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Bleu
Rouge
Noir
Jaune
CANOË-KAYAK CHAMPIONNATS DU MONDE – COURSE EN LIGNE
Sacrés Colin-Carré !
Le K 2 1 000 m bleu a livré une course millimétrée pour offrir à la France son premier titre mondial depuis six ans.
DUISBOURG – (ALL)
de notre envoyé spécial
IL PLEURE. C’est une belle carcasse
pourtant, Bâbak Amir Tahmasseb.
Un beau brin d’athlète encore bien
affûté, même s’il a quitté en avril le
haut niveau. Et Bâbak pleure dans
les bras de plus costaud que lui. Philippe Colin, larme à l’œil également,
le serre fort. Ce que ces deux-là
n’avaient jamais pu réussir, une
médaille et ne serait-ce qu’une qualification pour les Jeux, le policier
strasbourgeois vient de se l’offrir
avec Cyril Carré comme nouveau
compagnon. L’émotion est forte,
envahissante, entre le dernier champion du monde français, sur K 1
1 000 m en 2001, et ses désormais
successeurs, à l’issue d’une finale du
K 2 1 000 m remportée au cordeau.
« Ils ont su profiter de la ligne 9,
complètement à l’extérieur, loin du
cœur de la course, à l’abri des
regards, pour rester centrés sur euxmêmes », se réjouit le coach du duo,
François During. Les Néo-Zélandais,
à la 8, sont partis « à l’intox », loin
devant. Et les deux Bleus n’ont pas
paniqué, gardant un semblant de
contact avant de fournir l’effort sur
les derniers 250 mètres. « On a eu
des frissons en vous entendant, dira
ensuite Cyril Carré, sous la haie
d’honneur des nombreux supporters
français, qui improvisaient une
réception en leur honneur au Sassenhof, l’auberge qui leur sert de point
de ralliement sur les hauts de Duisburg. Et on s’en est bien servis ! »
Pour devancer sur la ligne les Polonais et la meute de deux dixièmes,
tous les appuis étaient bons. « Ils
étaient à une cadence de 110 coups
par minute au train, c’est le top au
niveau international, leur point fort,
expliquait During. Ensuite, quand il a
fallu accélérer, monter à 118-120, ils
ont su le faire avec le relâchement
qu’il faut, tout en glisse, leur autre
atout majeur. » Ce n’est pas dans la
surpuissance que ces Bleus au gros
cœur forgent leurs succès, mais dans
le style, en utilisant au mieux le toucher d’eau du « meilleur pagayeur
de la planète », selon Alain Acart,
qui couve Cyrille Carré dans son club
d’Auxerre. Carré, vingt-trois ans,
venu du marathon (il en a été le
champion du monde juniors en
2003) et qui s’entraîne souvent en
solitaire. « On a pensé à les rapprocher, explique During, qui officie à
Strasbourg avec Colin. Mais leur
complicité technique est déjà excellente et il y a plus de risque que
d’intérêt à ce qu’ils soient en permanence l’un sur l’autre. Ce sont deux
travailleurs qui savent où ils vont,
cent soixante jours de stage par an
en commun leur suffisent. »
Là, la dose à partager va peut-être
augmenter à la rentrée, avec des sessions encore plus denses et rapprochées à l’abord des JO. « Il va falloir
gérer leur nouveau statut, un peu
inattendu », conclut During.
Destination Pékin
Oui, cette paire qui n’est jamais descendue des podiums cette saison
(vainqueurs puis troisièmes en
Coupe du monde, troisièmes aux
Championnats d’Europe avant ce
sacre aux Mondiaux) est désormais
en avance sur ses temps de passage.
Ce qui n’est évidemment pas un problème. Pas encore. « Ce titre du mille
est mille fois mérité, s’amuse Christophe Rouffet, le directeur des
équipes. C’est le symbole de la collaboration entre les clubs et les Bleus.
On va apprendre à vivre avec. C’est
un challenge nouveau, pas facile à
relever. Mais nous sommes dans la
continuité des progrès déjà marqués, en 2005, par le bronze de nos
filles sur K 2 500. » La médaille de
Viard-Delattre, d’abord mal digérée,
mais que les deux athlètes sont en
passe de pouvoir confirmer en finale
aujourd’hui.
« Ce succès intervient en année préolympique, ça lui donne une valeur
Colin, Carré et leurs camarades
s’envolent le 19 août pour Pékin, leur
« grand objectif », en repérage. La
pagaie vorace, le cœur léger et de
l’or en bandoulière.
PATRICK LAFAYETTE
RÉSULTATS
CHAMPIONNATS DU MONDE (Duisbourg
[ALL], 10 août). – 1 000 m. Finales. HOMMES.
K 1 : 1. Brabants (GBR), 3’40’’113 ; 2. Van
Koeverden (CAN), 3’40’’675 ; 3. Veras Larsen
(NOR), 3’41’’645. K 2 : 1. Colin-Carré,
3’24’’683 ; 2. Seroczynski-Kujawski (POL),
3’24’’891 ; 3. Kammerer-Kucsera (HON),
3’26’’579 ; 4. Ihle-Wagner (ALL), 3’26’’617 ;
5. Maesen-De Bont (BEL), 3’27’’259 ; 6. Hokajärvi-Mikkonen (FIN), 3’28’’029 ; 7. FergusonWalker (NZL), 3’28’’523 ; 8. Naess-Norenberg
(NOR), 3’29’’035 ; 9. Correia-Santos (POR),
3’31’’669. K 4 : 1. Allemagne, 3’4’’369 ;
2. Pologne, 3’4’’719 ; 3. Slovaquie, 3’5’’625.
C 1 : 1. Vajda (HON), 4’8’’563 ; 2. Ostrcil (SLQ),
4’10’’685 ; 3. Cal Figueroa (ESP), 4’11’’057 ; 4.
Dittmer (ALL), 4’12’’145 ; … 8. Hémonic,
4’20’’987. C 2 : 1. Gille-Wylenzek (ALL),
3’46’’627 ; 2. Torres-Aguilar (CUB), 3’47’’591 ;
3. Tyszynski-Baraskiewicz (POL), 3’48’’103.
C 4 : 1. Roumanie, 3’23’’325 ; 2. Allemagne,
3’24’’619 ; 3. Hongrie, 3’24’’935.
FEMMES. K 1 : 1. Kovacs (HON), 4’6’’823 ;
2. Leue (ALL), 4’8’’937 ; 3. Paldanius (SUE),
4’10’’901 ; … 9. Lhote, 4’23’’459. K 2 :
1. Ruge-Hörmann (ALL), 3’45’’933 ; 2. Wojnarowska-Chojnacka (POL), 3’47’’142 ; 3. KozakSzabo (HON), 3’49’’174.
Finales B. HOMMES. K 4 : 1. Chine, 3’2’’215 ;
… 4. France (Hubert-Beaumont-Lutz-Marcaud), 3’3’’413. C 2 : 1. Bea Garcia-Mascato
Garcia (ESP), 3’52’’091 ; … 3. Hascoët-Beugnet, 3’55’’519.
500 m. Finale. FEMMES. K 4 : 1. Allemagne,
1’37’’145 ; 2. Hongrie, 1’37’’951 ; 3. Pologne,
1’38’’103.
200 m. Demi-finales. HOMMES. K 1. IV :
1. Gyertyanos (HON) *, 37’’751 ; 2. Da Silva
(BRE)*, 37’’923 ; 3. Jouve, 37’’983. K 2. II : 1.
Gyertyanos-Bee (HON) *, 34’’357 ; 2. HyboisBoukpeti *, 34’’481. C 1. I : 1. Opalev (RUS) *,
42’’085 ; 2. Dalton (CAN) *, 42’’319 ; 3. Goubel *, 42’’619. FEMMES. K 2. I : 1. MruzkovaBlahova (RTC) *, 40’’887 ; 2. Szabo-Patyi
(HON) *, 41’’753 ; 3. Kitamoto-Takeya (JAP) *,
41’’837 ; 4. N. Marie-Lhote, 41’’977.
(*) Qualifiés pour les finales A.
Carré : « Ce n’est
qu’une étape »
De l’avant et de l’arrière du K 2 hommes, deux vues
sur ce titre finement ciselé.
DUISBOURG – (ALL)
de notre envoyé spécial
ILS SONT INSÉPARABLES et vraiment différents. Philippe Colin, long et drolatique, ouvre les mains pour montrer son « Laure M. » peint dans la paume avec un
cœur autour. « Un clin d’œil à la natation française », pouffe-t-il. À peine essoufflé
par l’effort, il s’exprime au sortir du ponton. Pour Cyrille Carré, Cyrille plus carré
dans l’attitude et dans l’expression, on attendra la descente du podium, la
médaille autour du cou. « Philou » est parti au contrôle antidopage. L’un après
l’autre, chacun parle d’or. Ils seront encore inséparables jusqu’à Pékin.
Aujourd’hui. – 200 m H et F, toutes
catégories : finales à 9 heures. 500 m
H et F, toutes catégories : finales
à 14 h30.
NATATION
GYMNASTIQUE
« Laure m’a autorisé à parler »
Deux femmes
sous pression
MARCO DURANTE, le président de LaPresse, sort de son silence et assure qu’il n’a fait subir aucune
pression à Laure Manaudou.
Personnage clef du « feuilleton Manaudou », Marco Durante est aussi celui qui, jusqu’ici, était resté le plus discret, s’exprimant seulement
par communiqués. Hier après-midi, le président de LaPresse nous a
reçus au siège du club turinois. Pour donner une version un peu différente de celle entendue jusqu’ici. Une version personnelle dont certains détails d’importance sont démentis par le clan Manaudou.
TURIN –
de notre envoyé spécial
« POURQUOI AVOIR attendu
aussi longtemps avant de vous
exprimer ?
– Je n’ai rien à cacher mais je ne
voulais pas me prononcer sur des
choses qui avaient trait à la vie privée de Laure. Je voulais surtout
qu’elle m’autorise à vous dire ce
que je vais vous dire aujourd’hui.
– Alors quel est ce fameux
contrat signé avec Arena par
Laure le 27 juillet ?
– D’abord, tout le monde pense
que c’est l’histoire du contrat Arena
qui a déclenché tout ça, mais pas du
tout. Il y a des choses qu’on ne peut
pas laisser faire et qui se sont passées à Paris. La façon dont s’est
comportée Laure, tout le monde a
pu la constater (Plusieurs figures de
la natation française, dont Franck
Esposito, se sont d’ailleurs émues
de l’attitude de la championne
olympique, qui a, par exemple, refusé de participer au relais
4 × 100 m 4 nages). Pour revenir à
Arena, Laure disait qu’elle n’appréciait pas beaucoup la marque
quand elle était en France. Mais
quand elle est arrivée en Italie, ça lui
a plu, elle avait pas mal de matériel
et le service était différent. J’ai discuté avec M. Poulmaire au téléphone et il m’a autorisé à tâter un
peu le terrain.
– Et ensuite ?
– Arena a transmis des propositions qui ont à chaque fois été étudiées par Laure elle-même. Elle m’a
demandé de ne pas en parler avec
Didier (Poulmaire). Je lui ai répondu
qu’elle devait au moins en parler
avec son papa.
– Que s’est-il passé exactement le 27 juillet ?
– Nous étions dans un restaurant à
Pesaro. Laure s’est isolée dans un
coin pour bien lire le contrat. Il y
avait avec elle Alessandro Carpignano (manager général d’Arena)
et mon assistante pour lui servir
d’interprète en cas de besoin. Laure
a effectué plusieurs modifications.
Toutes les modifications ont été
voulues par elle. À ce moment, je
n’étais pas là, j’étais à l’étage en
dessous. M. Carpignano m’a appelé
sur mon portable au moment de la
signature. Quand je les ai rejoints
dans le salon, j’ai dit à Laure : “ Tu
n’es pas obligée de signer. Est-ce
que tu es bien sûre de toi ? ” Je lui ai
demandé si son père avait lu le
contrat, si elle voulait qu’on lui faxe.
''
père ou président de club. C’est
naturel et spontané. (Durante
reprend la parole.) – On parlait
ensemble des offres qu’Arena
transmettait à Laure mais au début,
je croyais que son père était au courant de tout.
– Cette prolongation étaitelle avantageuse pour Laure ?
– Oui et notamment parce qu’elle
était rétroactive (les gains de
l’année 2007 ont été revus à la
hausse). Laure a même demandé à
ce que les médailles de Melbourne
soient réévaluées. Le seul conseil
que je lui ai donné, c’était sur la date
de fin du contrat, 2011, un avant les
Jeux de 2012, ça me semblait le
meilleur moment pour renégocier.
– Certaines clauses ne
sont pourtant pas très
avantageuses, comme
cel le p rév oy ant u ne
réduction des gains de
75 % en 2008 en cas de
non-participation aux
Jeux…
– C’est seulement si elle se
blesse ou si elle arrête sa carrière l’année des Jeux. Mais cette
clause figurait déjà dans l’ancien
contrat. (Didier Poulmaire, l’avocat
de Laure Manaudou, a formellement démenti ce détail d’importance et s’est étonné que Marco
Durante ait eu connaissance de ce
contrat initial comportant une
clause de confidentialité).
– Parce que vous aviez aussi
connaissance de l’ancien
contrat ?
– Laure avait demandé à ce
qu’Arena lui envoie. Et elle m’a toujours demandé conseil. Vous savez,
si on avait eu quelque chose à
cacher, on n’aurait pas envoyé
immédiatement une copie du
second contrat à Laure quand elle
nous l’a demandé à Paris.
– Quelles sont vos relations
avec Cristiano Portas, le directeur d’Arena, présenté comme
l’un de vos proches ?
– Je l’ai vu cinq ou six fois dans ma
vie, la première fois l’année dernière à Budapest, mais on n’a
jamais dîné ensemble par exemple.
– Quand Laure vous a-t-elle
autorisé à parler ?
– (Il va chercher son portable.) J’ai
reçu un SMS le 9 août (jeudi) à
12 h 49. Elle m’a autorisé à parler
Je ne crois pas qu’il
y ait aujourd’hui
un seul club qui
puisse prendre la
responsabilité de
l’accueillir
Elle a, à chaque fois, répondu haut
et fort non en disant qu’elle ne voulait pas que M. Poulmaire soit au
courant.
– Mais pourquoi ?
– Ce que Laure fait avec Didier, ce
n’est pas mon problème.
– Quels étaient votre rôle et
votre intérêt là-dedans ?
– J’ai toujours dit à Laure et à
Didier Poulmaire que je ne voulais
et que je ne pouvais pas m’occuper
de ses intérêts commerciaux. On
veut me faire passer pour un rival de
M. Poulmaire mais ça n’a jamais été
mon ambition. Je l’ai d’ailleurs toujours informé de ce qui se passait. Et
puis si j’avais voulu profiter de
Laure, j’aurais par exemple organisé des séances photo avec elle pour
gagner de l’argent, c’est le métier
de notre agence !
– Mais on a du mal à comprendre que vous ne vous
occupiez pas des intérêts de
Laure alors que vous lui donnez sans cesse des conseils…
(Présent à ses côtés, l’avocat de
Marco Durante intervient.) – Il y a
une différence entre donner des
conseils par intérêt économique et
conseiller quelqu’un en tant que
''
Si la victoire des Françaises, hier à Vittel,
est porteuse d’espoir on ne sait toujours pas
qui de Severino ou de Le Pennec
ira aux Mondiaux.
VITTEL –
de notre envoyée spéciale
C’était au temps de l’entente cordiale, quand Marco Durante ouvrait grand les portes de son
club turinois, LaPresse Nuoto à Laure Manaudou. C’était il y a un siècle, c’était il y a trois
mois…
(Photo Patrick Gripe/L’Équipe)
mais je voulais une autorisation
écrite et pas seulement verbale.
– Cela signifie que vous êtes
toujours en contact ?
– Luca (Marin) m’envoie des messages tous les jours pour me tenir au
courant de ce qu’ils font. Dans un de
ses messages, il me disait que Laure
avait débranché son téléphone. J’ai
demandé à Luca de rester en dehors
de tout ça mais c’est difficile.
– Justement, il vous aurait
appelé pour dire que Laure
souhaitait revenir à
LaPresse…
– Non, c’est seulement le jour où
j’ai appelé Laure pour lui dire qu’elle
était dehors (lundi) qu’elle a dit
qu’elle voulait rester. Depuis, elle
n’a plus rien dit.
– À votre avis, que va-t-elle
faire maintenant ?
– Je ne crois pas qu’il y ait
aujourd’hui un seul club qui puisse
prendre la responsabilité de
l’accueillir. Le seul club qui la
connaît bien, c’est LaPresse… et
Canet. Je pense bien connaître
DIMANCHE 12 AOÛT 2007
Laure, et ce qu’elle veut, c’est rester
le plus près possible de Luca.
– Un retour à LaPresse serait-il
envisageable ?
– Le problème, c’est que son père
m’a massacré. La situation est compliquée.
– Mais son père a justement
annoncé qu’il souhaitait organiser une réunion avec Laure,
Arena et LaPresse…
– (À 18 h 50, il dit recevoir un SMS
de la mère de Laure qui confirme
cette demande.) Il aurait peut-être
fallu le faire plus tôt. Mais c’est un
geste important de la famille de
Laure. Elle a dû leur dire ce qui s’est
vraiment passé. Maintenant, la
décision appartient à Laure. Mais
elle est imprévisible. »
JEAN-BAPTISTE RENET
Elle doit s’expliquer
LES DÉCLARATIONS FAITES hier par Marco Durante sont à double détente.
Elles apportent un contrepoint (à prendre avec toutes les précautions d’usage) à la
version jusqu’ici donnée par le clan Manaudou, mais elles rendent plus vitales
encore les explications de la principale intéressée. Actuellement en vacances, elle
seule sait ce qui s’est réellement passé le 27 juillet à Pesaro. Était-elle sous
l’emprise de Durante ou a-t-elle, au contraire, signé la prolongation avec Arena en
toute conscience pour, dans un geste singulier, écarter au passage son avocat de la
négociation ? Joint hier, ce dernier n’a pas souhaité s’étendre sur le sujet, pas plus
d’ailleurs que les parents de la championne. Les proches de Manaudou renvoient
au communiqué délivré hier et dans lequel ils proposent notamment de réunir
autour de la même table tous les protagonistes de l’affaire. Il sera alors plus que
temps, pour Laure Manaudou, de trancher. Et de son attitude découlera, logiquement, son lieu d’entraînement. Soit elle se ralliera au discours de Durante et
retournera à Turin, soit elle retrouvera sa famille et travaillera, comme elle l’a dit,
sous les ordres de son frère aîné, à Ambérieu. À moins de douze mois des Jeux
Olympiques, son choix, définitif, revêt un caractère d’urgence.
DES REGARDS TENDUS, qui ne se
croisent qu’accidentellement. Émilie
Le Pennec et Isabelle Severino s’apprécient. Mais hier, à l’occasion d’un
match France-Espagne-Pays-Bas, à
Vittel, elles s’opposaient dans un duel
fratricide. « On n’en parle pas, mais la
pression nous entoure », grimace
Le Pennec. En cause, cette certitude :
l’une d’elles n’ira pas aux Championnats du monde à Stuttgart (1er-9 septembre) pour jouer la qualification
olympique de la France. « Ce n’est pas
notre faute si on a dit non aux barres
asymétriques ; nos corps ne sont plus
d’accord », explique la jeune femme
de dix-neuf ans.
Hier, par habitude, par désir aussi,
elles se sont encouragées. Elles ont
participé à la victoire des petites
Bleues, qui recèle des tonnes de promesses. Plus que le total de 232,95 pts,
c’est le classement individuel qui interpelle, avec une triplette d’une jeunesse
absolue : Marine Petit, Laetitia Dugain
et Pauline Morel sont nées en 1992.
Une phrase échappe même à Yves
Kieffer, l’entraîneur : « On peut avoir
une meilleure équipe à Pékin qu’en
Grèce. » Il n’envisage pas de podium
olympique mais admet que « de délicate, notre situation est devenue très
favorable ».
Problème à la poutre
pour Le Pennec
Reste le cas épineux de son duo phare.
Émilie Le Pennec s’est révélée efficace
au saut (14,40 pts) et au sol (14,70),
mais elle a chuté à la poutre. « Un peu
comme d’habitude, lâche-t-elle. C’est
décevant par rapport à ce que je réussis à l’entraînement. » Cela confirme
surtout sa fragilité récurrente en compétition. Lors de la Coupe du monde à
Gand, ou d’un match international en
Italie le mois dernier, Le Pennec est
chaque fois tombée. Un travers qui
l’avait aussi privée du titre européen
conquis par Marine Debauve en 2005,
ou du podium mondial quelques mois
plus tard. « Elle cristallise à la poutre
toute son anxiété, résume Kieffer, qui
réclame au contraire de la solidité.»
En comparaison directe, la stabilité
d’Isabelle Severino tranche à cet agrès
(14,50 pts). Mais l’aînée des Bleues (27
ans) accumule les pépins physiques.
Opérée de l’épaule, elle a souffert cette
semaine d’une élongation au niveau
des abdominaux. « Je ne devais pas
avoir assez de pression, j’en ai ajouté
en ne m’entraînant pas pendant trois
jours », ironise la belle. De fait, elle
s’est montrée légèrement en retrait au
saut, où elle n’a enclenché qu’une
vrille (13,80) et au sol (14,55). « Mais
sa marge de progression est sans
doute plus importante que celle d’Émilie », pronostique le coach.
Pour lui, le casse-tête s’annonce terrible. « Je ne prendrai pas de décision à
chaud, j’ai besoin d’un temps de réflexion », insiste-t-il. En l’occurrence,
rien ne filtrera avant mercredi. Car les
filles rentrent chez elles quatre jours et
ne seront à nouveau réunies à Vittel
que mardi soir. Et le technicien veut
associer son staff et les deux concernées au verdict fatal. « Ce sont des
gymnastes de très haut niveau, des
adultes, on en parlera ensemble », ditil. D’ici là, Severino et Le Pennec
s’engagent dans un long tunnel. « Je
vais me reposer, attendre d’être fixée
sur mon sort. Mais je poursuivrais la
préparation jusqu’au bout, puisque
Yves nous l’a demandé, et par respect
pour l’équipe », prévient Isabelle. « Je
vais essayer de ne pas trop y penser,
mais ce sera dur. Je n’ai pas de regret,
mais j’ai vécu une année très difficile.
Je ne veux pas imaginer ne pas aller
aux Mondiaux. Mais, si c’était le cas,
ce serait très difficile de repartir pour
une saison. Même olympique », avoue
Émilie. L’enjeu dépasse les seuls Mondiaux. Et c’est ce qui rend la situation si
paradoxale.
CÉLINE LONGUÈVRE
RÉSULTATS
Par équipes : 1. France (Dugain, Petit,
P. Morel, Le Pennec, K. Lindor, Vericel),
232,95 pts ; 2. Espagne, 224,25 ; 3. Pays-Bas,
223,55. Individuel : 1. Petit, 58,55 pts ;
2. Dugain, 58,30 ; 3. P. Morel, 57,75.
I WIGNANITZ RETENU. – Les sélectionneurs ont désigné hier les six titulaires
pour les Mondiaux de Stuttgart (1er-9 septembre). Une liste sans surprise après le
test de vendredi à l’INSEP : la régularité d’Arnaud Willig a convaincu, il accompagnera donc Karbanenko, Cucherat, Da Silva, Caranobe et Beny. Le double médaillé
européen au saut Raphaël Wignanitz a été préféré pour le poste de remplaçant au
jeune Hamilton Sabot. Ces huit hommes effectueront le stage de Saint-Étienne, du
16 au 25 août, aux côtés des champions du monde chinois.
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Jaune
Rouge
DUISBOURG. – De l’or et de l’humour ! Philippe Colin (à gauche) et Cyrille Carré ont rendu une manière d’hommage à la plus grande
nageuse française de tous les temps en recevant, sur le podium, celui de leurs supporters.
(Photo Raphaël Thiébaut)
Bleu
PROGRAMME
Jaune
Rouge
Jaune
G Cyrille CARRÉ (Auxerre – 1,83 m ;
74 kg. Né le 11 mai 1984 à Auxerre,
23 ans). – « Le principal, c’était de ne
penser à rien, ni au podium ni aux quotas olympiques. Jeudi, le premier jour
de course, je sentais un stress inhabituel. Après la demie, je n’étais pas
serein, il avait fallu s’employer plus
que prévu. Mais là, en finale, on s’est
posés, on a fait notre truc sans ce
préoccuper des “Néo-Z” à côté. Quand
j’ai vu qu’on les remontait, je me suis
dit : [C’est bon, faut qu’on se relâche.]
Aux 750 m, la relance a été propre, le
kayak a accéléré jusqu’à la fin, comme
si on volait. On ne va pas s’enflammer.
C’est bien, mais ce n’est qu’une étape.
Le premier objectif, c’est Pékin 2008. Si
on ne fait rien l’an prochain, ce titre de
champion du monde ne comptera
pas. » – P. Laf.
Noir
Bleu
Noir
G Philippe COLIN (Strasbourg –
2 m ; 91 kg. Né le 16 septembre 1979 à
Besançon, (27 ans). – « Je rêvais de
podiums et de JO. Je ne réalise pas ! En
finale, je n’ai même pas tourné la tête
pour voir où en étaient les autres, je ne
voulais pas risquer de déséquilibrer le
corps et le bateau. On a fait notre
course, c’était “notre” course ! J’ai
relancé le train plus tôt que prévu, un
peu avant les 500 m, un peu avant les
750 m, Cyrille suivait, c’était fluide,
« dur mais facile », comme il dit ! Sur
la ligne, j’ai su qu’on avait gagné. Ça
fait oublier les galères, les sacrifices,
les copains en vacances que j’avais
croisés la semaine d’avant, au mariage
de ma sœur… La Marseillaise, je ne
l’entendais jusqu’à présent qu’à
l’école de police, au lever des couleurs.
Là, je savoure… » – P. Laf.
supplémentaire, savoure Philippe
Graille, le DTN. C’est bon pour la
course en ligne, activité de tradition
trop souvent bousculée par nos disciplines en eau vive. »

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