L. SUBRAMANIAM et le violon carnatique

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L. SUBRAMANIAM et le violon carnatique
L. SUBRAMANIAM et le violon carnatique
– musique du monde –
La musique carnatique
Les racines millénaires de la musique de l’Inde dans sa forme
incantatoire ont laissé leur empreinte dans les différentes régions de ce
vaste territoire. Toutefois au cours des siècles, deux styles différents se
distinguèrent et devinrent des traditions savantes : au nord le style
hindoustani, imprégné de la culture persane et islamique, au sud, le style
dit « carnatique » (ancien) dont l’origine serait issue du Karnataka,
région considérée comme dépositaire de l’identité propre de la musique de
l’Inde, c’est-à-dire non altérée par des interférences étrangères à son
sol.
Ainsi, la musique carnatique serait la plus ancienne, dans sa forme
classique, et la seule intrinsèquement indienne. Au XIVe siècle, cette
antique tradition musicale prit naissance, se répandit et se développa dans
l’ensemble des principales régions du sud : le Karnataka, le Tamil Nadu,
l’Andhra Pradesh et le Kerala.
Outre le vaste panorama de formes lyriques constituées, la musique
carnatique comporte l’ancienne tradition – devenue classique – du
développement du raga (cellule mélodique) dont la structure rejoint dans
son essence, une relation émotionnelle et extra-sensorielle avec les
heures du jour et de la nuit, les saisons, ou encore les états
affectifs.
La musique de l’Inde du sud, dite carnatique, se singularise par la
richesse de son instrumentation et ses variétés linguistiques,
kaléidoscope des différentes formes musicales régionales dans les registres
suivants :
la
musique
vocale
(féminine,
masculine),
la
musique
instrumentale répartie en autant de solos (flûte, veena, violon,
nadasvaram), les instruments à percussion d’accompagnement ou en groupe
(mridangam, ghatam, kanjira, morsing). Le XVIIIe siècle est considéré comme
l’âge d’or de la musique carnatique par une floraison de poésies lyriques
dévotionnelles portant le sceau du style personnel de leurs auteurs, pour
la plupart de grands sages mystiques qui ont su porter l’expression
artistique de la dévotion pure à des sommets inégalés dans les autres
styles musicaux de l’Inde.
L. SUBRAMANIAM
Parfois il se lève un musicien d'exception, d'une telle irradiation, que se
trouvent changées non seulement l'histoire de son instrument mais celle de
la musique. Cet homme c'est L.Subramaniam.
Pourquoi joue-t-il du violon, instrument poli et repoli par l'Occident
mélangeant dans notre imaginaire, art raffiné et séduction du diable ? Il
faut savoir que le violon a été introduit en Inde du Sud, au début du 19ème
siècle par les colonisateurs et les maîtres indiens ont finalement fusionné
cet instrument à leur culture. Développé dans la région de Madras, dont est
issu Subramaniam, cet instrument joué à l'indienne pour la conduite de
l'archet et assis, a fait sa place en Inde, et il est redevenu par un
retour de balancier de l'histoire, l'instrument de passage Orient-Occident.
Ainsi Subramaniam a fait du violon de l'oppression réduit à un rôle obscur,
le miroir profond et brillant de la musique de l'Inde du Sud. Par
l'instrument de l'oppression il a fait un chant de liberté faisant de
l'instrument des colonisateurs l'âme d'un peuple.
Dès l'âge de 6 ans, (il est né le 23 juillet 1947 à Jaffna – Yalpanam), il
donne des concerts de violon au Sri Lanka. À l'âge adulte, il laisse de
côté sa carrière médicale, pour aller toujours plus loin dans ce monde
complexe et immense des ragas. Formé par son père et guru V.
Lakshminarayana, il a toujours été immergé dans un bain de musique dans la
maison familiale à Ceylan. Il avait commencé par apprendre la voix, car
l'art vocal était essentiel dans la musique indienne, alors que le violon
n'était alors qu'un instrument d'accompagnement.
L. Subramaniam, homme fervent, profondément croyant et aussi un esprit très
moderne, a osé donner les premiers concerts avec sonorisation en Inde,
allant jusqu'à électrifier son instrument.
Alliant sérénité et magnétisme, il est reconnu comme l'un des plus grands
aussi bien en Inde qu'en Occident. Son immense curiosité musicale fait
de lui un pont entre les orients et les occidents. Violoniste et
compositeur, il excelle dans la musique de l'Inde du Sud, la musique
carnatique, mais aussi dans Mozart ou Bach. Bien sûr, il est d'abord
l'oracle
de
cette
immense
musique
faite
de
tradition
et
d'improvisation, de profondeur et de spiritualité. L'univers des
ragas, avec ses méditations infinies et ses rythmes extrêmement complexes,
a rarement trouvé un tel maître en envoûtement pour nous les rendre
proches.
Compositeur, interprète, il sait aussi être le partenaire de Herbie
Hancock, Stéphane Grappeli, Larry Corryel, Stanley Clarke, Jean-Pierre
Rampal, Tony Williams, Yehudi Menuhin et tant d'autres, lors de ses
rencontres de jazz fusion. Compositeur de concerts de violon, de
symphonies, il est reconnu et joué par le Philharmonique de New-York, de
Los Angeles, de Londres...
Sa connaissance approfondie de la musique occidentale, aussi bien classique
que jazz, lui donne une ouverture d'esprit unique.
Mais plus que ses dons de virtuose c'est dans le mysticisme tendre de la
musique indienne qu'il est incomparable : il allie la tradition la plus
orthodoxe de cet art millénaire à l'imagination créatrice toujours aux
aguets d'un homme de son temps. Un raga n'est pas seulement une succession
de notes mais au-delà, une abstraction dont il faut faire vivre la saveur,
la couleur, le contour. Il fait de sa musique une compassion de l'âme, un
aperçu de l'harmonie du monde. Il a fait de sa vie une musique profonde et
sincère. Musicien classique de l'Inde du Sud il met avec humilité et foi
son génie au service d'émotions éternelles. Pour l'entendre, pour le
recevoir, nul besoin d'être mélomane : il suffit seulement d'être
ouvert au monde sensible.
Aussi,
L.
Subramaniam
est
reconnu
comme
étant
un
génie
de
l'improvisation. Il a su inventer une toute nouvelle technique
introduisant la dimension du solo à un niveau supérieur. Une nouvelle façon
de poser son corps, assis de manière très étudiée pour abolir toute
rigidité, la liberté des mains, un jeu d'archet au plus près des cordes et
qui glisse très vite, l'utilisation des doubles cordes et des pizzicati,
tout cela a révolutionné la technique du violon. Il a inventé sa propre
identité en gardant les traditions séculaires, mais en changeant de
fond en comble la technique.
Ses concerts de musique traditionnelle sont des moments rares, remplis de
la sagesse de sa terre, et de la magie des sons. L.Subramaniam soulève
partout dans le monde une immense ferveur et il croule depuis son plus
jeune âge sous les récompenses et l'admiration de tous. En Inde on le
qualifie de « Violin Chakravarthy » : « Empereur du violon ».

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