contrôleurs généraux des finances - Université Paris

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contrôleurs généraux des finances - Université Paris
UNIVERSITÉ DE PARIS-IV SORBONNE
ÉVOLE DOCTORALE II
: HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE (ED 0188).
TITRE DE LA THÈSE : « LES CONTRÔLEURS GÉNÉRAUX DES FINANCES DE
MACHAULT D’ARNOUVILLE À ÉTIENNE DE SILHOUETTE (1745-1759) ».
Position de thèse, sous la direction de M. le professeur Yves-Marie Bercé,
par Benjamin MERCIER.
Introduction : Pour une histoire politique de l’échec.
Le constat de départ de ce travail a été la faible trace laissée dans l’historiographie par les
contrôleurs généraux des finances de la période 1745-1759 (Machault d’Arnouville, Moreau de Séchelles, Peyrenc de Moras, Boullongne et Silhouette). Alors que le contrôle général
est souvent présenté comme l’institution la plus importante et moderne de l’Ancien Régime,
ses titulaires sont peu connus. Sans vouloir faire une œuvre de réhabilitation, il nous semble
intéressant non seulement de mesurer cet échec, mais encore d’en trouver les facteurs explicatifs en dégageant, de manière plus générale, la place du contrôleur général des finances dans
l’administration de l’Ancien Régime mais encore en s’intéressant au processus de la prise de
décision durant le règne de Louis XV
Chapitre préliminaire : Images des contrôleurs généraux des finances.
L’image laissée par les différents contrôleurs généraux des finances parmi les mémorialistes et les historiens a débord été étudiée. Un certain nombre de critères – raison de la nomination, origines sociales, carrières, style de gouvernement, départ – a été repéré dans ces œuvres
pour saisir la manière dont a été dressée l’image du « mauvais ministre ». Ce dernier apparaît
essentiellement, à toutes les époques, comme un homme manquant de mesure. Cette construction révèle que les historiens ont très fortement été influencés par les mémorialistes dans leur
écriture du passé.
PREMIÈRE PARTIE : LA POLITIQUE DES CONTRÔLEURS GÉNÉRAUX DE 1745 À 1759.
Notre première tâche a été de mesurer l’échec des contrôleurs généraux des finances entre
1745 et 1759. Le moyen le plus perceptible a été de s’intéresser aux différentes mesures qu’ils
prirent. Traditionnellement, ces dernières sont marquées du sceau de l’incapacité à résoudre le
déficit financier de la monarchie qui a été présenté en introduction.
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POSITION DE THÈSE
: « LES CONTRÔLEURS GÉNÉRAUX DES FINANCES DE MACHAULT D’ARNOUVILLE À
ÉTIENNE DE SILHOUETTE (1745-1759)
Chapitre I : À la recherche du crédit.
Le poids du déficit se révéla de manière flagrante en octobre 1759 lorsque Silhouette décida la cessation des paiements dus par la monarchie. L’évolution de la politique de crédit mise
en place par les contrôleurs généraux devait donc être étudiée, en rappelant les deux grandes
formes qu’elle prit : appel au public ou appel aux corps particuliers. Deux étapes se distinguent entre 1745 et 1759. Jusqu’en 1749, dans un contexte de guerre, rien ne vient distinguer
des périodes précédentes les émissions de rentes fondées soit sur une ferme, soit sur une imposition spécialement créée. Avec la fin de la guerre de Succession d’Autriche, Machault
d’Arnouville mit au point une politique d’amortissement dont l’effet ne fut pas tant de réduire
les dettes de la monarchie que de libérer des fonds pour permettre de nouveaux emprunts.
Ceci entraîna, dans un contexte de défiance du public envers les rentes royales, une augmentation des taux d’intérêts qui aboutirent à la cessation de paiement de 1759.
Chapitre II : L’impôt et les faux-semblants de la réforme.
Cette évolution de la politique royale face aux emprunts est à mettre en relation avec les
décisions fiscales des contrôleurs généraux entre 1745 et 1759. Ces dernières ne présentent
pas de changements notables par rapport aux périodes précédentes. Cependant, la recherche
d’une plus grande justice dans les impositions existantes et une volonté de rediriger les taxes
sur les produits de consommation, afin de toucher le moins possible les produits nécessaires à
la vie quotidienne, furent visibles. Elles étaient le signe d’une réflexion de la part des milieux
dirigeants sur la nature et les capacités des contribuables. Une réforme de l’imposition eut
toutefois lieu en 1749 avec l’institution du vingtième par Machault d’Arnouville. L’analyse
de son édit de création et sa comparaison avec d’autres impôts de l’Ancien Régime – dixième,
cinquantième – permet de mesurer véritablement son caractère « révolutionnaire ». Un grand
nombre des décisions mettant en place le vingtième se trouvaient déjà dans les déclarations
antérieures. Mais l’absence de terme de cette imposition, l’assujettissement des usufruitiers et
sa forme diplomatique – un édit – lui conférait un caractère inhabituel.
Chapitre III : La naissance du libéralisme.
L’évolution des impôts sur la consommation laissait déjà présager une modification
conceptuelle dans les décisions prises par les contrôleurs généraux des finances entre 1745 et
1759. Celle-ci est encore plus visible dans un certain nombre de mesures allant dans le sens
des enseignements de l’école du libéralisme égalitaire, dont le représentant majeur était Vincent de Gournay. Ce mélange de protection et de liberté fut appliqué dans la réglementation
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des grains, des toiles et des corporations. Alors que « l’esprit public » se montrait favorable à
ces mesures, grâce à la diffusion d’un certain nombre d’œuvres sur celles-ci, les contrôleurs
généraux des finances les influencèrent par leur propre expérience et permirent la diffusion du
« premier libéralisme » dans les décisions royales. Ce furent cependant des échecs pour différentes raisons : opposition des corps mais aussi fragilité de la forme diplomatique adoptée.
LES CONTRÔLEURS GÉNÉRAUX DES FINANCES AU TRAVAIL.
La mesure de l’échec a été relativement facile à prendre. Il faut, pour en trouver les raisons, se centrer de manière plus nette sur les contrôleurs généraux et le poids qu’ils purent
occuper au sein de leur administration, au sein du gouvernement et de la Cour et au sein du
royaume.
Chapitre IV : Le contrôleur général des finances et le contrôle général des finances
Les relations entre les contrôleurs généraux et leurs auxiliaires directs ne pouvaient être
éviter. En effet, historiographiquement, ces derniers, personnel beaucoup plus stable que les
premiers, ont été présentés comme le facteur permettant le bon fonctionnement de
l’administration centrale des finances, pouvant, par leurs compétences, pallier les insuffisances de leurs chefs. Cependant, la période 1745-1759, comme les précédentes, fut marquée par
une relation de travail alliant autonomie et dépendance. Les tâches spécifiques des auxiliaires
leur permettaient la première, mais, à partir de Moreau de Séchelles, une tendance nette au
népotisme et aux réseaux se dévoila dans les nominations au contrôle général. La liberté laissée aux auxiliaires était placée sous le signe de la surveillance par les contrôleurs généraux,
comme l’illustre les fonctions confiées aux premiers commis Clautrier. De manière générale,
le travail avec leurs auxiliaires était placé sous le signe de l’avis et du rapport. Le même mélange d’indépendance et de soumission se retrouve dans la correspondance avec les intendants
de province ou ceux de commerce. Les donneurs d’avis ne jouèrent pas un rôle essentiel dans
la conduite économique et financière de la France, même si leur importance était véritable. De
même, l’apparition des « conseillers occultes », généralement présentée comme le signe du
peu de valeur des contrôleurs généraux, ne fut pas un phénomène propre à l’arrivée de
Peyrenc de Moras. Elle était ancienne et indiquait les relations complexes que le contrôleur
général entretenait avec les milieux financiers. Le travail quotidien des contrôleurs généraux
est difficile à reconstituer, étant donné la dispersion des sources. Il semble être un mélange
d’archaïsme et de modernité et possède un fort caractère prosaïque. Cependant, il ne connut
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pas de véritables modifications durant la période, ni par rapport aux époques précédentes. Les
contrôleurs généraux du XVIIIe siècle travaillaient comme ceux du règne de Louis XIV.
Chapitre V : Le contrôleur général et la Cour.
Au sein de la Cour et des Conseils, le contrôleur général disposait d’une influence complexe. Son rôle dans les conseils du roi était à la fois important et réduit, à cause essentiellement de la perte d’influence de cette institution durant le règne de Louis XV. L’insertion des
contrôleurs généraux au sein des Conseils diminua cependant durant la période étudiée. Toutefois plus elle était réduite et plus les marques de népotisme et de clientélisme de leur part
étaient importantes, preuve qu’ils avaient conscience de la diminution de leur poids politique.
Les rapports des contrôleurs généraux avec les secrétaires d’État se marquaient essentiellement par un caractère administratif. La correspondance échangée entre eux ne fut jamais le
lieu de la prise de décision. L’influence des contrôleurs généraux dans cette dernière était sans
doute bien plus le fait des personnes que de la fonction. Leur échec peut aussi se comprendre
par leur diminution progressive au sein des partis de la cour. Ils passèrent, en effet, de chefs
de faction à membres de partis. L’insertion au sein de la Cour était variable. Seul Boullongne
posséda un réseau important dans le monde curial. Les amitiés et les fidélités au sein de la
famille royale, la participation aux cérémonies monarchiques, la recherche d’honneurs pouvaient être importantes mais dépendaient plus de la personne que de la fonction.
Chapitre V : Le contrôleur général des finances et le royaume.
Au sein du royaume, l’opposition aux décisions des contrôleurs généraux fut menée essentiellement par le clergé, les Parlements et les États. Tant qu’elle n’émanait que d’un seul
corps, les contrôleurs généraux adoptèrent un mélange entre conciliation et fermeté, permettant une résolution relativement pacifique des conflits. La crise du vingtième et la multiplication des foyers d’opposition, à partir des années 1752, changea la donne. Elles réduisirent la
possibilité pour les contrôleurs généraux de faire preuve de fermeté et laissèrent le champ
libre aux partisans de la conciliation, comme l’illustrait la modification de la correspondance
avec les commissaires du roi aux États : ces derniers possédaient une marge de manœuvre
beaucoup plus étendue que dans la période 1745-1758. Les arguments utilisés par les contrôleurs généraux pour répondre aux prétentions des corps illustraient l’incapacité de la monarchie à entendre les raisons de l’opposition. Les causes de cette dernière étaient systématiquement déplacées, sans pouvoir concevoir que la politique même en était responsable. Seuls
Machault d’Arnouville et Étienne de Silhouette tentèrent, pour gagner à leur cause l’esprit
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public, de maîtriser l’opinion, tandis que les autres mirent toujours en avant la politique du
secret.
Autant les modifications furent faibles au sein du contrôle général, autant elles furent importantes dans les relations avec le gouvernement et le reste du royaume. Une raison essentielle est, comme le montrent les pouvoirs nommant les contrôleurs généraux,
l’affaiblissement politique du contrôleur général.
POUR UNE HISTOIRE SOCIALE DES CONTRÔLEURS GÉNÉRAUX DES FINANCES.
À l’aide des différents travaux d’historiens, les origines sociales, la carrière et la fortune
des contrôleurs généraux des finances sont précisées dans une visée comparatiste non seulement avec les ministres, mais encore d’autres groupes sociaux.
Chapitre VII : Familles et alliances des contrôleurs généraux des finances.
Sans vouloir dénigrer la typologie opposant généralement la noblesse de robe, celle
d’extraction et celle de finances, une étude généalogique des contrôleurs généraux doit permettre de mettre en évidence la complexité de leurs origines sociales. Celle-ci se marque par
un mélange entre le service administratif et la participation aux finances extraordinaires de la
monarchie. Le processus d’ascension sociale semble relativement identique pour les familles
de « parvenus » – Moreau, Peyrenc, Boullongne et Silhouette –, seules les étapes chronologiques diffèrent. En revanche, dans tous les cas, les fonctions occupées par le père des contrôleurs généraux ont été d’une grande importance. Dans le cas de Machault, elle a permis un
nouveau dynamisme dans le service administratif. Dans les autres cas, elles ont généralement
permis à la famille de passer d’un niveau d’honorabilité local à une plus grande échelle, essentiellement dans le domaine de la finance et du négoce, pour les familles Moreau, Peyrenc
et Silhouette.
Chapitre VIII : La carrière des contrôleurs généraux des finances.
L’étude de la carrière doit être replacée dans l’étude des facteurs permettant de saisir
l’échec des contrôleurs généraux des finances. Il faut ici s’éloigner du cursus honorum tel
qu’il est généralement décrit pour l’Ancien Régime. Bien sûr, trois des contrôleurs généraux
de la période – Machault, Moreau de Séchelles et Peyrenc de Moras le suivirent. De même,
tous exercèrent une fonction au Conseil du roi. Il a été possible, à partir des archives des différentes commissions, de retracer le cheminement de la carrière de Machault d’Arnouville et
de Moreau de Séchelles. Cependant, ce descriptif ne nous semble pas pertinent pour expliquer
véritablement les raisons de la nomination. Le poids des influences et l’exercice de charges
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plus spécifiques semblent être d’une grande utilité pour le saisir. Cela est particulièrement
visible dans la carrière de Boullongne et de Silhouette qui occupèrent essentiellement des
fonctions dans un domaine précis. Le premier devint un « spécialiste » du maniement des finances, tandis que le second développa un système économique fondé sur une imitation de
l’Angleterre. Il semble que ce fut cette spécificité qui permit leur nomination. Le changement
majeur dans l’accession au contrôle général se passa donc avec l’arrivée de Boullongne. Ce
fut l’apparition du « ministre technicien ». Le rapide passage de ces hommes à la tête de
l’administration centrale des finances en illustre parfaitement l’échec, mais celui-ci n’est pas
propre au contrôle général des finances. Les années 1756-1759 se marquèrent par l’arrivée
massive de spécialistes aux différents départements ministériels. Ce fut à chaque fois, si ce
n’est le cas de Belle-Isle, des échecs flagrants.
Chapitre IX : Patrimoines et modes de vie des contrôleurs généraux.
L’étude du patrimoine et des modes de vie des contrôleurs généraux s’inscrit dans la tradition historiographique de toute étude prosopographique. Elle a pour but de saisir s’il est possible de parler d’un échec social des contrôleurs généraux. La constitution de leur patrimoine
varia selon les contrôleurs généraux. Machault d’Arnouville, comme auparavant Chamillart,
s’enrichit essentiellement grâce à la faveur du roi. Ses successeurs bénéficièrent moins des
largesses du souverain. En revanche, la gestion de la fortune fut identique et se concentrait
essentiellement sur les rentes et les acquisitions foncières. Même si la part des dernières surprend par rapport aux analyses menées sur d’autres groupes sociaux, comme les parlementaires parisiens ou les fermiers généraux, il faut remarquer que les contrôleurs généraux ne furent jamais les parvenus que certains historiens ont voulu décrire. D’ailleurs leur mode de vie
se calque sur celui des autres nobles. Le style seigneurial fut, en effet, adopté par tous les
contrôleurs généraux des finances : embellissement des seigneuries, générosité envers les
paysans, recherche d’honneurs. En revanche, leur fragilité politique apparaît dans les tentatives de constitution de « maisons ». Jamais après l’exil, ils ne purent avoir une sociabilité importante. Cette dernière était généralement centrée sur la famille proche.
CONCLUSION
L’échec des contrôleurs généraux des finances apparaît donc pleinement au terme de ce
travail : échec économique et financier, politique et social. Cependant, les raisons ne doivent
pas en être cherchées dans l’incompétence des titulaires mais dans la fonction même de
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contrôleur général. Le pouvoir qu’en possédèrent les titulaires dépendait beaucoup plus de la
confiance du souverain que de la charge en elle-même.
ANNEXES.
Portraits de contrôleurs généraux des finances, Mémoire de Pâris-Duverney présenté au
Conseil du roi à l’origine du vingtième, Lettre de Jean de Boullongne au duc d’Aiguillon indiquant les ruptures dans la politique face aux États, Lettre calomniatrice de l’abbé Lenglet du Fresnoy adressée à Machault d’Arnouville, Mémoire d’Étienne de Silhouette sur le
rétablissement de la confiance, documents sur l’hôtel du Grand Contrôle à Versailles et sur
celui du Contrôle général à Paris, Lettre de Machault d’Arnouville au contrôleur général Bertin sur l’état de sa fortune.