La physique des particules - Faculté des sciences et de génie

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La physique des particules - Faculté des sciences et de génie
La matière, comment c’est fait?
La physique des par ticules
La physique des particules a réellement vu le jour au début du 20e siècle avec les découvertes de
l’électron, du proton et du neutron. La physique qui s’appuyait jusqu’alors sur un modèle d’atome
indivisible a connu un profond bouleversement. La matière était désormais constituée de ces trois
particules élémentaires. Il en fut de même jusqu’en 1964, lorsque Gell-Mann et Zweig proposèrent
l’existence de particules, appelées quarks, qui formaient les nucléons. On connaît de nos jours de
nombreuses particules élémentaires, plus ou moins stables, qui peuvent décrire tous les états connus de
la matière.
Les interactions fondamentales
L’étude des particules élémentaires ne peut pas se faire sans prendre en compte les forces auxquelles
elles sont soumises. On reconnaît aujourd’hui quatre interactions dites fondamentales qui jouent
chacune un rôle bien particulier dans notre univers. Il s’agit des interactions gravitationnelle,
électromagnétique, forte et faible. On considère généralement que chacune de ces interactions est
véhiculée par des particules virtuelles, aussi appelées quanta de champ. Ainsi, quand deux électrons se
rapprochent, ils échangent des photons virtuels et se repoussent. Cette interaction peut être illustrée
par le diagramme de Feynmann de la figure 1.
Figure 1 Diagramme de Feynmann illustrant l’interaction de deux électrons
e-
e-
temps
γ
e-
e-
De plus, si le quantum de champ n’est pas capté au cours d’un certain laps de temps, il peut devenir
une particule réelle. C’est pourquoi chaque interaction fondamentale a son propre rayon d’action, qui
est défini d’après la masse du quantum de champ qui y est associée.
P≈
La physique des particules
h
mc
(1)
1
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où P est la portée de l’interaction, m, la masse de son quantum de champ, h, la constante de Planck ,
et c, la vitesse de la lumière. Ainsi, chacune d’elles a un rôle plus ou moins important à jouer selon
l’ordre de grandeur qu’on considère.
Tableau 1 Les interactions fondamentales et leurs quanta de champ
Interaction
gravitationnelle
électromagnétique
forte
faible
Quanta de champ (nombre)
2
gravitons (10)
photon (1)
gluons (8)
bosons intermédiaires (3)
Symbole des
quanta
Portée
(m)
Force
relative
G
infinie
10-38
γ
g
W+, W-, Z0
infinie
~10-15
~0,2 x 10-17
10-2
1
10-13
On voit donc que les interactions forte et faible ne peuvent agir que sur des distances correspondant
respectivement au diamètre du noyau atomique et à la séparation entre les nucléons dans le noyau. De
plus, on observe peu d'interactions électromagnétiques à très grandes distances bien que leur portée
théorique soit infinie. Cela est simplement dû à la présence d’un très grand nombre de charges qui
peuvent « neutraliser » le champ d’action d’une particule chargée.
Aussi, chacune de ces interactions a son rôle à jouer dans l’univers. L’interaction gravitationnelle agit
sur tout ce qui possède une masse et n’est perceptible qu’à grande échelle. Les masses étant faibles au
niveau
microscopique,
les
trois
autres
interactions
dominent
facilement.
L’interaction
électromagnétique agit, pour sa part, sur toute particule qui porte une charge électrique. L’interaction
forte, aussi appelée nucléaire, agit au sein du noyau atomique. C’est à cette force que l’on doit la
cohérence des protons à l’intérieur du noyau. Enfin, l’interaction faible agit à un niveau encore plus
petit, à l’intérieur même des nucléons et des autres particules formées de quarks. C’est d’ailleurs cette
interaction qui est responsable de la désintégration bêta du neutron (voir figure 2).
1
h = 6,6261 × 10-34 J•s
2
Les gravitons n’ont encore jamais été observés à ce jour, leur existence est toujours purement théorique.
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Figure 2 Désintégration β
p
e-
νe
Wn
Lors de sa désintégration, le neutron émet un boson intermédiaire W- en
se transformant en proton. Le boson va ensuite se désintégrer pour
former un électron et un antineutrino électronique.
Classification des particules
Depuis toujours, les scientifiques tentent de classifier les objets de leurs études et de leurs
découvertes. La physique des particules n’y échappe pas. Chaque particule est classifiée selon la valeur
de ses nombres quantiques intrinsèques et des interactions auxquelles elle est soumise.
Matière/Antimatière
La matière est composée des particules qui forment la très grande majorité de l’univers dans lequel
nous vivons. L’antimatière est pour sa part formée des antiparticules correspondant à ces particules.
L’antimatière possède les mêmes propriétés physiques que la matière. Les antiparticules qui la
constituent sont définies selon les mêmes propriétés que les particules. Toute particule est définie par
ses nombres quantiques intrinsèques et l’antiparticule correspondante porte, quant à elle, des nombres
quantiques intrinsèques opposés. Ainsi, un anti-électron, aussi appelé positron ou positon, a la même
masse que l’électron, mais porte entre autres une charge opposée. En fait, tous ses nombres quantiques
intrinsèques sont de valeur opposée. On sait maintenant que chaque particule a son antiparticule
correspondante, bien que certaines, comme le photon, soient leur propre antiparticule.
L’existence de l’antimatière a d’abord été postulée par Paul Dirac en 1928 alors qu’il essayait d’intégrer
la relativité générale à la mécanique quantique. Sa théorie impliquait que les électrons libres pouvaient
avoir une énergie aussi bien négative que positive. Cet état d’énergie négative correspond au positron.
Lorsqu’une particule et son antiparticule se rencontrent, il y a annihilation de celles-ci et création
d’énergie sous forme de photons gamma. L’énergie totale que portent ces photons doit être égale à
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l’énergie totale de la particule et de l’antiparticule, y compris leur énergie de masse . Un exemple
d’annihilation de paire est illustré à la figure 3.
Figure 3 Annihilation d’une paire proton-antiproton
γ
γ
p
p
p+p → γ+γ
L’inverse, la création d’une paire particule-antiparticule, est aussi possible. Un photon gamma dont
l’énergie est égale ou supérieure à l’énergie de masse des particules créées ( E γ ≤ 2m 0 c 2 ) et qui
interagit avec un atome au repos peut se transformer en une particule et son antiparticule. Un exemple
de création de paire est illustré à la figure 4.
Figure 4 Création d’une paire électron-positron
e-
e+
noyau
γ
γ + noyau → e + + e − + noyau
4
Leptons/Hadrons
Les leptons sont des particules qui ne subissent pas l’interaction forte. Ils n’interagissent entre eux et
avec les autres particules que par le biais des interactions gravitationnelle, électromagnétique et faible.
Les deux premiers leptons connus sont l’électron et le neutrino. Le premier a été découvert en 1897 par
3
La fameuse relation E = mc2.
4
Le noyau reste inchangé au cours de cette réaction. Il acquiert tout au plus de l’énergie cinétique.
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Thomson, alors que le second a été proposé par Pauli et Fermi, en 1932, afin de pouvoir respecter la loi
de la conservation de la quantité de mouvement dans une désintégration bêta. Cette particule a été
observée pour la première fois en 1956.
On a depuis découvert quatre autres leptons, qui sont le muon et le tau, de même charge que l’électron
mais plus massifs, et les deux neutrinos correspondants. On est donc en présence de trois générations
de leptons chargés auxquels correspondent trois leptons neutres, les neutrinos. À chacune de ces
particules est associés trois nombres quantiques intrinsèques notés Le, Lµ et Lτ. Pour chacun de ces
nombres, le total doit être conservé lors d’une réaction. Les principales propriétés des leptons se
retrouvent au tableau 2.
Tableau 2 Les leptons
Génération
Particule
Charge électrique
Masse (MeV/c2)
Le
Lµ
Lτ
5
1ère
2e
3e
0,511
νe
0
0 (?)
µ
-1
105,66
νµ
0
0 (?)
τ
-1
1777
ντ
0
0 (?)
1
0
0
1
0
0
0
1
0
0
1
0
0
0
1
0
0
1
e
-1
De plus, à chaque lepton correspond son antiparticule, dont tous les nombres quantiques intrinsèques
sont opposés. On peut donc illustrer la conservation des nombres leptoniques avec la désintégration du
muon :
µ → e + νe + νµ
Le: (0) = (+1) + (-1) + (0)
Lµ: (1) = (0) + (0) + (1)
Il est aussi à noter que parmi les leptons chargés, seul l’électron est stable, les autres se désintégrant
très rapidement en particules plus légères. De nombreuses expériences menées sur ces particules
tendent à démontrer qu’elles sont élémentaires, du moins jusqu’à une échelle de 10-18 m.
Les hadrons, à l’opposé des leptons, sont des particules relativement lourdes qui sont influencées par
l’interaction forte. Ce groupe de particules est aussi subdivisé en deux catégories se basant sur leur
mode de désintégration et leur composition en quarks. Les baryons forment entre autres des protons
lorsqu’ils se désintègrent et sont formés de trois quarks. Le seul baryon stable est le proton. Le neutron
libre, quant à lui, a une durée de vie moyenne de 900 s, ce qui permet de le considérer comme étant
une particule quasi-stable.
5
Certaines expériences menées récemment tendent à démontrer que les neutrinos ont une masse non-nulle.
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La matière, comment c’est fait?
La deuxième catégorie de hadrons rassemble les mésons. Ces particules se désintègrent en produisant
des leptons et des photons et sont formées d’un quark et d’un antiquark. On attribue aux hadrons un
nouveau nombre quantique intrinsèque, le nombre baryonique (B) : pour les mésons, B = 0, pour les
baryons, B = 1, et pour les antibaryons, B = -1. Ce nombre, comme les nombres leptoniques, doit être
conservé lors d’une réaction. Le tableau 3 présente quelques-uns des plus de 300 hadrons connus.
Tableau 3 Quelques hadrons et leurs propriétés
Nom
Mésons (B = 0)
Pion
Kaon
Baryons (B = 1)
Êta
Proton
Neutron
Lambda
Sigma
Xi
Oméga
Symbole
π+
π0
K+
K0S
K0L
η0
p
n
Λ0
Σ+
Σ0
ΣΞ0
ΞΩ-
Masse
(MeV/c2)
139,6
135,0
493,7
497,7
497,7
548,8
938,3
939,6
1115
1189
1192
1197
1315
1321
1672
Charge
électrique
+1
0
+1
0
0
0
+1
0
0
+1
0
-1
0
-1
-1
Antiparticule
ππ0
KK0S
K0L
η0
p
n
Λ0
Σ+
Σ0
ΣΞ0
ΞΩ+
Fermions/Bosons
On détermine si une particule est un boson ou un fermion à partir de la valeur de son spin. Le spin d’une
particule est une mesure de son moment angulaire intrinsèque et il peut être entier ou demi-entier. Si
le spin est demi-entier (1/2, 3/2, 5/2, …), la particule est un fermion, elle obéit donc à la statistique de
Fermi-Dirac. Cela signifie que les fermions obéissent au principe d’exclusion de Pauli qui interdit à deux
particules d’un même système d’être dans un même état quantique. C’est-à-dire que si deux fermions
ont des nombres quantiques identiques, ils ne peuvent pas se retrouver au même niveau d’énergie.
C’est cette particularité des fermions qui empêche les électrons d’un atome de se retrouver tous sur le
même niveau électronique.
Les particules qui ont un spin entier (1, 2, 3, …), les bosons, obéissent quant à elles, à la statistique de
Bose-Einstein. Ainsi, deux bosons d’un même système peuvent se trouver dans le même état quantique,
ce qui a pour conséquence de permettre, à basse température, le regroupement de plusieurs particules
au même niveau d’énergie pour former ce qu’on appelle un condensé de Bose-Einstein. C’est cette
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propriété des bosons qui permet entre autres à l’hélium de devenir superfluide près du zéro absolu et à
certains matériaux de devenir supraconducteurs. Ainsi, les baryons et les leptons sont des fermions alors
que les mésons et les quanta de champ sont des bosons.
Tableau 4 Spin de certaines particules
Bosons
Fermions
Particule
photon
graviton
π+, π0, πélectron
proton
Ω-
Spin
1
2
0
1/2
1/2
3/2
Il est possible, pour comprendre le comportement de certains noyaux atomiques, d’additionner le spin
de chacune des particules qui les composent. Par exemple, un noyau d’hélium 4 qui est composé de
deux protons et de deux neutrons se trouve à avoir un spin entier. C’est pourquoi il peut former un
condensé de Bose-Einstein à très basse température et devenir superfluide.
Autres caractéristiques
Il existe plusieurs autres caractéristiques attribuées aux particules qui permettent de les classer et à
chacune de ces particules correspond un nombre quantique. Il y a, entre autres, l’isospin, l’étrangeté,
le charme, la beauté, etc. Ce sont de nouveaux nombres quantiques qui doivent être conservés lors
d’une réaction. À force de regrouper les particules selon ces diverses caractéristiques, les physiciens des
particules ont constaté que certaines d’entre elles semblaient être des états distincts d’une même
particule, un seul de leurs nombres quantiques étant différent. Par exemple, le proton et le neutron
diffèrent seulement par le signe de leur isospin. Cela tend à démontrer l’existence d’une symétrie sousjacente à la physique des particules.
Les quarks
L’existence de particules à l’intérieur des nucléons a été proposée en 1964 par Gell-Mann et Zweig. Ces
particules, maintenant connues sous le nom de quarks, sont à la base de tous les hadrons. Au départ, on
croyait qu’il n’existait que trois « saveurs » de quarks, les quarks u, d et s (respectivement up, down et
strange). Étonnamment, ces particules portent toutes une charge fractionnaire. Les particules qui sont
formées d’un ou de plusieurs quarks s, sont dites étranges puisqu’elles portent une charge d’étrangeté
6
Un superfluide est un fluide dont la viscosité est nulle. Dans un supraconducteur, les électrons s’allient en
paires dites de Cooper pour former des bosons. À basse température, les paires de Cooper forment un condensé
de Bose-Einstein qui a le comportement d’un superfluide. Les électrons se déplacent alors dans le matériau
supraconducteur sans rencontrer de résistance.
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non nulle. Peu après, un quatrième quark, le quark c (pour charm) a dû être introduit afin de pouvoir
expliquer l’existence d’autres hadrons, dits charmés.
La présence des quarks a été confirmée en 1968 lorsque des expériences menées au Stanford Linear
Accelerator Center (SLAC), aux États-Unis, ont permis de démontrer la structure interne d’un nucléon.
Pour ce faire, les scientifiques du SLAC ont mené une expérience semblable à celle qui a permis à
Rutherford de découvrir le noyau atomique. Ils ont bombardé des protons avec des électrons très
énergétiques. La distribution des électrons diffusés démontrait l’existence de très petites
concentrations de matière à l’intérieur des protons. La présence des quarks venait d’être observée.
Ainsi, le proton est formé de deux quarks u et d’un quark d, alors que le neutron est formé d’un quark u
et de deux quarks d. Le tableau 5 présente la constitution en quarks de quelques hadrons.
Tableau 5 Composition de hadrons
Mésons
Baryons
particule
π+
π0
πK+
K0
K0
Kp
n
Λ0
Σ+
Σ0
ΣΞ0
ΞΩ-
composition
du
uu et dd
ud
su
sd
ds
us
uud
ddu
uds
uus
uds
dds
dss
uss
sss
Au fil des années, les expériences et les travaux théoriques ont suggéré l’existence de deux autres
quarks, les quarks b et t (pour bottom ou beauty, et top ou truth). Ceux-ci n’ont été découverts,
respectivement, qu’en 1978 et 1995. Le tableau 6 résume les principaux nombres quantiques et
caractéristiques des six quarks. Il est à noter que tous les quarks ont un spin de 1/2 et un nombre
baryonique de 1/3.
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Tableau 6 Les quarks
quarks
u
d
s
c
b
t
M
8
15
300
1600
4500
175 000
Q
2/3
-1/3
-1/3
2/3
-1/3
2/3
M : masse en MeV/c2
C : charme
I : isospin
S
0
0
-1
0
0
0
C
0
0
0
1
0
0
Q : charge électrique
B* : beauté
B*
0
0
0
0
-1
0
T
0
0
0
0
0
1
I
/2
-1/2
0
0
0
0
1
S : étrangeté
T : vérité (truth)
Jusqu’à présent, les quarks ne présentent aucune sous-structure jusqu’à une échelle de 10-18 m. On les
considère donc encore comme étant élémentaires. Il est maintenant possible d’ajouter les quarks au
modèle à trois générations des leptons. Ainsi, chacune des générations est constituée d’un lepton
neutre, d’un lepton chargé et de deux quarks, l’un de charge -1/3 et l’autre de charge 2/3. Une
expérience menée à l’accélérateur du Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN), en Suisse,
en 1990, a démontré qu’il n’existe que trois générations de particules élémentaires. La matière n’est
donc constituée, jusqu’à preuve du contraire, que de douze particules de même que des douze
antiparticules correspondantes. Cependant, la matière « ordinaire », c’est-à-dire celle qui est stable et
qu’on observe dans l’univers, n’est constituée que des particules de la première génération.
Tableau 7 Les trois générations de particules élémentaires
Leptons
Quarks
Charge électrique
-1
0
1
- /3
2
/3
1ère génération
e
νe
d
u
2e génération
µ
νµ
s
c
3e génération
τ
ντ
b
t
En plus de ces douze particules, on compte parmi les particules élémentaires leurs antiparticules et les
quanta de champ. Il est donc possible d’expliquer toute la diversité de notre univers avec seulement 46
particules.
Malgré les nombreux succès du modèle des quarks qui a permis entre autres de prédire l’existence de
particules qui n’avaient pas encore été observées à ce moment, certaines interrogations restaient en
suspens. Puisque les quarks sont des fermions, comment trois quarks s dans un même état quantique
peuvent-ils former le baryon Ω- sans que le principe d’exclusion de Pauli ne soit violé? C’est pour
répondre à cette question que Greenberg introduit, en 1965, le concept de couleur en physique des
particules. Il postula que chaque quark peut exister en trois couleurs, soit le rouge, le bleu et le vert, et
que les antiquarks existent en trois « anticouleurs », soit l’« antirouge », l’« antibleu » et l’« antivert ».
Il postula aussi que les particules formées de quarks doivent être neutres en couleur, elles doivent être
« blanches », afin de pouvoir être détectées.
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Ainsi, un méson est formé d’un quark d’une certaine couleur et d’un antiquark de l’anticouleur
correspondante alors qu’un baryon est formé de trois quarks de couleurs différentes. Cette situation est
illustrée à la figure 5. Cette hypothèse permet aussi d’expliquer pourquoi il a été impossible d’observer
un quark isolé jusqu’à maintenant, puisque qu’une particule doit être blanche pour être détectée.
Figure 5 Composition en couleurs des hadrons
mésons et antimésons
baryons
antibaryons
Observer les particules
Afin de vérifier les modèles théoriques qui ont été conçus au fil des années il faut naturellement mener
des expériences. Il nous faut donc des sources ainsi que des détecteurs de particules.
Sources de particules
Les sources de particules dont il est possible de se servir dans les expériences de physique des particules
sont nombreuses. Il y a des sources naturelles de particules, ainsi que des sources artificielles. Un
exemple de source naturelle de particules sont les radiations émises par des atomes instables. Ils
produisent essentiellement des électrons, des positrons, des protons, des neutrons, des neutrinos et des
particules alpha.
Une autre source naturelle qui a été grandement utilisée sont les rayons cosmiques qui nous proviennent
de l’espace. Ils sont constitués de particules légères et stables qui peuvent voyager sur de très grandes
distances avant de se désintégrer. On compte principalement, parmi ces particules, des protons, des
neutrons et des photons. En entrant dans l’atmosphère terrestre, ils interagissent souvent avec les
atomes qui la composent, ce qui génère une grande quantité de sous-produits qu’on peut observer sur
Terre. Un exemple de chaîne de réactions est présenté à la figure 6. Naturellement, plus l’observation
de ces particules est faite à haute altitude, moins il y a d’interférence.
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Figure 6 Pluie de particules d’origine cosmique
rayon cosmique
noyau d’azote ou d’oxygène
pions
µ
νµ
eνe
Cependant, les sources naturelles de particules ne suffisent souvent pas, n’étant pas en mesure de
fournir les particules très énergétiques qui sont nécessaires pour sonder les confins de la matière. C’est
pourquoi les accélérateurs de particules ont été inventés. Bien qu’il existe plusieurs types
d’accélérateurs, leur principe de fonctionnement est essentiellement le même. Il consiste en
l’accélération de particules chargées à l’aide d’un champ électromagnétique. La force subit par une
particule chargée en mouvement dans un champ électromagnétique est donnée par la loi de Lorentz :
r
r
r r
F = qE + qv × B
(2)
r
r
r
r
où F est la force subie par la particule, q, sa charge électrique, et v , sa vitesse, et où E et B son
respectivement les champs électrique et magnétique. Son accélération est donc :
r
r F
a=
m
(3)
où m est la masse de la particule.
Les accélérateurs peuvent être de différentes formes, mais le principe est toujours le même. Les
particules qui y sont accélérées peuvent être projetées soit sur d’autres particules en mouvement, soit
sur une cible immobile. Les réactions qui ont alors lieu peuvent produire différentes particules qu’il est
impossible d’étudier autrement.
7
Source : Pour la science, septembre 1999.
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Figure 7 Tracé et intérieur de l’accélérateur du CERN, en Suisse
8
Détecteurs de particules
Non seulement faut-il produire des particules afin de les étudier, mais il faut aussi être en mesure de les
détecter. Il existe de nombreux types de détecteurs de particules qui peuvent être utilisés. Il y a, entre
autres, le compteur Geiger-Müller, la chambre à ionisation et bien d’autres encore. Cependant, ce ne
sont pas tous ces détecteurs qui peuvent nous fournir des informations à propos des particules
détectées.
Il est souvent plus utile d’obtenir un tracé de la trajectoire des particules à observer. Pour ce faire, on
utilise des détecteurs comme la chambre à bulles, la chambre à étincelles, la chambre de Wilson ou le
compteur à scintillations. Tous ces détecteurs sont constitués d’un milieu dans lequel une particule
énergétique peut laisser une trace lors de son passage. Avec un montage adéquat de plaques
photographiques ou de photo-détecteurs, il est alors possible d’enregistrer ces traces et ainsi obtenir
une illustration de tous les événements ayant eu lieu dans l’enceinte du détecteur (voir figure 8).
Souvent, un champ magnétique est appliqué à l’intérieur du détecteur afin de faire dévier les particules
positives et négatives dans des directions opposées. Il est alors plus facile d’étudier les résultats de
l’expérience.
8
Source : site Internet du CERN, URL : http://www.cern.ch/
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Figure 8 Tracés de particules sur une plaque photographique
De cette manière, il est possible de détecter des particules chargées ou celles qui interagissent
fortement avec les autres particules. Puisque les neutrinos ne sont pas chargés et qu’ils ne subissent pas
l’interaction forte, il est très difficile de les observer. Il a donc fallu développer un tout autre type de
détecteur qui vise à capter les rares interactions des neutrinos avec la matière. Lorsque qu’un neutrino
rencontre un noyau atomique, celui-ci subit l’inverse d’une désintégration bêta. Le neutrino
électronique est capté par un neutron qui émet un électron et de l’énergie en se transformant en
proton. Si le neutrino est plutôt muonique, le neutron émet un muon à la place de l’électron, s’il est
tauique, ce sera un tau.
Les observatoires de neutrinos sont donc conçus de manière à détecter de tels événements très rares
(un seul neutrino sur 2 x 1012 interagira avec un atome lors de son passage à travers la Terre). Ils sont
composés d’un réservoir d’eau lourde entouré de nombreux photo-détecteurs. Lorsqu’une réaction
neutrino-noyau a lieu, une particule chargée très rapide est émise. Par effet Tcherenkov, une étincelle
de lumière sera produite et détectée par les photo-détecteurs. Puisque les masses des trois leptons
chargés sont très différentes, il est possible de déterminer lequel de ces leptons a été produit et, par
conséquent, quel type de neutrino a interagit avec un noyau atomique.
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Figure 9 Intérieur d’un observatoire de neutrinos
Conclusion
La physique des particules ne se limite pas à l’étude des particules. Elle étudie aussi les symétries
présentes dans les lois de la physique et les lois de conservation qui en découlent, elle se sert de la
théorie mathématique des groupes afin de tirer plus d’information des symétries présentes dans les
groupements de particules, elle étudie les interactions et tente de trouver une théorie unique qui
s’appliquerait à toutes les interactions, etc. En bref, le champ d’étude de ce domaine de la physique est
très vaste et peut être appliqué dans de nombreux autres domaines comme l’astrophysique et la
physique nucléaire.
9
Tiré
du
site
de
Pour
263/neutrinos/illustration1.htm.
La physique des particules
la
science,
URL :
http://www.pourlascience.com/numeros/pls-
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La matière, comment c’est fait?
Bibliographie
Encarta Encyclopedia 2000, publication électronique, Microsoft, 2000.
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Pédagogique, Inc., Saint-Laurent, 251 p.
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© Chaire CRSNG/Alcan pour les femmes en sciences et génie au Québec
Vous avez le droit de reproduire et de distribuer ce document à des fins strictement éducatives.
Il ne doit cependant pas être intégré à un recueil de textes ou d’exercices ou utilisé à des fins lucratives.
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