Transplantation cardiaque et assistance circulatoire mécanique
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Transplantation cardiaque et assistance circulatoire mécanique
cabinet Transplantation cardiaque et assistance circulatoire mécanique Situation actuelle et perspectives (1re partie) Paul Mohacsia, Mario Stalder b, Michele Martinellia,Thierry Carrelb Schweizer Herz- und Gefässzentrum, Inselspital, Bern a Universitätsklinik für Kardiologie b Universitätsklinik für Herz- und Gefässchirurgie Quintessence P La transplantation cardiaque est une option thérapeutique bien éta blie pour les patients souffrant d’une cardiopathie terminale et fortement pénalisés dans leur qualité et espérance de vie. Les indications à la trans plantation cardiaque (HTx) et le profil des receveurs ont changé sur plu sieurs points ces 10 dernières années: les receveurs sont de plus en plus âgés et ont de plus en plus de facteurs de risque, la proportion avec anti corps préformés augmente constamment, les systèmes d’assistance du ventricule gauche sont plus souvent utilisés avant une transplantation. L’ester morpholinique de l’acide mycophénolique (MMF) est l’immuno suppresseur le plus souvent prescrit. Le tacrolimus comme immunosup presseur primaire donne une survie comparable à celle de la ciclosporine A mais avec une diminution significative des réactions de rejet aiguës. P Les causes de décès après transplantation cardiaque changent au cours du temps qui la suit. Alors que l’échec de la greffe est la cause la plus fréquente au cours des 30 premiers jours, la vasculopathie du gref fon et les tumeurs malignes jouent un rôle de plus en plus grand après une année déjà. Des infections autres que la cytomégalie peuvent être la cause de décès dans la 1re et 2e année après transplantation tandis que les rejets sont beaucoup plus rares. – – Introduction Paul Mohacsi Les auteurs certifient qu’aucun conflit d’intérêt n’est lié à cet article. La transplantation cardiaque est une option thérapeu tique bien établie pour les patients souffrant d’une car diopathie terminale et fortement pénalisés dans leur qualité et espérance de vie. Dans le registre de la société internationale de transplantation cardiopulmo naire («International Society of Heart and Lung Trans plantation» [ISHLT]) figurent depuis 1983 pratiquement 125 000 transplantations cardiaques, pulmonaires et cardiopulmonaires. Ce registre contient de très nom breux détails mais n’est de loin pas exhaustif car man quent encore les données de nombreux pays (notam ment France, Italie, Pologne et partiellement même Suisse) dans lesquels il faut admettre qu’elles ne sont pas complètes [1]. Ce rapport annuel livre malgré tout d’intéressantes informations – surtout sur l’évolution périopératoire et à long terme après transplantation cardiaque – qui peuvent être consultées sur le site web de ladite société (www.ishlt.org/registries). Voici quelques highlights du rapport 2010: – Le nombre des transplantations cardiaques effec tuées par année a atteint au milieu des années 1990 un maximum avec 4000; ce nombre a diminué ces 10 dernières années et s’est stabilisé autour de 3000 Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 72 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch. – – – (fig. 1 x). La société part cependant du principe qu’environ 1000 interventions par année n’ont pas été transmises au registre [2]. Les indications à la transplantation cardiaque et le profil des receveurs ont changé sur plusieurs points ces 10 dernières années. (1) La moyenne d’âge des donneurs a nettement augmenté (d’env. 12 ans de puis 1983, fig. 2 x); (2) 10,5% des receveurs entre 2002 et 2009 avaient plus de 65 ans lors de leur transplantation; (3) les receveurs ont toujours plus de facteurs de risque: 22% ont un diabète, 41% une hypertension artérielle, 42% ont déjà été opérés et 47% étaient ou ont été fumeurs; (4) la durée d’isché mie entre le prélèvement et l’implantation a nette ment augmenté; (5) la proportion des receveurs avec anticorps préformés augmente constamment et dé passe actuellement 10%; et (6) les systèmes d’assis tance du ventricule gauche sont plus souvent utilisés avant une transplantation. La survie à 12 mois a nettement augmenté. Le rap port donne 10 ans pour le temps après lequel la moi tié des transplantés est encore en vie (et 13 pour les patients ayant survécu plus d’une année après HTx) (fig. 3 x). Les facteurs de risque de mortalité la pre mière année sont notamment la nécessité d’une as sistance circulatoire préopératoire, une malforma tion cardiaque congénitale comme indication à la transplantation, une dialyse ou une ventilation mé canique au moment de la transplantation et les âges du donneur et du receveur. Pour les patients transplantés entre 2000 et 2003 et ayant survécu plus d’une année, les facteurs de risque suivants ont été identifiés pour la mortalité à 5 ans: manifestation d’une vasculopathie de la greffe au cours de la première année postopératoire, dia bète, nombre d’épisodes de rejet ayant imposé un traitement pendant la première année et greffe d’un cœur féminin chez un receveur masculin, accident vasculaire cérébral chez le receveur et grossesse menée à terme chez une receveuse. Dans le domaine de l’immunosuppression, l’ester morpholinique de l’acide mycophénolique (MMF) est l’immunosuppresseur le plus souvent prescrit. Le tacrolimus comme immunosuppresseur primaire donne une survie comparable à celle de la ciclospo rine A mais avec une diminution significative des réactions de rejet aiguës. Les causes de décès après transplantation cardiaque changent au cours du temps qui la suit (fig. 4 x). Alors que l’échec de la greffe est la cause la plus fré Forum Med Suisse 2011;11(5):79–84 79 cabinet Figure 1 Nombre de transplantations dans le registre de l’ISHLT. Cette figure et les suivantes proviennent du rapport annuel, J Heart Lung Transplant. 2010;29:1083–141 (avec l’aimable autorisation d’Elsevier, Etats-Unis, Copyright © 2010). qui a assuré le succès définitif de la méthode en modi fiant quelques points importants et avec une survie de 10 ans. L’introduction de la ciclosporine A a contribué à aplanir la voie après 1980. Selon des observations in ternationales, c’est en 1995 qu’un maximum de trans plantations cardiaques a été effectué, avec 4500 inter ventions dans le monde entier. Les chiffres ont ensuite montré une tendance à la baisse, tout comme ceux d’Eurotransplant en Allemagne et en Suisse. Dans le but de concentrer les prestations médicales hautement spécialisées, les Hôpitaux universitaires de Genève et Lausanne, de Bâle et Berne ont centralisé leurs activi tés d’HTx. Quelque 30–35 cœurs sont transplantés en Suisse par an. Comparativement aux autres transplan tations d’organes, les HTx ont une valeur émotionnelle souvent sans pareille. L’HTx n’a rien à voir avec la ré putation mais bien plus avec l’engagement de plusieurs années pour les patientes et les patients (tab. 1 p). Insuffisance cardiaque et moment de la transplantation Figure 2 Moyenne d’âge des receveurs d’une transplantation cardiaque. quente au cours des 30 premiers jours, la vasculo pathie du greffon et les tumeurs malignes jouent un rôle de plus en plus grand après une année déjà (fig. 5 et 6 x). Les rejets peuvent provoquer le dé cès 1 et 2 ans après la transplantation tout comme des infections autres que la cytomégalie. – Chez les patients de moins de 16 ans, les malforma tions cardiaques congénitales (63%) et la cardiomyo pathie dilatative (31%) sont les indications les plus fréquentes à une transplantation [3]. La survie moyenne (le temps après lequel 50% des receveurs sont encore en vie) est actuellement de 18 ans pour les enfants ayant bénéficié d’une HTx il y a 6 ans, contre 11 ans pour les adolescents. Généralités sur la transplantation cardiaque C’est à Christiaan Barnard et son équipe qu’est attri buée la première transplantation cardiaque (HTx) chez l’être humain, au Cap le 3 décembre 1967. Ce qui a pro voqué une vague d’enthousiasme dans le monde entier, notamment en Europe, mais le véritable groupe de pionniers a été celui de Norman Shumway à Stanford, Une augmentation de l’incidence et de la prévalence de l’insuffisance cardiaque s’observe depuis des années dans le monde entier. Il est estimé qu’actuellement quelque 10 millions de patients en souffrent en Europe et 150 000 en Suisse dont 6–7% (soit environ 10 000 pa tients) en sont au stade avancé (stade fonctionnel IV). La prévalence et l’incidence de l’insuffisance cardiaque sont fonction de l’âge; 2–5% des personnes de 65 à 70 ans et 10% environ de celles de plus de 75 ans développeront une insuffisance cardiaque [4]. Avec le vieillissement de la population, c’est donc un problème toujours plus grand qui n’est pas qu’un défi médical mais a aussi des conséquences socioéconomiques. Un mode de vie sain et des traitements médicamenteux modernes procurent aux patients en insuffisance cardiaque une plus grande espé rance de vie et une meilleure qualité de vie [5]. Du fait que les patients se qualifiant en principe pour une transplantation sont toujours plus nombreux, les méthodes thérapeutiques alternatives sont toujours plus importantes mais ne sauraient véritablement rem placer la transplantation. Les traitements chirurgicaux standard – par ex. pontage en cas d’ischémie confirmée ou opérations valvulaires – peuvent procurer une nette amélioration même si la fonction ventriculaire gauche est très sérieusement compromise (fraction d’éjection <25%) par réactivation fonctionnelle du myocarde en core viable ou correction d’une surcharge de pression ou de volume pathologique du ventricule gauche. Mais chez ces patients, ce sont des interventions à haut risque périopératoire. Donc avant l’opération déjà il faut dis cuter des possibilités d’une substitution cardiaque au cas où l’évolution postopératoire serait défavorable. Les progrès dans le traitement médicamenteux, dans les techniques électrophysiologiques (défibrillateur im plantable pour protéger des arythmies dangereuses ou pacemaker pour resynchronisation cardiaque) et fina lement dans les pompes cardiaques mécaniques (Ven tricular Assist Device [VAD]) offrent aujourd’hui heu reusement de plus en plus d’alternatives et font que la Forum Med Suisse 2011;11(5):79–84 80 cabinet A B Figure 3 Survie cumulée (A) après transplantation cardiaque et en fonction du temps (B). A B Figure 4 Causes de décès cumulées après transplantation cardiaque (A) et en fonction du temps (B). transplantation cardiaque peut souvent être évitée ou retardée. Ces concepts pallient également le manque cruel de donneurs. Comme les pompes mécaniques ne font pour le moment que repousser le problème dans le temps, le traitement des jeunes patients surtout ne comporte souvent pas d’autre choix que la transplan tation cardiaque. Il faut du temps pour optimiser le traitement médica menteux et mettre en application les adaptations du mode de vie efficaces (contrôle de la tension artérielle, réduction des boissons et de l’apport de sel). Avant d’inscrire un patient sur la liste d’attente un processus d’évaluation consciencieux excluant toute éventuelle contreindication à une HTx est indispensable (tab. 2 p), de même qu’une bonne relation de confiance entre le médecin et son patient incluant une information dé taillée sur les avantages et inconvénients de la trans plantation. Une «HTx en urgence» n’a aucun sens pour ces seules raisons déjà. La préparation psychologique à une transplantation nécessite parfois plusieurs heures en séances d’information. Le médecin traitant et sur tout les proches jouent ici un rôle capital. Afin d’évaluer quelle stratégie est la meilleure – maintien ou remplace ment d’organe – il est important que le patient soit pré senté à temps dans une consultation spécialisée. En fonction du groupe sanguin et du poids, il faut pré voir des délais de longueur variable. L’expérience montre que pour les patients des groupes O ou B par exemple, ou ceux pesant plus de 90–100 kg, les délais avant d’avoir un organe qui leur convient sont nette ment plus longs. Ils doivent parfois (par exemple en cas de manifestation de lésions organiques graves mais po tentiellement réversibles du foie, des reins et des pou mons) d’abord être stabilisés par un système d’assis tance cardiaque mécanique avant leur transplantation (bridge-to-transplant), ce qui implique un risque opéra toire accru vu qu’une telle mesure signifie une opéra tion cardiaque de plus. Le recours de plus en plus fré quent à des pompes cardiaques améliore il est vrai les situations aiguës – pour autant que l’implantation réus sisse – mais est grevé d’une mortalité de 10 à 20% qui dépend de la situation unique. Transplantation en pédiatrie Une insuffisance cardiaque terminale rendant indis pensable une transplantation dans l’enfance déjà est généralement secondaire à une cardiopathie dilatative primitive, à une myocardite (virale par ex.) ou à une malformation cardiaque grave [3]. Après correction d’une transposition des gros vaisseaux telle qu’une in version auriculaire selon Senning ou Mustard, l’affai blissement progressif du ventricule droit, qui doit fonc tionner comme pompe de la grande circulation, ou celui du ventricule gauche suite à un infarctus par ex. en rai son du faux embranchement de la coronaire gauche dans l’artère pulmonaire, sont des indications à une transplantation cardiaque. Une autre est la circulation univentriculaire. Ces petits patients ont généralement un ventricule dominant (gauche ou droit) alors que l’autre est beaucoup trop petit. Ce groupe très complexe Forum Med Suisse 2011;11(5):79–84 81 cabinet Figure 5 Survie cumulée selon Kaplan-Meier sans athérosclérose accélérée du transplant (allograft vasculopathy). Figure 6 Survie cumulée selon Kaplan-Meier sans tumeurs malignes. de malformations cardiaques comprend de très nom breux diagnostics (par ex. l’atrésie tricuspidienne, le «double inlet left ventricle» et le syndrome d’hypoplasie du cœur gauche). Chaque année, seulement quelques cœurs (3–5) sont transplantés chez des enfants en Suisse. Malgré une collaboration au niveau européen pour l’allocation d’organes, le délai d’attente sur la liste est généralement long. Une transplantation en dehors du schéma de compatibilité ABO ne peut être considé rée que pour des enfants en dessous de 14 mois. Diagnostic du rejet Même si la biopsie du myocarde est toujours considérée comme l’étalonor du diagnostic d’un rejet, les progrès dans ce domaine sont toujours plus nombreux. L’immu nosuppression des patients se fait toujours sur la base de données pharmacocinétiques avec dosage des taux sanguins des immunosuppresseurs administrés. Un taux élevé est équivalent à un niveau d’immunosup pression élevé. Cette conclusion par analogie peut certes être valable en pratique mais ne donne aucune garantie, du fait qu’un rejet peut parfaitement se décla rer même à des taux élevés. Les dosages des concentra tions des immunosuppresseurs sont tout aussi impor tants pour prévenir leur toxicité. Il faut tenir compte de plusieurs détails dans ces dosages, par ex. l’extrême variabilité des taux du mycophénolate, de l’évérolimus ou du sirolimus, surtout s’ils sont dosés par immunoas say. Pour ces trois médicaments, la technique HPLCMS (high pressure liquid chromatography-mass spectroscopy) est beaucoup plus précise. Les différents immu noassays et la qualité du laboratoire doivent donc être pris en compte dans le suivi de ces patients. De nouveaux efforts visent à mesurer le niveau d’im munosuppression par des paramètres pharmacodyna miques. La surveillance du rejet se fait depuis peu par dosage d’un profil d’expression génique. Ce profil peut se mesurer dans le sang périphérique. Selon deux études publiées (CARGO I et IMAGE), il permet de tirer de très bonnes conclusions sur l’importance du rejet [6, 7]. Il n’est actuellement pas encore possible de dire en toute sécurité si cette nouvelle technique est une véri table alternative à la biopsie de myocarde. Les données d’une étude européenne à ce sujet (CARGO II) sont en train d’être analysées. Le produit utilisé dans ces études, AlloMap®, est commercialisé aux EtatsUnis. D’autres tests de profil d’expression génique sont éva lués à Vancouver et Heidelberg. Une autre option de suivi immunitaire est celle du pro duit ImmuKnow® de la Maison Cylex. Ce test dose le tri phosphate d’adénosine (ATP) libéré par les lympho cytes activés, qui donne peutêtre des informations sur la situation du système immunitaire. Entre 2005 et 2008, une étude monocentrique a examiné avec ce test quelque 300 transplantés cardiaques entre 2 semaines et 10 ans après leur opération et s’est intéressée à la corrélation entre l’ATP et les rejets et infections. Elle a été significative avec les infections mais pas avec les re jets. Trois des 8 épisodes de rejet ont été dus à des anti corps (avec conséquence hémodynamique); il y a eu à cet égard une corrélation significative mais le nombre d’accidents a été très petit. Rejet dû aux anticorps Les critères de rejet de l’ISHLT dans la biopsie de myo carde se basent d’abord sur les mécanismes de rejet cellulaires. Y atil vraiment des rejets par anticorps? Cette question a fait l’objet d’une virulente discussion pour et contre en 1994 déjà au congrès de l’ISHLT à Venise entre Elisabeth Hammond (Utah) et Magreth Bil lingham (Stanford). Il y a maintenant de plus en plus d’arguments pour des rejets par anticorps même si le diagnostic est toujours controversé. Ils peuvent se pré senter dans un contexte d’anticorps préformés (par ex. antigroupe sanguin) ou dans celui d’un «donorspecific antibody» (DSA), ou encore de rejets «nondonorde rived antibodymediated» [8, 9]. Développements dans le domaine de l’immunosuppression Le traitement immunosuppresseur après transplanta tion cardiaque (HTx) est toujours grevé ces 35 dernières Forum Med Suisse 2011;11(5):79–84 82 cabinet années d’effets médicamenteux indésirables, d’interac tions et de complications (infections, hypertension arté rielle, insuffisance rénale, neurotoxicité, tumeurs, etc.). Jusqu’au début des années 1990, la triple immunosup pression standardisée après HTx consistait en ciclo sporine A, azathioprine et prednisone. De nombreux centres pratiquent en plus un traitement dit d’induction avec anticorps tels que globulines antithymocytes poly clonales ou antirécepteurs de l’interleukine2. Dans de nombreux sites l’immunosuppression à long terme se base toujours principalement sur les inhi biteurs de la calcineurine. Leur principal effet est l’in hibition de la production d’interleukine2 à la phase précoce d’activation des cellules T dont ils inhibent la prolifération. En plus de la ciclosporine A déjà mention née, c’est le tacrolimus qui est toujours plus souvent uti lisé ces dernières années. La raison en est une étude à l’appui du tacrolimus [10]. Les résultats de l’étude ELITESymphony [10] vont dans le même sens malgré qu’il s’agisse d’une étude sur les transplantés rénaux qui ont en plus reçu comme induction un anticorps des récepteurs de l’interleukine2 (le daclizumab). Les pro fils de toxicité de la ciclosporine, du tacrolimus et du sirolimus de l’étude Symphony qui viennent d’être publiés sont toutefois décevants [12]. Les antimétabolites sont un autre groupe important de l’immunosuppression prolongée. L’azathioprine utilisée depuis très longtemps a été remplacée par le MMF, qui inhibe sélectivement l’inosine monophosphate déshy drogénase, un enzyme clé de la synthèse «de novo» des purines. Le tout dernier groupe d’immunosuppresseurs très prometteurs est celui desdits inhibiteurs de la mTOR («mammalian Target Of Rapamycin»). Ce sont des anti biotiques macrolides lipophiles qui empêchent la pro gression de la phase G1 vers la phase S du cycle cellu laire sans influencer notablement la synthèse Tableau 1. Nombre de transplantations cardiaques (au cours de ces 10 dernières années) réparties selon le concept «coopération par concentration» (de: 2000–2009 rapport annuel de Swisstransplant, 2009). Berne-Bâle 150 Lausanne-Genève 113 Zurich 85 d’interleukine2. Cet effet n’est cependant pas spécifi quement dirigé sur les lymphocytes mais concerne toutes les cellules en prolifération (raison pour laquelle ce groupe est également appelé inhibiteurs du signal de prolifération [PSI]) et peut être à l’origine d’un retard de cicatrisation des plaies. Deux spécialités sont sur le marché: le sirolimus (utilisé aux EtatsUnis et au Canada surtout) et son analogue évérolimus (utilisé sur tout en Europe), qui se distingue par une demivie net tement plus brève. Mentionnons en particulier l’étude sur l’évérolimus importante pour les transplantés car diaques [13]. Ce groupe de médicaments n’est pas dé pourvu d’effets indésirables même s’il semble présen ter des avantages sur la vasculopathie des allogreffes («rejet chronique» se manifestant au niveau des coro naires) et l’incidence des tumeurs [14]. Grâce aux puissantes options d’association de ces nou velles substances, il est possible chez de nombreux pa tients de renoncer aux corticostéroïdes 6–12 mois déjà après la transplantation. Mais il n’est pas prouvé que l’abstinence de stéroïdes soit le but majeur de l’immu nosuppression après HTx (voir plus loin sous «tailored immunosuppression»). Les efforts actuels visent à établir un protocole après transplantation sans inhibiteurs de la calcineurine (ciclosporine et tacrolimus). Leurs effets indésirables sont trop graves, dont néphro et neurotoxicité, hyper tension ou hirsutisme (ce dernier surtout pour la ci closporine). Les PSI (évérolimus ou sirolimus) ne sont pas néphrotoxiques mais ont d’autres effets indési rables, dont hyperlipidémie, tendance aux œdèmes, re tard de cicatrisation de plaies, thrombopénie et hémor ragies. Les MMF ont moins d’effets indésirables (hépatotoxicité) et semblent avoir un effet intéressant dans la prévention de la vasculopathie de la greffe. Ils peuvent cependant avoir des effets indésirables gastro intestinaux. Le développement des inhibiteurs de la transduction de signal JAK/STAT (par ex. tasocitinib, CP690,550) ou l’inhibiteur de la costimulation CD 28 bélatacept pour rait être un nouveau progrès. Comme d’habitude, de tels médicaments intéressants sont utilisés dans des études cliniques d’abord chez des patients transplantés rénaux à cause de leur nombre, raison pour laquelle il faut encore attendre les premiers résultats cliniques dans la transplantation cardiaque. Tableau 2. Contre-indications absolues et relatives à la transplantation cardiaque. Contre-indications absolues Hypertension pulmonaire >6 Unités Wood sans réversibilité Infections chroniques incontrôlables Néoplasies malignes sans intervalle sans récidive Insuffisance hépatique à un stade avancé et pneumopathie chronique Artériopathie occlusive cérébrale ou périphérique à un stade avancé Grave dépendance persistante Contre-indications relatives Insuffisance rénale Diabète avec atteinte d’organes cibles Ostéoporose à un stade avancé Age Compliance du patient non garantie Forum Med Suisse 2011;11(5):79–84 83 cabinet En résumé, il n’y a aujourd’hui plus d’immunosuppres sion standardisée. La décision de quelle association présente le plus grand avantage et a le moins d’effets indésirables se prend bien plus individuellement, dans le sens d’une «tailored therapy» (thérapie sur mesure) en fonction de l’âge du patient et de son anamnèse, de même que du temps écoulé depuis sa transplantation [15]. Les effets indésirables des immunosuppresseurs restent toujours un grand problème clinique. Après une HTx, il faut en outre administrer des médi caments pour la prophylaxie des infections, atténuer les effets indésirables et traiter les maladies concomi tantes. Un antimycosique agissant localement est sou vent prescrit pour la prévention des mycoses gastroin testinales. Pratiquement tous les patients transplantés reçoivent en outre du cotrimoxazole comme prophy laxie des infections opportunistes à Pneumocystis. La constellation donneur positif – receveur négatif pour la cytomégalie est traitée par ganciclovir pendant les premiers mois. Les statines (inhibiteurs de l’HMGCoA réductase) font également partie du traitement médica menteux à long terme vu qu’elles abaissent la concen tration des cholestérols total et LDL tout en provoquant une induction enzymatique du cytochrome P450 (ce qui permet de diminuer la dose des inhibiteurs de la cal cineurine et du même fait de réaliser des économies) [16, 17]. Génériques et immunosuppresseurs La décision médicale pour le traitement médicamen teux, surtout pour les receveurs d’organes, doit rester indépendante et libre de toute décision d’organisations éventuellement impliquées (autorités ou instances non gouvernementales). Il y a de sérieux doutes sur les gé nériques des immunosuppresseurs: Par définition les génériques doivent être interchan geables avec l’original pour ce qui est de leur principe actif, leur présentation, leur mode d’administration, leur dose et leur indication, mais les principes actifs ne doivent pas être identiques (risque d’allergie ou d’inter actions, particulièrement délicates pour les immuno suppresseurs). De petites différences sont autorisées dans le principe actif (par ex. sels différents). Les génériques doivent en principe apporter la preuve de leur équivalence thérapeutique (= profil d’efficacité et d’effets indésirables identique). Si ce n’est pas le cas (par ex. sousimmunosuppression, avec risque de rejet), il ne faut pas oublier que dans les transplantations d’or ganes thoraciques (cœur, poumon) une technique de transition mécanique n’est pas possible sans autre (contrairement au rein avec la dialyse). Le problème des infections, tumeurs ou effets indésirables se posera en cas de surimmunosuppression. L’équivalence théra peutique (efficacité, effets indésirables et interactions) a une importance capitale pour les immunosuppresseurs. Il n’y pas de grande étude randomisée et contrôlée à ce propos. De telles études pourraient montrer de très grandes différences de prix, ce qui explique en partie du moins la différence de prix par rapport aux originaux. L’échange des médicaments signifie aussi une insécuri sation du patient. Comme il est déjà connu avec d’autres génériques, le patient risque aussi bien un surdosage qu’un sousdosage en raison de confusion ou de répéti tion en raison de noms différents des médicaments. Il n’y a généralement pas d’étude de bioéquivalence bien faite sur le traitement de patients transplantés. L’intervalle de confiance (d’après Swissmedic 80–125%) a été jusqu’à récemment fixé trop large pour les médi caments ayant des marges thérapeutiques étroites, comme c’est le cas par ex. des immunosuppresseurs (= narrow therapeutic index [NTI] drugs = critical dose drugs [CDD] = courbe doseeffet pointue), pour lesquels un contrôle des concentrations sanguines ou plasma tiques du principe actif est nécessaire. Il y a pour les im munosuppresseurs une grande variabilité pharmaco cinétique, inter et intraindividuelle, avec de graves conséquences en cas de sur ou sousdosage. L’EMEA et Health Canada ont donc fixé un intervalle de confiance de 90 à 112%. Selon le N.C. Board of Pharmacy, le N.C. Medical Board et le State Health Director (N.C. Register, 23 [17]: 2 mars 2009) et le «Dispense As Written (DAW) Code 7», la substitution des «critical dose drugs» (comme le tacrolimus ou la ciclosporine) a été interdite et la délivrance de l’original a été impérativement im posée. L’autorité de surveillance nationale Swissmedic a édicté la nouvelle ordonnance suivante le 12 octobre 2010: les NTI doivent avoir des intervalles de confiance plus étroits (à savoir 90–111% pour l’AUC et la Cmax) [18]. Correspondance: Prof. P. Mohacsi Schweizer Herz- und Gefässzentrum Inselspital CH-3010 Bern [email protected] [email protected] Références recommandées – Stehlik J, Edwards LB, Kucheryavaya AY, Aurora P, Christie JD, Kirk R, et al. The registry of the International Society for Heart and Lung Transplantation: twentyseventh official adult heart transplant report – 2010. J Heart Lung Transplant. 2010;29:1089–104. – Kobashigawa JA, Katznelson S, Laks H, Johnson JA, Yeatman L, Wang XM, et al. Effect of pravastatin on outcomes after cardiac trans plantation. N Engl J Med. 1995;333:621–7. – Kobashigawa JA, Miller LW, Russell SD, Ewald GA, Zucker MJ, Gold berg LR, et al. 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