Premières étapes du traitement du diabète de type 2 nouvellement

Transcription

Premières étapes du traitement du diabète de type 2 nouvellement
CurriCulum
Premières étapes du traitement du diabète de type 2
nouvellement diagnostiqué – conseils pratiques
Katrin Borma, Severin Lüscherb, Beat Müllera
a
b
Abteilung für Endokrinologie, Diabetologie und Metabolismus, Medizinische Universitätsklinik, Kantonsspital Aarau
HausÄrzteHaus, Schöftland
Prédiabète
Quintessence
P Déjà lors de la pose du diagnostic de diabète, les patients reçoivent un
premier conseil structuré sur le diabète et l’alimentation avec appel à leur
autoresponsabilité.
P Aucun traitement médicamenteux n’est aussi efficace que le change­
ment à long terme du mode de vie: adaptation diététique, perte pondérale
et augmentation de l’activité physique (idéalement 5 x 30 minutes par se­
maine) diminuent l’HbA1c, les paramètres lipidiques et la tension arté­
rielle le mieux et de manière parfaitement naturelle.
P Les complications du diabète de type 2 doivent être recherchées déjà
lors de la pose du diagnostic.
P Les autres facteurs de risque cardiovasculaire doivent eux aussi être
recherchés dès la mise en route du traitement antidiabétique et corrigés.
Le diabète de type 2 est de plus en plus fréquent. En
Suisse, quelque 350 000 personnes en sont atteintes, un
peu plus d’hommes que de femmes. Il faut en plus
compter quelque 100 000 diabétiques non encore diag­
nostiqués. L’incidence du diabète augmente très nette­
ment à partir de 40 ans, et chez les personnes de plus
de 75 ans plus de 16% des hommes et de 12% des
femmes en sont atteints.
Dépistage
Katrin Borm
Les auteurs ne
déclarent aucun
soutien financier ni
d’autre conflit
d’intérêts en
relation avec cet
article.
Un dépistage du diabète est recommandé à partir de
45 ans et devrait être répété tous les 3 ans si les résul­
tats sont normaux. En cas de risque accru de diabète de
type 2, il est recommandé de commencer le dépistage
déjà chez les jeunes adultes et de le répéter à intervalles
plus rapprochés. Ce risque est donné par une anam­
nèse familiale positive (parent au premier degré), un
status après diabète gestationnel ou accouchement d’un
enfant de >4100 g, un syndrome des ovaires polykys­
tiques, une inactivité physique, une hypertension arté­
rielle, une dyslipidémie et une obésité. Compte tenu des
valeurs du tableau 1 p, c’est la glycémie qui est dosée
en pratique (à jeun ou pas), complétée si nécessaire par
l’HbA1c. Si l’HbA1c est utilisée pour poser le diagnostic il
faut être attentif à certains pièges (tab. 1). Du fait que le
test de tolérance au glucose est plus compliqué, nous ne
le pratiquons plus que très rarement.
Le prédiabète exige lui aussi une intervention rapide
pour prévenir la manifestation d’un diabète de type 2
ou la retarder le plus longtemps possible. Lors d’un
premier conseil diabétique et diététique, les patients ap­
prennent pourquoi et comment ils peuvent modifier du­
rablement leurs habitudes physiques et alimentaires
(modification du mode de vie). Motivation et autodisci­
pline sont les clés du succès du traitement.
Même si les facteurs étiologiques du syndrome métabo­
lique sont censés être bien connus, la mise en pratique
des recommandations ne réussit que rarement. Les nu­
tritionnistes et diététiciennes recherchent avec le patient
des modes de comportement bien concrets qu’il peut
modifier à long terme sans amputation de sa qualité de
vie (par ex. oublier l’ascenseur et monter l’escalier, eau
et pas boissons sucrées, etc.). D’autres facteurs de risque
sont recherchés, éventuellement traités; les fumeurs sont
incités à ne plus fumer et soutenus dans leur effort.
Premières questions lors de la pose
du diagnostic
Lors de la pose du diagnostic, il faut exclure un diabète
de type 1, une hyperosmolarité ou une acidocétose, une
déshydratation et tout trouble électrolytique. Dans ces
cas, il faut directement passer à l’insuline et adresser
sans délai le patient à un diabétologue, voire l’hospita­
liser en fonction de son environnement social, de la gra­
vité de la situation clinique et de ses comorbidités. Tout
comme pour les appareils de mesure de la tension arté­
rielle, il existe des appareils de dosage des corps céto­
niques, qui ont une spécificité plus élevée pour la céto­
némie que le dosage des corps cétoniques dans l’urine
(résultats ici souvent faux positifs).
Quel but est adéquat pour le patient?
Il vaut toujours la peine de préciser quel but thérapeu­
tique peut et doit être visé. Tous les patients qui en rai­
son de leur espérance de vie statistique peuvent encore
présenter des complications doivent avoir des glycé­
mies normales dans toute la mesure du possible, tout
en évitant les hypoglycémies et importantes variations
de leurs taux de glucose. Chez les patients multimor­
bides ou gériatriques ayant une espérance de vie limi­
tée, il faut éviter les hypoglycémies d’une part, mais
aussi une hyperglycémie chronique >10 mmol/l (dété­
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rioration des fonctions cognitives, catabolisme, poly­
urie, glycosurie avec déperdition électrolytique et calo­
rique dans l’urine). Si les antidiabétiques oraux sont
contre­indiqués l’insulinothérapie est incontournable.
Traitement initial
Tableau 1
Définition du diabète et du prédiabète.
Glycémie veineuse à
jeun ou valeur initiale
à l’OGTTa
Il faut alors toujours choisir une forme de traitement
que le patient puisse comprendre et appliquer, ou orga­
niser un soutien par des proches ou des soignants [2].
Glycémie veineuse pas
à jeun ou résultat à 2 h
à l’OGTT
HbA1c*
Pas de diabète
<5,6 nmol/l
<7,8 nmol/l
<5,7%
Prédiabète
5,6–6,9 nmol/l
7,8–11,0 nmol/l
5,7–6,4%
Diabète
≥7,0 nmol/l
≥11,1 nmol/l
≥6,5%
* OGTT = épreuve de tolérance orale au glucose.
* L’HbA1c n’est pas indiquée pour poser le diagnostic (ni apprécier le traitement) dans
les situations suivantes: hémoglobinopathies (HbS, HbC, HbF, HbE), anémies
hémolytiques, transfusions sanguines, grave insuffisance hépatique ou rénale. Une
carence martiale et une anémie hyporégénérative donnent des résultats faussement
élevés de l’HbA1c.
Tableau 2
Instructions.
– Choix d’un appareil de dosage de la glycémie adapté au patient.
– Autocontrôle de la glycémie, idéal chez tous les patients sous traitement par insuline,
sulfonylurées ou glinides, si HbA1c >8% ou pour des raisons d’instruction (effets
d’aliments spéciaux ou des activités sportives sur la glycémie).
– Buts du traitement: valeurs cibles de glycémie, d’HbA1c, de tension artérielle,
cholestérol, poids.
– Connaissances de base sur le diabète et les buts du traitement.
– Apprentissage de l’initiative et de la responsabilité personnelles du patient: même
à prendre les mesures contre la maladie ou pour en prévenir les complications,
de même qu’abaisser la glycémie, le cholestérol et la tension artérielle par modifi­
cation des habitudes alimentaires et augmentation de l’activité physique.
– Hydrates de carbone rapidement et lentement résorbables.
– Si sulfonylurées, glinides, insulinothérapie: symptômes d’hypoglycémie et réaction à
avoir en cas d’hypoglycémie, de même que diabète et conduite automobile.
– Social: répercussions du diabète sur la profession, le permis de conduire, la famille,
angoisses du patient.
Modification du mode de vie + metformine
Dans des situations
choisies**
glitazone ou gliptine ou
analogue du GLP-1
Plus sulfonylurée
ou glinide*
Plus glitazone ou
gliptine ou analogue du
GLP-1
Plus
sulfonylurée
Plus insuline à longue durée d‘action
(la plus efficace)
Insulinothérapie intensifiée
(traitement de base – bolus)
Figure 1
Schéma de traitement du diabète de type 2.
* Surtout si insuffisance rénale.
** Si risque d’hypoglycémie, obésité extrême, insuffisance rénale.
Tous les patients doivent recevoir des conseils diabé­
tiques et nutritionnels structurés (tab. 2 p) et ap­
prendre l’autocontrôle de la glycémie. La partie diabé­
tique coûte CHF 300–500 (4–9 séances) et la nutritionnelle
CHF 250 (3 séances), les deux sont prises en charge par
l’assurance de base sans entrer dans la statistique éco­
nomique des assureurs maladie. Professionnellement
effectuées, ces interventions peu spectaculaires mais
essentielles sont plus que payantes à long terme!
Bien suivis, un changement spécifique des habitudes
alimentaires que le patient peut mettre en pratique à
long terme, une activité physique (par ex. 150 min/se­
maine, réparties sur au moins 3 jours), une perte de
poids même relativement faible (env. 5 kg) et les connais­
sances acquises sur le diabète peuvent abaisser l’HbA1c
de manière plus marquée que n’importe quel antidiabé­
tique oral. Si le patient parvient de lui­même à abaisser
ses glycémies de la sorte il conservera ces éléments fon­
damentaux d’un traitement antidiabétique efficace
pour le restant de ses jours.
En plus des changements du mode de vie, un traitement
par metformine est recommandé directement après la
pose du diagnostic, sauf si elle est contre­indiquée. Si
l’HbA1c reste supérieure à 7,0% après 3 mois ce traite­
ment doit être élargi, soit avec un deuxième antidiabé­
tique oral, soit avec un agoniste du récepteur du GLP­1,
soit enfin avec une insuline basale (fig. 1 x). Il faut tou­
jours tenir compte des particularités et préférences du
patient.
Antidiabétiques oraux
Les antidiabétiques oraux sont à peu près tous égaux
pour abaisser l’HbA1c (fig. 2 x, tab. 3 p). Seule la met­
formine semble un peu plus efficace et neutre sur le
poids, ce qui fait qu’elle doit toujours faire partie du
traitement du syndrome métabolique avec diabète, sauf
en cas d’intolérance ou de contre­indication. La déci­
sion de choisir tel ou tel médicament en plus (ou au lieu)
de la metformine se base sur des caractéristiques telles
que durée d’action, effets indésirables et coûts. L’asso­
ciation de 3 antidiabétiques oraux au lieu de 2 ne donne
généralement aucun bénéfice supplémentaire.
Metformine
La metformine augmente le passage du glucose dans la
musculature squelettique et inhibe la néoglucogenèse hé­
patique, ne provoque pas d’hypoglycémie ni de prise de
poids. Du fait qu’elle inhibe la chaîne respiratoire, toute
hypoxie tissulaire peut favoriser une acidose lactique
après transition vers le métabolisme anaérobique. La
seule contre­indication figurant dans l’information scien­
tifique est l’insuffisance rénale avec GFR <60 ml/min.
Certains centres donnent tout de même la metformine
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dans l’insuffisance rénale légère pour autant qu’il n’y ait
aucun autre facteur de risque de lactacidémie. Toutes les
formes d’insuffisance organique modérée ou grave ou
étiologies d’éventuelle hypoxie tissulaire sont en outre
des contre­indications (par ex. insuffisance cardiaque
NYHA III–IV, insuffisance hépatique, alcoolisme, insuffi­
sance respiratoire partielle et globale, syndrome des ap­
nées du sommeil non traité, en périopératoire, lors de
l’administration de produits de contraste). Dans les for­
mes légères (par ex. insuffisance cardiaque stable, bien
compensée), les avantages de la metformine doivent être
pesés individuellement contre le risque (en soi minime)
d’acidose lactique.
Les effets indésirables gastro­intestinaux de la metfor­
mine, souvent constatés, sont plus rares si elle est pro­
gressivement augmentée à une dose de 2000 mg/j sur
1–2 mois. Une dose plus élevée n’a de sens que dans
des situations exceptionnelles chez des diabétiques très
obèses.
Inhibiteurs de la glucosidase (acarbose)
L’acarbose inhibe la glucosidase intestinale et du même
fait la scission entérale des hydrates de carbone et la
résorption du glucose. En raison de ses effets indési­
rables gastro­intestinaux parfois très marqués, l’acar­
bose est peut­être trop peu utilisé, ou à trop faible dose.
Sulfonylurées
Les sulfonylurées stimulent la sécrétion d’insuline et peu­
vent ainsi provoquer des hypoglycémies et une prise
Tableau 3
Aperçu des antidiabétiques oraux (ADO) / mimétiques du GLP­1 disponibles.
Médicaments /
coûts annuels*
Inhibiteur de
l’a-glucosidase
Acarbose (Glucobay®)
env. CHF 400
Biguanide
Metformine
env. CHF 150
Sulfonylurées (SH)
Gliclazide (Diamicron MR®)
Glimépiride (Amaryl®)
Glibornuride (Glutril®)
env. CHF 300–400,
génériques parfois meilleur
marché
Glutril® env. CHF 600
Glinides
Répaglinide (Novonorm®)
Natéglinide (Starlix®)
Début avec
Dose
maximale
50 mg
3 x 100 mg
500 mg
3 x 1000 mg
1 x 30 mg
1 x 1 mg
1 x 12,5 mg
1 x 120 mg
1 x 4–6 mg
75 mg/d
(2–0–1)
3 x 0,5 mg
3 x 120 mg (peut être
réduit à 3 x 60 mg)
3 x 4 mg
3 x 120 mg
1 x 15 mg
1 x 45 mg
1 x 100 mg
1 x 50 mg
1 x 2,5–5 mg
1 x 5 mg
1 x 100 mg
2 x 50 mg
1 x 5 mg
1 x 5 mg
Effets indésirables
Contre-indications**
Remarques
A prendre sans le croquer
immédiatement avant les repas
Flatulences
Diarrhée
Hépatopathie
Flatulences
Diarrhée
Acidose lactique
GRF <60 ml/min, toutes
formes d’éventuelle hypoxie
tissulaire (voir texte)
Pas d’hypoglycémie
Hypoglycémies
Prise de poids
Réactions cutanées
EI gastro­intestinaux
Grave insuffisance rénale
ou hépatique
Instruction indispensable sur les
hypoglycémies et le contrôle de
la glycémie avant de prendre sa
voiture; Diamicron MR® et
Amaryl® à prendre uniquement
le matin
Hypoglycémies
Tests hépatiques
augmentés
Réactions cutanées
Grave insuffisance hépatique
Pas de glinide si repas sauté.
Expllications sur les
hypoglycémies indispensables
Œdèmes
Insuffisance cardiaque
Hépatopathie
Fractures (femmes)
Insuffisance cardiaque
NYHA III–IV
Carcinome vésical
Insuffisance hépatique
Pas d’association à l’insuline si
insuffisance cardiaque
EI gastro­intestinaux
Hépatopathie
Insuffisance cardiaque
NYHA III–IV
Sitagliptine, saxagliptine:
adaptation posologique si IR,
vildagliptine pas si GFR <50 ml/
min
EI gastro­intestinaux
Pancréatite
Pancréatite
Grave insuffisance rénale
Injection sous­cutanée
Traitement de 2e intention
uniquement avec autres ADO
ou insuline; demande de prise
en charge pour le liraglutide
et association à insuline
obligatoire
Répaglinide env. CHF 1200,
natéglinide env. CHF 900
Glitazones
Pioglitazone (Actos®)
env. CHF 740
Gliptines
Sitagliptine (Januvia®)
Vildagliptine (Galvus®)
Saxagliptine (Onglyza®)
Linaglitpine (Trajenta®)
env. CHF 800–900
Agonistes du récepteur
du GLP-1
Exénatide (Byetta®)
Liraglutide (Victoza®)
Exénatide (Budyreon®)
Byetta® env. CHF 2000
Victoza® env. CHF 3000
Bydureon® env. CHF 1800
2 x 5 µg
1 x 0,6 mg
2 mg 1 x par semaine
2 x 10 mg
1 x 1,8 mg
EI: effets indésirables; IR: insuffisance rénale
* Coûts annuels à posologie maximale. Si générique prix du générique indiqué (sans garantie).
** Tous ces médicaments sont actuellement contre­indiqués pendant la grossesse et l’allaitement, dans l’insuffisance rénale grave et le diabète de type 1.
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pondérale. Elles sont efficaces, depuis des dizaines
d’années sur le marché et bien connues de nombreux
médecins (de famille). Elles s’accumulent cependant
avec une GFR <50 ml/min et peuvent alors provoquer
des hypoglycémies prolongées, ce qui fait qu’elles ne
doivent plus être utilisées dans l’insuffisance rénale
modérée. S’il reçoit une prescription pour une sulfonyl­
urée le patient doit être informé de ces hypoglycémies
et des précautions à prendre lorsqu’il conduit.
Glinides
Les glinides stimulent brièvement la sécrétion d’insu­
line et se prennent toujours avant un repas. Si le patient
saute un repas il ne doit pas prendre de glinide. Le
risque d’hypoglycémie est plus faible qu’avec les sulfo­
nylurées mais pas nul. Les associations glinide et sulfo­
nylurée n’ont aucun sens et ne sont pas admises. Le ré­
paglinide et le natéglinide sont métabolisés dans le foie.
Des cas isolés d’hypoglycémie ont été décrits sous trai­
tement par glinides en cas de grave insuffisance rénale,
ce qui fait que nous ne les recommandons qu’avec une
GFR >30 ml/min.
Néoglucogenèse hépatique augmentée
Perte de poids, activité physique,
Appétit augmenté
metformine, insuline, glitazone
Agoniste du récepteur du
GLP-1
Insulinorésistance
Perte de poids, activité physique,
metformine, glitazone
Sécrétion de glucagon
augmentée
Agoniste du récepteur du
GLP-1, inhibiteur de la DPP-IV
Vidange gastrique accélérée
Agonistes du récepteur du
GLP-1
Hyperglycémie
Dans le diabète de type 2
Résorption des hydrates de carbone
Inhibiteurs de l’alpha-glucosidase
Sécrétion d’insuline
insuffisante
Sulfonylurées, glinides,
agonistes du récepteur du
GLP-1, inhibiteurs de la
DPP-IV
Effet de l’incrétine abaissé
Agonistes du récepteur du GLP-1
Inhibiteurs de la DPP-IV
Figure 2
Causes de l’hyperglycémie dans le diabète de type 2 et sites d’action des antidiabétiques
oraux/agonistes du récepteur du GLP­1 [8].
Cerveau:
Sensation de satiété
Appétit
Estomac:
Vidange ralentie
Pancréas:
(effet dépendant du glucose)
Sécrétion d’insuline
Synthèse d’insuline
Sécrétion de glucagon
Prolifération de cellules β
Apoptose des cellules β
Figure 3
Effets des agonistes du récepteur du GLP­1.
Glitazones (pioglitazone)
Les glitazones diminuent l’insulinorésistance, ne pro­
voquent pas d’hypoglycémie et ont un effet positif sur le
profil lipidique. La troglitazone a été retirée du marché
à cause de nécroses hépatocellulaires, la rosiglitazone à
cause d’une incidence accrue d’accidents cardiaques. Il
ne reste plus que la pioglitazone, contre­indiquée dans
toutes les formes d’insuffisance cardiaque, qui peut
provoquer une prise de poids non négligeable et des
œdèmes en association à une insulinothérapie.
Des méta­analyses ont trouvé sous traitement de piogli­
tazone une augmentation des carcinomes vésicaux et
des fractures des os distaux des extrémités chez les
femmes. Le risque absolu est très faible (par ex. carci­
nome vésical: 19 cas chez 12 506 patients sous pioglita­
zone contre 7 cas chez 10 212 patients sous placebo),
mais environ 2 fois plus grand avec la pioglitazone
qu’avec les autres antidiabétiques oraux.
Gliptines
Les gliptines inhibent la DPP IV (dipeptidylpeptidase
IV), qui métabolise entre autres le GLP­1 (glucagon­like
peptide) et le GIP (peptide insulinotrope dépendant du
glucose). Les gliptines ne font pas prendre de poids et
ne provoquent pas d’hypoglycémies, elles sont admises
avec une GFR >30 ml/min, avec adaptation de la dose
suivant la gliptine. La linagliptine est proposée même
dans l’insuffisance rénale grave. En raison du manque
d’expérience à long terme, les gliptines ne sont recom­
mandées qu’en seconde intention. Seule la sitagliptine
est actuellement admise en association à l’insuline.
Agonistes du récepteur du GLP-1
L’activation du récepteur du GLP­1 provoque une sti­
mulation de la sécrétion d’insuline en fonction du glu­
cose, une inhibition de la sécrétion postprandiale de
glucagon et un ralentissement de la vidange gastrique,
avec augmentation de la sensation de satiété (fig. 3 x).
Ils sont admis en seconde intention en association à la
metformine et/ou aux sulfonylurées, si malgré leur dose
maximale tolérée ces médicaments ne permettent pas
d’atteindre un contrôle satisfaisant de la glycémie. Ils
ne provoquent eux­mêmes pas d’hypoglycémies et
peuvent contribuer à abaisser le poids corporel. En dé­
but de traitement, ils ont des effets indésirables gastro­
intestinaux dans jusqu’à 30% des cas, surtout l’exéna­
tide. Des cas isolés de grave pancréatite aiguë ont été
décrits pour l’exénatide et le liraglutide après leur in­
troduction sur le marché.
Le traitement par agonistes du récepteur du GLP­1
coûte cher et il n’y pas encore de données sur leur sé­
curité à long terme. Une demande de prise en charge
est pour le moment nécessaire avant un traitement par
liraglutide ou l’association d’un agoniste du récepteur
du GLP­1 à une insulinothérapie.
Insulinothérapie
L’insulinothérapie chez les diabétiques est physiolo­
gique, donc jamais fausse. Elle doit être mise en route
dans les cas suivants:
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Contre­indication aux antidiabétiques oraux
Hyperglycémie chez la femme enceinte
Cétonémie
Glycémies plusieurs fois >15 mmol/l et HbA1c >10%
Symptômes évidents d’hyperglycémie
Suspicion de diabète de type 1
Troubles de la cicatrisation de plaies avec hypergly­
cémie
– En périopératoire.
Insulinothérapie initiale
Aucun diabétique ne doit recevoir d’insuline s’il ne peut
doser lui­même sa glycémie, n’est pas instruit sur le
comportement à avoir en cas d’hypoglycémie ou – s’il
n’en est pas capable – n’a pas le soutien nécessaire de
la part de proches instruits ou de soignants. Une insu­
linothérapie est mise en route en ambulatoire en géné­
ral avec une insuline basale avant de dormir (Levemir®
ou Lantus®, bientôt Degludec®), une dose initiale pos­
sible étant 0,2 U/kg de poids corporel, ou très prudente
de 10 U. L’insuline basale doit être associée à un anti­
diabétique oral (par ex. insuline basale + metformine,
insuline basale + sulfonylurée, traitement dit oral sou­
tenu par basal) et augmenté rapidement jusqu’à at­
teindre une glycémie à jeun <7 mmol/l. Si la glycémie
préprandiale est toujours >11 mmol/l il faut passer à
une insulinothérapie intensifiée (adjonction d’une insu­
line prandiale). Pour l’adaptation plus détaillée de l’insu­
linothérapie, prière de consulter le travail d’A. Lanker [3].
Insulinothérapie en cas de suspicion
de diabète de type 1
Idéalement, un patient chez lequel est suspecté un dia­
bète de type 1 doit consulter sans délai un diabétologue
car sa dose d’insuline sera fonction de l’importance de
son problème. Le patient doit en outre apprendre l’auto­
contrôle de sa glycémie directement au début de son in­
sulinothérapie, la réaction à avoir en cas d’hypoglycé­
mie de même que l’adaptation «fonctionnelle» de sa
dose d’insuline en fonction des hydrates de carbone in­
gérés. Le contrôle de la glycémie est nettement plus fa­
cile s’il y a encore une sécrétion d’insuline résiduelle,
Tableau 4
Antidiabétiques dans l’insuffisance rénale.
Classe de médicaments
Médicament
Admis dans l’insuffisance rénale
Admis dans la dialyse
Inhibiteur de l’a-glucosidase
Acarbose
GFR >60
Oui
Non
GFR <60
Non
Biguanide
Metformine
GFR >60
Oui
GFR 45–60
Seulement si aucune autre étiologie
d’éventuelle acidose lactique
GFR <45
Non
GFR >60
Oui
GFR <60
Non
GFR >60
Oui
GFR 40–60
Prudemment
GFR <40
Non
Sulfonylurées
Glimépiride
Gliclazide
Glinides
Répaglinide
Gliptines
Pioglitazone
Sitagliptine
Vildagliptine
Saxagliptine
Linaglitpine
Agonistes du récepteur
du GLP-1
Exénatide
Liraglutide
Non
Non
Oui
Natéglinide
Glitazone
Non
Oui
Prudemment
Non
GFR >60
Oui
GFR <60
Risque de rétention hydrosaline
Peu d’expérience, grande
prudence
GFR >50
Oui
GFR 30–50
50 mg/d
GFR <30
25 mg/j, peu d’expérience
GFR >50
Oui
GFR <50
Non
GFR >50
Oui
GFR 30–50
2,5 mg/d
GFR <30
2,5 mg/j, peu d’expérience
GFR >50
Oui
GFR <50
Oui, peu d’expérience
Aucune expérience,
prudemment
GFR >60
Oui
Non
GFR 30–60
Peu d’expérience, prudemment
GFR <30
Oui
GFR >50
Oui
GFR <50
Oui, peu d’expérience
Peu d’expérience,
prudemment
Non
Non
Non
De [9].
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CurriCulum
raison pour laquelle l’insulinothérapie fonctionnelle est
mise en route immédiatement après la pose du diag­
nostic.
Insulinothérapie chez la femme enceinte
et dans le diabète induit par les glucocorticoïdes
Pour l’insulinothérapie chez la femme enceinte et dans
le diabète induit par les glucocorticoïdes, nous ren­
voyons le lecteur aux recommandations de la Société
suisse d’Endocrinologie et Diabétologie de 2009 [4] et à
l’article sur le diabète induit par les glucocorticoïdes ré­
cemment publié dans Forum Médical Suisse [5].
Recherche de complications
et de facteurs de risque cardiovasculaire
Dès la pose du diagnostic de diabète de type 2, il faut en
rechercher les éventuelles complications et les facteurs
de risque cardiovasculaire (tab. 4 p). Si les résultats
sont normaux cette recherche sera reprise chaque an­
née. Un diabète de type 2 méconnu pendant des années
peut déjà avoir provoqué toutes les complications pos­
sibles.
Tableau 5
Recherche de complications et maladies concomitantes.
Complications
Néphropathie
Clairance de la créatinine (ou GFR avec la formule MDRD),
quotient albumine­créatinine dans l’urine spontanée
matinale ou au moins Mikraltest dans la 2e urine du matin
Rétinopathie
Examen du fond d’œil en mydriase
Neuropathie
Examen des pieds pour malposition, zones de pression,
ulcères, sensibilité vibratoire, recherche de neurofila­
ments, sens postural, réflexes. Si neuropathie examen des
chaussures.
Anamnèse de dysfonction érectile?
Maladies concomitantes
NASH (stéatohépatite
non alcoolique)
Transaminases (si >120 UI/l rechercher d’autres causes)
CI
Anamnèse, ECG au repos, ergométrie
AOMI
Status artériel: pulsations, souffles artériels, ABI
Syndrome des apnées
obstructives du sommeil
Anamnèse (Epworth Sleepiness Scale, question
si somnolence diurne, évt polysomnographie nocturne
si BMI > 35 kg/m2)
Dépression
Anamnèse
Tableau 6
Buts thérapeutiques si facteurs de risque cardiovasculaire.
Hypertension artérielle
Tension <135/80 mm Hg (si protéinurie <130/80 mm Hg);
automesure à domicile avec manchette avant­bras de largeur
adéquate
Dyslipidémie
Cholestérol LDL <2,6 mmol/l, si CI <1,8 mmol/l; baisse des
triglycérides et augmentation du cholestérol HDL par activité
physique
Nicotine
Abstinence
Traitement des facteurs de risque cardiovasculaire et pathologies concomitantes
Le traitement des facteurs de risque cardiovasculaires
et pathologies concomitantes est entrepris sitôt après la
pose du diagnostic de diabète de type 2 ou de prédia­
bète (tab. 5 et 6 p). L’optimisation simultanée des fac­
teurs de risque cardiovasculaire n’est pas moins impor­
tante que celle du contrôle de la glycémie.
Une prévention secondaire par Aspirine à faible dose
est toujours recommandée avec une maladie cardiovas­
culaire connue. La prévention primaire par Aspirine sans
maladie cardiovasculaire établie est par contre contro­
versée depuis quelques années. Elle est indiquée chez
les diabétiques ayant un risque >10% d’accident cardio­
vasculaire à 10 ans, c’est­à­dire surtout en présence
d’un autre risque cardiovasculaire chez les hommes de
plus de 50 ans et les femmes de plus de 60 ans. Le trai­
tement par Aspirine doit être pesé contre le risque ac­
cru d’hémorragie gastro­intestinale.
Un traitement antihypertenseur est si possible mis en
route par un inhibiteur de l’ECA ou un antagoniste du
récepteur de l’AT1, et sera si nécessaire complété par
l’hydrochlorothiazide dans un second temps. Une dys­
lipidémie se traite par une statine. Une hypertriglycéri­
démie est un facteur de risque cardiovasculaire supplé­
mentaire. Elle sera le mieux corrigée par une activité
physique plus intense, une modification des habitudes
alimentaires, une perte de poids et une diminution de
la consommation d’alcool [6]. Un traitement médica­
menteux par fibrates pour abaisser les triglycérides
n’est recommandé que si les taux sont extrêmement
élevés et est souvent peu satisfaisant.
Une cardiopathie ischémique (CI), une artériopathie
oblitérante des membres inférieurs (AOMI) ou un syn­
drome des apnées obstructives du sommeil (SAOP)
doivent être traités spécifiquement. Une stéatohépatite
non alcoolique (NASH) est souvent améliorée par un
bon contrôle de la glycémie, une alimentation pauvre
en calories et en graisses et par une perte de poids. Si
les transaminases sont à plus de 3 fois leurs normes il
faut exclure d’autres étiologies de l’hépatopathie. Tous
les diabétiques doivent être examinés à la recherche
d’une dépression et traités le cas échéant.
Qu’est-ce qui a changé
ces dernières années?
La pose du diagnostic avec l’HbA1c est maintenant offi­
ciellement autorisée. La définition du «prédiabète» per­
met une intervention toujours plus préventive. Plu­
sieurs études ont pu démontrer que la mortalité est plus
élevée avec une HbA1c basse, à savoir par hypoglycé­
mie. Est donc recommandée une HbA1c <6,5% chez les
patients jeunes et <7% chez tous les autres, en évitant
les hypoglycémies et importantes variations de la glycé­
mie.
Pour le traitement initial du diabète de type 2, les der­
nières recommandations préconisent la metformine dès
le diagnostic posé, sauf en cas de contre­indications.
Avec les inhibiteurs DPPI et les agonistes du récepteur
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CurriCulum
du GLP­1, nous avons la possibilité d’abaisser la glycé­
mie sans risque d’hypoglycémie ni effet sur le poids.
Une opération bariatrique est de plus en plus souvent re­
commandée chez les diabétiques obèses (BMI >35 kg/m2)
et insulinorésistants [7]. Pour une telle intervention, les
patients doivent être soigneusement sélectionnés et sui­
vis, à cause également de leurs diagnostics psychia­
triques. Ils doivent avoir entrepris une tentative de trai­
tement conservateur sous contrôle médical et nutrition­
niste pendant 2 ans (1 année si BMI >50 kg/m2) et
auront besoin par la suite d’un suivi consciencieux à vie.
Il y a en Suisse de plus en plus de groupes ambulatoires
de réadaptation et de suivi DIAfit, dans lesquels les pa­
tients sont incités à pratiquer une activité physique et
changer leurs habitudes alimentaires (www.diafit.ch),
qui enseignent le changement de mode vie très progres­
sivement, de manière structurée, pratique et à long
terme. Ce programme de réadaptation DIAfit est re­
connu par la Société suisse d’Endocrinologie et Diabé­
tologie (SSED) et ses coûts (env. CHF 3000) sont pris en
charge par l’assurance de base. Ceux des groupes de
suivi DIAfit ne sont par contre pas obligatoirement pris
en charge mais parfois remboursés par les complémen­
taires. Nous ne connaissons pas de programme struc­
turé semblable pour les patients ayant un prédiabète,
ni pour les patientes ayant eu un diabète gestationnel,
mais ce serait un plus parfaitement souhaitable.
Correspondance:
Dr Anne Katrin Borm
Oberärztin Endokrinologie/Diabetologie
Kantonsspital Aarau AG
Tellstrasse
CH-5001 Aarau
annekatrin.borm[at]ksa.ch
Références
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timmung von HbA1c. Schweiz Med Forum 2012;12(23) 466–9.
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Alter. Therapeutische Umschau 2009;66:707–11.
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Therapeutische Umschau 2009;66:685–93.
4* Lehmann R, Troendle A, Brändle M: Neue Erkenntnisse zur Diagnos­
tik und Management des Gestationsdiabetes. Therapeutische Um­
schau 2009;66(10):695–706.
5 Capraro J, Wiesli P: Steroidinduzierter Diabetes mellitus. Schweiz
Med Forum 2012;12(27–28):562–5.
6* Diem P: Ziele einer umfassenden Behandlung des Diabetes mellitus
Typ 2. Therapeutische Umschau 2009;66:675–6.
7 Dixon J, le Roux CW, Rubino F, Zimmet P: Bariatric surgery for type
2 diabetes. Lancet 2012;379:2300–11.
8 Ismail­Beigi, F: Glycemic management of type 2 diabetes mellitus.
New England Journal of Medicine 2012:366:1319–27.
9 Zanchi A, Lehmann R, Philippe J: Antidiabetic drugs and kidney di­
sease. Recommendations of the Swiss Society for Endocrinology and
Diabetology. Swiss Med Wkly 2012;142:w13629.
*
Ces références peuvent être consultées sur le site web de la Société
suisse d’Endocrinologie et Diabétologie (SGED/SSED): www.
sgedssed.ch/dokumente/
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