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Pharma-News Le journal de l'équipe officinale Mai 2004 Numéro 14 Sommaire Nouveautés : LEVEMIR° FSME-Immun° junior Phytothérapie : SIBROVITA° une nouvelle insuline à longue durée d'action vaccin pour enfants contre l'encéphalite à tiques des huiles essentielles pour la bronchite et la sinusite Pharmacovigilance : Ulcérations oesophagiennes dues aux médicaments Faut-il arrêter les antiaggrégants plaquettaires avant une intervention ? "Hormones naturelles" issues de Dioscorées Pétasite Utilité de prendre les AINS avec les repas ? Pour en savoir plus : Les tiques et maladies associées En bref : RESCULA° - OMEZOL-MEPHA° MT - CALCIUM SANDOZ° D3 ZYRTEC - ZYPREXA° - REDOXON° - RHINOPRONT° Editorial Gare aux tiques ! Le printemps revient et avec lui le plaisir des balades en extérieur après un hiver passé à se calfeutrer dans nos chaumières. Promenades en forêt ou à travers champs sont au programme de bien des gens pour les mois à venir. Toutes ces activités exposent toutefois à un (faible) risque de contracter une maladie transmise par les tiques. Si un vaccin destiné à prévenir l'une de ces affections chez l'enfant sort justement ce mois-ci, le plus important est de garder à l'esprit les mesures simples de prévention des morsures que nous vous rappelons dans notre dossier à ce sujet (pp. 12-13). Bonne lecture ! Pierre Bossert Marie-Thérèse Guanter Caroline Mir Christophe Rossier Martine Ruggli Marie-Laure Savoia Bossert © Pharma-News page 1 Numéro 14, Mai 2004 Nouveautés LEVEMIR° (insuline Detemir) 1 LEVEMIR° est une nouvelle insuline à longue durée d’action produite par génie génétique. Elle est utilisée comme traitement insulinique de base lors de diabète sucré et peut être utilisée à la place d’une insuline de durée intermédiaire (HUMINSULIN° BASAL, INSULATARD° HM, MONOTARD° HM). LEVEMIR° a été comparé aux insulines basales de durée d’action intermédiaire, appelées aussi NPH : le contrôle glycémique était comparable, ainsi que son efficacité et sa sécurité. Selon la firme pharmaceutique, les avantages de LEVEMIR° consistent en moins d’hypoglycémies nocturnes et moins de prise de poids. La posologie est individuelle. LEVEMIR° peut être administré 1 ou 2 fois par jour, la dose du soir pouvant être prise soit pendant le dîner, soit avant le coucher ou 12 heures après la 1ère dose du matin. L’effet secondaire principal d’un traitement à l’insuline est l’hypoglycémie qui se manifeste surtout en début de traitement, ou lors d’injections ou de repas irréguliers. Cet effet secondaire semble comparable aux autres insulines avec toutefois moins d’hypoglycémies nocturnes. Remarques particulières − LEVEMIR° est une solution limpide d’insuline et se présente soit sous forme de stylo prérempli jetable sous le nom de LEVEMIR FLEXPEN°, soit sous forme de cartouches à utiliser avec les systèmes d’injection de Novo Nordisk PENFILL° − Comme pour toutes les insulines, la conservation se fait au frigo entre +2 et +8°C (de préférence en bas du frigo). Une fois ouvert, LEVEMIR° ne doit pas être conservé au frigo, mais à température ambiante (< 30°C) pendant 6 semaines au maximum. Symptômes de l’hypoglycémie 2,3 Elle survient lorsque la dose d’insuline est trop élevée par rapport aux besoins. De survenue brutale avec une agitation ressemblant parfois à une crise d’épilepsie, le patient transpire, tremble, son visage est pâle, son rythme cardiaque s’accélère et il y a absence de soif. La glycémie est < 2-3 mmol/l. C’est un trouble de la conscience pouvant aller jusqu’au coma hypoglycémique : il n’y a plus assez d’énergie pour le cerveau, celle-ci provenant essentiellement de l’oxydation du glucose. Traitements de l’hypoglycémie Si le patient est encore conscient : prendre 2-4 morceaux de sucre ou de sucre de raisin (ou un verre de jus d’orange). Vérifier la glycémie après 10-20 minutes, puis éventuellement resucrage. Après normalisation donner des sucres lents. Si le patient est inconscient: 1 injection de glucagon (GLUCAGEN°) puis déléguer au médecin, qui, si le patient ne reprend pas conscience après 10-15 minutes, lui administrera une solution de glucose i.v. Ensuite, administration de sucres lents pour prévenir une récidive. NB: une injection de GLUCAGEN° en dehors d’une hypoglycémie ne sert à rien mais est sans danger, mieux vaut donc la faire en cas de suspicion de coma hypoglycémique. 2,3 1 Compendium suisse des médicaments, Supplément 2/2004, Documed SA Pharmactuel 2000, Vol. XVI, N°2 3 Pharmactuel 2000, Vol. XVI, N°3 2 © Pharma-News page 2 Numéro 14, Mai 2004 Comparaison des différents types d’insuline TYPE SPECIALITES ULTRARAPIDE HUMALOG°, NOVORAPID° ACTRAPID°, HUMINSULIN NORMAL° INSULATARD°, MONOTARD°, SEMILENTE°, HUMINSULIN BASAL° LEVEMIR° ULTRATARD°, LENTE°, HUMINSULIN LONG°/ ULTRALONG° LANTUS° MIXTARD°, HUMINSULIN PROFIL 3°, HUMALOG MIX° RAPIDE SEMI-LENTE ou INTERMEDIAIRE LENTE BIPHASIQUE * DUREE D’ACTION env 10-15min à 3-5h env. 15-30min à 4-6h CONTROLE LIMPIDE/ GLYCEMIE LAITEUSE après 1-4h Sol. limpide env. 1-2h à 10-18h jusqu’à 12h Sol. laiteuses après jusqu’à 24h env. 1h30-4h à 8-20h Sol. limpide jusqu’à 24 h Sol. laiteuse après variable après 2-6h / Sol. limpide Sol. limpide Sol. laiteuse * Contient 1 insuline rapide (ou ultrarapide) + 1 insuline semi-lente (NPH) en différentes proportions LEVEMIR° - A retenir pour le conseil : nouvelle insuline pour le traitement du diabète sucré, comparable aux insulines basales posologie individuelle d’une injection 1-2 fois par jour attention à l’hypoglycémie conservation au frigo, puis une fois ouvert, pendant 6 semaines à température ambiante © Pharma-News page 3 Numéro 14, Mai 2004 FSME-Immun° junior Depuis janvier 2004, un deuxième vaccin pour enfants contre l'encéphalite à tiques (voir la rubrique Pour en savoir plus, pp. 12-13) est autorisé sur le marché suisse. FSME-Immun° junior vient rejoindre ENCEPUR N FSME° junior, compléments de FSME-Immun°CC et ENCEPUR N FSME° pour adultes. Dans les deux cas, il s'agit de vaccins à virus entiers inactivés. Selon l'OFSP, la vaccination contre l'encéphalite à tiques est indiquée chez les personnes (dès 6 ans) qui séjournent pendant 14 jours au moins, durant la saison des tiques, dans les forêts des territoires endémiques (territoires ou la maladie est présente de façon permanente) 4. Le schéma vaccinal est le même pour tous ces vaccins : immunisation de base (3 injections intramusculaires): o 1ère injection o 2ème injection 1 à 3 mois après la première injection o 3ème injection 9 à 12 mois après la deuxième injection immunisations de rappel o 3 ans après la dernière vaccination En général, on procédera à la première injection en hiver, afin de posséder déjà une bonne protection au printemps après la deuxième injection. Des schémas de vaccination accélérée sont proposés dans le cas où une immunisation rapide est nécessaire. La vaccination assure une protection pendant au moins 3 ans après immunisation de base complète ou immunisation de rappel 5. Bien que ces vaccins pour enfants puissent être utilisés de la 1ère jusqu'à la 16ème année, ils ne sont en principe pas indiqués chez les enfants de moins de 6 ans car les risques de maladie sont nettement plus faibles en dessous de cet âge. FSME-Immun° junior - A retenir pour le conseil : vaccin contre l'encéphalite à tiques pour enfants de 1 à 16 ans conseillé en cas de séjour de plus de 14 jours en territoire endémique le schéma vaccinal comporte une vaccination de base en 3 injections réparties sur une année, puis rappel tous les 3 ans 4 5 www.pharmavista.net, janvier 2004 Compendium suisse du médicament © Pharma-News page 4 Numéro 14, Mai 2004 Phytothérapie SIBROVITA° (mélange d'huiles essentielles) SIBROVITA° est un médicament phytothérapeutique contenant les huiles essentielles d'eucalyptus , d'orange douce, de citron et de myrte. Ce mélange de composants exercerait un effet sécrétolytique et sécrétomoteur d'où son indication (de même que l'acétylcystéine) comme adjuvant dans le traitement de la bronchite et de la sinusite, qu'elle soit aiguë ou chronique. SIBROVITA° fait partie de la ligne Vitalis de la firme Permamed, où l'on trouve également SOLEVITA 425° (millepertuis, en cas de baisse d'humeur), CLIMAVITA° (Herbe aux punaises (Cimicifuga racemos), traitement des troubles de la ménopause) et récemment POLLIVITA° (Pétasite, lors de rhume des foins). SIBROVITA° est fabriqué en Allemagne où cette spécialité est déjà commercialisée sous le nom de GELOMYRTOL FORTE° 6. Outre le fait que ces plantes (excepté l'eucalyptus) n'ont jamais été enregistrées en Suisse dans des spécialités indiquées en pathologie respiratoire, nous n'avons trouvé aucune référence solide prouvant l'efficacité de ce mélange. Il nous est donc difficile de juger de la fiabilité des effets et du mécanisme d'action énoncés par la firme. A notre avis, il est douteux que ce médicament permette d'améliorer significativement l'évolution des bronchites et des sinusites. Les effets secondaires de SIBROVITA° sont rares (surtout gastro-intestinaux). La posologie en cas d'affections aiguës est d'une capsule 3-4 fois par jour chez les adultes et une capsule 1-3 fois par jour chez les enfants dès 10 ans. Lors d'affections chroniques, il est recommandé de prendre 1 capsule 2 fois par jour. Les enfants entre 4 et 10 ans peuvent prendre SIBROVITA° sur prescription médicale : 1 capsule 1-2 fois par jour. Les capsules doivent être avalées sans être croquées, avec une grande quantité de liquide froid (?), une demi-heure avant les repas. Ce médicament doit être utilisé avec prudence pendant la grossesse et il ne doit pas être pris en période d'allaitement car les huiles essentielles passent très facilement dans le lait maternel 7. SIBROVITA° - A retenir pour le conseil : mélange de quatre huiles essentielles (feuilles d'eucalyptus et de myrte, écorces d'orange douce et de citron) destiné au traitement des sinusites et bronchites aiguës et chroniques d'après la firme, effets sécrétolytique et sécrétomoteur contre-indiqué en-dessous de 4 ans et en période d'allaitement, prudence chez les enfant entre 4 et 10 ans et pendant la grossesse 1 capsule 3-4x/jour (1-3x/jour chez les enfants) dans les formes aiguës 1 capsule 2x/jour dans les formes chroniques et traitements au long cours 6 7 Info Permamed AG, février 2004; www.permamed.ch Compendium Suisse des Médicaments, Documed SA, 2004 © Pharma-News page 5 Numéro 14, Mai 2004 Pharmacovigilance Ulcérations oesophagiennes dues aux médicaments La prise de médicaments peut entraîner une irritation au niveau de l’œsophage caractérisée par une douleur violente ou une brûlure au niveau du thorax. Cette douleur apparaissant dans les minutes suivant la déglutition est parfois associée au sentiment d’avoir quelque chose qui reste bloqué dans l’œsophage. Normalement les symptômes disparaissent en l’espace de quelques jours, mais si la lésion est plus sévère et provoque une ulcération ou une oesophagite, les symptômes peuvent persister plus de 2 semaines ou même parfois nécessiter une hospitalisation 8. Certains médicaments sont très souvent incriminés, les plus connus étant les diphosphonates (FOSAMAX°, ACTONEL°) et les AINS. D’autres médicaments sont parfois aussi en cause : la doxycycline (VIBRAMYCIN° et génériques), les sels de fer (TARDYFERON°, FERROGRADUMET° et autres), le chlorure de potassium (KCl Zyma° ou autre) 9. Pour certains médicaments, comme par exemple la doxycycline, il est possible de diminuer le risque de lésion en prenant le médicament avec un repas, mais dans tous les cas une bonne prévention de ces lésions oesophagiennes est facilement réalisable en prenant les médicaments solides (comprimés, capsules, gélules) en position debout ou assise avec un grand verre d’eau et en ne s’allongeant pas dans les 30 minutes. Si ce mode de prise n'est pas réalisable, il faut remplacer les formes solides par d'autres formes galéniques (gouttes, suppositoires...). Comme le FOSAMAX° est souvent responsable de lésions oesophagiennes graves, les recommandations sont très strictes et doivent être suivies à la lettre par le patient : Prendre le comprimé à jeun dès le lever, en position verticale ou assise, avec un grand verre d’eau plate (>200 ml). La prise d’un autre liquide que l’eau plate entraîne une diminution de l’absorption du médicament Le comprimé ne doit ni être sucé ni mâché Le patient ne doit pas s’étendre au moins durant les 30 minutes suivant la prise du médicament et pas avant d’avoir consommé son premier repas du jour 10 Ulcérations oesophagiennes dues aux médicaments - A retenir pour le conseil : FOSAMAX°, ACTONEL°, AINS, doxycycline, sels de fer, chlorure de potassium sont parfois responsables de lésions oesophagiennes pour éviter ces lésions, prendre les médicaments solides en position debout ou assise avec un grand verre d'eau et sans s'allonger dans les 30 minutes suivant la prise si ce mode de prise n'est pas réalisable, changer de forme galénique 8 Centre for Adverse Reactions Monitoring, NZ : WWW.medsafe.govt.nz La Revue Prescrire, mars 2004; 24 (248) : 192 10 N Engl J Med 1996; 335:1016-1021 9 © Pharma-News page 6 Numéro 14, Mai 2004 Faut-il arrêter les antiagrégants plaquettaires avant une extraction dentaire/opération ? Les antiagrégants plaquettaires, tels que l’ASPIRINE° et le PLAVIX° (clopidogrel), sont utilisés en prévention des accidents cardiovasculaires. Par leur effet sur l’hémostase, ils peuvent par contre provoquer des saignements indésirables en cas de chirurgie. L’aspirine inhibe l’agrégation des plaquettes et prolonge le temps de saignement, ceci pendant 4 à 7 jours environ après Hémostase l’arrêt du traitement; sous PLAVIX°, C'est l'ensemble des phénomènes les valeurs sanguines reviennent à physiologiques (vasoconstriction, leurs valeurs initiales 7 jours après fixation et agrégation des plaquettes, etc…) permettant l’arrêt l’arrêt du traitement 11,12. Faut-il donc d’une hémorragie par la formation arrêter ces médicaments avant une opération programmée d’un clou (bouchon) plaquettaire 13. ou une extraction dentaire ? 13 Extraction dentaire 11 Lors d’extraction dentaire, le traumatisme ne touche que des petits vaisseaux et l’hémostase physiologique se met en place rapidement avec un arrêt spontané des saignements après 3 à 4 minutes chez le sujet sain. Concernant l’aspirine, on trouve quelques essais versus placebo, paracétamol ou AINS. Les saignements étaient un peu plus importants sous aspirine que sous placebo, tout en restant faibles, mais on n’a pas observé de différence avec le paracétamol et les AINS. L’aspirine n’a pas provoqué de saignement persistant ni de retard de cicatrisation; l’arrêt de l’aspirine n’est donc pas conseillé avant une extraction dentaire, le saignement parfois un peu plus important pouvant être facilement contrôlé par des mesures d’hémostase locale telles que compression ou points de suture. Lors de traitement avec PLAVIX°, La Revue Prescrire n’a trouvé aucune donnée sur le risque de saignement lors d’extraction dentaire, ni de comparaison avec l’aspirine 11. Intervention chirurgicale programmée S’il n’y a pas d’indication absolue à continuer le traitement d’aspirine et/ou de PLAVIX, il est conseillé de l’arrêter 7 à 10 jours avant l’intervention 14. Concernant le PLAVIX°, le Compendium conseille d’arrêter le traitement 7 jours avant une intervention chirurgicale programmée si l’effet antiagrégant n’est pas souhaité, mais on ne trouve aucune précision quant à la nature de l’intervention 11,12. Faut-il arrêter les antiagrégants plaquettaires avant une intervention? – A retenir pour le conseil : lors d’extraction dentaire, les patients sous aspirine ne doivent pas arrêter leur traitement, le risque de saignement étant faible. Nous n'avons trouvé aucune donnée pour le PLAVIX° concernant ce type d’intervention lors d’intervention chirurgicale programmée, il est conseillé d’arrêter le traitement d’aspirine et/ou de PLAVIX° 7-10 jours avant 11 La Revue Prescrire 2004 ; 24 (248) : p.207-210 Compendium suisse des médicaments 2004, Documed SA 13 Larousse médical, 1998 12 © Pharma-News page 7 Numéro 14, Mai 2004 "Hormones naturelles" issues des Dioscorées 15 Les Dioscorées représentent une famille de plantes tropicales dont certaines espèces sont connues depuis l'antiquité et décrites dans l'œuvre du médecin grec Dioscoride (d'où leur nom !). Certaines espèces sont cultivées comme plantes ornementales, d'autres sont utilisées comme aliment dans les régions tropicales : connues sous le nom d'igname, ou yam en anglais, les tubercules de ces espèces sont un féculent rappelant le goût de la patate douce. Mais attention : cru, l'igname est toxique 16 ! Ce qui intéresse l'industrie pharmaceutique est la diosgénine, une molécule de type stéroïde que contiennent les racines de différentes espèces de Dioscorées. La diosgénine peut être transformée par L'hémisynthèse hémisynthèse en progestérone et autres substances L'hémisynthèse consiste à transformer, par des réactions chimiques, une substance stéroïdiennes; cette découverte a d'ailleurs permis la naturelle en un nouveau composé; c'est commercialisation du premier contraceptif oral dans ainsi que l'on peut obtenir par exemple les années 60. A l'heure actuelle, la diosgénine est l'héroïne, la méthadone, le fentanyl (dans DUROGESIC°TTS) ou la péthidine à encore utilisée pour la fabrication industrielle des partir de la morphine, qui est un opiacé stéroïdes et l'igname, ainsi que d'autres plantes à naturel. molécules stéroïdiques, sont cultivées dans ce but 16. Depuis quelques temps, des préparations à base de Dioscorea villosa (Wild yam) sont vantées dans certains magazines comme "produits à base d'hormones naturelles" recommandés pour palier aux symptômes prémenstruels et aux troubles de la ménopause. Une crème à base de Dioscorea villosa ("WILD YAM CREAM°") a d'ailleurs été commercialisée aux Etats-Unis, mais il s'agit d'une fraude intellectuelle (dénoncée à la FDA par un gynécologue du Texas), car la plante en elle-même ne contient pas d'hormones stéroïdiennes et il n'existe aucune preuve à ce jour que le corps humain dispose d'enzymes capables de transformer la diosgénine en hormones sexuelles; ce qui veut dire que si la crème contient effectivement de la progestérone, celle-ci a été rajoutée 17. Par conséquent, l'extrait de Dioscorea villosa ne peut en aucun cas être utile dans le traitement des troubles de la ménopause. Une étude australienne a d'ailleurs montré qu'un traitement topique à court terme avec un extrait de Dioscorea villosa chez des femmes souffrant de symptômes de la ménopause n'entraînait pas d'effets secondaires mais ne montrait pas non plus d'effets significatifs sur les symptômes 18 ! Aucune spécialité à base de Dioscorées n'est enregistrée en Suisse, mais vous serez certainement confrontées à des questions de vos clients. "Hormones naturelles" issues de Dioscorées - A retenir pour le conseil : les Dioscorées (yam ou igname) sont des plantes qui contiennent une substance (la diosgénine) qui est à la base de la production industrielle d'hormones stéroïdiennes certains produits à base de Dioscorées sont dès lors présentés comme contenant des "hormones naturelles", alors que la diosgénine ne semble pas avoir d'effet hormonal en elle-même et que le corps ne semble pas en mesure de la transformer en hormones les propriétés attribuées à ces produits sont donc très probablement fantaisistes 14 Pharmavista Pharmavista News, 02/2004 16 Hostettmann K., Tout savoir sur le pouvoir des plantes, Ed. Favre, 1997: p.100 17 http://www.quackwatch.org/01QuackeryRelatedTopics/wildyam.html 18 Komesaroff PA, et al. Climateric. 2001, 4(2): 144-150 (abstract) 15 © Pharma-News page 8 Numéro 14, Mai 2004 Pétasite Avec l'arrivée du printemps et l'introduction de nouveaux antiallergiques à base de pétasite (TESALIN°, POLLIVITA°) une mise au point sur cette plante s'impose (voir PN 5, p.8). Le pétasite vulgaire (Petasites hybridus) pousse sous nos latitudes, au bord des ruisseaux. Certains de ses constituants, dont la pétasine, ont un effet antispasmodique, anti-inflammatoire et sédatif 19,20. En médecine populaire, on a longtemps utilisé les feuilles fraîches de pétasite pour le traitement de maladies de la peau, des plaies et des ulcères 21. Par voie orale, on l'utilisait contre toutes sortes d'affections (toux, asthme, migraine, crampes abdominales, etc...). Le pétasite n'est pourtant pas sans danger. Toutes les parties de la plante contiennent, en quantité variable, des alcaloïdes (de la pyrrolizidine) fortement hépatotoxiques. Les dégâts ne sont généralement constatés que des semaines ou des mois après l'ingestion. Afin d'éviter tout danger, le Tox déconseille formellement d'utiliser du pétasite frais cueilli dans la nature, la teneur en alcaloïdes de la pyrrolizidine ne pouvant pas être prédite d'après l'aspect extérieur de la plante 19. Début 2002, suite à de rares cas de lésions hépatiques graves constatés chez des patients en traitement avec des spécialités médicamenteuses contenant un extrait de racine de pétasite, Swissmedic (l'institut suisse des produits thérapeutiques) a ordonné que l'information destinée aux patients soit complétée au niveau des contre-indications et effets secondaires par le texte suivant : 22 « Des lésions hépatiques très rares, mais parfois graves, ont été observées en relation avec des préparations contenant du pétasite (Chapeau du diable). La prise de médicaments contenant du pétasite est déconseillée en cas de lésion hépatique préexistante. Une fatigue inhabituelle, un état de faiblesse ou un manque d’appétit, lié à une perte de poids involontaire, une coloration jaune de la peau ou de la conjonctive oculaire, des urines foncées ou des selles décolorées peuvent être l’indice d’une lésion hépatique. En cas d’apparition des tels symptômes, veuillez interrompre immédiatement les traitements et consulter sans retard un médecin. » Suite à trois nouveaux cas de dommages hépatiques survenus en Allemagne, associés à un extrait spécifique (au CO2) de racine de pétasite entrant dans la composition du PETADOLOR° et du DOLOMED°, Swissmedic a révoqué l'autorisation de mise sur le marché de ces deux spécialités de la maison Bioforce à début 2004 (voir PN 11, p.14). La substance hépatotoxique de cet extrait n'a pas encore pu être identifiée. Il ne s'agit probablement pas d'un alcaloïde de la pyrrolizidine, ceux-ci étant largement éliminés au cours du procédé d'extraction 23. 19 www.toxi.ch http://phyto.astral.ch, monographie : Petasites hybridus (L.) Gaertn., Meyer et Scherb. 21 www. pharmavista, 25.9.2002 22 Swissmedic Journal, 6/2002 23 www.pharmavista, 15.3.04 20 © Pharma-News page 9 Numéro 14, Mai 2004 Les autres spécialités contenant de l'extrait de pétasite disponibles en Suisse utilisent des procédés d'extraction différents (RELAXANE°, VALVERDE CONSTIPATION°, VALVERDE DETENTE NERVEUSE°, ZELLER AUX FIGUES AVEC SENE°, ZELLER DETENTE NERVEUSE°) ou d'autres parties de la plante comme les feuilles (TESALIN°, POLLIVITA°). Ces préparations ne sont donc pas concernées par les nouvelles décisions. Jusqu’ici aucune lésion hépatique par pétasite n’a été annoncée en Suisse. Le risque est estimé à l’heure actuelle à 1:150'000 traitements. Toutefois le chiffre pourrait être nettement supérieur, tous les cas n’étant pas annoncés 24. La surveillance reste de mise. En conclusion, il faut rester très attentif lors de la délivrance de spécialités contenant du pétasite et surtout s’assurer au préalable que le client ne souffre d’aucune affection hépatique (LINDAAFF). Pétasite° - A retenir pour le conseil : plante indigène avec propriétés antispasmodiques, antiinflammatoires et sédatives contient des alcaloïdes hépatotoxiques ne pas utiliser la plante fraîche ne pas délivrer de médicaments contenant du pétasite aux patients souffrant d'affections hépatiques Utilité de prendre les AINS avec les repas ? Nous conseillons souvent à nos patients de prendre les AINS après les repas. Est-ce un conseil judicieux ? L'effet secondaire principal des AINS est leur toxicité gastrique. 15 à 30% des personnes prenant régulièrement des AINS développeront un ulcère 25, 1 à 5% de ces personnes auront des complications de cet ulcère (saignements, perforation de l'ulcère) entraînant même la mort chez 10% d'entre eux 26. Cette gastrotoxicité est due au mécanisme d'action des AINS. En effet ils inhibent les cyclooxygénases (COX1 et/ou COX2) et bloquent ainsi la synthèse des prostaglandines. Certaines prostaglandines, situées dans l'épithélium gastrique, protègent par différents mécanismes la muqueuse de l'estomac. En bloquant leur synthèse, les AINS perturbent la protection naturelle de la muqueuse gastrique, ce qui entraîne un risque d'érosion et d'ulcère 27. 24 Journal suisse de pharmacie, 21/2002, 749-750 N Engl J Med, 2000; 343: 834-839 26 N Engl J Med 2002; 347 : 2162-2164 27 Atlas de poche de pharmacologie, 2ème édition , 2001 25 © Pharma-News page 10 Numéro 14, Mai 2004 Tous les AINS n'ont pas le même risque de gastrotoxicité car ils n'inhibent pas tous de la même manière la production des prostaglandines protégeant la muqueuse. De manière générale l'ibuprofène (BRUFEN° et génériques) et le diclofenac (VOLTAREN° et génériques) sont les AINS qui causent le moins de problèmes gastriques 28. D'autres facteurs vont augmenter ce risque de gastrotoxicité : l'âge élevé, une dose élevée d'AINS, une association de deux AINS ou d'un AINS avec un corticoïde ou un anticoagulant 29. Souvent, lorsqu'on veut assurer une protection gastrique chez les personnes à risque, on associe à l'AINS un anti-H2 (du type ZANTIC° ou analogues) ou un inhibiteur des pompes à protons (IPP) (du type ANTRA° et analogues) ou encore un analogue des prostaglandines (CYTOTEC°, ou déjà associé au diclofenac dans ARTHROTEC°) 30. Le caractère acide des AINS peut avoir un léger impact sur le risque de lésion locale de l'épithélium gastrique 31. Lorsque le pH de l'estomac est très bas (à jeun), les AINS vont diffuser rapidement dans la paroi de l'estomac mais de ce fait aussi l'irriter. Une prise des AINS à jeun avec beaucoup de liquide garantit donc une absorption rapide et optimale, mais peut être plus dommageable pour l'estomac. Ce mode de prise est cependant recommandé pour traiter une douleur aiguë. Au contraire, lorsque le pH est plus élevé (environ 1 heure après le repas) l'absorption de l'AINS sera ralentie, et il attaquera moins la muqueuse de l'estomac. Les gens "délicats de l'estomac" auront donc intérêt à prendre leurs antinflammatoires avec ou peu après les repas 32. Utilité de prendre les AINS avec les repas ? - A retenir pour le conseil : la gastrotoxicité des AINS est principalement due à leur mécanisme d'action il faut donc choisir les molécules les moins toxiques (ibuprofène, diclofénac) recommander une prise à jeun avec beaucoup de liquide pour traiter rapidement une douleur aiguë recommander une prise pendant ou après le repas pour des personnes ayant des problèmes gastriques (brûlures, reflux ..) pour les personnes à fort risque, l'adjonction d'un gastroprotecteur (anti-H2 ou IPP) est parfois nécessaire 28 Micromedex 2003 Pharmacist's letter, 2002:# 180306 30 The pharmacist's letter ,2004: #200210 31 Atlas de poche de physiopathologie, 2000 32 Manuel pratique du pharmacien suisse 2001/2002: 269-279 29 © Pharma-News page 11 Numéro 14, Mai 2004 Pour en savoir plus… Tiques et maladies associées Contrairement à ce que l'on croit souvent, la tique n'est pas un insecte mais un proche parent des araignées. Parmi les quelques 800 espèces de tiques connues, Ixodes ricinus est la plus représentée dans notre pays. Les tiques sont présentes dans toute la Suisse jusqu'à environ 1500 m d'altitude. On les trouve surtout dans les sous-bois touffus des forêts de feuillus ainsi qu'à la lisière et sur les chemins de ces forêts. Elles sont rares dans les jardins et les forêts de sapins. Elles ne tombent pas des arbres mais se tiennent sur les herbes et broussailles (max. 1.2 à 1.5 m du sol), prêtes à s'agripper à un hôte de passage (oiseau, rongeur, chien, homme, etc.). Le risque de piqûre est maximum au printemps et en automne. Pour assurer leur croissance, elles doivent absorber du sang à chaque stade de leur développement (larve, nymphe, adulte). Le processus de succion dure deux à trois jours chez la larve et sept à onze jours chez la femelle adulte. La tique se fixe solidement et profondément à son hôte grâce aàdes petits crochets qui rendent son extraction très difficile. En pénétrant dans la peau, elle excrète une substance anesthésiante qui rend sa présence inaperçue 33. Les tiques peuvent transmettre différents agents pathogènes à l'homme tels que la bactérie Borrelia burgdorferi et le virus de l'encéphalite à tiques ainsi que des protozoaires comme l'agent de la babésiose. Les tiques porteuses du virus de l'encéphalite et pouvant transmettre celui-ci par morsure se trouvent dans des zones restreintes et bien déterminées en Suisse. En suisse romande, seule la région entre les lacs de Neuchâtel, Bienne et Morat est infestée. Dans ces régions, environ 1% des tiques sont porteuses du virus. Les cas d'infection chez l'homme sont donc rares. La borréliose de Lyme Elle est provoquée par une bactérie appelée Borrelia burgdorferi. Un érythème migrant (rougeur de forme annulaire qui s'étend de plus en plus) situé à l'emplacement de la piqûre de la tique se produit chez environ 30% des patients infectés 3 à 30 jours après la piqûre. Malheureusement, chez les 70% des patients restant le premier stade de la maladie passe inaperçu et ne sera diagnostiquée qu'à un stade plus avancé. Un état fébrile, des céphalées, des malaises, des arthralgies et des myalgies peuvent également apparaître. Les patients non traités peuvent développer des atteintes cardiaques, des douleurs articulaires ou des troubles neurologiques. Les manifestations tardives comprennent des arthrites récidivantes, typiquement du genou, ainsi que des affections neurologiques variées. La maladie de Lyme débutante répond à l'antibiothérapie (doxycycline, amoxicilline) chez presque tous les patients. En principe, on ne recommande pas de traitement prophylactique suite à des piqûres de tique 34; les traitements sont instaurés à l'apparition de symptômes uniquement. Il n'existe pas de vaccin contre cette maladie. 33 34 OFSP, Recommandations pour la vaccination contre l'encéphalite à tiques, mars 2003 The Medical letter, 2000, vol 22, no 11 © Pharma-News page 12 Numéro 14, Mai 2004 L'encéphalite à tiques L'encéphalite à tiques (ou FSME/TE, selon les abréviations en allemand et en anglais), appelée également méningo-encéphalite verno-estivale, est une atteinte cérébrale due à un virus. Dans 70% des cas, l'infection est asymptomatique. Dans les autres cas, elle peut se manifester en une ou deux phases: 1. Dans 20% des cas on n'observe que la première phase. Des symptômes de type grippal tels que maux de tête, fatigue ou douleurs articulaires apparaissent 7 à 14 jours après la piqûre. Ils disparaissent assez rapidement. Dans la plupart des cas, il n'y a aucune suite et le malade est immunisé à vie. 2. La deuxième phase apparaît chez 5 à 15% des patients. Elle se manifeste après un intervalle de 8 jours environ, exempt de symptômes, et touche le système nerveux central. Méningite ou encéphalite se déclarent par de violents maux de tête, photophobie, vertiges, troubles de la concentration, difficultés d'élocution, de locomotion. Dans la plupart des cas, la maladie disparaît en quelques semaines sans laisser de suites. Il n'existe pas de traitement causal pour cette maladie, celui-ci visant uniquement à atténuer les symptômes 35. Une vaccination contre cette infection est possible avec les vaccins cités dans l'article sur FSME-Immun° junior (p. 4). La babésiose (syn. Piroplasmose) C'est une zoonose (maladie de l'animal transmissible à l'homme) touchant le bétail, le chien, etc. La transmission à l'homme se fait par l'intermédiaire des tiques. L'agent infectieux est un protozoaire. La maladie peut-être inapparente ou se manifester après une période d'incubation de 1 à 4 semaines par de la fièvre, des myalgies et des signes d'hémolyse. Le traitement implique une association d'antibiotiques 36. Signalons encore qu'une bonne protection contre les tiques est essentielle en cas de promenades ou de séjours en forêt : ☺ vêtements bien fermés ☺ repellents (perméthrine (MOUSTIFLUID°), DEET (ANTIBRUMM°, EXOPIC°, ZANZARA°))37 ☺ éviter les sous-bois ☺ après exposition, chercher les tiques dans les vêtements et sur le corps ☺ enlever les tiques le plus rapidement possible en tirant progressivement dessus à l'aide d'une pincette et désinfecter Tiques et maladies associées - A retenir pour le conseil : les tiques peuvent transmettre différents agents pathogènes (bactéries, virus) responsables de maladies relativement rares, mais potentiellement graves certaines de ces maladies répondent aux antibiotiques, mais d'autres doivent être traitées de manière symptomatique la prévention des morsures est essentielle (vêtements couvrants, repellents, etc…) 35 OFSP, Recommandations pour la vaccination contre l'encéphalite à tiques, mars 2003 Vademecum clinique, V. Fattorusso/O. Ritter, Masson, 17ème Ed., 2004 37 The Medical letter, 2003, vol 25, no 13 36 © Pharma-News page 13 Numéro 14, Mai 2004 En bref… RESCULA° Les matières premières indispensables à la fabrication de ce collyre contre le glaucome ne sont plus ou difficilement disponibles, raison pour laquelle Novartis a décidé de retirer RESCULA° du marché. OMEZOL-MEPHA° MT Ce générique de l’ANTRA° existe maintenant sous forme de capsules qui libèrent dans l’estomac des microcomprimés (Micro-Tablets = MT), eux-mêmes gastro-résistants, qui se dissolvent dans l’intestin. Attention, ce n’est pas une forme retard, mais cette nouvelle galénique permettrait plutôt une libération plus rapide du principe actif. CALCIUM SANDOZ° D3 Nouvel arôme pour les comprimés à croquer de cette gamme, histoire de ne pas lasser les gens qui prennent ça sur du long terme. Pour mémoire, voici les différentes formes de CALCIUM SANDOZ° D3; le dosage indiqué est celui du calcium : Comprimés effervescents (600 mg) Comprimés à croquer F (500 mg) Comprimés à croquer F (500 mg) Sachets F (500 mg) Sachets FF (1000 mg) Arôme citron Arôme abricot Arôme orange (nouveau) Arôme citron Arôme citron ZYRTEC° Attention, toute la gamme ZYRTEC° sort de la LS à partir du 1er mai. ZYPREXA° Ce neuroleptique existe désormais aussi sous forme injectable : une poudre à recomposer pour injection i.m. au dosage de 5 mg/ ml. A noter qu’il est d’ores et déjà LS. REDOXON° Encore des modifications dans les gammes OTC de Roche, puisque cette fois, ce sont les emballages de 30 et 100 comprimés à sucer de REDOXON° qui disparaissent pour laisser la place aux emballages de 60 pièces… Et pour faire passer la pilule aux clients, on leur change même l’arôme qui passe de "fruits" à "orange". RHINOPRONT° Pour des "raisons de restructuration" (…), la firme Pfizer arrête la commercialisation de ce produit. Note de l'éditeur Les avis exprimés dans le Pharma-News reflètent l'opinion de leurs auteurs en fonction des données disponibles au moment de la rédaction et n'engagent en aucune manière le CAP. © Pharma-News page 14 Numéro 14, Mai 2004